L`OBSERVATEUR DE L`IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER

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L`OBSERVATEUR DE L`IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER
n° 89
L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER
UNE SOCIÉTÉ FRANÇAISE
BOUSCULÉE PAR SES MUTATIONS
BILAN DE L’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
SUR LONGUE PÉRIODE
CARTES EN MAINS :
FOCUS SUR LA GIRONDE
ÉDITORIAL
Multipliez
les points de vue
pour voir la situation
sous le meilleur angle
CONSEIL - EXPERTISE - COMMERCIALISATION
Au contact de nos clients - investisseurs, propriétaires privés et institutionnels, promoteurs et utilisateurs -, nous avons appris
à envisager les questions qui nous sont posées sous tous les angles. Et nous avons forgé cette conviction que nos métiers
impliquent une approche sur-mesure et exigent la plus grande proximité. C’est pourquoi nos 260 collaborateurs ont l'ambition
de conduire leurs missions de conseil, d'expertise et de commercialisation, avec le souci de confronter les points de vue pour
réussir au plus près des objectifs de chacun.
17 implantations,
autant de marques d'attention
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www.creditfoncierimmobilier.fr - 24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00
: 06 98 32 44 24 / Crédits photos : Fotolia / iStockphoto / Thinkstock - Crédit Foncier Immobilier - SA au capital de 211 605,07 € - RCS Paris 405 244 492 - Siège social : 19, rue des Capucines - 75001 Paris
L
a subjectivité est une adversaire redoutable de la raison, et
conduit parfois à des décisions discutables ou illogiques, motivées par
l’affect ou par des sentiments tels que
la peur de l’avenir, la morosité économique ambiante, la crainte du chômage ou de la vacance locative.
La subjectivité est omniprésente sur le marché de l’immobilier résidentiel, où vendeurs et acheteurs sont le plus souvent des particuliers, et donc des « amateurs », sans connotation péjorative.
Les anticipations de ces acteurs relèvent trop souvent de
l’irrationnel : des acheteurs frileux, qui craignent de s’engager à long terme, et des vendeurs crispés sur des prix
d’affichage excessifs (la fameuse valeur « affective »), caractérisent une activité aujourd’hui ralentie (710 000 ventes
estimées pour 2014 dans l’ancien, et un total de 310 000
constructions neuves seulement).
Les uns se sont persuadés qu’il était urgent d’attendre la
chute des prix (prédite depuis bientôt une dizaine d’années),
les autres espèrent des temps meilleurs, quand l’économie
et l’inflation repartiront de concert. Tous sont convaincus
que, de façon endémique, le logement s’est progressivement
raréfié, en France, atteignant ainsi des niveaux de prix jugés
excessifs.
La réalité est sensiblement différente : selon l’Insee, la
France comptait 33 192 000 logements en 2012, chiffre à rapprocher d’une population estimée à 65 252 000 habitants. Le
rapport des deux chiffres renvoie donc un ratio de un logement pour un peu moins de deux Français. Curieusement,
ce ratio est sensiblement identique (un pour deux) en Allemagne, pays où le marché résidentiel est bien plus détendu,
les loyers et les prix beaucoup plus modérés et accessibles.
L’erreur vient de ce que l’on a oublié un paramètre important : la France urbaine, principale pourvoyeuse d’emplois,
se développe inexorablement à une époque où le recul du
secteur industriel continue de dépeupler les villes petites
et moyennes. Elle attire toujours plus de « ruraux » qui
viennent alimenter, dans les métropoles, une demande de
logements collectifs, plus coûteux à produire, sur des terrains toujours plus rares.
Il en résulte que c’est la France « profonde » qui en subit
les effets : sur 36 600 communes, on peut estimer que seules
10 % d’entre elles ont eu un marché immobilier actif en 2013.
L’exode rural profite, certes, aux métropoles et aux grandes
villes, mais affecte durablement le marché immobilier des
villes moyennes et secondaires, où l’offre de logements spacieux à des prix faibles peut se révéler surabondante.
Ainsi, bien au-delà du critère du prix, scruté par tous les
acteurs, se pose la question centrale de la liquidité. D’où un
risque immobilier à reconsidérer en termes de profondeur
de marché.
Vous trouverez dans ce numéro d’autres sujets de réflexion
tout aussi passionnants. Je vous en souhaite une très bonne
lecture.
Bruno Deletré
Directeur Général du Crédit Foncier
4
5
SOMMAIRE
Crédit Foncier Immobilier
19, rue des Capucines – Paris 1er
Adresse postale : 4, quai de Bercy
94 224 Charenton Cedex
Téléphone : 01 57 44 80 00
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1
4
Rédacteur en chef : Emmanuel Ducasse.
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Abonnements : Sylvie Buisson : 01 57 44 86 61
Mail : sylvie.buisson– [email protected]
Changement d’adresse :
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Prix abonnement au numéro : 30 €
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Crédit Foncier de France – S. A. au capital
de 1 331 400 718,80 € – 542 029 848 RCS Paris.
Maquette et réalisation :
L
ogement :
pourquoi et comment faut-il relancer
la construction > P. 14
Les fonds souverains : une classe
7
d’investisseurs à part > P. 32
Par Jean Viard, directeur de recherche CNRS au Cevipof
(centre de recherches politiques de Sciences Po).
Il nous expose son analyse des mutations qui touchent notre
société.
Directeur de la publication : Bruno Deletré.
Comité de rédaction : Laurent Batsch,
Mirella Blanchard, Éric Buffandeau, Denis Burckel,
François Cusin, Emmanuel Ducasse, Paul Dudouit,
Claire Juillard, Christian de Kerangal, Michel Mouillart,
Nicolas Pécourt.
U
ne France bousculée > P. 8
Par Emmanuel Ducasse, directeur des études,
Crédit Foncier Immobilier.
Il brosse, dans ce numéro, un portrait synthétique des fonds
souverains et de leurs spécificités.
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L
es réponses apportées par le prêt
viager hypothécaire aux enjeux du
vieillissement de la population > P. 54
Par Nicolas Pécourt, directeur communication externe
et RSE, Crédit Foncier.
Il nous détaille l’intérêt du prêt viager hypothécaire au regard
du vieillissement de la population.
L’aménagement des espaces de travail :
une décision stratégique > P. 35
8
Le viager d’aujourd’hui > P. 60
Par Denis Burckel, professeur associé, directeur du master
« Management de l'immobilier », université Paris-Dauphine.
Dans ce numéro, il nous propose un regard sur les conditions
et enjeux de la relance de la construction.
Par Sébastien Boussuge, directeur conseil & audit,
Crédit Foncier Immobilier.
Il nous livre un éclairage sur les stratégies d’aménagement
du lieu de travail.
Par Nicolas Tarnaud, titulaire de la chaire immobilier
& société, Neoma Business School.
Il réalise un tour d’horizon du viager et étudie sa place
dans le marché immobilier actuel.
CORPORATE
RÉSIDENTIEL
RÉGIONS
Crédits photo : Photononstop.
Impression : Stipa.
Dans le souci du respect
de l’environnement, le présent
document est réalisé par
un imprimeur Imprim’Vert®, avec
des encres bio à base d’huile végétale
sur un papier certifié FSC® fabriqué
à partir de fibres issues de forêts
gérées de façon responsable.
3
La loi Pinel > P. 24
6
Regards sur l’accession à la propriété
en longue période > P. 42
9
Cartes en mains :
l’immobilier résidentiel en Gironde > P. 70
N° de commission paritaire :
2 026 AD – ISSN 0767– 6794.
Dépôt légal : décembre 2014.
Par Gabriel Neu-Janicki, avocat à la Cour – MRICS.
Il nous détaille la loi Pinel et ses impacts sur les baux
commerciaux.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Par Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris
Ouest et conseiller scientifique de CSA, et Véronique Vaillant,
directrice d’études à CSA.
Pour cette édition, il dresse le bilan de trente ans d’accession
à la propriété.
Dans cette rubrique, la Direction des études de Crédit Foncier
Immobilier présente les faits et chiffres du marché résidentiel
girondin.
n° 89
SOCIÉTÉ
L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER
REVUE DU CRÉDIT FONCIER
n° 89
7
SOCIÉTÉ
UNE FRANCE BOUSCULÉE
Par Jean Viard, directeur de recherche CNRS
au Cevipof (centre de recherches politiques
de Sciences Po).
LOGEMENTS : POURQUOI ET
COMMENT FAUT-IL RELANCER LA
CONSTRUCTION ?
Par Denis Burckel, professeur associé, directeur
du master « Management de l'immobilier »,
université Paris-Dauphine.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
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UNE FRANCE BOUSCULÉE
Par Jean Viard, directeur de recherche CNRS au Cevipof
(centre de recherches politiques de Sciences Po) (1).
Pour le sociologue, notre société est depuis un demi-siècle
bouleversée par l’allongement de la vie, la place nouvelle
faite aux femmes, le rôle de l’éducation de masse et la réduction du temps imparti au travail. Et cette société est entraînée dans un monde limité, de plus en plus interconnecté,
connu, interactif. Un monde où nous faisons de plus en plus
l’amour mais en procréant de moins en moins : et pourtant,
nous y sommes de plus en plus nombreux. Car la démocratisation de l’érotisme se conjugue avec l’allongement de
la vie et la maitrise croissante des naissances, pour charger la barque Terre d’une Humanité en expansion dans un
espace clos. Mais comment alors faire nation comme nous
faisions nation hier dans ce monde-là ? Comme faire France
ensemble quand la terre chauffe et que le peuplement augmente ? Quels projets peuvent à nouveau rassembler cette
vieille nation si politique qui avance par des ambitions et
des idées successives ?
Ces évolutions immenses sur lesquelles nous allons revenir ont été lentes et nous en avons, de ce fait, peu pris
conscience. Pourtant, nous avons gagné 40 % d’espérance de
vie en trois générations, 25 ans en moyenne, passant d’une
société trois générations à une société quatre générations.
Le salariat féminin est passé de 50 % d’une classe d’âge à
80 % : de 1975 à 2015 la France compte 4,5 millions de salariés en plus, un million d’hommes et 3,5 millions de femmes.
Les femmes travaillent donc plus, les hommes moins. Mais
la place du travail dans nos vies a été bouleversée passant
de 40 % à 12 % du temps de notre existence car la vie s’est
allongée et la semaine de travail est passé de 80 heures
en 1848 à 35 heures aujourd’hui. Sans même parler de la
retraite. En outre, on dort deux heures de moins par jour
qu’il y a un siècle. Autrement dit, le temps hors travail et
hors sommeil est devenu majoritaire. Le temps dit « libre ».
D’où une population de plus en plus nombreuse avec de
moins en moins de bébés. Les équilibres de la société en
ont été bouleversés : le temps dont nous disposons, l’enjeu
même de cette possession, la place des liens liés aux travail,
les kilomètres que nous parcourons, la diversité de nos rencontres, la multiplicité de nos appartenances, le retour des
identités religieuses, locales, comportementales et le recul
des appartenances de classe sans parler de l’empreinte écologique de ces vies longues…
(1) Jean Viard a récemment publié Nouveau portrait de la France et La France dans le monde qui vient aux éditions de l’Aube.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
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société
2.1 / UNE TEMPORALITÉ BOULEVERSÉE
D
epuis 1945, en France et en Europe, la durée de vie
moyenne a augmenté d’environ 25 %, le PIB a été multiplié par quatre, et les kilomètres que nous parcourons par
neuf. On est passé de 9 à 45 kilomètres en moyenne par jour
et par Français. 70 kilomètres aux États-Unis dont 50 % en
avion. On vit sur des trajets, on n’habite pas un seul lieu,
on habite une mobilité avec des lieux repères qui ne font
plus repaires. Du moins pour la majorité supérieure de la
société. Nous sommes multi-appartenants dans une spatialité en archipel.
Nous allons vivre 700 000 heures, c’est notre espérance de
vie moyenne aujourd’hui, nos enfants vont vivre probablement 800 000 heures et nos grands-parents ont vécu 500 000
heures. Nous avons donc gagné 200 000 heures d’espérance
de vie en trois générations, ce qui est un bouleversement
majeur dans l’histoire de l’homme. C’est peut-être ce que
l’on racontera de nous dans cinq cents ans. Comme disait
Jean Fourastié, nous sommes entrés dans la civilisation
des vies complètes. Et on a massivement démocratisé l’espérance de vie, même si les écarts restent importants. En
France, un instituteur vit sept ans de plus qu’un ouvrier –
l’espérance de vie sur la planète est passé de 59 ans à 69 ans
en trente ans. C’est d’ailleurs parce que nous vivons plus
longtemps que nous allons être neuf milliards de contemporains vers 2050.
Nous avons à réfléchir à cette société où quatre générations
coexistent, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de
l’homme. On perd ses parents à 63 ans, on est grands-parents
à 53 ans. On hérite donc vers 63 ans pour investir dans la
retraite, dans des maisons avec jardin, dans des caravanes,
des bateaux… Nos parents héritaient vers 40 ans et faisaient
des investissements plus économiques – ils investissaient
dans le logement, les entreprises, les petits commerces, une
ferme – alors que nous faisons massivement des investissements ludiques. Si on supprimait l’ensemble de nos jouets
d’adultes, de la résidence secondaire au 4x4 en passant par
les jeux électroniques, les livres, les bateaux et le tourisme…
l’économie s’effondrerait ! Tout cela induit une multiplication
des maisons avec jardin, la bi-résidence pour plus de 20 %
des familles, dans le déplacement massif de la population…
Cela bouleverse aussi les attentes des urbains qui, même
modestement, veulent accéder à cette société du plein air, du
soleil, de la nature, de l’animal. Tout logement neuf devrait
compter au moins 30 % de sa surface en terrasse ou jardin.
2.2 / UN TRAVAIL RÉDUIT
N
ous devrons travailler 42 ans, en moyenne, 1 607
heures par an, soit 67 494 heures pour avoir droit à la
retraite. Sur des vies moyennes en France de 700 000 heures
actuellement. Soit 10 %. Et si on calcule la part des heures
déclarées travaillées par rapport à la part des heures vécues
aujourd’hui en France et en Europe, on arrive à 12 % du
10 une france bousculée
Alors le temps hors travail qui était le cœur du lien social
des élites avant la révolution industrielle a été démocratisé
comme cœur du lien pour toute la société. Les liens et les
activités du hors travail vont induire de multiples appartenances qui viennent concurrencer celles induites par le
monde de la production. Le sommeil d’abord avec, comme
premier souci, logiquement, le bruit. Ensuite, on a démocratisé l’érotisme. On fait entre six et huit mille fois l’amour
dans une vie contre moins de mille avant 1914. Soit un bébé
toutes les 3 000 relations contre environ un toutes les cents.
Effondrement de la productivité ! Cette démocratisation de
l’érotisme qui était l’apanage des élites nécessite des rencontres, des restaurants, des quantités de lieux, de gestes,
de déplacements. Il n’y a presque plus de limite d’âge sauf
celles que pose la loi… Les codes des vacances et de la télévision ont joué ici des rôles considérables.
temps consacré au travail déclaré : 88 % de notre temps est
donc, dans les pays développés, un temps hors travail. Là
est le cœur des liens des sociétés modernes, là où le travail était le grand ordonnateur des sociétés de la révolution
industrielle. Le travail masculin principalement.
Le travail, maître du temps donc de 1789 à 1936, malgré
son évidente importance, n’est plus que le deuxième pilier
d’une organisation sociétale qui lui échappe chaque jour
davantage. Un travail de plus en plus court mais généralisé,
y compris aux femmes qui sont aujourd’hui massivement
salariées. Avec dans les milieux populaires, un rejet de plus
en plus fort de ce qu’on y vit et une attente croissante… de
la retraite. Un travail, donc, survalorisé et majoritairement
malheureux. Sauf pour les élites, les cadres, les créateurs,
les décisionnaires… Là où les uns espèrent arriver à l’âge
de la retraite, les autres le craignent.
11
société
Dans le même ordre d’idées, 57 % des bébés sont nés hors
mariage en France en 2013 alors que l’on n’avait dépassé
les 10 % de bébés hors mariage qu’en 1919 et 1945 pour des
raisons historiques évidentes. Cela veut dire qu’une structure aussi forte que le mariage, la base de la structure de la
famille, s’est complètement ouverte. Elle n’a pas disparu,
elle s’est transformée. En outre, 50 % des mariages se défont
avant la cinquième année en Île-de-France. Sans doute
parce que dans cette société qui adore les fêtes, le mariage
est plus une fête qu’un engagement. Et comment s’engager
quand la vie s’est allongée de vingt-cinq ans en un siècle ?
Ainsi des structures anthropologiques fondatrices comme le
mariage et la famille ont été bousculées en un demi-siècle.
Dans cette société où la place du travail a changé et où la
question du temps libre et des loisirs est devenue centrale,
les deux éléments qui ont porté les innovations depuis la
guerre, là où on a inventé des codes, des manières de se
parler, de s’habiller, de masquer l’effort aussi, sont la télévision et les vacances. Là sont les grands bâtisseurs normalisateurs de ce temps libre massif. Et à ces nouvelles normes
et valeurs issues de la télévision et des vacances, ajoutons
une chose essentielle : plus la vie est longue, plus on la vit
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
par séquences courtes, car on peut sans cesse retenter sa
chance. Il faut comprendre cet apparent paradoxe. On a le
temps pour changer de région, de métier, de conjoint…et
recommencer à vivre. Nous vivons ainsi dans une société
de discontinuités où la vraie question est « qui choisit et
qui subit ».
On est dans un processus de transformation de la société
par le temps libre et les apprentissages des loisirs. Ce n’est
plus le temps libre à côté de la société du travail, c’est le
temps libre comme moteur de lien social et de l’équilibre
nouveau entre les territoires. Nous sommes passés à une
société bâtie sur deux piliers : le travail qui représente donc
12 % de notre temps et le non travail qui en représente 88 %.
Mais, en réalité, ils pèsent à peu près le même poids en
capacité de transformation des liens sociaux, du logement,
des mœurs, des structures culturelles… Certes, le travail
produit du revenu et du statut. Mais ce temps libre considérable est devenu un temps d’apprentissage, de jeux, de
découvertes et de rencontres qui induit largement le renouvellement de la productivité du travail.
Cela crée une société de mobilité, humaine, culturelle, sociale,
géographique, dont nous lisons les traces avec les divorces,
les licenciements, les migrations et les déménagements, les
mobilités spatiales et numériques. Mais ce ne sont que des
traces, le processus culturel est bien plus large. Le lien social,
le lien entre travail et territoire, territoire et politique… s’est
donc affaiblit, mais les liens ont par contre augmenté dans
l’espace privé, sentimental, familial, identitaire. On peut dire
que le lien social s’est privatisé. Nous n’avons jamais autant
fait l’amour, nous n’avons jamais eu autant d’amis, ni regardé
la télé ou Internet, écouté de la musique, cuisiné par plaisir,
bricolé, même lu. Nous n’avons jamais autant parlé à nos
enfants, nous n’avons jamais autant parlé à nos parents et
tout cela, où est-ce que ça se passe ? D’abord dans le logement. Les liens sont entrés dans le logement alors qu’avant
le logement était le lieu du couple familial et était inscrit
dans les liens du quartier, du village et du groupe social.
Le logement a le plus souvent intégré en son sein l’espace
public des années soixante : espace vert, télévision, musique,
barbecue… Il est devenu le lieu premier du loisir. L’espace
public ne gardant que les activités exceptionnelles, l’espace
de socialisation de la jeunesse, des populations défavorisées,
des migrants et des touristes. Le touriste étant d’ailleurs souvent la figure qui renouvelle l’espace public et fait ressortir
l’habitant, car il revitalise l’espace extérieur.
Nos liens les plus divers sont donc rentrés dans nos maisons, nous en avons fait des temples affectifs et culturels.
S’y déploie une famille-tribu quatre générations. Avec par
exemple une ré-augmentation des repas du dimanche après
le creux post 68. Nous y avons des écrans, de la musique,
des meubles à roulettes dans la chambre des enfants pour
qu’ils les poussent quand ils font une petite fête. Le logement est devenu un modèle réduit de la société, que nous
avons alors agrandi et bien sûr doté d’un jardin pour la moitié d’entre nous. Le jardin, il faut le penser avec la télé, avec
le canapé du salon… et les pièces centrales du jardin sont
le barbecue, l’animal domestique et le point d’eau. Il y a
une civilisation du barbecue. Le dîner avec la belle-mère,
rapport vertical, se passe à l’intérieur car la concurrence
sur la daube entre générations – problème sérieux qui perdure – fait partie de la transmission de l’homme entre deux
femmes, alors que le barbecue est à l’extérieur au cœur de
liens sociaux souples et souvent éphémères de la tribu familialo-amicale. Chacun amène son rosé et sa côtelette, nous
sommes en société horizontale.
NOS LIENS LES PLUS
DIVERS SONT DONC
RENTRÉS DANS NOS
MAISONS, NOUS EN AVONS FAIT DES
TEMPLES AFFECTIFS ET CULTURELS.
S’Y DÉPLOIE UNE FAMILLE-TRIBU
QUATRE GÉNÉRATIONS.
12 une france bousculée
Le jardin est le lieu de sociabilité qui prolonge la maison
dans cette culture du lien privé. Comme ces liens sont
entrés dans la sphère du privé, on a le sentiment qu’il n’y
a plus de liens dans la sphère du public. Les politiques
parlent de crise du lien social, mais c’est en réalité un profond changement du lien social. On n’a jamais eu autant de
liens, sans compter qu’on les prolonge par le numérique.
C’est pour cela que la première question de l’augmentation
du nombre de jardins privés est la marque du développement massif de la privatisation du lien social à l’intérieur
de l’espace domestique. C’est une idée que j’aimerais que
vous gardiez.
2.3 / RETROUVER LA SAISONNALITÉ
ET LE MONDE VERT
J
’ajouterais que la société industrielle a failli oublier les
saisons et le cycle de la lumière. L’atelier éclairé fut sa
grande invention, la durée régulière du travail toute l’année
sa force. La ville populaire devient le lieu unique de vie
du peuple, son village d’origine un souvenir. Les bourgeois,
eux, comme les aristocrates, ont toujours eu deux lieux : un
pied en ville et un pied-à-terre en campagne. Culture et
urbanité, propriétés, parc et nature.
L’urbanité s’est généralisée, chose que nous disons depuis
longtemps avec Bertrand Hervieu. Nous sommes tous des
urbains culturels parce que nous faisons des études, nous
allons en ville, nous regardons la télévision… 70 % des paysans sont à moins d’une heure d’un centre-ville en France
et 82 % font leurs courses au supermarché, le paysan n’est
plus un individu à part (même s’il continue à le croire et si
les urbains le croient aussi d’après nos études). Le groupe
social qui fait le plus de kilomètres tous les jours, ce sont
les femmes d’agriculteurs, ce qui est normal parce qu’il faut
amener les enfants à l’école, aller au supermarché, chercher
le phytosanitaire… Il y a un nouveau rapport à l’espace, saisi
par la mobilité réelle et virtuelle.
13
société
Mais quand on pense triomphe de l’urbanité, société horizontale portée par la révolution informatique, il faut aussi
se rappeler que les élites ont, de tous temps et en tous lieux
dans toutes les civilisations, été bi-résidentiels. L’urbain
sans terres, sans plantes, sans arrosage, sans jardin n’existe
que dans les milieux pauvres. Les moines s’enfermaient,
mais au centre du monastère ils avaient un petit jardin. Les
temples japonais aussi, même s’il n’est que minéral. Il faut
donc se dire aussi, que de même qu’on a démocratisé la
sexualité, l’éducation, la santé, on a démocratisé l’accès à
la nature sous diverses formes dans la culture urbaine. Birésidence, maisons avec jardins en périphérie des villes, terrasses plantées, vues sur la forêt ou la mer. Il y a différentes
façons d’être urbano-nature. On peut être bi-résident parce
qu’on habite à côté de la ville et que, tantôt c’est une maison
de vacances, tantôt c’est une maison de travail, on peut l’être
aussi parce qu’on habite dans une ville dense et qu’on a une
maison lointaine, on peut l’être encore parce qu’au fil de la
vie on va se déplacer dans le territoire, chasser en ville le
partenaire, se reproduire en périphérie urbaine, descendre
vers le Sud quand on sera plus vieux… Il y a des quantités
de façons. Il faut par exemple penser la nature en ville par
rapport au trajet de l’habitant dans la cité pour qu’il la rencontre régulièrement comme la vue sur le lointain. Passer
« des espaces verts » à de la « nature exubérante ». Penser et
organiser la ville non pour que chacun ait un paysage ou un
jardin à lui, mais pour que chacun y soit confronté dans son
quotidien. Le cœur de la société moderne est l’affection, et
le jardin est de tout temps l'un de ces hauts lieux.
Pour résumer, au XIXe siècle on a inventé la guinguette, les
temples urbains de la culture, la station, la mer, la plage, le
sport, etc. Au XXe siècle on a inventé la maison du peuple,
l’éducation populaire, l’animation, le cinéma, la télévision, la
montagne, le ski, l’amour de la campagne pour les vacances,
les compétitions sportives. Puis Paris plage, les rave-party,
les coupes du monde, les jeux Olympiques délirants et
magnifiques, Internet. Après la guerre, quand on allait en
vacances à la campagne, c’était un signe de pauvreté car
on « remontait » l’exode rural chez des parents ou grands-
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
parents. Et puis on a inventé les festivals, l’idée de concentrer des périodes culturelles intenses. Peut-on comparer au
Luberon et à tant d’autres maisons de famille ?
Pour conclure, je dirais que nous devons juger positivement
la société qui nous permet de nous poser ce genre de question, de développer massivement ce genre de pratique. Si
nous avons du temps, si nous voyageons, si la moitié des
Français a des jardins privés et que 30 % du territoire national est en parc et réserve… c’est que nos sociétés, depuis
cent cinquante ans, ont été formidablement capables de
construire un système social bâti sur l’éducation, sur la paix
et sur la santé, qui fait que la vie a augmenté de 40 % et que
nous sommes devenus massivement mobiles. Mais ce nouvel art de vivre est-il accessible à tous de la même manière ?
La réponse est évidemment non. Les anciens quartiers
populaires urbains souvent construits dans les années 60-70
concentrent les populations qui entretiennent et bâtissent
cette ville confortable et créatrice où se concentre l’écono-
mie de l’information, de la formation, de la santé et de la
culture. Mais, cette population indispensable « au confort
bobo » est souvent contrainte de trouver un nouvel art de
vivre dans des croyances anciennes, souvent importées,
voire radicalisées ou caricaturées. L’offre de loisirs, de
voyage, de départ pour la retraite dans les quartiers populaires est gravement déficiente. Notamment pour les jeunes.
Et dans l’entour de la ville, la non-construction politique
du périurbain fait vivre souvent en lotissement, sans projet commun, des populations qui se retrouvent repliées sur
elles-mêmes. Exacerbation du bonheur privé taraudé par
l’angoisse du chômage et du malheur public. Crise aussi de
notre modèle politique.
Nous avons voulu montrer que c’est le fonds culturel de
nos sociétés qui est bouleversé. L’art de vivre y est nouveau, individuel et tribalo-familial, avec des grands événements et des totems considérables comme les stades ou les
parcs régionaux ou nationaux. Mais dans cette société de la
mobilité et de la discontinuité, nous avons à apprendre à
satisfaire des demandes d’apprentissages multiples, à usages
privés ou passagers. Jouer de la guitare pour ses amis, skier
sans faire de course, faire du jogging hors des stades, chercher le bien-être plus que la compétition. Une grande part
des loisirs est vécue hors institutions et hors lieux dédiés.
Les pratiques valorisées par les vacances submergent la
ville et bouleversent les loisirs urbains codifiés. Le zapping
des pratiques, la multiplicité des désirs d’apprentissage, la
culture de la mobilité, la discontinuité de nos engagements
et demandes… tout cela doit favoriser une nouvelle réflexion
pour les politiques publiques. L’enjeu de la démocratisation
en particulier de l’accès aux voyages et au monde numérique devient essentiel. Les anciens temples culturels, les
totems des loisirs d’hier doivent être réévalués ; la vision
des pratiques culturelles issues des années soixante remise
sur le métier. Et surtout la culture du travail doit se recomposer autour de ces individus acteurs qui se retrouvent le
plus souvent dans des structures professionnelles fortement
hiérarchiques. Si la France a inventé des 35 heures fort discutées, elle est aussi le pays où il y a le plus de cadres par
salariés ! À méditer.
14
2
LOGEMENT : POURQUOI ET
COMMENT FAUT-IL RELANCER
LA CONSTRUCTION
Par Denis Burckel, professeur associé, directeur du master « Management de l’immobilier »
à l’université Paris-Dauphine.
« Quand le bâtiment va, tout va », constatait un ministre de
la IIIe République. Et inversement, auraient pu regretter les
52 ministres en charge du logement depuis 1945, de Raoul
Dautry à Sylvia Pinel.
2.1 / DE NOMBREUSES RAISONS
PLAIDENT EN FAVEUR D’UNE RELANCE
DE LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS
L
a relance de la construction de logements est devenue
un sujet d’actualité économique, en période de croissance nulle. Selon un calcul sommaire, le passage du rythme
de 300 000 logements par an, atteint fin 2014, à celui des
500 000 fixé comme objectif par les gouvernements depuis
2007, créerait 360 000 emplois (1). Une telle estimation, pour
approximative qu’elle soit, confirme le vieil adage, et correspondrait à une baisse du chômage d’environ 10 %.
Plus concrètement, le recul de la construction de 421 000
logements en 2011 à environ 300 000 en 2014 s’est accompagné d’une réduction de plus de 100 000 emplois, d’une
baisse des prix de la construction et d’une fragilisation de
nombreuses entreprises du secteur. Celles-ci retardent
les baisses d’effectif, acceptent des marges faibles, nulles,
parfois négatives dans l’espoir d’une reprise. Une prolongation de l’atonie de 2014 pourrait accélérer les dépôts de
bilan et commencer à déstructurer la filière, en supprimant,
dans certaines zones, des entreprises de certains corps de
métiers du bâtiment, des agences d’architecture ou des promoteurs capables de monter des opérations.
Les effets de ces disparitions seraient d’autant plus lourds
que le secteur importe relativement peu de matériaux et
encore assez peu de main-d’œuvre, malgré l’essor des travailleurs détachés. Une relance trop tardive ne permettrait
pas une reprise effective rapide de la construction, faute
d’importations aisées, et aurait des effets inflationnistes
plus nets que dans un secteur ouvert. Inversement, une
15
société
relance rapide aurait peu d’effets négatifs sur le commerce
extérieur. Autre conséquence bien connue, la disparition de
ces entreprises, réparties sur tout le territoire, avec des
difficultés d’emploi et des effets induits sur toute une chaîne
de production toucherait toutes les régions du pays. Une
crise du logement ne se compense pas par une action ciblée
territorialement.
Au-delà de l’effet sur l’activité, un rythme faible de
construction se répercute également sur les prix du
logement. En période de pénurie d’offre, l’ajustement ne
se fait pas par les quantités mais par les prix. La situation de
la décennie 2010 est, de ce point de vue, exceptionnellement
défavorable. Les prix élevés ne stimulent pas la production,
mais c’est la faiblesse de la production qui maintient les prix
à un niveau très élevé.
Certes, le cycle de production est toujours déconnecté du
cycle de prix, avec un effet retard : ainsi, la chute des prix
du début des années 1990 a abaissé la production à des
minima au milieu de cette période avec 310 000 logements
par an entre 1992 et 1996 et seulement 255 000 par an entre
1996 et 2001. Et la hausse exceptionnelle des prix du neuf
n’a pas stimulé, à due proportion, la production dans les
années 2000 : 340 000 logements par an entre 2001 et 2005
et 370 000 par an entre 2005 et 2010. Un triple phénomène
se produit : la lourdeur du processus du projet immobilier
provoque un délai entre l’évolution des prix et celle des
constructions ; les blocages de l’offre atténuent l’effet des
prix sur la production ; cette atténuation est régulée par
l’évolution des prix de l’ancien, qui rattrapent ceux du neuf
en période haussière et s’en détachent en période baissière
moins tendue. Or, dans la période actuelle, la légère baisse
des prix (à fin 2014, moins 4 % depuis le plafond de 2011)
coexiste, sans délai, avec une baisse de la construction à
350 000 par an entre 2011 et 2014.
Le faible niveau de construction empêche de satisfaire
des besoins de logement. Le consensus de nombreux
experts se conforte autour d’un manque d’environ un million de logements. L’étude de Paris-Dauphine, en 2006 (2),
fondait la nécessité de construire 500 000 logements par an
sur les évolutions démographiques et les conséquences de
l’immigration ; un « choc sociologique » augmente encore
cette demande par une baisse du nombre de personnes par
logement du fait d’une part croissante de ménages à une personne (veuves, divorcés vivant seuls) et de la réduction des
familles nombreuses. La frustration que génère la non-satisfaction de ces attentes contribue à un climat social général de
déception. Cette frustration répond à l’envie d’être propriétaire pour se prémunir de toutes sortes de craintes, en particulier financières, liées au risque de chômage, et aux incertitudes sur le pouvoir d’achat, en particulier pour la retraite.
(2) Batsch Laurent, Burckel Denis, Cusin François, Julliard Claire, La demande de logements face aux bouleversements de la société ; le choc sociologique, université
Paris-Dauphine / Crédit Foncier, novembre 2006.
(1) Selon la Fédération française du bâtiment, un logement génère 1,8 emploi.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
16
17
Dans ce contexte, les ménages les plus modestes
peinent le plus à accéder à la propriété et, malgré un
effort de construction exceptionnel des HLM, les listes
d’attente des demandeurs de logements locatifs sociaux
ne baissent pas. Une construction trop faible pénalise
les ménages les plus fragiles, et aussi les plus jeunes,
et creuse les écarts dans les conditions de logement. Le
mal-logement, mesuré chaque année par la Fondation de
l’abbé Pierre, s’accroît.
L’analyse économique, la prise en compte des données financières, les conséquences sociales, les effets sur la confiance
de la société française militent tous en faveur d’un rythme
plus élevé de construction que celui de 2014. Ce sont là des
raisons conjoncturelles, mais aussi des motifs structurels. Il
faut bien relancer la construction de logements. Mais, pour
paraphraser Robespierre, « il ne suffit pas de dire qu’il faut
relancer le logement mais il faut dire comment et où ».
2.2 / QUATRE TYPES DE SOUTIEN À LA
CONSTRUCTION : LES TAUX D’INTÉRÊT,
LA SOLVABILISATION PUBLIQUE
DE LA DEMANDE, LA CONFIANCE
ET LES DÉBLOCAGES DE L’OFFRE
Compte tenu des caractéristiques de la réalisation des logements, les mesures de solvabilisation de la demande (les
acquéreurs) apparaissent les plus immédiates. Pour autant,
des mesures portant sur l’offre et la confiance sont trop
négligées, car très difficiles à quantifier et avec des délais
d’impact incertains.
LE MODÈLE
ÉCONOMIQUE DU
LOGEMENT REPOSE
SUR UN FINANCEMENT AVEC
UNE PART ÉLEVÉE D’EMPRUNT,
DE L’ORDRE DE 60 % POUR
LES LOGEMENTS NEUFS.
Les financements affectés au bâtiment se répartissent entre
l’achat de logements anciens (environ 150 milliards d’euros)
– qui n’ont pas d’effet significatif sur l’activité en dehors des
professions d’intermédiation –, les travaux sur logements
existants (3) (environ 45 milliards d‘euros) – qui ne font pas
l’objet du présent article, mais dont l’impact en emplois peut
être fort et rapide – et l’achat de logements neufs pour environ 73 milliards d‘euros. (4)
Le modèle économique du logement repose sur un financement avec une part élevée d’emprunt, de l’ordre de 60 % pour
les logements neufs (5). La plupart des ménages accédant à la
propriété présentent une part d’emprunt supérieure à 50 %.
Les investisseurs particuliers en logement locatif ont intérêt
à maintenir un niveau significatif d’emprunt dont les frais
financiers sont déductibles des revenus fiscalisés, d’où leur
taux d’emprunt proche de 70 %. Les organismes de logement
social recourent à l’emprunt pour 68 % (logements PLAI,
aux loyers les plus faibles et les plus subventionnés) à 79 %
(logements PLS, les moins subventionnés) (6). Pour un prêt de
quinze ans, une baisse du taux d’intérêt de 1,2 % améliore
la capacité d’emprunt de 8 % (à mensualité de rembourse-
(3) La majoration du crédit d’impôt transition énergétique, porté à 30 % pour les travaux réalisés à partir du 1er septembre 2014, répond à cet objectif.
(4) Les chiffres cités sont extraits des comptes du logement pour 2012 et peuvent varier fortement d’une année sur l’autre selon l’évolution conjoncturelle.
(5) Comptes du logement 2012.
(6) Éclairages. Groupe Caisse des dépôts. Étude n° 5. Juillet 2014.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
ment inchangée) : c’est l’évolution approximative des taux
entre début 2012 et fin 2014 ; compte tenu d’un financement
par emprunt de 60 %, la solvabilisation en est améliorée de
près de 5 %. Une baisse double, qui correspond à l’évolution
des taux entre fin 2008 et fin 2014, améliore la capacité d’emprunt de 16 % et la solvabilisation globale moyenne de 10 %.
Les aides fiscales à l’investissement locatif des particuliers
visent à déplacer l’épargne vers l’investissement logement
en jouant sur la forte sensibilité des Français à l’impôt. Ces
aides présentent l’inconvénient d’augmenter la dépense
publique, et donc le déficit budgétaire, avec, il est vrai, une
recette fiscale attendue supérieure (8).
Le soutien par les taux d’intérêt n’est donc pas négligeable.
Dans le contexte de 2014, il atteint ses limites. Comme il
profite également aux achats anciens dans un marché de
pénurie, il provoque probablement un soutien des prix qui,
toutes choses égales par ailleurs, annule une partie de l’effet
relance. Et le niveau des taux fin 2014 (de l’ordre de 2,5 %)
ne peut plus laisser espérer une baisse équivalente à celle
constatée depuis 2008 (d’environ 2,5 %). Sauf situation déflationniste prolongée, la relance par les taux d’intérêt ne peut
perdurer. La durée moyenne d’endettement, redescendue
en dessous, alors des dix-neuf ans, laisse une petite marge
d’amélioration de la solvabilisation, sachant que banques et
emprunteurs français rechignent à dépasser les vingt ans,
contrairement aux pays d’Europe du sud.
La question centrale reste d’évaluer l’efficacité de ce type
de relance. Le plan de relance du Gouvernement annoncé
fin août ne modifie pas le subventionnement des HLM, car
leurs capacités financières apparaissent adaptées au rythme
très élevé de 100 000 constructions par an, voire à l’objectif de
120 000 logements visés par la convention signée entre l’État
et l’Union sociale pour l’habitat. Le plan cible, en revanche,
l’amélioration du prêt à taux zéro des constructions neuves
en zone peu tendue, car la précédente réduction de ce prêt
avait fait baisser fortement les opérations réalisées avec son
Les aides publiques à l’acquisition représentent 20 % de
l’investissement (7). Leur renforcement doit être comparé à
l’évolution des taux d’intérêt. Celle-ci a eu, depuis 2008, un
effet de solvabilisation équivalent à une hausse de 50 % des
aides publiques. Et, pour compenser une remontée des taux
d’intérêt à leur niveau de début 2012, les aides à l’acquisition devraient augmenter de 3,5 milliards d’euros. L’objectif
des 14 milliards d’euros d’aides publiques consacrées à la
construction est de faciliter le « passage à l’acte » en améliorant des plans de financement de constructions neuves.
Le prêt à taux zéro doit ainsi représenter l’apport personnel des accédants modestes et faciliter leur remboursement
d’emprunt. Le subventionnement des HLM leur permet de
réaliser les opérations tout en respectant des loyers plafond.
(7) 13,9 milliards d’euros d’aides en 2012 (2,5 milliards d’euros de subventions ; 3,2 milliards d’euros d’avantages de taux ; 7,2 milliards d’euros d’avantages fiscaux)
sur 73 milliards d’euros de constructions neuves.
(8) À titre d’exemple, la TVA de 20 % perçue dès l’année N sur la construction d’un logement « Pinel » équivaut à l’avantage fiscal maximal de 21 % que supporte l’État
pendant 12 ans. S’y ajoute au moins le produit de la taxe foncière de l’ordre de 5 % de la valeur du bien en 12 ans.
18
19
aide dans ces zones. Il vise également à faire revenir les
particuliers vers l’investissement locatif, que le dispositif
« Duflot » du 1er janvier 2013 avait nettement fait reculer
par son caractère moins généreux que le dispositif Scellier précédent. En particulier, l’autorisation de louer à des
ascendants et descendants est censée attirer de nouveaux
ménages investisseurs. Une relance par les aides à la solvabilisation doit donc être bien ajustée aux attentes et capacités financières des intervenants ciblés. Elle doit aussi être
suffisamment calibrée pour que l’encouragement psychologique amplifie l’amélioration objective de la solvabilité. Un
exemple de relance réussie remonte au début 2009, avec le
lancement du dispositif d’investissement locatif « Scellier »
qui a valu, à lui seul, un rythme annuel de construction
de 70 000 logements pendant trois ans. Au contraire, des
mesures trop nombreuses risquent d’être illisibles et des
hausses d’aides trop faibles par rapport à un « creux » de
solvabilité peuvent ne pas déclencher un nombre significatif
d’opérations.
Quand la relance de la construction par les aides publiques
est réclamée par les professionnels du secteur, la relance par
la confiance est parfois évoquée par les « milieux d’affaires ».
Globalement, le patrimoine immobilier reste majoritaire dans
le patrimoine des ménages français, très attachés à la pierre et
toujours très désireux de devenir propriétaires. Pour autant,
un projet d’achat immobilier est souvent « le » projet d’investissement de toute une vie pour un ménage qui souhaite devenir propriétaire. L’investissement locatif, encouragé par la fiscalité, reste un engagement de long terme (au moins six ans),
bien plus long que d’autres investissements financiers et pour
un montant unitaire très supérieur (9). S’engager sur six ans
au moins, voire douze ans de remboursement pour l’investissement locatif, ou bien quinze à vingt ans pour la propriété,
suppose l’accord du banquier mais, surtout, une certitude
minimale de pouvoir supporter une pression financière sur le
long terme et une envie de se projeter dans l’avenir. L’incertitude sur la capacité à assumer les remboursements peut être
paralysante, ce qui explique la forte résistance qu’opposent
les organismes accompagnant l’accession à la propriété
sociale face à la réforme de l’APL accession à l’automne 2014.
Des craintes sur le pouvoir d’achat, en particulier avec un
risque élevé de chômage comme en 2014, alimentent ce type
d’incertitude, d’autant plus que les prix de l’immobilier nécessitent des emprunts élevés. Des perspectives économiques
générales influencent autant l’investissement productif des
entreprises que l’investissement immobilier des ménages : la
morosité les ralentit, le dynamisme les stimule. Aussi, le bâtiment ne relancera sans doute pas l’économie, mais l’économie
peut relancer le bâtiment.
comme en toute situation déflationniste ; elle rendra également prudents les investisseurs, qui ne pourront compter sur
une plus-value. Le maintien d’un niveau de prix particulièrement élevé limitera la solvabilité des ménages et continuera
à rendre le « passage à l’acte » difficile. Pour créer des conditions favorables à la construction, une évolution idéale serait
sans doute un repli lent des prix pendant plusieurs années
ou, mieux, leur stabilité en période d’inflation. Bien entendu,
prétendre piloter une telle évolution apparaît bien hasardeux.
Le vieil adage « Quand le bâtiment va, tout va » ne serait
donc qu’un pléonasme… à moins que des éléments spécifiques au secteur n’y créent des conditions d’entreprendre
exceptionnelles, se distinguant du reste de l’économie. Sur
ce point, l’évolution des prix devient un élément très délicat à apprécier. La certitude d’une baisse des prix rapide et
prochaine entretiendra l’attentisme des futurs propriétaires,
Les élus sont très sensibles au Nimby (10), mais aussi aux
conséquences financières de la construction des logements.
Non seulement les terrains consacrés à la fonction habitat
pourraient être affectés à des entreprises générant emplois
et recettes fiscales mais, de plus, l’arrivée de nouveaux habitants engendre des dépenses directes et indirectes non négli-
(9) En moyenne, 200 000 euros contre un engagement minimal de 8 000 euros seulement pour l’assurance-vie.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
La relance par l’offre, en supprimant les blocages les plus
importants qui empêchent la construction, mérite une attention particulière. Trois types de blocages sont bien cernés
sans que les méthodes pour les lever soient encore efficaces :
la répartition locale des compétences d’urbanisme, avec une
charge budgétaire élevée pour les maires bâtisseurs ; la difficile mobilisation du foncier constructible ; l’absence de
mécanismes financiers efficaces d’orientation de l’épargne
privée vers l’immobilier locatif intermédiaire.
La dispersion des pouvoirs et des moyens en matière
d’urbanisme et de logement au niveau local entre 36 000
communes et de nombreuses intercommunalités aux compétences variables est une des causes d’un urbanisme peu
volontariste et, parfois, de réticences à délivrer des permis de construire gênant le voisinage. Les compétences en
matière d’urbanisme et de logement pourraient être transférées aux agglomérations et, en zone rurale, à des intercommunalités généralisées et rationalisées : plan local d’urbanisme et permis de construire, en particulier.
DES PERSPECTIVES
ÉCONOMIQUES
GÉNÉRALES
INFLUENCENT L’INVESTISSEMENT
PRODUCTIF DES ENTREPRISES :
LA MOROSITÉ LES RALENTIT,
LE DYNAMISME LES STIMULE.
geables, crèches, écoles, équipements sportifs et culturels,
aides sociales. L’Aorif constate, à l’automne 2014, le blocage
de projets portant sur 5 000 logements en région Île-deFrance, à la suite des changements de municipalité après
les élections de mars 2014. Une dotation d’État aux communes en fonction des permis de construire pourrait être
calibrée pour aider les maires « bâtisseurs » à financer les
équipements d’accompagnement des nouveaux logements.
Deuxième blocage important, la relative rareté du foncier
en zone tendue s’explique par l’intérêt des propriétaires fonciers à « faire de la rétention », ce qui retarde la vente et en
augmente le prix. Des opérations de construction peuvent en
être retardées au point d’être abandonnées ; toutes en sont
renchéries (11). Plusieurs mesures ont tenté de mettre fin à
cette situation : les établissements publics fonciers achètent
des terrains pour les porter en l’attente d’un projet immobilier ; depuis une loi de janvier 2013, le prix de terrains
publics peut être réduit pour la construction de logements ;
la différenciation de la taxation des plus-values sur terrains
a été tentée, comme l’abattement de 30 % sur cette taxation
pour les ventes de terrains constructibles avant septembre
2015 ; un complément forfaitaire au mètre carré de la taxe
foncière sur certains terrains constructibles a été institué à
partir de 2014. Les effets restent limités, à fin 2014.
(10) Not in my backyard, attitude d’opposition à des constructions proches de son logement.
(11) Dans Paris intramuros, le prix du terrain représente généralement plus de la moitié du prix de sortie d’une opération immobilière.
20
21
LES MESURES POUR
UNE RELANCE PAR
L’OFFRE PEUVENT ÊTRE
MISES EN PLACE RAPIDEMENT
POUR DONNER DES SIGNAUX
DE CONFIANCE AUX ENTREPRISES
DU SECTEUR.
Certaines propositions (12) suggèrent de lier la « constructibilité » d’un terrain résultant d’un document d’urbanisme et
son imposition foncière. Actuellement, un terrain « à bâtir »
est taxé comme « friche » et paie, à ce titre, un impôt foncier
dérisoire, ce qui rend indolore et donc rationnelle la rétention dudit terrain. Le terrain devrait être évalué au prix du
marché, très supérieur à l’évaluation de friche, pour payer
chaque année une taxe foncière bien plus élevée, décourageant la rétention.
Enfin, troisième difficulté pesant sur l’offre, les investisseurs
institutionnels ont cédé, depuis 1990, environ 900 000 de
leur million de logements, privant le secteur d’acteurs et de
financements majeurs. En 2014, deux dispositifs esquissent
la restauration d’une orientation de l’épargne institutionnelle vers le logement neuf : le statut du logement locatif
intermédiaire (13) (loyers intermédiaires pour ménages à revenus intermédiaires), qui bénéficie d’un taux de TVA à 10 %
en zones tendues et d’une exonération de taxe foncière pendant vingt ans maximum ; le contrat euro-croissance d’assurance-vie et sa déclinaison vie-génération (14), qui procure un
avantage fiscal (décote supplémentaire de 20 % de l’assiette
fiscale) à condition que 33 % de l’actif soient investis dans
les PME, ETI ou dans le logement intermédiaire ou social.
Plusieurs acteurs (15) ont déjà lancé des projets dans ce cadre ;
le plan de relance de fin août prévoit 30 000 logements
intermédiaires financés par l’État et la Caisse des dépôts.
De manière à stimuler la part des contrats vie-génération
profitant au logement locatif intermédiaire, il pourrait être
imposé un compartiment des investissements avantageux
pour ce secteur, par exemple à hauteur de 5 %. Ce dispositif
d’affectation des fonds d’assurance-vie au logement intermédiaire en contre-partie du maintien d’avantages fiscaux
pourrait, le cas échéant, être étendu à d’autres contrats
d’assurance-vie. Sur le modèle du circuit du livret A affecté
au logement social serait créé un circuit de fonds de l’assurance-vie affectés au logement intermédiaire. Pour donner
un ordre de grandeur, la collecte nouvelle brute annuelle
de l’assurance-vie est de l'ordre de 125 milliards d’euros, en
moyenne, sur les dix dernières années, orientée à 85 % vers
les fonds en euros ; 10 milliards d’euros de fonds propres
sont nécessaires pour construire 10 000 logements.
Pour se développer, une telle approche doit éviter deux
écueils : encourager un étalement urbain rapide en favorisant les zones en périphérie d’aires urbaines ; encourager
le logement dans des zones sans activité. Elle devrait, au
contraire, s’articuler avec des politiques de transports et un
encouragement à l’attractivité économique, sachant qu’un
logement suffisant et peu cher constituerait un point positif
pour les entreprises. Cet « aménagement du territoire » du
XXIe siècle mérite sans doute une réflexion et un débat, et
pourrait être facilité par les atouts d’une société numérique,
qui peut partiellement remplacer les déplacements physiques par la communication virtuelle.
2.4 / CONCLUSION
Les mesures pour une relance par l’offre peuvent être mises
en place rapidement pour donner des signaux de confiance
aux entreprises du secteur. Leurs effets seraient, sans doute,
progressifs, mais probablement solides dans la durée.
2.3 / LA RELANCE DOIT-ELLE
SE CONCENTRER SUR LES ZONES
TENDUES OU ENCOURAGER
L’IMPLANTATION DANS DES ZONES
MOINS COÛTEUSES ?
La demande de logements est très concentrée dans des
zones tendues définies par la réglementation des aides :
région parisienne, grandes métropoles, quelques zones
(12) Note du think tank Terra Nova, « Des logements trop chers en France, une stratégie pour une baisse des prix », avril 2014.
(13) Défini par le statut de l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014.
(14) Ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 et décrets n° 2014-1008 du 4 septembre 2014 et n° 2014-1011 du 5 septembre 2014.
(15) Notamment la SNI, du Groupe Caisse des dépôts ; la FPI et Habitat en région (groupe BPCE).
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
frontalières près de Genève ou autour de Biarritz. Les politiques du logement privilégient habituellement ces zones,
où le développement démographique est le plus rapide et
où les demandes insatisfaites de logements sociaux sont les
plus nombreuses. Les relances par les aides publiques ou
par l’offre pourraient donc concentrer leurs mesures sur ces
zones.
Pourtant, le développement du logement dans des zones à
foncier moins cher et coût de construction plus faible permettrait à certains ménages d’accéder à la propriété, ce qui
leur est interdit en zone tendue, réduirait le coût des aides
et détendrait la pression sur les zones actuellement tendues.
Une revalorisation du prêt à taux zéro dans les zones moins
tendues, à l’occasion du plan de relance d’août 2014, donne
une indication en ce sens.
La relance de la construction est donc plus que souhaitable.
Cette relance ne peut plus beaucoup compter sur les taux
d’intérêt, déjà bas, ni sur des aides publiques, déjà élevées,
pas plus que sur la confiance, encore érodée. Une relance
peut espérer des déblocages de l’offre, pour créer une spirale positive, et peut-être un lent repli des prix, pour solvabiliser un plus grand nombre de ménages. La conjoncture de
la construction de logements reste incertaine pour quelques
années. La politique du logement ne doit pas commettre
d’erreur pendant cette période, ni rester passive.
n° 89
23
CORPORATE
LA LOI PINEL
Par Gabriel Neu-Janicki, avocat à la Cour – MRICS.
LES FONDS SOUVERAINS :
UNE CLASSE D’INVESTISSEURS À PART
Par Emmanuel Ducasse, directeur des études,
Crédit Foncier Immobilier.
L'AMÉNAGEMENT DES ESPACES
DE TRAVAIL : UNE DÉCISION
STRATÉGIQUE
Par Sébastien Boussuge, directeur conseil & audit,
Crédit Foncier Immobilier.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
24
3
LA LOI PINEL
3.2 / DE NOUVEAUX INDICES
DE RÉFÉRENCE
Par Gabriel Neu-Janicki, avocat à la Cour – MRICS.
PRINCIPE
La référence à l’indice Insee du coût de la construction est
supprimée tant en matière de calcul du loyer en renouvellement (modification en ce sens de l’article L. 145-34 du
Code de commerce) qu’en matière de calcul du loyer révisé
(article L. 145-38 du Code de commerce).
Faisant suite à des revendications de petits commerçants,
et afin de dynamiser les commerces de proximité, le Gouvernement a présenté un projet de loi appelé « Loi Pinel »,
qui est venu modifier le statut des baux commerciaux. La
présentation qui en est faite ci-après a vocation à développer
les nouvelles règles essentielles qui vont devoir s’appliquer
et qui créent déjà des incertitudes.
Ces incertitudes suscitent de telles questions qu’elles promettent aux professionnels de l’immobilier, aux experts en
estimations immobilières, aux avocats et aux magistrats
beaucoup de travail supplémentaire.
Voici donc l’exposé des principales dispositions modifiant le
statut des baux commerciaux.
3.1 / DE LA RESTRICTION À LA FACULTÉ
DE CONCLURE DES BAUX AVEC
UNE DURÉE FERME
Ainsi, la faculté de donner congé pour une période triennale
devient d’ordre public et ne peut faire l’objet de dérogation,
sauf par voie d’avenant ou dans les cas visés ci-après.
EXCEPTIONS
Il est prévu un certain nombre d’exceptions. En effet, des
baux avec une durée ferme peuvent être conclus dans les
cas suivants :
◗ lorsque les baux sont conclus pour une durée supérieure
à neuf ans ;
◗ lorsqu’il s’agit de baux visant des locaux monovalents ;
◗ lorsqu’il s’agit de baux visant des locaux à usage exclusif
de bureaux ;
◗ lorsqu’il s’agit de baux visant des locaux ou aires couvertes
destinés à l’entreposage de produits, de marchandises ou
de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à
un établissement de production.
Le bailleur demeure quant à lui engagé pour neuf ans, sauf
faculté de résiliation triennale exceptionnelle reconnue par
les articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23, L. 145-23-1 et L. 145-24
du Code de commerce.
PRINCIPE
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
Selon la nouvelle rédaction de l’article L. 145-4 du Code de
commerce, il n’est plus possible de conclure des baux commerciaux avec une durée ferme.
En d’autres termes, le preneur ne peut plus renoncer
conventionnellement à la faculté de résiliation triennale et
les baux redeviennent tous du côté du locataire des baux
« 3, 6, 9 ».
Pour les contrats conclus ou renouvelés depuis
le 18 juin 2014
Par ailleurs, d’application depuis le 18 juin 2014 à tous les baux
en cours, est ajoutée à l’article L. 145-4 la faculté pour les ayants
droit du preneur décédé de donner congé à tout moment dans
les formes et délais de l’article L. 145-9, c’est-à-dire moyennant
un préavis de six mois et pour le dernier jour du trimestre civil.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
25
corporate
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
Pour les contrats conclus ou renouvelés depuis
le 1er septembre 2014
Ainsi, toute référence à l’indice trimestriel du coût de la
construction publié par l’Insee qui, pendant des décennies,
a servi de référence pour les baux commerciaux, tant pour
ce qui concerne la révision triennale que le renouvellement,
est dorénavant supprimée.
Les parties devront avoir recours :
◗ à l’indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités
de commerce, d’industrie, de logistique et d’artisanat ;
◗ à l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires
(ILAT) pour les autres activités, dont les bureaux.
La référence expresse à « l’indice trimestriel du coût de la
construction » est ainsi supprimée en matière de calcul du
loyer plafonné ou de loyer calculé selon la révision « triennale » légale, sauf en matière de clause d’échelle mobile.
En effet, les clauses d’échelle mobile prévues à l’article
L. 145-39 du Code de commerce continuent à être assujetties aux seules dispositions du Code monétaire et financier
(article 112-2), lequel laisse subsister le choix entre l’ICC,
l’ILC et l’ILAT.
À n’en pas douter, dans les contrats conclus ou renouvelés à
compter du 1er septembre 2014 qui comporteront une clause
d’échelle mobile basée sur l’évolution de l’ICC, les loyers
pourront être révisés tous les trois ans en application de
l’article L. 145-38 du Code de commerce, soit sur l’évolution
de l’ILC, soit sur l’évolution de l’ILAT.
TOUTE RÉFÉRENCE À
L’INDICE TRIMESTRIEL
DU COÛT DE LA
CONSTRUCTION EST SUPPRIMÉE.
LES PARTIES DEVRONT AVOIR
RECOURS À L’ILC OU À L’ILAT.
Par exemple, si une telle règle avait été applicable pour
un bail ayant pris effet le 1er janvier 2011 avec un loyer de
1 000 000 euros, en cas de révision légale au 1er janvier 2014,
une rectification serait survenue à la date de la demande
créant un effet de variation du loyer.
Exemple : évolution sur trois ans à compter du 1er janvier
2011, ICC 7,91 % et ILC 6,55 %. Ainsi, même si, en application de la clause d’échelle mobile, le loyer au 1er janvier 2014 aurait dû être de 1 079 100 euros, celui-ci sera
ramené à la somme de 1 065 500 euros.
Mais le législateur a-t-il pensé à toutes les conséquences de
cette modification ? Pas forcément ou pas du tout ! En effet,
qu’en est-il des baux en renouvellement postérieurement au 1er
septembre 2014 et qui, en l’absence d’indice de raccordement
antérieur au premier trimestre 2008 pour l’ILC et pour l’ILAT,
ne peuvent voir déterminer le montant du loyer plafonné ?
Peut-être le calcul du loyer renouvelé ne s’appliquera-t-il
qu’au prochain renouvellement, mais ce n’est pourtant pas
ce que dit la loi. La solution serait qu’un indice de raccordement soit publié par l’Insee qui, jusqu’à présent, ne s’est pas
manifesté en ce sens.
Enfin, que se passera-t-il lorsque la nature des locaux sera
mixte et que ces derniers pourront être soumis tant à l’ILC
qu’à l’ILAT ? Seule la jurisprudence nous aidera à trancher
et nos collègues experts en estimations immobilières, je le
sais, nous aiguilleront.
26 la loi pinel
3.3 / DE L’ENCADREMENT
DES HAUSSES DE LOYER
EN CAS DE DÉPLAFONNEMENT
PRINCIPE
Dès lors que le loyer sera fixé à la valeur locative, soit en
application de la révision légale (article L. 145-38 du Code
de commerce), soit pour des motifs de déplafonnement visés
aux articles L. 145-33 et L. 145-39 du Code de commerce, la
variation de loyer ne pourra conduire à des augmentations
supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au
cours de l’année précédente.
27
corporate
Le mécanisme prévu par la loi Pinel devrait s’appliquer par
périodes annuelles et non semestrielles au regard du dernier loyer acquitté. Concrètement, cela signifie qu’en cas de
fixation du loyer révisé au 1er octobre 2014 à la somme de
100 000 euros, alors que le loyer précédemment en vigueur
s’élevait à 50 000 euros, la majoration de loyer en découlant,
soit 50 000 euros, serait ainsi appliquée :
◗ du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 :
50 000 € + 10 % = 55 000 € ;
◗ du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 :
55 000 € + 10 % = 60 500 € ;
◗ du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 :
60 500 € + 10 % = 66 550 € ;
◗ etc.
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
Pour les contrats conclus ou renouvelés depuis
le 1er septembre 2014
Monsieur Jean-Pierre Dumur, expert près la Cour de Cassation, a écrit un article – Loi Pinel et « plafonnement du
déplafonnement » : quadrature du cercle et casse-tête chinois !
(AJDI 2014, 405) – qui dénombre pas moins de neuf manières
différentes de mettre en œuvre cette nouvelle disposition.
Nous renvoyons le lecteur à cet article pour plus de détails.
Cela revient à dire qu’en cas de fixation d’un loyer en
renouvellement de bail, on substituerait de plein droit
un bail à paliers à un bail conclu moyennant un loyer
classiquement révisable à échéance triennale et l’on
conçoit sans peine les difficultés qu’une telle initiative
pourrait susciter, notamment dans le cadre de l’application d’une clause d’échelle mobile à incidence annuelle
ou d’une révision triennale légale.
Cependant, on rappellera que cette limite s’appliquera aux
déplafonnements du loyer résultant :
◗ en cours de bail (pour modification des facteurs de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de
la valeur locative – article L. 145-38) ;
◗ en cours de bail, en présence d’une clause d’échelle mobile,
pour variation du loyer de plus de 25 % depuis sa dernière
fixation judiciaire ou contractuelle (article L. 145-39) ;
◗ lors du renouvellement du bail (article L. 145-33 du Code
de commerce), en cas de :
– modification des caractéristiques du local ;
– modification de la destination des lieux ;
– modification des obligations respectives des parties ;
– modification des facteurs locaux de commercialité ayant
une incidence favorable sur le commerce ;
– durée contractuelle supérieure à neuf ans.
Dans quelles situations le plafonnement du déplafonnement
ne s’applique-t-il pas ?
◗ Clause recette : loyer minimum garanti + loyer déterminé
en fonction du CA ;
◗ les bureaux et les locaux monovalents (article R. 145-10 du
Code de commerce) ;
◗ durée du bail supérieure à douze ans par tacite reconduction ;
◗ clause prévoyant que le loyer en renouvellement sera
payable dès le premier jour du bail renouvelé et sera fixé
à la plus forte des deux sommes suivantes :
– la valeur locative de marché ;
– ou le loyer indexé depuis le début du bail.
Attention : les dispositions des articles L. 145-38 et
L. 145-39 sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible
d’y déroger lors de la signature du bail.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Chaque lecteur l’aura compris, un contentieux important
sur la détermination du loyer fixé à la valeur locative et ses
effets va survenir.
Lors d’une acquisition, l’investisseur devra, au cours de son
audit juridique, vérifier avec attention les motifs de fixation
à la valeur locative du loyer, et intégrer la progressivité de
celle-ci dans son analyse.
Le bailleur qui n’a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l’état des lieux ne pourra pas invoquer la présomption de l’article 1731 du Code civil.
3.4 / DE L’ÉTAT DES LIEUX
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
PRINCIPE
Pour les contrats conclus depuis le 18 juin 2014
Pour les baux conclus avant le 18 juin 2014, l’obligation de
réaliser un état des lieux s’applique à toute restitution d’un
local dès lors qu’un état des lieux a été établi lors de la prise
de possession.
L’article L. 145-40-1 énonce que, lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d’un
bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation
à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux, un
état des lieux est établi contradictoirement et amiablement
par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par
eux. L’état des lieux est joint au contrat de location ou, à
défaut, conservé par chacune des parties.
Si l’état des lieux ne peut être établi dans les conditions cidessus, il le sera par un huissier de justice, sur l’initiative de
la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le
bailleur et le locataire.
À l’instar de la disposition adoptée en matière de baux
dérogatoires, l’état des lieux de sortie sera obligatoire
pour les baux conclus antérieurement à l’entrée en vigueur
de la loi, dès lors qu’un état des lieux d’entrée aura été
dressé.
Attention : cette disposition est d’ordre public, il n’est
donc pas possible d’y déroger. La sanction étant la perte
de la présomption d’avoir livré les locaux en bon état
d’entretien et de réparation.
3.5 / DES CHARGES, IMPÔTS ET TAXES
PRINCIPE
Pour tous les contrats conclus ou renouvelés à compter
du 1er septembre 2014, l'article L. 145-40-2, qui est d’ordre
public, oblige le bailleur,
◗ en matière de charges à :
– établir un inventaire précis et limitatif des catégories de
charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur
et le locataire ;
– établir chaque année un état récapitulatif de la répartition des charges et ce au plus tard le 30 septembre de
l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou,
pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois
28 la loi pinel
29
corporate
mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au
locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à
celui-ci ;
– informer en cours de bail le locataire des charges,
impôts, taxes et redevances nouveaux ;
◗ en matière de travaux, lors de la conclusion du bail
puis, tous les trois ans, le bailleur communique à chaque
locataire :
– un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget
prévisionnel ;
– un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les
trois années précédentes, en précisant leur coût ;
◗ dans un ensemble immobilier comportant plusieurs
locataires, le contrat de location précise :
– la répartition des charges ou du coût des travaux entre
les différents locataires occupant cet ensemble ;
– cette répartition est fonction de la surface exploitée –
s’agit-il de la surface visée au bail ou surface mise effectivement à la disposition du locataire ;
– le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être
imputés au locataire correspond strictement au local
occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties
communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée ;
– en cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.
réparation et à l’administration des parties communes et
des locaux loués, les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun ou privatifs,
les charges relatives l’ascenseur, au chauffage et à la climatisation, les assurances, les impôts, taxes, redevances et
honoraires résultant de la gestion administrative, financière
et technique de l’immeuble.
Un tel raccourci ferait perdre tout son sens à la loi. De notre
analyse, il s’agit d’un inventaire « précis et limitatif », qui
doit être détaillé.
Cet article, par bien des aspects, pose des difficultés. En
effet, cette disposition prévoit la communication d’un inventaire précis et limitatif des « catégories » de charges, impôts,
taxes et redevances réparties entre le bailleur et le locataire.
Lorsqu’on connaît la jurisprudence constante de la Cour de
Cassation, qui exige que soient détaillées les charges répercutées sur le locataire pour être exigibles, on ne peut pas se
limiter, d’après nous (et contrairement à d’autres auteurs),
à simplement évoquer les catégories de charges suivantes :
les charges relatives à la conservation, à l’entretien, à la
LES CHARGES, IMPÔTS, TAXES ET REDEVANCES
NON IMPUTABLES AU LOCATAIRE
L’article L. 145-40-2 du Code de commerce dispose qu’« un
décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du
présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés
au locataire et les modalités d'information des preneurs ».
Par ailleurs, observons, cependant, qu'aucune sanction
n'est expressément formulée par le texte.
Le locataire pourra-t-il se prévaloir de ce défaut d'information pour, le moment venu, se soustraire à l'obligation de
participer à des travaux qui entreraient, néanmoins, dans la
catégorie de ceux auxquels il doit contribuer ?
Ces dispositions de répartition des charges et d’information
étant d’ordre public, toute clause contraire sera réputée
non écrite et toute action à ce titre sera imprescriptible,
pouvant entraîner des remboursements de charges,
impôts, taxes et redevances.
Le décret d’application de la loi Pinel relatif, entre autres à
la répartition des charges, impôts et taxes entre bailleur et
locataire, a été publié le 5 novembre 2014 ; il s’agit du décret
n°2014-1317 du 5 novembre 2014.
Attention, cette répartition est applicable depuis le 5
novembre 2014 à tous les contrats conclus ou renouvelés.
À la lecture de ce décret, ne peuvent être répercutés sur les
locataires :
◗ les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant,
les honoraires liés à la réalisation de ces travaux, à l’exclusion des travaux d’embellissement, dont le montant excède
le coût du remplacement à l’identique ;
◗ les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de
remédier à la vétusté, ou de mettre en conformité avec
la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel
il se trouve, dès lors que ces travaux relèvent des grosses
réparations visés à l’article 606 du Code civil, à l’exclusion
des travaux d’embellissement, dont le montant excède le
coût du remplacement à l’identique ;
◗ les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est
le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ;
toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière, ainsi que
les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou
de l’immeuble, ou à un service dont le locataire bénéficie
directement ou indirectement ;
◗ les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du
local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;
◗ dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes,
redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux
vacants ou imputables à d’autres locataires ;
◗ la répartition entre les locataires des charges, des impôts,
taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l’ensemble
immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces
pondérations sont portées à la connaissance des locataires.
Comme nouvelle difficulté d’interprétation parmi d’autres,
le lecteur pourra s’interroger, par exemple, sur la faculté de
pouvoir répercuter sur le locataire la taxe sur les bureaux,
les locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France,
dans la mesure où cette taxe est supportée par le propriétaire, sans que cette taxe ne soit liée à l’usage du local par le
locataire, ou à un service rendu au locataire.
(1) BEFA : bail en l’état futur d’achèvement.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
QUELLES SOLUTIONS ?
Pour les baux en cours loin du renouvellement
Le bailleur aura intérêt à mettre en œuvre les importants
travaux avant leur échéance, notamment si le locataire supporte les travaux de l’article 606 du Code civil.
Pour les BEFA (1) signés antérieurement
S’agissant d’un contrat conclu avant l’application des
nouvelles dispositions, il demeurerait donc régi par les
anciennes dispositions et ne verrait pas ces nouvelles dispositions s’appliquer lors de la prise d’effet du bail.
Pour vos acquisitions à venir
Lors de l'audit juridique, il faudra apporter une attention particulière à la date de renouvellement des baux et
demander aux vendeurs un inventaire détaillé des charges,
impôts, taxes et redevances et de leur répartition. En effet,
il conviendra de prendre en compte dans les valorisations
ces nouvelles obligations et, surtout, leurs répartitions, qui
ne faciliteront pas la tâche des experts en estimations immobilières. Ils se retrouveront, d’une part, avec des baux soumis aux diverses dispositions de la loi Pinel car conclus ou
renouvelés après son entrée en application, et d’autre part,
des baux bénéficiant encore de l’ancienne réglementation.
3.6 / DE LA SANCTION DES CLAUSES
CONTRAIRES AU STATUT
PRINCIPE
Est créée une imprescriptibilité des actions à l’encontre des
clauses contraires au statut, puisque, au sein des articles
L. 145-15 et L. 145-16, la nullité des clauses contraires est
remplacée par leur réputation non écrite.
30 la loi pinel
On sait que, la clause réputée non écrite étant censée n’avoir
jamais existé, son inexistence peut être soulevée à tout
moment sans qu’une prescription puisse être opposée à
celui qui invoque la réputation non écrite.
Ce changement a un impact non négligeable pour les
parties au bail commercial.
Ainsi, par exemple, pour le bailleur inattentif lors d’un
renouvellement, si le preneur ne se rend pas compte que
des clauses contraires au statut sont stipulées, et notamment la répartition des charges résultant du décret n° 20141317 du 5 novembre 2014, il pourra les remettre en cause
à tout moment au cours de l’exécution du bail commercial ;
cela entraînera un remboursement au preneur de certaines
sommes perçues en trop par le bailleur.
En effet, l’article L. 145-16-1 du Code de commerce est ainsi
rédigé : « Si la cession du bail commercial est accompagnée
d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce
dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la
somme aurait dû être acquittée par celui-ci ».
Ainsi, dès que le nouveau locataire cessionnaire ne paie pas
ses loyers, et ce dès le premier mois, le bailleur doit immédiatement en avertir le cédant garant ; toutefois, s’il ne l’en
informe pas immédiatement, cela signifie-t-il qu’il est forclos
à se prévaloir de la clause de garantie contre le cédant ?
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
Pour les contrats conclus ou renouvelés depuis
le 18 juin 2014
DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR
SOLUTIONS
Pour les contrats conclus ou renouvelés depuis
le 18 juin 2014
Cette disposition n’est pas d’ordre public, il est possible
d’y déroger. De plus, le bailleur aura tout intérêt à rédiger son bail de telle manière à ce que les garanties du
cessionnaire soient étendues.
3.7 / DE LA LIMITATION
DE LA GARANTIE SOLIDAIRE EN CAS
DE CESSION DU BAIL
PRINCIPE
La garantie du cédant est limitée à trois ans à compter
de la cession du bail.
L’article L. 145-16-2 du Code de commerce prévoit que, « Si
la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de
garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail ».
Au-delà de ce délai de trois ans, le cédant est donc délié
de toute obligation et ne pourra plus être poursuivi par le
bailleur.
3.8 / DU DROIT DE PRÉEMPTION
AU PROFIT DU PRENEUR
PRINCIPE
Le preneur bénéficie, dorénavant, d’un droit de préemption
au profit du preneur en cas de vente des murs d’un local commercial ou artisanal. Si le bailleur envisage de vendre le local
sur lequel porte le bail commercial, il devra informer le locataire des conditions de la vente, à peine de nullité de celle-ci.
En sont exclus les autres locaux tels que les locaux industriels, bureaux, hôtels, etc.
MODALITÉS
Le bailleur doit informer le cédant, garant solidaire, dès le
premier mois d’impayé du cessionnaire.
31
corporate
La notification, faite par lettre recommandée avec avis de
réception, au locataire doit, à peine de nullité, indiquer le
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
prix et les conditions de la vente et vaut offre de vente à
son profit. Celui-ci dispose, alors, d’un délai d’un mois pour
se prononcer et s’il accepte d’acquérir, il dispose, à compter de la date d’envoi de sa « réponse », d’un délai de deux
mois pour réaliser la vente et de quatre mois s’il décide de
recourir à un prêt.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des
conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur,
le notaire doit à nouveau notifier et les mêmes délais sont
applicables au preneur.
Quoi qu’il en soit, le texte prend soin de préciser que les
nouvelles dispositions ne seraient pas applicables en cas :
◗ de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial ;
◗ de cession unique de locaux commerciaux distincts ;
◗ de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un
ensemble commercial ;
◗ de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux
commerciaux ;
◗ de cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.
En l’état, le dispositif n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent donc y déroger expressément.
3.9 / DE L’ADJONCTION D’ACTIVITÉS EN
CAS DE CESSION DANS LE CADRE D’UNE
LIQUIDATION JUDICIAIRE (ARTICLE
L. 642-7 DU CODE DE COMMERCE)
L
e tribunal peut autoriser le repreneur, dans le jugement
arrêtant le plan, à adjoindre des activités connexes ou
complémentaires. Le tribunal statue après avoir entendu ou
dûment appelé le bailleur.
◗ Une activité connexe : elle a un rapport étroit avec l’activité (exemple : vente de boissons à emporter dans une
épicerie).
◗ U ne activité complémentaire : elle se révèle utile ou
nécessaire à un meilleur exercice de l’activité principale
(exemple : la « petite restauration » est complémentaire de
l’activité de glacier, le commerce de café-bar de l’activité
de restauration rapide).
Cette possibilité n’est pas applicable aux procédures de
liquidation judiciaire en cours à la date d’entrée en vigueur
de la présente loi. Il s’agit donc d’une faculté de déspécialisation partielle simplifiée accordée au tribunal de commerce, exonérant totalement le preneur du respect des
dispositions de l’article L. 145-47 du Code de commerce.
Le bailleur ne peut pas ainsi contester le caractère connexe
ou complémentaire des activités dont l’adjonction est sollicitée et le tribunal statue « après avoir entendu ou dûment
appelé le bailleur », cette expression énonçant plus une
condition de forme de la régularité de la procédure qu’une
règle de fond conditionnant l’autorisation d’adjonction
d’activités connexes ou complémentaires. En particulier,
le tribunal n’a pas, pour se prononcer, à tenir compte de
l’évolution des usages commerciaux, puisque le texte ne le
prévoit pas.
En conclusion, vous l’aurez compris, d’une part, les modifications du statut des baux commerciaux viennent modifier
les rapports entre bailleurs et preneurs, et entre autres d’un
point de vue économique, d’autre part, ces modifications
laissent la place à de nombreuses interprétations promettant
de vraies batailles judiciaires. Pour tenter d’éviter ce dernier
point, les professionnels de l’immobilier auront réalisé que
la rédaction des baux doit être impérativement revue pour
s’adapter à la nouvelle réglementation.
32
4
LES FONDS SOUVERAINS :
UNE CLASSE
D’INVESTISSEURS À PART
(1)
Par Emmanuel Ducasse, directeur des études, Crédit Foncier Immobilier.
Depuis quelques années, les fonds souverains sont devenus, en Europe, des acteurs majeurs du financement
de l’immobilier commercial. Ils contribuent à l’afflux
de liquidités, qui dynamise le marché de l’investissement, et concourent tout à la fois à élever la pression
concurrentielle de la demande sur les beaux produits et
à orienter les taux de rendement immobilier à la baisse.
Qui sont-ils ? Que recherchent-ils ? Où vont-ils ? Ce court
article se veut une synthèse rapide, sachant que l’information disponible est parcimonieuse sur l’activité réelle des
fonds souverains, un grand nombre d’entre eux se refusant
à toute publicité ou communication.
Tableau 1. Liste des principaux fonds souverains
(Sources : SWFI, sites des fonds concernés, étant précisé que certains chiffres sont des ordres de grandeur procédant de reconstitutions approximatives.)
Acronyme
usuel
Pays
Création
Actifs gérés
(en Md$)
Norges Bank Investment Management
NBIM
Norvège
1996
5110
1,0 %
Government Pension Fund-Global
GPFG
Norvège
1990
878
5,0 %
Abu Dhabi Investment Authority
ADIA
Émirats arabes unis
1976
773 à 875
5 à 10 %
Saudi Arabian Monetary Agency Foreign Holdings
SAMA
Arabie saoudite
–
738
–
CIC
Chine
2007
575
–
SAFE
Investment
Company
Chine
1997
568
–
KIA
Koweït
1953
410
–
HKMA
Chine (Hong Kong)
1993
327
<1%
Dénomination
China Investment Corporation
State Administration of Foreign Exchange
Kuwait Investment Authority
Hong Kong Monetary Authority Investment Portfolio
Part immobilier
(estimation)
GIC
Singapour
1981
320
9,0 %
NSSF
Chine
2000
202
0,0 %
Temasek Holdings
TH
Chine
1974
177
5 à 10 %
Qatar Investment Authority
QIA
Qatar
2003
170
–
Government of Singapore Investment Corporation
National Social Security Fund (China)
33
corporate
(1) En anglais : « sovereign wealth funds », expression que l’on retrouve sous l’acronyme « SWFs ».
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
4.1/ QUI SONT LES FONDS SOUVERAINS ?
S
ans prendre en compte les véhicules juridiques sous lesquels ils apparaissent (ou se dissimulent), on peut dire
que les fonds souverains sont des émanations plus ou moins
directes d’États disposant d’importants excédents commerciaux, des structures créées dans le but placer ces excédents
à l’étranger.
Cette liste des principaux fonds souverains révèle des caractères spécifiques communs :
◗ ces fonds se désignent comme « souverains », car ils sont
contrôlés par le pouvoir politique, le parti au pouvoir ou
la famille régnante ;
◗ la plupart des fonds à investir proviennent de la production
de gaz ou de pétrole (pays du Moyen-Orient et Norvège) ;
◗ quelques États se détachent, néanmoins, par des excédents
commerciaux d’origine plus diverse (Chine et Singapour) ;
◗ les fonds souverains ont pour but de pérenniser un revenu
provenant actuellement de ressources non-durables (énergies non-renouvelables, recettes liées au commerce international) ;
◗ ils agissent à la manière des fonds de pension, en recherchant des investissements à très long terme, et surtout
sécurisés ;
◗ c’est la raison pour laquelle ils n’interviennent pas ou peu
sur leurs marchés intérieurs, jugés trop étroits pour offrir
un risque acceptable ;
◗ les allocations de capitaux en actifs immobiliers demeurent
très minoritaires dans la composition des portefeuilles ;
◗ les fonds souverains revendiquent tous un caractère d’intérêt public ;
◗ ils sont régis par la loi de leur État, et s’imposent souvent
des contraintes ou des interdictions d’ordre politique, religieux (par exemple, celles liées à l’interdiction du prêt à
intérêt par la charia, dans les pays islamiques) ou éthique.
Mais ils se conforment – nécessairement – aux lois des
États dans lesquels sont réalisés les investissements.
4.2 / QUE RECHERCHENT
LES FONDS SOUVERAINS ?
L
es politiques d’investissement varient d’un fonds à
l’autre, mais on peut tracer des logiques parallèles, qui
procèdent des caractéristiques communes ci-avant.
◗ Les fonds souverains poursuivent un objectif de diversification, raison même de leur création. Depuis longtemps,
les énergies non-renouvelables ont été perçues comme
non-pérennes par les pays producteurs eux-mêmes : au
moment du choc pétrolier de 1973, les estimations des
géologues et des économistes attribuaient à ces pays des
réserves de trente à cinquante ans. Et, même si ces chiffres
ont été revus à la hausse en fonction de la découverte de
nouveaux gisements ou de technologies qui ont rendu
accessibles des ressources connues mais précédemment
inexploitées, la transition énergétique reste, aujourd’hui,
un enjeu bien plus prégnant pour les pays producteurs que
pour les pays consommateurs.
◗ Le cours international du pétrole est fondé sur le dollar,
et tous les observateurs ont remarqué que les producteurs du Moyen-Orient, notamment, ont, ces dernières
années, largement privilégié l’Europe au détriment de la
zone dollar.
◗ Les fonds souverains recherchent la plus grande sécurité,
face aux cycles économiques et aux événements régionaux : s’inscrivant dans le très long terme, ils privilégient
le couple rendement/sécurité par rapport aux investissements à risque, qu’ils ne maîtrisent pas forcément.
◗ Les fonds souverains recherchent les marchés étrangers
les plus performants. C’est le cas en matière immobilière,
tout particulièrement, où l’on observe que les marchés britannique et français, jugés de bonnes profondeur et liquidité, attirent la majorité des capitaux investis dans cette
classe d’actifs.
◗ Intervenant loin de leur pays d’origine, dans des contextes
juridique et économique qu’ils ne maîtrisent pas sans l'assistance de conseils, les fonds souverains recherchent des
placements ne nécessitant que peu d’asset management.
34 les fonds souverains
◗ Lorsqu’ils entrent au capital de sociétés commerciales, les
fonds souverains évitent de s’ingérer dans la gestion des
entreprises, et préfèrent s’associer avec des partenaires
compétents.
◗ En matière immobilière, ils sont plus acheteurs que vendeurs, plus gestionnaires que développeurs. Des partenariats ou joint ventures avec des acteurs locaux restent,
néanmoins, une option pour entrer dans des projets de
développement ambitieux ou compliqués.
◗ Les typologies d’immeuble privilégiées sont celles dont
les fonds souverains croient le mieux connaître le risque :
les bureaux (surtout en France), les hôtels et l’immobilier
commercial. L’immobilier résidentiel demeure marginal,
exception faite de la Grande-Bretagne et du très haut de
gamme.
◗ Profitant de leur puissance financière, les fonds souverains
se signalent par la taille moyenne des opérations réalisées,
plus de 200 millions d'euros, soit largement au-dessus de
ce que pratiquent les autres catégories d’investisseurs privés, y compris les foncières.
4.3 / OÙ VONT LES FONDS SOUVERAINS ?
À
court terme, ces tendances devraient peu s’infléchir :
les fonds souverains sont des véhicules lourds lancés
sur des trajectoires d’investissement de long terme, dont ils
ne dévieront que peu. Néanmoins, des éléments de contexte
donnent à penser que des inflexions sont en train de se produire.
◗ Les donnes pétrolière et gazière ont changé, ces dernières
années, avec le développement très rapide, en Amérique
du Nord, de l’extraction des gaz de schiste. Outre les effets
modérateurs de cette nouvelle offre sur le cours actuel
du baril, le marché fermé des énergies fossiles se trouve
désormais confronté à une ouverture inattendue de l’offre,
dont les perspectives de croissance, à terme, sont difficiles
à mesurer.
5
◗ Cela pourrait inciter les producteurs de pétrole à intensifier, dans un premier temps, leurs efforts d’épargne, de
diversification et d’investissement étranger.
◗ Si les supports de placement privilégiés par les fonds souverains restent essentiellement financiers, l’intérêt du support immobilier apparaît croissant. Certains fonds (comme
le chinois NSSD) s’interdisent encore ou se voient interdire d’investir dans cette classe d’actifs, jugée « risquée ».
D’autres, en revanche, (comme les fonds singapouriens),
manifestent un intérêt nouveau et accru pour l’immobilier. D’autres, encore, pratiquent l’investissement indirect,
en entrant au capital de fonds privés déjà spécialistes de
l’immobilier commercial ou résidentiel.
◗ Avec l’expérience acquise au fil des années et la baisse
des rendements obligataires, il est probable que les investissements des fonds souverains vont davantage se porter
sur des actifs de risque et de localisation plus diversifiés,
bien que restant, pour l’essentiel, cantonnés à l’immobilier
tertiaire et commercial, ou dilués dans des portefeuilles
importants.
◗ Les partenariats avec des acteurs locaux, apportant compétence et capacité à gérer les actifs immobiliers, devraient
donc s’intensifier.
◗ On observe que certains fonds se trouvent incités par leur
gouvernement à davantage investir sur leurs marchés intérieurs (notamment dans le golfe Persique), pour contribuer
à leur croissance.
◗ La croissance des portefeuilles d’actifs gérés par les fonds
souverains a suivi une courbe exponentielle, ces dernières
années, et tout ce qui précède porte à croire qu’elle se poursuivra à un rythme très soutenu, dans un proche avenir.
◗ Reste que leur activité future dans le secteur immobilier
dépendra directement de la quantité d’offres nouvelles
qualitatives proposées sur les marchés nationaux. Il faut,
surtout, prendre conscience du fait que ceux-ci sont définitivement entrés dans un cycle de concurrence internationale.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
L'AMÉNAGEMENT DES
ESPACES DE TRAVAIL :
UNE DÉCISION STRATÉGIQUE
Par Sébastien Boussuge, directeur conseil & audit, Crédit Foncier Immobilier.
L’immobilier est un outil au service de l’entreprise : c’est un
support de production, au même titre que l’outillage. Dans
le cadre des activités de services, où le ressort de production est dématérialisé, le support de la création de valeur est
le poste de travail. L’organisation de la production (et donc
l’environnement de travail) évolue sous l’effet des innovations technologiques et de celles des modes de production.
L’innovation des produits s’accompagne d’une mutation des
organisations.
Lorsqu’une société décide de rationaliser son immobilier,
par une nouvelle localisation ou par une transformation de
son immeuble, au-delà de la question strictement immobilière et architecturale, se pose nécessairement celle de son
occupation. L’aménagement de l’espace de travail est donc
une question stratégique d’entreprise, qui en tant que telle
suppose une vision directrice forte de la direction générale, et
une adhésion de l’ensemble des parties prenantes et mobilise
impérativement l’ensemble des services tant pour faire émerger les lignes directrices qu’en assurer la bonne exécution.
Le présent article n’a pour objet et ambition ni d’évoquer les nouveaux modes d’organisation des productions
tertiaires, ni de décrire les modalités concrètes à chaque
étape, mais d’apporter un éclairage sur l’étape cruciale du
cadrage stratégique de tout projet d’aménagement.
5.1 / CADRAGE STRATÉGIQUE :
LA CLÉ DE VOÛTE DE LA RÉUSSITE
DU PROJET
ENJEUX ET OBJECTIFS
L’objectif du cadrage est d’aligner les instances de direction
sur une vision commune du projet immobilier, en particulier
sur :
◗
l es enjeux organisationnels avec l’amélioration des
échanges interservices ;
35
36 l'aménagement des espaces de traval
◗ les enjeux en termes de développement de l’activité et de
business ;
◗ les enjeux humains : accroître l’attractivité et améliorer les
conditions de travail des ETP, et humains, au travers des
éléments qualitatifs de confort ;
◗ les opportunités d’utiliser l’environnement de travail
comme levier et traduction concrète de projets de transformations en cours ;
◗ les conditions de mise en œuvre du projet (conduite du
changement maîtrisée) et l’anticipation des risques, garantie de maintien des objectifs de budget et de planning.
Figure 1. Schéma de cadrage stratégique d'un projet
Cadrage/
vision
Principes structurants
du projet
UNE ÉVOLUTION DE
L’ENVIRONNEMENT DE
TRAVAIL NE PEUT ÊTRE
RÉDUITE À UNE RÉFLEXION SUR
DES PRINCIPES D’AMÉNAGEMENT
ET DE DÉCORATION ; ELLE DOIT
INTÉGRER LA DIMENSION HUMAINE.
Mise en œuvre technique
Cette vision stratégique dépend, bien évidemment, de
la vision prospective et de l’ambition des instances dirigeantes. Elle doit, cependant, être partagée et mérite
qu’une attention particulière y soit consacrée au moyen :
◗ d’entretiens individuels ;
◗ d’une session collective en comité de pilotage pour définir
la philosophie, les enjeux et objectifs du projet :
– dessiner une vision commune, aligner le comité de pilotage sur les enjeux et les objectifs ;
– définir une méthode ;
– restituer l’analyse des éléments de l’étude amont
(benchmarks et prospective, entretiens individuels),
dont une synthèse des « préorientations » ;
– p artager les benchmarks selon les thèmes identifiés
pour éclairer l’incidence des choix ;
– remettre les conclusions sur les orientations à donner
à l’environnement de travail cible et mode d’accompagnement ;
– indiquer des orientations et une feuille de route validée
pour le projet ;
– signaler des cas pertinents sur les effets produits sur
l’environnement de travail par la transformation pour
nourrir la décision.
5.2 / DÉFINITION DES PRINCIPES
STRUCTURANTS DU PROJET
D’AMÉNAGEMENT
L
’aménagement de nouveaux environnements de travail constitue un projet qui doit prendre en compte
les besoins fonctionnels et techniques et les intégrer aux
besoins humains et corporate de la société.
Il consiste à rechercher un équilibre entre organisation
et aménagement. La réalisation du nouveau schéma directeur d’aménagement implique la prise en compte détaillée
des besoins techniques et fonctionnels des départements à
réimplanter dans le nouveau bâtiment, intégrant la maîtrise
de l’ensemble des relations fonctionnelles nécessaires à un
redéploiement cohérent au regard des prérequis de la société.
Les données d’entrée de la programmation consignées sont :
◗ un niveau acceptable de changement au regard des aménagements des sites existants : objectifs managériaux et
définition de modes de travail adaptés ;
◗ des hypothèses de relocalisation et de répartition envisagées sur l’ensemble immobilier.
Ces principes structurants sont définis après traitement
et analyse des entretiens conduits avec les responsables
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
37
corporate
d’entités et futurs utilisateurs pour identifier les spécificités
métier et les liens de proximité inter et intraentités. Ils permettent de déterminer le périmètre du programme :
◗ sur l’ensemble des espaces (zone bureaux, salles de réunion, espaces support, box, rangements, espaces de restauration, espaces formation, etc.) ;
◗ pour les équipements divers (biens d’équipements, fonctionnalités destinées aux salariés, services dédiés tels que
conciergerie, crèche, etc.).
AUTOUR DE L’ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL :
DEUX PROJETS EN UN SEUL
Une évolution de l’environnement de travail (réaménagement sur place ou déménagement) ne peut être réduite à
une réflexion sur des principes d’aménagement et de décoration ; elle doit intégrer la dimension humaine. Le déménagement est le troisième événement le plus anxiogène pour
un individu, après le deuil et le divorce. Par ailleurs, en le
considérant dans sa dimension humaine et en accompagnant
l’utilisateur dans la transformation souhaitée, le projet technique se déroule de façon plus fluide.
UN CHANGEMENT D’ENVIRONNEMENT
DE TRAVAIL ENTRAÎNE SOUVENT D’AUTRES
RÉFLEXIONS ET D’AUTRES CHANGEMENTS
Pour une entreprise, repenser son environnement de travail,
c’est souvent s’interroger sur :
◗ les façons de travailler des collaborateurs pour demain.
Va-t-on vers une logique projet ? Ouvre-t-on la possibilité
de télé-travailler ? Souhaite-t-on des collaborateurs plus
mobiles ?
◗ le management des équipes. Quelle est la bonne position
pour le manager ? Quels sont les outils dont il a besoin ?
◗ l’intégration des nouvelles technologies. Quelles limites à
la mobilité ?
◗ la gestion des données. Moins de papier : jusqu’où veut-on
aller ? Plus de mise en commun des informations et donc
une centralisation des rangements ?
◗ les services à apporter aux occupants : quels services ?
Pour qui ? À quel niveau et à quel coût ?
38 l'aménagement des espaces de traval
Les réponses apportées à ces questions engendreront, dans
bien des cas, des changements pour le collaborateur qui
s’inscrivent dans une perspective plus large d’évolution de
son entreprise.
LE CRÉDIT FONCIER FAIT ÉCOLE
ÉCOLE NATIONALE DU FINANCEMENT DE L’IMMOBILIER
5.3 / L’INCARNATION DU PROJET
ARCHITECTURAL : L’IMPORTANCE
DU TEMPO DANS LA RENCONTRE
DES PROJETS
L
a conception des espaces intérieurs et du cadre de vie
vient apporter une incarnation au projet architectural.
Ces deux processus se développent dans des temps différents, l’un soumis aux étapes pures de la construction, permis
de construire, études techniques ; il offre le cadre. Le second
apporte « l’animation » ou l’incarnation du projet. Leur
rencontre est importante dans la mesure où les arbitrages
resteront possibles dans un laps de temps réduit, avant que
l’ouvrage soit abouti au terme des études d’exécution.
La réussite dépend de la maîtrise des plannings. Un cadre
insuffisamment défini ne permet pas de se projeter et de
comprendre l’espace. Un projet totalement abouti devient
rigide et difficile à adapter.
Le dialogue des concepteurs, architecte et aménageur,
doit être favorisé de façon à concilier, tout au long des
études, les lignes directrices du projet d’architecture
et l’animation intérieure. C’est aussi une confrontation d’idées qui nécessite des arbitrages, pour favoriser
l’aboutissement d’un projet harmonieux et adapté aux
besoins exprimés au départ : servir l’utilisateur.
Cycles de Formation
Certifiants ENFI
Expert en financement de
l’immobilier Corporate
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l’immobilier du Particulier
tél: 01 57 44 88 66
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
mail: [email protected]
site: www.enfi.fr
Ecole Nationale du Financement de l’Immobilier ENFI - 4 Quai de Bercy 94224 Charenton Cedex - Siège social : 19, rue des Capucines - 75001 Paris.
SAS au capital de : 2 037 000 € - 504 381 153 RCS Paris - Déclaration d’activités enregistrée sous le numéro 11 75 44708 75 auprès du préfet de région Ile-de-France.
Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’Etat (article L. 6352-12 du Code du travail).
n° 89
41
RÉSIDENTIEL
REGARDS SUR L’ACCESSION À LA
PROPRIÉTÉ EN LONGUE PÉRIODE
Par Michel Mouillart, professeur d’économie
à l’université Paris Ouest
et conseiller scientifique de CSA,
et Véronique Vaillant, directrice d’études à CSA.
LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE
PRÊT VIAGER HYPOTHÉCAIRE AUX
ENJEUX DU VIEILLISSEMENT DE LA
POPULATION
Par Nicolas Pécourt, directeur communication
externe et RSE, Crédit Foncier.
LE VIAGER D’AUJOURD’HUI
Par Nicolas Tarnaud, titulaire de la chaire
immobilier & société, Neoma Business School.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
42
6
REGARDS SUR L’ACCESSION
À LA PROPRIÉTÉ EN LONGUE
PÉRIODE
Par Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université Paris Ouest
et conseiller scientifique de CSA,
et Véronique Vaillant, directrice d’études à CSA.
43
résidentiel
Tableau 1. Variation annuelle moyenne du parc
des propriétaires et accédants (en milliers)
(Source : Insee.)
Période
1947-1968
Variation
149,3
1969-1978
183,2
1979-1989
248,5
1990-1999
164,9
2000-2010
247,5
2011-2013
151,7
1947-2013
189,2
Tableau 2. Part des propriétaires et accédants
parmi les ménages (en %)
Ainsi, de 2000 à 2010, le nombre de propriétaires s’est accru
de près de 2,3 millions (soit 5,5 fois plus vite que le parc
locatif social) et il a contribué pour plus des trois quarts à
l’accroissement du parc de résidences principales. Si cela
a été possible, c’est notamment (1) parce que, durant ces
années, l’accession à la propriété s’est établie à un niveau
particulièrement élevé. Il est vrai qu’en dépit de la parenthèse ouverte durant les deux années de la Grande Récession, les flux de l’accession à la propriété ont été vigoureux
durant une grande partie des années 2000.
L’analyse détaillée des flux de l’accession à la propriété
que propose l’Observatoire du financement du logement
(encadré 1) aide à mieux comprendre les évolutions survenues depuis la fin des années 1970.
(Source : Insee.)
Après avoir pratiquement stagné durant dix années, entre
1990 et 1998, le taux de propriétaires s’est redressé dès le
début des années 2000, pour s’engager dans une nouvelle
phase de croissance, ralentie à partir de 2012.
En effet, comme cela est fréquent dans le domaine de la
démographie, la diffusion de la propriété occupante en longue
période épouse un profil d’évolution voisin de celui d’un
modèle logistique : la variation relative du nombre de propriétaires et de ménages en cours d’accession ralentit, au fur
et à mesure de la diffusion de la propriété parmi les ménages.
Pour illustrer cela, revenons au lendemain de la Libération.
En 1946, la part des propriétaires n’était en effet que de
29,3 % (source Insee). Mais à la fin des Trente glorieuses,
en 1975, le taux de propriétaires s’élevait à 46,6 %. Durant
ces années, lorsque le taux de propriétaires progressait vite,
leur nombre augmentait de près de 160 000 chaque année,
en moyenne.
En revanche, alors que le nombre de propriétaires progressait d’un nombre comparable entre 1990 et 1999, près de
165 000 en moyenne chaque année, le taux de propriétaires
est resté pratiquement inchangé. De même, et cela a souvent été cité pour évoquer la panne de l’accession à la propriété, à partir de 2001, le taux de propriétaires ne s’élève
plus que lentement. Ainsi, alors qu’on comptait 55,7 % de
propriétaires en 2001, cette proportion n’était que de 57,9 %
en 2009. Et pourtant, de 2000 à 2010, le nombre de propriétaires et de ménages en cours d’accession a progressé de
247 500 chaque année, en moyenne : soit à l’un des rythmes
les plus rapides constatés depuis la Libération.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Année
Part
RP 1946
29,3
RP 1954
35,5
RP 1962
41,3
RP 1968
43,9
RP 1975
46,6
ENL 1978
47,2
RP 1982
50,5
ENL 1984
50,7
ENL 1988
53,6
RP 1990
54,2
ENL 1992
53,8
ENL 1996
54,3
RP 1998
54,3
ENL 2001
55,7
ENL 2006
57,2
RP rénové 2009
57,9
RP rénové 2012
58,2
RP : recensement de la population.
ENL : enquête nationale sur le logement.
6.1 / DE LA RÉFORME À LA CRISE
A
vec la réforme du 3 janvier 1977, l’accession à la propriété aurait dû connaître un nouvel élan, la mise en
place des PAP et des PC (2) devant permettre aux ménages
de réaliser plus facilement leurs projets. Il est vrai que
toutes les conditions semblaient réunies, les revenus des
ménages augmentant chaque année de plus de 4,5 % au-delà
de l’inflation, dans un contexte d’élargissement de l’accès au
crédit bancaire.
Pourtant, l’accession à la propriété va connaître plusieurs
années d’hésitations : le second choc pétrolier déclenche
une crise économique et financière internationale et une
montée des taux d’intérêt qui vont, en France, peser sur la
construction et freiner l’essor du marché de l’ancien. Avec
des taux bancaires classiques qui atteignent des sommets
(17,6 % en 1981, par exemple), un pouvoir d’achat qui freine
(1) En réalité, la complexité de la dynamique du parc est plus grande que ce que suggère cette approximation.
(2) PAP : prêt aidé pour l’accession à la propriété ; PC : prêt conventionné.
44 regards sur l’accession à la propriété…
Figure 1. Les flux de l’accession à la propriété
Paribas, Société Générale, Suez, etc.) et, enfin, en 1987, la
levée de l’encadrement du crédit. À la fin des années 1980,
les taux bancaires sont redescendus à 10,5 %.
(Sources : OFL/CSA et modèle DESPINA.)
1 000
L’expansion de l’accession dans l’ancien est alors spectaculaire : en dix ans, le nombre de logements anciens achetés par
les ménages pour accéder à la propriété a doublé. Et, bien
que le niveau de la construction se soit un peu redressé, près
de 66 % des accessions se réalisent maintenant dans l’ancien.
En milliers d’unités
800
600
400
2012
2010
2008
2006
2004
2002
1998
2000
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
0
On observe, par exemple, que de 1990 à 1995, la remise en
cause des aides et des incitations à l’accession a provoqué une
déformation rapide de la structure de l’accession : les moins de
trois Smic représentaient, alors, 42,0 % de l’ensemble, contre
50,6 % de 1984 à 1989. La remise en cause des PAP (des effec-
Marché du neuf
Marché de l’ancien
Ensemble de l’accession
brutalement (+ 1 % par an, en moyenne, durant la première
moitié des années 1980) et un taux de chômage qui s’installe
durablement au-dessus des 10 %, les ménages réduisent leur
appel au crédit immobilier et les flux de l’accession vont
stagner jusqu’en 1986.
Mais, durant près de dix années, la structure des flux de
l’accession s’est profondément transformée : en 1978, près
de 60 % de l’accession se réalisaient dans le neuf. Après dix
années de recul ininterrompu de la construction, en 1986,
le neuf ne représentait plus que 40 % de la totalité des flux
de l’accession.
Cependant, la crise économique et financière se termine et,
à partir de 1985, les taux d’intérêt vont commencer à reculer.
En outre, la loi bancaire de 1984 a mis fin à la spécialisation
des banques : désormais, les banques ont directement accès
au marché monétaire, dans le cadre de la création du « marché unique des capitaux ». C’est dans ce cadre nouveau que
s’inscrivent, dès 1985, la réduction progressive de la part des
prêts à taux bonifié dans le financement du secteur du logement puis, dès 1986, un premier mouvement de privatisation
bancaire (Banque du bâtiment et des travaux publics, CCF,
Plus de 590 000 ménages ont accédé à la propriété, en 1989,
soit 100 000 de plus qu’en 1978. Encore une fois, une crise va
mettre fin à cette expansion. Mais, cette fois, la crise est brutale et de grande ampleur. Dès le début des années 1990, l’économie française, à l’instar des économies européennes, ralentit
brutalement et entre en récession : le taux de chômage va bientôt dépasser les 12 % et le pouvoir d’achat est en panne. Les
établissements de crédit, qui se sont engagés allègrement dans
la voie ouverte par le désencadrement du crédit, commencent
à déchanter, découvrant une montée des risques/sinistres à
laquelle ils n’étaient pas forcément préparés ; d’autant que, suivant l’exemple d’un État qui a engagé les ménages modestes à
accéder à la propriété avec des PAP et des PC assortis de progressivités de remboursement « insoutenables », les banques
apprennent à leurs dépens que l’innovation financière peut
coûter cher. La production de crédits chute de plus de 20 %,
entraînant avec elle les flux de l’accession, qui vont perdre
près de 180 000 unités (donc près de 30 %) entre 1989 et 1993.
6.2 / LA DYNAMIQUE DE L’ACCESSION
À LA PROPRIÉTÉ
tifs en chute de 50 % entre 1988 et 1992) et des PC (en recul
de 40 % durant ces années) se trouve à l’origine d’une telle
évolution (3) : le recul du nombre des opérations réalisées par
les moins de trois Smic porte alors, à lui seul, la chute de
l’accession à la propriété constatée durant ces années.
Tableau 3. Les flux de l’accession à la propriété selon le niveau
de revenus des ménages : effectifs annuels moyens (en milliers de logements)
(Sources : OFL et DESPINA.)
Période
200
45
résidentiel
1978-1983
Moins de 3 Smic
De 3 à 4 Smic
De 4 à 5 Smic
5 Smic et plus
Effectif moyen (4)
161
116
89
120
486
1984-1989
271
100
75
89
535
1990-1995
200
120
59
98
477
1996-2000
296
133
63
104
596
2001-2004
269
161
104
149
683
2005-2007
363
191
114
135
803
2008-2009
313
129
89
106
637
2010-2011
391
141
94
110
736
2012-2013
310
114
95
94
613
De 4 à 5 Smic
5 Smic et plus
Structure des flux
Tableau 4. Les flux de l’accession à la propriété selon le niveau
de revenus des ménages : structure annuelle (en %)
(Sources : OFL et DESPINA.)
Période
Moins de 3 Smic
De 3 à 4 Smic
1978-1983
33,1
23,9
18,3
24,7
100,0
1984-1989
50,6
18,7
14,0
16,7
100,0
1990-1995
42,0
25,2
12,3
20,5
100,0
1996-2000
49,6
22,4
10,5
17,5
100,0
2001-2004
39,3
23,6
15,3
21,8
100,0
2005-2007
45,2
23,8
14,2
16,8
100,0
2008-2009
49,1
20,2
14,0
16,7
100,0
2010-2011
53,2
19,2
12,7
14,9
100,0
2012-2013
50,6
18,6
15,5
15,3
100,0
L
e dynamisme des flux de l’accession dépend largement
de l’efficacité des dispositifs publics d’aide. Les interventions publiques déterminent aussi fortement la structure de ces
flux et, notamment, le poids relatif des accédants modestes (les
ménages disposant de revenus mensuels inférieurs à trois Smic).
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
(3) Déclenchant la récession des marchés du neuf et de l’ancien, qui ne prit alors fin qu’avec la relance des PAP « imposée » par le nouveau ministre du Logement,
Hervé de Charette, au cours de l’été 1993.
(4) Niveaux annuels moyens durant la période considérée (en milliers d'unités).
46 regards sur l’accession à la propriété…
Durant ces années, on a donc constaté une progression
sensible de la part des catégories professionnelles les plus
qualifiées : cadres supérieurs et professions libérales, professions intermédiaires. Le marché de l’accession devenant
plus sélectif, les clientèles réputées les plus « fragiles » ont
vu leur part chuter : c’est le cas, notamment, des primoaccédants. Le marché de l’accession est alors devenu un marché
de revente, la concrétisation du nouveau projet dépendant
de la manière dont l’ancien a bien pu être réalisé… et ne
laissant aux nouveaux entrants qu’une place étroite.
Aussi, la structure des flux de l’accession se déforme à un
point tel que la part des accédants modestes recule brutalement : 39,3 % de 2001 à 2006, perdant plus de 10 points par
rapport à la période précédente.
Figure 2. L’accession à la propriété et le PTZ
(Sources : OFL/CSA et modèle DESPINA.)
300
400
Et la part de ces accédants modestes s’est établie à 49,1 %
en 2008-2009 : c’est une des proportions les plus importantes
constatées (5) depuis le début des années 1980, à l’exception des 50,6 % mesurés entre 1984 et 1989… mais pour un
nombre d’accédants qui était alors de 16 % inférieur à celui
observé en 2008 et 2009.
200
300
100
200
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
En millier d’unités
Si on se limite aux évolutions survenues au cours des
quinze dernières années, les flux de l’accession des ménages
modestes ont aussi été largement influencés par le prêt à
taux zéro (PTZ). Entre 1996 et 2004, le nombre de PTZ se
réduit de plus de 50 % : autant en raison de l’abandon, dès
1997, de l’ouverture de ce prêt à l’ancien avec quotité de
travaux minorée, que du fait de l’absence d’actualisation
des barèmes et plafonds de ressources du PTZ et du prêt à
l’accession sociale (PAS). Dans un premier temps, de 1996
à 2000, le nombre des accédants modestes ne semble pas
affecté par cela : l’amélioration des conditions de crédit
(baisse des taux d’intérêt, allongement des durées) vient,
en effet, en appui de la demande. Mais, dès 2001, la hausse
des prix des logements bouleverse cette dynamique : en
l’absence d’une aide suffisamment puissante, le nombre
d’accédants avec moins de trois Smic recule rapidement
(de 341 000, en 2000, à 254 000, en 2002, puis à 241 000, en
2004). Pourtant, durant ces années, les flux de l’accession
ont connu une progression rapide… si on limite l’observation aux tranches de revenus élevés (quatre Smic et plus,
notamment).
0
Nombre d’accédants à la propriété dont les revenus
sont inférieurs à trois Smic (échelle de gauche)
dont nombre d’accédants ayant bénéficié d’un PTZ
(échelle de droite)
6.3 / VERS UN RENOUVEAU
DE L’ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ
À
partir de 2005, les évolutions précédentes vont s’inverser : le nombre des accédants modestes se redresse,
sous l’effet de la réforme du PTZ de 2005 (l’ouverture du
PTZ à l’ancien sans travaux) et de l’actualisation des plafonds de ressources du PAS. Et, comme les dispositions du
plan de relance prises durant les deux années de la Grande
Récession étaient ciblées en direction des primoaccédants
(l’extension du Pass Foncier®, le doublement du PTZ dans
le neuf), les flux de l’accession vont résister à la crise : ainsi,
au plus profond de la crise, durant les années 2008 et 2009,
le nombre des accédants modestes est resté supérieur au
niveau moyen observé de 2001 à 2004… et même à ce qui
avait été constaté, en moyenne, entre 1996 et 2000 !
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
47
résidentiel
Les conditions de crédit qui prévalent depuis le début des
années 2000, ainsi que la puissance du PTZ et, au-delà, l’ensemble des dispositifs d’aide à l’accession en vigueur durant
ces années expliquent cela :
◗ l’amélioration des conditions de crédit a largement porté
la reprise et le dynamisme de l’accession. La baisse des
taux des crédits immobiliers a en effet été remarquable,
en réponse à la volonté des établissements de crédit de
redynamiser un marché essentiel pour leur activité ;
◗ le PTZ a alors permis à des ménages faiblement dotés en
apport personnel (une partie des primoaccédants (6), notamment) de réaliser leur projet et d’accéder à des espaces
urbains qui leur auraient, sinon, été fermés (avec l’ouverture du PTZ à l’ancien sans travaux lors de la réforme du
1er janvier 2005).
PTZ accordés : la remontée a même été spectaculaire (près
de 38 % de progression entre 2009 et 2011), en comparaison
du redressement observé dans le neuf.
Ainsi, dès 2011, les flux de l’accession avaient pratiquement
retrouvé leur niveau de l’année 2005. Et la part des accédants
modestes, en s’établissant à 53,2 %, était parvenue à son
zénith. Après deux années d’une crise exceptionnelle, la primoaccession (cœur de cible des dispositions du plan en faveur
de l’accession) n’avait pas été en reste : à son niveau le plus
élevé depuis le début des années 1990, elle représentait, alors,
environ 73 % de l’ensemble des accédants à la propriété.
Dès 2010, les dispositions publiques du plan de relance
et du plan de soutien au secteur bancaire et financier ont
largement profité à l’accession à la propriété. Sous l’effet
du doublement du PTZ, de l’élargissement du Pass Foncier®… les flux de l’accession ont pu se redresser dans le
neuf (+ 21 % entre 2009 et 2011). Les flux de l’accession dans
l’ancien ont, eux aussi, pu redémarrer rapidement : ils ont
largement bénéficié de conditions de crédit exceptionnelles
et du relèvement rapide de la production de crédits immobiliers, mais aussi d’une augmentation sensible du nombre des
(5) Le constat serait identique si on raisonnait sur la primoaccession, qui ne s'est jamais aussi bien portée que durant ces années. Il en est de même de l'accession des
jeunes : par exemple, les moins de 30 ans représentent environ 25 % des accédants depuis la réforme du PTZ de 2005, contre à peu près 18 % dans la première moitié
des années 2000.
(6) Primoaccession n’est pas toujours synonyme d’absence d’apport personnel, en effet. Une partie des primoaccédants à la propriété détenaient d’autres logements,
résidences secondaires ou logements locatifs privés et, de ce fait, disposaient d’un apport personnel conséquent. C’est, d’ailleurs, l'une des évolutions notables dans
le profil des jeunes primoaccédants (les moins de 30 ans dont le poids parmi l’ensemble des accédants n’avait cessé de s’accroître jusqu’en 2011). Primoaccession ne
signifie donc pas revente préalable d’un bien immobilier pour constituer l’apport personnel, alors que, en revanche, secundoaccession rime toujours avec revente
préalable d’au moins un logement en propriété occupante !
48 regards sur l’accession à la propriété…
Figure 4. Les taux d'effort (nets de toute aide)
des accédants à la propriété
Figure 5. Les prix relatifs des opérations
d'accession à la propriété
(Sources : OFL/CSA et modèle DESPINA.)
(Sources : OFL/CSA et modèle DESPINA.)
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Taux d’effort moyen net de toute aide
Taux d’apport personnel moyen
Marché du neuf
Marché de l’ancien
Ensemble de l’accession
2012
2010
2008
2006
2004
2002
1998
2000
1996
2
1994
3
1992
2012
2010
2008
2006
2004
2002
0
1998
15
1990
20
4
1988
25
5
1986
30
1984
En années de revenus des accédants
35
2000
lors qu’ils avaient jusqu’à présent pleinement bénéficié de
l’amélioration générale des conditions de crédit (baisse
des taux d’intérêt et allongement des durées, notamment), à
partir du début des années 2000, les taux d’effort des accédants
ont amorcé leur remontée sous l’effet de la hausse des prix de
l’immobilier et de la transformation des compositions familiales.
La baisse des taux d’intérêt et l’allongement de la durée des
prêts accordés ont fortement contribué à l’expansion des
marchés durant dix années, entre 1994 et 2004.
Et la hausse des prix relatifs des opérations réalisées (c’està-dire exprimés en années de revenus) qui se constate
dès la fin des années 1990 (encadré 2) a pu être, en partie,
absorbée par le maintien des taux d’apport personnel à des
niveaux élevés. La déformation de la structure des clientèles au bénéfice des catégories sociales plus aisées, donc
mieux dotées en apport personnel et revendant de plus en
plus souvent un bien immobilier pour financer une partie de
leurs nouveaux achats, a rendu cela possible.
6
1996
A
40
1994
6.4 / DES TAUX D’EFFORT MAINTENANT
EN RECUL
1992
A et Abis
1990
B1
Moyenne 2011-2013
1988
B2
1986
C
1984
20
0
Aussi constate-t-on une remontée générale des taux d’effort entre 1998 et 2004. Mais il est clair que ce sont les
ménages les plus modestes (moins de trois Smic), qui ont
le plus souffert de ces évolutions. La montée des prix de
l’immobilier (neuf et ancien) s’est, en effet, traduite par
une fermeture progressive des marchés de l’accession aux
ménages les plus modestes : c’est la « fameuse » diminution de la part de la primoaccession (75 % des accédants
jusqu’en 1998, de l’ordre de 60 % au milieu des années
Ensemble
37,1 %
32,6 %
1982
40
1982
Ancien
1980
Neuf
51,0 %
1978
60
2000), résumé rapide d’une transformation complexe
des clientèles. La part des ménages les plus aisés parmi
les accédants s’accroît, en effet, dès le début des années
2000 : ce sont désormais ces ménages, qui « font » le marché, revendant au préalable un bien afin de réaliser une
meilleure opération immobilière (mieux située, plus spacieuse, de plus grand confort, etc.). Ils sont donc prêts
à surenchérir pour acquérir les biens qu’ils convoitent,
au-delà d’un prix qui aurait pu paraître déraisonnable
en d’autres circonstances ! Il faut donc qu’ils puissent
« bien » revendre, c’est-à-dire cher. Et, aussi bien pour
eux que pour ceux qui achètent, le crédit va, par ses conditions exceptionnelles, faciliter la réalisation des projets,
huiler les mécanismes d’une machine dont beaucoup vont
durant de nombreuses années, pronostiquer le « blocage
imminent ».
1980
LA RELANCE DE
L‘ACCESSION AIDÉE
ANNONCÉE, EFFECTIVE
AU 1ER OCTOBRE 2014, DEVRAIT
STOPPER LA CHUTE DES FLUX
DE L‘ACCESSION DÈS 2015,
DANS LE NEUF.
(Source : OFL/CSA.)
Mais, compte tenu de la rapidité de la hausse des prix, cela
n’a pas été suffisant (il aurait fallu une augmentation des
niveaux d’apport, incompatible avec la réalité des marchés
et la situation des accédants) : la remontée des taux d’effort
était donc inévitable, les ménages élevant fortement leur
recours au crédit.
1978
La relance de l’accession aidée qui a été annoncée par la
ministre du Logement, avec effet au 1er octobre 2014, devrait
stopper la chute des flux de l’accession dès 2015, dans le
neuf. Elle ne sera, cependant, pas suffisante pour déclencher une remontée rapide et significative des flux correspondants. Il faudra sans aucun doute attendre que les conditions
économiques s’améliorent (recul du chômage, progression
du pouvoir d’achat). Alors que, dans l’ancien, les mesures
prises ne sont à effet qu’à compter du 1er janvier 2015.
Figure 3. Répartition des flux de l'accession
à la propriété (en %)
En % des revenus des accédants
La réforme des aides à l’accession et la mise en place du
PTZ+ s’est, en effet, traduite, en 2011, par un renforcement
de la production de prêts aidés, dans l’ancien, principalement : puisque les transformations du PTZ survenues dans
le neuf ont dégradé la puissance du produit en zone C et
en zone B2, pourtant fortement consommatrices de cette
aide, par le passé. Cela a amplifié la dynamique des flux de
l’accession, en dépit de la détérioration des conditions de
crédit constatée depuis la fin de l’année 2010.
Mais, dès 2012, la suppression du PTZ+ dans l’ancien et son
recalibrage dans le neuf (notamment au détriment des accédants les plus modestes) ont provoqué une chute brutale du
nombre des aides accordées, un repli marqué des flux de
l’accession à la propriété et une nouvelle progression des
taux d’effort des accédants modestes. C’est le marché de
l’ancien, qui a été le plus touché par ces évolutions : la récession du marché de l’ancien qui a été provoquée par cette
remise en cause de l’aide à l’accession a alors été sévère.
49
résidentiel
50 regards sur l’accession à la propriété…
C’est ainsi que, paradoxalement, l’activité n’a pas fléchi, loin
s’en faut. Il est vrai que « l’effet revenu », qui se trouve derrière la transformation de la structure des clientèles (les nouveaux accédants plus aisés sont naturellement plus riches
que les plus modestes, qu’ils « remplacent » sur le marché),
et l’amélioration des conditions de crédit absorbent à eux
seuls les trois quarts des conséquences de la montée des
prix sur l’équilibre des opérations immobilières financées.
Et, d’ailleurs, entre 2004 et 2007, l’expansion du marché
de l’accession s’est poursuivie… D’autant que, dès 2005, le
mouvement de remontée des taux d’effort a semblé céder
la place à un rétablissement de la solvabilité des accédants.
La réforme du PTZ n’est pas étrangère à cela et la mise
en place du crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt
est venue amplifier cette tendance. Le déclenchement de la
crise financière internationale et, dans son sillage, la crise
des marchés immobiliers, n’ont pas remis en cause cette
évolution : les mesures du plan de relance (doublement
du PTZ, élargissement du Pass Foncier®) ayant permis de
relever de façon substantielle la solvabilité des accédants
modestes… sans oublier une amélioration spectaculaire des
conditions de crédit, qui est équivalente, du point de vue
de la solvabilité de la demande, à une baisse des prix de
l’ordre de 15 % !
Même si elle n’a pas pénalisé l’activité des marchés de l’accession, la réforme des aides à l’accession s’est traduite par
une remontée des taux d’effort, dès 2011, la suppression du
crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt n’étant pas
compensée par la mise en place du PTZ+. Ce sont, alors,
les taux d’effort des accédants les plus modestes (moins de
trois Smic), qui se sont relevés les plus fortement : tandis
que, pour l’ensemble des accédants, cette remontée a été
de l’ordre de 3 points en 2011, elle a été de plus de 6 points
pour les moins de deux Smic et de l’ordre de 4 points pour
les deux à trois Smic. Dans le même temps, la hausse des
taux d’effort a été au plus de 2 points pour les trois à quatre
Smic, alors que les taux d’effort n’ont pratiquement pas
bougé pour les quatre Smic et plus.
La suppression du PTZ+ dans l’ancien, qui est survenue en
2012, est venue aggraver les évolutions précédentes pour
les accédants modestes (moins de trois Smic) : pour tous ces
ménages, les taux d’effort supportés en 2012 ont retrouvé
leur niveau le plus élevé de ces trente dernières années.
Alors qu’ici encore, pour les plus de trois Smic, les évolutions observées ne révèlent pas d’aggravation de leurs taux
d’effort.
Pourtant, une fois les effets de la transformation des clientèles absorbés (moins de ménages jeunes et/ou modestes,
faiblement dotés en apport personnel et recentrage du marché sur les ménages aux revenus moyens ou élevés, plus
avancés dans le cycle de vie et bien dotés en apport personnel), le mouvement de décrue des taux d’effort a repris dès
2013. Les taux d’effort ont, alors, reculé et retrouvé leurs
niveaux du milieu des années 2000, juste avant la réforme
du PTZ du 1er janvier 2005 : donc, lorsque les flux de l’accession étaient majoritairement composés de ménages aux
revenus moyens ou aisés.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
51
résidentiel
6.5 / EN CONCLUSION
La « relance » de l’accession à la propriété constitue l’une
des priorités inscrites dans le plan voulu par le Premier
ministre et la ministre du Logement. L’ensemble des
mesures qui ont été présentées, pour cela, va faciliter l’interruption de la chute de la primoaccession et, dès 2015, entraîner un relèvement des flux de l’accession à la propriété.
Les leviers d’action qui pouvaient être manœuvrés pour
relever le niveau de l’accession étaient, en fait, peu nombreux, au nombre de trois : la politique budgétaire publique ;
la conjoncture économique générale (situation du marché
de l’emploi et pouvoir d’achat), qui ne se rétablira probablement que (très) lentement ; et l’offre de crédits, tant par son
volume que par les conditions qui peuvent être faites (taux,
durées, niveau des apports personnels).
Deux conditions importantes sont maintenant réunies : une
volonté publique et des moyens budgétaires supplémentaires pour redynamiser le PTZ ; des taux d’intérêt parti­
culièrement bas et une offre de crédits dont le dynamisme
ne se dément pas.
Un écueil important a, en outre, été évité : celui qui aurait
consisté à attendre que les prix baissent pour que, naturellement, la demande se redresse d’elle-même. La relance était
donc devenue nécessaire.
ENCADRÉ N° 1
L’OBSERVATOIRE DU FINANCEMENT DU LOGEMENT (CSA)
Chaque année, depuis 1978, l’Observatoire du financement du logement de CSA réalise une enquête nationale
sur le financement par emprunt des opérations immobilières effectuées par les ménages. Cette enquête (7), qui est
conduite auprès de l’ensemble des établissements distributeurs de crédits, recense les dossiers de prêts ayant
financé l’acquisition d’un logement principal, d’une résidence secondaire ou d’un bien en immobilier de rapport,
ou la réalisation de travaux.
Les résultats repris dans cet article ne concernent que les
seules opérations d’accession à la propriété réalisées dans le
neuf et dans l’ancien. L’échantillon concerne, alors, près de
42 000 opérations réalisées en 2013 (près de 14 000 dans le
neuf et de 28 000 dans l’ancien), dans la France entière, dont
plus de 12 000 accessions en Île-de-France : dans le cadre
de l’échantillonnage retenu, la couverture géographique
concerne les trois quarts des communes d’Île-de-France et
35 % des communes métropolitaines. Le taux de sondage
associé à cet échantillon est donc de l’ordre de 6,7 % pour
la France entière et de 9,3 % pour l’Île-de-France.
(7) Cette enquête bénéficie du soutien d’établissements de crédit (Banque Populaire, Banque Postale, BNP Paribas, CFF, CNCE, Crédit Agricole, Crédit Lyonnais,
Crédit Mutuel), ainsi que de la SGFGAS, dans le cadre des suréchantillonnages PAS et PTZ, mais aussi de Crédit Logement et de la FFB.
Cette expansion a été rendue possible par une amélioration
des conditions de crédit, sans précédent, jusqu’alors, et un
développement très rapide de l’offre de crédits.
Comme, dans le même temps, la structure des marchés
s’est transformée, dans un contexte d’amélioration prononcée de la qualité des biens échangés (9), les conséquences de
ces évolutions se sont ressenties sur le prix des logements.
(8) Voir sur ce point : Michel Mouillart, « Marché du logement et comportement des ménages : règles d’or et tendances récentes », L’Observateur de l’Immobilier, n° 54,
juillet 2002, pages 2 à 12.
(9) Par exemple, alors qu’en 1978 l’Enquête nationale sur le logement (Insee) comptait plus de 5 millions de logements très inconfortables (26,9 % des résidences
principales), en 1988, il n’y avait plus « que » 2 millions de logements très inconfortables (9,6 % des résidences principales), moins d’un million en 1996 (4,0 %
des résidences principales) et « seulement » 350 000 en 2006 (1,3 % des résidences principales).
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
5,5
5
5
4,5
4,5
Prix relatif observé
Prix relatif observé
Prix théorique à conditions de crédit inchangées
Prix théorique à conditions de crédit inchangées
Dans l’ancien, les prix auraient dû se stabiliser à 3,1 années
de revenus, en moyenne.
L’effet de l’amélioration des conditions de crédit aura
donc été essentiel, durant ces années, aidant les ménages
à réaliser, beaucoup plus largement que par le passé, leurs
2013
2011
2012
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2,5
2005
2,5
2004
3
2003
3
1999
3,5
2000
3,5
4
1998
4
1997
En années de revenus
5,5
2001
Mais, durant ces années, l’amélioration des conditions de
crédit a permis aux ménages de supporter une large partie
des conséquences de la hausse des prix. Par exemple, si
les conditions de crédit ne s’étaient pas améliorées (restant au niveau de celles constatées en 1997-1998), il aurait
fallu que, « ceteris paribus », les prix soient plus bas : la
contrainte étant alors de conserver les mêmes effectifs
d’accédants, ceux-ci disposant des mêmes niveaux de
revenus que ceux observés, supportant les mêmes taux
d’effort… Dans le neuf, les prix n’auraient pas dû s’écarter de 3,5 années de revenus, sauf durant les années 2011
et 2012, durant lesquelles la remise en cause du PTZ a
commencé à faire sortir les plus modestes… les restants
pouvant supporter des prix relatifs plus élevés (de l’ordre
de 4 années de revenus).
(Source :
6 DESPINA.)
2002
En 2012, donc, le prix d’un logement neuf était de 5,3
années de revenus et le prix d’un logement ancien, de 5,2
années de revenus.
(Source :
6 DESPINA.)
1999
On assiste, alors, à une augmentation à peu près régulière
du niveau des prix relatifs : celle-ci ne s’étant finalement
interrompue qu’à partir de 2013, tandis que l’effondrement
de la primoaccession des ménages modestes avait provoqué une restructuration profonde de la composition sociodémographique des flux de l’accession.
2000
Jusqu’à la fin des années 1990, les prix relatifs des logements n’avaient guère affiché de tendance haussière. Dans
le neuf, le prix relatif fluctuait, bon an mal an, autour de 3,5
années de revenus et, dans l’ancien, autour de 2,6 années
de revenus.
Ainsi, au-delà des fluctuations qui pouvaient se constater
d’une année sur l’autre, le prix relatif des logements en
accession était de l’ordre de 3,0 années de revenus, marchés du neuf et de l’ancien confondus. Cela renvoyait à
cette fameuse « règle d’or » (8), qui semblait, alors, définitivement gravée dans le marbre.
Puis l’activité des marchés immobiliers de l’accession s’est
fortement redressée : entre le milieu des années 1990 et
les années 2006-2007, juste avant le déclenchement de
la crise des subprimes, les flux de l’accession ont crû de
l’ordre de 400 000 unités, doublant pratiquement en une
dizaine d’années.
Figure 7. Les prix relatifs supportés dans l’ancien
et les prix théoriques en l’absence d’amélioration
des conditions de crédit
1998
PRIX DES LOGEMENTS ET CONDITIONS DE CRÉDIT
Figure 6. Les prix relatifs supportés dans le neuf
et les prix théoriques en l’absence d’amélioration
des conditions de crédit
1997
ENCADRÉ N° 2
53
résidentiel
En années de revenus
52 regards sur l’accession à la propriété…
projets d’accession à la propriété. Et il semble, de ce fait,
indispensable de ne pas oublier de prendre en compte
cette évolution, surtout au regard de la baisse des taux
des crédits immobiliers constatée depuis le début de l’année 2014.
54
7
LES RÉPONSES APPORTÉES
PAR LE PRÊT VIAGER
HYPOTHÉCAIRE AUX ENJEUX
DU VIEILLISSEMENT DE LA
POPULATION
Par Nicolas Pécourt, directeur communication externe et RSE, Crédit Foncier.
55
résidentiel
Ce groupe de travail était composé de…
◗ Hippolyte d’Albis, professeur d’économie, université Paris I Panthéon-Sorbonne & Paris School of Economics.
◗ Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances.
◗ Bruno Deletré, directeur général du Crédit Foncier.
◗ Éliane Frémeaux, notaire honoraire, membre de l’Institut d’études juridiques du Conseil supérieur du notariat.
◗ Jean-Hervé Lorenzi, professeur d’économie, président du Cercle des économistes.
◗ André Renaudin, directeur général de AG2R La Mondiale.
◗ Isabelle Rougier, directrice générale de l’ANAH.
◗ Franck Silvent, directeur du pôle Finances, stratégie et participations du groupe Caisse des Dépôts.
◗ Claude Taffin, directeur scientifique de Dinamic.
◗ Bernard Vorms, ancien président de la SGFGAS, ancien directeur général de l’ANIL.
7.1/ LE FINANCEMENT DES DIFFÉRENTES
ÉTAPES DE LA « PÉRIODE DE VIE »
DES SENIORS EST UN ENJEU DE SOCIÉTÉ
L
e vieillissement de la population constitue le phénomène démographique majeur des vingt-cinq ans
à venir, dans notre pays, qui va enregistrer un accroissement significatif de la part des seniors. Ainsi, selon
l’Insee (2), les plus de 60 ans, qui représentaient 21 % de
la population en 2000, devraient compter pour 26 % des
Français en 2020 et 31 % en 2040. Mieux : dès l’année prochaine, en 2015, la France comptera plus de « seniors »
(60 ans et plus) que de « jeunes » (moins de 20 ans).
Tableau 1. Prévisions de l’évolution de la structure de la population en France métropolitaine
(Source : Insee, n° 1320 ; octobre 2010 ; projections de population à l'horizon 2050.)
Le vieillissement de la population constitue le phénomène démographique majeur de ces prochaines années.
Et son corollaire – la proportion de plus en plus importante des seniors, l’accroissement de leurs besoins et
du financement de ces besoins dans un contexte budgétaire contraint –, l’un des défis majeurs auxquels devra
répondre notre société.
Pour analyser l’incidence de ce sujet, un groupe de réflexion
composé de professionnels de l’immobilier, d’universitaires
et de dirigeants d’entreprise a travaillé sur les questions
liées aux attentes et aux demandes spécifiques des seniors,
ainsi qu’aux moyens d’y répondre.
Les première et deuxième parties de ce texte reprennent des
éléments du rapport (1) publié par ce groupe de réflexion au
mois de mai 2014.
Dans un contexte général de dépenses publiques contraintes,
qui impliquent la montée en puissance de dispositifs complémentaires de prise en charge des besoins des seniors, l’immobilier est apparu comme l’une des solutions les mieux à
même de répondre à ces enjeux dans les prochaines années.
Ces dispositifs complémentaires apparaissent d’autant plus
nécessaires que les plus de 65 ans, qui équivalaient à un
quart (26 %) de la population des 15-64 ans en 2010, passeront à près de la moitié (46 %) en 2050.
(1) Ce rapport est disponible en téléchargement sur le site : http://creditfoncier.com/nouveaux-besoins-de-financement-des-seniors/
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Année
Population
au 1er janvier
(en millions)
Proportion
des 0-19 ans
Proportion
des 20-59 ans
Proportion
des 60-64 ans
Proportion
des 65-74 ans
Proportion
des 75 ans et +
2000
58,9
26 %
54 %
5 %
9 %
7 %
2015
64,5
24 %
51 %
6 %
9 %
9 %
2020
66,0
24 %
50 %
6 %
11 %
9 %
2025
67,3
24 %
48 %
6 %
11 %
11 %
2030
68,5
23 %
48 %
6 %
11 %
12 %
2035
69,7
23 %
47 %
6 %
11 %
14 %
2040
70,7
22 %
47 %
5 %
11 %
15 %
(2) Étude Insee, projections pour la population métropolitaine au 1er janvier de chaque année.
56 le prêt viager hypothécaire
UNE POPULATION QUI AFFICHE
DES BESOINS SPÉCIFIQUES
Cette population des seniors se caractérise, en parallèle, par
un accroissement de ses besoins, qu’ils soient souhaités (loisirs) ou subis (santé et dépendance). Quatre types de besoins
peuvent être ainsi distingués.
Les dépenses liées à la dépendance
L’entrée en dépendance de certaines personnes âgées s’accompagne de frais complémentaires élevés : à titre d’illustration, le coût moyen, pour un résident en établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad),
est de 2 400 euros par mois (1 800 euros en cas de maintien
à domicile), à comparer à une retraite moyenne, en France,
de l’ordre de 1 250 euros par mois.
De fait, selon un rapport du Sénat (3), seule une personne
sur cinq serait en mesure de financer son hébergement en
maison de retraite sur ses revenus.
Les dépenses relatives à l’amélioration de l’habitat et
à son adaptation au vieillissement
Ces dépenses répondent à différentes motivations :
◗ il peut d’abord s’agir de travaux de « rafraîchissement » d’un
habitat qui commence à vieillir et qui nécessite donc d’être
refait pour partie (peintures, équipements, etc.). Ces travaux
répondent également à la volonté de profiter du temps libre
par l’aménagement d’une terrasse, d’une véranda, d’une piscine… et de rendre ainsi plus confortable un habitat dans
lequel on passe désormais l’essentiel de son temps ;
◗ entre aussi en ligne de compte la « valeur verte » : en l’occurrence, la mise à niveau énergétique du parc immobilier
et la réalisation de travaux d’isolation thermique qui généreront des économies d’énergie ou, simplement, amélioreront le confort du logement pour mieux y vivre ;
◗ enfin, et surtout, l’adaptation de l’habitat au vieillissement reste l'une des motivations principales. Elle prend
la forme, par exemple, de l’installation de rampes ou
d’une chambre au rez-de-chaussée en cas de difficultés
d’accès à l’étage, du réaménagement de la salle de bains,
etc. Comme le souligne un rapport commun de l’Agence
nationale de l’habitat (ANAH) et de la Caisse nationale
d’assurance vieillesse (CNAV), « une majorité de Français
expriment le souhait de pouvoir vieillir chez eux, à leur
domicile » (4). Le souhait des personnes âgées en situation
de dépendance de rester chez elles, lorsqu’elles le peuvent,
plutôt que de rejoindre des maisons médicalisées, est soutenu par les pouvoirs publics, pour lesquels cette solution
est beaucoup moins onéreuse, au moins en deçà d’un certain degré de dépendance.
Selon une étude britannique (5) citée par l’ANAH, une
année de report du besoin d’entrer en institution d’une
personne âgée induit une économie de plus de 22 000
euros par personne, alors que le coût de l’adaptation du
logement représente 5 000 euros en moyenne.
Les dépenses dites de « bien vieillir »
Du fait d’une meilleure santé que leurs aînés, les seniors
d’aujourd’hui envisagent des dépenses plus importantes et
d’une nature différente, liée, notamment, aux loisirs, aux
voyages, etc. Cette volonté de consommation de la part de
générations qui ont vécu les Trente glorieuses est significative. Le budget affecté aux vacances chez les retraités serait
ainsi de 30 % supérieur à la moyenne nationale. (6)
L’aide intergénérationnelle et le souci de préserver ses
enfants de la prise en charge des aînés
Alors que les besoins d’aide des jeunes générations tendent
à s’accroître, du fait de la dégradation du contexte économique, la transmission de patrimoine d’une génération à une
autre est de plus en plus tardive, conséquence de l’allongement de la durée de vie.
Par ailleurs, les personnes âgées n’habitent plus chez leurs
enfants et ne souhaitent plus constituer un « fardeau » pour
eux. Elles sont amenées, de ce fait, à conserver une épargne
de nature à assurer cette indépendance.
LES RESSOURCES FINANCIÈRES ACTUELLES
POUR Y RÉPONDRE
Les pouvoirs publics dans leur ensemble contribuent déjà
de façon significative au financement de certains besoins
des seniors. Au-delà des retraites par répartition et de la
Sécurité sociale, pour la prise en charge des maladies, il
peut s’agir, par exemple, des aides pour les frais de dépendance et plus particulièrement de l’allocation personnalisée
d’autonomie (APA) à la charge des conseils généraux, des
aides de l’État et des collectivités au travers de l’ANAH
ou encore des aides spécifiques des collectivités locales
(CCAS, etc.).
Dans un rapport datant de 2008 (7), le Sénat évalue la
dépense publique liée à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées à environ 19 milliards d’euros. Ce coût est principalement supporté par l’assurance
maladie (60 %) et les départements (20 %).
Les ménages eux-mêmes, selon le rapport du Sénat (7) déjà
cité, acquittent au moins 7 milliards d’euros par an en complément des ressources fournies par la solidarité nationale
pour la couverture des frais liés à la dépendance :
◗ par le biais, très majoritairement, des pensions et revenus
perçus par les seniors ;
(3) Mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque – juillet 2008 ; mission présidée par Philippe Marini ;
rapport d’étape d'Alain Vasselle.
(4) Rapport ANAH et CNAV, Adaptation des logements pour l’autonomie des personnes âgées, décembre 2013.
(5) Étude publiée par Frances Heywood et Lynn Turner (Université de Bristol, Royaume-Uni), en 2007, sur les conséquences sur les budgets santé/social
d’un investissement dans l’adaptation, l’amélioration et l’équipement du logement pour les personnes âgées et en situation de handicap.
(6) Source : Institut Français des Seniors, données publiées sur le site en 2013.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
57
résidentiel
◗ cette prise en charge peut aussi se faire par recours au
crédit, ou par des contrats d’assurance de deux ordres :
les seniors bénéficient de rentes issues de contrats d’assurance-vie ou de contrats d’assurance dépendance ;
◗ lorsqu’il a été réalisé pendant la vie active, l’investissement locatif (perception de loyers) est aussi une solution
complémentaire de revenus.
Les proches et aidants jouent également un rôle essentiel
dans le soutien des personnes âgées.
7.2 / LA MAJORITÉ DU PATRIMOINE
IMMOBILIER APPARTIENT AUX SENIORS
1er constat : les seniors détiennent la majorité du patrimoine
des ménages français. La génération des 60-69 ans affiche,
ainsi, le montant de patrimoine le plus élevé avec une
moyenne de 358 900 euros, soit 39 % de plus que la moyenne
sur l’ensemble de la population (259 000 euros).
Cet état de fait tient à différents facteurs :
◗ il s’agit d’un patrimoine qui, mécaniquement, représente
l’accumulation des ressources acquises pendant la vie
active ;
◗ ce patrimoine bénéficie d’un « effet générationnel »,
conséquence de la valorisation des prix immobiliers ; le
patrimoine des seniors a naturellement progressé avec la
hausse des prix de l’immobilier et s’est accru de façon relative par rapport aux générations plus jeunes, propriétaires
dans une moindre proportion ;
◗ l’effet de l’héritage se produit à un âge de plus en plus tardif.
2e constat : ce patrimoine détenu par les seniors est essentiellement immobilier. À partir de 60 ans, trois ménages sur
quatre sont propriétaires d’au moins un bien immobilier.
Souvent, il s’agit du bien unique.
(7) Sénat – mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, op. cit.
58 le prêt viager hypothécaire
7.3 / LE PRÊT VIAGER HYPOTHÉCAIRE,
UNE SOLUTION ADAPTÉE AUX SENIORS
Tableau 2. Taux de détention d’un patrimoine
immobilier (part en %)
(Source : Insee – Enquête patrimoine 2010, op. cit.)
Patrimoine
immobilier
Résidence
principale
Moins de 30 ans
17 %
13 %
6 %
De 30 à 39 ans
50 %
47 %
11 %
De 40 à 49 ans
63 %
59 %
18 %
De 50 à 59 ans
73 %
68 %
27 %
De 60 à 69 ans
76 %
72 %
28 %
70 ans et plus
75 %
73 %
19 %
Ensemble
62 %
58 %
19 %
Âge
Autres
logements
On constate donc que :
◗ la part des seniors dans la communauté nationale va devenir de plus en plus importante dans les années à venir ;
◗ l’un des enjeux importants qui découleront de cet accroissement résidera dans le financement des besoins spécifiques de cette population ;
◗ de fait, les seniors sont et seront confrontés à des besoins
de financement et ce, alors même qu’ils détiennent la
majorité du patrimoine en France ; ce patrimoine est
composé essentiellement de biens immobiliers, souvent
libres de charges et d’emprunts (seuls 2,5 % des propriétaires âgés de plus de 65 ans remboursent encore leur
emprunt).
Dès lors, les questions suivantes se posent : comment peuton mobiliser pour partie ce patrimoine pour répondre à des
besoins de financement qui ne pourront être pris en charge
par la solidarité nationale et/ou familiale ? Comment peuton le rendre « liquide » et immédiatement disponible pour
répondre aux besoins de financement ?
Une réponse pertinente est aujourd’hui apportée par le
prêt viager hypothécaire (PVH).
SES CARACTÉRISTIQUES
Le PVH, créé en 2006 à l’occasion de la « réforme des sûretés », permet aux seniors d’obtenir un prêt sans charges
périodiques de remboursement en apportant en garantie un
bien immobilier dont ils conservent à la fois la pleine propriété et la faculté de l’occuper.
Il s’agit d’un prêt dont le principe, assez simple, obéit à un
cadre réglementaire strict (8) :
◗ un banquier prête une somme d’argent à un particulier
senior et prend en garantie une hypothèque sur un logement lui appartenant ;
◗ le prêt peut être versé en une seule fois pour un besoin
ponctuel ou en plusieurs fois (versements semestriels) ;
◗ dès lors, l’emprunteur ne paie rien. Il a pour seule obligation d’entretenir le logement dont il est toujours propriétaire afin de ne pas en réduire la valeur de son propre fait.
Le montant du prêt dépend de l’âge de l’emprunteur et de
la valeur du logement offert en garanti. Comme le PVH est
d’une durée viagère (9), plus l’emprunteur est âgé, plus le
montant sera élevé.
Le PVH constitue une alternative avantageuse, qui procure
des garanties que n’offre pas la vente en viager.
◗ Le logement reste dans le patrimoine : il n’y a pas transfert de propriété du logement.
Si le logement appartient à un couple dont les deux
conjoints empruntent, c’est au décès du dernier vivant que
le prêt est remboursé. Le conjoint veuf reste donc dans les
lieux.
Il est librement réversible par le remboursement anticipé du prêt et peut donc être interrompu à tout instant
à l’initiative de l’emprunteur, alors que la vente en viager
est irréversible ; de fait, si, en cours de prêt, l’emprunteur
change d’avis, il peut rembourser sa dette à tout moment
par anticipation.
Le bien n’est pas « perdu » pour les héritiers, en particulier
en cas de décès précoce : ils peuvent choisir de rembourser
le prêt pour récupérer le bien porté en garantie.
◗ Au décès de l’emprunteur, si la dette est supérieure
à la valeur du bien, la différence est supportée par la
banque : il n’y a pas de dette laissée aux héritiers.
Par contre, si la valeur du bien est supérieure à la dette,
l’excédent revient aux héritiers. À l’inverse, dans le viager,
les héritiers ne toucheront rien au décès du propriétaire
puisque le bien revient totalement au débirentier.
AVANTAGES POUR L’EMPRUNTEUR
Avec le PVH, le propriétaire rend liquide son patrimoine
immobilier. Il peut ainsi disposer de ressources complémentaires sans entamer son épargne financière, sans avoir à
vendre son patrimoine immobilier (vente classique ou vente
viagère) et sans avoir à solliciter ses enfants pour faire face
à des dépenses importantes.
De plus, grâce au prêt viager hypothécaire, on peut emprunter même à un âge très avancé, quels que soient l’état de
santé et les ressources de l’emprunteur.
(8) Articles L. 314-1 et suivants du Code de la consommation.
(9) Durée viagère : durée de la vie du ou des emprunteurs.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
59
résidentiel
◗ La mise en place d’un PVH ne dépend pas de l’existence d’investisseurs, contrairement à l’achat en viager.
Ainsi, quand le besoin s’en fait sentir, le prêt peut être
obtenu sans attendre de trouver un débirentier, comme en
viager traditionnel.
Elle ne dépend pas non plus de l’état du marché immobilier.
◗ Les fonds du PVH ne sont pas considérés comme des
revenus et n’ont pas d’impact sur les aides sociales et la
fiscalité, car il s’agit de capital et non de rente. La vente en
viager est, quant à elle, partiellement imposable.
LE PVH CONSTITUE
UNE ALTERNATIVE
AVANTAGEUSE, QUI
PROCURE DES GARANTIES QUE
N’OFFRE PAS LA VENTE EN VIAGER.
SON ATOUT PRINCIPAL : LE LOGEMENT
RESTE DANS LE PATRIMOINE.
DONNÉES ET CHIFFRES
Le Crédit Foncier est aujourd’hui le seul établissement, en
France, à proposer le prêt viager hypothécaire.
Doté d’une forte culture hypothécaire et d’une expérience
reconnue dans l’évaluation des biens immobiliers, il est bien
positionné sur ce produit de niche.
De l’expérience acquise depuis plusieurs années, on peut
ainsi qualifier les souscripteurs du PVH.
– Âge moyen de l’emprunteur : 77 ans ;
– montant moyen prêté : 88 000 euros ;
– près de 1000 contrats souscrits chaque année (à titre de
comparaison, 3 000 à 4 000 pour le viager) ;
– les emprunteurs habitent notamment l’Île-de-France (19 %)
ou la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (14 %) ;
– plus de la moitié d’entre eux sont seuls (52 %) ;
– même si l’âge moyen est inchangé depuis 2010 (77 ans), la
part des 60 à 70 ans progresse depuis quatre ans.
Une étude réalisée en juillet 2013 auprès de souscripteurs du PVH montre, par ailleurs, que l’entretien du
logement est le premier motif de souscription.
60
8
LE VIAGER D’AUJOURD’HUI
Par Nicolas Tarnaud, titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.
I
l existe un rapport étroit et intime entre les Français et
l’immobilier. C’est une longue histoire d’amour et de
fidélité à laquelle ils sont attachés. Les Français envisagent
l’immobilier comme une sécurité, une valeur refuge et un
compagnon fidèle. Le logement a plusieurs valeurs, plusieurs fonctions et plusieurs destinations. Il est à la fois un
espace privé, une représentation du statut social et un bien
marchand.
Depuis la crise financière de 2007, le rapport à la pierre
et à l’épargne s’est renforcé. Devenir propriétaire (résidence principale, secondaire ou investissement locatif) est
donc un rêve récurrent, chez les Français, notamment en
temps de crise, où l’aspect tangible des actifs immobiliers
est recherché par opposition aux actifs financiers volatils et
immatériels. Or, le viager est aussi un moyen d’accéder à la
propriété plus facilement, notamment pour les profils qui
bénéficient de revenus non salariés ou des profils atypiques.
Face aux problèmes des retraites, de l’allongement de la
durée de vie et du financement de la dépendance, la question des arbitrages patrimoniaux est incontournable. Les
seniors possèdent aujourd’hui 700 milliards d’euros dans
l’immobilier, selon l’Insee. Ce patrimoine est leur principale ressource mobilisable et ils disposent de moins en
moins de revenus (pensions, épargne financière…) pour
maintenir un niveau de vie et faire face à l’augmentation
des dépenses de santé.
LE VIAGER EST UN
MOYEN DE DISPOSER
D’UN APPORT EN
CAPITAL ET DE RENTES RÉGULIÈRES
JUSQU’À LA FIN DE SA VIE.
C’EST UN COMPLÉMENT DE
REVENUS DÉFISCALISÉS POUR
COMPENSER DES RETRAITES
FAIBLES OU INCERTAINES.
Le viager permet de « rendre liquide » un bien qui ne l’est
pas. Cela revient, pour le vendeur, à hériter de lui même.
C’est un moyen de disposer d’un apport en capital et de
rentes régulières jusqu’à la fin de sa vie. C’est aussi un
complément de revenus défiscalisés pour compenser des
retraites de plus en plus faibles et incertaines. Le viager est
donc, ou deviendra, un outil de financement des retraites
dans un contexte de population vieillissante, de financement
de la dépendance et d’un État providence de moins en moins
présent. Ainsi, le viager répond parfaitement bien, dans le
contexte actuel, aux attentes des vendeurs et des acheteurs.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
61
résidentiel
QUEL EST LE PROFIL D’UN VENDEUR EN VIAGER ?
Les vendeurs sont le plus souvent des personnes âgées
avec un faible niveau de retraite. Ils ont besoin de liquidités et souhaitent finir leur vie chez eux le plus tard possible. Le profil du vendeur type va être quelqu’un d’un
âge assez avancé. Il n’y a donc pas d’âge, de référence
mais une tranche d’âge, variant de 60 à 80 ans. Le vendeur est généralement une personne retraitée qui cherche
un complément de revenu et qui n’a pas d’héritiers. Un
autre profil type de vendeur se dégage également : celui
des femmes seules de 75 à 80 ans, avec des enfants.
Cela n’est pas étonnant, puisque le niveau de la pension de
réversion ne suffit pas toujours à maintenir un niveau de
vie décent, surtout lorsque les femmes ont peu ou pas cotisé
durant leur vie « au foyer », ou lorsqu’elles ont accusé de
nombreuses périodes d’inactivité professionnelle.
Les agences spécialisées dans le viager rencontrent des
couples entre 70 et 75 ans, qui vendent soit parce que c’est
un remariage (ils se protègent l’un et l’autre par rapport aux
enfants qu’ils ont pu avoir de relations antérieures), soit
parce que certains d’entre eux ont connu plusieurs mariages
et ont eu des enfants issus de plusieurs relations. Ce que
l’on voyait, auparavant, c’était des personnes très âgées qui
n’avaient plus les moyens de subvenir à leurs propres besoins.
Alors qu’aujourd’hui, on distingue beaucoup de personnes
de 60 à 70 ans qui veulent vendre en viager pour se mettre
à « l’abri », dans le but de mieux anticiper l’avenir.
Nombreux, aussi, sont ceux qui veulent garder un logement coûteux et un train de vie, à Paris par exemple, à l’âge
de la retraite.
L’INDÉPENDANCE FINANCIÈRE
La préparation de la succession peut être aussi une motivation pour tous les vendeurs avec enfants. Vendre en viager est donc une façon de se protéger des enfants de son
conjoint ou d’un partage délicat entre les enfants au moment
de l’héritage. Les enfants (descendants) ont une obligation
alimentaire à l’égard de leurs parents (ascendants).
L’obligation alimentaire existe depuis la mise en place du
Code civil par Napoléon : « Les enfants doivent des aliments
à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le
besoin » (article 205 du Code civil).
Mais les parents ne veulent pas dépendre de leurs enfants.
Et ce, d’autant moins que les enfants d’aujourd’hui subissent
une crise que leurs parents ou grands-parents n’ont pas
connue durant les Trente glorieuses. L’alternative du viager
permet à la fois de conserver leur indépendance financière,
dans un monde économiquement incertain, et de protéger
leurs descendants. Le contexte économique et social, en
France, pousse les seniors à rechercher des moyens alternatifs destinés au financement de leur retraite. Nombreux
sont ceux pour qui la retraite ne suffit pas à payer des soins
médicaux, une maison de retraite, une assistance à domicile... et pour qui le viager est un moyen de percevoir une
rente régulière, indexée et fiscalement intéressante.
QUELS SONT LES AVANTAGES
POUR LE VENDEUR ?
Si 80 % des seniors préfèrent ne pas quitter leur résidence
principale, 90 % de ceux qui partent vivre en établissement
spécialisé le font contre leur gré. Le viager permet, ainsi,
de rester chez soi le plus longtemps possible et de financer
l’aménagement du grand âge des personnes ayant un handicap. Au niveau fiscal, ce système est attractif, puisqu’une
exonération de 70 % est appliquée sur la rente perçue par
le vendeur, si celui-ci a plus de 70 ans. Ainsi, le vendeur ne
fiscalise que sur 30 %.
Lorsqu’il n’y a pas d’héritiers, certains vendeurs peuvent
placer le montant du bouquet sur un contrat d’assurance-vie.
Ils pourront ainsi bénéficier d’une rente viagère financière
immédiate défiscalisée, en plus de la rente viagère immobilière. De plus, au cas où l’acheteur ne paierait plus les
mensualités (difficultés financières, cessation de paiement
dans le cas d’une entreprise), le vendeur est protégé par
une clause résolutoire. Si les rentes cessaient d’être payées,
le vendeur pourrait, alors, récupérer la totalité de son bien.
Dans l’ensemble, il n’existe pas d’inconvénients majeurs
pour le vendeur, très bien protégé par la législation.
62 le viager d’aujourd’hui
l’investissement dans un viager libre que l’on peut louer,
un viager occupé ne procure pas de revenus fonciers. Ce qui
permet aux profils fiscalisés de ne pas se retrouver dans une
tranche d’imposition supérieure.
La clientèle en viager est donc une clientèle aisée, qui est
capable d’avoir une diversification de patrimoine dans
laquelle elle n’est pas sur une phase de constitution avec un
horizon connu et des données connues. L’acheteur en viager connaît le marché de l’immobilier résidentiel et l’univers
des placements.
L'INCONVÉNIENT
MAJEUR DE L'ACHAT
EN VIAGER EST QUE
LE PARTICULIER DOIT VERSER UNE
RENTE AVEC UNE CONTREPARTIE
ALÉATOIRE (DATE DE LA
DISPOSITION DU BIEN).
LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS
QUEL EST LE PROFIL DE L’INVESTISSEUR ?
Les acheteurs en viager, du côté des particuliers, sont
essentiellement des hommes, âgés de plus 40 ans, de
catégories socioprofessionnelles supérieures, souvent
mariés, avec des enfants et propriétaires de leur résidence
principale. Les acheteurs en viager n’ont pas besoin
d’occuper un bien dans l’immédiat et n’ont pas de
contraintes temporelles. Ce sont des individus qui ont
exploré différentes solutions et qui envisagent de diversifier leur patrimoine. Ils possèdent déjà leur résidence principale, disposent de revenus élevés et ont du
temps devant eux. Ils cherchent à se constituer un patrimoine, parfois pour préparer leur propre retraite. Ce
sont aussi des personnes cherchant des investissements
originaux et plus risqués. Ces investisseurs sont conscients
des conséquences de leurs actions. Pour eux, la prise de
risque est nécessaire pour obtenir du rendement. Hormis
63
résidentiel
Les institutionnels se sont désengagés de l’immobilier résidentiel à Paris, en Île-de-France, à Lyon, et à Marseille au
début des années 1990. Ils ont cédé un million de logements
depuis le début des années 1990 pour se recentrer sur l’immobilier tertiaire (bureaux) et commercial (centres commerciaux, murs de boutiques…), beaucoup plus rémunérateurs
et moins contraignants fiscalement et juridiquement. Même
si la Caisse des dépôts vient de lancer le nouveau fonds
viager Certivia, la présence des investisseurs institutionnels
reste encore marginale sur ce marché. Les risques d’aléas,
de temps et les coûts de gestion importants peuvent être des
obstacles. Certains grands groupes essaient de monter des
placements collectifs avec du viager.
Les fonds d’investissement, qui ont une approche économique et mathématique de leurs investissements, proposent
des offres de prix nettement inférieures au barème des
calculs viagers. Un investisseur institutionnel va appréhender un actif par le risque et par le taux interne de rentabilité : méthode des cash flow. Au-delà de l’aspect financier, il
faut donc trouver des solutions alternatives car, d’ici quinze
à vingt ans, la génération du baby-boom aura 80 ans en
moyenne. Les grands investisseurs institutionnels ont donc
intérêt à faire du viager dans le cadre de leur objet social,
qui est d’aider l’économie française.
Le viager peut intéresser une société qui souhaite diversifier ses achats et prendre des risques en investissant dans
un marché peu développé et contraignant (juridiquement,
fiscalement).
La taille du marché du viager est modeste avec seulement
cinq mille logements vendus et principalement dans les
structures intrafamiliales.
Les fonds d’investissement veulent que la prise de risque
soit intégrée dans le pricing du viager, d’où la question de la
négociation des prix avec les vendeurs, qui crée parfois des
tensions. Lorsqu’on achète dix, quinze, vingt viagers, statistiquement il y a des chances pour qu’un viager se libère,
par le décès avant l’âge de décès prévu du vendeur, ce qui
mutualise et donne du confort financier.
L’achat en viager libre représente une alternative dans un
contexte économique où l’on a du mal à obtenir un crédit
et à acquérir un bien immobilier. L’acquéreur peut parfaitement souscrire une assurance individuelle contre la perte
d’emploi (s’il se trouve en CDI) et souscrire une assurance
décès-invalidité. En cas de sinistre, ces assurances couvriront le paiement de la rente viagère au crédirentier.
Financièrement, l’acquéreur bénéficie d’une réelle visibilité
des dépenses futures. En effet, les réparations, les entretiens
courants, les factures d’énergie, la taxe d’habitation sont à
la charge du crédirentier. L'acheteur paiera uniquement la
taxe foncière.
C’est une façon d’acquérir du patrimoine immobilier dans
des conditions fiscales particulières, notamment parce que
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
QUELS SONT LES AVANTAGES
POUR LES PARTICULIERS ?
le propriétaire du bien acheté en viager n’est pas soumis à
l’ISF, dans la mesure où il n’en a pas encore la jouissance.
La fiscalité est donc plus clémente que pour un investissement en pleine propriété.
QUELS SONT LES INCONVÉNIENTS
POUR LES PARTICULIERS ?
Il faut disposer de liquidités pour financer le bouquet et les
rentes, et l’accès au crédit n’est pas toujours possible. Très
peu d’établissements bancaires financent uniquement l’achat
de la nue-propriété et seulement sous certaines conditions
(client CSP+, nantissement sur un autre bien).
Ici, les risques sont plus nombreux et peuvent constituer
un frein à l’achat et au développement du marché. Les
aléas temporels et financiers existent également. L’acheteur n’est jamais sûr du moment où il va entrer dans le
bien. Ce qui veut dire que l’investisseur paie une rente
tous les mois, mais n’a pas de visibilité sur la date à
laquelle il va entrer en possession du bien. Il a donc une
disposition du bien très limitée et aléatoire. L’exemple
du cas Jeanne Calment a marqué les esprits. L’affaire
est celle du fameux notaire qui avait acheté la maison de
Jeanne Calment. Elle avait 90 ans au moment où le contrat
avait été signé et, lui, ignorait qu’il signait un contrat avec
la future doyenne de l’humanité. En effet, Jeanne Calment
est morte à 122 ans et le notaire est mort avant elle. La
bonne affaire réalisée par le Général de Gaulle en achetant en viager une belle demeure bourgeoise n’a jamais
été évoquée par les experts. Serait-il immoral d’évoquer
un homme d’État ayant réalisé un gain financier en achetant en viager ? Probablement, même encore aujourd’hui.
Cet achat représente un engagement sur toute la durée de
vie du vendeur, ce qui veut dire que l’achat engage aussi
les héritiers de l’acheteur en cas de décès. Les risques,
pour l’acheteur, d’une perte de l’ensemble de son investissement en cas de difficultés financières sont réels. En
effet, s’il se trouve dans l’impossibilité de payer la rente
viagère, l’acheteur perd le bien et ne peut récupérer les
sommes déjà versées. C’est le risque le plus important
pour l’acquéreur.
64 le viager d’aujourd’hui
QUELS SONT LES AVANTAGES
POUR LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ?
Pour des investisseurs institutionnels, la mutualisation leur
permet de réduire les risques de leurs engagements. En
réunissant plusieurs viagers dans un même portefeuille, ils
vont lisser les effets liés au décès des crédirentiers. Plus
le nombre de lignes sera important dans le fonds viager,
plus la gestion du risque et de la rentabilité sera maîtrisée.
Du côté de l’investisseur, cette notion de liquidité est aussi
très importante, car elle représente une contrainte assez
forte, pour ce dernier, qui doit s’assurer d’avoir des liquidités suffisantes pendant quinze à vingt ans, afin de garantir
son achat. Les avantages du viager, pour l’investisseur, sont
ceux d’offrir la possibilité d’acheter un actif moins cher, et
« décoté » par rapport aux prix proposés par le marché.
L’un des avantages, pour les investisseurs institutionnels,
est l’absence de la contrainte morale, contrairement aux
particuliers.
QUELS SONT LES INCONVÉNIENTS
POUR LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ?
Le marché est, encore aujourd’hui, un marché de niche, ce
qui rend les stratégies des grands acteurs assez peu visibles.
Il n’est pas du tout certain que le marché soit suffisamment
profond pour offrir la surface nécessaire à un investisseur
institutionnel. Aujourd’hui, tous ces fonds d’investissement
recherchent des biens dans de grandes métropoles. Leur
objectif est d’acquérir des actifs bien localisés dans le but
de les revendre à terme. Mais il n’y a pas forcément en face
les produits qu’ils souhaitent. Nous imaginons mal un institutionnel acquérir une ferme dans le limousin.
Les contraintes du viager immobilier côté investisseur institutionnel peuvent être synthétisées de la façon suivante :
◗ la présence d’un aléa trop important pour des investisseurs
institutionnels ;
◗ le viager est un marché de niche qui requiert des compétences très pointues ;
◗ le manque de liquidités du marché et le manque d’acteurs
sur ce marché ;
◗ l’absence de primes de risque.
65
résidentiel
IL Y A UNE RÉELLE
NÉCESSITÉ À
COMMUNIQUER
AUTOUR DU VIAGER,
DANS UN BUT PÉDAGOGIQUE,
EN LE DÉMYSTIFIANT.
Il faut veiller à assurer les investisseurs contre un paiement
trop long de la rente, en mettant en place une prime par rapport à l’investissement, qui serait une sorte de relais repris
par la structure en cas de dépassement de durée de versement de rente.
Une autre contrainte réside dans les frais de gestion pour
les investisseurs, souvent trop élevés par rapport aux profits qui en résultent, ainsi qu’un arsenal législatif lourd
à supporter pour les établissements bancaires et les courtiers, par exemple.
COMMENT DÉVELOPPER LE MARCHÉ
DU VIAGER IMMOBILIER ?
COMMENT DIMINUER CES CONTRAINTES
ACTUELLES ?
Différentes mesures pourraient être mises en œuvre pour
rendre le viager plus attractif. Il y a une réelle nécessité à
communiquer autour du viager, dans un but pédagogique,
afin d’attirer les acheteurs et les vendeurs potentiels, en
le démystifiant et en lui ôtant sa charge culpabilisatrice. Il
semble donc primordial d’informer les Français sur ce type
d’opération immobilière et ses bénéfices économiques, qu’ils
ne connaissent pas forcément.
Les notaires ont un rôle à jouer auprès de leurs clients, en
les accompagnant et en les informant sur les mécanismes
du viager. Les incitations fiscales ont aussi leur importance.
Une des mesures serait, ainsi, de réduire les impôts sur la
rente perçue ou versée. Offrir de meilleures garanties aux
vendeurs, pour le paiement de leur rente, est un des leviers
incitateurs. La loi protège parfaitement le crédirentier au
détriment du débirentier. Encourager la présence d’investisseurs institutionnels sur le marché du viager est également
à recommander. Ainsi, par la mutualisation, l’investisseur
diminue son risque de pertes financières sur la durée. En
outre, il faut envisager l’introduction d’un droit de rétractation par le vendeur à plusieurs reprises.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
Enfin, une simplification des processus, via un allègement
du droit pour le vendeur et l’établissement de règles de
calcul simples, peut être envisagée.
Les principales contraintes du viager sont d’ordre financier et temporel, en raison du caractère aléatoire de l’achat.
La contrainte de la capacité de financement pourrait être
surmontée en changeant le rapport des banques au viager.
L’acheteur doit être certain de pouvoir verser des rentes
pendant toute la durée de la vie du vendeur, information
qu’il ne connaît pas au moment de l’achat. Cela a aussi pour
effet d’exclure du marché du viager nombre d’acheteurs
potentiels et de s’adresser seulement aux cadres et CSP
supérieures de plus de 40 ans. Du côté du vendeur, le risque
est d’avoir à supporter un acheteur qui ne serait pas régulier
dans ses paiements.
Une autre mesure, pour réduire le caractère aléatoire de
l’achat, serait d’établir un tableau de normes, qui stipulerait
qu’entre tel et tel âge, il y aurait une décote, d’une valeur
« x », sur le bien par rapport à la valeur de marché. Il apparaît que les seules mesures qui attireraient les investisseurs
tiennent à la défiscalisation. Pour développer le marché,
il faut inciter par des mesures fiscales plus attractives et
s’assurer que la puissance publique n’intervienne pas trop.
Un autre élément important, qui explique le faible développement de ce marché et l’attraction toute relative qu’il opère
sur les investisseurs, est le rapport à la mort et à l’argent.
Les facteurs psychologiques et le lien que les acteurs (personnes physiques, uniquement) entretiennent avec la mort
sont importants, sur ce marché, et sont les principaux éléments qui déterminent le comportement des acteurs, surtout
celui des investisseurs.
Avant l’aspect rationnel et lucratif d’un investissement, ce
sont bien des facteurs irrationnels et psychologiques qui
règlent le marché. La contrainte psychologique est forte,
pour le vendeur, par rapport au non-paiement des rentes.
Pour l’acheteur, le rapport à la mort est un aspect psychologique qui peut effrayer. On fait le pari sur la mort d’une
personne. Ça peut rendre les gens réfractaires à l’achat.
L’approche de la mort est toujours difficile à appréhender,
en France.
Les aspects éthiques et culturels semblent donc dominer le
comportement d’une partie des acteurs et peut expliquer le
faible développement de ce marché. Ainsi, la solution serait
de communiquer, changer l’image du viager et le démystifier
en revenant à la définition de départ, celle de ne pas taxer
ce qui est fondé sur l’aléa de la vie moyennant une soulte
(un capital) et une rente. Il résulte de ces facteurs culturels et du tabou relatif à l’argent et à la mort que le marché
66 le viager d’aujourd’hui
L’ALLONGEMENT DE
LA DURÉE DE VIE EST
UN FACTEUR QUI VA
INCITER LES GENS À TROUVER DES
RENTES, PAR LE VIAGER, POUR
FINANCER LEUR RETRAITE.
du viager est un marché mal connu, victime de préjugés et
de craintes importantes, ce qui en fait un marché de niche et
de spécialistes. Face à l’offre potentielle importante, l’explication à la taille modeste du marché est le déficit important
du côté des acquéreurs.
QUEL AVENIR POUR LE VIAGER IMMOBILIER ?
Est-il simple de se projeter sur un placement aléatoire alors
que nous sommes dans des sociétés incertaines (économiquement, géopolitiquement…). Pour certains, le viager ne
peut que progresser, en raison de la part croissante du
nombre de retraités dans la population totale française et
des difficultés de plus en plus grandes qu’une partie d’entre
eux rencontrent pour payer leur retraite. Pour d’autres, le
marché du viager reste un marché de niche et de spécialistes,
qui ne se développera qu’à la condition de mesures fiscales
intéressantes, pour le vendeur comme pour l’acheteur. Les
populations qui s’engagent dans un viager traditionnel ont
besoin de liquidité immédiate. Celles concernées par le viager hypothécaire ont besoin de solutions alternatives, et non
définitives, avec évidemment des montants moindres en raison de la capitalisation des intérêts. De plus, la population
est de plus en plus vieillissante, en France, et les besoins
vont grandissants pour financer la santé, par exemple.
L’espérance de vie est plus grande et les héritages sont de
plus en plus tardifs. Ces constats indiquent que les jeunes
doivent, contrairement à leurs aînés, prendre en charge les
études de leurs enfants et la vieillesse de leurs parents, qui
n’ont pas de retraite confortable.
La génération d’aujourd’hui a besoin de rendre liquide le
patrimoine immobilier lorsque cela est possible. Pour ces
raisons, les systèmes de viager ont donc de l’avenir. L’environnement économique et social, marqué par un vieillissement de la population, un allongement de la fin de vie, des
difficultés grandissantes d’une partie des retraités à subvenir à leurs besoins et un nombre croissant de personnes sans
héritiers (couples remariés qui souhaitent déshériter leur
descendance, couples gays, sans enfants), serait donc propice au développement du viager. Compte tenu du nombre
croissant de seniors dans notre population et des retraites
déconnectées par rapport au niveau de ressources perçues
durant la vie active, le viager est une vraie façon de compléter les revenus. Les retraites vont être un réel problème,
auquel il faudra répondre par des propositions alternatives
de complément de revenus. Par ailleurs le taux de propriétaires reste stable à 58 %. Ce sont donc 58 % de gens qui
peuvent proposer leur bien en viager, même s’il y a cette
question de la transmission. L’allongement de la durée de
vie est un facteur supplémentaire, qui va inciter les gens
à trouver des rentes. Il existe trois millions de résidences
secondaires, en France. On peut ajouter ce résultat aux 58 %
de propriétaires de résidence principale. Ces propriétaires
seront, un jour, potentiellement vendeurs de leur bien en
viager. De plus, le viager est une piste que les pouvoirs
publics semblent jusqu’à présent ne pas avoir explorée. Il est
un gisement à exploiter en France. D’autres, essentiellement
des analystes de fonds d’investissement, sont plus sceptiques quant à l’avenir de ce marché. De plus, le marché du
viager reste un marché de connaisseurs et de niche, qui ne
parviendra à se démocratiser qu’à la condition de mesures
fiscales incitatives et d’une évolution des mentalités face à
la mort et à l’argent. Le marché français reste très réduit en
termes de mises en vente. Les marchés anglo-saxons sont
bien plus importants. Néanmoins, avec l’allongement de la
durée de vie, les ménages vont de plus en plus se familiariser avec les rentes. Enfin, grâce à un marché immobilier qui
s’est beaucoup valorisé, depuis une quinzaine d’années, les
rentes, aujourd’hui, sont plus avantageuses que jamais pour
les crédirentiers. En se démocratisant, le viager immobilier
va devenir un produit d’avenir.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
n° 89
69
RÉGIONS
CARTES EN MAINS : L’IMMOBILIER
RÉSIDENTIEL EN GIRONDE
Par la Direction des études,
Crédit Foncier Immobilier.
L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
70
9
CARTES EN MAINS :
L’IMMOBILIER RÉSIDENTIEL
EN GIRONDE
71
régions
ENVIRONNEMENT RÉGIONAL : DENSITÉ DE LA POPULATION,
REVENUS DES MÉNAGES
DENSITÉ DE POPULATION EN GIRONDE
REVENUS ANNUELS MOYENS DES MÉNAGES
Carte 1. Densité de population par établissement public Carte 2. Revenus annuels moyens des ménages
(Source : Insee – Direction des études, Crédit Foncier Immobilier – 2011 ;
de coopération intercommunale (EPCI) en Gironde
carte réalisée avec Cartes & Données – © Articque.)
(Source : Insee – Direction des études, Crédit Foncier Immobilier – 2011 ;
carte réalisée avec Cartes & Données – © Articque.)
Par la Direction des études, Crédit Foncier Immobilier.
Poitiers
Poitiers
Limoges
Limoges
Bordeaux
Bordeaux
Revenus moyens annuels
Densité de population (en hab./km2)
INTRODUCTION
de 24 426 € à 28 790 €
de 5,8 à 22,6
de 28 790 € à 31 581 €
de 22,6 à 31,1
de 31 581 € à 35 867 €
de 31,1 à 40,6
de 35 867 € à 47 675 €
de 40,6 à 61,5
de 61,5 à 117,8
de 117,8 à 1 619,4
I
nternationalement connue pour l’excellence de ses crus,
la Gironde l’est moins pour son marché immobilier.
Dans ce nouveau format d’article, nous vous invitons à une
visite détaillée de ce beau département : population, revenus, parc immobilier, construction neuve, activité du marché
de l’ancien, prix, délais de vente, toutes ces problématiques
seront abordées au travers de cartes et de graphiques, aussi
synthétiques que possible.
Forces et faiblesses de la Gironde ? À vous d’en juger,
notamment au travers des comparaisons régionale et nationale, qui nous serviront de conclusion.
La représentation de la densité par communauté d’agglomération et de communes permet de situer les zones où
le marché du logement s’est développé à la fois historiquement et plus récemment.
Le zoom sur le département de la Gironde met en évidence la communauté urbaine de Bordeaux (CUB)
mais aussi les agglomérations limitrophes au nord et
au sud, celles de Libourne et du sud du Bassin d’Arcachon.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
La représentation du niveau de revenus des ménages par
communauté urbaine, d’agglomération et de communes
permet de distinguer les zones où le marché du logement
est plus en capacité de se développer.
– Les revenus par ménage les plus élevés sont situés dans
les 3 capitales régionales ou au moins dans leur périphérie.
– S’y ajoutent également les agglomérations de Niort, La
Rochelle, Royan, Angoulême, Brive, celles situées autour
du bassin d’Arcachon, la Côte Basque et une partie de
la Côte Landaise, Mont de Marsan, et Pau, ainsi que sa
Périphérie.
72 l’immobilier résidentiel en gironde
ENVIRONNEMENT RÉGIONAL : PARC IMMOBILIER
73
régions
MARCHÉ DU LOGEMENT ANCIEN EN GIRONDE
LE PARC DE LOGEMENTS À BORDEAUX ET EN GIRONDE
Figure 4. Prix médians au mètre carré des appartements anciens depuis 2009
Figure 1. Le parc de logements en Gironde
(Sources : Notaires de France ; université Paris –Dauphine ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier.)
(Source : Insee – Direction des études, Crédit Foncier Immobilier – 2011.)
3 300 €
6 %
3 100 €
9 %
2 %
10 %
48 %
25 %
Résidences principales occupées par les propriétaires
Résidences principales occupées par les locataires du secteur privé
Résidences principales occupées par les locataires des secteurs HLM
Résidences principales vacantes
Résidences secondaires ou de vacances
Autres
2 900 €
2 700 €
2 500 €
2 300 €
2 100 €
Figure 2. Le parc de logements dans la CUB
2009
2010
(Source : Insee – Direction des études, Crédit Foncier Immobilier – 2011.)
5 %
2 %
2 %
16 %
42 %
33 %
2011
Gironde
Résidences principales occupées par les propriétaires
Résidences principales occupées par les locataires du secteur privé
Résidences principales occupées par les locataires des secteurs HLM
Résidences principales vacantes
Résidences secondaires ou de vacances
Autres
2012
Haute Garonne
Malgré la crise, les prix médians au mètre carré des appartements ont enregistré une hausse légère mais constante
2013
2014(1)
Loire Atlantique
sur la Gironde, partant d'un niveau, il est vrai, plus bas
que ceux de la Haute Garonne et de la Loire Atlantique.
Figure 5. Prix médians au mètre carré des maisons dans l’ancien depuis le 2009
(Sources : Notaires de France ; université Paris –Dauphine ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier.)
3 500 €
3 300 €
3 100 €
Figure 3. Le parc de logements à Bordeaux
2 900 €
(Source : Insee – Direction des études, Crédit Foncier Immobilier – 2011.)
2 700 €
2 500 €
7 %
3 %
2 %
11 %
28 %
Résidences principales occupées par les propriétaires
Résidences principales occupées par les locataires du secteur privé
Résidences principales occupées par les locataires des secteurs HLM
Résidences principales vacantes
Résidences secondaires ou de vacances
Autres
49 %
Les résidences principales privées représentent 77 % des logements à Bordeaux contre 75 % dans la CUB et 73 % en Gironde.
Le secteur locatif privé représente 49 % des logements à Bordeaux contre 33 % dans la CUB et 25 % en Gironde.
2 300 €
2 100 €
1 900 €
1 700 €
2009
2010
2011
Gironde
Haute Garonne
Sur l’agglomération bordelaise, les prix médians des
maisons sont également orientés à la hausse depuis
cinq ans, étant remarqué qu'ils se situent nettement
(1) Moyenne des transactions des 9 premiers mois de l'année.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
2012
2013
2014(1)
Loire Atlantique
plus haut que ceux des départements voisins, la maison étant un produit très apprécié sur l'agglomération
bordelaise.
74 l’immobilier résidentiel en gironde
75
régions
MARCHÉ DU LOGEMENT ANCIEN EN GIRONDE
MARCHÉ DU LOGEMENT ANCIEN EN GIRONDE
Figure 6. Prix moyens au mètre carré des appartements anciens sur les 12 derniers mois
Figure 8. Prix moyens à l’unité des maisons anciennes sur les 12 derniers mois
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
4500
700 000
4000
3500
600 000
3000
500 000
2500
400 000
2000
300 000
1 500
200 000
1 000
500
100 000
0
Studios /
1 pièce
2 pièces
3 pièces
France
4 pièces
Aquitaine
5 pièces
Gironde
6 pièces
et plus
Ensemble
0
3 pièces
et moins
Bordeaux
4 pièces
5 pièces
France
6 pièces
Aquitaine
7 pièces
Gironde
8 pièces
et plus
Bordeaux
Les prix au mètre carré des appartements anciens en Gironde et dans une moindre mesure à Bordeaux sont encore
presque toujours inférieurs à la moyenne nationale.
En Gironde, les prix des maisons anciennes sont légèrement plus élevés que la moyenne nationale.
Figure 7. Délais de vente moyens des appartements anciens sur les 12 derniers mois (en jours)
Figure 9. Délais de vente moyens des maisons anciennes sur les 12 derniers mois (en jours)
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
300
140
250
120
Ensemble
100
200
80
1 50
60
100
40
50
20
0
Studios /
1 pièce
2 pièces
3 pièces
France
4 pièces
Aquitaine
5 pièces
Gironde
6 pièces
et plus
Ensemble
Bordeaux
0
3 pièces
et moins
4 pièces
5 pièces
France
Les délais de vente sont sensiblement plus longs en Gironde. En revanche ils sont plus courts pour les appartements de 4 pièces et plus à Bordeaux.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89
6 pièces
Aquitaine
Gironde
7 pièces
8 pièces
et plus
Ensemble
Bordeaux
Si les maisons de petite taille sont difficiles à vendre, le produit de 4 à 7 pièces demeure une valeur sûre à Bordeaux.
76 l’immobilier résidentiel en gironde
77
régions
MARCHÉ DU NEUF EN GIRONDE
MARCHÉ DU NEUF EN GIRONDE
Carte 3. Nombre de logements mis en chantier en 2012
Carte 4. Croissance du parc de logements
Figure 10. Prix moyens au mètre carré des appartements neufs sur les 12 derniers mois
(Source : Sit@del2; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier.)
(Source : Sit@del2; Insee ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier.)
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
6 000 €
5 000 €
Poitiers
4 000 €
Poitiers
3 000 €
Limoges
2 000 €
Limoges
1000 €
0
Studios /
1 pièce
Bordeaux
2 pièces
3 pièces
France
Bordeaux
Aquitaine
4 pièces
Gironde
5 pièces
Bordeaux
Excepté les studios, les prix au mètre carré des appartements en Gironde restent inférieurs à la moyenne nationale.
Un effet de rattrapage n'est pas à exclure, à court et moyen terme.
Figure 11. Délais de vente moyens des appartements neufs sur les 12 derniers mois (en nombre de jours)
(Sources : Les Prix Immobiliers ; Direction des études, Crédit Foncier Immobilier - septembre 2014.)
Nombre de logements mis en chantier
pour 1 000 logements existants
de 0 à 4,9
de 4,9 à 7,6
de 7,6 à 10,4
de 10,4 à 36,2
Nombre de logements mis en chantier
4 983
2 492
60
50
40
30
20
1 246
10
0
Le nombre de logements mis en chantier et leur incidence sur le parc de logements permettent de mettre en avant les
marchés en croissance forte.
Studios /
1 pièce
2 pièces
3 pièces
France
Aquitaine
4 pièces
Gironde
5 pièces
Bordeaux
Hormis sur le segment des 3 pièces, le marché des appartements neufs est plus actif en Gironde. À noter l'excellente liquidité des 2 pièces sur Bordeaux.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 89