mémoire d`accusation

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mémoire d`accusation
Swiss Moot Court 2007/2008
12 novembre 2007
MÉMOIRE D’ACCUSATION
adressé au
Tribunal correctionnel de Lausanne
par
le Ministère public du Canton de Vaud
contre
M. Luca Fonti, accusé
dont les conseils sont des étudiants
Equipe 6
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
I. Compétence
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L’art. 3 CP prévoit que le Code pénal suisse s’applique à quiconque commet un crime ou
un délit en Suisse. Selon l’art. 8 CP, une infraction peut être réputée commise aussi bien à l’endroit
où l’auteur de l’infraction a agi, qu’à l’endroit où son résultat s’est produit. Concernant la poursuite
et le jugement, l’art. 340 al. 1 CP prévoit que l’autorité compétente est celle du lieu où l’auteur a
agi ou, si seul le résultat de l’infraction s’est produit en Suisse, l’autorité du lieu de ce résultat.
Conformément au principe de l’accessoriété, le complice suit l’auteur principal (ATF 104 IV 77
c.7b ; ATF 108 Ib 301 c. 5). Enfin, si le résultat s’est produit en différents lieux, l’autorité
compétente est celle du lieu où la première instruction a été ouverte (art. 340 al. 2 CP).
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En l’espèce, de multiples téléchargements d’œuvres cinématographiques protégées par le droit
d’auteur ont été effectués en Suisse. Ces téléchargements constituent des violations des droits
d’auteur au sens des art. 67 et 69 LDA, dont l’accusé s’est rendu complice. Conformément au
principe de l’accessoriété, le Code pénal suisse est applicable à l’accusé.
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Le CP est également applicable en ce qui concerne les autres faits reprochés à l’accusé. Il a
soustrait des données des fichiers centraux de la société Macroflop SA, dont le siège est à
Lausanne, et injecté par la même occasion un virus dans le système informatique. Par ailleurs
l’accusé, résidant à Lausanne, a entretenu une relation par Internet avec une adolescente habitant la
région lausannoise. Il a donc agi en Suisse au sens des dispositions précitées et, partant, le CP est
applicable.
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L’état de fait ne précise pas si des téléchargements ont été effectués spécifiquement à Lausanne.
Cependant une instruction y a été ouverte. De surcroît, il n’apparaît pas que d’autres autorités
pénales se sont chargées de l’instruction. Ainsi, au vu de l’art. 340 al. 2 CP, le Tribunal
d’arrondissement de Lausanne est compétent. Tous les autres faits reprochés à l’accusé, soit la
soustraction de données, l’injection du virus informatique et ses relations avec une adolescente, se
sont déroulés à Lausanne. Ainsi, au vu de l’art. 340 al. 1 CP, le Tribunal d’arrondissement de
Lausanne est également compétent pour connaître des faits susmentionnés.
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Au regard des dispositions pénales éventuellement applicables, la peine privative de liberté
maximale encourue par l’accusé excède six mois mais ne dépasse pas douze ans. Conformément
aux art. 8, 10, 11 et 13 CPP-VD, le Tribunal correctionnel d’arrondissement de Lausanne est
compétent.
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Equipe n° 6
II. Moyens
A. Exploitation d’un logiciel peer-to-peer
1. Recevabilité du rapport de Big and Brother Inc. en tant que moyen de preuve
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Le Ministère public considère qu’il n’est pas pertinent d’analyser l’éventuelle illicéité du
rapport de Big and Brother Inc. en tant qu’élément de preuve. Selon la doctrine et la jurisprudence,
l’illicéité d’une preuve n’empêche pas son utilisation. Cela vaut également si la preuve a été établie
par un privé (Hauser/Schweri/Hartmann, p. 285 n. 14).
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L’utilisation d’une preuve illégale n’est inadmissible que lorsqu’il est impossible de se la
procurer par un moyen conforme au droit (ATF 96 I 437 c. 3b). En l’espèce, le rapport aurait pu
être obtenu d’une manière légale, soit par une requête à l’autorité compétente. La preuve est donc
recevable.
2. Complicité de violations des droits d’auteur : art. 67 al. 1 lit. e et f, art. 69 al. 1 lit. f
LDA et art. 25 CP
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L’art. 67 LDA réprime les violations des droits d’auteur protégés par les art. 9 à 11 LDA.
En particulier, l’art. 67 al. 1 lit. f LDA punit la mise en circulation d’un exemplaire d’une œuvre
protégée. L’art. 69 LDA sanctionne la violation de droits voisins découlant des prétentions
garanties aux art. 33, 36 et 37 LDA. Plus spécifiquement, l’art. 69 al. 1 lit. f LDA réprime la
violation de l’art. 36 LDA, qui prévoit le droit exclusif du producteur de phonogrammes ou de
vidéogrammes « de reproduire les enregistrements et de proposer au public, d’aliéner ou, de
quelque autre manière, de mettre en circulation les exemplaires reproduits. »
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a) Selon les art. 67 al. 1 et 69 al. 1 LDA, l’infraction est poursuivie uniquement sur plainte (art.
30 CP). A qualité pour porter plainte, selon cette disposition, « toute personne lésée » par l’acte en
question, ce qui vise en première ligne le titulaire du droit d’auteur (Glarner, p. 69). En l’espèce,
les sociétés World Entertainment Corporation, French Films Group Inc., Mondial Cinema
Production Inc. ainsi que All in One Studios Corporation sont titulaires des droits sur la majeure
partie des œuvres cinématographiques françaises et américaines. De nombreuses « œuvres
cinématographiques françaises et américaines protégées » ont été gratuitement et « de façon très
étendue » téléchargées. Parmi celles-ci, certaines appartiennent aux sociétés susmentionnées. Elles
sont donc lésées au sens de l’art. 30 CP et ont qualité pour déposer plainte. Le délai pour déposer
plainte est de trois mois dès le lendemain du jour où l’ayant droit a eu connaissance de l’infraction
et de son auteur (art. 31 CP, ATF 97 IV 238 c. 2). La date de cette prise de connaissance n’est pas
déterminée précisément en l’espèce. Il apparaît toutefois que les plaignantes ont découvert les faits
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par le rapport de Big and Brother Inc. Ce rapport avait été commandé début 2006 et avait été rendu
« après plusieurs mois », soit vraisemblablement moins de trois mois avant le 26 août 2006, date du
dépôt de la plainte. Le délai pour porter plainte est donc respecté.
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b) Les conditions d’application de l’art. 67 al. 1 lit. e et f LDA sont une œuvre (aa), l’utilisation
de l’œuvre (bb), l’illicéité (cc) et l’intention de l’auteur (dd) (Schwarzenegger, p. 216).
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Les conditions d’application de l’art. 69 al. 1 lit. f LDA sont identiques à celles de l’art. 67 al. 1
lit. e et f LDA, à une seule exception : le bien juridiquement protégé n’est pas l’œuvre en tant que
telle, mais les droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, ainsi que des artistesinterprètes (« Leistungsschutzberechtigten » – Glarner, p. 90).
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aa) i) L’art. 2 LDA donne une définition de l’œuvre au sens du droit d’auteur : constitue une
œuvre « toute création de l’esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel ». L’alinéa 2
du même article donne expressément l’exemple de l’œuvre cinématographique.
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En l’espèce, « l’exploitation du serveur […] et le réseau P2P mis en place par Luca Fonti et
Antonio Caruso ont permis, de façon très étendue […], de multiples téléchargements gratuits
d’œuvres cinématographiques françaises et américaines ».
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Les fichiers qui transitaient par le serveur de l’accusé au moyen de son logiciel contenaient donc
des œuvres au sens du droit d’auteur.
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ii) Les art. 36 et 69 LDA prévoient que le producteur a le droit exclusif de jouir des droits sur les
œuvres dont il a la titularité. Comme il a été exposé plus haut (cf. § 9), « les sociétés World
Entertainment Corporation, French Films Group Inc., Mondial Cinema Productions Inc. et All in
One Studios Corporation sont titulaires des droits de la majeure partie des œuvres
cinématographiques françaises et américaines ». Certaines de ces œuvres ont été téléchargées par le
biais du logiciel créé par Luca Fonti. En l’espèce, on est donc en présence des droits de
producteurs de vidéogrammes au sens de l’art. 36 LDA.
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bb) L’art. 67 al. 1 lit. e et f et l’art. 69 al. 1 lit. f LDA répriment deux formes d’utilisation de
l’œuvre : la confection (i) et la mise en circulation d’exemplaires de l’œuvre (ii). Ces deux
notions sont explicitées à l’art. 10 al. 2 lit. a et à l’art. 36 LDA, respectivement à l’art. 10 al. 1 lit. b
et à l’art. 36 in fine LDA.
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i) On entend par confection de l’œuvre le fait de reproduire celle-ci sous quelque forme que ce
soit (Dessemontet, p. 168 n. 221). Le downloading ainsi que l’uploading d’œuvres constituent
également une forme de reproduction (Bühler, p. 157). En l’espèce, les utilisateurs du logiciel mis
en place par l’accusé ont échangé de nombreuses œuvres sous la forme de fichiers. Le transfert de
tels fichiers informatiques nécessitant un upload de la part de l’offrant et un download de la part du
destinataire, la condition de la confection de l’œuvre est donc remplie en l’espèce.
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ii) Les art. 10 al. 2 lit. b et 36 LDA mentionne par ailleurs la mise en circulation de l’œuvre.
Celle-ci peut consister non seulement dans la commercialisation, mais également, dans un sens plus
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large, dans la distribution à titre gratuit d’exemplaires de l’œuvre (Dessemontet, p. 163 n. 216s).
Que la diffusion soit effectuée de manière immatérielle ne constitue pas un obstacle à l’application
des art. 10 al. 2 lit. b et 36 LDA et donc des art. 67 et 69 LDA (Schwarzenegger, p. 217). La
doctrine admet expressément que l’uploading d’exemplaires d’une œuvre constitue une mise en
circulation (Barrelet/Egloff, art. 10 LDA n. 12). L’accusé a permis aux utilisateurs, par le biais de
son logiciel, de mettre à disposition des autres internautes les œuvres cinématographiques qu’ils
possédaient. Ceux-ci avaient ipso facto accès à ces oeuvres, ce qui constitue donc une mise en
circulation à titre gratuit de l’œuvre. Chaque utilisateur ayant utilisé le logiciel et échangé des
fichiers contenant des œuvres protégées par le droit d’auteur a donc commis une violation des art.
67 et 69 LDA.
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Toutefois, le Ministère public reconnaît que la mise à disposition d’espaces de stockage ne
constitue pas une mise à disposition d’une œuvre au sens de la LDA dans la mesure où l’état de fait
ne permet pas d’affirmer que l’espace de stockage d’un utilisateur était pleinement accessible aux
autres internautes.
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En conclusion, Luca Fonti n’a donc pas eu directement de comportement punissable au sens des
art. 67 et 69 LDA. Il s’est en revanche rendu complice de ces infractions (cf. infra § 26…).
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cc) Pour qu’il y ait violation du droit d’auteur au sens des art. 67 al. 1 lit. e et f et 69 al. 1 lit. f
LDA, il faut que l’auteur de l’infraction ait agi « sans droit ». Le droit d’auteur étant un droit
exclusif (Barrelet/Egloff, art. 10 LDA n. 6), seul l’auteur peut décider de l’utilisation ou de
l’accessibilité de l’œuvre. En l’espèce, les plaignantes étaient les seules titulaires des droits relatifs
aux œuvres. Les utilisateurs du logiciel de l’accusé n’avaient donc aucun droit d’en disposer
comme ils l’ont fait. Tout transfert d’œuvres protégées effectué par le biais du logiciel de l’accusé
était donc illicite.
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Lorsqu’un tiers contrevient aux règles de titularité, il peut se disculper en invoquant un des
art. 19 à 28 LDA relatifs à la restriction des droits d’auteur (Glarner, p. 73). Le Ministère public
souligne que la doctrine exclut la réserve de l’utilisation à des fins personnelles ou dans un cercle
restreint au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a pour les cas de P2P en raison de l’accès très étendu aux
données s’y trouvant (Schwarzenegger, p. 219). Les autres restrictions au droit d’auteur ne sont pas
soutenables en l’espèce. Il appartient à la défense de démontrer l’existence d’une preuve libératoire
conformément à l’adage reus in excipiendo fit actor (Piquerez, p. 443 n. 702).
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Les transferts d’œuvres protégées effectués par le biais du logiciel de l’accusé étaient donc
illicites.
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dd) L’auteur doit agir intentionnellement. Le dol éventuel suffit (Arrêt du TF du 9 août 2005,
4C.111/2005). Le dol éventuel de l’auteur doit non seulement porter sur le caractère protégé de
l’œuvre, mais aussi sur l’illicéité de son acte (Glarner, p. 88 ; Schwarzenegger, p. 222). En
l’espèce, la majeure partie des utilisateurs savaient que le téléchargement d’œuvres musicales ou
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cinématographiques pouvait constituer une violation des droits d’auteurs et acceptait cette
éventualité. La doctrine, se fondant sur des sondages démontrant que 79% de la population est
consciente que l’échange de musique sur l’Internet est pratiquement toujours illégal
(Schwarzenegger, p. 223), en conclut qu’il est impossible pour un utilisateur de logiciel P2P
d’ignorer le caractère illicite de son comportement (Schwarzenegger, p. 222, Gilliéron p. 319 nbp.
834). Le dol éventuel doit donc être admis.
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En conclusion, les utilisateurs du logiciel de l’accusé sont auteurs des infractions réprimées aux
art. 67 al. 1 lit. e et f et 69 al. 1 lit. f LDA.
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Selon l’art. 25 CP, le complice se définit comme celui qui prête intentionnellement assistance à
une infraction. La jurisprudence précise que « la complicité suppose que le complice apporte à
l’auteur principal une contribution causale à la réalisation de l’infraction […]. Il n’est toutefois pas
nécessaire que l’assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de
l’infraction. […] Subjectivement, on exige que le complice sache ou se rende compte qu’il apporte
son concours à un acte délictueux déterminé et qu’il le veuille ou l’accepte. […] Le dol éventuel
suffit pour la complicité » (ATF 128 IV 53 c. 5f cc. avec références).
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En l’espèce, l’accusé a « mis en place un réseau d’échange de fichiers sur Internet au moyen du
système P2P » et a offert « aux internautes un logiciel P2P » dont le but principal était de permettre
un partage gratuit de films entre utilisateurs. C’est donc bien le système mis en place par Luca
Fonti qui a permis de multiples téléchargements illégaux par les internautes d’œuvres protégées (cf.
§ 18). Il a apporté ainsi une contribution causale à l’infraction. En outre, l’argument selon lequel
l’accusé n’avait « pas les moyens de contrôler les échanges et l’utilisation qui avait été faite de leur
logiciel » tombe à faux. Le complice d’une infraction, n’a pas besoin, pour être qualifié comme tel,
d’avoir une emprise sur le cours des événements (ATF 111 IV 51 c. 1b). Il suffit que par son
comportement, il facilite la commission de l’infraction (ATF 78 IV 7).
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De plus, Luca Fonti savait pertinemment quels types de fichiers transitaient sur son serveur.
D’une part, l’accusé a mis à disposition des utilisateurs un espace de stockage « parfait pour les
films ». D’autre part, il a ouvertement promu les « grandes qualités [du logiciel P2P] en matière de
téléchargement de films ». Il avait donc conscience du type de fichiers qui transitaient via son
logiciel. Bien plus, il l’a conçu dans ce but et a encouragé cette utilisation illégale.
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Le Ministère public soutient que la réalisation de l’élément subjectif ne peut être remise en
cause. Premièrement, il n’est pas soutenable d’admettre qu’un homme d’intelligence moyenne
puisse ignorer qu’un film a la caractéristique d’une œuvre et donc que son auteur bénéficie d’un
droit exclusif sur celui-ci rendant illicite toute reproduction ou mise en circulation. Deuxièmement,
la plupart des films sont protégés par un avertissement initial relatif aux conséquences d’une copie
illicite.
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Troisièmement, en tant qu’informaticien et au vu de l’énorme popularité et de la large
médiatisation des logiciels P2P, l’accusé sait que ceux-ci permettent d’obtenir à titre gratuit des
œuvres musicales ou cinématographiques. L’accusé sait également que lesdits logiciels permettent
de contourner le système de redevances légales, voire que telle est leur fonction. Il savait donc que
des téléchargements illicites allaient s’opérer grâce à son logiciel et a accepté cette conséquence.
Le dol éventuel doit donc être retenu.
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En conclusion, Luca Fonti s’est rendu coupable de complicité de violations des droits d’auteur
au sens des art. 67 al. 1 lit. e et f et 69 al. 1 lit. f LDA.
3. Complicité de pornographie « douce » : art. 197 ch. 1 et 25 CP
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Le logiciel P2P mis en place par l’accusé a permis non seulement des téléchargements de
fichiers protégés, mais également d’images pornographiques. Par manque d’éléments dans l’état de
fait, le Ministère public renonce à retenir l’art. 197 ch. 3 et 3bis CP punissant la pornographie dite
« dure » à l’encontre de l’accusé. Toutefois, il convient de retenir l’art. 197 ch. 1 CP qui réprime la
pornographie dite « douce ».
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a) L’art. 197 ch. 1 CP prévoit que l’objet peut être une image (ATF 121 IV 109 c. c). En
l’espèce, l’exploitation du serveur mis en place par Luca Fonti a permis « des téléchargements
gratuits d’images pornographiques ». Il y a donc un objet au sens de l’art. 197 ch. 1 CP.
34
b) L’art. 197 ch. 1 CP réprime les représentations de pornographie douce lorsqu’elles sont mises
à disposition de mineurs de moins de 16 ans (ATF 119 IV 145, c. 2a).
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En l’espèce, « l’exploitation du serveur [a] permis, de façon très étendue […] de multiples
téléchargements gratuits […] d’images pornographiques ».
36
L’art. 197 ch. 1 CP est un délit de mise en danger abstraite (BSK StGB II-Schwaibold/Meng, art.
197 n. 7). Il réprime notamment la diffusion à la radio et à la télévision de représentations
pornographiques, sans qu’il soit nécessaire de prouver que des enfants de moins de 16 ans aient
effectivement regardé ou écouté les programmes en question. Comme le téléspectateur ou
l’auditeur d’une émission radiophonique ou télévisuelle, le destinataire d’un fichier transmis par
P2P peut être n’importe qui. Il y a donc lieu de punir au même titre la mise à disposition de
représentations pornographiques par un logiciel P2P, puisque l’utilisateur ignore le public qui y a
accès et prend donc le risque que le destinataire ait moins de 16 ans.
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c) L’état de fait mentionne, sans équivoque, des téléchargements d’images pornographiques. Le
caractère pornographique des images ne peut donc être contesté.
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d) L’auteur doit agir intentionnellement ou par dol éventuel. Il doit avoir non seulement
conscience du caractère pornographique de la représentation mais aussi du fait que des jeunes de
moins de 16 ans puissent y avoir accès. Il doit accepter cette éventualité (Corboz, art. 197 n. 30).
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En l’espèce, certaines images échangées par le serveur de l’accusé étaient pornographiques.
Ainsi, les utilisateurs du logiciel P2P, en visionnant le contenu de ces images, ne pouvaient ignorer
qu’elles étaient pornographiques puisqu’elles avaient un but excitatoire et dépassaient la simple
représentation érotique. Par ailleurs, tout utilisateur de l’Internet sait qu’un enfant de moins de 16
ans peut librement avoir accès à un logiciel P2P et y acquérir les fichiers disponibles. Dès lors, il
connaît le risque que le destinataire des fichiers qu’il partage n’ait pas atteint l’âge de 16 ans et en
accepte l’éventualité. En conséquence, certains utilisateurs du logiciel mis en place par l’accusé se
sont rendus coupables de pornographie par dol éventuel au sens de l’art. 197 ch. 1 CP.
40
En l’espèce, l’accusé s’est rendu coupable de complicité au sens de l’art. 25 CP (cf. § 26). Il a
« mis en place un réseau d’échanges de fichiers sur Internet au moyen du système P2P » et a offert
« aux internautes un logiciel P2P » qui a « permis […] des téléchargements gratuits d’images
pornographiques ». Il a donc apporté une contribution causale à l’infraction commise par certains
utilisateurs.
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L’argument selon lequel l’accusé n’avait « pas les moyens de contrôler les échanges et
l’utilisation qui avait été faite de leur logiciel » n’est pas admissible. Le complice d’une infraction,
n’a pas besoin, pour être qualifié comme tel, d’avoir une emprise sur le cours des événements (ATF
111 IV 51 c. 1b).
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Luca Fonti, considérait l’Internet comme « un outil formidable de communication, de partage et
finalement de liberté ». Premièrement, de par sa fonction de responsable informatique, ainsi que
par la large médiatisation des logiciels P2P, Luca Fonti connaissait les utilisations abusives
qu’engendrerait l’exploitation d’un tel logiciel. Deuxièmement, ayant conçu le logiciel P2P, il en
connaissait parfaitement le fonctionnement. Il ne pouvait ignorer que, sans limitations, des mineurs
de moins de 16 ans risquaient de télécharger des images pornographiques, et acceptait cette
conséquence. Troisièmement, tout homme doté d’une intelligence moyenne sait que la
pornographie « douce » est interdite aux mineurs de moins de 16 ans. Il est notoire, par exemple,
que les films pornographiques dans les vidéoclubs ou encore les magazines pornographiques dans
les kiosques à journaux sont interdits d’accès aux mineurs de moins de 16 ans.
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En conséquence, Luca Fonti savait que des téléchargements d’images pornographiques
s’opéreraient grâce à son logiciel et a accepté cette éventualité. Le dol éventuel doit donc être
retenu.
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En conclusion, Luca Fonti s’est rendu coupable de complicité de pornographie au sens des
art. 197 ch. 1 et 25 CP.
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B. Soustraction de données et injection de virus
1. Soustraction de données : art. 143 CP
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L’art. 143 CP suppose la réunion de cinq conditions : une donnée informatique (a), qui
n’est pas destinée à l’auteur de l’infraction et protégée contre tout accès indu de sa part (b), la soustraction de cette donnée (c), l’intention de l’auteur (d) et le dessein d’enrichissement illégitime (e).
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a) La soustraction de données suppose, en premier lieu, l’existence d’une donnée
informatique. On entend par donnée « toute information qui peut faire l’objet d’une
communication humaine » (Corboz, art. 143 n. 2 ; Trechsel, art. 143 n. 3 ; Hurtado Pozo, p. 248 n.
889). Cette information doit être stockée, respectivement transférée, électroniquement ou selon un
mode similaire pour être qualifiée d’informatique (Corboz, art. 143 n. 3-4 ; Trechsel, art. 143 n. 3 ;
BSK StGB II-Weissenberger, art. 143 n. 5).
47
En l’espèce, Luca Fonti a soustrait notamment des fiches d’évaluation des employés, des fiches
de salaire et le plan stratégique de Macroflop SA, lesquels étaient stockés dans les fichiers centraux
de la société. Il est indiscutable que de telles informations peuvent faire l’objet d’une
communication humaine. Les fiches d’évaluations peuvent être utilisées par exemple comme
source pour des certificats de travail ou à des fins de feed-back durant les rapports de travail. Quant
au plan stratégique détaillant un projet de fusion, il peut également faire l’objet d’une
communication humaine.
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Ces éléments étant stockés dans les fichiers de la société, leur caractère informatique ne fait
aucun doute.
49
En conséquence, les éléments soustraits sont des données informatiques.
50
b) La donnée ne doit pas être destinée à l’auteur de l’infraction et être protégée contre tout
accès indu de sa part (Corboz, art. 143 n. 6-7 ; Trechsel, art. 143 n. 5-6 ; BSK StGB IIWeissenberger, art. 143 n. 9 et 11). L’art. 143 CP ne s’applique pas si la donnée en question est
accessible à tous (Corboz, art. 143 n. 6). L’auteur ne doit pas être légitimé à disposer des données
(Trechsel, art. 143 n. 5) et doit pouvoir reconnaître clairement que le titulaire des données ne veut
pas qu’il y accède (Kübler, p. 310). La jurisprudence a admis qu’une fois les rapports de travail
terminés, l’employé n’est plus légitimé à accéder aux données de l’entreprise (Arrêt de l’OG
d’Appenzell Rhodes-extérieures du 30 août 2005, c. 3.4 in sic ! 2007 p. 458 ss). Quant aux mesures
de sécurité requises du propriétaire des données, la doctrine se montre souple : un système de
protection par mot de passe suffit (Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 161 ; Trechsel, art. 143 n. 6).
L’argument de l’auteur, selon lequel il ne lui a pas été difficile, au vu de la nature de la protection,
de franchir celle-ci, n’est pas déterminant. Dans ce cas également, il faut admettre l’application de
l’art. 143 CP (Trechsel, art. 143 n. 6).
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La société bénéficie de la protection de sa sphère privée reconnue par l’art. 28 CC (ATF 97 II 97
c. 2). Celle-ci se définit comme l’ensemble des « évènements que chacun veut partager avec un
nombre restreint d’autres personnes […] et qui ne sont pas destinés à être connus d’un large
public » (ATF 97 II 97 c. 3).
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En l’espèce, l’accusé a accédé à des fichiers contenant des informations stratégiques et touchant
à l’évaluation des employés. Elles étaient donc par nature destinées à un usage purement interne.
Ces informations appartiennent indéniablement à la sphère privée de la société Macroflop SA.
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L’atteinte à la sphère privée est illicite à moins qu’elle ne soit justifiée, par exemple, par le
consentement de la victime (art. 28 al. 2 CC). En l’espèce, la société a licencié l’accusé. Elle lui a
ainsi clairement signifié que leur relation contractuelle et les prérogatives qui y étaient attachées
avaient pris fin. Il est donc exclu d’admettre son consentement.
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L’art. 339a CO prévoit que les parties doivent se restituer tout ce qu’elles se sont remis pour la
durée du contrat de travail. La ratio legis de cette disposition est la liquidation totale des rapports
de travail. La doctrine mentionne que l’employé doit restituer tout ce qui lui a été matériellement
confié (Wyler, p. 438). Cela implique, mutatis mutandis, que l’employé, s’il est évident qu’il ne
peut pas rendre les mots de passe remis par l’employeur, doit s’abstenir de les utiliser après
l’extinction des rapports de travail. En l’espèce, l’accusé a utilisé son mot de passe après
l’extinction des rapports de travail.
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L’accusé a donc pénétré dans un système sécurisé auquel il n’avait pas légitimement accès.
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c) L’auteur doit soustraire la donnée. Le comportement punissable consiste dans le fait qu’il
accède à la donnée et peut maintenant l’utiliser librement. En l’espèce, il est incontesté que Luca
Fonti a « soustrait les données ». Son comportement est donc punissable au sens de l’art. 143 CP.
57
d) Sous l’angle subjectif, l’auteur doit agir avec intention. Le dol éventuel suffit (Kübler,
p. 313 ; BSK StGB II-Weissenberger, art. 143 n. 15).
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En l’espèce, il est exclu de considérer que cette soustraction puisse être accidentelle.
Premièrement, Luca Fonti est responsable informatique. Deuxièmement, il a utilisé son mot de
passe pour accéder au système informatique et y soustraire des données. L’accusé a donc voulu
soustraire les données.
59
e) L’infraction suppose un dessein d’enrichissement illégitime. La jurisprudence admet que «
l’avantage patrimonial sur lequel le dessein d’enrichissement porte ne correspond[e] pas forcément
à la valeur de la chose soustraite, laquelle peut même être dénuée de toute valeur » (ATF 111 IV 74
c. 1). Le dessein d’enrichissement illégitime vise ainsi, non seulement la valeur intrinsèque, mais
également la valeur d’usage de la chose (ATF 111 IV 74 c. 1). En doctrine également, la notion de
dessein d’enrichissement illégitime est interprétée largement. Kübler (p. 313) l’admet déjà lorsqu’il
existe chez l’auteur un espoir de profit.
9
Swiss Moot Court 2007/2008
60
Equipe n° 6
In casu, le Ministère public ne conteste pas que les fiches relatives aux employés soient
dépourvues de valeur commerciale. En revanche, il est manifeste que le plan stratégique de
Macroflop SA, détaillant « un projet de fusion avec un gros concurrent », revêt une valeur d’usage
très élevée. La soustraction de celui-ci ne pouvait dès lors être motivée que par l’espoir d’en retirer
un profit.
61
En conclusion, Luca Fonti doit être reconnu coupable de soustraction de données au sens de
l’art. 143 CP.
2. Soustraction de données personnelles : art. 179novies CP
62
a) Cette infraction n’est poursuivie que sur plainte. Selon le Message du CF et la doctrine
(FF 1998 II p. 490 ; Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 360), le droit de porter de plainte appartient à la
personne que les données concernent et à l’administrateur desdites données. Par ailleurs, le délai
pour déposer plainte est de trois mois dès le lendemain du jour où l’ayant droit a eu connaissance
de l’infraction et de son auteur (art. 31 CP ; ATF 97 IV 238 c. 2).
63
André Zurcheret, en tant que responsable informatique de Macroflop SA, a qualité pour déposer
plainte. Il a valablement exercé ce droit le 26 avril 2007.
64
b) aa) L’application de l’art. 179novies CP suppose en premier lieu l’existence de données
personnelles sensibles ou de profils de personnalité. Selon la doctrine (Corboz, art. 179novies n. 3 ;
BSK StGB-von Ins/Wyder ; art. 179novies n. 8 ; Trechsel, art. 179novies n. 2 ; Stratenwerth/Wohlers,
art. 179novies n. 1), ces notions correspondent à celles définies à l’art. 3 LPD. Les données
personnelles sont « toutes les informations qui se rapportent à une personne identifiée ou
identifiable » (art. 3 lit. a LPD).
65
En l’espèce, une partie des données soustraites par l’accusé étaient relatives à l’évaluation et aux
salaires des employés de la société Macroflop SA. Elles se rapportent donc à des personnes
identifiables et sont des données personnelles au sens de la disposition précitée.
66
Pour être qualifiée de sensibles, ces données doivent répondre aux critères définis à l’art. 3 lit. c
LPD. Sont notamment des données sensibles, au sens de cette disposition, « les données
personnelles sur […] la sphère intime ». Le Message du CF (FF 1988 II p. 453) y inclut entre autres
« celles qui affectent la réputation ou le crédit d’une personne ». Les données touchant à la sphère
intime sont en particulier celles que la personne concernée ne désire partager qu’avec un cercle
restreint de personnes (DSGK-Belser, art. 3 n. 15). Le Message du CF exclut les données relatives à
la situation financière d’une personne (FF 1988 II p. 454).
67
Le Ministère public concède que les fiches de salaire soustraites par l’accusé ne sont pas des
données sensibles. En revanche, les fiches d’évaluation des employés contiennent des informations,
touchant tant la performance que l’attitude de la personne concernée dans ses rapports
professionnelles. Elles sont donc susceptibles d’influencer la réputation des employés évalués.
10
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
Dans la mesure où cette influence peut être négative, il va de soi que ceux-ci ne désiraient les
partager qu’avec un cercle restreint de personnes, dont ne faisait pas partie l’accusé. Ainsi ces
données doivent être qualifiée de sensibles.
68
bb) Le deuxième élément constitutif de l’art. 179novies CP est un fichier qui n’est pas librement
accessible. Cela suppose que les données ne soient pas destinées à l’auteur de l’infraction et soient
spécialement protégées contre un accès indu (Corboz, art. 179novies n. 6 ss). Une partie de la
doctrine admet que cette condition est similaire à celle de l’art. 143 CP (Rehberg/Schmid/Donatsch,
p. 360). Le Message du CF et une autre partie de la doctrine estiment que les données ne sont pas
librement accessibles, au sens de l’art. 179novies CP aussitôt que l’auteur n’est pas légitimé à y
accéder (FF 1988 II p. 496 ; BSK StGB II-von Ins/Wyder, art. 179novies n. 16 ; Stratenwerth/Jenny,
art.179novies p. 256 s.). Il a été démontré précédemment (cf. § 50 ss) que les données n’étaient pas
destinées à l’accusé et qu’elles étaient protégées contre tout accès indu.
69
cc) Pour admettre l’application de l’art. 179novies CP, il faut que l’auteur ait soustrait les
données. Il s’agit du même comportement punissable que celui visé par l’art. 143 CP
(Stratenwerth/Jenny, art.179novies p. 257), lequel doit donc être admis en l’espèce (cf. § 56).
70
dd) L’infraction doit être intentionnelle. A teneur d’énoncé, rien ne permet d’admettre que
Luca Fonti se serait introduit par erreur dans les fichiers centraux de la société. Au contraire, il a
utilisé ses codes d’accès afin de soustraire ces données, ce qui exclut une intrusion accidentelle.
71
Toutes les conditions de l’art. 179novies CP sont remplies en l’espèce. En conclusion, Luca Fonti
s’est rendu coupable de soustraction de données personnelles.
3. Subsidiairement, accès indu à un système informatique : art. 143bis CP
72
Subsidiairement, si par impossible le Tribunal devait refuser l’application de l’art. 143 CP,
de l’art. 179novies CP, ou de ces deux dispositions, il devrait cependant reconnaître Luca Fonti
coupable d’accès indu à un système informatique au sens de l’art. 143bis CP.
73
a) L’accès indu à un système informatique est poursuivi sur plainte. La qualité pour déposer
plainte appartient à l’administrateur du système informatique (BSK StGB II-Weissenberger, art.
143bis n. 18 ; Trechsel, art. 143 n. 11). André Zurcheret, en sa qualité de responsable informatique,
a qualité pour déposer plainte et a exercé ce droit en temps utile (cf. § 62 s.).
74
b) aa) Le premier élément constitutif de l’art. 143bis CP est l’existence d’un système
informatique appartenant à autrui et spécialement protégé (BSK StGB II-Weissenberger, art.
143bis n.5 ss ; Corboz, art. 143bis n. 8-9 ; Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 164). Par système
informatique,
on
entend
notamment
un
(Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 164).
11
ordinateur
au
sens
courant
du
terme
Swiss Moot Court 2007/2008
75
Equipe n° 6
Luca Fonti ayant accédé aux fichiers centraux informatisés de la société Macroflop SA, cette
condition est donc remplie.
76
Les fichiers centraux appartenant à la société Macroflop SA et non à l’accusé, la condition de
l’appartenance à autrui est remplie en l’espèce.
77
L’exigence d’une protection spéciale du système informatique est également remplie.
78
La doctrine admet que cette condition est similaire dans les deux dispositions (Corboz, art. 143bis
n. 3 ; Trechsel, art. 143bis n. 5). L’exigence d’une protection spéciale est également remplie (cf. §
50 ss).
79
bb) L’auteur doit avoir indûment accédé au système (Corboz, art. 143bis n. 4 ss ;
Stratenwerth/Jenny, p. 328 n. 39).
80
Il a été démontré précédemment (cf. § 47) que Luca Fonti a soustrait des données contenues
dans les fichiers centraux de son ancien employeur. Pour y parvenir, il a nécessairement dû
pénétrer dans le système informatique. Cet acte ayant été commis quelques semaines après la
résiliation des rapports de travail, l’accusé n’était plus autorisé à le faire (cf. § 54).
81
cc) Contrairement à ce qui prévaut à l’art. 143 CP, le dessein d’enrichissement illégitime n’est
pas un élément constitutif de l’infraction (Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 165; Corboz, art. 143bis
n. 12 ; BSK StGB II-Weissenberger, art. 143bis n. 17).
82
dd) Enfin, l’infraction n’est réalisée que si elle est intentionnelle. Le dol éventuel suffit
(Trechsel, art. 143bis n. 9 ; BSK StGB II-Weissenberger, art. 143bis n. 16).
83
Il a été démontré précédemment (cf. § 58) que Luca Fonti avait l’intention de soustraire des
données de son ancien employeur. Pour y parvenir, il lui était nécessaire d’utiliser son ancien mot
de passe et d’entrer dans le système informatique de Macroflop SA. Il a ainsi directement voulu
pénétrer dans ce système.
84
En conclusion, Luca Fonti s’est rendu coupable d’accès indu à un système informatique au sens
de l’art. 143bis CP.
4. Tentative de détérioration de données : art. 144bis ch. 1 et 22 CP
85
a) La détérioration de données n’est poursuivie que sur plainte. La qualité pour déposer
plainte appartient à celui qui a un intérêt juridiquement protégé dans l’intégrité des données
(Trechsel, art. 144bis n. 10 ; BSK StGB II-Weissenberger, art. 144bis n. 30). Le TF admet la qualité
pour déposer plainte lorsque la personne concernée a une responsabilité particulière dans la
sauvegarde de l’objet (ATF 118 IV 209 c. 3b, ATF 121 IV 258 c. 2b).
86
André Zurcheret a déposé plainte dans les délais de l’art. 31 CP (cf. § 62 s.). Sa qualité pour le
faire, n’est pas contestable. En tant que responsable informatique de la société Macroflop SA, il est
responsable des données de son employeur et a un intérêt direct et juridiquement protégé à ce
qu’aucun virus n’altère ces données.
12
Swiss Moot Court 2007/2008
87
Equipe n° 6
b) aa) En premier lieu, il est nécessaire que l’on soit en présence de données électroniques.
Cette notion correspond à celle de l’art. 143 CP (Stratenwerth/Jenny, p. 333 n. 57 ; BSK StGB IIWeissenberger, art. 144bis n. 4 ; Corboz, art. 144bis n. 2).
88
En l’espèce le virus a été injecté dans le système informatique de Macroflop SA mettant ainsi en
danger les fichiers et données qui y sont stockées. La conditions de l’existence de données
électroniques est donc remplie.
89
bb) Le comportement punissable réside dans le fait de modifier, effacer ou mettre hors
d’usage des données. Un résultat concret doit s’être produit dans le système attaqué pour que
l’auteur se rende coupable d’une modification, d’un effacement ou d’une mise hors d’usage (BSK
StGB II-Weissenberger, art. 144bis n. 13 ; Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 175).
90
En l’espèce l’accusé a introduit dans le système informatique de Macroflop SA un virus. Celuici ne s’est toutefois pas déployé à ce jour. Le Ministère public concède qu’il ne peut être reproché,
un délit consommé de détérioration de données dans ces circonstances.
91
Il convient cependant de retenir une tentative à l’encontre de l’accusé (art. 22 CP).
92
Pour qu’il y ait tentative, l’auteur doit avoir dépassé le stade des actes préparatoires et
commencé l’exécution de l’infraction (Killias, p. 64 n. 513). « Il y a tentative (…) lorsque l'auteur a
réalisé tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il a manifesté sa décision de la commettre,
sans toutefois que les éléments constitutifs objectifs soient tous réalisés; la tentative (…) implique
donc que tous les éléments subjectifs de l'infraction soient réunis, en premier lieu l'intention – à cet
égard, le dol éventuel suffit – et, le cas échéant, les autres conditions subjectives (dessein
d'enrichissement, etc.), alors que les éléments objectifs font, au moins partiellement, défaut » (ATF
122 IV 246 c. 3a).
93
L’accusé a introduit le virus dans le système informatique de Macroflop SA. Il suffit qu’une
seule opération donnée soit accomplie pour que le virus se déploie. Il a ainsi commencé l’exécution
de l’infraction. Il est évident que l’accusé, en sa qualité d’informaticien, n’a pas introduit un virus
dans le système informatique de Macroflop SA par une erreur de manipulation. Il a donc agi
intentionnellement.
94
Il convient de préciser que Luca Fonti a conçu son virus deux mois avant les faits « par pur
intérêt scientifique ». Dès lors, le Ministère public renonce à invoquer la violation de l’art. 144bis
ch. 2 CP. La doctrine admet en effet que cette disposition suppose que l’auteur ait au moins accepté
l’éventualité que son logiciel soit utilisé pour commettre une infraction visée à l’art. 144bis ch. 1 CP
(Corboz,
art.
144bis
n.
20
;
BSK
StGB
Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 176).
13
II-Weissenberger,
art.
144bis
n.
48;
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
5. Violation du secret commercial : art. 162 CP
95
Cette infraction n’est poursuivie que sur plainte. Le droit de porter de plainte appartient au
titulaire du droit au secret (Corboz, art. 162 n. 17 ; BSK StGB II-Amstutz/Reinert, art. 162 n. 27).
Selon la jurisprudence, il faut entendre par secret, au sens de cette disposition, une connaissance
particulière qui n’est pas de notoriété publique ni facilement accessible et dont le détenteur a un
intérêt légitime à garder secrète. Plus précisément, la notion de secret commercial s’entend
d’informations qui peuvent avoir une incidence sur le résultat commercial (« un'incidenza sull'esito
commerciale ») en particulier des connaissances relatives à l’organisation, le calcul des prix, la
clientèle, la production ou la marche des affaires (ATF 118 Ib 547 c. 5a, avec références). La
doctrine et la jurisprudence admettent expressément qu’un projet de fusion est un secret
commercial (ATF 109 Ib 56 c. 5c ; Corboz, art. 162 n. 8 ; Trechsel, art. 162 n. 5).
96
En l’espèce, les données soustraites par l’accusé contiennent des secrets commerciaux. Elles
détaillent un projet de fusion, lequel est un secret commercial. Les fiches relatives aux salaires et
aux évaluations des employés, sont constitutives de secrets commerciaux dans la mesure où elles
ont une incidence sur le résultat commercial.
97
Le titulaire de ces secrets commerciaux est la société Macroflop SA. Elle est le seul sujet de
droit directement touché par une variation du résultat commercial. Il appartiendrait donc à la
société de déposer plainte. Dans le cas d’une SA, seul le conseil d’administration est, en principe,
compétent pour déposer plainte (BSK StGB I-Riedo, art. 28 n. 60). Celui-ci peut, à certaines
conditions, déléguer cette faculté par une procuration (ATF 118 IV 167 c. 1b). En l’espèce une
plainte a été déposée par André Zurcheret, responsable informatique de la société Macroflop SA.
Au vu de l’état de fait, il n’est pas démontré que ce dernier fasse partie du conseil d’administration
ou soit au bénéfice d’une procuration.
98
La plainte n’étant pas recevable, le Ministère public renonce à retenir l’art. 162 CP à l’encontre
de l’accusé
C. Relation avec une mineure de 15 ans
1. Actes d’ordre sexuel avec des enfants : art. 187 CP
99
Le Ministère public affirme que l’accusé Luca Fonti s’est rendu coupable, par son
comportement dès l’été 2006, d’actes d’ordre sexuel avec des enfants en entretenant une relation
avec une mineure de 15 ans.
100
a) Pour que l’art. 187 CP s’applique, il faut tout d’abord qu’il y ait un acte d’ordre sexuel
(Corboz, art 187 n. 5 ss). Il faut entendre par acte d’ordre sexuel une activité d’ordre sexuel sur soimême ou sur autrui qui tend à l’excitation ou à la jouissance sexuelle d’un des participants
(Rehberg/Schmid/Donatsch, p. 406). L’art. 187 CP se distingue des autres dispositions relatives à la
14
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
protection de l’intégrité sexuelle par le fait que la victime doit être un mineur. Cela amène certains
auteurs à admettre plus facilement le caractère sexuel de l’acte (Corboz, art. 187 n. 7). Enfin, pour
apprécier ce dernier, il convient de prendre en considération tous les éléments du cas d’espèce,
lorsque le caractère sexuel de l’acte de l’auteur n’est pas évident (ATF 125 IV 62 c. 3).
101
En l’espèce, Luca Fonti a entretenu des rapports visuels et sonores par le biais d’une webcam
avec une mineure de 15 ans. Au cours de ces rapports, ils ont « échangé des poèmes de nature
érotique et se sont présentés, la plupart du temps, dévêtus. » De plus, l’accusé s’est masturbé
devant sa webcam lors d’une de ces conversations.
102
Si en soi le fait de se montrer nu ne constitue pas en principe un acte d’ordre sexuel (ATF 104
IV 259 c. 2), il ne fait pas de doute qu’en l’espèce, cette attitude entrait dans le cadre d’un
ensemble d’actes à caractère fortement sexuel et excitant pour les protagonistes. Dès lors,
conformément à la jurisprudence précitée et à la doctrine (Suter-Zürcher, p. 54), l’acte acquiert un
caractère d’ordre sexuel dans ces circonstances.
103
D’autre part, l’échange de poèmes de nature érotique n’est pas non plus en soi un acte d’ordre
sexuel (ATF 90 IV 203 c. 2). Toutefois, comme nous le verrons dans le cadre de l’analyse du
comportement délictueux (cf. infra § 106), cet acte avait ici pour but de pousser l’adolescente à
commettre un acte d’ordre sexuel avec l’accusé. Ainsi, il doit être qualifié d’acte d’ordre sexuel.
104
Enfin, il est établi que Luca Fonti « s’est masturbé devant sa webcam, alors que l’adolescente
était en ligne. Le sexe de Luca Fonti n’était cependant pas visible à cette occasion. Ses traits étaient
toutefois relativement évocateurs ». Il ne fait aucun doute que la masturbation est, en tant que telle,
un acte d’ordre sexuel (Rehberg/Schmidt/Donatsch, p.408 s).
105
b) Deuxièmement, l’art. 187 CP exige que la victime soit un enfant de moins de 16 ans. En
l’espèce, cette condition est réalisée puisque la victime avait 15 ans au moment des faits.
106
c) La doctrine unanime admet que l’art. 187 CP réprime trois variantes de comportements
délictueux (Trechsel, art. 187 n. 7 ; BSK StGB II-Maier, art. 187 n. 9 ss) : l’acte sur la personne de
l’enfant (aa), l’incitation à un acte d’ordre sexuel (bb) et l’association à un acte d’ordre sexuel
(cc).
107
aa) L’acte sur la personne de l’enfant nécessite un contact physique entre l’auteur et la victime
(Jenny, art. 187 n. 9). Cette condition aurait été remplie si le rendez-vous dans la caravane entre les
deux protagonistes avait abouti. Cet aspect-là du comportement délictueux de l’accusé sera donc
apprécié ultérieurement sous l’angle de la tentative (cf. infra § 117 ss).
108
bb) L’incitation à un acte d’ordre sexuel suppose que l’auteur suscite une curiosité sexuelle chez
la victime (Suter-Zürcher, p. 61). Une véritable instigation n’est pas nécessaire. Le simple fait
d’influencer l’enfant suffit (Jenny, art. 187 n. 11). L’infraction n’est consommée que si l’enfant a
accompli un acte d’ordre sexuel. Qu’il soit conscient du caractère sexuel de ses agissements ou non
est sans importance (Corboz, art. 187 n. 23).
15
Swiss Moot Court 2007/2008
109
Equipe n° 6
En l’espèce, l’accusé a agi dans l’unique dessein de créer une relation de confiance entre
l’adolescente et lui-même. En récitant des poèmes de nature érotique et en se présentant à elle
dépourvu de tout vêtement, il a tendu à banaliser ce type d’acte et à enlever toute pudeur à
l’adolescente. La jeune fille de 15 ans n’aurait pas imité l’accusé si celui-ci n’avait pas créé cette
atmosphère de curiosité sexuelle. L’enfant a été incitée à commettre des actes d’ordre sexuel au
sens de l’art. 187 CP en se dénudant et en participant activement à leurs échanges de poèmes
érotiques.
110
cc) Luca Fonti s’est masturbé devant sa webcam lors d’une conversation avec l’adolescente. Les
attouchements sur ses propres parties génitales ou celles d’un tiers, faits devant un enfant,
constituent une association à un acte d’ordre sexuel, pour autant que ce dernier soit utilisé comme
élément du jeu sexuel de par sa perception visuelle ou auditive (arrêt 6P.237/2006 c.3.2 ; Trechsel,
art. 187 n. 10 ; BSK StGB II-Maier, art. 187 n. 13).
111
Bien qu’il ne soit pas contesté par le Ministère public que le sexe de l’accusé ne fût pas visible
par la victime, il faut admettre que Luca Fonti a associé sa victime à un acte d’ordre sexuel. En
effet, les traits de l’accusé au moment de l’acte étaient « relativement évocateurs », ce qui suppose
qu’il n’avait pris aucune des précautions élémentaires pour cacher son activité à l’adolescente. Il
aurait pu, par exemple, éteindre sa webcam ou s’efforcer de feindre une attitude moins évocatrice.
Au contraire, vu la nature de leur relation et l’atmosphère à connotation sexuelle de leurs contacts
antérieurs, il est évident que l’auteur estimait que la victime saisissait la nature réelle et l’origine de
ses traits et mouvements « évocateurs ». Il a donc voulu que la victime perçoive et soit associée de
ce fait à son activité sexuelle.
112
En conséquence, l’accusé a associé l’adolescente à un acte d’ordre sexuel.
113
d) L’infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit, non seulement quant au caractère
sexuel de l’acte mais aussi quant à l’âge de la victime (Rehberg/Schmidt/Donatsch, p. 409 ; BSK
StGB II–Maier, art. 187 n. 15 ; Corboz, art. 187 n. 27).
114
En l’espèce, les différentes démarches entreprises par Luca Fonti l’ont été dans le but clair
d’assouvir certains besoins sexuels. Celui-ci a cherché le contact sur un forum pour adolescents, ce
qui a abouti à une relation avec une adolescente. En se montrant dévêtus, et au regard de la nature
érotique de leurs conversations, il est insoutenable d’affirmer que le comportement de l’accusé
trouvait sa source dans une recherche d’amitié dépourvue de motivation sexuelle. Chacun de ses
agissements était motivé par sa volonté d’assouvir ses pulsions sexuelles. Ainsi, il est insoutenable
d’exclure le dol éventuel.
115
Quant à l’âge de sa victime, les multiples rapports qu’a entretenus l’accusé sur des forums de
discussion avec des adolescents démontrent clairement sa volonté de courtiser, non pas des
personnes de son âge, mais, bien au contraire, des mineurs. Il est impensable que lors de ses
multiples conversations avec des adolescents, l’accusé n’ait jamais porté sa curiosité sur leur âge
16
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
ou n’ait eu, au regard des discussions, des doutes à l’égard de celui-ci. Il était au courant que des
mineurs fréquentaient ce site et avait de ce fait accepté l’éventualité que sa « conquête » ait moins
de 16 ans (BSK StGB II-Maier, art. 187 n. 22). La négligence, même fautive, ne peut donc en aucun
cas être retenue en l’espèce. Cela exclut l’application de l’art. 187 ch. 4 CP, relatif à l’erreur fautive
sur l’âge. L’auteur a donc agi avec intention.
116
En conclusion, Luca Fonti s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des mineurs au sens
de l’art. 187 ch. 1 CP.
2. Tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants : art. 22 et 187 ch. 1 al. 1 CP
117
L’accusé a également convenu d’un rendez-vous avec l’adolescente dans sa caravane,
auquel il s’est présenté, contrairement à l’adolescente. Aucun acte d’ordre sexuel n’ayant été
commis en raison de l’absence de cette dernière, le délit n’a pu être consommé. Il y a lieu de retenir
une tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants.
118
La notion de tentative a été développée précédemment (cf. § 92). Le fait d’aborder un enfant
constitue déjà un début d’exécution (ATF 80 IV 173, c. 2.2). Il en va de même lorsque l’auteur
donne un rendez-vous à l’enfant dans un lieu précis en vue de commettre des actes d’ordre sexuel
avec lui (ATF 131 IV 100 c. 6.1 ; Süter-Zürcher, p. 164).
119
Au regard de la correspondance entre Luca Fonti et la mineure de 15 ans et de leurs rapports à
connotation uniquement sexuelle, confirmés par la séance de masturbation de l’accusé, ainsi que
par le lieu de rendez-vous, soit la caravane de l’accusé et non un lieu public, il ne fait aucun doute
que Luca Fonti n’avait qu’une seule attente de cette rencontre : entretenir un rapport sexuel ou une
activité analogue avec l’adolescente. Au vu du caractère objectivement sexuel de l’activité que
planifiait de commettre l’accusé et puisqu’il était conscient de l’âge inférieur à 16 ans de sa victime
(cf. § 115), il y a lieu d’admettre qu’il savait et voulait commettre un acte d’ordre sexuel avec un
enfant de moins de 16 ans.
120
Luca Fonti a dépassé le stade des actes préparatoires. Il s’est rendu dans sa caravane et y a
attendu sa jeune victime, conformément au rendez-vous qu’il lui avait donné. Si cette dernière
n’avait pas eu la clairvoyance de renoncer au rendez-vous, aucun autre stratagème n’aurait été
nécessaire pour que l’accusé parvienne à ses fins.
121
L’accusé s’est donc rendu coupable de tentative d’actes d’ordre sexuel avec des enfants au sens
des art. 22 et 187 ch. 1 al. 1 CP.
3. Pornographie : art. 197 ch. 1 CP
122
Le Ministère Public affirme que Luca Fonti s’est rendu coupable de pornographie au sens
de l’art. 197 ch.1 CP lors de ses multiples entretiens par l’Internet avec une adolescente.
17
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123
Equipe n° 6
a) L’art. 197 ch. 1 CP suppose en premier lieu l’existence d’un objet ou d’une représentation
(Corboz, art. 197 n. 5). La doctrine récente se détache de l’interprétation purement littérale de
l’art. 197 CP. Elle préfère s’appuyer sur le contenu de l’objet ou de la représentation plutôt que sur
le support matériel en question (Suter-Zürcher, p. 75). Il faut examiner si des éléments
pornographiques ont été rendus « accessibles » par un moyen de communication entre l’auteur et
ses victimes potentielles.
124
En l’espèce, Luca Fonti et l’adolescente ont dialogué en direct par le biais d’une webcam. Le
transfert d’éléments à caractère pornographique est possible quelque soit le support matériel en
question. La doctrine cite à titre d’exemple les « Live-Gespräche » (Suter-Zürcher, p. 75). Il y a
lieu d’admettre que les conversations en direct par webcam entrent également dans cette catégorie
et donc que la première condition est remplie en l’espèce.
125
b) L’acte incriminé suppose que le spectateur soit âgé de moins de 16 ans. Si cette condition
est remplie, il n’y a plus lieu de distinguer la pornographie dure de la pornographie douce dans la
mesure où ces deux variantes sont réprimées lorsque la victime est un enfant (ATF 119 IV 145
c. 2a).
126
En l’espèce, l’adolescente était âgée de 15 ans. Ainsi, cette condition est remplie.
127
c) La mise à la disposition à un enfant d’un objet ou d’une représentation est réprimée si ces
derniers ont un caractère pornographique. La pornographie douce suffit à l’application de
197 ch. 1 CP (cf. § 32). La pornographie douce est le seuil minimal que la représentation doit
atteindre pour que l’art. 197 ch. 1 CP s’applique. Elle se définit comme « ce qui réduit l’être
humain à un objet d’assouvissement sexuel [et] qui en donne ainsi une image dégradante »
(ATF 117 IV 452 c. 4c). La représentation doit avoir pour but de provoquer une excitation sexuelle
et se rapporte aux parties génitales (Rehberg/Schmidt/Donatsch, p. 453 ; Corboz, art. 197 n. 16).
128
L’art. 197 ch. 1 CP réprime uniquement les actes à caractère pornographique (BSK StGB IISchwaibold/Meng, art. 197 n. 18). Le Ministère Public concède que les poèmes étaient de nature
érotique. Ainsi, il n’y a pas lieu de réprimer ces actes.
129
La pornographie acoustique peut également être réprimée (BSK StGB II-Schwaibold/Meng, art.
197 n. 29). Le caractère pornographique s’entend donc de manière large.
130
En l’espèce, Luca Fonti s’est présenté nu devant sa webcam et s’est masturbé lors d’une des
conversations de manière certes cachée mais tout à fait évidente. La représentation de la
masturbation a en soi un caractère pornographique dans la mesure où cet acte est purement axé sur
l’organe génital et vise uniquement un but d’excitation sexuelle pour celui qui observe. La
condition du caractère sexuel doit donc être considérée remplie pour la représentation de la
masturbation. En conséquence, si l’on considère punissable celui qui décrit une masturbation par
téléphone, il serait tout à fait intolérable de considérer différemment celui qui la décrit
gestuellement lors d’une conversation vidéophonique. Le fait qu’en l’espèce son sexe ne soit pas
18
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Equipe n° 6
visible directement par la victime n’est pas pertinent puisque lors d’une conversation téléphonique
aucune illustration des parties génitales, ni de l’acte décrit, ne sont perceptibles par l’auditeur. La
masturbation, même cachée, doit donc, au même titre que des conversations pornographiques en
direct, être considérée comme pornographique.
131
d) L’acte délictueux consiste à rendre l’élément pornographique accessible à des enfants. La
manière de procéder n’est pas déterminante (Corboz, art. 197 n. 24).
132
En l’espèce, l’adolescente était en communication par le biais d’une webcam avec l’accusé
lorsque celui-ci a commis l’acte réprimé. L’accusé lui ayant offert ce « spectacle », elle y a donc eu
accès directement. Ainsi, la condition est remplie.
133
e) Le dol éventuel suffit pour retenir l’infraction. L’auteur doit avoir conscience du caractère
pornographique de la représentation et accepter le risque que des jeunes de moins de 16 ans y
accèdent (Corboz, art. 197 n. 30).
134
En l’espèce, il est évident que l’auteur savait qu’une masturbation avait un caractère
pornographique. En effet, les agissements de l’accusé entraient dans le cadre d’une suite d’actes à
connotation sexuelle tendant à pousser l’adolescente à avoir un rapport sexuel avec lui. Il voulait
donc provoquer une excitation sexuelle chez l’enfant. De plus, son acte étant absolument sans
équivoque, il faut admettre que Luca Fonti voulait insister sur la manipulation de ses parties
génitales. Il avait donc pleinement conscience du caractère pornographique de la scène qu’il offrait
à l’adolescente.
135
Comme nous l’avons démontré plus haut (cf. § 115), Luca Fonti savait pertinemment l’âge de la
« spectatrice ».
136
Luca Fonti s’est donc rendu coupable de pornographie au sens de l’art. 197 ch. 1 CP.
III. Culpabilité et fixation de la peine
137
L’art. 143bis CP est subsidiaire, d’une part, à l’art. 143 CP, et, d’autre part, à l’art. 179novies
CP. En revanche, les autres infractions retenues contre l’accusé entrent en concours. Il y a dès lors
lieu de condamner Luca Fonti à la peine de l’infraction la plus grave et de l’augmenter dans une
juste proportion, ne dépassant pas de la moitié le maximum de cette peine (art. 49 CP).
138
Les art. 143 et 187 CP prévoyant tous deux une peine maximale de 5 ans, la peine maximale
encourue par l’accusé est de 7 ans et demi.
139
La peine doit être fixée d’après la culpabilité de l’auteur, ses antécédents, sa situation
personnelle et l’effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP). L’état de fait ne contient que peu
d’informations sur la situation personnelle de l’accusé et ne dit rien de ses antécédents. Il n’est pas
19
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
plus aisé de déterminer l’effet de la peine sur son avenir. Dès lors, le Ministère public ne requiert
pas la peine maximale. Toutefois, au vu des nombreux actes commis par l’accusé, une peine
médiane paraît justifiée.
IV. Conclusions
Le Ministère public a l’honneur de conclure, sous suite de frais, à ce qu’il plaise au
Tribunal correctionnel
Préalablement
Ordonner le séquestre au sens de l’art. 223 CPP-VD, en vue de la confiscation, au sens de l’art.
69 CP, de l’ordinateur de l’accusé ou de tout autre support contenant les données soustraites par
l’accusé auprès de la société Macroflop SA.
Principalement
Condamner Luca Fonti à une peine privative de liberté ferme de 3 ans et 6 mois, avec déduction
d’une éventuelle détention provisoire (51 CP), pour complicité de violation des art. 67 al. 1 lit. e et
f LDA ; complicité des art. 69 al.1 lit. f LDA ; complicité de l’art. 197 ch. 1 CP; art. 143 CP
(subsidiairement de l’art. 143bis CP) ; art. 179novies CP (subsidiairement de l’art. 143bis CP) ;
tentative de l’art. 144bis ch. 1 ; art. 187 CP ; tentative de l’art. 187 ch. 1 al. 1 CP ; et l’art. 197 ch. 1
CP.
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Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral
ATF 78 IV 7
ATF 108 Ib 301
ATF 119 IV 145
ATF 80 IV 173
ATF 109 Ib 56
ATF 121 IV 109
ATF 90 IV 203
ATF 111 IV 51
ATF 121 IV 258
ATF 96 I 437
ATF 111 IV 74
ATF 122 IV 246
ATF 97 II 97
ATF 117 IV 452
ATF 125 IV 62
ATF 97 IV 238
ATF 118 Ib 547
ATF 128 IV 53
ATF 104 IV 77
ATF 118 IV 167
ATF 131 IV 100
ATF 104 IV 259
ATF 118 IV 209
Arrêts non publiés
Arrêt du TF du 9 août 2005, 4C.111/2005
Arrêt du TF du 27 mars 2007, 6P.237/2006
Arrêt de l’Obergericht d’Appenzell Rhodes-extérieures du 30 août 2005, partiellement repris in sic !
2007 p. 458 ss
IV
Swiss Moot Court 2007/2008
Equipe n° 6
Tables des abréviations
(mémoire d’accusation et mémoire de défense)
ATF
Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral
al.
Alinéa
art.
Article
Aufl.
Auflage (édition)
BL
Baselland (Bâle-Campagne)
c.
Considérant(s)
CC
Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210)
CF
Conseil fédéral
cf.
Confer (comparez)
ch.
Chiffre
CO
Code des obligations du 30 mars 1911 (RS 220)
CP
Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0)
CPP-VD
Code de procédure pénale vaudois du 12 septembre 1967 (RSV 2.10)
éd.
Edition
etc
Et caetera
FF
Feuille fédérale
Inc.
Incorporated (société de capitaux)
IP
Internet protocol
LDA
Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins du 9 octobre 1992
(RS 231.1)
lit.
Littera (lettre)
LPD
Loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (RS 235.1)
n.
Numéro marginal
nbp.
Note de bas de page
OG
Obergericht
p.
Page
P2P
Peer to peer
RPS
Revue pénale suisse
RS
Recueil systématique du droit fédéral
RSV
Recueil systématique du droit vaudois
RVJ
Revue valaisanne de jurisprudence
V
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Equipe n° 6
s.
Suivant(e)
SA
Société anonyme
ss
Suivant(e)s
StGB
Schweizerisches Strafgesetzbuch (Code pénal suisse du 21 décembre 1937,
RS 311.0)
TF
Tribunal fédéral
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