MAXI MOTO – Numéro 97 – juin 2010
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MAXI MOTO – Numéro 97 – juin 2010
La route Deux petites Kawa dans le Doubs Douce France Amateurs de paysages paisibles, de petites routes qui serpentent sereinement entre deux vallées et de nourriture roborative, réjouissez-vous ! Entre Vosges, Suisse et Jura, le département du Doubs offre au motard à l’esprit vagabond largement de quoi satisfaire ses envies d’évasion. Texte : Philippe Guillaume Photos : François Poncet 86 Maximoto Juin 2010 Maximoto 87 Juin 2010 La route Une salaison à Pierrefontaineles-Varans : le paradis pourrait bien ressembler à ça… Deux petites Kawa dans le Doubs O n sera toujours surpris, pour ne pas dire étonné, devant l’attrait des gens pour le clinquant et l’exotisme à deux balles. L’herbe est forcément plus verte à côté, semble-t-il. Il existe pourtant des régions et des départements dont on parle peu. Terroirs immuables à l’écart de l’actualité et des projecteurs médiatiques, ils réservent leurs secrets à ceux qui se donnent la peine de bien vouloir aller les dénicher. Le Doubs est de ceux-là. Rien que le nom de ce département, coincé entre les Vosges, le Jura et la Suisse, sonne un peu « France profonde ». De celle dont on parlait dans les émissions de l’excellent Pierre Bonte sur la vache montbéliarde (savez-vous qu’avec sa robe pie rouge et blanc, ses courbes généreuses, sa démarche tranquille et son regard doux, elle seule permet à ce que le comté soit produit avec le label AOC ?), ou de celle de l’inénarrable Jean-Pierre Pernaut, incollable sur les clochers comtois, au nombre de 700 dans la région et dont l’origine architecturale vient de la Florence médiévale. Eh oui ! Mais le Doubs ne fait pas que se reposer sur un patrimoine pluriséculaire. Ce département dynamique ne se contente pas d’offrir tout le nécessaire au motard en quête de plaisir et d’évasion, il sait aussi proposer aux amateurs de deux-roues la 88 Maximoto Juin 2010 meilleure hospitalité qui soit, comme cela nous l’a été confirmé lors de notre séjour au guidon de deux pétillantes Kawasaki, l’ER-6f et la Versys. Deux petites motos légères et pas prise de tête, qui n’auront de cesse de nous étonner tout au long de ce périple par leur facilité d’usage et leur polyvalence. Itinéraires bis Pour bien découvrir une région, il est indispensable de sortir des sentiers battus : le parcours nous a été concocté par JeanLouis Allemand, un motard aussi passionné qu’amoureux de sa région (voir encadré). Jean-Louis nous ouvrait la route sur une Yamaha TDM 900 (il possède aussi une bien belle BMW R 1150 RT et une fort sublime MZ 125 ETZ tandis que son fils, qu’il a manifestement bien élevé, roule sur une Ducati Multistrada 1000 DS). Jean-Louis est un pur biker, un vrai, jusque dans les détails qui tuent : la preuve, il avait des chaussettes jaunes Joe Bar Team ! Néanmoins, suivre Jean-Louis, c’est l’assurance de ne pas rencontrer une seule autoroute, ni même une nationale à quatre voies, pas plus que (suprême horreur !), un radar automatique. L’évasion, la vraie, en quelque sorte. Dès la sortie de Montbéliard, le ton est donné : la route serpente dans les sous-bois en direction des montagnes du Lomont. Passage rapide devant le siège social des cycles Peugeot, en regrettant que leur devanture soit triste à mourir et ne mette pas en valeur l’incroyable patrimoine de l’un des plus vieux constructeurs de deux-roues motorisés. Les amateurs de véhicules anciens, toutefois, n’hésiteront pas à faire le détour par Sochaux pour visiter le musée de l’Aventure Peugeot où une cinquantaine de cyclos et de motos sont exposés, à côté d’un alignement exhaustif d’automobiles. Tout comme les adeptes des mécaniques de haute précision, ce n’est pas incompatible, gagneront à rendre une petite visite au musée de l’Horlogerie, situé à Morteau. Bref, quelques minutes plus tard, ce sont les vestiges du théâtre romain d’Epomanduodurum (enfin, maintenant, ça s’appelle Mandeure), incroyablement conservés, qui s’exhibent sous nos yeux. Ce théâtre avait 18 000 places, soit à peine moins que la population actuelle de Montbéliard, ville toute proche ! Bref, en moins de dix minutes, deux des facettes du Doubs se livrent à nous : le patrimoine culturel et industriel est omniprésent. Pourtant, comme toujours en ce qui nous concerne, l’appel de la route reste le plus fort. Les deux twins presque identiques de nos motos trépignent d’impatience (surtout celui de la verte, un peu moins souple à très bas régime) avant de grimper les premiers reliefs. Une petite route serpente dans les forêts de hêtres et de sapins qui filtrent la lumière. La moyenne horaire ne doit guère dépasser les 50 km/h et pourtant, c’est le bonheur. Quand une région parvient à faire passer la monture au second plan, c’est qu’elle a gagné son pari de séduction. Même si nos deux petites Kawasaki se distinguent par leur caractère joueur ; même si, travers professionnel oblige, nous avons du mal à rester zen au guidon quand se profile une série de virages, l’atmosphère paisible de ce début de balade dans cet océan de verdure nous plonge dans une humeur contemplative et la matinée se déroule plus vite que prévu. Soudain, à l’occasion d’une énième pause, alors que la vallée résonne du tempo paisible des cloches des montbéliardes, Jean-Louis nous annonce avec un sourire énigmatique : « Les amis, je crois qu’il est temps de passer à table. » C’est du lourd ! Et la table, c’est un truc que les Franc-Comtois prennent au sérieux. Enfin, avec les vaches, les horloges, l’absinthe et les clochers, ceci nous prouvant une fois de plus que l’autochtone aime les plaisirs simples, ce qui ne saurait constituer en rien un reproche. Ce trait de caractère se retrouve dans un sens de l’accueil à la fois simple, sincère et chaleureux. Ces mêmes qualificatifs s’appliquent d’ailleurs à la perfection Les joies simples de la vie à la campagne : se rassembler entre amis. Autour d’une bonne croûte par exemple... À droite, le sanglier des Ardennes ; à gauche, l’horloge comtoise. Qui est le plus vieux ? ur vous o p é t s e t a On ange Doubs, on m Cherchez l’intrus : sur ces 7 bons produits, y en a un qui colle un peu aux dents… Que ce soit en mode attaque ou tranquille, les routes du Doubs savent varier les plaisirs. le , vous t sûre : dans Une chose es l’écart des sentiers battus fait à à e ut to êm M es ! ss en re bi lement des ad a testées trouverez faci es. Voici celles que l’on bl da an recomm pour vous. Au relais des mont la saveurs, à B un nd (25310) Qua r ouvre he uc bo en ci an , c’est la un restaurant uvoir po de e certitud 35 17 03 andes goûter des vi s, tendres… Tél. 03 81 30) re 53 nd (2 te n s, ro re lé àC tend du fromage, nt Le Hameau m l’indique, ce restaura ) no n utique bo e un Comme so et joli musée avez (il y a aussi un ns les fromages. Si vous da ut é to lis de ia éc an est sp comm l de x, on vous re un petit creu t la boîte chaude à l’éde en m 51 particulière 03 81 62 41 du Motier, à Cléron. Tél. e rme-auberg (25510) Dans cette fe e ri Chèvre Varans sle oduits ein ta ose que des pr Pierrefon e, on ne prop r est généreuse, rg be au erm oi fe isine du terr , ou du maison. La cu q au vin et aux morilles ne co .U er du bi e au mor à l’imag mes de terre gratin de pom ite vraiment le détour. ér adresse qui m 10 39 56 tTél. : 03 81 coude, à Labergemen es u L’Auberge d (25160) Chambres simpl cette ur ie po ar nt -M ra te au in st Sa bles et bon re bel mais conforta ie siècle qui possède le la 1 57 xv du 1 69 3 8 03 . él auberge T . envenue ! » « Motards, bi Maximoto 89 Juin 2010 Douce France La route Deux petites Kawa dans le Doubs à ce que l’on trouve dans son assiette. On se demande même comment une région qui nourrit ses habitants d’une telle façon n’est pas entièrement peuplée d’obèses ! Le Franc-Comtois moyen a l’air robuste, mais svelte ; peutêtre devons-nous mettre cela sur le compte des hivers plus que rigoureux qui l’obligent à puiser dans ses réserves. Par contre, l’honnêteté m’oblige à devoir aborder un sujet qui risque, au passage, de nous faire perdre un paquet de lecteurs franc-comtois (ce qui est triste en soi, mais notre magazine étant un tel succès d’édition, on s’en remettra). Il existe là-bas un gigantesque complot qui regroupe absolument tous les habitants, et qui consiste à faire croire à tout nouvel arrivant qu’il doit absolument tester une spécialité divine pour pouvoir, enfin, être admis par ses hôtes. Cette séance d’intégration (en d’autres termes : un bizutage) compte sur la naïveté du visiteur, sa bonne éducation, son empressement à ne pas vouloir heurter les sensibilités de l’autochtone (qui a toujours des mœurs bizarres, c’est bien connu), visiteur qui se retrouve, bien malgré lui, à tenter d’ingurgiter une pâte épaisse et collante, inodore bien que légèrement acide, et dont la consistance permettrait, le cas échéant, de réparer une bielle défectueuse sur le bord de la route. Vous voilà prévenu : si on vous force (gentiment, mais attention, ça peut quand même se produire au petit-déjeuner…) à goûter de la cancoillotte (déjà, le nom, ça sonne comme une farce), méfiez-vous, c’est la variante locale de la tarte au concombre. Variante locale qui a malgré tout ses fans, car tous les goûts sont dans la nature. Mais pour le reste, il n’y a rien à dire : ça vaut le détour, et pas qu’un peu. Toutes les tables que nous avons visitées nous ont prouvé qu’apport calorique conséquent et raffinement n’étaient pas des notions incompatibles. À la chèvrerie ferme-auberge du Motier, par exemple, devant un coq au vin et aux morilles, un gratin au morbier et quelques pâtisseries maison, on se dit que la langue française manque de mots pour exprimer le soudain sentiment de volupté qui nous envahit. Si nous étions doué d’un quelconque talent artistique, il nous viendrait l’envie d’écrire un petit alexandrin, là, sur la nappe en papier, en hommage à l’alliance sacrée de la pomme de terre, du fromage et de la charcutaille. Mais bon, à force de vous parler de saucisses, vous devez croire que vous n’êtes plus plongé dans la lecture de maximoto mais maxi-morteau. Néanmoins, ce petit intermède On ne dira jamais assez le plaisir ressenti à sillonner la France par les petites routes, entre monts et vallées, l’âme guillerette et les narines au vent… littéraire et gastronomique s’imposait : les motards sont aussi des épicuriens, eux qui n’aiment rien de plus que de se fondre totalement dans le relief en dessinant des arabesques autour des collines. Un bon motard, finalement, c’est quand un gastronome est le fruit de l’union entre un équilibriste et une paysagiste. La légèreté de l’être Et nos machines, dans tout cela ? Si les Kawasaki ER-6f et Versys sont bien connues de la rédaction, ces trois jours passés à leur guidon nous ont rappelé deux vérités essentielles. La première, c’est que si l’adage « light is right » est éminemment valable quand on parle de performances, il est également parfaitement valide lorsque l’on se balade. Car pour grimper sur le point de vue permettant d’observer le site d’Ornans, ville natale de Gustave Courbet ; pour se garer devant la boutique Myotte à Pierrefontaine-lesVarans, visiter son tuyé et goûter à ses salaisons ; pour faire une petite pause devant un lavoir ; pour admirer le château de Cléron ; pour gravir les petites routes qui montent au sommet du mont d’Or (1 463 m) et aller contempler la Suisse de l’autre côté de l’escarpement ; pour décider de sa direction à chaque embranchement au gré de ses envies de flâner et de découvrir ce qui se cache derrière le prochain virage… les occasions ne manquent pas de s’arrêter, Ne vous fiez pas aux apparences : c’est un peu moins lourd que cela n’en a l’air ! La croix de Croix, normal… Britney Spears était là aussi… 2 510 moustiques (et un chevreuil) ont été tués pour les besoins de ce reportage. Que la SPA se rassure : personne n’a souffert… Remerciements Inutile de dire que ce joli voyage n’aurait pas été possible sans l’accueil chaleureux de JeanLouis Allemand (à droite), ni le soutien de Philippe et Florence de Trail Rando (à gauche, donc), sans oublier la présence sympathique de Claude et de sa Honda Pan European, mais qui ne sont pas sur la photo. Cette fameuse agence de voyages qui diversifie ses activités sur le bitume propose désormais dans son catalogue une boucle baptisée « Au fil du Doubs ». Encadrée par Jean-Louis, cette balade sur 3 jours et 2 nuits comporte 711 kilomètres d’évasion, grimpe 2 cols et contourne 10 lacs. Conformément au cahier des charges de Trail Rando, l’encadrement est personnalisé et l’itinéraire emprunte les voies les moins fréquentées possibles, tandis que l’hébergement et la restauration font appel aux adresses les plus reculées et les plus authentiques. Le prix, tout compris, est de 495 € et le prochain départ le 24 septembre. Plus d’infos sur : www.trail-rando.com 90 Maximoto Juin 2010 Maximoto 91 Juin 2010 La route Deux petites Kawa dans le Doubs de mettre pied à terre, pour repartir après en avoir pris plein les yeux. C’est là où le volume et la masse d’une GT peuvent être handicapants, sans parler du risque de la mettre par terre. Pas de souci de ce côté-là : avec une étroitesse de bon aloi et un poids qui dépasse de peu les 200 kilos, nos deux machines savent se rendre accessibles du matin au soir. Entre les deux, le choix s’opérera en fonction des sensibilités, car dans le Doubs, il y en a pour tous les goûts. La Versys permet d’emprunter (certes, plutôt doucement) des chemins pour aller cueillir des cèpes, tandis que l’ER-6f s’enflamme un peu dans les gorges de Nouailles, surplombant la vallée de la Loue, et enquille les virages avec les repose-pieds par terre. Mais cela, la Versys sait le faire aussi, et plutôt bien, d’ailleurs. Bon, on n’était pas vraiment venus là pour faire un comparatif mais, que voulez-vous, c’est de la perversion professionnelle. Bien que construites sur une même base mécanique, nos deux modèles n’affichent pas la même puissance : c’est 64 chevaux pour la jaune, 72 pour la verte. Et, une fois n’est pas coutume, notre préférence va à la moins puissante, prouvant ainsi qu’une paire d’arbres à cames peut vous simplifier la vie. Plus linéaire, un peu moins puissante (elle prend 195 sur autoroute contre 210 pour l’ER-6f, mais ça n’a aucune sorte d’importance), la Versys est aussi plus souple à très bas régime, ce qui change la vie quand on flâne sur un filet de gaz sans avoir envie de tricoter du sélecteur et de changer tout le temps de rapport. Son ergonomie est aussi plus confortable, et sa 92 Maximoto Juin 2010 suspension arrière un peu moins médiocre que celle de l’ER-6f qui, il est vrai, frôle la caricature en ce domaine. On n’est jamais déçu par un trail : merci à la Versys qui portait les couleurs de ces petites machines qui savent tout faire sans esbroufe de nous avoir rappelé cette autre vérité. Il est vrai aussi que, lors de nos essais tourisme, on ne conduit pas comme dans le cadre de nos essais et comparatifs (heureusement, sinon le compte rendu de voyage aurait exactement la forme d’un road-book de Daniel Elena !), et que c’est une autre facette de la personnalité de nos motos qui s’offre à nous. Les joies de la campagne Bref, on pinaille, mais nos deux petites Kawa se sont révélées des compagnes de route tout à fait séduisantes. Contrairement à certaines motos, elles ont su se faire oublier quand c’était nécessaire pour nous permettre d’apprécier au mieux ce que le Doubs avait à nous offrir. Des vallées verdoyantes traversées par des cours d’eau paisibles aux hauts plateaux dont la beauté sévère est apaisée par de nombreux lacs ; des petits villages sereins surplombés par des fermes massives, à l’architecture qui fleure bon les alpages… Une dernière vallée, traversée à un rythme de sénateur, et un passage au magasin pour rapporter à la maison de quoi prendre des forces. Car il est malheureusement temps de rentrer sur la capitale, des souvenirs plein la tête et riches d’un nouvel adage : d’aller dans le Doubs, surtout, ne t’abstiens pas ! m Le Doubs, un département qui aime les motards Le CDT (Comité départemental du tourisme) du Doubs aime les motards ! Un label « Motards, bienvenue ! » a été développé avec un cahier des charges strict (garage moto fermé d’une capacité de 4 machines minimum, local réservé pour sécher les vêtements le cas échéant, accueil personnalisé…). 25 Logis possèdent déjà ce label dans tout le département. Par ailleurs, le département du Doubs propose lui aussi un séjour à moto sur trois jours, sans encadrement mais avec road-book précis, hébergement réservé et demi-pension, pour 186 € par personne. Plus d’informations sur www.doubs.travel