Mémoires d`Adanson sur le Sénégal et l`île de Gorée
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Mémoires d`Adanson sur le Sénégal et l`île de Gorée
Mémoires d’Adanson sur le Sénégal et l’île de Gorée 1 présentés et publiés par C. Becker et V. Martin 2 Version légèrement remaniée par rapport à celle qui est parue en 1980 : MARTIN Victor & Charles BECKER, « Mémoires d’Adanson sur le Sénégal et l’île de Gorée », Bulletin de l'IFAN, B, 42, 4 : 722-779 Nous remercions l'Institut Fondamental d'Afrique Noire - Cheikh Anta Diop, qui nous a autorisé à faire figurer ce document sur le site internet du Département d’Histoire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar http://tekrur-ucad.refer.sn 1 La révision de tous les termes botaniques a été assurée par MM. Antoine Nongonierma et Kaoussou Sambou. Plusieurs notes comportent des précisions de M. Oumar Kane. Ces chercheurs de l’IFAN sont vivement remerciés pour leur contribution. 2 CNRS. /p. 722/ Mémoires d’Adanson sur le Sénégal et l’île de Gorée 1 présentés et publiés par C. Becker et V. Martin 2 Nous reproduisons ici le texte de deux Mémoires du naturaliste Michel Adanson, qui concernent principalement l’île de Gorée, mais aussi l’ensemble de la Sénégambie et des régions où l’auteur a effectué ses recherches durant son séjour, entre 1749 et 1753. Ce mémoires datent de 1763, c’est-à-dire de l’année où les Anglais — maîtres de Saint-Louis et de Gorée depuis 1758 — restituèrent l’île de Gorée aux Français. Ils fournissent une description des ressources du Sénégal et répondent aux interrogations françaises quant à la place de Gorée dans le commerce colonial. Bien qu’ils soient connus et cités dans plusieurs publications, on a jugé utile de publier intégralement ces documents qui sont insuffisamment connus, et dont nous n’avons pas pu trouver le texte au Sénégal même. Nous avons utilisé ici le manuscrit qui représente sans doute l’original envoyé au Duc de Choiseul, et qui est écrit de la main même d’Adanson. Il s’agit des « Pièces instructives concernant l’île Goré voisine du Cap-Verd en Afrike, avec un projet et des vues utiles relativement au nouvel établissement de Kaiene. A M. le Duc de Choiseul, par M. Adanson », qui figurent dans le carton 15 de la série colonies C 6, aux Archives Nationales de France. Le document conservé dans la liasse 1763 comprend : /p. 723/ — un Avant-Propos (3 pages) ; — une Introduction (1 page), annonçant cinq Mémoires ; seuls les deux premiers se trouvent dans le dossier et il ne nous est pas possible de dire si les trois autres Mémoires ont été rédigés et envoyés au Ministre et s’ils sont encore conservés ; — Le premier Mémoire intitulé « Description de Goré » (10 pages) ; — Le deuxième Mémoire, sur les avantages qu’on peut tirer de Goré (16 pages) ; — le « Projet d’un voyage à Goré, à Kaiene et aux autres colonies françaises de l’Amérique ” (8 + 20 + 12 pages), que nous n’avons pas jugé nécessaire de publier ici, car le texte ne concerne pas directement le Sénégal. La version originale du manuscrit d’Adanson a été utilisée et nous avons conservé son “ortografe nouvele” préconisée par l’auteur, malgré les incohérences qu’on relève en de nombreux cas, où Adanson emploie à peu de distance son orthographe et l’orthographe traditionnelle pour un même mot. Seul l’usage de la majuscule — assez fréquent pour la lettre initiale des mots — n’a pas toujours été respecté. Les titres des paragraphes apparaissent en marge du manuscrit et se répartissent parfois à plusieurs endroits d’un même paragraphe. Ici, ces titres regroupent parfois les mentions marginales successives 1 La révision de tous les termes botaniques a été assurée par MM. Antoine Nongonierma et Kaoussou Sambou. Plusieurs notes comportent des précisions de M. Oumar Kane. Ces chercheurs de l’IFAN sont vivement remerciés pour leur contribution. 2 CNRS. qui valent pour un paragraphe unique. Nous avons trouvé des copies manuscrites de certaines parties du texte d’Adanson. — à la Bibliothèque Nationale, dans la collection des Papiers du Chevalier Turgot, où on trouve l’Avant-Projet et le premier Mémoire (f° 188-196), le deuxième Mémoire (f° 140-149) et une lettre du 7 juillet 1763 ; la copie du premier Mémoire omet le recensement de Gorée (BN, Manuscrit français 6244, f° 140-196 ; l’orthographe du manuscrit est normalisée) ; — aux Archives Nationales de France, dans la collection Moreau de Saint-Méry, qui comporte la « Description générale de Goré (1763) par Adanson » (F 3, 60, f° 3-23) ; il s’agit du texte de l’AvantPropos et du premier Mémoire, ainsi que d’une lettre d’Adanson au Ministre, datée du 7 juin 1763, annonçant l’expédition prochaine du deuxième Mémoire ; l’orthographe de ce texte, qui représente une copie, est également différente de celle du manuscrit original de l’auteur ; /p. 724/ — à la Bibliothèque Municipale de Nantes, où figure une copie de la lettre d’Adanson au Ministre, du 7 juillet 1763, ainsi que le texte du deuxième Mémoire qui est complété par des remarques sur l’utilité des voyages et de la connaissance des plantes (Manuscrit 2424 B 40). Comme on l’a mentionné, le document d’Adanson que nous publions était connu et a été partiellement édité. Ainsi H. Froidevaux a publié des extraits sous le titre « Les mémoires inédits d’Adanson sur l’île de Gorée et la Guyane française » dans le Bulletin de Géographie Historique et Descriptive (1899, n° 1, p. 76-100). Commentant le texte, H. Froidevaux édita la plus grande partie de l’Avant-Propos et l’Introduction, résuma le 1er Mémoire en ne citant que le dernier paragraphe sur la « Dernière Revolution du Roiaume de Kaior » ; il ne donna que les titres du 2e Mémoire, avec un bref résumé de leur contenu. Signalons que Froidevaux avait alors découvert aux Archives de France le texte ici utilisé, alors qu’il ignorait son existence lors de la publication de son article « Un projet de voyage du botaniste Adanson en Guyane en 1763 » (Bull. Géogr. Hist, et Descr. 1893, p. 221-233). De même J. Machat a publié une partie du 1er Mémoire, à savoir le début (résumé seulement par Froidevaux), en opérant des coupures pour certains passages (Documents sur les établissements français de l’Afrique occidentale au XVIIIe siècle, Paris, Challamel, 1905, p. 78-81). Cet auteur signale l’existence de la copie d’une partie des Mémoires d’Adanson à la Bibliothèque Nationale, sous le titre « Pièces instructives concernant l’île de Goré » (cf. supra). Enfin J. P. Nicolas cite quelques extraits des Mémoires dans son article « Adanson et le mouvement colonial » (paru dans l’ouvrage collectif édité par G. H. M. Lawrence, The Bicentennial of Michel Adanson’s ‘Familes des Plantes’, Pittsburgh, 1963, t. 2, p. 393-450). Les mémoires de 1763 ici publiés dans leur intégralité fournissent une description de l’ancienne Concession du Sénégal, qui était exploitée par la Compagnie des Indes avant 1758 et pendant qu’Adanson séjournait au Sénégal. L’auteur met particulièrement l’accent sur les connaissances botaniques qu’il a su acquérir au cours des années passées dans le pays. Malgré l’insistance mise à démontrer le caractère utilitaire des /p. 725/ connaissances scientifiques — qu’Adanson veut mettre au service du commerce et à l’entière disposition de l’Etat français, pour entreprendre et réussir la colonisation de la Guyane —, les documents abondent en détails sur la situation économique et sociale de la Sénégambie au milieu du XVIIIe siècle, ainsi que sur les environs des comptoirs européens où le botaniste réalisa ses études. Outre une présentation soigneuse des principales productions sénégalaises de l’époque, Adanson fournit des données intéressantes sur les différentes formes de commerce avec l’Afrique, entre pays africains, voire avec l’Orient. Il convient d’insister sur la richesse des observations d’Adanson qui fut sans doute le premier scientifique de valeur à avoir effectué des recherches dans une région de l’Afrique sub-saharienne et à avoir englobé tous les domaines du savoir dans son étude. De cet auteur, on connaît et on cite en général la « Relation de voyage » parue dans son Histoire naturelle du Sénégal. Coquillages (Paris, Bauche, 1757). Mais on sait moins qu’Adanson a préparé et a envisagé la publication d’une grande œuvre sur le Sénégal, où devaient figurer toutes les données rassemblées pendant son séjour dans le pays et dont le gros volume consacré aux coquillages ne devait constituer qu’une partie. En effet, la véritable encyclopédie prévue devait comporter trois parties : — l’histoire physique et civile ; les minéraux ; devaient y être traitées la géographie, la physique et l’histoire ; — les végétaux, dont la présentation était prévue en deux volumes ; — les animaux qui devaient être décrits en cinq volumes. Seul le cinquième des tomes — traitant des mollusques et coquillages — a pu voir le jour en 1757. Il semble qu’une partie seulement des manuscrits rédigés par Adanson en vue de cette grande œuvre sur le Sénégal ait été conservée. Certains textes, écrits par Adanson lui-même et signalés par A. Chevalier (Michel Adanson. Voyageur, Naturaliste et Philosophe, Paris, Larose, 1934), se trouvent 1 maintenant conservés à la Bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle à Paris , alors que d’autres ont probablement été acquis par la « Hunt Botanical Library » qui s’est particulièrement /p. 726/ intéressée à la connaissance de l’œuvre du naturaliste. Des recherches plus poussées seraient nécessaires pour savoir si d’autes fragments manuscrits — voire des dessins ou des cartes — qui étaient prévus pour l’ouvrage annoncé existent encore, et où il serait possible de les retrouver éventuellement. Même si les mémoires suivants montrent Adanson comme un scientifique désireux de mettre son savoir au service du commerce et de l’exploitation des ressources coloniales, on doit souligner que la curiosité universelle et la sympathie réelle de l’auteur pour le pays où il effectua ses travaux confèrent à son texte un intérêt considérable. Avant-Propos Mgr. Preuves des conèssances de l’auteur. But de cet ouvraje, son utilité Je ne prétens pas me faire valoir, ni donner plus de poids aux Mémoires que V. G. va lire sur l’île Goré, en disant que je suis peut-être le seul home de letres en même temps Botaniste, Fisicien et Naturaliste, Membre des 2 académies les plus célèbres de l’Europe, celle de Paris et de Londres, qui, avec des notions suffisantes dans ces sianses, ait voiajé au Sénégal où est anclavée cete île, dans le dessein d’observer tous les objets en meme temp curieux et utiles ; mais il ne sera peut-être pas indiférant de savoir comant, en étandant particulièrement mes vues sur les objets utils pendant les 5 anées de recherches que j’ai passé dans ce pais, je suis parvenu aux conèssances que j’en vais exposer, et à discerner avec assez de justesse et de précision ce qu’il peut ou ne peut pas comporter, enfin les avantajes qu’on peut et qu’on doit en tirer, objet principal de cet ouvraje qui doit être d’une grande utilité pour la conduite des afaires de cete colonie. 9 Réflexions qui i ont donné lieu (1) Ce qui a doné lieu aux Mémoires suivans ce sont 9 reflexions qui me paroissent de la plus grande importante. 1° sur l’embarkemant prochain pour l’ile Goré, qui me paroit trop nombreux et trop dispendieux pour un rocher extrèmemant borné, facil à fortifier sufisamant avec beaucoup moins de monde et de dépanse, et dont les environs ne peuvent guère nourir que 100 homes soit blans soit nègres qui sufiroient à sa défanse. /p. 727/ 2° sur les avantajes qu’on pouroit tirer de cete ile pour la nouvele kolonie de Kaiene en i transplantant la culture de beaucoup de plantes utiles, tant pour le comerse que pour la subsistance des habitans, et en i faisant passer nombre d’animaux égalemant nécessères. 1 Nous avons pu consulter le carton des manuscrits d’Adanson grâce à l’amabilité de M. Laissus. Un microfilm intégral a pu être réalisé pour les Archives du Sénégal. Outre la publication d’une partie des manuscrits linguistiques, nous envisageons l’édition d’autres textes inédits. 3° sur l’aplication naturele qu’ont à l’établissemant de cete nouvele kolonie les conessanses utiles soit de fisike, soit de botanike, soit d’hist. nat. ou relatives au comerse, que mes voiajes m’ont procuré par le Sénégal, sur Goré et sur les climats chauds compris entre les Tropikes ; conessanses la plupart neuves ou ignorées de pais tres peu conus ; conessanses pour ainsi dire inutiles dans toute autre circonstanse, et qui sont come mortes entre les mains d’un particulier come moi qui n’a aucune manutention relative aux kolonies, ni aucune autorité pour les faire valoir. 4° sur l’abus qu’il i a de laisser publier par qui ce soit les conessances de ce genre qui metent en evidence le comerse actuel et les forces réeles de nos kolonies. 5° sur les suites facheuses qu’on eu ces sortes de conèssanses parvenues aux Etranjers en excitant d’abord leur envie et jalousie, ensuite des [p. 2] démèlés particuliers, enfin en alumant des guerres plus ou moins longues, toujours dispandieuses et ruineuses au comerce. Persone n’ignore que dès l’antikité la plus reculée les nations se sont armé pour se disputer la possession et la propriété des parties de comerce dont le produit avantajeux faisoit l’objet de leur jalousie. La possession du cedre n’excita t’ele pas Adrien à détruire Jerusalem ? Le figuier anima d’abord Xerxès contre les Aténiens, ensuite Rome contre les Cartaginois à la persuasion de Caton. Le Baume de judé ou de la Meke n’arma t’il pas les Romains contre les juifs ? Combien de troubles le Dattier n’a t’il pas suscité dans le Levant ? Et de nos jours le Muskadier n’a t’il pas armé les hollandois dans les indes ? L’akajou ne fait il pas un sujet de guère entre les diverses nations du Brésil ? Le Bois de Kampèche n’a t’il pas armé l’Angletere contre l’Espagne en 1736 jusqu’en 1743 ? Enfin le vrai sujet de la dernière guere nous est-il inconu ? 6° Il est donc de la plus grande importanse de ne pas doner lieu à la jalousie d’une nation inquiete et ombrajeuse tele que l’Angletere, et non seulement de laisser ignorer à tous les Etranjers l’état réel du comerce et des forces de nos kolonies, mais encor de tenir dans le plus grand secret les projets et les vues que l’on a sur un nouvel etablissemant, au moins jusk’à ce que cet etablissemant ait pris une consistance, que son comerce soit assuré, enfin jusk’à ce qu’il soit en état de se soutenir par lui même, et de fournir à la subsistance de toute /p. 728/ espèce, sans avoir besoin des secours de l’Europe en tems de guere. C’est une faute qu’il me semble qu’on vient de faire au sujet de Kaiene en afichant et publiant dans Paris les principaux motifs et les vues qu’on a sur cet établissemant, et l’apareil d’un peuple nombreux qu’on i destine. V. Gr. me pardonera, je l’espère, la liberté que je prens d’ouvrir ainci mon avis ; je crois parler en secret en m’adressant à un ministre qui cherche le bien ; je crois pouvoir jouir de ce privilèje, come patriote, come filosofe zélé, come citoien ; enfin en cete qualité, lorsqu’il est question du bien de l’Etat, je crois ne devoir avoir rien de caché pour un Ministre éclairé qui tient les rènes des 2 parties les plus brillantes du gouvernemant, et qui est si disposé à faire fleurir le comerce le plus étendu et le plus avantajeux dans le nouvel établissemant de Kaiene qui en est si susceptible par le projet de l’administration la mieux entendue. 7° Ces conessanses particulières doivent être secretes et confiées au seul ministre. 8° Ces conessances, qu’on supose fideles, vérifiées et reconues pour bones, enfin donées par des gens conus comme capables et sufisamant instruits serviroient de pièces instructives auxkeles on auroit recours, soit pour examiner et confronter les gestions des gouverneurs, intendans, et autres comandans de ces colonies, et découvrir les abus, soit pour trouver le remede le plus naturel et le plus facil à ces abus, soit pour faire des tentatives d’un comerce nouveau que comporteroit le pais. Enfin on ajouteroit à ces pièces instructives les conessances nouveles [p. 3] dont on charjeroit des gens de confiance et assez habiles, envoies exprès pour en instruire directemant et secretemant le Ministre. 9° L’Etat veilleroit à ce qu’aucun auteur, voiajeur ou non, de telle qualité qu’il fut, ne publiàt aucune carte, aucun voiaje qui montrât évidamant l’Etat réel du comerse et des forces de nos kolonies, ni les projets ou les nouveles découvertes, qu’il seroit en état de doner à ces égards. On borneroit ces auteurs à publier sur des cartes moins détaillées, simplemant les positions les plus conues des divers lieux avec tout l’istorike des mœurs et des productions fisikes et natureles, seules conessances nécessères au public curieux ou savant. Ils comunikeroient en secret au Ministère les autres conessances plus directement utiles à l’Etat, telles que celles qui regardent les supressions ou réformes à fère ou les additions à introduire dans ces kolonies, soit pour leur sureté soit pour le maintien ou l’acroissemant du comerce, et le ministre ou la persone qui a sa confianse en cete partie en discuteroit les principaux objets avec un home assez instruit de l’hist. naturele de ces pais chauds. Comme ces auteurs en sacrifiant au bien de l’Etat des découvertes /p. 729/ dont la publicité est flateuse, ou des conessances neuves et intéressantes qui auroient doné plus de prix à leurs ouvrajes, se priveroient d’une petite gloire qui souvant est leur seule récompanse, il seroit juste que le ministre leur acordat un dédomajemant proportioné à leur sacrifice et à l’utilité de leurs découvertes. Il est essentiel d’empêcher, par des pensions ou emplois honêtes, que ces gens ou autres trop instruits ne passent chez l’Etranjer pour lui comuniker des conessances qui lui seroient utiles au détrimant de notre comerce. Enfin lorske ces gens sufisamant instruits et qu’on sait avoir des cartes particulieres très détaillées moins conues, ou des manuscrits intéressans sur les colonies, vienent à mourir il conviendroit, pour empecher ces papiers de voir le jour ou de passer chez l’Etranjer, que le ministere les fit racheter moienant une pension ou une some une fois paiée aux parents qui en resteroient possesseurs ou légataires. Consékanses de ces 9 réflexions C’est en consékanse de ces diverses réflexions que lorke je publiai en 1757 la relation de mon voiaje au Senégal je crus, en citoien, devoir taire tous les détails qui auroient pu favoriser l’enemi s’il en eut eu conessance, et j’i ai eu une atention particulière et de manière à n’avoir rien à me reprocher. C’est une suite du même principe qui me détermine aujourdui par zèle à confier au dépot secret du ministère, sur le Senégal et Goré (pais que j’ose dire très peu conu non seulemant de ceux qui i ont comandé le plus longtems, mais même de la Compagnie des Indes qui en a l’administration depuis plus de 50 ans) des conessances la plupart neuves, toutes apréciées à leur juste valeur, et exposées avec naiveté et dans la plus exacte vérité : c’est encor ce qui m’engaje à i ajouter des vues, qui peut être seront neuves ou au moins importantes, sur les avantajes qu’on peut tirer de ce pais et de toutes les autres colonies fransèses ou Etranjères pour le nouvel établissemant de Kaiene, vues dont j’ai laissé échaper quelkes unes à diverses persones qu’elles intéressent sans doute et par qui elles vous sont peut-etre parvenues ; mais aiant actuelemant l’honeur de votre confiance je crois devoir vous les comuniker directemant parcek’elles seront présantées d’une manière plus pure, et mieux motivées que par un canal étranjer. [p. 4]. Introduction Metode de distribution de cet ouvraje Pour exposer ces instructions dans l’ordre le plus métodike, je crois devoir les diviser en 5 Mémoires ranjés et intitulés come il suit. 1er Meme. Description ou Etat actuel de Goré et de ses Dependanses. /p. 730/ 2e Meme. Avantajes qu’on peut tirer de cete ile. 1e partie. Exposé simple de ces avantajes 2e partie. Moiens de tirer ces avantajes 3e Meme. Chose qu’il i faut fère necessèremant. 1e partie. Projet ; ou exposé simple de ces choses. 2e partie. Pourquoi ? ou raisons qui doivent oblijer à faire ces choses. 3e partie. Coment ? ou moiens d’executer ces choses proposées. 4e Meme. Choses qu’il est indiférant d’i fère ou de n’i pas fere. 1e partie. Enonsé simple de ces choses. 2e partie. Pourquoi ? ou motifs qui en rendent l’exécution indiferante. 5e Meme. Choses qu’il ne faut pas fère à Goré 1e partie. Exposé simple de ces choses. 2e partie. Raisons qui doivent engajer à ne pas fère ces choses. Pourquoi ? Le 1er de ces 5 Mémoires n’est qu’un récit simple de faits dependans du local et qui par là n’ont pas besoin de preuves. Chacun des 4 derniers Mémoires a come l’on voit son Pourquoi ? c’est à dire, est divisé en 2 parties dont la 1ere explike le pourquoi, ou les motifs et raisons des choses qu’il faut fère, et de celes qui sont indiférantes ou qu’il ne faut pas fere. Le 3e Mémoire, qui regarde le Projet des choses qu’il faut fère exije une 3e partie de plus ; c’est cele qui fournit ou enseigne les moiens d’exécuter les choses qu’il faut fère. Remarkes Je crois devoir fère sur ces 5 Mémoires les 4 observations suivantes : 1° Ils doivent être lus dans l’ordre où je les présente, pour voir la suite des faits, la succession des abus, et pour sentir quels sont les moiens les plus naturels ou les plus faciles d’i remédier. 2° On remarkera dans le 3e Mémoire, qui done mon Projet sur l’ile Goré, quelkes répétitions de faits énoncés dans le 1er et le 2e, mais ces répétitions étoient nécessères pour son intelligence, aiant paru avant ceux ci qui devoient lui servir come d’introduction. 3° J’espère que V. Gr. me pardonera si je répete souvant ces mots, il faut le plus grand secret sur cet article &, aux endroits où je l’ai cru de la plus grande importanse. 4° Enfin je demande indulgence pour une ortografe nouvele, de la bonté de la quele je suis si convaincu, que je ne puis m’empêcher de la suivre par une abitude contractée depuis longtems. J’entre en matière. [p. 5]. /p. 731/ 1er Mémoire (2) Description ou Etat actuel de l’ile Goré, de ses Dépendances ; et Etat ancien des possessions de la Compagnie des Indes sur la côte apelée Concession du Sénégal. Avant que de parler de ce qui nous reste actuelemant au Sénégal, il est nécessère, pour l’intelligence des mémoires suivans, de dire en 2 mots ce que nous possédions avant la guere, et quel étoit l’objet et l’etat du comerce de chake endroit de cete côte. Possessions ancienes des François au Sénégal Avant la conkète du Senégal, faite par les Anglois le 28 Xbre 1758, ce pais, qui a environ 300 lieues de longueur depuis le Cap-blanc vers le 21 degré de latitude Boréale jusk’à la Riviere de Sierralione par le 8e degré, faisoit pour les fransès l’objet d’un comerce assez trankil, malgré la possession du fleuve Gambi dont les Anglès s’étoient rendus les principaux Traitans. Côtes Mais la Compagnie des Indes, qui avait une si vaste étendue de côte en concession de l’Etat, n’en frékantoit guère que la moitié la plus comersante, c.à.d. environ 6 degrés ou 150 lieues entre le 16. deg. où se trouve l’embouchure du Niger et le 11e où commensent les iles du Bisso. Le reste de la côte étoit libre aux interlopes fancois moienant une redevanse à la Compagnie, la quele étoit le plus souvant fraudée dans ses droits (3). Les Anglois aloient aussi pour l’ordinère depuis environ 15 ou 20 ans, à Tio, ou au Petit Portandik à 30 lieues au Nord de l’ile du Senégal nous enlever, soit par surprise soit par force le tiers de la traite annuele de gome que les Arabes, impropremant apelés Mores, de la forêt Lébiar, se dispensoient alors de porter sur les bords du Niger à notre eskale du desert qui est de 10 lieues plus eloignée que Portendik de cete foret de gomiers, mais qui en revanche, est plus proche des 2 autres forets cele de Sael et d’Alfatak ; c’est cete dernière qui fournit à l’escale de Donai. Fleuves (4) Le fleuve Niger nous donoit la facilité de nous répandre dans les terres vers l’ESE jusk’à Galam qui est à 120 lieues au plus de la mer en ligne droite. Nous ne remontions guère la Gambi au delà de 7 à 8 lieues où étoit le comptoir Albreda vis à vis l’ile et le fort James des Anglois qui se réservoient le droit de traiter seuls dans le haut de ce fleuve. /p. 732/ Comptoirs (5) L’on avoit dans ce vaste pais 10 comptoirs ou lieux principaux de comerce, savoir, 4 sur le Niger, l’ile Senegal avec le fort St-Louis, Podor, Galam et Farbana, chacun avec un fort ; 1 dans le Gambi apelé Albreda ; et 5 sur la cote, l’ile Goré, avec un fort, Rufisk, Sali ou Portudal, Joal et l’ile Bisso. Ces 5 derniers endroits n’étoient à propremant parler que des escales sans comptoirs ni habitation francoise fixe ; on n’i descendoit guère à tere, ou si l’on i descendoit pour le comerce, on lojoit chez les maitres de vilajes qui nous pretoient leurs cases, ou, ce qui revient au même, on i bâtissoit à la hâte une case de paille qu’on retrouvoit quelkefois encor en bon état à la traite suivante [p. 6]. Comerce annuel (6) Ces 10 comptoirs ensemble produisoient à la compagnie des Indes anée comune 1 500 à 2 000 nègres 150 à 300 marcs d’or 12 000 à 30 000 quintaux de gome, faisant 600 à 1 800 toneaux lorske les Anglois ne nous enlevoient pas les 600 toneaux que rend la traite de Portandik 12 à 300 quintaux de morfil ou dents d’élefant 50 à 100 quintaux de cire. & La Compagnie retiroit donc de ces divers objets environ 7 millions dans le bones anées, 4 seulemant dans les moindres, et 5 1/2 dans les anées comunes ou moienes. En balançant ce produit avec les débours tant pour la marine que les Marchandises de traite et l’entretien d’environ 500 homes, dont 100 oficiers, le reste soldats et ouvriers, que la Compagnie avoit à sa charje dans ce pais, elle perdoit soi-disant 300 000 £ tous les ans : la chose n’étoit pas impossible vu la mauvaise administration et le pillaje dont je parlerai ci après (3). Outre ces objets plus considérables de comerce, il i en avoit encor d’autres moins importans tels que l’ambre gris, le coton, l’Ebene, les plumes d’autruches, les cuirs vers de beuf, les marokins ou peaux de chevre, les peaux de tigre, & ; et il est bon de noter (3) que l’or et surtout l’ambre gris, que la Compe. des indes a toujours ignoré et dont ele n’a jamais recu 1 livres, étoient comercés en fraude et à son inscu par les oficiers même qu’ele emploioit à son comerce avec defanses expresses de n’i pas doner la moindre ateinte. Enfin depuis plusieurs anées tous ces petits objets et même tout le morfil passoient entre les mains des capitaines et autres oficiers de vaisseaux qui les traitoient directemant avec les nègres ou avec les emploiés de la Compagnie. On peut estimer ce comerce en fraude à 1 million au moins, en le suposant de 10 mil livres par an l’un portant l’autre pour chake oficier de tere ou de mer /p. 733/ sans compter celui des 500 autres françois artisans & de la concession. Les interlopes françois, les Anglois et Portugais qui n’avoient pas la traite de la gome, traitoient en revanche un peu plus de negres, d’or, de morfil et de cire, et faisoient à peu près autant que la compagnie des indes, en sorte que le comerce annuel de ces 3 nations ensemble sur toute la cote du Sénégal produisoit, i compris le comerce en fraude, sans exagération, environ 10 millions pour les moindres anées, 13 pour les moienes et 16 milions pour les meilleures. La plus grande quantité d’esclaves se traitoit à Galam ensuite à Gambi et à Goré où ele ne passoit guère le nombre de 300. Cele de l’or et du morfil étoient plus considérables à Gambi et Galam et n’avoient pas lieu à Goré. Enfin la cire n’avoit lieu qu’à Gambi et au Bisso ; de sorte que le comerce de Goré en général se bornèt alors aux seuls captifs. Après cet exposé de nos possessions et comerce anciens sur la cote du Sénégal, passons à le Description de l’ile Goré qui nous est restée à la paix, et de ses dépendances natureles teles qu’eles étoient avant la guere. Description de l’île Goré. Sa figure (7) Goré n’est qu’un îlet de la forme d’un jambon, dont la longueur est à peuprès dans la direction du N et du Sud, le manche qui consiste en une tere basse sabloneuse regardant le N, et la montagne ou rocher qui compose le gros bout et à peu près la 1/4e partie de l’ile entière, etant tournée (au) vers le Sud. Sa température De cete disposition il arive nécessèremant que les vents du Sud, qui sont les plus chauds étant barés par la montagne, la tere basse ou savane qui est au dessous au N est à l’abri des chaleurs et jouit d’une température moins inégale [p. 7]. Son contour Le contour de cete ile est, ou coupé à pik au S-O de la montagne, ou bordé d’un cordon de rochers noirs de 1 à 3 piés de diamètre, roulés et arondis par le mouvemant de la mer qui les déplace, mais peu sensiblemant, 2 fois l’an ver les fortes marées des ékinoxes. Son Port Un seul endroit de ce contour, nétoié sans doute par les 1ers possesseurs de cete île, est dépourvu de roches ; c’est le coté oriental de la savane ou de la plaje basse du manche du jambon : il est un peu creusé en bassin et forme un petit Port sufisant pour les canots, et /p. 734/ même pour les chaloupes, qui i atérissent sans danjer sur un fond de sable kokillier assez doux. Le meilleur cependant est de n’i point laisser atérir les chaloupes parceke ces bâtimans, qui tirant comunémant 3 à 4 piés d’eau, ne pouvant être mis entièrement à sec par les seules marées qui ne sont que de 2 1/2 piés, porteraient en partie sur la tere en partie sur l’eau, et seroient trop fatigés par les oules de la mer qui a un assez grand fond, même au bord du rivaje, et qui est tres rude pendant les ékinoxes et les 2 jours qui précedent ou qui suivent les nouveles et pleines lunes. On tient donc ces chaloupes au larje sur leurs ancres dans l’anse du Port à la portée du pistolet ou environ ; cete pratike est la plus avantajeuse et même nécessère dans un climat aussi chaud, parce que les joints des bordajes se conservent toujours resserés dans l’eau, au lieu qu’ils s’entrouvrent lorsk’ils se sont dessechés au soleil sur le plein, et que raremant ils se resserent autant qu’auparavant lorsk’on les remet à l’eau, maneuvre par consékant inutile et même onéreuse en ce qu’ele oblije à les calfater de nouveau. Son étendue ou sa superficie Le terein de cete ile qui se découvre à mer basse a environ 480 toises de longueur sur une larjeur moienne de 100 toises ; le terein qui se trouve toujours à découvert au dessus du niveau de la mer et dépourvu de rochers, càd, en état d’être absolumant cultivé en épiérant les endroits qui ont au dessous de la bone tere potajère à, tout au plus, 400 toises de long sur 80 toises de larjeur moienne, ce qui lui done 30 000 toises de superficie ; on pouroit dire 20 000 toises à cause des lieux des anciens batimans qui produiront dificilemant, ou même 15 000, à cause des endroits où le terein est kokilier ou graveleux. Ses productions. Ses 2 jardens. Sa montagne. Ses 2 sources Toute la savane est en général nue et pelée ainsi que la montagne sur la quele croit abondamant un arbrisseau apelé giandam (8), ainsi qu’un pavot epineux (8) et un oignon de fleur (8), toutes plantes utiles pour des maladies secretes, et dont il ne faut pas priver les nègres et autres qui i auroient recours au besoin. Il i a cependant 2 jardins dont un de 30 toises en quaré, apelé jarden de la Compagnie, près de la corne méridonnale du Port, et l’autre de 12 toises quarées au N du gouvernemant et du fort St François, tous 2 à l’usaje de l’Etat major. La montagne est composée à son centre d’une lave ou piere brulée, couleur de rouille toute criblée de trous apelée mache fer, entourée d’une autre espèce de lave de volkan en rochers noirs, extrêmemant durs, à demi vitrifiés, incapables d’être taillés et semblables à des colones en parallelépipèdes, toutes détachées, raprochées cote à cote et posées debout les unes sur les autres. Sous ces roches à l’angle /p. 735/ occidental de la face boréale de la montagne il i a quelke peu de piere blanche à batir dont la carière ou le banc est presqu’entièremant épuisé. Au pié de cete montagne vers le Sud il coule pendant la saison des pluies un petit filet d’eau à peine sufisant pour 5 à 6 persones et qui tarit en iver, càd pendant la secheresse ; il etoit fermé à clé à l’usaje de l’Etat major : un autre filet encor moindre avoit été abandoné aux mulatresses et autres femmes de l’ile. L’ile Goré ne produit donc d’ele même rien d’util pour la nourriture, mais ele peut lojer et nourir comodémant 100 homes (9) environ pas les moiens que [p. 8] j’indikerai dans la 3e partie de mon 3e Mémoire. Ses 2 forts detruits par les Anglois Les gazetes angloises nous ont apris que les Anglois, aussitôt après la conkète de cete ile, avoient fait sauter le fort St Michel de la montagne, et le fort St Francois de la savane, par consékant le gouvernemant et la citerne i atenant. Les bateries d’en bas avoient été détruites en partie par leur feu ; ainsi il i a grande aparance que tout est à refère de neuf sur cete île tant pour le lojemant, que pour les fortifications, et il n’i a pas grand mal à cela, s’ils n’ont pas fait écrouler l’escarpemant naturel de la montagne, pour en rendre dorénavant l’atake plus facile, ils nous auront épargné la peine de détruire de mauvais ouvrajes. Ses dépendanses (5) La reddition de l’ile Goré par les Anglois étant faite simplemant sans autre explication, et sans aucune mention de ses dépendanses, il est naturel de penser que les comptoirs ou eskales de Rufisk, Sali ou Portudal, Joal et autres vilajes qui se trouvent entre ce lieu et Goré, et qui en dépendoient avant la guere, nous seront d’un accès libre, à moins que les Anglois ne se soient établi des cases ou comptoirs de traite à Joal et Portudal qui sont plus voisins du fleuve Gambi où est leur fort James. J’ai entendu dire qu’ils ont établi un comptoir à Joal. Dans ce cas nous serions fort embarassés pour tirer les vivres nécessères surtout les beufs que les nègres comersans n’ont jusk’ici aporté qu’à Sali ou Portudal qui est à 9 lieues au S- E de Goré, et à Joal qui en est à 18 lieues ; car il est fort dificile de déterminer les nègres à chanjer leurs anciens usajes, à faire ce que leurs pères n’ont pas fait, c’est leur expression familière, ni de les décider à venir à Rufisk qui est à 3 lieues à l’E de Goré, ou à Ben qui en est distant à 1 lieue au Nord, et on ne peut guère répondre que l’intérêt fasse faire quelke chose à cet égar à une nation qui met son bonheur dans l’oisiveté (10) et qui est riche dans sa pauvreté n’aiant réelemant besoin de rien après le nécessère fisike. Néanmoins il i auroit moien de metre le Mores ou Arabes dans nos intérêts, come je le dirai dans mon 3e Mémoire. /p. 736/ Habitants de Goré atirés par les François (11) Un mal, pour ainsi dire nécessère, et comme depandant de Goré, ce sont les mulatresses et négresses qui en sont devenus come les habitans naturels sous la protection des François. Quoike cet île n’ait jamais été habitée par les Nègres avant que les 1ers Européens, ce furent les Diepois en 1364, i eussent abordé ; néanmoins depuis plus de 60 ans que le comerce du Senégal a été acordé par le Roi en concession à la Compagnie des Indes exclusivemant à toute autre Compagnie françoise ou Européene, les François établis sur cete île pour le comerce n’aiant pas la permission de se marier et d’i amener des femmes de Franse, i ont atiré des négresses qu’ils i ont domicilié avec les mêmes avantajes qu’eussent pu exiger des Européenes. On pense bien que dans un pais très chaud les homes ne sont pas insensibles, mains encor des François qui ont toujours eu des egards pour un sexe aussi danjereux qu’aimable, et il faut avouer qu’il i a au Sénégal des négresses qui, malgré leur couleur noire méritent d’être aimées. Les enfans nés du comerce illegitime des Francois avec ces concubines, tenant plus de la couleur blanche de leur pere que de la couleur noire de leur mere, ont formé une race d’homes mitoiene, inconue jusk’alors, que l’on apela Mulatre, ou mixtive ou Métisse. Les garsons mulatres ont été emploiés au service pour ouvriers ou matelots, mais toujours come maitres, étant nés de François, et non come esclaves, quand meme leur mère eut été esclave. [p. 9]. Les filles mulatresses ont joui des privilèjes de leurs mères, privilèjes que leur couleur blanche ou basanée si aprochante de cele de leurs peres, leur a fait étendre au point que, non seulemant eles, mais encor leurs esclaves dont le nombre augmentoit tous les jours, étoient à la charje de la compagnie qui a toujours ignoré, qui ignore peut etre encor, ou au moins qui a fait mine d’ignorer les desordres et les abus qu’a entrainé ce comerce illicite. Privilèjes des femmes abusifs Les privilèjes acordés à ces fames par l’abus de la mauvèse gestion d’un pais si éloigné de l’œil du maitre, ont été tres onéreux à l’Etat, et preske toujours pernicieux aux François qui n’avoient pas le moien d’entretenir des Dames de cete espèse ; car eles en prenoient les airs et le nom, se faisant apeler signares, qui en langaje portugais signifie la même chose. Eles avoient ration double ou triple, ou pour mieux dire à souhait de Pain de froment, de viande, Poisson, vin, eau de vie, Bois de chaufaje, paille et pikets pour bâtir leurs cases, enfin toutes les choses nécessères à la vie pour eles et pour leurs enfans ; et en général, leurs captifs étoient fournis de viande et de mil aux dépens de la Compagnie qui alors représentoit l’Etat. L’abus avait même été si loin que ces femmes, qui comandoient nombre de nègres leurs /p. 737/ esclaves atachés au service de la Compe faisoient, pour le compte des Emploiés aux quels eles étoient unies, un comerce au détrimant de celui de la Compe. et qu’eles obtenoient à cet efet du Directeur comandant, au prix de France, les marchandises fines et les plus précieuses qu’on refusoit aux autres François emploiés d’un ordre inférieur. Source du désordre des François et des disetes. Source des mortalités Ces abus, source de nombre de désordres, en perdant le comerce de la Compagnie et en faisant retourner chez les nègres par le moien de ces fames des richesses qui auroient naturelemant du venir en France au profit de l’Etat, entrainoient le déranjemant dans la fortune des emploiés qui leur étoient atachés et qui bornés à des apointemans de 500 £ à 1 200 £ lojés et nouris, s’endétoient et mouroient insolvables. Enfin ces abus ocasionoient des disetes de pain, de vin et d’autres rafraichissemans dont les François du bas étaje come ouvriers, soldats, matelots, oficiers même du 2d ordre étoient privés bien avant la disete, pendant que les provisions se consomoient ouvertemant en festins entre ces sangsues et les chefs qui les engraissoient de la subsistance destinée naturelemant à leurs compatriotes qu’ils devoient regarder come leurs enfans. Quoike l’île du Sénégal n’apartiene plus aux François, on peut cependant la citer come un exemple plus frapant de ces disetes. Cete île 8 fois plus grande et plus peuplée que Goré portoit aussi ces abus beaucoup plus loin ; elle nourissoit à la charje de la Compagnie plus de 3 000 negres ou négresses, mulatres ou mulâtresses qui ocasionoient des famines non seulemant dans cet ile et ses environs, mais même dans tout le pais à 60 lieues à la ronde, parce que les Nègres acoutumés de tout tems à ne semer des grains que pour leur consomation anuele sans fère de magasins de mil ne pouvoient guère en fournir 3 mil barikes chacune de 5 à 700 £ pour chake tête par an. Le nombre de ces gens atirés par les bienfaits ou pour mieux dire souferts par la foiblesse des Directeurs comandans augmantant tous les jours, les famines augmentoient à proportion, au point que, pour déterminer les nègres à se priver du mil nécessère à leur propre subsistance, il faloit souvant le leur paier 10 fois plus que son prix marchand, et que la barike de Bordeaux qui i vaut comunémant depuis 2 £ jusqu’à 6 et 10 £, aloit en 1752 et 1753 jusk’à 60 et même 120 livres. D’une administration aussi abusive, de ces disetes frékantes et teles que j’en ai vu ariver jusk’à 2 ou 3 fois l’an par la consomation des vivres qui [p. 10] étoient dissipées avant même que le navire qui les avait aporté eût levé l’ancre pour retourner en France, naissoient de crueles diarées et nombre de maladies putrides : de là ces mortalités si nombreuses, surtout dans le Tiers état, qu’on voioit périr anée comune le 1/6e des habitans ouvriers, soldats ou matelots à l’ile du Sénégal, le 1/7 à Goré ; quelkfois la mortalité aloit jusk’à enlever /p. 736/ 1/5, et je l’ai vu à 1/4 en 1751 l’une des 5 anées que j’ai resté dans ce pais, tandis qu’en France elle ne passe guère 1/20e. Si les choses sont à Goré dans le même état qu’on les a laissé lorske cete ile a été conkise par les Anglois, on i trouvera (12) 7 mulatresses fruit malheureux de la corruption des François, 1 mulatre, 2 négresses et 3 negres atachés au service. Ces 13 principaux maitres possèdent autant de cases dont 6 baties en massonerie, les 7 autres en paille, et chacun a depuis 4 jusqu’à 20 captifs, ce qui, leurs enfants i ompris et quelkes nègres ou negresses intrus ou refujiés du continant, fait un peu de 200 têtes qu’on trouvera sur l’ile en arivant. En voici l’Etat et le dénombremant. mulâtresses mulâtres négresses 1. Marie Térèse, mulâtresse âjée de 34 ans sa case de maçonerie en plateforme à balustrade à l’italiene, atenant le jardin de la Compagnie — ses enfans Anjélike, 16 ans Pierre, 13 ans Ursule, 12 ans Jean, 9 ans — autres Enfans retirés chez elle Isabele Morin, 22 ans Mina Morin, 8 ans Térèse Duma, 18 ans — 20 captifs i compris 5 à Isabele Morin, quelkes uns à Térèse Duma; et quelques libres sous sa protection 2. Charlote Mulâtresse ajée de 50 ans morte en 1759 Sa mère négresse ajée de 65 ans sa case est en massonerie et tenue par Anjélike sa fille — ses enfans Anjélike 27 ans, Louis Kabass mulâtre son mari, maitre de barke âjé de 40 ans a 6 enfants, 4 de Kabass de 8 2à 10 ans, 2 filles et 2 gars /p. 739/ 2 de Durose de 4 ans, 1 fille et 1 gars Pierre Goupi, 18 ans Ane Ausenak, 14 ans Michele Jaket, 10 ans — 16 captifs i compris ceux d’Anjélike, 16 ans 3. Kati Louett, mulatresse âjée de 45 ans sa case est en massonerie — 2 garsons de 17 à 18 ans nègres captifs Total de chake case 1 1 1 1 (sic) 1 (sic) 1 1 1 20 28 16 28 1 1 1 2 2 1 1 1 1 1 1 2 — ses captifs au nombre de 10 13 9 1 - 10 13 46 69 10 16 8 12 8 12 15 21 12 13 6 9 4 5 109 157 [p. 11]. 4. Penda Kassano mulâtresse âjée de 45 ans sa case est en massonerie — sa grand-mère négresse âjée de 75 ans sa mère, id., 48 ans — ses enfans Pierre Kassano âjé de 18 ans il passe come aide-chirurjien 1 fille de 14 ans Pikar 6 ans — 10 captifs 5. Ane Toutt, sœur de Marie-Térèse mulatresse, 27 ans sa case est de paille ses enfans sont : Ober 7 ans Gabar Kuro 5 ans une fille 4 ans ses captifs au nombre de 8 6. Ane Basse mulatresse âjée de 50 ans sa case est en paille ses enfans sont Fara Goupi âjé de 19 ans 2 filles Boutin de 10 et 13 ans 8 captifs /p. 740/ 7. Caterine Bode, mulatresse 50 ans sa case est en paille ses enfans sont Marie Ane Porket 18 ans 2 fransiero garsons 15 à 16 ans 2 Pepin 1 garson et 1 fille, 5 à 8 ans 15 captifs i compris 8 à Marie Ane 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 2 1 8. Grasia, négresse âjée de 35 ans sa case est en massonerie sans enfans 12 captifs 1 9. Kati Kémé négresse âjée de 40 ans sa case est en paille Mariane Bouriak sa sœur mulatresse 35 ans Isabelle Morin sa fille chez Marie Térèse une autre fille mulatresse, 18 ans 6 captifs 1 1 1 10. Etienne Dufour mulatre, maitre de Barke âjé de 45 ans sa case est en paille Il a 4 captifs 1 25 [p. 12]. 18 5 - 11. Louis Kémé, negre parent du Damel Roi du Kaior, et de l’Empereur du Bourba ouolof, bon crétien brave home, qui a été blessé dans le dernier combat contre les Anglois, masson de son metier fin et habile âjé de 38 ans sa case de massonerie à 1 étaje de 3 pieses sa fame négresse ajée de 27 ans /p. 741/ ses enfans 2 filles de 11 à 13 ans 2 garsons de 12 à 14 ans 6 captifs 1 1 2 2 12. Ouali nègre, frère de Louis Kemé, cuisinier de son métier, habile et honête home âjé de 36 ans sa case est de paille sa fame négresse âjée de 30 ans ses enfans sont : 2 filles dont 1 de 21 ans mariée au Roi Damel 1 garson de 15 ans 6 captifs 6 12 6 11 10 16 1 1 2 1 13. Fatman Nègre, gardien des captifs âjé de 50 ans ses fames sont 2 à 3 nègresses tantot plus tantot moins, à l’usaje de pais qui est mahométan ses enfans sont 2 filles de 19 à 20 ans ses captifs au nombre de 10 1 3 2 Nègres intrus et refujiés sur l’ile sous la protection des habitants ci-dessus, hommes, femmes ou enfans au nombre de 30 Total 30 25 18 16 6 131 226 Il i a donc sur l’ile Goré, non compris les 30 intrus ou réfujiés, 65 maîtres principaux habitans, savoir 44 mulatres dont 25 fames ou filles, et 22 noirs dont 16 Négresses fames ou filles. Les 131 captifs sont homes et fames. Leur nombre augmante de jour en jour plutôt que de diminuer parceke ce sont les seules richesses des maitres à qu’ils apartiennent. Le nombre des nègres ou nègresses qui se réfujient de tems en tems du continant sur l’île, pour éviter ou la famine ou les poursuites, augmante pareillemant selon les circonstanses. La Compagnie des Indes n’a jamais entretenu plus de 60 maitres à Goré en tems de paix, savoir, 6 à 8 Oficiers, 30 soldats, 15 ouvriers, 4 matelots nègres ou mulatres. Dans la dernière guere elle a augmenté la garnison jusqu’au nombre de 250 soldats [p. 13]. /p. 742/ 260 homes afament Goré et ses environs Ainsi il est évident par l’Etat ci-dessus, que, malgré l’atantion de la Compagnie des Indes à ne pas metre plus de 60 François sur l’île Goré en tems de paix, il i a toujours eu au moins 260 tetes ; et quoiqu’alors on fut les maitres de traiter sur toute la cote qui comprend les vilajes de Ben, Rufisk, Sali ou Portudal, Joal et même le fleuve Gambi, les traites de ces diverses eskales ne sufisoient pas toujours pour aprovisionner l’ile, et l’on étoit souvant oblijé d’envoier des bateaux à l’ile du Senegal, surtout pour les beufs et le mil nécessère : on a vu dans ces circonstances facheuses le moindre retard ou accidant arrivé à ces bateaux afamer l’ile Goré et forcer nombre de ses habitans à se retirer au continent pour i pourvoir à leur subsitanse. Dernière Revolution du Roiaume de Kaior (13) Come les dépendances du comerce de Goré s’étendent sur 3 Roiaumes qui sont Kaior, Baol et Sen, et surtout sur celui de Kaior ; il est nécessère de dire 2 mots sur les dernières revolutions de ce Roiaume, parce qu’il nous importe fort de savoir si le nouveau Roi notre plus proche voisin est notre ami. L’ile Goré dépend du Roi de Kaior et ce Roi s’apele Damel ; c’est le titre afecté à cete dignité, quelque soit celui qui la possède. Son plus proche voisin au Sud est le Roi de Baol dont le titre est Ten, ensuite ceux de Sen, Salm, et Bar sur le fleuve Gambi. Ces derniers s’apelent Bour-Sen, BourSalm, càd, Roi de Sen, Roi de Salm, & ; le Roi le plus proche voisin au N est celui d’Oualo qui comprend l’ile du Sénégal ; Brak est son titre. Les Roiaumes de Kaior, de Baol, de Sen, de Salm sont bornés à l’ouest par la mer et confinent à l’Est avec le Bourba-ouolof leur 1er souverain. Lorske les Anglois prirent Goré le 28 Decembre 1758, le Bour-ba-ouolof venoit de Détroner le Damel jeune home de 24 ans de la taille de 6 piés 4 pouces. Ce jeune Monarke avoit conkis son Roiaume contre son oncle son tuteur qui l’avoit voulu usurper et se défaire de lui. Il avoit passé toute sa jeunesse dans l’adversité et dans les combats, tantot fugitif chez le Brak et chez les Arabes, tantot victorieux et toujours exposé. Il paraissoit enfin paisible possesseur de ses Etats, son oncle aiant été tué dans un combat singulier par un de ses principaux sujets qu’il avait voulu tuer lui-même : le sujet ne porta pas loin la punition de sa témérité de s’être défendu contre un Roi, et fut massacré par les partisans du défunt. Le Bour-ba-ouolof profitant des troubles du pais de Damel qui étoit ruiné par de longues guerres, i /p. 743/ fit une invasion et en chasse de nouveau le jeune Roi. Celui-ci, à son tour, oubliant sa foiblesse, porta la guerre au sein des Etats du Bourba-ouolof, sut i faire encor de grands ravajes et i faire reconoitre un Roi qui ne le fut que quelkes [p. 14] jours pendant que le Bourbaouolof travailloit à s’afermir en Kaior (* je tiens cete note de M. Andriot ci devant ingénieur de Goré dont il a chassé l’Escadre angloise de la 1re atake). Les choses étoient en cet état le 28 Décembre 1758 lorske les Anglois nous ramenèrent en France. Le Bour-ba-ouolof paroissoit paisible possesseur de 2 Roiaumes et les gouverneur avec beaucoup de sajesse. Il étoit Mar-bou, c’est-à-dire, qu’il réunissoit la qualité de premier prêtre de son Roiaume à cele de Roi. Depuis notre retour en France nous avons apris par les gazetes angloises que le Bour-ba-ouolof a été tué, et que le jeune Damel est remonté de nouveau sur le Trône de Kaior. [p. 15]. 2e Mémoire Avantajes qu’on peut tirer de l’ile Goré 1ère partie. Exposé simple de ces avantajes Le but principal qu’on se propose dans la conservation de Goré, les avantajes les plus réels et les plus imédiats qu’on peut se prometre de retirer de la possession de cete ile, roulent sur 3 points, savoir : 1° Avoir un pié sur la côte 1° l’assurance d’avoir un pié sur la côte qui a environ 300 lieues de longueur, et de rentrer un jour dans tous ses droits des ce que pais paroitra avantajeux à la France. 2° Continuer le comerce 2° la continuation d’un comerce très avantajeux de la gome et des noirs à la faveur des vaissaux du Roi qui auroient protéjé les batimans francois interlopes qui vont anuelement faire cete traite le long de la côte. Voilà les seuls avantajes qu’on ait encor eu en vue dans la possession de Goré. Le 1er sufiroit seul pour prouver la necessité de la conservation, en suposant, come on n’en peut guere douter, que les Anglois par la conkète du Niger, nous ont enlevé sans ressource le comerce de la gome, et qu’ils nous bareront autant qu’ils pouront la traite des nègres ; de sorte que ce rocher ne seroit plus susceptible d’aucun /p. 744/ comerce, du moins qui en vaille la peine ; car l’or, l’ambre gris, la cire, le coton, les beaux chevaux arabes ou barbes, & ont été jusk’ici des objets de si peu de raport qu’il est inutile d’en parler. 3° Se faire une Pépinière nécessère à Kaiene (14) Mais je voi dans la conservation de ce rocher un 3e avantaje qui n’a point encor été aperçu, et qui me paroit plus immédiat et d’une plus grande consékance, aujourd’hui qu’on pense sérieusement à fère un puissant établissemant à Kaiene. Pour les plantes de comerce. Pour la gome arabike L’analogie que des conessances assez étendues en Botanike et en hist. nat. m’ont fait découvrir il i a longtems entre les productions du fertile pais de Kaiene et celes du Sénégal, m’a suggéré l’idée qu’on pouroit faire servir Goré, ce foible reste d’une vaste possession, à l’avantaje de cete nouvele kolonie, en i transplantant par la culture non seulemant nombre de plantes utiles à la nouriture et à la santé, mais encor le comerce le plus précieux qui se fasse au Sénégal et qui surpasse même celui des noirs, je veux parler de la gome arabike, dont cete analogie nous promet la réussite, ce qui nous feroit peu regreter la perte du fleuve Niger ou du Senégal et de Port Addik, seuls endroits de la côte où se fait ce comerce avantajeux. Un indigo nouvo On établiroit pareillemant à Kaiene la culture d’une nouvele espèce d’indigo très diférant de celui d’Amérike dont le bleu est cuivré. Celui-ci est particulier au Sénégal et d’un bleu outremer ou azur : on pouroit en faire naître la mode en France d’où elle se répandroit ensuite chez les voisins nos imitateurs ; et come sa préparation est diférante de cele de l’indigo d’Amérike, préparation que j’ai imajiné, manié par bien des tatonemans, et enfin decouvert et perfectioné [p. 16] pendant 5 anées d’épreuves au Sénégal, ce seroit une nouvele branche de comerce à introduire à Kaiene par le secret de sa préparation dont je puis assurer etre le seul posseseur ; fait qui est d’autant plus remarkable que les Indigotiers, soi-disans les plus habiles de l’Amérike, que la Compagnie des Indes avait envoié au Sénégal aux apointemans anuels de 3 000 £ chacun, n’ont jamais rien pu tirer de bon de cet indigo, mais seulemant une petite quantité de fécule d’un bleu pâle et même inférieur à notre Pastel : ce qui semble prouver que la Téorie fisike apuiée des observations botanikes est plus essentiele pour ces sortes de découvertes que la pratike simple de ces sortes d’ouvriers indigotiers, même les mieux entendus. On se rapele toujours avec plaisir, et même avec une sorte de /p. 745/ reconessance, des services aussi grands, ces vraies richessses que des Botanistes consomés ont produit à l’Europe comersante, en conseillant la transplantation du café de Moka ou de Goa aux iles de France et en Amérike, cele du Tabak, du sucre et de tant d’autres qui raportent aujourdui des somes immanses à l’Etat. C’est à l’example de ces filosofes égalemant éclairés et utiles, c’est d’après ces idées muremant réfléchies que je panse qu’on peut et qu’on doit faire servir le rocher de Goré, pour ainsi dire, de pépinière nécessère à la kolonie naissante de Kaiene. Tabak 2 cotons Outre les gomiers et l’indigo du Sénégal, on pouroit i introduire la culture de l’espèce de Tabac du Senegal qui est plus aromatike, plus doux à fumer et plus exkis, au jujemant des conesseurs, que tous les tabacs conus ; Enfin 2 espèses de coton reconus pour les plus blancs, les plus fins et les plus féconds de l’Afrike. Plantes utiles pour la nouriture, et pour la santé On ne se borneroit pas à ces seules plantes objets de comerce. Une nombreuse kolonie a besoin de nouriture à proportion de son peuple : on tireroit de Goré nombre de plantes excellantes qui ne sont pas à Kaiene, teles que le Farobier, le Pain de Sinje, le Détar, le Néou & et beaucoup d’autres qui, si eles sont à Kaiene, sont de meilleure qualité et moins sauvajes au Sénégal. Ce pais produit encor des plantes utiles ou même essentieles à la nouriture d’autres plantes absolumant nécessères à la santé des habitans des pais chauds. Animaux utiles Enfin on tireroit encor des environs de Goré nombre d’animaux utiles dans une kolonie chaude tele que cele de Kaiene ; animaux dont les uns pouroient servir pour la nouriture et subsistanse d’un grand peuple, et les autres seroient destinées aux charois et transport, même des pièces d’artillerie. Je vais doner un catalogue (15) de ces animaux et plantes utiles. Ce catalogue sera beauoup plus étendu et plus détaillé que celui que j’ai doné à M. le Chevalier Turgot qui l’a présenté à V. G. sans doute avec d’autres vues et pratikes que je lui ai confié, soit de vive voix soit par écrit, come des secrets, si un citoien peut apeler du nom de secrets des conessances qu’il croit apartenir, non pas à un public qui souvant en abuse, ou entre les mains de qui elles sont mortes, mais à un Ministre éclairé et disposé à les faire servir au bien de l’Etat, en i emploiant ceux qui peuvent seuls les faire valoir, dès qu’il sait qu’elles vont à l’utilité comune [p. 17]. /p. 746/ Catalogue des Plantes utiles qu’on peut tirer du Senégal pour Kaiene Je divise ce catalogue en 4 articles relatifs à l’usaje de ces plantes, savoir ; 1° Plantes à cultiver pour 2° “ “ “ 3° “ “ “ 4° “ “ “ le comerce la nouriture les Maladies ou Plantes Médecinales les arts, teintures, travaux et ouvrajes. 1° Plantes à cultiver pour le comerce 1° Uérek (16). C’est le nom nègre du gomier blanc. Cet arbre s’éleve de 15 piés. Il donne la qualité de gome blanche la plus estimée de toutes celes qui sont conues sous le nom de gome-arabike. 2. Neb-neb (16). Gomier rouje. Arbre de 30 piés. 3. Gonaké (16). Autre gomier rouje. Arbre de 45 piés. 4. Seung (16). Autre gomier jaunâtre. Arbre de 20 piés. 5. Ded (16). Autre gomier... Arbre de 15 piés. Ces arbres divers sont preske les seuls qui composent les 3 grandes forêts de gomiers conues sous les noms de Lébiar, Sael et Alfatak à 15 et 20 lieues au NE du Sénégal, et ce sont surtout les 3 premiers qui fournissent la gomme qui se traite dans ce pais. L’espèce n° 1 Uérek fournit la qualité de gome la plus blanche et la plus estimée dans le comerce pour gomer les étofes de soie les plus précieuses et de couleurs les plus tendres. Il me semble qu’en la cultivant préférablemant aux autres à Kaiene on feroit tomber le comerce de cele du Sénégal, en la livrant au même prix que les Anglois qui, s’en regardant come seuls possesseurs, vont sans doute le hausser considérablemant. Cete gome du Sénégal qui en temps de paix vaut 50 sous à 3 £ la livre, a été jusk’à 7 £ 10 s en tems de guere, et la gome blanche a dans le comerce une valeur preske double de la rouje. Si les Anglois metent leur gome à 3 £, ce sera pour 600 toneaux que rendent les moindres anées, un comerce de 3 millions 600 mil livres ; à 6 francs la livre ce serait 7 millions 200 mil livres ; ainsi dans les meilleures anées où la traite de gome va jusqu’à 1 800 toneaux, ce seroit à 3 £ la livre un objet de 10 millions 800 mil livres par an ; et à 6 francs la livre, il produiroit 22 millions 400 mil livres : i a t’il dans quelke partie du monde conu un objet de comerce qu’on puisse comparer à celui là ? 6. Ngangé (17). Espèse d’indigo en buisson de 4 à 5 piés qui, come je l’ai dit est diférante de celle d’Amérike, et peut faire un objet de comerce tout nouvo, et qui ne peut être mieux plasé qu’à Kaiene dont le climat est si semblable à celui du Senégal. 7. Outenn-oualof (18) 8. Outenn-Dar. 2 cotons en arbrisseaux vivases de 4 à 5 piés, qui sont recherchés come les plus fertiles et en même tems les plus fins et les plus blans du pais. /p. 747/ 9. Tamàka (19). Tabak en arbre de 8 à 10 piés de haut, dont la tije se recoupe plusieurs fois et vit 2 à 3 ans toujours couverts de feuilles. Il a la réputation du 1er Tabak de l’Afrike et sans doute de l’univers, surtout pour fumer. C’est ce fameux Tabak que les Nègres du Sénégal et les Mandinges portent jusqu’au haut du Niger au dessus du saut de la cataracte Gouina, où ils trouvent les Barkes des Arméniens [p. 18] et autres marchands levantins à robe longue qui le leur achetent à grand prix avec des esclaves, de l’or, des Plumes d’autruche, des fruits de goui ou Baobab, &, pour les porter dans la Nubie et la haute Egipte d’où ces marchandises vont en Turkie, surtout le Tabak qui est destiné pour le grand Seigneur. Ce trait d’histoire d’un comerce intéressant du Sénégal, n’est conu jusk’ici de persone que je sache, et je l’ai sufisamant vérifié par nombre de recherches. Le Ñiotoutt (20) arbrisseau de 8 à 10 piés de haut rend une résine apelée Bdellion dont il i a une qualité d’une odeur si agréable qu’ele peut supléer à l’encens male ou oliban dont ele porte le nom au Sénégal. Les nègres font de ses jeunes branches, et surtout des racines, des cure-dans, qui seroient très estimés en France, aiant outre une odeur aromatike extrêmemant suave, la propriété de rendre aux dents leur blancheur naturele de l’email et de prévenir et guérir par leur vertu balsamike toutes les maladies putrides des dents et des gensives. Le jinjanbre sauvaje (21) à larje feuille et qui est très aromatike. 2° Plantes à cultiver pour la nouriture Les Plantes qui servent à la nouriture se distinguent dans l’usaje comun en 6 espèces, savoir 1° les farineux 2° les Racines 3° les erbajes 4° les fruits 5° les vins 1° Farineux, ou grains qui peuvent servir à faire du pain, ou qui, s’ils n’en font pas, nourissent de même et peuvent i suppléer. 10. Dogoup ñioul (22), Petit mil, mil en chandele, espèce de Paniz. C’est le grain le plus délicat et le plus fécon du pais. Il ne reste que 2 1/2 à 3 mois sur tere, come tous les autres grains du Sénégal. Sa farine ne leve pas, mais on en fait d’excelant kouskou lakéré, c’est une espèse de boulie au jus ; le sanglé, làr, est une boulie plus claire que l’on fait plus comunémant au lait. 11. Giarnat (23), gros mil ou sorgo. Le rouje est le plus nourissant et le plus fertil. 12. Petit ris rouje très estimé (24). Le mais (25) est sans doute à Kaiene ; il seroit dans ce cas inutil de l’i transporter. /p. 748/ 13. Kràent (26). Racine du Trasi (26), espece de souchet, sucrée, dont on fait un pain plus agréable que le pain d’epice, qui est moins échaufant et qui peut i supleer pour les desserts. J’en conois nombre d’autres espèces moins agréables, que les Nègres manjent dans les famines et disetes de mil. 14. Oull, farobier (27), arbre de 60 piés qui ne se trouve qu’à Gambi. Ses gousses qui sont grosses come le petit doigt et longues de 1 1/2 pié, contienent des graines noires semblables à des lentilles, envelopées d’une chair jaune sèche farineuse, du gout du pain d’épice, très saine, dont plusieurs nations de nègres se nourissent. 15. Ñiebé-oualof (28), espèse d’arikot annuel, droit, à petite graine ovoide blanche avec un œil noir, très délicat. 16. Lab-lab (29) ou Pois de 7 ans. Arikot vivase à graine petite plate brune ou noire, moins bon ; grimpant. Il i en a une espèse à graine blanche à Kaiene. 17. Feve de Gambi (30). Arikot vivase, grimpant à graine plate moiene rouje ; tres délicat mais trop pâteux. 18. Ariko sauvajon (30), vivase grimpant à grène très menue, cilindrique cendré-noirâtre ; le plus délicat de tous [p. 19]. Le Kajou (31) apelé Pois d’Angole ; arbrisseau dont les grains sont ronds petits blanchâtres, est à Kaiene, ainsi il sera inutil de l’i porter. Le Gerté ou Mondubi (32), légume dont la graine, qui est cachée en tere, se manje come la noisete, est aussi à Kaiene. Le gubagub (33), id., mais ne mérite guère d’être cultivé. Il i a encor au Sénégal beaucoup d’autres espèses d’ariko (34) qui n’ont pas de nom, qu’on poura porter à Kaiene. 2° Racines Le Manfafa ou chou karibe kolokasia (35), et la Batate (35) dont les feuilles se cuisent pour la soupe au défaut du chou de France, et dont les racines cuites sous la cendre, ou, mieux encor au four, sont plus délicates et aussi saines que la chatègne, sont sans doute depuis longtems à Kaiene. Il n’est cependant pas aussi sur que le Manfafa i soit. L’iñame (36) et le Mañiok (37) i sont sans doute aussi, mais ce n’est pas un mets à proposer pour des Européens, cete kolonie étant toute destinée à des blancs. 3° Erbajes La Brède (38) qui est l’Epinar de l’Afrike, et le Bsab (39) qui est l’oseille des nègres ont été transportés depuis longtems en Amerike, néanmoins on ne feroit pas mal de procurer à Kaiene des espèces qui sont les plus estimées, car il i en a de plusieurs qualités qui demandent du choix et de la conèssanse. /p. 749/ 4° Fruits Il faut distinguer les fruits de terre et les fruits branchés. Fruits de terre 19. Nagiè (40) ; jiromon (40) ; espèce de Potiron, bon dans la soupe et encor meilleur fricassé et en ragoût ou en bégnèts. 20. Nébànn (41) ; petite kalbasse qui se mange cuite de même. 21. Ponpon (42) ; petit melon d’eau qui se cuit. 22. Bounndè (43) ; melon d’eau de la grande espèse du pois de 30 à 70 L à chair blanche. 23. Bounndè-konk (43) ; autre plus exkis, à chair rouje, mais moins sain. L’ananas (44) doit être depuis longtems à Kaiene. Fruits branchés 24. Goui, Boui, Baobab, Pain de sinje (45) ; arbre de 70 piés de haut et de 27 à 30 piés de diametre au tronc. Cet arbre est le plus util de toute l’Afrike ; c’est, pour ainsi dire, l’arbre universel pour les nègres et en général pour tous les habitans des Tropikes. Ses feuilles réduites en poudre entrent dans la préparation de tous leurs mets. Ses fruits contienent une chair seche farineuse aigrelete tres nourissante qu’ils manjent pour se rafrèchir. Les nègres le vendent aussi, come je l’ai dit, aux Arméniens qui réduisent cete chair en poudre, en forment cete fameuse terre de Lemnos qui fait un objet de comerce dans tout le Levant pour préserver de la peste et guérir les fièvres putrides les plus désespérées. 25. Kaouer (46) : fruit rouje, gros come la cerise et tres sain, qui croit abondamant sur un arbrisseau de 15 piés de haut. 26. Tol (47), liane à citron, apelée fol aigre, plante grimpante et laiteuse, dont le fruit gos come une pome est plein d’une chair blanche aigrelete aussi forte que le limon, et avec la quele on fait facilemant une bonne limonade [p. 20]. 27. Mad (48) ; autre espèse de liane apelée fol douce : son fruit gros come un limon a la chair aigrelete come l’oranje douce. 28. Détar (49) ; fruit verd gros come une pome, aplati, âpre, mais assez bon ; il croit sur un arbre de 70 piés de hauteur dont le bois est très dur, et peut être emploié dans les ouvrajes. 29. Néou (50) ; fruit brun, id, sur un arbre de 40 piés. Mâmpata (51) ; autre espèse à Gambi. 30. Bour (52) ; fruit jaune semblable à la Prune Reine Claude. Les nègres en font avec le miel une bone confiture apelée Inngio. Arbre de 30 piés. /p. 750/ 31. Somp (53) ; fruit jaune, gros come une petite Prune Ste Caterine du gout de la marmelade d’abriko ; il i en a de doux et d’amer. 32. Dogour (54) ; espèse d’anone de 3 piés de haut, à fruit jaune, gros comme une pome, et du gout de l’abriko. 33. Kionkom (55), Sor-sor (55) ou Tandarman (55) ; petite espèse de Datier, dont le fruit fait un objet de comerce pour les Mores ou Arabes qui le portent dans toute l’Afrike. 34. Kol (56) ; amande assez semblable à la chatèñe, et dont l’amertume est aussi saine qu’agréable : on la mange dans les grandes chaleurs où l’on est oblijé de boire beaucoup d’eau, parce que l’eau qu’on boit après a une saveur délicieuse qu’on ne peut guère exprimer. D’ailleurs ce fruit n’est que merveilleux et on peut absolument s’en passer. Poivre (57), espèce plus petite que l’ordinaire, mais fort bone. L’akajou (58) dont le fruit est rouje et gros comme une pome. L’ourai (59) ou ikako, fruit rouje, gros come une prune de Monsieur. Le sob ou monben (50), à fruit jaune gros come la Prune Ste Caterine. Les 2 espèses de Papaier (61). Le tamarin (62). Le citronier (63), l’oranjer (64) et le limonier (63) sont sans doute cultivés depuis longtems à Kaiene. Le grenadier (65) doux et aigre. 5° Vins, ou palmiers qui, moienant des incisions rendent une likeur vineuse. 35. Tir (66) palmiste, ou chou palmiste ; arbre de 100 piés de tije ; il fournit le meilleur vin de palmier. Sa tête se manje sous le nom de chou palmiste. Kionkom, ce datier cité ci dessus n° 33 fournit la 2e qualité de vin de palmier. 36. Ronn (67) ou rondier ; espèce de Latanier de 60 piés de tije ; il fournit un vin inférieur aux 2 précedens et qui cependant est encor très gouté et fort sain pour les habitans de Tropikes, étant astrinjant. Ses fruits sont gros come les kokos ; on en manje la chair après les avoir fait cuire sur les charbons. 3° Plantes médecinales, ou à cultiver pour les maladies (68) Les maladies les plus ordinères et les plus cruelles des Tropikes sont 2 principales savoir ; les Diarées, disenteries ou cours de ventre, et les fièvres putrides inflamatoires et pestilentieles. Je crois devoir en citoien, indiker, à l’avantaje de nos kolonies chaudes, les plantes ou les remèdes simples tirés des véjétaux reconus pour les spécifikes de ces maladies qui leur cèdent. /p. 751/ Pour les Disenteries, Diarées et cours de ventre, Tous les gomiers n° 1 à 5 — leur gome Le goui ou baobab. N° 24 Le Détar, N° 28 Le Néou, N° 29 L’ourai (p.21) [p. 21]. Leur fruit Pour les fievres ardantes putrides et pestilantieles. Le goui N° 24. Son fruit Le Bour N° 30. Sa confiture apelée inngio. Le sob ou Monben. Le Tol N° 26 Leur fruit Le Mad N° 27 Le Tamarinier qui done une limonade qu’on rend purgative quand on veut. Il croit aussi au Sénégal nombre de plantes utiles pour les maladies vénérienes ; mais ces maladies ne sont pas aussi danjereuses dans les climats chauds compris entre les tropikes, qu’eles le sont en Europe. Ces plantes sont : Le Somp N° 31. Son fruit. 37. Koss (69) ; espèce de Cefalante ou bois bouton, arbre de 30 piés. Sa graine. 38. Lass (70) ; espèse de gimauve. Sa racine. La meilleure espèce de Séné dont la feuille et la gousse sont égalemant purgatifs. 4° Plantes à cultiver pour les arts, teintures et ouvrajes 39. Foudenn (72) ; espèse d’alkanna ; arbrisseau de 10 piés, dont les feuilles font un objet de comerce pour les Arabes du Sénégal, qui les vendent aux femmes de toute l’Afrike qui s’en teignent les ongles d’une bele couleur rouje inéfaçable. 40. Iouoss (73) ; espèce de Drako apelée aloé de giné. Ses feuilles donent une filasse longue de 2 piés qui pourit dificilemant dans l’eau, et dont les negres font toute sorte de lignes, de filets et autres instrumans pour la pêche. 41. Dank (74) ; espèse de bois de violete gris, d’une odeur très agréable. Le Koss N° 37 a un bois jaune tres liant, excellant pour faire des maillets et manches d’outils, et qui vaut même mieux que le charme, parce qu’il est moins sujet à se fendre dans les pais chauds. Le Benten (75) ou Seiba apelé aussi fromajer est sans doute à Kaiene : il i en a d’epineux et de non épineux. C’est le plus grand arbre des Tropikes ; il i en a de plus de 60 piés de tije sans branches sur une larjeur égale de 10 à 15 piés. Les nègres du Sénégal en font des Piroges du port de 20 à 30 toneaux et par consékant ékivalantes à nos plus beles chaloupes. /p. 752/ Le ger ou poivre d’Etiopie (76), qui est une épice très aromatike et fort saine, a été autrefois transporté de Goré à Kaiene ; je ne sais s’il i est bien comun ; il mériteroit d’être cultivé ; les nègres en font un objet de comerse considérable ; il leur tient lieu de poivre. Je ne fais point article à part des plantes utiles aux Paturajes (77), parce que ces plantes qui sont des gramens néglijés par les nègres n’aiant pas de nom, il faudra que je les recueille et que j’en fasse moi même le choix. Catalogue des animaux utiles qu’on peut fère passer du Sénégal à Kaiene (78) Les animaux qu’on peut tirer de Goré pour Kaiene sont destinés ou pour la nouriture ou pour le service. Pour la nouriture 1° Le Beuf d’Afrike apelé nak. Cet animal est diférant du beuf de France, et tout aussi bon à manjer lorsk’il est châtré. Il est plus haut monté sur ses jambes, à poil plus ras, et porte sur le garot une loupe qui s’élève come une crète de 1 pied, et souvent plus, de hauteur. J’en ai mesuré de 5 piés 3 à 4 pouces de hauteur sur la croupe ; ils pesent depuis 8 jusk’à 1,200 livres. On ne trouve guère de ces beaux beufs que chez les Mores ou Arabes et le long du Niger. Ceux de la côte près de Goré sont petits et ne pèsent guère que 5 à 700 livres. [p. 22]. 2° Le mouton ou bélier appelé kar. Cete espèce est encor diférante de cele de France et 2 fois plus forte ; ele a le poil long et droit come la chevre. Ces beliers chatrés sont aussi bons, aussi nourissans que nos meilleurs moutons de Franse. 3° Le kabrit ou bouc apelé Bei est de plusieurs espèses. Il i en a de haut montés sur jambes et à poil plus court. Le chevres de Gambi à jambes courtes et à gros ventre sont plus fécondes que les autres et préférables. Je propose de tirer du Sénégal le beuf, le mouton et le kabrit destinés à Kaiene, parce qu’il est naturel de penser que ces animaux i réussiront mieux que ceux de France, n’aiant pas chanjé de climat. On pouroit encore absolumant transporter quelkes gazeles ou chevreuils, mais ces animaux ne sont bien nouris qu’autant qu’ils sont sauvajes ou retenus dans de grands parcs à l’abri des lions, tigres et autres betes féroces. La poule de Goré quoike petite est très féconde, et elle s’acoutumera mieux à Kaiene que cele de France qu’il faut cependant i porter aussi. La Pentade est un oiseau à i procurer encor, ainsi que le ramier du Cap Verd et de l’île Madelène. /p. 753/ Pour le service 4° L’Eléfan apelé Niei par les Negres. Cet animal qui est tres comun sur les bords du Niger et du fleuve Gambi, est aussi grand que ceux des indes s’il ne les surpasse. J’en ai vu de 12 piés de hauteur sur la croupe. Il porte 2 à 3 miliers et pouroit servir au transport de la grosse artillerie. Il a encor plus de force pour pousser en avant de la tête come les beufs que l’on atele dans quelkes provinces de France, mais surtout dans les pais chauds come les ile Canaries, &. Il marche égalemant dans les tereins piereux montagneux et sabloneux. 5° Le chameau. Gélemm faussemant apelé Dromadère. Cete espèse n’a qu’une bosse sur le dos qui est élevé de 7 piés au dessus de terre ; elle est plus haut montée, mais plus menue de corsage et de jambes que l’espèce à 2 bosses qui porte jusqu’à 12 ou 1 500 livres. Celui du Sénégal porte depuis 600 livres jusk’à 1,200 ; il ne faut jamais le charjer davantage que de 800 livres. Il a les piés encor plus tendres que le beuf, et si l’on veut le conserver on ne doit l’emploier que dans les sables ou sur la terre douce, et non dans les tereins piereux ou graveleux. 6° L’âne, mbamm. Cete espèce est grande come un bidet, aiant 4 piés 1 à 2 pouces sur dos, et bien assortie elle feroit de tres beaux mulets. Il peut aler comme l’Eléfan dans les terreins montagneux ou pierreux. [p. 23]. Le beuf sert non seulemant pour la nouriture, mais encor à porter : au Sénégal on apele Beufs porteurs les plus beaux beufs des Arabes parce qu’ils leur font porter come aux chameaux leurs tentes et toute leur maison. Si l’on etablit à Kaiene la culture des gomiers, le chameau et l’Elefan i trouveront leur nouriture naturele ; ils manjent comunémant les extrémités des branches de ces arbres ; mais un inconvéniant assez ordinère, c’est que l’Eléfan les casse avec sa trompe lorsk’ils sont trop hauts pour qu’il puisse i atteindre aisémant. 2e Partie. Moiens de tirer avantaje de Goré (79) Tous les avantajes dont l’ile Goré est susceptible se réduisent à 3, come je l’ai dit dans la 1re partie, savoir ; 1° à conserver un pié sur la cote du Sénégal ; 2° à continuer le comerce des Nègres & ; 3° à en faire une Pépinière necessère à Kaiene. Voions actuelemant quels sont les moiens les plus facils de retirer ces avantajes. /p. 754/ 1° Ne point trop fortifier cete île Le moien de conserver l’ile Goré est de ne point porter ombraje aux anglois, et d’éviter d’exciter leur jalousie : or on peut leur fère ombraje en donant à cete ile un apareil imposant de fortifications trop aparantes, ou une garnison trop nombreuse ; donc il est essentiel de ne la fortifier que de la manière la moins aparante et avec le moins de monde qu’il est possible, mais toujours assez pour qu’ele puisse résister autant et aussi longtems qu’avec les fortifications les plus imposantes. J’en done le Projet et les moiens d’exécution dans mon 3e Mémoire 1re et 3e Partie. 2° Abandoner tout comerce La même raison qui engaje à ne point fortifier Goré d’une manière trop aparante pour ne pas porter ombrage aux Anglois, doit déterminer à renoncer au petit reste de comerce qu’il i a à fère autour de cete ile, ce qui ne vaut pas la peine de doner lieu à leur jalousie et à de nouveles brouilleries, dont les suites, si eles n’aloient pas jusk’à alumer une nouvele [p. 24] guerre, tendroient du moins à nous barer les moiens de fournir la subsistance que Goré ne peut tirer que le long de la côte, et par là à la rendre plus dispendieuse à l’Etat que ce petit comerce ne lui seroit avantajeux. 3° Moiens de rendre Goré utile à Kaiene Il n’i a pas de coté par où la conservation de l’ile Goré puisse et doive être plus intéressante pour la nouvelle kolonie de Kaiene, que par la récolte de 40 à 50 espèces de plantes que j’ai cité dans le Cataloge précedant, surtout du gomier arabike Uérek n° 1. Par la recolte des graines des gomiers 1 à 5. Gomiers conus par les seuls Arabes, inconus par les Nègres. Coment je les ai découvert Cet arbre lève facilemant de graine dans le mois même où on l’a semé, et il ne peut guère multiplier de bouture ou de toute autre manière. Il faudroit donc en faire recueillir les graines mûres, bien conditionées en assez grande quantité pour une plantation considérable. Mais comant faire exécuter une semblable récolte du gomier à Goré par les nègres des environs qui ne conèssent pas cete plante tant elle i est rare, ne se trouvant même que dans un espace de 500 toises inculte, dans un lieu qu’ils n’ont jamais frékanté, qui est tout couvert d’arbrisseaux ou de buissons epineux presk’inaccessibles, et qui ne pouvoit être pénétré que par un zele ou pour mieux dire par une passion aussi ardante que cele que j’ai toujours eue pour la Botanike. A cet égar il est nécessère de dire ici que les 3 forets de gomiers sont à 15 lieues au N du Niger, que les Mores ou Arabes seuls et paisibles possesseurs de ces forets recueillent cete gome qui fait l’objet du comerce le plus /p. 755/ facil, le moins onéreux, le moins encombreux, enfin le moins dispandieux et le plus lucratif du Sénégal ; que les nègres n’ont pas de semblables forets chez eux, et ne font absolumant point ce comerce ; que toutes les tentatives que j’ai fait pour aprocher de ces forets, ont toujours echoué au milieu des danjers les plus évidens, les Arabes étant des brigans aux quels on ne peut absolumant se fier ; que ce n’est que par une grande conessance des plantes du pais, jointes à des recherches expresses sur cet objet, alant chake jour erboriser et chasser dans les bois, que je suis parvenu à découvrir enfin plusieurs gomiers de la bone espèce autour de l’ile St Louis du Sénégal dans le Niger restée aux Anglois ; qu’en suivant toute la côte pour ces recherches les plus pénibles dans des sables brûlans, j’ai trouvé encor quelkes uns de ces arbres à 1 lieue de l’ile Goré, et ce sont les derniers que j’aie pu décrouvrir, ces arbres finissant pour ainsi dire leur domaine au Cap Verd, pour fère place aux plus grands et aux plus beaux bois de l’univers qui couvrent le fertile [p. 25] pais de Gambi, en comensant à la foret de Krampsann dans le voisinaje de Goré et tirant toujours au Sud. Mon objet en faisant cete recherche Lorske je fis cete recherche de l’arbre qui produit la vraie gome arabike, cele qui est la plus estimée, ce n’étoit pas par simple curiosité non plus que quand je tâchai de découvrir l’arbre de l’encens, celui qui produit le Bdellion, le Sagapénon, et tant d’autres gomes ou résines, objets utils de comerce ; je prévoiois bien que le Senégal pouvant un jour nous être enlevé, cete conessanse deviendroit utile à l’Etat en en tirant parti dans nos autres kolonies. Voici le momant où cete conessance et tant d’autres que j’ai pris au Senégal et dans le cours de mes voiajes dans les climats les plus chauds, peuvent être de la plus grande utilité, et je n’aurois de regrets à tant de travaux et de dépenses que j’ai fait pour akérir ces conessanses, que dans le cas où elles ne seroient pas emploiées à l’établissemant de diverses branches de comerce, la gome et l’indigo du Sénégal qu’on cultiveroit à Kaiene, idée dont je suis l’auteur, en aiant parlé le 1er et très souvant depuis 1754 que je suis de retour du Sénégal à M. de Jussieu mon confrère de l’académie, et à M. le chevalier Turgot, idée qui en ele même et par son exécution me feroit beaucoup d’honeur, et dont la réussite qui n’est guère douteuse promet les plus grands avantajes à cete nouvele kolonie et consékamant à l’Etat. Poursuivons les moiens de tirer de Goré les autres plantes qui peuvent être utiles à Kaiene. 6. Indigo. 7. 8. Cotons. 9. Tabak L’indigo, les 2 cotons et le tabak se trouvent partout, mais plus raremant et moins beaux autour de Goré que le long du Niger. Les gens les plus ignorans en peuvent faire la récolte, c’est-à-dire en tirer /p. 756/ des Nègres ; car l’ile Goré ne produisant absolumant rien, on ne peut avoir ces divers objets que par le moien des nègres ou des Mores qu’on pouroit atirer juske là en les intéressant. Arbre d’encens. Jenjambre. 10. Petit mil. 11. Gros mil. 12. Riz. Le ñiotout ou arbre d’encens n’est pas si facil à trouver ; il faut le conètre : il est assez rare aux environs de Goré. Il leve facilemant de graines, et multiplie encor plus de boutures et de drajons, ses racines trasant beaucoup. Le jenjambre est comun à Gambi. Les grains tels que le Dogoup nioul, le giarnat, le petit riz rouje peuvent être recueilli par toute sorte de persones ; néanmoins ce dernier n’est comun qu’à Gambi [p. 26]. 13. Kraent. 14. Farobier Le Kraent n’est guère cultivé à Goré, il est tres rare aux environs ; pour en avoir une quantité il faudra le faire venir du Sénégal. Le farobier oull ne croit qu’à Gambi ; mais les nègres qui en font comerce dans le pais peuvent en aporter à Goré, peut être pas autant qu’on leur en demandera, mais une quantité cependant assez grande. 15. Ñiébé oualof. 16 Lablab. 17. Ariko de Gambi. 18 Ariko sauvajon Les diverses espèces d’ariko, surtout le ñiébé-oualof, le Lablab, la fève de Gambi, se trouveront facilemant à Goré. Mais le sauvajon n’est guère cultivé qu’au Sénégal dont il faudra peut-etre le tirer. Gerté Le gerté est cultivé au Sénégal et à Gambi, et on l’aporte tous les ans de Galam en 7 l’ile du Sénégal. bre et 8 bre à Kajou. Gubagub. Batate Chou karibe, Iñame, Mañiok, Brède, Bsab Le kajou n’est preske conu qu’à Gambi et au Bisso. Le gubagub id. La Batate est comune à l’ile Goré, mais pas au point d’en fère de grands envois ; sa graine mûrit raremant : c’est sa racine qui se plante en la coupant par roueles, ou mieux encor par ecailles enlevées autour de chake œil d’où il parèt que doit sortir un bourjon. Le Manfafa ou chou karibe, l’iñame et le Mañiok, ne se trouvent qu’à Gambi et au Bisso, et ne multiplient guère bien que de racines. La Brède et le Bsab se trouveront facilemant à Goré ou aux environs ; il faut savoir choisir la meilleure qualité de Bsab ou oseille de Giné. /p. 757/ 19. Nagié. 20. Nébann. 21. Ponpon. 22. Boundé blanc. 23. Boundé rouje. Ananas Le jiromon, la kalbasse, les 3 espèces de melon d’eau et l’ananas sont comuns à Goré. On ne pourèt cependant pas tirer beaucoup de courones d’ananas n’i en aiant que sur l’île, et cete plante ne croissant sauvaje que dans le pais compris entre le fleuve Gambi et les iles du Bisso. 24. Goui. 25. Kaouer. 26. Tol. 27. Mad Le goui ou Baobab, le kaouer, le Tol et le Mad, sont très comuns autour de Goré ; on en pouroit tirer une prodigieuse quantité de graines. Le goui se multiplie aussi de bouture ; mais il ne croit ni aussi vite ni aussi beau que de graines. La graine de kaouer se garde dificilemant et rançit presk’aussitôt qu’ele est enfermée, de plus de 1 000 que j’avois emporté du Sénégal, et autant qui m’ont été envoiées depuis et qui ont été semées sur couches soit au Jardin Roial de Paris, soit à Trianon où le Roi a voulu les faire semer devant lui, moi présant, il n’en a pas levé une seule, tandis que les graines de nombre d’autres plantes du Sénégal que j’avois doné à S. M. et qui furent semées en même tems levèrent. Quelkes unes de ces plantes font encor aujourd’hui l’amusement de Sa Majesté, surtout le goui ou baobab que les Botanistes ont apelé de mon nom, Adansona, cet arbre dont le tronc a jusk’à 27 piés et au delà de diametre. Pour fère passer heureusemant la grène de kaouer à Kaiene, il faudroit après l’avoir recueilli assez fraiche, la metre en terre sous une couche de sable de 1 pouce, qu’on tiendroit simplement umide sans la trop aroser pandant la route. Grenadier Le grenadier doux et aigre doivent être dans le jardin de la Compe à Goré, sinon on les tirera du jardin du Senégal chez les Anglois [p. 27]. 28. Détar. 29. Néou. Mampata. 30. Bour. 31. Somp. 32. Dogour. 33. Kionkom. 34. Kol Le Détar demande du choix ; il i en a une espèce dont le fruit est amer et passe pour un poison ; la douce est tres saine. Le néou est bon et comun partout. Le mampata n’est qu’à Gambi. Le bour ne se trouve guère qu’auprès du Senégal d’où il faudra le tirer. Le somp, le dogour et le kionkom sont tres comuns à l lieue autour de Goré. Les amandes de kol ou du kolier ne vienent qu’au mois de 8bre et /p. 758/ 9bre de Galam par les bateaux qui descendent au Sénégal ; les Mandenges en aportent aussi jusk’au pais de Kaior ; il sera dificil d’en avoir une grande quantité. Il faut dès qu’eles sont arivées les metre en tere avec les mêmes précautions que le kaouer n° 25 si l’on veut qu’eles réussissent ; elles demandent une terre forte et franche. Akajou. Oranjers. Citroniers. Limoniers. Sob. Papaiers. Ourai. Tamaren 35. Tire. 36. Ronn. 37. Koss. 38. Lass. 39. Foudenn. 40. Iouoss L’akajou, l’oranjer doux et aigre, le limonier et le citronier sont comuns à Gambi. Le sob ou monben comun à Sali ou Portudal. Les 2 espèces de Papaier sont comunes dans le jarden de la Compagnie à Goré. L’ourai ou ikako et le Tamarin sont autour de Goré mais plus rares qu’au Senégal. le palmiste tir est extrememant comun dans la forêt de Krampsann à 1 lieue de Goré. Le rondier ronn est plus comun à Salu, et à 15 lieues au dessus du Sénégal en remontant le Niger. Le koss, le lass, le foudenn sont comuns dans la plaine qui est entre Goré et le Cap Verd. L’iouoss, tres comun sur toutes les dunes de la cote sabloneuse en alant depuis Krampsann jusk’à Rufisk. C’est sa racine qui est trasante qu’il faut prendre avec ses bourjons ; elle se conserve fraiche pendant plus de 2 mois, il faut l’emporter ainsi à Kaiene dans des sacs à claire voie ou dans des filets. Dank. Benten. Ger. Poivre Le dank ou bois de violete, ne se trouve que loin dans les teres du pais de Kaior. Le benten épineux est tres comun à Sali ainsi que le lisse. Le ger est aussi comun dans la forêt de Krampsann près de Mbo, et depui Mbo jusk’à Rufisk sur le bord de la cote. Le petit poivre est comun à Gambi dans le Roiaume de Bar. Moiens de conserver ces grènes dans la traversée L’expérience m’a apris que de tous les moiens utils pour conserver en mer les grènes qu’on veut fère passer d’une kolonie à l’autre, le meilleur est de les metre mûres et apretées avec leurs gousses et capsules sans les éplucher, chake espèce séparemant dans des sacs de toile à claire voie, suspendus à l’air à l’abri de l’eau ou de l’umidité et du soleil, dans l’entrepont, la Ste Barbe sous la Dunete, autour de la chambre du conseil et de la galerie, si le vaisseau en a une. Les courones d’ananas, les racines de plantes grasses comme le /p. 759/ iouoss, la Batate, &, seront mises dans des filets suspandus dans la chambre du conseil. Les caisses qui contiendront des graines ou piés de plantes qu’on ne peut transporter autremant, seront placées sur la galerie ou à son défaut, sur la dunete, couvertes d’une grille en toit de fil d’archat bien retenues entre des takets, et arosées par une main très avare. Moiens de se procurer des animaux Les animaux utils qu’on peut tirer de Goré pour en multiplier la race à Kaiene, sont en général tres rares et moins beaux que ceux des Arabes qu’on peut engajer à les amener jusqu’à Goré en les leur paiant plus cher [p. 28]. Beufs Un beuf des Nègres qui coute 6 £ à Goré ne pèse guère que 4 à 600 livres au lieu qu’un beau beuf des mores ou arabes pèse depuis 800 jusk’à 1 200 livres. Ces taureaux et vaches nous couteront peutêtre jusk’à 50 £ pièce ou 100 £ à cause du trajet de 50 à 70 lieues qu’il faudra fère fère aux arabes pour les amener ; mais on sent de quele importance il est d’établir les plus beles races d’animaux dans une kolonie naissante. Moutons Les arabes nous fourniront encor les plus beaux beliers et brebis et les boucs et chevres haut montés. Chevreaux L’espèce de chevre la plus féconde à jambes courtes et à gros ventre ne se trouvant qu’à Gambi et au Bisso, il faudra sous prétexte d’erborisations aler dans le pais pour se la procurer bele et bien choisie. Ce sont ces animaux qui fournissent les plus beaux marokins du levant. Anes Le Mores ou arabes sont les seuls possesseurs des ànes et des chameaux. Ces animaux leur sont d’un si grand usaje pour le transport de leurs familles, de leurs tentes, enfin de leurs maisons qu’ils n’en ont encor voulu faire aucun comerce ; cependant on pouroit à force d’arjant les déterminer à s’en défaire. Les arabes ne prisant ces animaux que par leur utilité, les vendroient sans doute cher, et à jujer du prix de leurs chevaux barbes qui passent avec raison pour les chevaux les plus fins de jambe, les plus léjers à la course, et les mieux faits de l’univers, si l’on excepte la croupe pointue, et dont le prix ordinaire est de 15 à 30 captifs chacun de 100 £ çad de 1 500 £ à 3 000 £, il i a aparance que chake chameau adulte et choisi reviendra à peu près à ce prix, et /p. 760/ chake ane peut être à 4 ou 500 £. Mais la race de ces anes est si grande qu’ele ne seroit point chere à ce prix, devant doner la plus bele race de mulet qu’on ait jamais vu. Eléfans A l’égar de l’Eléfan, la dificulté de tuer les mères qui ont un petit, dans un pais où l’on n’a pas come dans les indes, l’usaje de les aprivoiser et de s’en servir, en fait seule le prix, qui ne poura guère aler au delà de 1 000 ou 2 000 £ lorsk’on voudra engajer les nègres à faire cet chasse exprès, sans atendre que le hazar leur en procure, hazard qui est extrêmemant rare ; car la Compagnie des Indes, en obtenant du Roi le comerce exclusif de la concession du Senégal, s’étoit oblijé à lui envoier tous les ans 1 Eléfant et 1 courone d’or du pois de 30 mars ; j’ignore qu’ele ait jamais rempli cete obligation et depuis plus de 50 ans elle n’a encor trouvé qu’une ocasion d’avoir un Eléfan ; ce fut en 1756 que les arabes aiant tué une mère qui avoit un petit de 18 mois, l’amenèrent au bateau qui alors traitoit la gome au Désert, où il fut paié 2 pièces de toile noire, c’est environ 50 £. Cet animal eut-il du couter 3 à 4 mil livres à cause de la dificulté qu’il i a de trouver des petits, il me semble que le Roi auroit du exijer ce tribut anuel, et qu’il devroit même doner un ordre général et précis aux gouverneurs de Goré d’en acheter au moins 1 ou 2 par an pour en peupler nos kolonies d’Amerike qui n’ont pas les mêmes secours que la France pour des transports aux quels ces animaux serviroient merveilleusemant. [p. 29]. La récolte de ces graines n’est pas également facile à toutes sortes de persones En suivant toutes les indications, que je viens de doner dans le Cataloge présedant, des endroits où croissent les plantes utiles de Goré pour Kaiene, et les remarkes que j’ai fait sur leur abondance ou rareté, V. G. fera facilemant les 5 réfléxions suivantes. Leur nom ne sufit pas pour les avoir des nègres 1° que toutes les plantes qui i sont citées, surtout les plus importantes pour le comerce, teles que le vrai gomier, ne sont pas également faciles à recueillir, et qu’il ne sufit pas pour cela de savoir les noms que j’ai comuniké de ces plantes, et de les faire demander par tout le pais. Car quoike depuis l’anée 1754 où je suis revenu du Sénégal en Franse, je n’aie point fait soner dans le public ni cherché à faire valoir la découverte que j’avois faite de l’arbre qui porte la vraie gome arabike, quoike j’en aie fait semer ici au jardin du Roi et à Trianon des graines qui ont levé ; il n’en est pas moins vrai que les négres qui conèssent le Uerek ne savent pas que c’est lui qui done la vraie gome arabike, que tous les francois qui ont jamais été dans le pais ne conèssent pas plus l’un que l’autre, que ma découverte a été come nule pour les uns et les /p. 761/ autres, que si je n’en eusse pas imprimé le nom en 1757 dans la relation de mon voiaje, et que si je ne l’eusse pas comuniké avec des notions particulières et celui de bien d’autres plantes dans mon Cataloge à M. le chevalier Turgot (80) et avant qu’il fut nomé gouverneur de Kaiene et depuis sa nomination, persone en France ne sauroit même le nom de cete plante. Enfin il est tout aussi certain que aucun autre que moi ne conoit sufisamant cete plante, et il faut, outre des recherches expresses come celes que j’ai fait à ce sujet, savoir assez de Botanike pour distinger la bone espèce entre 9 à 10 que j’ai observé dans ce pais. Je suis le seul qui conoisse le gomier Il en est de même de la plupart des autres parties qui peuvent être utiles dans ces mémoires, et de quelkes autres vues egalemant utiles relativemant aux colonies, que j’ai comuniké ouvertemant à des gens qui en se les apropriant s’en sont fait un mérite auprès de V. G. sans me citer ; ne devant ces découvertes qu’à des observations dont je n’ai partajé le travail et la peine avec persone, il ne doit pas paroitre surprenant que je me cite quelkefois come le seul qui puisse en assurer le succès. Si je fais cete remarke ce n’est ni pour en tirer vanité ni pour me faire valoir, puiske depuis plus de 14 ans que j’ai fait cete découverte j’ai néglijé ce moien que persone, je pense, n’eut pu me disputer ; et je n’ai aucun regret à sacrifier la gloriole d’avoir fourni le 1er cete indication et l’idée d’un comerce qui peut être aussi util, voiant que V. G. a fait des conessances que j’avois comuniké à d’autres, un usaje aussi avantajeux à l’Etat, et qui me fait autant d’honeur que si je vous les eusse présenté moi-même avec toutes mes vues et les eclaircissemans que V. G. a exijé de moi, et qui sont nécessaires pour faire réussir le Projet au quel elles ont doné lieu et dont je parlerai ci-après. 2° L’indigo, quoique très conu des negres qui peuvent en fournir de la graine, même abondamant, devient pareillemant inutil à Kaiene, si je ne montre la manière d’en tirer la fecule, manipulation qui est différente de cele qui se pratike en Amérike [p. 30]. Inconvénians de charjer les nègres de cete récolte 3° Que le vrai gomier étant absolumant ignoré des françois et n’étant conu que de nom ou au moins trop peu conu des nègres, ceux qui seront charjés de sa récolte, ou n’en trouveront pas une assez grande quantité n’aiant pas fait d’observations particulières sur les lieux où cete plante croit plus abondamant, ou bien ils prendront une espèse pour l’autre d’autant plus facilemant que nombre d’arbres qui ne portent aucune gome ont des épines et des fruits assez semblables à ceux des gomiers. /p. 762/ Riskes de la manker ou de faire des méprises Ignorance et méprise de la plus grande consékanse, parce k’eles feront ou manker entièremant cete récolte, ou au moins la feront retarder de 2 ou 3 ans, retard trop considérable pour un arbre qui exije au moins 6 à 7 ans avant que de pouvoir comencer à raporter et dont par consékant la plantation demande à être exécutée des 1eres en grand aux 1eres pluies d’8bre 1764 ou à celles d’avril ou d’8bre 1765 au plutard, tems où l’on se sera sans doute sufisamant reconu et rassis au nouvel établissemant de Kaiene dans la Giane. 4° Il i a un inconvéniant beaucoup plus grand qu’on ne peut le penser d’abord, à charjer de la récolte des graines des plantes utiles surtout du gomier, des gens qui ne conèssent pas cete plante ; c’est que ces gens courant tout le pais pour savoir où elle croit plus abondamant, et de proche en proche jusk’au Sénégal, le bruit de leurs recherches particulières du gomier arivera nécessèremant aux oreilles des anglois, s’il ne se trouve pas même des nègres qui par l’espoir d’un vil intérêt iront leur dévoiler nos intentions : De découvrir nos vues aux anglois du Sénégal mais en suposant même ces gens assez sincères, assez discrets, et assez conesseurs, il est presk’impossible que, ne pouvant passer pour des Botanistes dans un pais où les nègres assez méfians ne se sont acoutumés que dificilemant à me voir trankilemant et sans inkiétude ramasser des plantes, des graines, des insectes et autres productions natureles, ils ne fassent naitre aux anglois qui veront qu’on s’atache à recueillir tous les ans pour les françois une quantité prodigieuse de tele et tele espèce de graines l’idée qu’on veut leur enlever le comerce de la gome, ou au moins le partajer avec eux en transplantant le gomier dans nos kolonies. Or on sent toute la consékanse de ces bruits ; il faut donc le plus grand secret sur cet article, et sur tous ceux qui i ont quelke raport. 5° Enfin il faut savoir le terrein qu’il conviendra de préférer à Kaiene pour la plantation du gomier, la manière de cultiver cet arbre, de lui faire produire la gome, de la recueillir, le terrein et la culture propres à l’indigo et aux plantes utiles dont j’ai doné le Cataloge. Conclusion. Sur la nécessité d’un voiaje dans nos kolonies (81) V.G. conclura sans doute de ces 5 réflexions, que les plantes les plus utiles à tirer de Goré teles que le gomier vrai, étant égalemant inconues aux Nègres et aux Francois destinés pour ce pais, et que la récolte des graines de ces plantes et des animaux nécessaires à Kaiene devant etre cachée sous l’ombre et l’aparanse de recherches puremant botanikes et d’histoire naturele, il seroit indispansable, pour ramplir ces divers objets, que j’entreprisse le Voiaje qu’ele m’a fait proposer par /p. 763/ M. Accaron. Cete proposition m’autorise à en tracer le Projet que j’aurai l’honeur d’envoier à V. G. sous quelkes jours : ce projet tient naturelemant sa place dans cete 2e partie de mon 2d Mémoire, étant come une suite des moiens de tirer de Goré tous les avantajes possibles pour Kaiene. Annexe Description des îles de la Madeleine et de Gorée Par M. Adanson Iles de la Magdeleine ... De ces îles du sud du golfe d’Arguin aux îles de la Magdeleine dans une étendue de côtes de plus de 85 lieues, on ne rencontre pas une seule île et même que cinq bancs de sable, celui du Cap Mirik, le banc de Tanit et les 3 de Portendic dont nous avons parlé. Les 2 îles de la Magdeleine sont à 2 lieues 1/3 au SSE du Cap-Verd. De ces 2 isles il n’y en a qu’une qui mérite ce nom : celle qui est au Sud n’est qu’un rocher nud et escarpé, percé à jour dans son milieu par une fente qui lui donne l’air d’une porte étroite fort élevée au dessus des eaux, noire de sa couleur, mais blanchie par les ordures des oiseaux de mer — tels que les goëlans, les fous, les paillevens qui viennent s’y reposer. L’île principale de la Magdeleine n’est qu’une montagne presque ronde formée d’un roc noir coupé presqu’apic du cote du large, à pente un peu adoucie du coté du continent, et dont le sommet, élevé de 80 à 90 piés au dessus de la mer, forme une plaine de 100 toises environ de diamètre couverte d’une couche de terre grasse rougeatre qui a assez de fonds pour produire une prodigieuse quantité de plantes, d’arbrisseaux et même quelques uns de ces arbres monstrueux appelés goui par les Nègres et Pain de singe par les François, de ces arbres enfin dont j’ai vu quelques uns près du Cap verd qui avoient jusqu’à 27 piés de diamètre au tronc. Elle a 2 petites sources d’eau qui tarissent pendant l’hiver. Ses rochers servent de retraite à un nombre infini de Pigeons ramiers naturels au pays, et qui ne diffèrent de ceux de l’Europe qu’en ce qu’ils sont d’une délicatesse et d’un goût plus exquis. La vue y est egalement belle et très étendüe, et l’air extrêmement frais. Quoique petite cette isle pourroit etre habitée, si elle avoit un port, mais on ne peut l’aborder que par une petite anse toute semée /p. 764/ de rochers sur lesquels la mer est rarement tranquille. Cette anse forme une espèce de galerie coupée entre les rochers, ou un long canal qui aboutit à un bassin naturel de figure ovale creusé dans le roc d’une seule pièce, de 12 piés de profondeur sur 12 toises de longueur, de la plus belle eau, où l’on peut se baigner en sureté. Le tour de l’isle produit une quantité prodigieuse de coquillages de toute espèce. Ile de Gorée. Sa figure. Son contour. Son port Après les îles de la Magdeleine vient l’isle Goré qui est la plus forte place de toute la côte du Sénégal. Elle est distante de 2 1/2 lieues marines en ligne droite du Cap verd qui reste à son egard au NO 1/4 d’ouest : le cap de Dakar qui est la terre la plus voisine en est éloignée de 900 toises dans la meme direction. Cette île dont on compare communément la figure à celle d’un jambon, dont la longueur est de 513 toises, à peuprès dans la direction du nord et du sud, sur une largeur de 153 toises au plus, est composé de 2 parties principales scavoir le manche qui consiste en une terre basse sablonneuse regardant le nord, et la montagne ou le rocher qui compose le gros bout et à peu près la quatrième partie de l’île étant tournée vers le sud. Le contour de cette isle est coupé à pic au S-O de la montagne et bordé partout ailleurs d’un cordon de rochers noirs de 2 à 3 piés de diamètre, roulés et arondis par le mouvement de la mer qui les déplace, mais peu sensiblement, 2 fois l’an vers les fortes marées des Equinoxes. Un seul endroit de ce contour, nettoyé sans doute par les 1ers possesseurs de cette isle est dépourvu de rochers : c’est le côté oriental de la savane ou de la plage basse qui forme l’extrémité septentrionale de l’isle ; il est creusé de 25 toises en bassin, et forme un petit port de 80 toises d’ouverture suffisant pour les canots et même pour les chaloupes qui y atterrissent sans danger sur un fond de sable coquillier assez doux. Le meilleur cependant est de n’y point laisser atterir les chaloupes, parce que ces bâtimens qui tirent communément 3 à 4 piés d’eau, ne pouvant être mis entièrement à sec par les marées qui ne sont que de 2 piés et demi porteroient partie sur la terre, partie sur l’eau, et seroient trop fatigués par les houles de la mer qui a un assez grand fond même de 9 brasses au bord du rivage, ce qui est très rude pendant les Equinoxes, et les 2 jours qui précèdent et qui suivent les nouvelles et pleines lunes. On tient donc ces chaloupes au large sur leurs ancres dans l’anse du port à la portée du Pistolet ou environ ; cette pratique est non seulement avantageuse, mais même résolument nécessaire dans un climat aussi chaud, parce que les joints des bordages se conservent toujours ressérrés dans l’eau, au lieu qu’ils s’entrouvrent lors qu’ils se sont désséchés au soleil sur le plein, et que rarement ils se resserent autant qu’auparavant lorsqu’on les relance /p. 765/ à l’eau, manœuvre par conséquent superflue et même onéreuse en ce qu’elle oblige à les calfater de nouveau. Mouillage des gros vaisseaux Quoique le canal ou le bras de mer qui sépare l’isle Gorée du continent ait depuis 900 jusqu’à 1 200 toises de largeur et depuis 9 jusqu’à 14 brasses de profondeur dans son milieu, fond de rochers, néanmoins les gros vaisseaux évitent ce passage, et mouillent très rarement, non seulement parce que le fond y est de mauvaise tenüe, mais encore parce que la mer y élève très souvent des roulis de plus de 10-12 et même 15 pieds de hauteur, et qu’il seroit alors dangereux de vouloir y passer, son entrée étant barrée par un banc de rochers qui joint le cap Manuel à l’île Gorée et sur lequel il n’y a que 4 brasses d’eau. Lorsqu’ils ont doublé le cap Manuel, à une petite lieue de distance, ils portent droit vers le Nord-Est ayant à leur gauche l’isle de Gorée à l’Est de laquelle ils vont mouiller dans la rade à une encablure de (terre) par 12 à 13 brasses bon fonds de roches et sable. Cette rade est un port assuré où l’on est à couvert de la lame qui vient du SO briser avec force contre la montagne. Sa montagne Cette montange forme à son sommet une plate forme de 100 toises environ de diamètre, de 120 pieds de hauteur, perpendiculaire au dessus de la mer composée à son centre d’une lave ou pierre brulée couleur de rouille toute criblée de trous appelée machefer, entourée d’une autre espèce de lave noire à demi vitrifiée, extrêmement dure, incapable d’être taillée mais susceptible d’un beau poli, et divisée en colonnes parallelipipèdes raprochées cote à cote et posées debout les unes au dessus des autres, comme celles du Basalt dont elle est une espèce. Cette disposition se voit parfaitement au côte sud-ouest de la montagne qui est coupée à pic jusqu’au fond de la mer. Sous ces roches à l’angle occidental de la face boréale de la montagne, on trouve quelque peu de pierre blanche à bâtir et à (vainer) de marbre, dont le banc est presqu’entièrement épuisé. Le fort St Michel Sur la plate forme de la montagne, qui est un vrai rocher incaccessible de tous côtés excepté vers le nord où l’on descend dans la savane par une pente assez rapide, on voit au N-E le fort St Michel, au NO la poudrière voutée et creusée en galerie dans le roc, et au Sud un grand trou creusé pour faire une citerne. 4 bastions en fer à cheval sont distribués tout autour pour la déffendre. /p. 766/ Ses 2 sources Au pié de cette montagne vers les sud il coule pendant la saison des pluies un petit filet d’eau à peine suffisant pour 5 à 6 personnes, et qui tarit en hiver, c’est à dire pendant la sécheresse, n’ayant pour origine que le trou de citerne qui est au dessus où les eaux rassemblées filtrent peu à peu à travers les terres, dans la cuvette qui est en bas, et que l’on ferme à clef pour l’usage de l’Etat major. Un autre filet d’eau encor moindre est abandonné aux mulâtresses et autres femmes de l’isle. Sa savane. Fort St François. Sa latitude La savane ou partie basse de l’isle est entourée de fossés et de bastions, bien (fournis) de canons et de mortiers, dont le nombre y compris ceux des fortifications de la montagne va à plus de 150 bouches à feu qui assurent sa défense. On ne peut entrer dans cette isle que par une porte qui s’ouvre dans la corne septentrionale de son port et qui conduit au fort St François qui est vis avis et où loge le gouverneur avec l’Etat major. C’est sur ce fort que nous avons déterminé avec un bon quart de cercle 1 la latitude de cette isle de 14 degrés 40’ minutes 40” secondes, et sa longitude de 19 deg. 25’ 1 On ne peut trop s’étonner que le P. Labat et les autres voyageurs placent cette isle sous le 14 deg. 15’ minutes de latitude septentrionale, pendant qu’ils donnent 14 deg. 42’ minutes de latitudes au Cap verd, qu’ils disent en être éloigné de 6 lieues ; or 27’ minutes de différences equivalent à 9 lieues marines. minutes à l’occident de Paris. A l’occident du fort St François est la Pharmacie, puis la chapelle, l’ecole et l’hopital. A l’autre extrémité de la Savane vers le S-E est le village au bout duquel est la captiverie puis le cimetière. Superficie de l’isle Gorée Le terrain qui se découvre à mer basse sur l’isle Gorée à environ 513 toises de longueur sur une largeur moyenne de 100 toises ; mais ce qui reste toujours découvert au dessus du niveau de la haute mer, et dépourvu de rochers de manière à pouvoir être absolument cultivé en épierrant les endroits qui ont au dessous de la terre franche, a tout au plus 400 toises de longueur sur 80 toises de largeur moyenne, ce qui lui donne environ 30,000 toises de superficie : on pourroit la réduire à 20 mille toises ou même à quinze mille à cause des lieux où le terrein est coquiller ou greveleux et où l’on a bati autrefois, et qui produiront difficilement. Ses productions Toute la savane est en général nüe et pelée, ainsi que la montagne sur laquelle croit abondamment un arbrisseau appelé giandam (en /p. 767/ note : nouveau genre dans la famille des Capriers, dont on donnera la figure avec la Description), ainsi qu’un oignon de fleur (en note : Ornithogalum luteovirens africanum. Albreca Linn. Virdika Ad.) et un pavot epineux (Argemona africana flore luteo) toutes plantes utiles pour des maladies secrètes, et dont il ne faut pas priver les Negres qui y auroient recours au besoin. Ses 2 Jardins Il y a cependant 2 jardins dont un de 30 toises en quarré, entre la corne méridionale du Port et le village, et l’autre de 12 toises quarrées au Nord du Fort St François et du Gouvernement, tous deux à l’usage de l’Etat major seulement. Au milieu de la savane est un puits de 12 piés de profondeur dont l’eau est saumâtre ; le puisard qui a (20) pieds de profondeur au pié de la montagne n’a jamais donné d’eau. L’île Gorée ne produit donc pas en général ce qui est necessaire à la subsistance de ses habitans ; ils vont chercher au continent l’eau et le bois dont ils ont besoin. Commentaires (1) Les réflexions introductives d’Adanson manifestent un savant soucieux de mettre ses connaissances au service de son pays et d’être « d’une grande utilité pour la conduite des affaires » de la colonie du Sénégal. Adanson souhaite tenir un rôle de conseiller pour les problèmes coloniaux, et distingue de ce fait des connaissances qui doivent rester tout à fait secrètes et celles qui peuvent être mise à la disposition du “public curieux ou savant”. Le domaine réservé et secret concerne “le commerce et les forces réelles de nos colonies”, à tel point que l’Etat devrait empêcher toute publication sur ces sujets : les savants ne seraient autorisés à publier que « des cartes moins détaillées, simplement les positions les plus connues des divers lieux avec tout l’historique des mœurs et des productions physiques et naturelles ». Dans la présentation des divers mémoires, Adanson insiste sur le fait qu’il fut le premier scientifique à avoir voyagé dans un pays tropical et passé cinq années au Sénégal, pour y réaliser ses observations et ses collections naturelles. Il précise que les données ont trait à l’île de Gorée et aux pays du continent qui entretiennent des relations commerciales avec l’île. Pour lui, comme pour de nombreux auteurs de l’époque, les possibilités de Gorée sont extrêmement limitées, après la perte de Saint-Louis en 1758, car les Anglais détournent tout le commerce de l’intérieur vers les comptoirs de l’embouchure du Sénégal et de la Gambie. Il suggère donc de limiter le rôle de Gorée au minimum, et d’en faire une sorte de pépinière pour le nouvel établissement de Cayenne, sur lequel on semble fonder de grands espoirs pour une colonisation agricole. On constate qu’Adanson lui-même partage /p. 768/ ces espoirs et propose de nombreux essais de transplantation d’espèces végétales sénégambiennes vers Cayenne. Il n’est pas nécessaire de signaler que beaucoup de ses propositions étaient tout à fait irréalistes et témoignaient d’une méconnaisance réelle du milieu physique et naturel guyanais. Adanson aurait sans doute constaté le caractère utopique de certaines de ses propositions, si son voyage en Guyane avait pu se réaliser (cf. la suite du texte ici publié, qui présente le Projet de ce voyage d’Adanson, ainsi que plusieurs correspondances relatives à ce projet avorté). (2) Le premier mémoire représente une description de Gorée, qui complète celle qu’Adanson avait fournie dans son ouvrage imprimé sur le Sénégal. L’auteur fournit également quelques renseignements sur le commerce de Gorée et sur les royaumes voisins. Les données proviennent des observations du naturaliste lors de ses séjours à Gorée, entre 1749 et 1753, en particulier en septembre-octobre 1749 et entre janvier et juin 1750 où Adanson effectua des recherches sur le continent (15 jours à Ben, passages à Mbao, Rufisque ; voyage en Gambie). Cependant la documentation d’Adanson fut complétée par les données d’agents de la Compagnie avec qui le naturaliste resta en contact après son retour en France. Parmi ces agents, qui quittèrent Gorée après la conquête anglaise en 1758, on compte surtout l’ingénieur Andriot, qu’Adanson cite nommément dans le passage sur la « Dernière Révolution du royaume du Kayor ». Cependant, Adanson fait précéder sa description de Gorée par un rappel sur les possessions françaises avant la conquête du Sénégal par les Anglais en 1758. Ces données générales sur les “Côtes”, les “Fleuves”, les “Comptoirs”, le “Commerce annuel” sont succinctes, et auraient mérité des développements. (3) Il est intéressant de noter les remarques d’Adanson sur le commerce des “interlopes” et sur la “traite illicite” réalisée par les agents de la Compagnie ou par les capitaines des navires. Il faut en tenir compte pour relativiser les chiffres officiels de la Compagnie qui constituent donc souvent des sousestimations notables. Adanson évoque, contrairement à beaucoup de ses contemporains et à beaucoup d’historiens du e XX siècle, le fait que « le reste de la côte (hors les endroits fréquentés par la Compagnie) était libre aux interlopes français, moyennant une redevance à la Compagnie, laquelle était le plus souvent fraudée dans ses droits ». Ce commerce “interlope” n’était pas seulement réalisé par les Français, mais aussi par les Anglais qui pouvaient « nous enlever, soit par surprise soit par force, le tiers de la traite annuelle de gomme » que les Maures ne portaient pas à l’escale du Désert sur le fleuve Sénégal. On remarque surtout les estimations concernant ce commerce qui dépassait celui de la Compagnie. Ainsi, alors que la Compagnie tirait en moyenne 5 millions 1/2 par an (7 bon an, 4 mal an) et traitait 1 500-2 000 nègres, 150-300 marcs d’or, 12-30 000 quintaux de gomme, 12 à 300 qtx de morfil, 50-100 qtx de cire, « Les interlopes français, les Anglais et les Portugais qui n’avaient pas la traite de la gomme, traitaient en revanche un peu plus de nègres, d’or, de morfil et de cire, et faisaient à peu près autant que la Compagnie des Indes, en sorte que le commerce annuel de ces 3 nations ensemble sur toute la côte du Sénégal produisait, y compris le commerce en fraude, sans exagération, environ 10 millions pour les moindres années, 13 pour les moyennes et 16 pour les meilleures ». /p. 770/ Il importe donc d’utiliser les chiffres officiels avec circonspection, en considérant qu’il ne s’agit pas de chiffres définitifs et qu’ils sont souvent bien en deça de la réalité, lorsqu’ils omettent de tenir compte du commerce des interlopes. D’autre part, Adanson insiste sur la traite illicite qui était réalisée par les agents de la Compagnie même, ou par les Capitaines des vaisseaux en accord avec des agents. Les précisions fournies par l’auteur sont nombreuses et doivent également être prises en considération. Ainsi Adanson — que l’on peut considérer comme un observateur désintéressé, soucieux des intérêts de la Compagnie —, a noté que « l’or et surtout l’ambre gris étaient commercés en fraude et à l’insu de la Cie par les officiers même qu’elle employait ». Il ajoute que depuis plusieurs années, les petits objets de commerce, tels ambre, coton, ébène, plumes d’autruche, cuirs de bœuf, maroquins, peaux de tigre, or, « passaient entre les mains des Capitaines et autres officiers de vaisseaux qui les traitaient directement avec les Nègres ou avec les employés de la Cie ». Ce commerce de fraude est évalué par Adanson à 1 million de livres, soit environ 20 % du commerce annuel moyen de la Compagnie. Dans la suite du texte, Adanson dénonce surtout « les privilèges abusifs des femmes de Gorée » qui se livraient souvent au trafic illicite pour le compte des Européens auxquels elles étaient unies. Leur comportement aurait été source de désordre, de disettes et de mortalité, aussi bien à Gorée qu’à St-Louis. (4) Signalons qu’Adanson a laissé de nombreux plans et dessins concernant les deux fleuves principaux mentionnés ici. On remarque en particulier les nombreux dessins inédits qui figurent dans le carton Adanson du Muséum (documents géographiques), mais surtout trois cartes très détaillées, inédites, qui mériteraient publication et commentaires, qui se trouvent à la Bibliothèque Nationale de Paris (Cartes et Plans) et sont à la base de la “Carte générale du Sénégal” de P. Buache parue dans la Relation d’Adanson (1757). Il s’agit de : — Ge C 21959 : Carte générale de la Concession du Sénégal depuis le Cap Blanc jusqu’à Sierra Leone, et du cours du Fleuve Niger et de la Rivière Gambie, par M. Adanson en 1749-1754, au 1/1 300 000e environ. Cette carte comporte un papillon annexe donnant le nouveau tracé de la presqu’île du Cap-Vert (910 x 1 180 mm). — Ge C 21960 : Carte particulière des environs de l’Isle du Sénégal située sur la Côte occidentale d’Afrique par le 16° 3’ latitude boréale comprenant une étendue de sept lieues du Sud au Nord en ligne droite depuis l’embouchure du fleuve Niger jusqu’au village Torkhrod sur une étendue de deux lieues en ligne directe de l’Ouest à l’Est depuis l’Isle du Sénégal jusqu’à la Chaux le tout toisé à la chaîne et relevé au graphomètre par M. Adanson depuis 1749 à 1754. Echelle approximative 1/35 000e ; 1 feuille 580 x 960 mm. — Ge C 21961 : Carte particulière du fleuve Niger depuis son embouchure par 15° 55’ latitude boréale, dressée par le Sr Adanson dans 4 voyages qu’il y a faits depuis 1749 jusqu’en 1754. Echelle approximative 1/325 000e ; 895 x 590 mm. Dans le carton du Muséum, on relève de nombreux plans relatifs à Gorée mais aussi des documents sur les fleuves et les côtes sénégambiennes, en particulier : /p. 770/ — un plan général du cours du fleuve, en 8 feuilles. Avec le tracé du Sénégal, Adanson fournit la localisation de nombreux villages : les 4 feuilles occidentales ont été levées par l’auteur et les 4 autres ont été dressées à partir de renseignements. — 18 cartes particulières très détaillées, surtout pour les environs de Saint-Louis, où l’on trouve des données sur le cours du fleuve, ses profondeurs, les villages riverains et l’aspect naturel des abords du fleuve (végétation, etc.). Certaines de ces cartes doivent être publiées ultérieurement : elles permettent d’apprécier la richesse de la documentation inédite d’Adanson sur le Sénégal. (5) Adanson signale la différence entre les comptoirs français : — les comptoirs fortifiés (4 sur la vallée du Sénégal, 1 sur l’île de Gorée) ; — les comptoires précaires où l’établissement était souvent utilisé temporairement, durant la traite. Le commerce était réalisé à bord des navires mêmes. Les bâtiments éventuels restaient modestes. Il convient d’ajouter de nombreux autres petits comptoirs temporaires aux environs de SaintLouis, aux abords du Sénégal, sur la presqu’île du Cap-Vert (comme Ben, qu’Adanson mentionne par la suite). Sur le Sénégal, certains de ces comptoirs — appelés escales — ont eu une grande importance dans le commerce de la gomme. On constate qu’Adanson n’est pas très favorable à la réouverture des petits comptoirs qui dépendaient de Gorée avant la prise de l’Ile par les Anglais. Il plaide pour le maintien de Gorée comme centre dont les activités commerciales seraient limitées. Il craint que les Anglais n’accordent pas aux Français l’accès aux divers comptoirs et qu’ils y installent eux-mêmes des comptoirs comme ils l’auraient déjà fait à Joal. (6) On ne reviendra pas ici sur les problèmes posés par les chiffres généraux concernant le commerce et en particulier la traite des esclaves au XVIIIe siècle. Les chiffres d’Adanson représentent une estimation pour le milieu du XVIIIe siècle. Il faut bien sûr tenir compte des remarques précédentes sur le trafic interlope et la traite illicite pour relativiser les chiffres avancés, même si ceux-ci confirment la place prépondérante des esclaves et l’importance de la gomme dans le commerce du Sénégal. Notons aussi l’énumération des produits mineurs dont le commerce échappe en grande partie, voire totalement à la Compagnie, et qui faisaient souvent l’objet de trafics. (7) Cette description de Gorée complète celle qui est parue dans la Relation de 1757. Nous avons jugé intéressant de publier en annexe la partie d’un manuscrit géographique inédit qui reprend et complète sur certains points la présente description. Ce document figure dans le carton Adanson du Muséum : il apporte des précisions sur les anciens forts, les possibilités de mouillage des vaisseaux, les mesures géographiques et la superficie. Il est probable que le manuscrit annexe, plus complet, a été rédigé en premier et se trouve utilisé ici. Nous nous proposons de publier par la suite plusieurs figures inédites de Gorée trouvées dans le même carton Adanson. (8) Le document annexe signalé dans la note précédente et publié ci-dessous donne des indications pour identifier les trois plantes ici mentionnées : /p. 771/ — giandam = njandam en wolof, soit Boscia senegalensis ; — pavot épineur = espèce d’Argemone, peut-être Argemone mexicana ; — oignon de fleur = Ornithogalum dont l’identification n’est pas assurée. Peut-être s’agit- il d’une espèce de Scilla. Pour les plantes citées ici et dans la suite du texte, nous avons utilisé pour leur identification les ouvrages suivantes : J. Kerharo, J. G. Adam J. Berhaut J. G. Adam R. Mauny 1974, La pharmacopée sénégalaise traditionnelle, Paris, Vigot ; 1967, Flore du Sénégal », Dakar, Clairafique ; 1965, Connaissance du Sénégal. Végétation Etudes Sénégalaises n° 9, StLouis, CRDS, (chapitre du fascicule 3 intitulé Climat-Sols-Végétation) ; 1961, Tableau géographique de l’Ouest Africain au Moyen-Age, Dakar, IFAN, ainsi que l’article « Notes historiques autour des principales plantes cultivées d’Afrique occidentale », Bull. IFAN, t. XV, 1953, n° 2, p. 684-730. Pour les cas où la détermination exacte reste incertaine, il est possible de trouver des éléments dans le grand ouvrage d’Adanson Familles des plantes, mais aussi dans deux documents manuscrits du carton Adanson du Muséum dont un microfilm se trouve aux Archives Nationales du Sénégal : — Catalogue des pièces du Cabinet de M. Adanson remises au cabinet du roi en mai 1765, qui constitue un “ Catalogue de 5 211 espèces d’Êtres recueillis au Sénégal ». En réalité l’auteur y énumère 5 214 espèces, selon le détail suivant : n° 1-1100, Plantes ; 1101-1217, Oiseaux ; 1218-1900, Pierres-Minéraux ; 1901-2050, Poissons ; 2051-2126, Reptiles ; 2127-2802, Coquillages ; 2803-3001, Vers ; 3002-3329, Fossiles animaux et végétaux ; 3330-3383, Quadrupèdes ; 3385-3420, Becs d’oiseaux ; 3421-3437, Gommes, Résines, Sucs végétaux ; 3438-3501, Bois ; 3502-4134, Insectes ; 4135-5214, Insectes de nos climats. Adanson donne souvent le nom wolof des plantes ainsi que certaines indications sur leur aspect et leur utilité. — Catalogue des plantes de l’herbier de M. Adanson, comportant 266 genres et 458 espèces. L’herbier même est conservé au Muséum. Il conviendrait également de consulter d’autres publications du naturaliste ainsi que divers manuscrits cités dans la brochure A Guide to the Adanson Exhibition (Pittsburgh, s.d., 1963). Les deux volumes publiés également par la Hunt Botanical Library, sous la direction de G. H. M. Lawrence, The Bicentennial of Michel Adanson’s Famillles des Plantes (Pittsburgh, 1963) doivent être consultés à propos de la vie et de l’œuvre d’Adanson. (9) Le chiffre optimal suggéré par Adanson pour la population de Gorée a été largement dépassé pendant toute la seconde moitié du XVIIIe siècle, ainsi que par la suite. Voir nos commentaires du Mémoire inédit de Doumet, Bull. IFAN, 1974, t. 36, B, n° 1, note 9, p. 50-52. (10) On est un peu surpris du jugement très négatif porté ici par Adanson qui s’est souvent montré comme un observateur plus objectif. Le cliché de “l’oisiveté des Nègres”, très répandu dans la littérature européenne, est repris par Adanson, qui l’utilise dans un autre texte inédit pour prouver /p. 772/ l’origine naturelle des amas coquilliers des environs de Saint-Louis, car ces buttes n’auraient pas pu être édifiées par les Noirs, vu leur paresse... (11) Les paragraphes suivants, comprenant en particulier le premier recensement de Gorée qui est l’un des premiers documents démographiques sur l’Afrique noire, donnent des renseignements précieux sur l’histoire de l’île et de ses habitants, sur l’origine de certaines familles et sur le rôle des “signares”. Adanson insiste surtout sur la place des femmes dans l’économie de Gorée. Son avis est que les négresses et mulâtresses sont un « mal nécessaire et comme dépendant de Gorée ». Il présente un rapide historique de la constitution du groupe mulâtre-métis et souligne surtout — en les condamnant — les comportements et les privilèges des femmes de Gorée. Comme d’autres auteurs de l’époque, il va presque jusqu’à les rendre principales responsables de la mauvaise gestion des affaires de la Compagnie. On peut comprendre une certaine aigreur d’Adanson qui n’était qu’un employé subalterne de la Compagnie et a donc pu souffrir effectivement des privilèges accordés aux signares. Il critique ainsi le fait que les signares faisaient des festins alors que les employés modestes souffraient des disettes assez fréquentes. Les “privilèges abusifs” sont donc sévèrement condamnés par l’auteur qui fournit une longue description à propos des “famines et disettes”, et de leurs origines et causes réelles. On remarque qu’Adanson décrit ici le mécanisme de l’apparition des disettes dans les comptoirs européens : ce mécanisme n’aurait pas de cause climatique, mais serait provoqué artificiellement par les comportements de certains habitants. Les “disetes” dans les comptoirs de Gorée et de Saint-Louis, dont il est question ici, interviennent suite à une demande trop forte, à des opérations de stockage au profit de certains seulement, à des manifestations ostentatoires de la part des privilégiés. Il faut insister sur le fait que les sources européennes du XVIIIe siècle évoquent souvent les disettes des comptoirs, qui ne sont pas toujours en relation avec des situations de disette voire de famine à l’intérieur du pays. Néanmoins le long paragraphe sur les rapports entre Saint-Louis et son arrière-pays montre clairement qu’ici et là, les disettes apparaissent dans le contexte de la traite atlantique qui désorganise les circuits de production (par émigration vers le comptoir européen) et de commercialisation (en achetant à l’intérieur des vivres nécessaires à la subsistance des gens). On doit noter qu’Adanson n’évoque pas les facteurs naturels ou climatiques lorsqu’il parle des disettes. (12) Le “recensement” d’Adanson constitue sans doute la première pièce d’archives où est présenté un dénombrement de population concernant le Sénégal. On y trouve des renseignements sur les familles et sur l’habitat (organisation des maisons). Bien que le document soit difficilement exploitable d’un point de vue démographique, son intérêt est réel. On peut noter certains traits concernant l’organisation des maisons. Ainsi 9 maisons appartenaient à des femmes (7 mulâtresses et 2 négresses), et 4 à des hommes (1 mulâtres, 3 nègres dont 2 apparentés à des souverains sénégalais). Dans chaque maison, on trouvait avec le/la propriétaire, le ou les conjoints éventuels (8 femmes propriétaires sur 9 ne sont pas mariées), les enfants, parfois des parents et des enfants confiés, et toujours des captifs. Les captifs atteignent la moitié de l’effectif dans les 13 concessions, mais malheureusement on ne trouve pas d’indication sur le sexe des captifs, /p. 773/ qui sont deux fois plus nombreux que les mulâtres-nègres (131 pour 65). Adanson estime la population flottante à 30 “Nègres intrus et réfugiés sur l’île, protégés par les habitants”. C’est sans doute cette population qui a cru considérablement après le passage d’Adanson, car en 1763, l’île comptait près de 1 200 habitants selon Demanet. Enfin, la population européenne n’aurait guère dépassé 60 personnes, sauf en 1758 où la garnison a été renforcée jusqu’au nombre de 250 soldats. (13) Les informations contenues dans ce long paragraphe sont parfois en légère contradiction avec des renseignements fournis par d’autres sources européennes ou traditionnelles. Nous renvoyons à plusieurs publications antérieures où nous avons abordé les problèmes chronologiques concernant les rois du Kajoor et du Bawol au XVIIIe siècle, pour justifier les identifications proposées ici : Bour-ba-ouolof, “ mar-bou » donc musulman = Birayamb Damel de 24 ans = Maysa Bigé oncle du Damel = Maawa. Le nom du captif qui tua Maawa n’est pas indiqué et le bref règne de Biram Kodu Ndumbe n’est pas mentionné par Adanson. (14) Adanson expose son projet de faire de Gorée une pépinière pour la colonie de Cayenne, tout en proposant de maintenir quelques activités commerciales, si les Anglais veulent bien les tolérer. Avant de donner sa division des “plantes utiles”, Adanson présente diverses plantes dont il a proposé ailleurs des descriptions beaucoup plus détaillées, comme la gomme arabique, l’indigo, le tabac et les cotons de très bonne qualité trouvés au Sénégal. (15) Le catalogue suivant classe la plupart des plantes sous 41 rubriques, dont certaines correspondent à plusieurs espèces. Ainsi trouve-t-on : — les plantes commerciales, 11 (n° 1 à 9). — les plantes pour la nourriture, 54 (n° 10 à 36), divisées en farineux ou grains (14), racines (4), herbages (2), fruits de terre (7), fruits branchés (25) et vins (2 + 1 déjà citée auparavant). — les plantes médicinales (3, ainsi que 16 déjà citées). — les plantes utilisées pour l’art, les teintures et ouvrages (5 + 1 déjà citée). Au toral, 73 plantes sont citées, avec parfois des précisions sur leur aire de distribution géographique. En plus, trois autres plantes sont évoquées dans la description de Gorée. (16) Adanson cite plusieurs espèces d’acacia ou gommiers, comme : — werk = Acacia senegal, — neb-neb = Acacia nilotica var. adansonii, — gonake = Acacia nilotica var. tomentosa, — sëng = Acacia tortilis var. raddiana, — det = Acacia sieberiana. Les cinq espèces sont mentionnées sans nombreuses précisions sur les propriétés de chacune. Adanson laisse supposer que les diverses espèces se rencontrent sur la seule rive nord du Sénégal, dans les trois grandes forêts de Lébiar, Sael et Alfatak. /p. 774/ (17) Ngangé, soit nganja en wolof = Indigofera tinctoria ou Indigofera arrecta. Des précisions sur cette plante, son utilisation et son traitement sont fournies dans un long paragraphe précédent, où l’auteur insiste sur ses découvertes à propos du traitement de l’indigo. (18) Outen, soit witen = Gossypium barbadense. Adanson semble distinguer deux espèces de coton : 1.— le coton wolof qui serait donc d’origine locale (outenn-oualoff) et correspondrait à Gossypium herbaceum ; 2.— le coton d’origine européenne (outenne-Dar, c’est-à-dire coton de StLouis) ou Gossypium barbadense. (19) Tamàka pourrait correspondre à Nicotiana tabacum, mais cette identification n’est pas absolument certaine, sans une vérification à partir des autres écrits d’Adanson. Adanson avait déjà noté plus haut que l’espèce de Tabac du Sénégal était la plus aromatique, la plus douce à fumer et plus exquise que tous les tabacs connus. Il insiste sur le fait que ce tabac a « la réputation de premier tabac de l’Afrique et sans doute de l’univers ». Il note son exportation vers des régions lointaines, qui semble constituer un commerce ancien dont les recherches du naturaliste ont démontré l’existence. Selon nous, le texte d’Adanson représente une pièce importante à verser au dossier d’un problème débattu : celui de l’ancienneté du tabac en Afrique. On peut trouver ici un argument en faveur d’une origine africaine du tabac ou du moins de certaines espèces de tabac à fumer, et d’une présence beaucoup plus ancienne que le XVIe siècle. En effet, on sait que R. Mauny et beaucoup d’auteurs à sa suite considèrent comme certaine une introduction de Nicotiana rustica par le Maghreb à cette date récente. R. Mauny suggère même que les pipes seraient un des fossiles directeurs les plus sûrs pour l’Afique, car leur présence sur un site daterait celui-ci du XVIe siècle au plus tôt. Il semble que cette thèse n’est pas démontrée et que l’archéologie permettra peut-être de l’infirmer définitivement. (20) Ñiotout correspond sans doute à Commiphora africana, qui est plus communément appelé myrrhe africaine ou bdellium d’Afrique. (21) Gingembre sauvage pourrait être Zingiber officinale. (22) Dogoup ñioul, c’est-à-dire mil noir, est le suuna wolof soit Pennisetum nigritanum, ou Pennisetum gambiense. Selon O. Kane, les divers termes cités à propos de l’utilisation alimentaire du mil désignent : — Kouskou, terme d’origine maure (couscous) et lakéré (cere en wolof, lacciri en pular) sont identiques pour qualifier une farine aggloméré par brassage et cuite à la vapeur ; — sanglé, soit sanqal en wolof ou cengle en pular, est une semoule de mil ; — lar, soit laax en wolof, est une bouillie épaisse de farine de mil, que l’on mange avec un liquide. (23) Giarnat correspond à une espèce de sorgho ou Sorghum, sans doute Sorghum cernuum. (24) Le petit riz rouge est une espèce de Oryza. /p. 775/ (25) Maïs = Zea mays. on trouve ici une mention du maïs en Afrique occidentale. L’origine de cette plante est presque toujours considérée comme sud-américaine, et elle aurait été introduite par les Portugais vers le XVIe siècle, selon R. Mauny. Cette thèse nous paraît mériter une discussion approfondie. Selon O. Kane, le nom pular du maïs est makkari, ce qui indiquerait une provenance du ProcheOrient (de la Mecque). (26) Kraent = (karen en wolof) serait Capparis tomentosa. Trasi n’a pas pu être identifié. (27) Oul est nommé Parkia biglobosa. Il existe ailleurs qu’en Gambie où Adanson mentionne sa présence. (28) Niébé désigne le dolique ou haricot indigène, soit Vigna sinensis. Les variantes sont nombreuses. (29) Lab-lab, soit une variété de Lablab purpureus. (30) La fève de Gambie pourrait correspondre à Canavalia ensiformis, alors que le “haricot sauvageon” serait une variété de Vigna, peut-être Vigna unguiculata. (31) Cajou représente Cajanus cajan. (32) Adanson identifie ici gerte et mondubi, qui est Arachis hypogaea. On sait que la plupart des auteurs acceptent une origine sud-américaine de l’arachide qui aurait été introduite après les premières navigations européennes en Afrique noire. R. Mauny développe cette thèse dans son article sur les principales plantes cultivées d’Afrique occidentale, où il s’appuie curieusement sur ce texte d’Adanson qu’il n’a pas vu lui-même et sur la Relation de 1757 pour suggérer une très faible extension de cette plante au milieu du XVIIIe siècle. Ici encore, la question mérite d’être discutée et il est fort possible que la thèse couramment admise à propos de l’ancienneté et de l’origine de l’arachide en Afrique s’avère erronée, car il semble assez curieux qu’un naturaliste comme Adanson mentionne la plante comme africaine, tout en reconnaissant qu’elle se trouve aussi à Cayenne. En tout cas, il est faux de prétendre comme R. Mauny que « la véritable diffusion de l’arachide en nos régions est un fait récent : fin XVIIIe environ. Arrivée d’Amérique “clandestinement”, sans doute au XVIIe siècle, transportée par des négriers... elle passa à peu près inaperçue pendant plus d’un siècle... » (p. 688). Cette idée ne saurait être soutenue à la lecture du texte d’Adanson, qui plaide en faveur de l’ancienneté de la plante en Afrique. (33) Adanson signale ici la présence du gubagub, soit Voandzeia subterranea, qui aurait été longtemps confondu avec l’arachide (cf. R. Mauny, p. 686-687). (34) On ne peut pas préciser de quelles variétés d’haricots il s’agit, mais on note l’existence de leur nombre important. (35) Manfafa serait le taro, ou Colocasia esculenta, alors que la patate désigne sans doute la patate douce ou Ipomoea batatas. /p. 776/ (36) L’igname est Dioscorea, dont on trouve plusieurs espèces au Sénégal. (37) Le manioc est Manihot esculenta ou Manihot utilissima, appelé ñambi en wolof. (38) La brède correspond peut-être à une variété d’Amaranthus ? (39) Le bisab est le nom wolof de Hibiscus sabdariffa, qui — on le remarque ici — aurait été amené en Amérique à partir de l’Afrique. (40) Nagié (naaje en wolof) correspond à Cucurbita maxima, alors que le Giraumon serait Cucurbita pepo. (41) Neban est peut-être Lagenaria siceraria. (42) Ponpon n’a pas été identifié avec certitude. O. Kane suggère une identification possible avec le petit melon nommé firndilde (plur. pirndille) en pular. Ce melon vit à l’état sauvage et ne dépasse guère la grosseur du poing. C’est un produit de cueillette. Il fournit aussi une graine oléagineuse, plate, appelée beref en wolof ou po∂∂e en pular, qui rentre dans l’assaisonnement de la sauce à feuilles et dans la fabrication du savon. (43) Boundé et boundé rouge, soit Citrulus lunatus. (44) Ananas représente Ananas sativus. Selon R. Mauny cette plante serait également introduite en Afrique par les Portugais vers le XVIe siècle. (45) On sait que le nom scientifique du baobab est Adansonia digitata. Cette désignation vient du fait qu’Adanson en a donné une description très détaillée dans plusieurs publications. Ici encore le naturaliste parle du commerce fait avec la farine du pain de singe, en direction de l’Orient.. Selon O. Kane, on doit ajouter en plus l’utilisation du fruit du baobab pour soigner les diarrhées, alors que les fibres de l’écorce servent à fabriquer des cordes très résistantes, des filets pour transporter le mil à dos d’âne ou de bœuf, et même des filets de pêche. (46) Kawer, prononcé xewer en wolof désigne Aphania senegalensis ou le cerisier du Kayor. (47) Tol = Landolphia heudelotii. (48) Mad désigne Saba senegalensis. (49) Ditax est Detarium senegalense. (50) New correspond à Parinari macrophylla, appelé aussi “pommier du Kayor”. (51) Mampata est le nom de Parinari excelsa, dit “prunier de Guinée”. (52) Bour, ou plutôt ber, représente Sclerocarya birrea. (53) Sump est le Balanites aegyptiaca. Selon O. Kane, l’écorce de cet arbre /p. 777/ est utilisée pour soigner le rhume par fumigation, alors que son fruit est employé comme vermifuge. (54) Dugor, c’est-à-dire la pomme canelle du Sénégal ou annone, nommée Annona senegalensis. (55) Kionkom est peut-être une espèce de Phœnix, alors que sorsor correspond à Phœnix reclinata, et tandarma à Phœnix dactylifera. (56) Kola désigne le colatier ou Cola nitida ; parfois nommé Cola vera ou Cola acuminata, cet arbre donne le fruit appelé guru ou guro en wolof. (57) Poivre est sans doute Piper guineense. (58) L’acajou représente Anacardium occidentale. (59) Ourai ou icaque est probablement la prune icaque dénommée Chrysobalanus orbicularis. (60) Sob ou Mombin est la prune icaque ou prune mombin, appelér Spondias mombin. (61) Papayer = Carica papaya, dont Adanson mentionne deux variétés. (62) Le tamarin ou tamarinier correspond à Tamarindus indica. (63) Le citronnier est Citrus aurantifolia, alors que le limonier serait Citrus limetta. (64) L’oranger est sans doute une variété de Citrus sinensis. (65) Le grenadier est Punica granatum et serait d’origine orientale. (66) Tir désigne bien sûr le palmier à huile, soit Elaeis guineensis, qui serait originaire d’Afrique selon R. Mauny. (67) Ron correspond au rônier qui est nommé Borassus flabellifer ou Borassus aethiopium. (68) On note dans l’énumération des plantes médicinales le soin mis par Adanson à noter toutes les propriétés des diverses espèces végétales rencontrées au Sénégal. Signalons que le naturaliste a connu et utilisé un cahier d’une trentaine de pages qui lui avait été communiqué par Le Gagneur, chirurgien de la Cie des Indes, intitulé « Description d’une partie des plantes dont les nègres de Bissau se servent pour la cure de différentes maladies » (1754). Ce document signale 114 espèces dont les noms locaux ont donnés. Il se termine par un appendice de Flaissac sur une vingtaine de plantes du Sénégal et leurs vertus médicinales (1775). Ce document figure dans le carton Adanson du Muséum et sa publication, vivement souhaitée par J. Kerharo, sera réalisée prochainement, car il s’agit effectivement d’une pièce de première importance qu’on supposait perdue. (69) Kos ou plutôt xos représente Mitragyna inermis. (70) Las = Pavonia hirsuta. /p. 778/ (71) Le séné du Sénégal, appelé Cassia italica, comporte plusieurs variétés. Le nom wolof en est laydur. (72) Fuden est aussi nommé henné, son nom scientifique étant Lawsonia inermis. (73) Iouos serait Sansevieria senegambica. (74) Dank est probablement Detarium microcarpum. (75) Le fromager, appelé Benteñ en wolof, est Ceiba pentandra. Adanson signale les variétés épineuse et non épineuse. (76) Njer est le poivrier d’Ethiopie, soit Xylopia aethiopica. (77) Selon O. Kane, on doit souligner l’erreur d’Adanson qui affirme que les plantes et herbes utiles aux paturages ne portent pas de nom. En effet, toutes ces herbes sont parfaitement connues et possèdent des dénominations locales. (78) Les renseignements concernant les animaux ne sont guère développés. Quelques animaux seulement sont cités et Adanson divise ceux-ci entre espèces destinées “pour la nourriture” et espèces “pour le service”. Dans la première catégorie, il classe le bœuf d’Afrique, le mouton et la chèvre, mais ajoute aussi la poule de Gorée, des gazelles ou chevreuils locaux, la pintade et le ramier du Cap-Vert. Dans la seconde, il range l’éléphant, le chameau et l’âne. Il n’est pas nécessaire de souligner le caractère irréaliste de plusieurs suggestions du naturaliste. (79) Dans cette deuxième partie, Adanson développe longuement ses vues sur le rôle futur de Gorée dans l’économie coloniale : selon lui, le rôle de Gorée doit rester très limité, le commerce doit y être abandonné et l’île doit devenir une pépinière où l’on rassemble les graines des plantes utiles qui seront transportées à Cayenne. Il fournit ensuite de nombreux détails sur les plantes énumérées dans la première partie, surtout pour les gommiers et l’indigo. C’est ici qu’il fournit également des indications sur la répartition géographique des espèces de plantes et sur leur utilisation locale ou le commerce dont elles peuvent faire l’objet. On note en particulier que « l’indigo, les 2 cotons et le tabac se trouvent partout... le gerté est cultivé au Sénégal et à Gambi et on l’apporte tous les ans de Galam ». Adanson évoque aussi le transport des animaux, en soulignant que les animaux “comestibles” du Sénégal seraient plutôt à chercher auprès des Maures ou Arabes dont les bêtes sont plus belles que celles du Sénégal même. L’auteur termine par cinq réflexions générales où il propose de mettre toutes ses compétences au service de l’Etat et suggère qu’on lui confie la responsabilité d’organiser personnellement les opérations de transport vers la Guyane ainsi que la récolte même au Sénégal et les plantations en Amérique. (80) Il est possible que ce petit Catalogue déjà mentionné plus haut, envoyé à Turgot, figure parmi les pièces du Carton Adanson du Muséum. (81) Le voyage projeté par Adanson dès 1763 a donné lieu à diverses /p. 779/ correspondances. Plusieurs de ces pièces ont été citées ou publiées par H. Froidevaux dans son article « Un projet de voyage du botaniste Adanson en Guyanne ». On a signalé dans l’introduction que le “Projet” annoncé se trouve aux Archives Nationales, à la suite du texte ici publié.