Libération : M. le messie

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Libération : M. le messie
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Mehdi Belhaj Kacem, 33 ans l'an prochain, philosophe écrivain. Il
mixe «Matrix», marxisme et films X mais ses poses christiques
et ses prophéties lui valent de nombreux détracteurs.
M. le messie
Par Emmanuel PONCET
lundi 13 juin 2005
n futur «BHL» à entarter d'urgence ? Ou le
messie intello radical et singulier, enfin jouable
imprimer l'article
par les trentenaires pleurnicheurs ? Elle le rêve
déjà en possible «porte-parole intellectuel». Comme
envoyer l'article
il fut le chouchou littéraire de Libération ou des
articles les plus envoyés
Inrockuptibles. De fait, cet autodidacte obstiné
écrire à l'auteur de l'article
(juste le bac) reste plus créatif et moins normatif
que la plupart de ses congénères. Moins bien coiffé
aussi. Eternel étudiant postdeleuzien, il affiche une
vitalité insolente, développe une pensée joystick
originale dans un style amphigou-lyrique inimitable.
Pour sortir l'époque de sa négativité, ce fils
d'informaticien chez Bull a opportunément incorporé
dans son logiciel personnel (et remixé dans une
dizaine de romans ou essais) les paramètres
essentiels des années 2000 : sexe, mensonges et
jeux vidéo ; Tomb Raider, Matrix et Hot Video.
Mieux : à lui tout seul, il se voit réaliser le
dépassement dialectique ultime : ranimer la
communauté désenchantée en réactivant ses
pulsions politiques et dionysiaques étouffées. Seul
problème, récurrent chez ce type de génie
générationnel : à quel prix applique-t-il son
séduisant programme ?
A son âge, en effet, il compte déjà plus d'ennemis
au compteur qu'un soixante-huitard renégat. MBK
dispute d'ailleurs à BHL, outre des initiales
trademark, une étonnante faculté à capter sur sa
personne très douce et placide, la haine passionnée
comme l'engouement déraisonnable. Son ex-femme,
la romancière Chloé Delaume, se demande
ironiquement si son «blaireau d'ex-mari» ne va pas
finir en «couverture de Voici comme Beigbeder». Le
dramaturge Frank Laroze, cofondateur de la revue
Evidenz avec lui et Delaume, le crucifie d'un «MauditBel Age-Ça s'aime !» Calembour achevé par un
ancien compagnon de route philosophique : «Un
enfant gâté, mytho et vampirisant.» Boum.
En guise de tarte à la crème, Mehdi Belhaj Kacem a
failli recevoir un pot de 10 litres de peinture
acrylique sur la tête. Invité en mai à un débat à l'Ile
enchantée, un bar de Belleville, l'ancien membre de
groupuscules situationnistes s'est vu accusé d'être
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Mehdi Belhaj Kacem
en 6 dates
1973
Naît à Paris. Puis part en
Tunisie.
1986
Revient en France. Etudie
à Saint-Cloud (Hauts-deSeine).
1990
Ecrit Cancer, son premier
roman, à 17 ans.
2001
Tombe dans la philo
hardcore.
2002
Fait l'acteur dans
Sauvage innocence de
Philippe Garrel.
2005
Promeut Pop philosophie
avec Philippe Nassif
(Denoël).
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«une sous-chiure du capital» et des médias. Serait-il
donc devenu un horrible «agent du spectaculaire
intégré» (Debord) pour avoir posé en gravure de
mode, avec David Bowie, ou fait l'acteur pour
Philippe Garrel? Réponse kacemienne : «Tant que
notre génération se branlera sur le spectacle et
l'antispectacle, on ne s'en sortira pas !» Suscite-t-il
alors cette jalousie féroce qu'inspirent les
autodidactes, capables de congédier Heidegger ou
Derrida en une ligne, sous le regard atterré des
universitaires titrés ? Pas impossible.
Mehdi Belhaj Kacem se reconnaît volontiers
quelques «défauts christiques». Une façon de tracer
son chemin sans ciller. «J'ai eu ma propre trajectoire
diagonale. J'ai commencé tout jeune. J'étais curieux.
J'ai traversé tous les lieux.» La Méditerranée
d'abord. Né d'un père tunisien, d'origine paysanne,
informaticien chez Bull, et d'une mère française,
traductrice en entreprise, il passe ses treize
premières années près de Tunis. Avant de revenir à
l'adolescence en région parisienne. Son «éducation
coranique et tunisienne» lui fait revendiquer
fermement une personnalité de Français d'origine
arabe. Surtout depuis le 21 avril 2002. « Le jour de
Le Pen, mon père retournait s'installer
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définitivement en Tunisie.Troublante coïncidence,
même s'il le faisait pour raisons personnelles.»
Volontiers parano («Un paranoïaque sensitif qui ne
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jeux
se soigne pas», décrit Chloé Delaume), Mehdi croit
discerner dans les attaques dont il fait l'objet un
fond crypto-raciste. «J'ai longtemps été le bon
Arabe, comme il y a eu le bon juif. D'autant plus
détestable, qu'il est indistinguable.»
Pourtant, certains anciens amis rigolent de sa
promptitude à convoquer le costume mal taillé de
«pauvre petit immigré rebeu». Rappelant son
enfance à La Marsa, la banlieue chic de Tunis, ses
années lycée à Saint-Cloud, la deuxième ville la plus
comparer les prix
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riche de France. Sa belle maison familiale en
Corrèze, où il séjourne régulièrement. Sa famille
maternelle descendant de Montgolfier, l'inventeur de
la montgolfière. Sa grand-tante, la décoratrice
Andrée Putman, etc. Son explication peut
convaincre : «Pour moi, comme pour les Arabes
musulmans, il n'y a pas de différence entre le
profane et le sacré. J'évolue indifféremment entre
les deux sphères.» La radicalité underground comme
la complaisance médiatique. Encore «prisonnier de
ses divisions chrétiennes», il revendique la
possibilité d'«écrire 1 200 pages de philosophie et
d'être un pur corps au cinéma». Il a même théorisé
cette «pensée existentielle ludique» sous la forme
du «trickster», terme qui désigne la posture du
«joueur», celui qui s'amuse avec le système. Son exfemme Chloé Delaume évoque un homme «qui
plane à quinze mille, un "poète maudit" qui
entretient un rapport abracadabrant avec l'argent».
Ses copines et amis l'entretiennent souvent. Quand
Mehdi mûrissait son oeuvre, Chloé faisait hôtesse de
bar à Montpellier. L'éditeur Leo Scheer a longtemps
pourvu aux besoins du couple «Sartre et Beauvoir»
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le plus gothico-trash. Sans jamais recevoir un
bouquin de celui qu'il promettait au Goncourt.
Ecrivant quinze heures et fumant quinze cigarettes
Brooklyn par jour, Mehdi ne sera jamais salarié. Sur
ses revenus actuels, il répond : «Ah bon, mais ça se
pose ça comme question ?» Tristram, son éditeur
«historique», le fait vivre. Fidèle à sa réputation
d'errant pique-assiette (mais plus alcoolique), il
squatte encore des amis parisiens bienveillants.
«C'est un révolutionnaire de salon, surtout celui de
ceux qui l'ont hébergé», dit Frank Laroze, qui se
rappelle l'avoir aidé. Mehdi ne s'en souvient pas.
Renvoyant les critiques à des «objections
psychologisantes, du dépit amoureux». Ajoutant
pour les persifleurs : «Il n'y a que des
révolutionnaires de salon... tant qu'il n'y a pas de
révolution !»
Sur le modèle de son père spirituel, l'ex-maoïste
Alain Badiou, il remplace le mot «révolution» par
«événement». Moins connoté. «Les maoïstes ont eu
raison sur beaucoup de points», dit-il page 183 de
son dernier livre. Très remonté contre «le fascisme
démocratique latent», il boycotte les urnes depuis le
21 avril 2002. A cette époque, il constate la «chute
de la démocratie médiatico-parlementaire» dans un
texte pertinent quoique naïf sur la forme (refusé par
Libération). Dénonce l'instrumentalisation de Le Pen
remis systématiquement au «centre» du jeu
politique pour conforter les pouvoirs en place.
Boycottage logique du référendum.
En revanche, il admet de mystérieuses activités
militantes. Dit «notre bande» pour parler de son
(nouveau) groupe d'apôtres. Avec eux, Mehdi «le
messie» (en arabe) attend l'«évènement» futur.
L'irruption de «réel» qui comblera enfin le «besoin
d'ethos collectif» chez une «jeunesse gore et trash,
où tout le monde se crache dessus». La preuve : ses
anciennes «bandes», les revues Evidenz ou Tiqqun,
n'ont pas digéré son interprétation joueuse du
«pacte moral» qui, selon eux, les liait. Une façon
perso «de tout réécrire à son avantage» (Delaume)
qui jette un froid sur son énergie à vouloir
«désinhiber philosophiquement (sa) génération».
photo OLIVIER ROLLER
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