Logiciels libres - Association des Maires Ruraux de France

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Logiciels libres - Association des Maires Ruraux de France
Logiciels libres :
de nouvelles libertés
pour les communes ?
Numéro 251 - décembre 2007-janvier 2008
Le non-dit
des politiques agricoles communes
Espaces naturels :
comment dompter les loisirs motorisés
Article 89 : on mobilise !
Sommaire
Editorial
Vous avez dit : « libres » ?
Editorial
– Vous avez dit : « libres » ?
par Gérard Pelletier
p. 2
Nous sommes à l’ère des nouvelles vertus. Comme le commerce doit
être équitable, le développement se doit d’être durable et les logiciels
libres.
Dossier
– Logiciels libres : de nouvelles libertés
pour les mairies ?
p. 3
– Le Libre choix des députés
p. 6
– Libre ou propriétaire ?
arguments croisés
p. 7
Dans la jungle des médias devenus multimédias, il est bien difficile
de s’y retrouver et tout piratage étant exclu pour le bénéfice des
collectivités, celles-ci ont pris l’habitude naturelle de se confier au giron
des grands fournisseurs de programmes et systèmes
d’exploitation divers.
Actualité
– Mobilisation pour l’abrogation
de l’article 89
– Indemnités des élus :
motion de l’AMR 25
pour une attribution systématique
p. 9
Réseau
Parallèlement, notre architecture naissante de grand
système interconnecté se dirige vers l’échange informatique via Internet pour la plupart des tâches partagées de type Etat-collectivités et collectivités entre
elles. Dans la discussion entre l’Etat et ses partenaires,
il arrive forcément un moment où la question se pose :
qui paie quoi ?
– Congrès 2007 : « Les maires ruraux
n’entendent pas être oubliés »
p.10
– Dompter les loisirs motorisés
p.12
L’Etat a quant à lui trouvé la solution : « Bon Dieu, mais c’est bien sûr, il
suffit de prendre les logiciels libres ! ». Ce qui a au moins l’avantage de
ne rien lui coûter, à cet Etat qui se contente d’exiger sans faire, et surtout
sans payer pour principe de base. Et en faisant payer aux autres le coût
résiduel de ses caprices.
p.14
Les plumitifs qui préconisent la solution du logiciel libre ne les utilisent
certainement pas, laissant à leur secrétaire le soin de gérer leur boîte
mail et leur emploi du temps grâce à des logiciels qu’ils ne veulent
même pas connaître.
Analyse
– Le non-dit des politiques agricoles
communes
En couverture : Vellemoz (Haute-Saône)
Photo HC/AMRF
ORGANE OFFICIEL
DE L’ASSOCIATION
DES MAIRES RURAUX DE FRANCE
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Pour faire simple, un logiciel est dit « libre » quand son utilisation est
gratuite. François Paour nous disait naguère que ce qui était gratuit était
sans valeur. Je serai moins dur pour l’exemple des logiciels. Ils sont le
fruit de travaux de philanthropes auxquels il est nécessaire de rendre
hommage. Certains d’entre eux ont aussi une caractéristique essentielle :
quand on les utilise tous les jours, on les abandonne vite.
Grand dispensateur de leçons données aux autres et jamais appliquées
à lui-même, l’Etat sera assez aimable de laisser aux collectivités le choix
de leurs logiciels.
On n’attend pas d’autre cadeau de lui.
Gérard Pelletier, maire de Raze (Haute-Saône),
Président de l’AMRF
Dossier
Logiciels libres : de nouvelles libertés
pour les mairies ?
Après la Gendarmerie et plusieurs ministères, c'est l'Assemblée Nationale qui a adopté cet été les
« logiciels libres ». Plus de Windows, de suite Microsoft Office, d'Outlook ou d'Explorer. Les députés
travailleront avec des logiciels moins connus répondant aux noms d'Ubuntu (Linux),
OpenOffice.org, Firefox ou encore Thunderbird.
Apparus il y a quelques années seulement, les logiciels libres prennent place peu à peu dans
l'administration. Seront-ils demain dans les mairies ? Même si les maires ne sont pas forcément ceux
qui utilisent le plus les ordinateurs, ils doivent comprendre de quoi il s'agit en vue de futures décisions : la
question de l'adoption des logiciels libres se posera sans doute lors du prochain mandat.
Libre... de comprendre
Monsieur Jourdain, le Bourgeois
Gentilhomme de Molière, faisait de la
prose sans le savoir. Nombreux sont
ceux qui, comme lui, ignorent qu'ils
utilisent
quotidiennement
des
« logiciels libres », en particulier lorsqu'ils se servent d'Internet : la majorité des sites web fonctionne grâce un
logiciel serveur libre. De très
nombreux sites web sont publiés à
l'aide de logiciels libres – comme
celui de l'AMRF. Quant à votre votre
courrier électronique, il y a de fortes
chances pour que votre fournisseur
d'accès le gère à l'aide d'un logiciel
libre.
Les exemples évoqués concernent
des ordinateurs puissants, utilisés par
des informaticiens professionnels.
Mais les logiciels libres commencent
également à trouver leur place sur nos
PC (et Macintosh) de bureau. Et pour
cause : installer sur son ordinateur la
suite bureautique OpenOffice.org, le
concurrent libre de de Microsoft
Office, ne demande aucune compétence en informatique. Il suffit de
quelques clics. L'utilisation de son
traitement de texte, de son tableur ou
du logiciel de présentation est très
proche de celles des outils familiers
vendus par Microsoft... mais ceux-ci
sont gratuits et utilisables sans conditions !
L'importance de la recette
Les caractéristiques principales des
logiciels libres concernent a priori
plus ceux qui les conçoivent que
ceux qui les utilisent. Pour autant, les
conséquences sont importantes pour
les utilisateurs et méritent donc
quelques explications.
Tout logiciel est composé d'un « code
source » : ce sont les lignes de
programme qui définissent ses fonctions, son mode de traitement des
données ou encore son apparence.
Aujourd'hui, dans la majorité des
logiciels le code source est tenu
secret. Ces logiciels sont dits
« propriétaires ». Tandis que les
logiciels libres ont pour première
caractéristique de ne rien cacher :
leur code source est public.
Imaginons qu'il soit question non pas
d'informatique mais de cuisine. Plus
précisément, de tourte de pommes de
terres plutôt que de logiciel. Selon les
Ces logiciels « libres » et gratuits
n’ont rien à envier à leurs
équivalents
« propriétaires » payants.
Peut-être équiperont-ils bientôt
les ordinateurs de votre mairie.
Ci-dessus : le logo d’Ubuntu.
Ci-dessous : OpenOffice.org,
Firefox et Thunderbird.
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Dossier
Dessin : A. Heckert (licence
Free art)
Dessin de Larry Ewing, réalisé avec
le logiciel libre Gimp
« Logiciel libre » ou « open source » ?
Vous lirez parfois dans la presse le terme « logiciel open source »
(sources ouvertes) plutôt que « logiciel libre ». Ces deux expressions
correspondent à des logiciels répondant à peu de choses près aux mêmes
principes – même si les partisans de l'une ou l'autre chapelle voient
surtout leurs différences.
A vrai dire, le résultat est sensiblement le même et ne concerne pas directement les utilisateurs : la totalité des logiciels libres est open source et la
quasi-totalité des logiciels open source sont des logiciels libres... Pour
plus de simplicité, nous avons donc adopté le terme logiciel libre.
l'on veut réaliser un logiciel de comptabilité conforme à la M 14 : il suffira
de développer les fonctions spécifiques à la comptabilité publique.
Dernière caractéristique : tout le
monde a le droit d'utiliser et de redistribuer un logiciel libre, en général à
la condition que les modifications
apportées soient à leur tour reversées
au pot commun du code « libre ».
C'est ce qui fait la différence entre le
logiciel libre et la tourte de pommes
de terre libre : n'étant pas matériel,
le logiciel peut être dupliqué à
l'identique à l'infini. C'est cette caractéristique qui a la conséquence la plus
immédiate pour l'utilisateur : la
gratuité – car même si « logiciel libre
» n'est pas forcément synonyme de
logiciel gratuit (puisqu’il n’est pas
interdit d’en vendre), c'est pourtant
quasi systématiquement le cas.
Un modèle très économique
principes qui régissent les logiciels
libres, cela signifierait que tout le
monde peut obtenir la recette de la
tourte de pommes de terres « libre »,
tandis que le cuisinier d'une tourte
« propriétaire » garderait jalousement
tous les secrets de fabrication de son
plat. A ce stade, aucune différence
pour le consommateur : libre ou
propriétaire, la tourte peut être
savoureuse ou insipide.
Mais les caractéristiques des logiciels
libres ne s'arrêtent pas là : non seulement le code source est disponible,
mais de surcroît les autres informaticiens ont le droit de le modifier et de
le corriger. Si l'on reprend la comparaison culinaire, l'intérêt de la disponibilité de la recette de la « tourte
libre » devient flagrant : chaque cuisinier peut ainsi modifier la recette à sa
guise. Il est dès lors facile d'améliorer
celle-ci – en choisissant une espèce
de pommes de terre plus adaptée que
dans la recette originale. L'utilisateur
commence à mesurer l'intérêt de la
formule « libre » pour le progrès de la
connaissance... ou de l'art culinaire !
En effet, certains voudront adapter la
recette à leurs besoins : ils remplaceront la crème par du lait afin d'alléger
le plat, ils supprimeront la noix de
muscade à laquelle ils sont allergiques, etc. Les Savoyards y ajouteront de l'emmental, les Nordistes du
Maroille et les Franc-Comtois de la
cancoillote...
Ne pas réinventer la roue
Enfin, certains reprendront une partie
de la recette pour l'intégrer à une
autre. A quoi bon réinventer la recette
de la pâte feuilletée pour réaliser une
galette des rois si l'on dispose déjà de
la recette de la pâte feuilletée utilisée
pour la tourte ? De la même manière,
un informaticien pourra réaliser un
nouveau logiciel en se basant sur des
« briques » de code source existantes
pour n'y ajouter que des développements spécifiques. Autant reprendre
le code source d'un logiciel de comptabilité d'entreprise déjà éprouvé si
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Cette situation pose la question du
« modèle économique » permettant la
production des logiciels libres. En
effet, le principe économique est
familier dans le cas des logiciels
propriétaires : l'éditeur investit le
montant des salaires de ses équipes
dans la réalisation du logiciel, puis il
se rémunère en vendant celui-ci à ses
clients. Une activité parfois très
rentable, si l'on considère les bénéfices réalisés par Microsoft.
« Concernant les logiciels libres, cette
question n'est pas pertinente car il n'y
a pas de modèle économique à
proprement parler, souligne Perline,
journaliste scientifique et co-auteur
d'un livre de référence sur le sujet, La
bataille du logiciel libre. « Les logiciels libres n'ont pas besoin de rentabilité pour exister comme les logiciels
propriétaires, d'autant qu'ils sont
souvent le résultat d'une situation
spécifique qui ne constitue donc pas
un modèle », poursuit-elle en
évoquant l'exemple de la suite
bureautique OpenOffice.org. Ce
Dossier
logiciel a en effet tout d'abord été
réalisé par la société Sun pour ses
propres besoins, pour éviter d'avoir à
acheter Microsoft Office à des milliers
d'exemplaires. Puis, afin de limiter les
coûts de développement en interne,
Sun a rendu public le code source de
son logiciel. Les évolutions sont donc
désormais assurées par des informaticiens que l'entreprise ne rémunère
pas.
Ceux-ci peuvent être aussi bien des
chercheurs travaillant pour des
universités que des étudiants ou
encore des informaticiens du privé.
Leurs motivations sont très variables,
qui vont de la passion de programmer
au souhait de faire connaître ses
compétences, en passant par la
nécessité de répondre à un besoin. En
effet, une entreprise privée peut avoir
besoin d'ajouter une petite brique à
un logiciel libre pour disposer de
fonctionnalités nouvelles. Elle la verse
ensuite dans le pot commun. Entre
l'enthousiasme des uns et l'intérêt
bien compris des autres, le logiciel
progresse.
Les logiciels libres peuvent générer de
l'activité pour des sociétés de service
informatiques – certaines sont désormais spécialisées dans ce secteur.
Elles se rémunèrent non pas sur la
vente de logiciels mais sur
l'installation, la maintenance des
systèmes ou encore la formation,
Le site web de l’AMRF est publié à l’aide
d’un logiciel libre : DotNetNuke.
Vous y retrouverez de nombreuses
informations pour compléter ce dossier.
Testé pour vous : Pour nous assurer que les logiciels libres fonctionnaient bien, la
rédaction de 36 000 communes a utilisé pour ce numéro Openoffice.org comme traitement de texte et Gimp comme logiciel de retouche d’images, ainsi que Firefox et
Thunderbird. Nous les avons installés sans difficulté sur un PC équipé de Windows XP.
Résultat : aucun « plantage » ou dysfonctionnement à déplorer.
voire le développement de fonctionnalités spécifiques demandées par
leurs clients.
Selon une étude de l'Université de
Maastricht, commandée par l'Union
Européenne et publiée début 2007,
portant sur l'impact économique des
logiciels libres, ceux-ci offrent un
environnement plus favorable à
l'innovation. Les auteurs soulignent
que l'Europe occupe une position
prédominante dans ce secteur. Les
experts y voient l'occasion de
reprendre pied sur le marché des logiciels, secteur dominé actuellement
par les États-Unis. Un enjeu fort pour
l'Union Européenne en termes
d'emplois et d'indépendance.
« Adapté aux communes rurales »
Les
collectivités
locales
ont
commencé à développer des logiciels
libres répondant aux besoins des
mairies et donc disponibles pour tous.
Une manière d'affirmer que l'argent
public est mieux utilisé pour développer un logiciel dont l'utilisation
sera ouverte à tous, plutôt que pour
acheter des milliers de licences de
logiciels propriétaires pour équiper,
poste par poste, toutes les administrations.
L'offre de logiciels « métier » spécifique aux mairies (comptabilité,
gestion de délibérations, gestion de
cimetières, etc.) s'enrichit progressivement, mais elle manque encore de
maturité pour équiper facilement les
communes ne disposant pas de
compétences
informatiques
en
interne. Pourtant, souligne Jean
Bourden, maire de Mimizan et prési-
dent de l'Agence landaise pour
l'informatique, « c'est aux communes
rurales que les logiciels libres
s'adressent le plus naturellement : ces
communes ont des besoins limités,
elles n'ont que faire des usines à gaz
proposées sur le marché »...
Les logiciels libres sont désormais
installés pour de bon dans le paysage
informatique mondial, aussi bien sur
Internet que dans nos PC. De grandes
sociétés comme Dell ou Lenovo
vendent désormais des ordinateurs
grand public équipés du système
d'exploitation libre Linux. Cependant,
la plupart n'offre pas ce choix à ses
clients et continue de privilégier
Windows et Office, malgré le coût
des licences.
Pourtant, logiciels propriétaires et
logiciels libres peuvent parfaitement
cohabiter. De nombreux éditeurs de
logiciels « propriétaires » proposent
des versions compatibles avec le
système d'exploitation Linux, comme
avec
MacOS,
le
système
d'exploitation des Macintosh.
A l'inverse, il est possible d'utiliser
des logiciels libres comme le navigateur Firefox sur un ordinateur équipé
de Windows. De la même manière, la
suite bureautique OpenOffice.org
s'installe en quelques clics. Cet
ensemble de logiciels constitue une
alternative à Microsoft Office, susceptible de satisfaire les besoins d'un
maire.
Et comme le logiciel est gratuit, cela
ne coûte rien d'essayer !
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Dossier
Le Libre choix des députés
A télécharger... librement
Depuis la rentrée parlementaire 2007, l'Assemblée Nationale a
mis en place un poste de travail informatique « libre » pour
chacun de nos 577 députés.
(Vous retrouverez les adresses
de téléchargement de ces
logiciels sur le site de l’AMRF)
L'Assemblée Nationale constitue le
symbole d'un mouvement plus vaste
dans les administrations et institutions
nationales : dès 2004, le ministère de
l'Equipement a fait basculer ses
quelque 1 500 serveurs locaux de
Windows NT (système d'exploitation
propriétaire) à Linux. Le ministère de
l'Agriculture a annoncé qu'il en ferait
de même dans les deux ans à venir.
La Gendarmerie Nationale, que l'on
imagine soucieuse de fiabilité, de
sécurité et d'efficacité, a adopté en
2005 la suite bureautique « libre »
OpenOffice.org. Le test a dû se
révéler concluant, puisqu'elle a
ensuite décidé d'équiper ses 70 000
postes de travail avec le navigateur
Firefox – la moitié de ces postes étant
dotés également du logiciel de messagerie Thunderbird.
Cette migration vers OpenOffice.org a
été accompagnée de la formation de
500 gendarmes considérés comme
des « utilisateurs avancés ». Non pas
pour prendre en main leur nouveau
logiciel, mais pour maîtriser des outils
de migration et de conversion des
données – liés aux macros de logiciel
Excel (qui constituent des sortes de
sous-programmes spécifiques à ce
tableur).
A l'étranger aussi, les logiciels libres
avancent à grands pas dans
l'administration. Le Brésil est depuis
longtemps l'un des fers de lance du
« software livre » (logiciel libre). Mais
aucun chef d'Etat n'est encore allé
aussi loin que le président équatorien
Rafael Correa, qui a déclaré en début
d'année lors d'une allocution télévisée : « (En adoptant les logiciels
libres), nous garantirons la souveraineté de nos États, nous dépendrons de
nos propres forces et non de forces
externes à la région. Nous serons des
producteurs de technologies et pas
seulement des consommateurs. Nous
posséderons le code source et développerons ainsi de nombreux produits
qui, par la mise en commun de nos
efforts, pourront être d’une grande
utilité pour les entreprises publiques
et privées de la région. »
En France, l'adoption du « poste de
travail libre » au Palais Bourbon fait
suite au travail des députés Richard
Cazenave (Isère) et Bernard Carayon
(Tarn). Pour eux, le choix du logiciel
libre correspond à l'intérêt général,
expliquent-ils en évoquant plusieurs
enjeux :
– « La sécurité nationale en ce qui
concerne les équipements publics des
secteurs sensibles, et la sécurité des
systèmes d'information des entreprises grâce à la publication des
codes sources. »
– « L'allègement du coût des équipements informatiques publics et le
transfert de la valeur ajoutée vers des
prestataires francais et européens. »
– « Le développement d'une offre
concurrente, notamment française et
européenne, libre et réellement inter
opérable, s'appuyant sur une communauté de développeurs particulièrement dynamique en France comme
en Europe. »
– « La mobilisation, au service du
bien commun, des savoir-faire des
chercheurs, des entreprises et d'un
nombre
croissant
d'individus
convaincus que « le partage du savoir
est un multiplicateur de croissance ».
Le Palais Bourbon a-t-il vécu une
petite révolution sans s'en rendre bien
compte ?
6 - 36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008
Quelques-uns des nombreux
logiciels libres disponibles pour
le poste de travail :
– Bureautique : OpenOffice.org
(ensemble de logiciels traitement de texte, tableau, présentation multimédia, base de
données, dessin)
– Navigation Internet : Firefox 2
– Messagerie : Thunderbird 2
– Système d'exploitation : Linux.
Parmi les nombreuses versions
différentes disponibles, la plus
simple est peut-être celle qu'a
adoptée l'Assemblée Nationale :
Ubuntu)
– Retouche d'image : Gimp
– Mise en page : Scribus
Types de logiciels « métiers »
destinés spécifiquement aux
mairies (opérationnels ou en
projet) :
– Gestion des permis de
construire
– Gestion de délibérations
– Comptabilité
– Gestion des concessions de
cimetières
– Tiers de télétransmission
Dossier
Libre ou propriétaire ? Arguments croisés
Les débuts de la micro-informatique ont vu la guerre PC contre Mac. Ceux qui ont suivi les débuts du
Web se souviennent du combat des navigateurs Internet : Explorer contre Netscape. Dans cette
logique, les logiciels libres sont généralement présentés en opposition frontale au champion hégémonique des logiciels propriétaires, Microsoft. La comparaison est un exercice risqué, d'autant que partisans et détracteurs sont d'une égale mauvaise foi. Voici tout de même quelques points de repère.
Le premier argument que les
« consommateurs » de logiciels
retiennent en faveur du « libre » est la
gratuité – qui n'est pourtant pas obligatoire. L'aspect économique n'est
pas négligeable pour les petits
budgets lorsque le prix de vente de
Windows Vista dans sa version
basique avoisine les 300 euros,
comme la suite Microsoft Office.
Pourtant, il ne faut pas oublier les
éventuels coûts de formation liés à
l'adoption d'un nouvel outil – ce qui
vaut également pour toute évolution
majeure d'un logiciel propriétaire.
Du pour...
Pour Renaud Lagrave, directeur de
l'Agence Landaise pour l'informatique, l'aspect économique n'est
pas anecdotique : « Le code des
marchés impose la mise en concurrence au premier euro. Tous les quatre
ans, il faut donc mettre en concurrence les droits d'utilisation des logiciels – et il n'y en a pas pour les logiciels libres. Je suis persuadé qu'un
beau jour, la Cour des Comptes va
s'intéresser à la question... »
Disponibilité des postes. Les logiciels
libres peuvent être installés sur tous
les postes informatiques de la mairie,
ce qui simplifie le travail : plus besoin
d'attendre que l'ordinateur sur lequel
est installé le logiciel de comptabilité
se libère pour pouvoir travailler sur
cette application.
Les tenants des logiciels libres soulignent que ceux-ci luttent contre le
piratage : leur reproduction et leur
diffusion étant autorisées, la notion
même de piratage de logiciels disparaît !
Il serait intéressant de connaître le
pourcentage de partisans des
logiciels propriétaires qui ont réellement payé ceux-ci...
Argument massue en faveur du
« Libre » dans l’administration : la
mutualisation. Avec les logiciels
libres, il suffit à une collectivité locale
de payer une fois le développement
d'un logiciel libre pour que toutes les
collectivités du pays puissent bénéficier de cet outil. De l'argent public
mieux dépensé que pour acheter des
centaines de fois le même produit,
pourtant immatériel.
Impossible de dire quel logiciel est le
meilleur, entre Windows et Linux par
exemple, ou encore entre Microsoft
Office et OpenOffice.org. Mais sur le
plan de la sécurité, la transparence du
code source des logiciels libres
permet à la communauté des informaticiens « open source » de réparer les
failles de sécurité qu'ils découvrent.
Est-ce pour cela que les machines
fonctionnant avec un système
d'exploitation Linux sont moins
victimes des virus et autres attaques
informatiques que les autres ?
Les logiciels libres vont de pair avec
les formats libres et sont donc les
outils naturels de l'interopérabilité.
Ainsi, OpenOffice génère naturellement des documents au format Open
Document. Or, c'est la norme préconisée par le Référentiel général
d'interopérabilité afin de faciliter les
échanges de données entre administrations. La suite Office de Microsoft
en revanche ne permet pas d'exporter
les données dans ce format adopté
par la communauté internationale.
Indépendance vis-à-vis des éditeurs.
Lorsqu'une commune veut changer
de logiciel métier, ce n'est pas
toujours facile avec un logiciel
propriétaire : un éditeur n'est jamais
ravi qu'on décide de ne plus utiliser
son produit. Or, comme le code
source propriétaire n'est pas accessible, seul l'éditeur est capable de
récupérer les données saisies dans
son logiciel. Il le fait rarement de bon
cœur.
Le problème ne se pose pas lorsque la
commune utilise un logiciel libre,
puisque n'importe quelle société
spécialisée est capable de se charger
de l'exportation des données.
Pérennité. L'utilisateur est à la merci
de la stratégie de l'éditeur « propriétaire », qui peut éventuellement
décider de ne plus faire progresser
son logiciel s'il ne le juge pas
rentable.
Le « Libre » favorise l'emploi local :
n'étant pas lié à un éditeur, qui peut
être situé à l'autre bout du pays, il est
très simple de faire appel à une
société de service locale pour maintenir les logiciels métiers libres de la
mairie ou de la communauté de
communes.
... et du contre
Le principal handicap des logiciels
libres est leur relative nouveauté.
Avant d'être installés dans les disques
durs des ordinateurs, ils doivent
s'installer dans les esprits. La barrière
psychologique est considérable chez
ceux qui n'ont jamais connu d'autre
36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008 - 7
Dossier
système d'exploitation que Windows
ni d'autre suite bureautique que
Microsoft Office. Les utilisateurs de
Macintosh ont sans doute moins de
difficultés à envisager un passage aux
logiciels libres !
En outre, l’adoption des logiciels
libres est forcément synonyme de
changement
d'habitudes
pour
l'utilisateur.
Une
période
Le Libre en livres
Les éditions Eyrolles proposent une
vaste collection consacrée à des
logiciels libres : OpenOffice,
Ubuntu, Gimp, etc. Des ouvrages
didactiques destinés à des utilisateurs de tous niveaux, qui prouvent
que le « Libre » n’est pas réservé
aux experts en informatique.
Ubuntu efficace notamment donne
d’excellents conseils pour préparer
une migration de Windows à
Linux.
Un ouvrage concerne particulièrement les maires désirant doter leur
commune d’un site : Réussir un site
web d’association avec des outils
libres. Réservé aux utilisateurs
expérimentés.
(www.editions-eyrolles.com)
Enfin, pour ceux qui s’intéressent
au phénomène des logiciels libres,
un ouvrage de référence synthétique permet de mieux comprendre
les enjeux : La bataille des logiciels
libres, par Perline et Thierry
Noisette (ed. La Découverte).
d'adaptation est toujours nécessaire
avant de retrouver le niveau de
maîtrise de l'outil précédent. Car
même si des fonctionnalités identiques se retrouvent dans les logiciels,
celles-ci ne se situeront pas forcément
dans les mêmes menus ou ne porteront pas toujours le même nom.
Impossible d'éviter ces tracas, qui
surviennent lors de tout changement
de logiciel – donc pas uniquement
avec les logiciels libres.
Les logiciels propriétaires disposent
d'une offre plus vaste, ne serait-ce
qu'en raison de l'antériorité de
Windows : les informaticiens développent des logiciels propriétaires
pour ce système depuis les débuts de
la micro-informatique. Cette situation
se retrouve notamment pour les logiciels métiers destinés aux collectivités
locales. Le nombre de sociétés de
service utilisant Windows est par
ailleurs bien plus important que celui
des entreprises spécialisées dans le
logiciel libre, ce qui rend plus facile
la recherche d'un prestataire.
L'offre des éditeurs propriétaires est
en outre plus cohérente, car elle est
liée à une politique marketing centralisée. Tandis que l'offre en logiciels
libres est liée essentiellement aux
motivations d'une communauté
d'informaticiens dont l'implication
est variable. Paradoxalement, l'excès
de choix que l'on trouve parfois dans
le logiciel libre constitue un frein à
son développement : le système
d'exploitation Linux est ainsi disponible dans de nombreuses versions
différentes. Pas facile de choisir la
plus appropriée à ses besoins.
Par ailleurs, les utilisateurs de
logiciels libres, et en particulier ceux qui ont adopté le
système d'exploitation Linux,
sont souvent pénalisés lorsqu'ils achètent du matériel
nouveau qu'ils souhaitent
relier à leur ordinateur : les
pilotes (ou drivers, qui
permettent à l'ordinateur
d'adresser des instructions au
matériel) pour Linux ne sont
8 - 36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008
parfois pas disponibles – du moins
pas aussi rapidement que ceux
destinés à Windows. C'est peu surprenant dans la mesure où le système
d'exploitation de Microsoft domine le
marché : malheur aux minoritaires,
comme les utilisateurs du système
d'exploitation des Macintosh en ont
longtemps fait les frais. Toutefois, la
situation s'est déjà nettement
améliorée.
Match nul ?
Ces arguments livrés en vrac ne
pèsent pas tous le même poids. Selon
les situations, un seul argument en
faveur des logiciels propriétaires ou
libres peut suffire à emporter la décision. Pour les mairies des communes
rurales, la facilité d'installation et
d'utilisation des logiciels bureautiques est primordiale. Et sur ce point,
libre et propriétaire sont ex aequo.
Quoi qu'il en soit, le match n'est pas
terminé. Peut-être ne fait-il même que
commencer puisque dans certains
secteurs, comme celui des administrations, les logiciels métiers libres
progressent vers la maturité. Plutôt
que jouer l'opposition systématique,
certains éditeurs commencent même
à évoquer les complémentarités entre
libre et propriétaire : le combat se
terminera-t-il par un match nul... avec
deux gagnants ?
D'autres encore considèrent que
l'affrontement est déjà dépassé car ce
sont les services disponibles directement sur le Web qui remplaceront
demain les logiciels installés sur nos
ordinateurs. Et que la notion de logiciel libre ou de propriétaire n'aura
plus de signification pour les utilisateurs...
Actualité
Article 89 : on mobilise !
Prendre le mal à la racine : les maires
ruraux de France et le CNAL (Comité
national d’action laïque) ont appelé
les députés à voter la proposition de
loi d’abrogation de l’article 89 sur le
financement des écoles privées, qui
devait être examinée par l’Assemblée
nationale le 29 novembre.
L’AMRF et le CNAL ont tous deux
déposé fin octobre un recours devant
le Conseil d’Etat contre la circulaire
d’application, mais ils considèrent
que « seule l’abrogation permettra de
retrouver une situation d’équilibre
garantissant le maintien de l’école
publique communale et le principe
de
libre
administration
des
collectivités territoriales ».
S’exprimant à l’occasion d’une
conférence de presse conjointe, le
secrétaire général du CNAL Laurent
Escure a estimé que l’application de
la loi actuelle entraînerait une
dépense de 400 millions d’euros
environ, à raison d’un « forfait
communal » de 1 000 euros par
élève.
Le président des maires ruraux de
l’Indre Vanik Berberian, qui représentait l’AMRF, a indiqué que des
communes de son département
avaient commencé à recevoir les
« factures » émanant des écoles
privées.
Intervenant pendant la période du
congrès de l’AMF en raison d’un
report lié aux grèves dans les
transports, cette conférence de presse
a donné l’occasion de dénoncer
l’accord passé en juin 2006 entre le
gouvernement, l’AMF et l’enseignement catholique sur l’application de
l’article 89 : « Cet accord de dupes
n’a pas de valeur face à la loi.
Contrairement à ce qu’affirme l’AMF,
il ne protège pas les communes », a
déclaré Vanik Berberian.
L’AMRF appelle les maires ruraux à ne
pas payer les factures qui leur seront
présentées par les écoles privées, a
enfin rappelé le maire de GargilesseDampierre.
Indemnités des élus : motion de l’AMR 25
pour une attribution systématique
Les maires ruraux du Doubs ne
veulent plus quémander les indemnités que la loi leur accorde. Réunis
en assemblée générale à Bouclans, ils
ont adopté à l’unanimité une motion
demandant que les indemnités des
élus de petites communes soient
« attribuées systématiquement selon
les modalités prévues au Code des
Communes ».
La loi fait en effet obligation aux
maires, adjoints et conseillers de voter
le principe de l’attribution des indemnités et leur niveau, dès la séance qui
suit l’élection de l’équipe municipale.
Les maires ruraux constatent qu’ « un
grand nombre de maires, adjoints et
conseillers ne font pas voter cette
mesure, pour tout ou partie de
l’indemnité, parce qu’elle n’est pas
compatible avec les finances de la
commune ou parce que soumettre au
vote l’attribution des indemnités équivaut à demander l’aumône, ou encore
parce que cette demande est systématiquement critiquée par l’opposition
municipale ».
Les maires ruraux du Doubs, précise
la motion, souhaitent que les assemblées communales n’aient à délibérer
que dans le cas où les élus concernés
ne souhaitent pas percevoir leurs
indemnités, en partie ou dans leur
intégralité.
Depuis cette assemblée générale, la
motion a fait son chemin. Elle a été
reprise par Marcel Bonnot, député du
Doubs, dans une question écrite au
gouvernement. Elle a également reçu
le soutien du sénateur Louis Souvet,
signale Daniel Cassard, président de
l’AMR 25. Enfin, elle aurait finalement atterri sur le bureau du président
de la République.
Justement, celui-ci a montré il y a peu
son souci d’une juste rémunération
du travail des élus – du moins du
premier d’entre eux...
L’exemple du président peut-il suffire
à faire évoluer les mentalités ? Les
maires, directement confrontés aux
électeurs, doivent faire preuve de
pédagogie, mais aussi de conviction :
encore faut-il qu’ils n’aient pas honte
de
percevoir
des
indemnités
légitimes.
Les maires peuvent également
s’inspirer de l’audace du chef de
l’Etat.
Mais celui-ci, bien sûr, n’était pas
confronté aux restrictions pesant sur
les dotations des petites communes.
Retrouvez le texte complet de
cette motion sur le blog des
maires ruraux du Doubs :
h t t p : / / bl o g . m a i s o n pergaud.com/2007/10/07/
assemblee-generale-des-mairesruraux-du-doubs/
36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008 - 9
Réseau
« Les maires ruraux n’entendent pas être oubliés »
« Monsieur le président, je vous fais une lettre... » Louis Pautrel a-t-il songé à la chanson de Boris
Vian lorsqu’il a choisi de s’adresser à Gérard Pelletier dans le style épistolaire, en ouverture du
congrès de l’AMRF ? Les propos du président des maires ruraux d’Ille-et-Vilaine n’ont pourtant rien
de ceux d’un déserteur, bien au contraire.
En préparant mon intervention,
après réflexion, j’ai eu la crainte
que vous ne sombriez dans l’ennui
alors j’ai décidé que mon intervention
se ferait sous la forme d’une lettre
destinée à Monsieur Gérard Pelletier,
président national des Maires Ruraux.
Le ton de cette lettre est dans l’esprit
des Maires Ruraux, le parler vrai.
Nous avons très peu l’occasion de
prendre la parole et connaissant le
talent et l’expérience de notre président, j’ai crû bon de tirer la sonnette
d’alarme en lui faisant part de mes
réflexions..
«
Cher Gérard,
Tu seras surpris de lire cette lettre
manuscrite. Tu pensais recevoir un
message électronique, un courriel.
Mais tu le sais sans doute, dans ma
commune comme dans les autres,
25 % de la population ne peut pas
accéder au haut débit. Le chiffre de
couverture transmis par l’opérateur
sur le plan national nous laisse rêveur.
Ils ont peut-être dans le mode de
calcul supprimé les territoires ruraux.
C’est pareil pour la téléphonie
mobile. Ici aux Ormes, il n’y a que
l’opérateur Orange que l’on peut
capter et encore c’est le propriétaire
qui a installé l’antenne.
Revenons à ma lettre. Ecrire cette
lettre avec un crayon aurait pu être
dangereux. Avec le code des marchés
publics qui change tous les 6 mois,
acheter une boîte de crayons devient
risqué. Alors j’ai décidé de ressortir la
plume et l’encre comme autrefois.
Dans nos petites communes, on ne
perd rien, cela peut toujours servir.
Tu sais Gérard, ce n’est pas facile
aujourd’hui d’être le maire d’une
commune rurale. On est responsable
de tout, on est les parents pauvres de
l’aménagement du territoire et nos
dotations diminuent comme neige au
soleil (c’est peut-être un des effets du
réchauffement climatique).
Parlons du réchauffement climatique,
début mai, j’ai postulé pour être
membre d’une commission du
Grenelle de l’environnement. J’ai eu
Retour de courrier
Gérard Pelletier a immédiatement répondu sur plusieurs
points abordés par Louis Pautrel dans sa « lettre ».
« Mon cher Louis, tu demandes pourquoi le gouvernement ne nous invite
pas à ses conférences et commissions ? La raison en est toute bête : c'est
parce que nous avons des choses à dire ! Nous sommes beaucoup moins
gênants lorsqu'on nous laisse dans nos campagnes.
Un « Grenelle de la ruralité » ? Oui, cela fait longtemps que nous causons
de la ruralité. Alors autant le faire à la campagne qu'à la ville, même si la
rue de Grenelle possède ses propres charmes. Bien entendu, nous devons
continuer à participer à tous les débats auxquels on nous invite – d'ailleurs
nous le faisons un peu tous les jours.
Concernant la DDE : pardon de faire ce parallèle, mais je suis chimiste :
c'est la première fois que quand on dissout quelque chose, on n'obtient
rien !
Au sujet de la nécessité absolue de la péréquation dans notre beau pays,
je souligne qu'elle se heurte toujours à deux écueils : comment donner
plus aux pauvres... sans rien prendre aux riches ?
(...) Pour finir de répondre à ta belle lettre en abordant les finances locales,
thème de ce congrès, je citerai Saint Mathieu – au chapitre 5, je crois, mais
un mécréant comme moi néglige de revoir les Evangiles : « A celui qui a,
on donnera. A celui qui n'a pas, on retirera même ce qu'il n’a pas ». Tu
vois, il n'y a rien de changé pour les communes rurales.
10 - 36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008
(photo : AMRF/CC)
Réseau
Ovation debout pour Louis Pautrel : de nombreux collègues se sont levés pour féliciter
le président des maires ruraux d’Ille-et-Vilaine. Au tout premier plan, Gérard Pelletier
est en train de préparer sa réponse...
le plaisir de recevoir une réponse
négative. Les commissions étaient
déjà constituées, il aurait peut-être
fallu que je postule en 2006. Mais on
peut regretter l’absence des élus de
nos territoires. On a préféré ceux qui
avaient la tête dans les nuages plutôt
que ceux qui avaient les pieds sur
terre.
Gérard, je suis inquiet également
concernant les expérimentations de
fusion des DDE et DDAF. La DDE est
l’un des partenaires privilégiés des
communes rurales avec le Conseil
général. C’est encore un coup porté
au monde rural, un service public qui
va disparaître après La Poste, Le
Trésor Public, les hôpitaux, les tribunaux. Et puis, quand on expérimente,
on généralise rapidement. A mon
avis, en 2009, il ne restera plus
qu’une seule entité.
Au sujet de la DDE, je vais te faire
sourire. La semaine dernière, vers
8 h 45, j’ai téléphoné à la DDE pour
un problème d’urbanisme. Devine
qui a décroché le téléphone ? C’est le
subdivisionnaire
en
personne.
Surpris, je lui dis comme cela : « C’est
vous qui gérez le standard
maintenant ? »
Il m’a répondu : « Je réponds jusqu’à
9 heures, je n’ai personne avant ». Sa
réponse m’a interpellé et il y a sans
doute 2 analyses possibles : soit il a
choisi la formule « travailler plus pour
gagner plus » ou alors la DDE connaît
de grosses difficultés de personnel.
Quoi qu’il en soit, c’est très grave
pour nos communes.
Au sujet des difficultés budgétaires,
de nombreux maires contestent la
circulaire du 27 août obligeant les
communes à participer au financement des frais de fonctionnement des
écoles privées voisines. La grogne est
de plus en plus importante. Comment
peut-on voter un tel texte au parlement ? Et pourquoi la Dotation
Globale de Fonctionnement est-elle
plus importante par habitant pour une
ville que pour une commune rurale ?
Et ne parlons pas du Coefficient
d’intégration Fiscale qui permet de
donner plus aux riches et moins aux
plus pauvres.
Il faut reconnaître que les maires
ruraux ont un problème de représentativité au niveau national. Comment
concevoir l’installation de la
Conférence nationale des exécutifs
sans les maires ruraux ? Toutes les
associations sont représentées, sauf la
notre. Pourquoi cet acharnement
contre les maires ruraux ? Je tiens à
rappeler que 25 % de la population
habitent les communes de moins de
2 500 habitants ?
Eh bien Gérard, j’ai une suggestion à
te faire. Nous sommes les oubliés du
Grenelle de l’environnement, de la
Conférence nationale des exécutifs,
de l’aménagement du territoire, des
réformes fiscales. Alors ayons du
courage et proposons l’organisation
d’un « Grenelle de la ruralité » au
président de la République. En cas de
réponse négative, organisons-le nousmêmes, et à Paris ! Les parlementaires
n’auront pas à s’excuser de leur
absence et les médias seront plus
faciles à convaincre. Nous pourrions
proposer la création d’un secrétaire
d’Etat des territoires ruraux : il y a
bien un ministre de la Ville.
Devant le peu de considération pour
nos
communes,
soyons
tous
ensemble les Abbé Pierre des
communes rurales. N’oublions pas
une chose : depuis quelques années,
nous regagnons de la population.
Cette attractivité pour les territoires
ruraux est un atout pour la défense de
nos territoires et engendre la nécessité
de
rééquilibrer
les
dotations
financières.
Veillons au respect de notre devise
républicaine : Liberté, Egalité,
Fraternité.
»
36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008 - 11
Réseau
Espaces naturels
Dompter les loisirs motorisés
Face à l’invasion des quads et autres engins pétaradants, les maires soucieux de protéger le patrimoine naturel de leurs communes se sentent souvent démunis. Ils disposent pourtant de moyens
juridiques pour limiter les « loisirs motorisés » sur leur territoire. Deux EPCI de la Chartreuse ont
mené une vaste action en ce sens, avec l’aide des services de l’Etat. L'AG des maires ruraux de l’Isère
s'est montrée attentive à la présentation de cette expérience de réglementation de la circulation.
Après les motos soi-disant « vertes »
et les 4 x 4, les chemins de campagne
sont confrontés à une nouvelle
présence particulièrement envahissante, celle des quads. Leurs conducteurs ont parfois tendance à considérer la nature comme un terrain de
jeu leur appartenant, au mépris des
autres utilisateurs.
De nombreuses communes sont
désormais confrontées à leurs
nuisances. Celles-ci sont de plusieurs
ordres. Tout d’abord, les nuisances
sonores et les gaz d’échappements
portent atteinte au cadre de vie des
habitants. Il peut en résulter une grave
atteinte à l’image de marque d’un
territoire misant sur un tourisme lié au
patrimoine. De plus, le passage des
engins tout-terrain accélère l’érosion
et dégrade les chemins utilisés par les
autres utilisateurs, notamment dans le
cadre professionnel. En outre, les
véhicules à moteur représentent un
danger aussi bien pour les randonneurs que pour les exploitants agricoles ou forestiers.
Enfin, souligne Bertrand Pedroletti,
qui a coordonné l’action du PNR
pour le compte de la DDAF de l'Isère,
les véhicules tout-terrain risquent de
déranger la faune lors des périodes de
reproduction. Leur impact sur le
milieu naturel peut entraîner la
destruction d’espèces, destruction
d’habitats au sol, etc.
La Chartreuse constitue une cible de
choix pour les adeptes de moteurs à
explosion en mal de nature et de
sensations : ses reliefs et ses paysages
correspondent bien à ce que recherchent les quadistes. « De plus en plus
de communes se plaignaient des
nuisances. Nous avons donc décidé,
raconte le maire du Sappey-enChartreuse et vice-président du PNR
Etapes du projet
1. Publication d'un guide juridique à destination des maires et d'une
plaquette d'information pour le grand public.
2. Recensement des chemins et de leur statut : certaines communes
disposaient d'un tableau de classement de la voirie. Dans d'autres cas,
il a fallu revenir au cadastre napoléonien...
3. Réunion des utilisateurs concernés, randonneurs, naturalistes ou
encore chasseurs pour expliquer le pourquoi de la démarche et étudier
les modalités de réglementation de la circulation par secteurs.
4. Rédaction et adoption des arrêtés municipaux. Pose de panneaux.
5. Application...
12 - 36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008
Roger Caracache, de limiter les loisirs
motorisés, afin de favoriser la cohabitation des différents usagers des
chemins et de préserver notre environnement ».
Suite à un travail d'inventaire des
chemins, la communauté de
communes des Entremonts et celle du
Balcon Sud de Chartreuse se sont
donc appuyées sur la loi du 3 janvier
1991, qui régit la circulation des
véhicules dans les espaces naturels.
Celle-ci permet d’interdire ou de
limiter la circulation des véhicules à
moteur sur les chemins ruraux (hors
missions de service public ou utilisation à des fins privées par les propriétaires et ayants droit).
L’arsenal juridique à la disposition des
maires est complexe, mais il a
l’avantage d’être riche : les communes peuvent également s’appuyer sur
la circulaire du 6 septembre 2005
relative à la circulation des quads et
autres véhicules à moteur dans les
espaces naturels et sur une jurisprudence abondante. Cependant, certains points sont obscurs et il reste par
exemple impossible de définir si les
chasseurs doivent bénéficier ou non
des avantages des ayants droit.
Grâce à cette réglementation, les
maires et conseils municipaux
peuvent prendre des arrêtés interdisant ou limitant à certaines périodes
de l'année la circulation d’engins
motorisés sur les chemins ruraux.
Naturellement, une telle action n'a de
sens qu'à l'échelle d'un territoire
Réseau
Le PV, toujours efficace
La verbalisation se heurte à un
problème particulier : pour éviter
qu’un quadiste ne puisse prétendre
qu'il est soit propriétaire d'une
Motiver l’interdiction
L’arrêté doit mentionner précisément les voies (ainsi éventuellement que les périodes) concernées et fournir les motifs
d’interdiction. Par exemple : « Le
chemin rural n° 4 allant de la
parcelle x à la parcelle z est
interdit à la circulation entre le
15 septembre et le 15 novembre
pour ne pas perturber la période
de reproduction du cerf ».
(photo : Alfonso Romero)
– sinon, on ne fait que reporter le
problème dans les communes
voisines. Attention, insiste Mathieu
Laupin, chargé de mission et cheville
ouvrière de ce projet : une interdiction générale et en tout temps risque
d’être annulée. L’arrêté municipal doit
être précis et motivé pour être valable
(voir encadré ci-dessous). « Sinon,
certaines associations de quadistes ne
se privent pas d’attaquer pour faire
casser ces arrêtés. »
Il faut ensuite installer les panneaux
de signalisation pour annoncer
l’interdiction de circuler (de type B
zéro) et, dans la mesure du possible,
créer des parkings.
« Malheureusement, ces panneaux
sont arrachés par des conducteurs qui
ne veulent pas se plier à l’interdiction.
Dans ma commune, nous en sommes
déjà au deuxième remplacement
de panneaux, se lamente Roger
Caracache. Le combat est inégal :
nous n’avons pas les moyens financiers pour les remplacer sans arrêt ! ».
A ce stade, le travail est loin d’être
fini. En un sens, il ne fait que
commencer puisqu’il faut parvenir à
faire appliquer ces décisions.
parcelle soit ayant droit (ce qui le
dégage de l'interdiction de circuler),
les agents doivent disposer d’une liste
des personne autorisées à circuler.
« Nous avons opté pour le principe de
la déclaration en mairie, explique
Mathieu Laupin : les ayants droit
reçoivent alors une vignette et leur
demande est enregistrée. Bien sûr,
c’est une contrainte que nous leur
imposons et l’on peut redouter qu’ils
ne fassent pas la démarche. Mais dans
ce cas ils risquent d’être verbalisés et
seront alors obligés de contester le PV
devant le tribunal. Il est bien plus
simple de se déclarer en mairie ! ».
Ce point réglé, reste à faire appliquer
la réglementation. « Ma commune
dispose de seulement deux agents
techniques et je ne peux pas dégager
de moyens de police, explique Roger
Caracache en se tournant vers le
patron de la DDAF de l'Isère, JeanPierre Lestoile : « Il ne faut pas nous
lâcher maintenant que nous avons fait
tout ce travail ! »
Le directeur départemental de
l’Agriculture s'est montré rassurant :
« Nous sommes en train de mettre au
point un pôle réunissant l'ensemble
des agents assermentés concernés,
comme les gendarmes, les agents de
l'ONF, de l'ONEMA, etc. De plus,
a-t-il poursuivi, nous allons bénéficier
du soutien du Parquet : les PV portant
sur ces infractions seront traités avec
une grande efficacité lorsque nous les
signalerons. »
La cohabitation paisible entre promeneurs – à pied, VTT ou à cheval – et
conducteurs de véhicules motorisés
passe peut-être par la création de
chemins réservés à leur pratique, dans
le cadre d’un Plan départemental des
itinéraires de randonnée motorisée
(PDIRM). En attendant, on peut
redouter la multiplication des rencontres entre engins motorisés et randonneurs. Face à un quad lancé plein gaz,
un randonneur ne pèse pas lourd. Il
est d'autant plus vulnérable qu'en
principe les sentiers sont ressentis
comme des lieux sûrs.
Interrogé à ce sujet, le représentant du
Département Christian Nucci, a
confirmé que pour éviter les conflits
d'usage le Conseil général cherchait à
« déterminer des lieux où les conducteurs de motos ou quads et autres
engins motorisés pourront s'exprimer
librement, avec leurs risques et périls.
« Là se posera le problème de la
responsabilité des maires. Car, a-t-il
souligné, si nous ouvrons des espaces
au public, nous devons en assurer les
meilleures conditions quant à la
sécurité »... De nouveaux soucis en
perspective ?
36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008 - 13
Analyse
Le non-dit
des politiques agricoles communes
Fleuron de la construction européenne et seule politique européenne digne de ce nom, la PAC ne
compte plus aujourd’hui que des adversaires. Disparus, les défenseurs du traité constitutionnel qui
nous expliquaient, il n’y a pas si longtemps, que la PAC avait sauvé l’agriculture française.
« Je veux une nouvelle PAC… La PAC
doit être établie selon un principe
indiscutable de préférence communautaire, qui recouvre des objectifs
rénovés, des outils et un budget ambitieux », a déclaré Nicolas Sarkozy à
Rennes au mois de septembre.
Le ministre de l’Agriculture, Michel
Barnier n’est pas en reste : « En 2003,
lorsque j’étais commissaire européen,
on nous expliquait qu’il fallait réduire
les productions et diminuer les prix.
C’est le contraire aujourd’hui. Alors
oui, il y a matière à faire un bilan de
santé de la PAC. » (Le Monde du
05.09.2007)
Visiblement, Michel Barnier découvre
qu’on lui avait caché des choses,
durant la quinzaine d’années où il fut
ministre et Commissaire européen. Il
est vrai que la curiosité nuit à la
carrière.
Le bilan de la PAC
A sa création en 1962, la PAC avait
cinq objectifs : sécuriser les approvisionnements de l’Europe, accroître la
productivité de son agriculture par la
diffusion du progrès technique, stabiliser les marchés, assurer des prix
raisonnables aux consommateurs et
assurer un niveau de vie équitable
aux agriculteurs.
Certains ont été totalement atteints,
d’autres plus ou moins, tous au prix
fort.
La productivité de l’agriculture française a été multipliée par six… au
prix de la disparition des exploitations
d’exportations (UE-25 en 2006).
et des agriculteurs. 1,6 million en
Le choix du mode d’élevage et
1970, les exploitations sont aujourd’alimentation
dominant
des
d’hui moins de 600 000, dont
animaux (volaille, porc, bovin) néces370 000 « professionnelles » occusite l’importation massive de
pant 850 000 personnes, effectif qui
protéines (soja notamment).
diminue au rythme de 3 % l’an. Ces
La production ovine, quant à elle,
exploitations se sont concentrées,
victime de la concurrence extérieure,
fortement spécialisées. Un tiers a déjà
n’a pu se développer.
pris la forme de société. L’industrie
Mince bénéfice pour le consommaagricole remplace progressivement
teur aussi. En trente ans, si les prix
l’agriculture.
agricoles, corrigés de l’inflation, ont
Entre 1980 et 2001, le revenu agridiminué de 58 %, ceux à la consomcole par actif a progressé de 68 % en
mation ont baissé de 14 % seulement.
termes réels mais avec de fortes variaDepuis une dizaine
tions selon les périodes. Il
d’années, à l’inverse des
a stagné durant les années Certains
prix agricoles, ils progresquatre-vingts, bondi en
objectifs de la sent plus vite que
1989 et 1990, progressé de
l’inflation.
25 % jusqu’en 2001, puis PAC ont été
régressé jusqu’à 2005, totalement
Comment en est-on
avant d’augmenter de 17 %
arrivé là ou comment
en 2006 (sauf dans la viti- atteints,
changer de politique sans
culture).
d’autres plus
le dire ?
Cette progression n’est pas
ou moins.
due aux prix mais exclusiEn 1962, la politique
vement à la diminution du Tous au prix
européenne reposait sur
nombre des actifs. Les fort.
trois principes : la libre
résultats sont par ailleurs
circulation des produits
variables
selon
les
agricoles au sein de l’espace commumoments, les départements, les types
nautaire, la protection aux frontières
de productions et la taille des exploiet la solidarité financière, à travers
tations. On est loin de la stabilité du
des fonds d’interventions. Le
revenu. Au total, 40 % des agriculproblème, c’est que l’emballement du
teurs français ont un revenu inférieur
modèle productiviste, adopté unaniau SMIC.
mement, va rapidement rendre trop
Si les approvisionnements alimenétroit le marché intérieur.
taires de l’Europe sont assurés,
L’agriculture de l’Europe se déveelle importe plus qu’elle n’exporte :
loppe si bien, qu’elle devient la
67,3 milliards d’euros d’importaseconde puissance exportatrice
tions pour 59 milliards d’euros
14 - 36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008
(photo : AMRF/HC)
Analyse
derrière les États-unis et la France son
premier exportateur.
Trois leviers sont utilisés : des taxes à
l’importation, des soutiens à l’exportation et le retrait des surplus. Ils pourront être réintroduits en cas de besoin,
ou bradés sur les marchés extérieurs.
Évidemment, les concurrents étrangers (États-Unis, Australie, NouvelleZélande, Argentine…) renâclent, avec
pour eux la bonne conscience libre
échangiste qui domine les esprits
depuis 1947. Ils n’auront de cesse,
dans le cadre du GATT d’abord, puis
de l’O.M.C., de réclamer le démantèlement de la PAC.
La bureaucratie libérale bruxelloise,
confortée par l’arrivée de l’Angleterre,
du Danemark et de l’Irlande ne manifestera aucune opposition de principe, se limitant à la défense d’intérêts
catégoriels et à des opérations de
retardement. En 1995, l’accord de
Marrakech entérine la libéralisation
partielle de l’agriculture, avec de
nombreuses exceptions selon les
produits et les pays.
Les eurocrates sont désormais pris en
tenaille entre la nécessité de faire
disparaître progressivement des aides
à la production qui « faussent » le
marché et l’obligation, sous peine de
jacqueries, de maintenir le revenu
agricole.
Deux innovations rendent gérable la
contradiction : la réduction de la
production par la jachère et
l’institution de quotas, le découplage
du volume des aides de celui de la
production.
A côté des « mauvaises aides » antilibérales, vont apparaître les aides
vertueuses « agri-environnementales »
et les garanties de revenus sans considération de production.
En 2006, elles représentaient 55 % du
soutien aux agriculteurs français.
L’équivalent pour les agriculteurs du
traitement social du chômage, avec
l’onction écologique !
Il apparaîtra vite que si l’Europe manifeste le zèle du bon élève de la classe
libre-échangiste en réduisant les aides
à ses agriculteurs, les États-unis, par le
biais de prêts et de concours exceptionnels, vont les multiplier par six et
doper leurs exportations.
Depuis, les discussions piétinent à
Doha au grand désespoir du président
de l’O.M.C., le socialiste libéralocompatible, Pascal Lamy, ex-commissaire européen.
Bien que 10 % seulement de la
production agricole du globe
s’échangent sur le marché mondial,
ce sont ces prix qui servent désormais
de référence. Vu leur niveau, garantir
un revenu minimum aux agriculteurs
suppose des aides substantielles. Or,
celles qui existent sont contestées
par des pays membres comme
l’Angleterre, l’élargissement à l’Est a
augmenté le nombre de bénéficiaires
et personne ne veut voir progresser
significativement le budget européen !
Mais voilà qu’arrive la bonne
nouvelle (sauf pour les consommateurs) : dopés par une forte demande
mondiale, les prix agricoles s’envolent. Pour la première fois, les prix
européens sont inférieurs à ceux du
marché mondial. La solution est donc
toute trouvée.
« Je veux que nos agriculteurs puissent vivre des prix de leurs produits »,
déclare donc Nicolas Sarkozy à
Rennes.
Certes, mais comment y parvenir sans
revenir sur le modèle productiviste et
le dogme de la mondialisation
heureuse ? D’autant qu’il ne remet
pas en cause la poursuite des négociations au sein de l’O.M.C. Elles
doivent seulement « repartir sur des
bases saines et des objectifs clarifiés ».
Et puis, l’embellie durera-t-elle, la
caractéristique des prix agricoles
étant jusque-là l’instabilité ?
Si, tablant sans aucune garantie sur la
pérennité des prix mondiaux actuels,
la « nouvelle PAC » devait se résumer
à la suppression des aides communautaires, elle ne serait qu’un marché
de dupe, un de plus.
Il faudra bien un jour choisir entre
une politique agricole pour l’Europe
et une politique de mondialisation de
l’agroalimentaire européen.
Pierre-Yves Collombat,
Président de l’AMR 83,
1er vice-Président de l’AMRF
36 000 communes n° 251, décembre 2007-janvier 2008 - 15
Publi-information
LA TNT GRATUITE PAR SATELLITE
La télévision analogique va disparaître fin 2011, voire plus tôt dans certaines régions. La Télévision
Numérique Terrestre (TNT) se met en place et de nombreux foyers en France peuvent déjà en
profiter. Cependant, l’objectif de couverture par voie hertzienne est fixé à 95 % de la population
nationale, ramené à seulement 91 % pour certains départements. Cela signifie qu’un foyer rural
sur deux ne sera pas desservi par voie terrestre. Pour tous ces foyers, il existe une solution par le
satellite ASTRA : TNTSAT, qui ne requiert ni abonnement, ni location de terminal conformément à la loi
relative à la télévision du futur.
Nick Stubbs
Nick Stubbs
Directeur Général ASTRA France
A qui s’adresse TNTSAT ?
TNTSAT a été lancée en juin 2007 sur les satellites ASTRA. Cette solution par satellite s’adresse :
aux foyers situés dans une zone non couverte par le numérique terrestre
aux foyers situés dans une zone couverte par le numérique terrestre mais qui reçoivent avec difficulté ou partiellement
les chaînes de la TNT Gratuite
aux personnes disposant déjà d’une parabole pour recevoir les chaînes nationales en analogique mais souhaitant bénéficier
des 18 chaînes de la TNT Gratuite en numérique.
Qu’est ce que TNTSAT ?
Aujourd’hui, la solution TNTSAT permet à tous de bénéficier, sans abonnement et en qualité numérique, de la même offre de
chaînes gratuites que celle proposée par voie hertzienne.
Les 18 chaînes gratuites de la TNT
AVEC LA CHAÎNE FRANCE Ô
+ une version régionale de France 3 au choix parmi les 24 programmes régionaux
+ 160 autres chaînes françaises et internationales en allemand, anglais, arabe, coréen,
espagnol, italien, luxembourgeois, néerlandais, polonais, portugais, tchèque, turc
+ 160 radios en qualité numérique dont la quasi-totalité de la bande FM
Comment fonctionne TNTSAT ?
Un équipement simple
1 parabole de 60 cm orientée sur ASTRA 19°2E
1 pack TNTSAT* (terminal numérique + carte d’accès)
* Le label TNTSAT, conçu par CANALSAT, garantit que le terminal et sa carte permettent l’accès aux 18 chaînes
gratuites de la TNT. Il est apposé sur la face avant de tous les terminaux compatibles.
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Ecrivez-nous à [email protected]