TRIBUNAL ADMINISTRATIF D`AMIENS N° 0300175

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF D`AMIENS N° 0300175
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
D’AMIENS
N° 0300175
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bp
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Mlle Lelphine LEBOURGEOIS
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Mme HERMANN-JAGER
Rapporteur
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Mme CARON
Commissaire du gouvernement
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif d'Amiens
(1ère Chambre)
Audience du 7 février 2006
Lecture du 21 février 2006
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Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2003 au greffe, présentée par Mlle Delphine
LEBOURGEOIS demeurant 91 rue Emile MORLOT à CHARLY SUR MARNE (02310) ;
Mlle LEBOURGEOIS demande au Tribunal d’annuler l’arrêté du 27 décembre 2002 du
président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de
l’Aisne prononçant la fin de son engagement en qualité de sapeur pompier volontaire et qui l’a
radiée des effectifs du centre de secours de CHARLY SUR MARNE ;
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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 avril 2003, présenté pour
Mlle LEBOURGEOIS, par Me QUENNEHEN, avocat à la Cour ; elle conclut à ce que le
Tribunal condamne le service départemental d’incendie et de secours de l’Aisne à sa
réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la reconstitution de sa carrière et au
paiement d’une somme de 1.200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des
fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives
à la fonction publique territoriale ;
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Vu le décret n° 99 1039 du 10 décembre 1999 relatif aux sapeurs pompiers volontaires ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 février 2006 :
- le rapport de Mme HERMANN-JAGER, conseiller,
- les observations de Me TOURBIER, pour Mlle LEBOURGEOIS,
- et les conclusions de Mme CARON, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêté, en date du 27 décembre 2002, le président du conseil
d’administration du service départemental d’incendie et de secours de l’Aisne a, sur la demande
de l’intéressée, formulée dans une lettre de démission datée du 10 décembre 2002, mis fin à
l’engagement volontaire en qualité de sapeur pompier de Mlle Delphine LEBOURGEOIS et l’a
radiée des effectifs du centre de secours de CHARLY SUR MARNE ; que
Mlle LEBOURGEOIS, qui estime avoir été obligée de rédiger sa lettre de démission après avoir
subi des pressions, conteste la décision précitée ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté du 27 décembre 2002 :
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1424-30 du code général des
collectivités territoriales, « le Président du conseil d’administration du service départemental
d’incendie et de secours est chargé de l’administration et prépare et exécute les délibérations du
conseil d’administration du service départemental (…), il représente l’établissement en justice,
(…). Il passe les marchés au nom de l'établissement, reçoit en son nom les dons, legs et
subventions. Il représente l'établissement en justice et en est l'ordonnateur. Il nomme les
personnels du service d'incendie et de secours » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M.
RONSIN a été nommé Président du conseil d’administration du service départemental d’incendie
et de secours, par une délibération en date du 7 juin 2002 ; qu’il est par conséquent, compétent,
pour signer l’arrêté litigieux ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu’à la suite de la rédaction d’une pétition dénonçant l’existence de
dysfonctionnements au sein de leur centre de secours, signée le 16 novembre 2002, par sept
sapeurs pompiers volontaires du centre de secours de CHARLY SUR MARNE, les signataires,
dont Mlle LEBOURGEOIS, ont été convoqués pour un entretien devant se dérouler le 10
décembre 2002 à SOISSONS, par le commandant RICHARD, chef du groupement sud ; que,
dans les faits, les sapeurs pompiers volontaires ont été reçus séparément par leurs supérieurs
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hiérarchiques ; que trois d’entre eux ont affirmé qu’ils avaient signé la pétition sous l’influence
de Mlle LEBOURGEOIS, que deux d’entre eux, dont l’intéressée, ont signé à la fin de
l’entretien, une lettre de démission ; que Mlle LEBOURGEOIS affirme, sans être utilement
contredite par sa hiérarchie, qu’elle a été obligée, sous la contrainte et sous menace de poursuite
pour diffamation et injures, de signer sa lettre de démission alors qu’elle ne voulait pas ; qu’il
ressort des pièces du dossier notamment des témoignages concordants de ses collègues ayant
signé la pétition, que non seulement l’intéressée n’était pas à l’origine de la pétition, mais que
des pressions ont été exercées par la hiérarchie pour contraindre les sapeurs pompiers concernés
soit à démissionner soit à affirmer que l’intéressée était à l’origine de la pétition ; que, par suite,
l’arrêté du 27 décembre 2002 a été pris sur le fondement d’une lettre de démission, obtenue sous
la contrainte le 10 décembre 2002, en particulier par l'effet des pressions exercées sur elle le
même jour par sa hiérarchie ; que Mlle LEBOURGEOIS n'a pas montré une volonté non
équivoque de quitter ses fonctions par une décision librement émise ; qu'il suit de là que
l'acceptation de cette démission qui reposait sciemment sur des faits matériellement inexacts est
donc entachée d'illégalité ; qu’elle doit en conséquence être annulée ;
Sur les conclusions tendant à la réintégration de Mlle LEBOURGEOIS :
Considérant qu'aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative,
« Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un
organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution
dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même
décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que, l'annulation de
l'arrêté attaqué impliquant nécessairement la réintégration de l'intéressée à la date de son éviction
ainsi que la reconstitution de sa carrière, il y a lieu d'ordonner, dans le délai d’un mois à compter
de la notification du présent jugement, sa réintégration au service départemental d’incendie et de
secours de l’Aisne ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative,
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie
perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non
compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la
partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire
qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’allouer à
Mlle LEBOURGEOIS la somme de 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris
dans les dépens ;
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DECIDE :
Article 1er : L’arrêté du président du conseil d’administration du service
départemental d’incendie et de secours de l’Aisne, en date du 27 décembre 2002, est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au service départemental d’incendie et de secours de
l’Aisne de réintégrer Mlle LEBOURGEOIS dans le service dans le délai d’un mois à compter de
la notification du présent jugement.
Article 3 : Le service départemental d’incendie et de secours de l’Aisne versera la
somme de 800 (huit cents) euros à Mlle LEBOURGEOIS en application des dispositions de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mlle Delphine LEBOURGEOIS et
au service départemental d’incendie et de secours de l’Aisne. Copie en sera adressée au préfet
de l’Aisne.
Délibéré après l'audience du 7 février 2006, à laquelle siégeaient :
M. FORMERY, président,
Mme HERMANN-JAGER, M. THERAIN, conseillers,
Lu en audience publique, le 21 février 2006
Le rapporteur,
Le président,
V. HERMANN-JAGER
S.L. FORMERY
La greffière,
M. BODIN
La République mande et ordonne au préfet de l’Aisne, en ce qui le concerne et à tous
huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties
privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.