Contes berbères de Kabylie et de France de Mélaz Yacouben

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Contes berbères de Kabylie et de France de Mélaz Yacouben
Contes berbères de Kabylie et de France de Mélaz Yacouben
éditions Karthala (1997).
L’auteur est né(e) en Kabylie maritime à la fin des années soixante.
Auteur d’une thèse sur la littérature orale berbère, elle a enregistré des conteuses kabyles.
Le champ d’investigation correspond à une région berbérophone algérienne : la Kabylie.
Cependant, au fil des pages, nous observerons des comparaisons avec l’ensemble du monde berbère
et même avec les traditions occidentales.
Cette région a su sauvegarder, tout au long des siècles, et malgré les invasions subies, les pratiques,
les croyances, la culture et la langue ancestrales.
La littérature orale berbère est riche.
Ibn Khaldun (l’histoire des berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale)
affirme « les berbères racontent un si grand nombre d’histoires que si on prenait la peine de les
mettre par écrit, on en remplirait des volumes ».
Histoires des berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, traduit de l’arabe
par le baron Slane .Alger 1852.
Camille Lacoste-Dujardin, grande spécialiste du conte kabyle a mis l’accent sur la richesse de
contenu et sur l’intérêt que ces contes peuvent présenter (étude ethnologique).
De nombreux contes riches en prose : histoires d’ogres, récits merveilleux …
« Littératures berbères : des trésors de l’oralité » en l’état du Maghreb, Paris, la Découverte, 1991.
Léo Frobenius reconnaît la valeur des contes kabyles.
Le conte avant d’être un sujet d’études, est une distraction qui a fortement marqué les esprits,
puisque les kabyles à l’âge adulte en font encore mention. Comme Mouloud Mammeri dans la
« colline oubliée » 1978 , comme Idir dans sa chanson « A vava Inouva », et comme Cherif
Kheddam qui souligne le rôle important de cette forme littéraire dans la vie des kabyles.
La Kabylie appartient à la zone montagneuse de l’Algérie. Les montagnes étaient organisées en
villages, les habitants vivaient dans le cadre d’une famille élargie. Sous le même toit vivaient
regroupés le patriarche, sa femme, leurs fils, leurs belles- filles et leurs petits enfants.
Le patriarche commandait l’extérieur, l’épouse ; l’intérieur. Les tâches ménagères incombaient aux
filles encore au domicile et aux belles-filles. Ce type d’organisation permettait de réunir un vaste
public, de donner un ton solennel et social aux contes.
L’auditoire :
Les gens de la maison autour de la narratrice. (Les femmes et les enfants), parfois des voisins.
Les hommes sont absents de ces assemblées ainsi que les adolescents.
Hebri Basset « Les hommes n’écoutent point les contes ils les dédaignent ; ils ont d’autres
occupations ou d’autres distractions plus viriles. »
Pour eux le conte est considéré comme une distraction typiquement féminine…Et il est impensable
dans la société kabyle que des hommes aient les mêmes loisirs. Ils le tiennent pour contraire à leur
dignité.
Le temps du contage :
En hiver, car les nuits sont longues donc propices à la veillées au coin du feu. (Jamais en plein jour).
Car si les conteuses contaient le jour, elles s’exposeraient elles-mêmes et leurs proches au danger.
(Les maladies sont redoutées : surtout la teigne).
Le conte est comme un rite magique, sacré, il faut la nuit noire, que les membres de la maisonné
aient mangés, que le ménage soit fait, que les hommes aient quittés la pièce (pour se rendre à la
mosquée ou chez des amis) ou qu’ils se soient isolés dans un coin.
Une fois toutes ces conditions réunies l’auditoire peut enfin se réunir et s’adonner au plaisir de
l’écoute.
La conteuse :
C’est la femme la plus âgée du groupe, investie par le groupe du pouvoir de raconter. Il faut qu’elle
ait écouté beaucoup de contes dans sa jeunesse pour avoir un large répertoire et s’être formée à l’art
de la parole.
La narration de contes merveilleux n’aient pas anodine…C’est une activité dangereuse car elle met
en branle les forces du surnaturel qui échappent au contrôle humain. Elle doit se protéger, prendre
des précautions en formulant des rituels au début et à la fin de chaque conte.
Les formules varient suivant les régions. (Contenu pourtant identique).
Les formules initiales :
Avant d’entamer un conte la femme prononce « Conte ! Que Dieu le rende agréable et (l’allonge)
comme une tresse ! » Citation de Germaine Laoust-Chantréaux. (La vie féminine à Aït). 1937-1939
édisud. Aix en Provence.
Parfois, la conteuse ne prononce qu’un seul mot. Il s’agit du terme « Amachao ! » qui est le
« sésame ouvre-toi ! » des contes berbères de Kabylie.
A savoir de nos jours les formules se perdent.
Les formules finales :
Pour conclure un conte, nous trouvons systématiquement une malédiction contre les chacals.
Exemples cités par Laoust-Chantréaux Germaine.
« Que Dieu anéantisse les chacals !
Quant à nous, qu’ils nous pardonnent !
Que Dieu extermine les chacals et qu’il nous pardonne !
Le chacal, que Dieu le maudisse !
Nous, que Dieu ait pitié de nous !
Le chacal va dans la forêt ;…
Exemples cités par Basset Henri.
...Nous, que Dieu nous fasse miséricorde !
Les chacals, que Dieu les extermine !
Cette allusion est récurrente et présente dans chacune des formules finales.
Pourquoi le chacal ?
D’après Basset, le chacal est l’animal expiatoire des berbères depuis des temps immémoriaux.
(Cérémonies très anciennes, où le chacal était sacrifié).
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