TABLE-RONDE Jeudi 16 octobre 2014 – Galerie Nikki Diana
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TABLE-RONDE Jeudi 16 octobre 2014 – Galerie Nikki Diana
TABLE-RONDE « CREER, CONSTRUIRE AUTREMENT » Jeudi 16 octobre 2014 – Galerie Nikki Diana Marquardt La société Autodesk, leader mondial de l’édition de logiciels de conception, d’ingénierie et de divertissement 3D, a organisé une table-ronde intitulée « Créer, construire autrement » le jeudi 16 octobre 2014 dans le cadre de sa galerie éphémère « The future of how things are made: imaginer pour demain », installée du 9 au 23 octobre 2014 à la Galerie Nikki Diana Marquardt dans le IVème arrondissement de Paris. Débat du 16 octobre 2014 Galerie éphémère La table-ronde avait pour objet de réunir les principaux acteurs concernés par la transition numérique du secteur du bâtiment (architectes, professionnels de la construction, représentants des pouvoirs publics, membres du secteur du numérique, …) dans le cadre d’un échange sur les enjeux et opportunités des outils numériques en matière de construction (réduction des coûts et risques d’erreur, meilleure empreinte environnementale, etc…) et sur les conditions de la démocratisation de ces outils auprès des professionnels. Le débat a réuni, pendant 90 minutes, dans une ambiance très constructive, des intervenants acteurs ou experts des secteurs du bâtiment, de l’ingénierie et du numérique dont Viviane ChaineRibeiro, Présidente de la société Talentia Software1 et Présidente de la Fédération SYNTEC2, Bertrand Delcambre, ancien Président du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et Ambassadeur des technologies numériques dans le secteur de la construction, Nicolas Mangon, Directeur général de la stratégie et du marketing pour l’Architecture, l’Ingénierie et la Construction (AEC) auprès de la société Autodesk, Pierre Mit, Président de l’Union Nationale des Economistes de la Construction (Untec) et co-auteur d’un rapport sur “BIM et gestion du patrimoine” dans le cadre du Plan Bâtiment Durable, Laurent Rossez, Directeur associé d’“AIA” (“Architectes-IngénieursAssociés”), l’une des plus grandes agences d’architectes françaises, et Président de Novabuild, association de professionnels du BTP du Pays de la Loire, et Véronique Routin, Directrice du développement et co-responsable du projet “ReFaire” auprès de la “FING” (“Fondation Internet Nouvelle Génération”). La modération des débats était assurée par Thaima Samman, avocate associée du cabinet d’avocats Samman. Société d’édition de logiciels d’entreprise regroupant 430 collaborateurs et 3600 clients pour un chiffre d’affaires de plus de 43 millions d’euros en 2013. Il s’agit du principal éditeur de logiciels dirigé par une femme. 2 Fédération professionnelle représentant plus de 3 000 groupes et sociétés françaises spécialisés dans les domaines de l'Ingénierie, du Numérique, des Etudes et du Conseil, de la Formation Professionnelle et de l'Evénement. 1 Un consensus a rapidement émergé sur un constat : les entreprises du secteur français du bâtiment ont de grandes difficultés à répondre, pour un prix compétitif, à la forte demande en logements en raison des nombreuses exigences qui leur sont imposées (normes et règlementations acoustiques, sismiques, thermiques, d’accessibilité, etc...) et de la hausse concomitante des coûts de construction. Les intervenants ont également tous considéré que les outils numériques, et notamment la maquette numérique, constituaient un moyen de construire et de rénover mieux, plus vite et moins cher, grâce à la gestion centralisée et rationalisée des données fournies par chaque acteur du projet de construction pendant les différentes phases du cycle de vie du bâtiment. Le secteur du bâtiment ne pourra cependant bénéficier des opportunités offertes par les outils numériques que si ses acteurs (architectes, ingénieurs, industriels, entreprises, …) acceptent de les intégrer sur le long terme à leur stratégie d’entreprise et de faire évoluer leurs méthodes de travail, ce qui implique un véritable effort de la part des pouvoirs publics en matière de formation et d’incitation financière. La « mission numérique du bâtiment » pilotée par Bertrand Delcambre, présent à la table-ronde, a donc été accueillie par les intervenants comme une impulsion bienvenue en faveur de la transition numérique du bâtiment, la mission devant déboucher au plus tard d’ici le début de l’année 2015 sur un plan d’action de grande ampleur aux modalités encore à déterminer. Selon les intervenants, deux principales difficultés devront être surmontées pour permettre une démocratisation des outils numériques auprès des professionnels du secteur : 98% des entreprises du bâtiment sont des petites structures de moins de 20 salariés, ce qui restreint leurs capacités d’accès aux outils numériques ; les acteurs de la construction ont naturellement tendance à travailler séparément au cours de la phase de préparation du projet – ce qui entraîne erreurs et frictions au cours de la phase chantier – et auront besoin, dans le cadre de l’utilisation d’outils collaboratifs tels que la maquette numérique, d’un cadre aux règles claires et sécurisées sur un plan juridique. Les intervenants ont finalement manifesté leur confiance dans la capacité du secteur à réussir la transition numérique, ce dernier ayant déjà su faire évoluer ses pratiques par le passé, via la maîtrise de nouveaux outils (ex : passage du papier au dessin assisté par ordinateur), et répondre à des problématiques complexes (ex : respect des exigences sismiques ou thermiques). (De gauche à droite) : Eric Lebegue, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) ; Pierre Mit, Union Nationale des Economistes de la Construction (Untec) ; Véronique Routin, Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) ; Adam Matthews, Autodesk ; Thaima Samman, Cabinet Samman ; Nicolas Mangon, Autodesk ; Viviane Chaine-Ribeiro, Talentia Software et Fédération SYNTEC ; Laurent Rossez, « Architectes, Ingénieurs, Associés » (AIA) et association Novabuild. COMPTE-RENDU INTEGRAL DE LA DISCUSSION Amar Hanspal, Senior Vice-Président groupe de produits Informations Modélisées & Plateformes (IPG) d’Autodesk, a introduit les débats en remerciant, au nom de la société, les participants de leur présence à la tableronde « Créer, construire autrement », organisée dans le cadre de la galerie éphémère « The future of how things are made : imaginer pour demain ». L’organisation de cette galerie, première du genre dans le monde depuis la création en 2010 de l’exposition originale à San Francisco, a été motivée par la volonté de mettre en valeur les capacités de création et d’innovation des créateurs et entreprises françaises et de montrer comment les outils numériques leur ont permis de développer leur créativité en même temps que leur compétitivité. Aujourd’hui, ces mêmes outils, dont le « BIM » (« Bâtiment & Informations modélisées »), pourraient, selon lui, apporter une réelle plusvalue à des secteurs en difficulté comme celui du bâtiment. Amar Hanspal a ensuite rendu hommage aux nombreuses initiatives lancées par les pouvoirs publics français en faveur du passage du secteur de la construction à l’ère numérique (transposition de la directive marchés publics3, travaux du groupe « Objectif 500 000 », « Mission numérique du bâtiment » menée par Bertrand Delcambre, présent à la table-ronde « Créer, construire autrement », etc…) avant de laisser place au débat. Pierre Mit, Président de l’Union Nationale des Economistes de la Construction (Untec) et gérant de la SARL Cabinet Mit, société d’économie dans le secteur du bâtiment, a entamé la discussion en qualifiant l’état des lieux du secteur du bâtiment de « malmené » : il importe donc aujourd’hui de trouver des solutions afin de faciliter et d’augmenter la construction de logements en France. Il a ensuite rappelé que la maquette numérique semblait faire l’unanimité en tant qu’outil permettant de mieux collaborer pendant les différentes phases du cycle de vie d’un bâtiment4 et de repérer les éventuelles erreurs et difficultés avant le début du chantier. Cependant, les logiciels disponibles sur le marché (qu’ils soient fabriqués par Autodesk ou d’autres) ne pourront, selon lui, jouer leur rôle dans la relance du secteur que si les acteurs concernés font le choix de les utiliser et parviennent à trouver des moyens de travailler ensemble. En effet, ces solutions techniques ont été créées dans le cadre d’une réflexion de l’offre vers la demande : il faut donc maintenant un signal fort des pouvoirs publics, en l’occurrence la « mission numérique du bâtiment » pilotée par Bertrand Delcambre, afin de fédérer les parties prenantes. Enfin, Pierre Mit a tenu à rappeler que les outils numériques ne sont pas une « révolution » mais plutôt une « évolution » naturelle des modes de fonctionnement des acteurs. Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. 4 Préparation, construction et maintenance : la centralisation d’informations fiables et pérennes devrait en faciliter le déroulement. 3 Bertrand Delcambre, ancien Président du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et Ambassadeur des technologies numériques dans le secteur de la construction, a présenté les contours de la « mission numérique du bâtiment » qu’il conduit depuis le mois de juillet 2014, sous l’égide du ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité. Son objectif : utiliser le numérique comme un élément de rupture positive pour le secteur du bâtiment, de façon à construire et rénover mieux, plus vite et moins cher. Sa forme concrète : le lancement d’un plan de déploiement massif du numérique dans le bâtiment entre aujourd’hui et le début 2015. Bertrand Delcambre a souligné le fait que les grandes entreprises françaises (exemples cités : Vinci, ArchitectesIngénieurs-Associés, Artevia ou encore Egis) avaient déjà embarqué à bord du « train du numérique », dans le but de répondre à des appels d’offres internationaux, et servaient aujourd’hui d’exemples en la matière. Selon lui, le principal obstacle à l’adoption massive des outils numériques par les professionnels du bâtiment est le fait que 98% des 300 000 entreprises du secteur sont des petites structures de moins de 20 salariés. L’adhésion de ces petites entreprises au futur plan de déploiement nécessite donc de répondre à certaines problématiques, notamment en matière de financement, de formation des professionnels ou encore de caractéristiques des outils, applications et systèmes disponibles (interopérabilité, fiabilité, harmonisation des logiciels, etc…). Viviane Chaine-Ribeiro, Présidente de la société Talentia Software et Présidente de la Fédération SYNTEC, a considéré que les outils numériques allaient faire entrer le secteur du bâtiment et toute sa chaîne de valeur dans une nouvelle ère pour répondre à la fois aux attentes grandissantes des usagers en termes de maisons connectées, de villes intelligentes et de sécurité5 ainsi qu’aux contraintes règlementaires toujours plus élevées (accessibilité, efficacité énergétique, etc…). Selon elle, la multiplication des règlementations « environnementales et énergétiques » va rendre nécessaire de trouver des solutions rendant possibles la compilation, la transmission, le stockage et la réutilisation des données liées au bâtiment : c’est là que les outils numériques (maquette numérique, carnet de santé numérique de l’immeuble…) ont un rôle à jouer. En effet, ces derniers permettront une centralisation des données, et donc de la richesse apportée par tous les acteurs à chaque étape de la vie du bâtiment, pour une gestion facilitée, plus efficace et une réduction des coûts et des délais. Viviane ChaineRibeiro a néanmoins partagé le diagnostic fait précédemment par Bertrand Delcambre : au-delà de l’impact du numérique sur les modèles économiques des entreprises, il y aura des problématiques à résoudre en matière de formation et de transfert des compétences. 5 Des personnes et des biens. Laurent Rossez, Directeur associé d’“AIA” (“Architectes-Ingénieurs-Associés”) et Président de l’association Novabuild, a tout d’abord présenté l’approche globale poursuivie par l’agence AIA dans le cadre de ses projets, celle-ci reposant sur la réunion de tous les talents (architecture, ingénierie, conception et urbanisme) pour une mise en commun des compétences. Il a ensuite considéré que le secteur du bâtiment se trouvait aujourd’hui à la croisée des chemins car les acteurs doivent aujourd’hui mener des projets de plus en plus complexes tout en restant compétitifs (de même, l’espace urbain doit se réinventer pour répondre à des exigences renforcées, notamment en matière énergétique et environnementale). La satisfaction de la demande de logements en France se heurte cependant à la hausse du coût des matériaux, des transports et de la main d’œuvre. Il a partagé l’avis de Viviane Chaine-Ribeiro : la solution à cette équation complexe repose dans un investissement sur la « matière grise », sur l'intelligence collective en amont des projets pour une optimisation des concepts, procédés et méthodes constructifs au service de la qualité (sorte de LEAN appliqué au chantier permettant de supprimer les retards, le manque de données, les défauts et les rebuts). Pour permettre cela, il est opportun d'investir dans l’utilisation des outils numériques pour fonctionner "en plateau" grâce à la maquette numérique partagée et faciliter la réflexion en commun des acteurs (« intelligence collective ») tout au long du projet. Selon Laurent Rossez, les difficultés actuelles du secteur viennent en partie du fait que les pratiques n’ont pas véritablement évolué en un siècle, chacune des entreprises parties au projet de construction ayant tendance à travailler indépendamment des autres au cours de la phase préparatoire, le manque d’intelligence collective créant naturellement des erreurs ainsi que des frictions au moment de la phase de construction. Une meilleure préparation en commun du projet permettrait de dégager des économies substantielles sur la phase construction6, ce dont les pouvoirs publics commencent à prendre conscience, à en juger par les nombreuses initiatives publiques actuelles liées à la maquette numérique. Nicolas Mangon, Directeur général de la stratégie et du marketing pour l’Architecture, l’Ingénierie et la Construction (AEC) auprès de la société Autodesk, a dressé un bref état des lieux sur le déploiement du BIM à travers le monde, les commandes de projets pouvant porter sur un bâtiment ou sur un quartier entier. Les exemples des villes de Doha (Qatar) et de Tokyo (Japon), ont été donnés : Doha a ainsi fait numériser son entière superficie afin de voir comment fonctionnent les bâtiments et réseaux et permettre le partage des données ainsi que leur mise à jour par les entreprises y réalisant des travaux ; de son côté, Tokyo va utiliser le BIM pour 3 stades et extensions d’aéroport dans le cadre des jeux olympiques 2020. Si la vitesse d’adoption du BIM est différente selon les pays7, il existe, selon Nicolas Mangon, une véritable Une journée de chantier coûte 10 fois plus cher qu’une journée de préparation or, les professionnels avaient tendance à essayer de réduire les coûts de chantier plutôt que de préparer davantage leur projet, ce qui leur aurait pourtant in fine permis de faire plus d’économies. 7 Les pays leaders en la matière sont Singapour, le Royaume-Uni, la Chine et la Corée même si Nicolas Mangon a semblé remarquer un véritable enthousiasme de la France pour le BIM. 6 prise de conscience de ses avantages en matière de qualité, de coût8, de délai, d’émissions de CO² ou encore de consommation d’énergie. Nicolas Mangon a ensuite rejoint le consensus général : les méthodes de travail des acteurs du bâtiment doivent évoluer. Les méthodes traditionnelles ont en effet incité les professionnels à gérer des données incomplètes, voire des rebuts ou des déchets. Une modélisation 3D avec prise en compte de toutes les infos physiques, mécaniques ou économiques fournies par chaque acteur pourrait permettre, d’ici 3-4 ans, de mener des projets où tout est décrit de A à Z, ce qui se traduirait en une réduction des prix et des délais9, comme cela s’est vu à l’étranger. Selon lui, les outils numériques présentent d’autres avantages non négligeables : ils rendront possibles de contrôler le dialogue entre le bâtiment construit et le reste de la ville, ce qui a un intérêt en matière de gestion intelligente de l’énergie, et la fiabilité des données stockées et échangées facilitera les travaux de rénovation et d’adaptation aux besoins des usagers (exemple de l’accessibilité des logements pour les personnes âgées). Nicolas Mangon a cependant noté, de la même façon que les autres intervenants, qu’il sera nécessaire de résoudre certaines problématiques d’investissement ou encore de formation pour rendre possible l’adoption massive des outils numériques par le secteur de la construction : il a illustré ses propos par l’exemple de certains clients d’Autodesk qui ne pouvaient pas, en raison de leur petite taille, dépêcher un ou plusieurs de leurs salariés pour apprendre à se servir du BIM. De même, l’encadrement juridique de la collaboration des acteurs du projet de construction nécessite une véritable réflexion, notamment en matière de responsabilité et de mise en œuvre des organismes d’assurance. Enfin, il peut être compliqué de convaincre les sociétés manufacturières de fournir les bibliothèques nécessaires au fonctionnement de la maquette numérique. Bertrand Delcambre s’est montré très intéressé par l’intervention de Nicolas Mangon et s’est dit ravi d’avoir pu entendre les différents échanges, la France devant, selon lui, tirer profit des expériences étrangères. Si les éditeurs de logiciels tels qu’Autodesk ont un rôle crucial à jouer dans le passage du secteur de la construction à l’ère numérique, il a de nouveau rappelé que l’évolution des manières de faire des professionnels sera la clé de la réussite de cette transition, raison pour laquelle il importe de caler les outils disponibles sur leurs besoins. Bertrand Delcambre a tenu à rappeler que la France avait la chance d’avoir un « grand collectif » (architectes, ingénieurs, industriels, entrepreneurs, etc…) et que le grand plan devant succéder à la « mission numérique du bâtiment » sera une opportunité de rassembler tous ces talents dans un objectif commun. 8 Une partie substantielle (jusqu’à 75%) des coûts liés au bâtiment sont dus à la maintenance. Le BIM pourrait permettre de réduire ces coûts. 9 Jusqu’à 3 fois plus vite. Véronique Routin, Directrice du développement et co-responsable du projet “ReFaire10” auprès de la “FING” (“Fondation Internet Nouvelle Génération”), s’est livrée à une présentation des possibles utilisations des outils numériques par les consommateurs, telles qu’observées dans le cadre du programme « ReFaire ». Elle a ainsi rappelé que le concept d’ « intelligence collective », déjà cité par d’autres intervenants, était déjà mis en pratique par les utilisateurs. Ainsi, si le phénomène du « Do it Yourself11 » existe depuis de nombreuses années (exemple classique de l’inventeur dans son garage), le numérique a facilité la création de véritables communautés (souvent composées d’amateurs) reposant sur 3 piliers : ouverture, partage, faire. Les utilisateurs s’échangent ainsi des fichiers 3D et autres plans (toute la documentation est publique) sur le réseau et créent de nouveaux types d'objets12 (objets ouverts, objets communautés, objets à terminer, ...). Le phénomène a pris une nouvelle ampleur avec la participation de grands industriels à la réalisation de certains projets (exemples de Sony avec l’ouverture d’une usine en Ecosse pour la fabrication de la puce Raspberry Pi ou encore de Ford avec l’ouverture d’un Tech Shop à San Francisco). Les capacités créatrices de ces inventeurs amateurs peuvent d’ailleurs toucher le domaine du logement comme l’a montré le projet FabLab House (projet collaboratif de construction de maison solaire) mené à Barcelone. A l’issue de ce premier tour de table, Laurent Rossez a tenu à rassurer sur la capacité du secteur à réussir la transition numérique. Ce n’est en effet pas la première fois que le bâtiment a dû faire évoluer ses pratiques pour répondre à certaines problématiques complexes (exemples du passage de l’écrit à « autoCAD », entrée en vigueur de la règlementation thermique 2012, nouvelles normes sismiques, …). Cependant, plusieurs conditions doivent être réunies : les jeunes arrivants sur le marché du travail doivent être des « BIM makers », à l’aise avec les outils numériques ; le transfert des compétences d’autres secteurs (institutionnel, académique, industriel, etc…) doit être facilité pour un meilleur partage des connaissances et pratiques ; le management des entreprises du secteur doit évoluer pour encourager l’adoption d’outils comme la maquette numérique. Si ces conditions sont remplies, le bâtiment sera d’ici 10 ans le secteur intégrant le plus de technologies depuis l’automobile. Viviane Chaine-Ribeiro a ensuite manifesté son accord avec Laurent Rossez sur le sujet du management. Selon elle, il existe une certaine dichotomie, dans de nombreux secteurs économiques dont celui de la construction, entre, d’un côté, des jeunes plus adaptables et plus ouverts aux outils collaboratifs et, de l’autre, des personnes plus âgées se trouvant aujourd’hui obligées de faire évoluer des pratiques qui ont été les leurs pendant de nombreuses années. Cela pose, pour Viviane Chaine-Ribeiro, un véritable challenge car la transition numérique va nécessairement entraîner, en plus d’une transformation des façons de faire, une modification des relations hiérarchiques au sein des entreprises. Il faut donc trouver des moyens de laisser la créativité de chacun s’exprimer dans le cadre de la transition numérique en cours. Laurent Rossez a complété cette analyse en Tour d’horizon des Fab Labs pour étudier les pratiques numériques dans le monde physique. Plus d’informations sur http://fing.org/?-ReFaire-nouvelles-pratiques-. 11 « Faîtes le vous-même » en Français. 12 Typologie des objets crées disponibles sur http://bit.ly/1uuAzIc. 10 rappelant que le secteur du bâtiment devait également s’atteler à résoudre un autre défi : l’amélioration de la qualité des espaces de vie dans la ville. Les jeunes citoyens sont en effet plus sensibles, selon lui, à cet aspect et pourraient choisir de quitter une ville à la qualité de vie dégradée, ce qui aurait un impact négatif sur l’économie locale. Au cours des échanges avec le public, Eric Lebegue, Directeur adjoint de la division « technologies de l’information et de la communication » du CSTB, a, après avoir rappelé les problématiques que le CSTB cherche à résoudre en collaboration avec la « mission numérique du bâtiment » de Bertrand Delcambre13, demandé à Autodesk comment rendre disponible le BIM aux petites structures, soit 98% des entreprises du secteur français du bâtiment. En réponse, Nicolas Mangon, après avoir rappelé que la France était le 3ème pays en nombre d’entreprises dans le monde de l’ « AEC »14 (Architecture, Ingénierie et Construction), a précisé qu’Autodesk était en cours d’élaboration de systèmes de location à destination des petites entreprises. Pierre Mit a également insisté sur la nécessité d’intégrer les petits acteurs dans la démarche menée en faveur des outils numériques dans le bâtiment, sous peine de rester dans l’attentisme. Selon lui, le bâtiment est un malade soufrant de plusieurs pathologies. Le guérir demandera surtout de la prévention, notamment grâce à l’intelligence collective rendue possible par le BIM15. Cependant, les professionnels utilisant les outils devront être mis au cœur de la réflexion. La place du bâtiment dans la ville devra également être repensée. Pour Pierre Mit, la France n’est pas en retard : chacun peut trouver dans le BIM une solution à un problème qu’il se pose. Aujourd’hui est le bon moment pour agir et trouver des solutions aux problématiques posées (financement, formation, etc…). Amar Hanspal a clôturé les débats en remerciant à nouveau les intervenants de leur présence. D’après son expérience, les problématiques françaises sont très similaires à celles des autres pays (recherche de meilleurs résultats, réduction des coûts, création d’un monde plus durable, …). Les défis à relever concernent selon lui les gens, la culture et les processus mais pas les technologies déjà disponibles. En tout état de cause, le dialogue est ouvert et il serait ravi de le poursuivre avec les autres parties prenantes. Comment réunir les acteurs autour du BIM ? Quels standards pour les logiciels, applications et systèmes ? Comment répondre aux problématiques juridiques liées à cet outil ? Quel financement ? 14 Après la Chine et les Etats-Unis. 15 La mise à jour du carnet de santé du bâtiment sera également un enjeu majeur. 13