LE SECRET PROFESSIONNEL Eléments de réflexion

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LE SECRET PROFESSIONNEL Eléments de réflexion
LE SECRET
PROFESSIONNEL
Eléments de réflexion
Document rédigé par :
Maître J. PAGÈS
Docteur en Droit – Avocat
Professeur à l’Université de Montpellier
Les RENDEZ-VOUS de l’ANDESI
Jacques Pagès - Le 17 septembre 2003
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I
LE CADRE
Le secret professionnel est un savoir caché à autrui qui se caractérise par
deux éléments :
- un savoir partagé ;
- un savoir protégé.
De ce savoir, le travailleur social, l’administration, l’établissement ne
sont pas prioritaires mais dépositaires.
La fonction de ce secret est de Protéger :
- Protéger un sentiment ou un Bien,
- Protéger un jugement, protéger une réputation.
Dès lors, passer outre au secret est toujours considéré comme une
violence.
Pour le Dépositaire, le travailleur social par exemple, le secret
professionnel n’est ni une Protection, ni un Droit de ne pas répondre aux
questions que l’on pourrait se poser.
Le secret professionnel est une obligation de se taire qui lui est imposée
par la loi sous peine de sanction pénale.
On est tenu au secret professionnel.
Par le secret professionnel, il s’agit de protéger l’intimité de l’usager
mais aussi et surtout, c’est une règle d’ordre public qui doit garantir la
confiance dans une profession.
Quel texte s’applique ?
Le célèbre article 378 du Code Pénal a été remplacé dans le nouveau
Code par l’article 226-13 qui stipule :
« la révélation d’une information à caractère secret par une personne
qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison
d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an de prison
et de 15 000 euros d’amende ».
Les travailleurs sociaux sont très sensibles aux questions liées au secret
professionnel qui est un élément essentiel du travail social.
Certaine affaires récentes dans lesquelles certains ont été mis en examen,
ont fait ressortir la question de leur positionnement face au secret
professionnel.
L’article 226-13 qui définit l’infraction de violation du secret
professionnel prévoit l’existence de trois éléments constitutifs de cette
infraction, à savoir :
- une information à caractère secret ;
- une personne dépositaire d’une telle information ;
- une révélation de cette information.
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II
UNE INFORMATION A CARACTERE SECRET
Le nouveau Code Pénal va plus loin que l’ancien article 378 puisqu’il ne
s’agit plus uniquement du secret expressément confié, mais de tout ce
que le professionnel a vu, entendu, surpris, compris ou deviné …
III
UNE PERSONNE DÉPOSITAIRE D’UNE INFORMATION A
CARACTERE SECRET
Personne dépositaire, soit par état, soit par profession, soit en raison
d’une fonction ou d’une mission temporaire.
Il ne s’agit plus de lister un certain nombre de professions puisqu’on peut
être soumis au secret professionnel en fonction de son état, de sa
profession ou de sa fonction temporaire ou permanente.
L’innovation du Nouveau Code Pénal (N.C.P.) tient dans l’introduction à
côté du critère de fonction, du critère de la mission.
Parallèlement au N.C.P., la loi du 16 décembre 1992 (92-1336) a modifié
l’article 80 du C.F.A.S. qui précise :
« toute personne participant aux réunions de l’A.S.E. est tenue au secret
professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les
articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal ».
Cette modification est d’importance car désormais sont soumis au Secret
professionnel les travailleurs sociaux mais aussi les personnes qui
effectuent les tâches de secrétariat et d’administration à des niveaux
d’instruction des données ou de responsabilités.
Enfin, il convient de rappeler que l’article L.2112-9 du Code de la Santé
Publique soumet au secret professionnel « toute personne appelée à
collaborer au service départemental de protection maternelle et
infantile ».
IV RÉVÉLATION D’UNE INFORMATION A CARACTERE SECRET
Dans un certain nombre de situations, révéler une information ou un fait
se justifie.
Deux cas :
1) La révélation est obligatoire quand il s’agit de mauvais
traitements ou de privations infligées :
- à un mineur de 15 ans ;
- à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison
de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience
psychique ou physique ou d’un état de grossesse.
La personne qui en a eu connaissance et qui n’informe pas les autorités
judiciaires ou administratives encourt une peine de 3 ans de prison et de
45 000 euros d’amende (art.434-3 du N.C.P).
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Mais le deuxième alinéa de ce même article 434.4 du C.P. excepte de
cette obligation les personnes soumises au C.P. ce qui signifie que les
travailleurs sociaux soumis au C.P. ne pourraient plus être poursuivis
pour non-dénonciation de mauvais traitement.
2) La révélation est laissée au choix du professionnel concerné
et tenu au S.P.
En effet, les sanctions prévues par l’article 226-13 du N.C.P. contre toute
personne qui révèle une information à caractère secret ne sont pas
appliquées « à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou
administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui
ont été infligées à un niveau de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en
mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou
psychique ».
En matière de mauvais traitements, sévices et privations, le professionnel
a donc la possibilité :
- soit de révéler les faits et il ne pourra être poursuivi pour violation
au secret professionnel ;
- soit de ne pas les révéler, donc de les garder secrets et il ne pourra
pas être sanctionné pour non-dénonciation de mauvais
traitements.
Mais il faut être particulièrement vigilant car tout citoyen a une
obligation générale de porter secours. Le manquement à cette obligation
est défini par l’article 223 du N.C.P.
3) Certains professionnels se voient imposer une obligation de
signalement
En effet, si toute personne qui participe aux réunions de l’A.S.E. est
tenue au secret professionnel, elle est également tenue « de transmettre
sans délai au Président du Conseil Général ou au responsable désigné
par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les
mineurs et leurs familles peuvent bénéficier et notamment toute
information sur les situations des mineurs ».
Le Président du Conseil Général compétent aux termes des lois de
Décentralisation est tenu au secret professionnel au même titre que toute
autre personne participant aux missions de l’A.S.E.
Voir la liste des personnes dans le rapport.
Il peut y avoir une obligation selon les circonstances. C’est le cas du
travailleur social « confident nécessaire ».
À ce niveau, nous devons évoquer la notion de secret partagé.
Le Parlement a refusé de consacrer la notion de secret partagé l’estimant
encore trop imprécise pour faire l’objet d’une définition législative.
Ce refus n’avait nullement l’intention de remettre en cause les pratiques
qui, dans le silence des textes actuels, ont pu faire application de cette
notion. Celles-ci conservent donc toute leur valeur.
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Communiquer à un autre intervenant social des informations concernant
un usager, nécessaires soit à la continuité de la prise en charge, soit au
fait de contribuer à sa pertinence et son efficacité ne constitue pas une
violation du secret professionnel mais un secret partagé. Il convient dans
cette hypothèse de ne transmettre que les éléments strictement
nécessaires, de s’assurer que l’usager concerné est d’accord pour cette
transmission ou tout au moins qu’il en a été informé ainsi que des
éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission
d’informations et de s’assurer que les personnes à qui cette transmission
est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin
dans l’intérêt de l’usager, de ces informations. Le professionnel décidant
de l’opportunité de partager un secret devra également s’assurer que les
conditions de cette transmission (lieu, modalités) présentent toutes les
garanties de discrétion.
Dire que le travailleur ne pourra pas être poursuivi pour non dénonciation
de crime, c’est poser le problème du travailleur social et de la nonassistance à personne en danger.
Cela ne l’exonère pas, en aucun cas, de sa responsabilité en cas de délit
de non assistance à personne en danger.
L’article 223-6 du N.C.P. ne comporte aucune exception quant à la
qualité des personnes auxquelles il s’applique.
Tout professionnel, tout travailleur social, est tenu d’agir s’il peut « …
empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les
tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégralité corporelle d’une
personne » et s’il peut « porter à une personne en péril l’assistance que
sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son
action personnelle, soit en provoquant un secours ».
- Jurisprudence Montjoie
Conclusion
Nous venons de le voir, la question du secret professionnel est une des
plus délicates auxquelles sont confrontés les travailleurs sociaux.
Ceci d’autant plus qu’ils se situent à un moment où les termes de leur
mission sont de plus en plus difficiles à cerner et à tenir.
À cet effet, la complexité de leur mission est évidente : pluridisciplinarité
des équipes, partenariat inter-institutions, compétences pour agir sur le
même objet social.
Tout ceci avec en toile de fond une démarche d’informatisation et de
connexion entre dispositifs informatisés à outrance facilitant le transfert
des informations sans obligatoirement que les professionnels aient leur
mot à dire
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Ce débat pose la délicate question du mode d’indemnisation des
victimes ; car derrière se pose la nécessaire question de la solidarité entre
les membres d’une même société.
Cela nous amène à définir les liens qui existent entre la responsabilité de
la société fondée sur les droits sociaux et ceux fondés sur le droit civil.
La défense du droit des victimes ne se joue pas sur le seul droit civil. Il
existe, je pense, un choix entre une régulation sociale et une régulation
individuelle, entre une solidarité basée sur des droits sociaux et une
solidarité basée sur des droits civils devant être mis en œuvre au cours de
procédures judiciaires. C’est ce nouveau débat qui est la forme nouvelle
du débat ancien et sans doute éternel entre la faute et le risque.
Le risque étant éducatif, pédagogique et thérapeutique, en lien avec la
mission.
« Responsable de quoi, demandait-on ? Du fragile, est-on désormais
enclin à répondre » (P. Ricoeur, Le concept de responsabilité).
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