attention, trafic de Illerguez

Transcription

attention, trafic de Illerguez
,
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du Refuge: un moment de détente un service de lavage de linge, et un
et de fraternité, denrée rare dans le service de consignes pour garder
circuit de la précarité. Les visages les bagages. Et on oriente aussi/es
sont certes marqués (on peut lire le~ personnes sur des centres d'héberhistoires de certains à travers uné gement de nuit. » Chiquita n'a même
expression: peur du flic qui vous pas le temps de goûter à son plat
ramène au centre de rétention, las- tellement elle veut que le repas de
situde de dormir sous un pont. ..) quartier soit une totale réussite. Le
mais une certaine euphorie s'installe, refuge pare à l'urgence, c'est du
d'autant plus qu'un band sénéga- « dépannage, pas de l'assistanat »,
lais s'installe pour un bœuf dans la comme le. rappelle justement Ibracour. « Ici ils acceptent tout le him. Mais bon, quand on voit la cen-
monde », nous dit 'un jeune sans
emploi ni foyer, « Ils s'en foutent que
tu sois sans papier ou malade,' ils
t'acceptent comme tu es; tu peux te
faire du café toute la journée, faire·
nettoyer ton linge. Ils ont aussi des
personnes qui te' donnent des
conseils pour te soigner; te loger;
trouver un stage. Je suis content que
ce repas soit fait là dans la cour; ça
permet aux gens de se parler; ça
calme les tensions entre les. différents habitués. » Le soleil est même
de la partie. Ibrahim, « accueillant»
au Refuge depuis quatre ans, entame
son repas tout en gardant un œil sur
la logistique.
our certaines personnes,
le terme « engagement »
reste définitivement abstrait. Comme les mots
citoyenneté» ou« République ».
Pour Chiquita, électron
autour du noyau de la Féején:lticm
ment c'est d'abord trois grosses
marmites débordantes d'un délicieux plat africain. Des marmites
qu'elle transportera du XXéme
arrondissement jusqu'au Refuge, à
Pantin, un lieu d'accueil de jour pour
sans papiers, SDF, familles
par la précarité.. . Le
Refuge, c'est d'ailleurs un endroit « Ici, c'est un
d'accueil de
fort sympathique. Rien à voir avec jour pour tout type de personne en
ces infâmes réservoir à misère que situation de grande précarité. Le
sont les centres d'accueil de Nan- Refuge est ouvert les lundi, mardi,
te'rre ou d'autres points de 1'Î1e-de- jeudi et vendredi de 7h à midi, et de
France. Le Refuge est une maison 13h à 15h30. Toute la journée, on
spacieuse, aérée, qui possède son prépare des boissons chaudes, on
propre jardin. Le repas de quartier distribue thé, café, chocolat. Il ya
taine de gars (il y a très peu de
femmes au Refuge) remplis de joie
à l'idée de partager un bon repas
dans uneamoiance bon enfant, on
se dit que c'est dl) dépannage de
première qualité. « Le Refuge a été
crée en 1997, par un psychiatre des
hôpitaux de Paris, raconte la sousdirectrice .du Refuge, pour pallier la
carence d'accueil de jour. C'est un
lieu où les gens peuvent rester cinq
minutes ou toute la journée. Ce genre
,de journée porte ouverte est important parce que nous nous faisons
connaÎtre du quartier; ça permet d'y
dynamiser la vie sociale. Nous collaborons avec la bibliothèque municipale, c'est un lieu intégré au quartier;
que les gens connaissent. » Le refuge
est avant tout un lieu de vie. A une
époque ou L'individualisme forcené
et parano sécuritaire gangrènent le
tissu de la démocratie locale, on ne
peut, que saluer cette' initiative à
proprement parler civique.•
: attention, trafic de Illerguez
Chaque année pour
, la Maison des Potes de Garges (95) organise un repas de
quartier. AbdeI, magicien du système D, nous guide le temps d'un après-midi.
_1
'un côté des tours rectilignes et monochromes
à perte de vue, sur lesquelles fleurissent paraboles et linge propre. De l'autre une
gradUe route qui traverse Garges
dans sa longueur. C'est ici, sur un .
petit coin de parking investit par
Abdel et sa troupe, qu'aura lieu le
repas de quartier, l'emplacement de
départ ayant été rendu impraticable
par la pluie. Une vingtaine de garçons monte les chapiteaux qui
accueilleront dans quelques minutes
lès stands de barbe à papa et de
.sandwichs. Déjà des ribambelles de
gamins accourent pour donner un
coup de main. La fête n'en n'estpas
à sa première' édition, et le succès
des précédentes rend l'événement
incontournable pour beaucoup d'habitants du quartier. Pourtant, c'est
avec une absence totale d'aide institutionnelle que s'organise ce rendez-vous :' « Je dirais qu'on nous
met carrément des b.âtons dans les
roues: la mairie a même refusé de
nous prêter des tables et des chaises.
On doit compter sur la solidarité du
voisinage », explique Abdel, avec sa
gouaille haut niveau. « C'est assez
déprimant, on fait partie des seules
barres dont les associations ne type d'événement. Certains ont même
reçoivent pas d'aide financière ou le droit à la petite visite du maire.
logistique quand on
ce Nous ce sont plutôt les flics qui
groupes et répartie les tâches. Il se
met à la tête d'une mission d'enfants pour aller récupérer un barbecue dans son jardin privatif. Tout le
monde est·mis à, contributipn;l'appartement où il vit est envahi par les
victuailles 'et les ballons de., baudruche gonflés pour l'occasion.
« Ça fait plus d'une semainéqOe
nous avons commencé à préparer
et nous n'avons pas d'autre endroit
pour entreposer les salades, les
boissons... On commence à prendre
l'habitude; c'était déjà le cas les
années précédentes », raconte la
maman d'Abdel. Quelques kilos de
salade de riz et de merguez plus
tard, l'installation est enfin terminée. On allume le barbecue et la
machine de barbe à papa lance ses
premières salves de 'brume rose.
Aussitôt, une nouvelle nuée d'enfal)ts enthousiastes arrive sous les
dais de toile blanche. Rires et éclats
de joie envahissent l'atmosphère.
« C'est ça ma récompense, je suis
prêt à me taper les mêmes galères,
à retourner négocier le kilo de merguez et à affronter des fonctionnaires
bornés, si j'ai la garantie d'avoir tous
ces sourires à l'arrivée.».
viennent tloussaluer.» Les préparatifs continuent, le monde afflue, il
faut faire vite.
DES SOURIRES !
Comme un chef d'orchestre, Abdel
dirige les opérations, organise des
RLE
PoteâPote
Août 2004
laisser. son adoption à des Parlements inféodés à leurs gouvernements nationaux, qui vont réagir en
fonction de rapports de force.
Même si ce texte est très frustrant,
il faut que sa bonne dynamique
l'emporte sur ses insuffisances. Je
souhaite pour favoriser son appropriation parles citoyens qu'une
campagne nationale, pédagogique,
soit lancée avant le référendum.
Celle-ci devra insister sur le fond du
texte sans éluder les progrès qu'il
reste à accomplir. Enfin, il faudrait
un acte solennel et symbolique.
Faire adopter la Constitution le
même jour dans tous les pays de
l'Union, pour illustrer symboliquement cet acte supra national.
La France est secouée
.depuis des mois par des tensions
racistes et antisémites. Comment
réagissez-vous face à ce phénomène?
Son échec aux Européennes n'a pas effacé le sourire immuable sur son
visage, ni 'stoppé ses envolées lyriques. Entre deux avions, cette figure
insaisissable de la politique s'est épanchée sur les thèmes qui la' relient
naturellement à Pote à Pote.
Christiane Taubira,
vous vous étiez révélée lors des
Présidentielles de 2002 avec un
beau score aupremiertour (2,32%).
Comment expliquez vous ce score
dérisoire de 1,54 %?
.
Tout d'abord,
je sais bien que ce n'est pas la qualité de ma campagne qui est en cause.
Par contre, d'autres paramètres ont
joué en ma défaveur. La forte abstention, l'appel incessant au vote
utile du Parti Socialiste, et enfin la
réforme du scrutin ont coûté cher aux
petites listes comme la mienne. J'ai
d'ailleurs été profondément choquée
par l'appel lancé par Jean-Pierre
Raffarin yers les électeurs à voter
pour les deux grands partis que
sont le PS et l'UMP. Je trouve cette
connivence de circonstances très
inquiétante pour l'avenir de notre
démocratie.
Dans un climat intemational miné par des tensions
nationalistes ou communautaires,
vous vous êtes démarquée, en
affichant ostensiblement vos positions'sur ces questions sensibles
(la Turquie, le conflit israélopalestinien...) Cela a t-il eu des
conséquences pour vous?
J'en suis même persuadée.
J'ai l'intime conviction qu'en adoptant des positions très tranchées
sur certaines questions, j'ai perdu
des voix. D'ailleurs je sentais ces
hésitations durant la campagne.
Mais je suis restée animée parla
même franchise. Je ne voulais pas
virer de bord à l'instar de l'UMP sur
la question de la Turquie. Ma position a toujours été claire sur ce
thème. D'un point de v'ue moral, je
trouve inadmissible de prendre des
engagements, puis de les renier le
lendemain au prix de calculs électoraux sordides. Personnellement, je
n'ai. pas l'intention de faire des
concessions politiques qui soient
contraires à mes principes et à mon
éthique.
Après son élargissement,
l'Europe et la France en particulier, sont notablement divisées
Vous aviez déjà siégé à face à la Constitution. Quelle est
Strasbourg de 1994 .à 1999. votre position par rapport à
Qu'est-ce qui a motivé ce retour celle-ci?
Tout d'abord, selon moi ce
sur la scène européenne en 2004 ?
Etait-ce une demande du Parti texte n'est pas une vraie constitution.
Radical de Gauche, en manque Ce texte s'apparente plus' à un
de candidats charismatiques, ou Traité amélioré. D'ailleurs, il a fallu
une ambition personnelle?
intégrer la Charte des droits fondaappareils politiques ne m'intéressent guère.
Je note à ce sujet que le
Conseil., des Ministres a adopté
récemment la création d'une Haute
Autorité pourlutter contre les discriminations. Je rappelle que c'est une
revendication que j'ai portée durant
la campagne des' Présidentielles
2002. Malheureusement, je crains
que cette Haute Autorité ne devienne
une énième institution bureaucratique. A l'inverse, je proposais une
structure indépendante. Sa vocation
était triple: une mission d'observation, de médiation et d'accompagnement judiciaire. Or, il s'avère que
celle-ci ne va pas judiciariser les
actes racistes. Et c'est là que le bât
blesse ! Car il faut sanctionner, et
non pas expliquer les actes racistes.
Je trouve que. ces fléaux de notre
société sont entourés d'un grande
hypocrisie. Il n'y pas assez d'actes
antiracistes significatifs.
Il faut donc des politiques publiques
qui réparent ce qui nourrit le racisme.
Dans l'enseignement, les questions
" de l'esclavage, des religions ou de
l'immigration sont gommées, à tort,
des programmes. Il faut absolument y remédier.
La jeunesse est particulièrementconcemée par ces actes
xénophobes, mais parallèlement
à cela, les jeunes sont de plus en
plus nombreux à s'engager notamment pour lutter contre ces
mentaux des citoyens au texte initial, fléaux. Quel regard portez-vous
une preuve patente des manques sur cette jeune génération qui
essentiels de cette Constitution~ investit l'espace public?
C'était une demande du
PRG. J'étais initialement engagée
en Outre-Mer, par solidarité avec
une liste d'union entre toutes les Pour autant, je trouve que la dyna: J'ai toujours un regard attenforces de gauche. Finalement, j'ai mique de celle-ci est intéressante dri sur cette jeunesse. Attendri, car
Avec du recul, ne regret- accepté de mener cette campagne dans le sens où elle introduit une cette génération vit une période très
tez-vous pas d'avoir refusé de en Ile-de-France pour y introduire dimension politique dans un pro- difficile du fait du SIDA, de la crise
mener une campagne sous l'éten- certaines valeurs dans le débat cessus qui ,était surtout économique économique, etc. Mais je constate
dard socialiste comme on vous public: principalement la lutte contre jusque-là. Mais en l'état actuel des aussi en m'interrogeant que cette
l'avait proposé au départ?
le racisme et toutes les discrimina- choses, le volet social resteinsuffi- jeunesse vit bien son métissage,
Non je ne regrette pas du tions. Mais également pour donner sant.
son multi culturalisme, à un certain
tout. Je pense que la gauche a plu- plus de visibilité à notre minorité car
âge. Malheureusement vers la trensieurs courants et c',est mieux ainsi. nous sommes invisibles dans la
Vous vous êtes prononcée taine, ce maillage bigarré se desPersonnellement, je ne suis pas une République française. Mon but était pour une utilisation plus fré- sem~. Néanmoins, je reste gorgée
femme d'appareil, je porte un idéal, de proclamer la diversité culturelle quente du' referendum.. Allez- d'espoirs pour l'avenir quand je vois
je défends avant tout des valeurs de notre pays, car c'est une réalité voùs voter favorablement au cette jeunesse très active sur le
qui me sont chères. Je suis très humaine. J'ai donc plus été guidée prochain referendum qui déci- front associatif, humanitaire. Elle
attachée à la liberté d'expression, par ces valeurs que par des ambi- dera du sort de cette Constitu- 'est solidaire, fraternelle, je crois en
elle, sincèrement. •
de conscience, de penser,' ce qui: tions personnelles.' Mais je sais que tion?
n'occulte pas mon attention à l'intérêt je ne fais pas de la politique comme
Le référendum est, il est vrai,
général. Les coiJrants, les alliances, tout le monde (rires).
indispensable pour ratifier cette
les calculs électoraux propres aux
Constitution. Il ne faut surtout pas
Pote à Pote.
Août 2004
Nouvel album, nouvelle vie, nouveau regard: le rappeur de Vitry s'est
débarrassé de ses oripeaux « racailleux » mais frappe toujours aussi fort.
1 aime Stephen King,. Alfred
Hitchcock,« les films qui font
gamberger », les Comores, le
« neuf-quatre », les baskets
et les gro~ses Porches noires aux
vitres teintées. A vingt-cinq ans, et
contre toute attente, cet authentique banlieusard a décroché le
jackpot ,avec un titre qui fut joué en"
« heavy rotation» : Qui est l'exemple?
Des centaines de milliers de singles
écoulés, un album (La vie après la
.mort) qui taquine gentiment le 'platine. C'est que Rohff (Housni pour
les intimes) ne fait rien comme tout
le monde. Vu d'un quartier chic ou
d'une campagne moribonde, il aurait
pu cristalliser le cauchemar français
à lui tout seul : jeune, Noir, 100%
produit de son environnement (les
cités de Vitry) et qui, a priori, n'en a
rien à foutre. Du pacte républicain,
de l'écale, de la morale, de la
« citoyenneté ». Juste un jeune
basané en survêt', qui arpente l'asphalte brûlante de nos quartiers
sensibles comme une incisive qu'on
vient juste de dévitaliser. Et que
vous pouvez croiser, dans le RER,
dans le métro, dans le centre com,mercial, à qUi vous lancez ce petit
regard en biais, mesquin, frileux,
peureux, suspicieux. Mais la réalité prison. » C'est cet état d'esprit (Nas fumer. C'est quand même très limité
est toujours plus complexe qu'un parlait du fameux « New York state comme genre de conversation. A_
simple poncif, plus riche qu'un lieu of mind » pour évoquer la mentalité travers cet album, je leur prouve que
criminelle qui enrobe. les quartiers même si tu ne fais pas de longues
commun galvaudé à outrance::
durs de la Big Apple) typiquement études littéraires, tu peux déve/opvitriot que Rohff décrit, dissèque, per une bonne écriture. J'aimerais
X-OR ET LES CITÉS D'OR
Rohff est un jeune homme com- analyse dans le morceau Le milieu, pouvoir écrire des scénarios. Je lis
plexe, à la personnalité aux mul- extrait de son nouvel album La fierté beaucoup.»
tiples aspérités, failles et autres des nôtres. « Mais attention, à côté
anfractuosités. Il est encore môme de ça, t'as plein de jeunes qui ont un LE PETIT « OUF DE
quand il débarque sur le sol franci- boulot, qui font des études, du sport, BANLIEUE»
lien, au début des années 80. Sa qui s'en sortent. » Ça fait presque Au cours de sa carrière en solo, et
famille quitte les Comores pour de cliché de dire ça, mais c'est le rap et au sein de la mafia K1 Fry, Rohff a pu
meilleurs lendemains en France. l'écriture qui ont sauvé Rohff. Plus faire quelques dérapages...Contrôlés
D'après' lui, sa passion pour le ré~it une certaine éthique. Un certain code ou incontrôlés ? Le rappeur facéviendrait de là. « Aux Comores, la de l'honneur. Elle es( donc bien tieux s'esclaffe. « Disons que j'ai un
parole joue un rôle fondamental, et révolue, l'époque « racailleuse », peu fait mon petit ouf de banlieue! »
(es Comores sont connus pour abri- symbolisée par cet ultime brûlot. L'homme est un provocateur, un
ter des narrateurs extraordinaires. suburbain que fut l'album Le code trouble fête, jamais lisse, jamais
Duand j'entends mes oncles parler;
je tombe par terre, ils évoquent une
morale, une vertu, des principes, ils
parlent pour leur famille. C'est très
fort. » La famille bourlingue un peu,
s'installant cians une banlieue pour
la quitter après. Ensuite, c'est la de l'honneur (qui, en matière de propret, jamais consensuel. Quand
domiciliation à Vitry-sur-Seine. Le description de la fracture «sociale il dérape, c'est toujours fâcheux,
jeune Rohff obtient de très bonnes et ethnique» vaut 1 000 rapports mais on sent bien que ce n'est pas
notes en français, « surtoutpour les ministériels). Le lascar a grandi, a vraiment ce qu'il pense, il veut juste
rédactions » et bouffe du dessin connu les joies de la paternité, épater ·Ia galerie avec une formule
animé japonais au kilo. « C'était mon voyagé à travers le vaste globe. au vitriol. Parole de bon vitriot. «
époque pré-délinquance, quand je. « Toutes ces expériences ont été Dans le passé, j'ai pu utiliser des for. kiffais X-Or et les Cités d'or; t'avais un énorme enrichissement pour moi. . mules super racailleuses, et je sais
des vrais programmes télé, des trucs Les multiples conversations que j'ai que les lascars kif{aient. Aujourd'hui,
qui te scotchaientpendant des heures, eu avec des tas de gens différents, ça c'est différent, j'ai grandi, je suis plus
pas comme toute la merde de télé- m'a beaucoup donné d'inspiration.» mature, et je suis conscient de l'imréàlité que les· mômes se tapent Et il ne se gêne pour vilipender une pact de mes rimes sur les petits, je
aujourd'hui. » Quelques années plus certaine mentalité de quartier, suis père de famille, ça change la
.tard, c'est le glissement progressif, basée sur l'instinct grégaire et l'ap- donne. J'ai uh message à délivrer;
presque insidieux, vers la petite. délin- pauvrissement intellectuel : «Dans une certaine morale, mais bon je ne
quqnce. A l'époque, Vitry est triste- le ghetto, les gars sont trop limités, suis pas moralisateur non plus. » Et
ment réputée pour être la« capitale ils n'ont pas de vocabulaire, ils se . cette morale sous-jacente, Rohff l'a
des braqueurs. » Il confirme: « A Vitry, complaisent dans l'ignorance, c'est· fait passer grâce a son sens du
des petits de quatorze ans braquent pour ça que je dis que le quotient story-telling, son goût prononcé
des BNR Dans les dépôts de toute intellectuel chute. Les gars parlent pour la punch-line bien sentie. «J'ai
l'IIe-de-Fiance, tous les jeunes en toujours de la même chose : qui a appris à être de plus en plus précis,
garde-à-vue ont dû croiser des niqué telle meuf, qui a fumé tel avec les mots, le vocabulaire.
jeunes de Vitry tombés pour des bédo, les armes à feu, les voitures, Quand je ç/écris une scène qui se
braquos, et qui sont en route pour la les flics, qui est tombé, qui s'est fait déroule par exemple dans le milieu
des vrais voyous, j'utilise une technique.· très cinématographique pour
rendre compte de ce milieu qui est
froid, glacial. J'essaie de restituer
des ambiances. » Quant au succès,
il ne lui a pas tourné la tête. « C'est
sûr que matériellementje suis plus à
l'aise, mais l'argent n'est qU'un
décor. Et puis je ne suis pas du tout
dans ce délire « bling-bling », je ne
porte pas de bagouse, de grosses
chaÎnes, j'évite les boÎtes de nuit, les
soirées show-biz, ce côté ultra
fashion qui nuit au rap. Bon, comme
tout jeune de banlieue, je suis un
bousillé de caisses et de baskets. »
Rohff est un type simple, authentique,
que l'on peut croiser au coin de la
rue, accessible, ouvert, humain. Pas
un de ces clones de Nelly que l'on
peut croiser par centàines aux Halles,
le rictus de rigueur, l'œil torve et
l'ego double XL hypertrophié, à
l'image de leur survêt' peau de
pêche, et rêvant d'une carrière à la
Puff Daddy.« C'est sûr qu'une partie de la rue ,va te regarder différemment quand tu vends beaucoup de
disques. C'est un truc propre au hip
hop, cette contradiction. Tu viens
de la rue, tu fais des morceaux pour
la rue, et tout d'un coup, tu touches
un public beaucoup plus large, tu le
touches via un morceau qui parle de
ce qui se passe dans la rue! Avec
mon passif, vu que j'ai été catalogué
rappeur hyper hardcore, c'était sûr
que certains m'attendaient au tournant. Regarde, Tupac était hyper
strffet mais ça ne l'a pas empêché
de toucher le monde entier avec un
morceau universel comme Dear
Mama, un morceau sur les mamans.
Après, faut expliquer les choses aux
gens, recadrer. » ROHFF : Représentant Officiel d'un Hip Hop Faste
et Furieux.
.