hafet ben ahmed.
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F FICHE FILM L'esquive de Abdellatif Kechiche Fiche technique France - 2004 - 1h57 Réalisation & scénario : Abdellatif Kechiche Image : Lubomir Bachkev Montage : Ghalya Lacroix Décor : Michel Gionti Interprètes : Osman Elkharraz (Krimo) Sara Forestier (Lydia) Sabrina Ouazani (Frida) Hafet Ben Ahmed (Fathi) Rachid Hami (Rachid) L E Résumé Abdelkrim, dit Krimo, quinze ans, vit dans une cité HLM de la banlieue parisienne. Il partage avec sa mère, employée dans un supermarché, et son père, en prison, un grand rêve fragile : partir sur un voilier au bout du monde. En attendant, il traîne son ennui dans un quotidien banal de cité, en compagnie de son meilleur ami, Eric, et de leur bande de copains. C’est le printemps et Krimo tombe sous le charme de sa copine de classe Lydia, une pipelette vive et malicieuse… Critique A travers l’histoire d’adolescents qui montent une pièce de théâtre en costumes dans leur lycée, Abdellatif Kechiche fait se téléscoper le monde de Marivaux et celui des banlieues. C’est un bien joli mot, «l’esquive». L’un de ces mots trop rares qui appartiennent à tous. A Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, dont le Jeu F R A de l’amour et du hasard connaît une nouvelle vie dans cette banlieue anonyme où il se joue et s’étudie en cours de français. Aux adolescents eux-mêmes, Krimo, le mutique, Lydia, la bavarde impénitente, Frida, la grande gueule. Et ce mot qui appartient à tout le monde, du badinage galant du XVIIIe siècle à la langue drue et violente des cités contemporaines, signifie autant éviter un baiser, une étreinte, fuir une histoire d’amour, qu’échapper à un coup, se protéger d’une blessure ou d’une violence. Douceur, grâce de l’esquive, que maîtrisent si bien la Lisette de Marivaux et son interprète, la jolie Lydia. Et aussi, pour Arlequin et Krimo, cruauté du refus, cuisant comme une gifle. Comme si son titre lui assignait un programme, Abdellatif Kechiche décline, en deux heures de croisements subtils entre vie quotidienne et marivaudage, toutes les nuances possibles de l’esquive, de la drôlerie à l’amertume. Saisi au vol par une caméra virtuose dans les allées de la cité qu’il parcourt d’un air sombre, N C E www.abc-lefrance.com 1 L E F Krimo (Osman Elkharraz), 14 ans peut-être, échappe au groupe agité de ses amis pour rejoindre Magali (Aurélie Ganito), sa copine de longue date. Elle lui fait une scène, ils se disputent. Seul de nouveau et toujours en mouvement, Krimo descend un escalier, tombe sur une porte entrouverte, une voix familière l’arrête. Une vision inattendue pourrait seule interrompre ses incessantes allées et venues, l’inscrire enfin dans la vie. C’est cette vision précisément : l’apparition poétique, miraculeuse de Lydia (Sara Forestier), une blondinette de sa classe, en robe XVIIIe. (…) Le cinéaste esquive, bien sûr, les attentes du spectateur, pour qui une bande de jeunes dans un hall d’immeuble n’est pas, n’a jamais été un matériau cinématographique, tout juste celui d’un reportage de journal télévisé sur l’insécurité. Pour la première fois, un cinéaste français filme la banlieue comme l’écrin d’une poignée de personnages, sans s’attarder, avec une rapidité sèche qui évite le sociologique. L’Esquive est un film modelé par le discours, paradoxal comme la rencontre de Marivaux et de Krimo. Construit à l’extrême, mais donnant constamment l’impression de saisir la réalité au vol. Rapide, et pourtant découpé en longues scènes élastiques qui s’étirent à loisir, au gré des tirades de chacun. Tout entier dédié au discours amoureux, ce qui dissimule à peine sa profondeur politique. Kechiche n’a pas choisi par hasard l’auteur du Paysan parvenu et de L’Ile aux esclaves, dont les vrais héros ne sont jamais les aristocrates. La transposition est à prendre au sens littéral ; donner la parole amoureuse à Krimo et aux autres, c’est bien mettre sur le D O C R A N devant de la scène les Arlequin et Lisette d’aujourd’hui. Au-delà du contraste entre la langue ciselée de Marivaux et celle de la cité, se joue une autre opposition, physique celle-là, et bien plus essentielle, qu’il capte admirablement. Suivant sa Lydia costumée, Krimo va assister à une répétition du spectacle de fin d’année. La scène entre Arlequin et Lisette est une scène d’esquive, bien sûr, que Lydia et Rachid (Rachid Hami) interprètent, avec une grande intelligence du texte, comme un ballet harmonieux. Arlequin tente un baiser, Lisette l’évite d’un mouvement d’éventail. Dans la vie quotidienne, les corps des adolescents ne cessent de se heurter. Au théâtre, ils se frôlent gracieusement. Autant que de Lydia, c’est de ce rêve d’harmonie que s’éprend Krimo. Grâce à un marché conclu avec Rachid, il hérite du rôle d’Arlequin. Mais, confronté à la même scène, il échoue à se métamorphoser comme il le devrait. «Amuse-toi !», hurle la prof de français, dans une scène qui, de comique, devient vite poignante. «Sors de toi-même ! C’est possible ?» Non, Krimo ne peut pas, c’est là son drame. Ainsi, la grande drôlerie du film ne sert jamais de masque à un réconfort trop commode. Et lorsque, dans l’intimité d’une répétition, il saisit l’occasion d’embrasser Lydia, cela tourne à la catastrophe : il la fait tomber, elle s’empêtre dans sa fameuse robe, ils se cognent. Le rapport au monde apaisé auquel il aspire ne cesse d’échapper à Krimo plus encore que la fille dont il est amoureux. A la fin, après une confrontation embarrassée dans une voiture que des policiers viennent interrompre, le tonnerre d’imprécations diminue, le film est envahi U M E C E par une langueur muette. Lydia se décidera-t-elle enfin ? Dévoilera-telle ses sentiments ? La patience de Krimo sera-t-elle récompensée ? Les réponses apparaissent en silence, sur le visage de chacun. Il y a, dans cet apaisement brutal, une démonstration brillante du pouvoir de la caméra : les mots cèdent du terrain, comme pour signifier le triomphe absolu du cinéma ainsi qu’une vérité cruelle. Sans le rempart flamboyant du langage, Lydia, Krimo et les autres apparaissent soudain démunis, fragiles, tellement plus que les personnages de Marivaux. Florence Colombani Le Monde - 7 janvier 2004 (…) Abdellatif Kechiche (La Faute à Voltaire) a construit son film en blocs compacts. En affrontements permanents. C’est à qui parlera le plus vite, gueulera le plus fort. La réunion de Marivaux et des gamins de la cité est, pour lui, une réflexion plaisante et passionnante sur le langage, mais aussi un moyen de montrer une violence masquée qui menace de s’embraser à la moindre étincelle. Dans cette minisociété close sur elle-même, donc hystérique, les alliances fluctuent au nom d’une morale, terrifiante dans sa rigueur : parce qu’elle n’a pas immédiatement accueilli ni rejeté Krimo, qui lui demandait de sortir avec elle, Lydia est accusée par ses copines d’être une fouteuse de merde, une «sans pitié». Et le personnage le plus extravagant -- le plus inquiétant aussi sous son apparente décontraction -- c’est Fathi, le petit macho qui met son grain de sel dans les affaires de cœur de son pote Krimo. Sous la constante tendresse du N T S 2 L E F regard, la mise en scène est tendue comme un film qui menacerait à chaque instant de se rompre. On sent chez Abdellatif Kechiche - un peu comme chez Jacques Doillon, quand il filme les émois des Petits Frères ou les ados bourgeois du Jeune Werther - la volonté d’aller jusqu’au bout du paroxysme. D’exacerber le réalisme pour créer un monde troublant, à mi-chemin du reportage et de la fiction. A la frontière de la vérité et du conte. Alors, peu à peu, le sabir coloré des ados de banlieue s’harmonise avec les imparfaits du subjonctif de Marivaux. En définitive, les uns et les autres ne font que parler d’amour. Même s’il est de plus en plus difficile de privilégier les sentiments dans une société où l’incompréhension rôde et où l’intolérance menace. Abdellatif Kechiche n’a rien d’un idéaliste ni d’un utopiste. Mais, avec l’aide de comédiens amateurs étonnants de vigueur et de fraîcheur (Sara Forestier est une étonnante Lydia, mais tous sont remarquables), il réussit l’alliance rare de la lucidité et de l’espoir. L’Esquive décrit, donc, le monde tel qu’il est et le rêve tel qu’il pourrait être. C’est, au sens le plus noble du terme, un film politique. Et un film politique superbe. Pierre Murat Télérama n° 2817 - 10 jan. 2004 Entretien avec Abdellatif Kechiche et Cécile Ladjali Télérama : Vous avez reconnu vos élèves dans les adolescents de L’Esquive ? Cécile Ladjali : Oui, je me suis retrouvée propulsée dans ma ban- D O C R A N lieue, dans mes classes. Dix fois j’ai dû me retenir de pleurer. C’est tellement ça, tellement vrai, la détresse des enfants, leur ennui, leur solitude, leur honte, parfois, au moment de monter sur scène. Ce qui m’a bouleversée, c’est l’abdication du héros, Krimo, qui renonce à faire du théâtre, parce que «ça fait bouffon». J’entends ça combien de fois par jour ! En revanche, le salut de l’héroïne, Lydia, est obtenu grâce aux mots. Abdellatif Kechiche : Je ne vois pas le parcours de Krimo comme un échec. Même s’il ne réussit pas à s’exprimer par le théâtre, il parvient à sortir de sa bulle, se déguise en acteur pour s’ouvrir à l’autre, à ses émotions, et déclarer sa flamme à sa manière. C’est plutôt encourageant, c’est quelque chose qui va le construire. Le film raconte le parcours d’un garçon fragile et timide, qui a du mal à s’exprimer. Il n’est pas l’emblème d’une jeunesse de cité. Mais si j’ai voulu montrer cette fragilitélà, c’est aussi pour casser l’image caricaturale qu’on donne généralement de la banlieue : des jeunes durs, qui font peur. J’avais envie de parler d’amour et de théâtre, des premiers émois. De raconter le marivaudage de ces adolescents. Télérama : Ce n’est pas par hasard si vous avez choisi de leur faire jouer du Marivaux, "Le Jeu de l’amour et du hasard"… Abdellatif Kechiche : Marivaux accorde à ses personnages issus de milieu populaire une intériorité, une intelligence, des sentiments que très peu d’auteurs de son siècle leur prêtent. De même qu’aujourd’hui on représente les gens de ces quartiers populaires de manière réductrice, superficiel- U M E C E le, sans les traiter dans leur complexité. Dans Le Jeu de l’amour et du hasard, le valet éprouve la même passion, le même dépit que le maître. Il y a chez Marivaux un enjeu social souterrain. C’est un auteur subversif. Télérama : Vous aussi, Cécile Ladjali, comme le professeur du film, enseignez la littérature en alliant pédagogie et démarche créative. Cécile Ladjali : Cela fait plusieurs années que je fais écrire mes élèves, et que leurs textes sont publiés. Et il faut voir leur fierté quand ils ont vaincu leurs pudeurs. L’année dernière, je leur avais demandé d’adapter pour le théâtre une nouvelle de Balzac, Sarrasine. Ils l’ont jouée sur scène, sous la direction de William Mesguich. C’est l’histoire d’un homme qui tombe amoureux d’un homme en croyant que c’est une femme. Or, quand les valeurs de virilité sont bafouées dans la cité, ça se passe très mal, il n’y a rien de pire que de passer pour un petit pédé. Sur scène, j’avais un élève, un garçon déguisé en fille, maquillé, habillé avec des vêtements XVIIIe siècle. Une gageure. Je peux vous dire qu’il était radieux d’avoir réussi à le faire. Cinq cents personnes au Théâtre Michel-Simon de Noisyle-Grand : respect total ! Parce qu’il y avait là un acte de courage. Et beaucoup de travail derrière, un texte écrit avec des mots, une syntaxe, qui se tenaient. Il faut qu’il y ait des artistes, des professionnels comme William Mesguich, qui croient aux enfants et à ce que recèle leur création, pour les cadrer. Les premiers brouillons de mes élèves, quand ils écrivent, ne sont pas bons. Il faut que le prof N T S 3 D O C U soit là, que les livres soient là, pour les nourrir. L’art, la création, le théâtre, donnent aux enfants la possibilité de sortir de leur ghetto social, de leur ghetto linguistique. C’est, je crois, l’un des messages de L’Esquive. Télérama : Il y a dans ce film un formidable travail sur le langage. On voit l’héroïne, Lydia, glisser du langage de la cité à la langue classique de Marivaux avec une liberté vertigineuse. La prof de français que vous êtes a dû y être très sensible ? Cécile Ladjali : Pour mes élèves, le français classique est souvent une langue étrangère qui appelle une traduction. Ils disent : «De toute façon, la littérature, ce n’est pas pour moi, à la maison il n’y a pas de livres, ce n’est pas mon monde...» Ils s’enferment dans un ghetto linguistique. Et en tant qu’enseignante, je dois travailler contre cet empêchement d’apprendre qu’ils s’infligent. Je travaille contre leur nature, contre les lois de la cité. Abdellatif Kechiche : Je suis fasciné par le langage de ces jeunes quand ils sont entre eux. Je trouve que leur langue est belle, ambiancée, riche de symboles, nourrie de mots de leur langue d’origine, pleine de gestes, d’expressions qui se mélangent. Bien sûr, je ne suis qu’un artiste humblement contemplatif, pas un pédagogue. Mais je ne crois pas qu’ils s’enferment dans un ghetto. Je pense au contraire qu’il se passe quelque chose chez ces jeunes, un formidable événement culturel, linguistique. L E F M E En tout cas, je n’ai pas voulu faire de comparaison entre la qualité du langage de Marivaux et le leur, plutôt les renvoyer l’un à l’autre. (…) Abdellatif Kechiche : Mais je ne pense pas que le langage des adolescents soit moins intéressant que celui de Marivaux. Leur expression, leur façon d’être sont une véritable culture en elles-mêmes. Ces jeunes Français d’origine africaine ou asiatique sont riches de leur double culture et de leur culture commune puisqu’ils vivent ensemble. C’est l’échange qui est intéressant. Il y a dans les cités une véritable effervescence culturelle. Je pense que ces jeunes vont transformer la langue, l’enrichir, l’empêcher de se figer. C’est toute l’histoire de la langue française... Peut-être que je suis trop admiratif de cette jeunesse… (…) Propos recueillis par Isabelle Fajardo Télérama n° 2817 - 10 jan 2004 Le réalisateur R T S humouristique et tourne également dans Bezness de Nouri Bouzid. Le film est un succès d’estime, Abdellatif Kechiche y joue un de ces jeunes Tunisiens qui vit de ses charmes et qui donne son nom au film. Il reçoit pour ce rôle le prix d’interprétation au Festival International de Damas 1993 et au Festival Francophone de Namur 1997. Auteur de scénarios, Abdellatif Kechiche trouve en Jean-François Lepetit un producteur prêt à financer son film La Faute à Voltaire, l’histoire d’un jeune Tunisien (Sami Bouajila) qui débarque à Paris et tombe amoureux d’une jeune fille un peu paumée (Elodie Bouchez). Sorti sur les écrans en 2000, le film est récompensé par le Lion d’Or de la meilleure Première Oeuvre au Festival de Venise. En 2003, il réalise, sans quasiment aucune aide, son second film, L’Esquive, l’histoire de jeunes lycéens de banlieue répétant une pièce de Marivaux. Le scénario du film était depuis treize ans dans ses cartons. www.allocine.fr Filmographie Avant de se lancer dans la réalisation en 2000 avec La Faute à Voltaire, Abdellatif Kechiche fait ses débuts sur les planches. (…) Ses premiers pas au cinéma se font en 1984 dans Le Thé à la menthe d’Abdelkrim Bahloul, où il tient le rôle principal, celui d’un immigré algérien vivant de traffics. Tout en continuant de jouer au théâtre, il s’illustre en 1987 devant la caméra d’André Techiné en gigolo arrogant dans Les Innocents. En 1991, il retrouve Abdelkrim Bahloul pour lequel il tourne dans Un vampire au paradis, un film fantastico- SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE N A La faute à Voltaire L’Esquive Primé aux Césars 2004 2000 2002 Documents disponibles au France Revue de presse importante Positif n°512 Cahiers du Cinéma n°586 Pour plus de renseignements : tél : 04 77 32 61 26 [email protected] N C E 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 Fax : 04.77.32.07.09 4 MONTY PYTHON, SACRÉ GRAAL DE TERRY JONES & TERRI GILLIAM FICHE TECHNIQUE GRANDE-BRETAGNE - 1975 - 1h30 Réalisateur : Terry Gilliam Terry Jones Scénario : Monty Python Musique : Neil Innes Interprètes : Graham Chapman Le roi Arthur John Cleese Lancelot) Terry Gilliam Pasty SYNOPSIS fiche film Monty Python, Holly Graal Le roi Arhur ayant rassemblé les chevaliers de la Table Ronde, part avec eux sur de curieuses montures à la conquête du Graal et s'égare dans le monde du non-sens : le chevalier noir est découpé en rondelles, on doit affronter un sphinx aux bizarres énigmes, des villageois contestataires, cent vierges assoifées d'hommes et le lapin sanguinaire. La police motorisée met fin à la quête du Graal. CRITIQUE Deux longs métrages ont été réalisés, interprétés, écrits par les Monty Python. Ce sont And now for something slightly different (connu ici sous le titre imbécile de Pataquesse) et Monty Python and the Holy Grail. Leur pusillanimité de "peace freaks" ne les empêche pas d’être extrêmement anarchiques. Ils conçoivent eux aussi le nonsense comme Le centre de Documentation du Cinéma[s] Le France, qui produit cette fiche, est ouvert au public du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h30 à 17h30 et le vendredi de 9h à 11h45 et accessible en ligne sur www.abc-lefrance.com Contact : Gilbert Castellino, Tél : 04 77 32 61 26 [email protected] une activité destructrice, le nivellement par l’anéantissement façon cartoon. (…) Dans Sacré Graal, ils combattent un lapin assoiffé de sang, un chevalier haché menu qui se débite littéralement en tranches, et subissent un bombardement de vaches mortes. Ils ont fêté sur les ondes de la BBC l’anniversaire de la reine en accumulant en une seule soirée des sketches les plus indéfendables : drogue, crucifixion, cannibalisme ("comment manger votre mère morte"). Eux aussi cultivent la cruauté indolore des dessins animés : I’un d’eux, Terry Gilliam, qui est le seul Américain du groupe, voyons en lui le trait d’union entre les deux écoles ci-dessus, fabrique des séquences de liaison dignes de l’oncle Avery. Il prépare, m’a-t-il dit, une adaptation animée du Jabberwocky de Lewis Carroll, ce qui est dans l’ordre. Les idées de ces cinq anars décontractés valent leur pesant d’irrévérence gratuite et de saugrenu. Ils sont les seuls à révéler toute la vérité sur les quatre frères Sartre : Jean, Paul, Georges et Ringo. Ils arbitrent la Coupe du Monde des philosophes, dont le clou est l’affrontement entre l’équipe allemande avec Hegel, Kant, Marx, et l’équipe grecque, menée par le champion Socrate. Ils nous font connaître les moutons musicaux, I’homme au magnétophone dans la narine, I’homme qui hypnotise les briques, I’explorateur qui organise une expédition pour retrouver le pont qui relie les deux Kilimandjaros, ou ce grand moment : Marx et Lénine répondent à cent questions sur le football. Ils ne redoutent pas la vulgarité, mais ils la survolent en s’y vautrant : depuis leur fameux sketch sur l’homme aux trois fesses, ils n’hésitent nas dans Sacré Graal à recourir à la scatologie. "Ce doit être le roi, dit un paysan, il est le seul à ne pas être couvert de merde !" (…) La notion d’auteur avec eux est encore plus complexe que dans les cas de Brooks et Allen. Ils sont six à tout faire, et à jouer absolument tous les rôles principaux. Pour la mise en scène il en va de même, bien qu’ils aient délégué deux d’entre eux à la responsabilité finale : Terry Gilliam et Terry Jones, sous le prétexte assez mince que "n’importe quel Terry peut mettre en scène". Mais ces écrivains de métier préfèrent citer des films plutôt que des livres dans la liste de leurs préférences, qui est assez parlante : leurs œuvres de prédilection sont Dr Folamour, Mash, La Grande bouffe et Le Charme discret de la bourgeoisie. Dans la vie, ils travaillent séparément comme acteurs, auteurs, et réalisateurs. L’un est spécialiste de Chaucer, I’autre collabore avec les Who et Sam Peckinpah, un autre a son propre show de télévision, mais tous attendent de réformer l’équipe extravagante pour le prochain projet de Monty Python, qui s’intitule L’Appétit de gloire de Jésus-Christ. Une Terre Promise est une terre due. Monty Python Sacré Graal selon le slogan renvoyait le cinéma 900 ans en arrière. Espérons que ce film sera un portrait de Jésus en drogué, cela prouverait au moins que les "Voyages" forment la Genèse ! Positif n°180 FILMOGRAPHIE TERRY GILLIAM Longs métrages : Storytime 1968 La première folie des Monty Python 1971 Monty Python, sacré Graal 1975 Jabberwocky 1977 Bandits, bandits 1982 Monty Python, le sens de la vie 1983 Brazil 1985 Les aventures du baron de Münchausen 1989 Fisher king : Le roi pêcheur 1991 L’Armée des 12 singes 1996 Las Vegas parano 1998 Le court des grands 2005 Les Frères Grimm Tideland 2006 FILMOGRAPHIE TERRY JONES Longs métrages : Monty Python, sacré Graal 1975 La Vie de Brian 1978 Monty Python, le sens de la vie 1983 Erik the Viking 1989 Du vent dans les saules 1996 Documents disponibles au France Revue de presse importante Positif n°171/172, 180 Cahiers du Cinéma n°567 Repérages n°27 PERSEPOLIS FICHE TECHNIQUE FRANCE - 2007 - 1h35 Réalisation : Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud d’après l’œuvre de Marjane Satrapi Direction Artistique : Marc Jousset Montage : Stéphane Roche Musique : Olivier Bernet Avec les voix de : Gabrielle Lopes (Marjane Enfant) Chiara Mastroianni (Marjane adolescente et adulte) Catherine Deneuve (la mère de Marjane) Danielle Darrieux (la Grand-Mère de Marjane) Simon Abkarian (le père de Marjane) François Jerosme (oncle Anouche) L’histoire d’une jeune fille Iranienne, Marjane, pleine de rêves. A huit ans, elle est encore choyée par ses parents et grands-parents lorsque sa vie bascule suite à l’instauration de la République islamique. C’est le début du temps des «commissaires de la révolution», qui contrôlent tout et notamment les tenues et les comportements. La jeune Marjane doit faire face à ce bouleversement, amplifié par la guerre contre l’Irak. Bombardements, privations, Marjane doit également subir la perte de ses proches. Dans un contexte de plus en plus pénible, Marjane finit par s’affirmer et à entamer une certaine rébellion. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger. Mais à Vienne, Marjane, devenue adolescente, vit sa deuxième révolution entre la découverte de la liberté, de l’amour, de l’exil, de la solitude et de la différence. SYNOPSIS fiche film DE MARJANE SATRAPI ET VINCENT PARONNAUD CRITIQUE Ses souvenirs, elle les avait jusqu’alors dessinés : quatre 1 BD en noir et blanc, au style épuré et à l’humour féroce. Trois ans de travail, 80 000 dessins, une technique à l’ancienne (sans image de synthèse) et des voix de stars pour incarner les personnages (Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux...) : Persepolis est devenu un film, à la fois fidèle aux albums et plus ample, plus tragique. Avant de se mettre au travail, Marjane Satrapi et son complice de cinéma, Vincent Paronnaud, ont visionné des films, en noir et blanc, bien sûr – La Nuit du chasseur, de Laughton, et La Soif du mal, de Welles –, pour en retrouver le climat de cauchemar. D’où l’angoisse que l’on ressent, dans l’Iran de Khomeyni, avec ces arrestations et ces exécutions qui se multiplient. Dans de somptueux dégradés de gris, toutes ces silhouettes qui passent à la trappe semblent avalées par une diabolique machine à tuer. Imaginez Ubu dans l’univers expressionniste de Fritz Lang... (…) Le film est peuplé de silhouettes sinistres ou drôles, croquées avec un humour rosse. Dans l’Autriche repue et égoïste où Marjane échoue quelque temps, on croise la route de Frau Schloss, logeuse inhospitalière, flanquée de l’insupportable chien Yuki. De Fernando, premier flirt, qui remercie une Marjane toute dépitée de lui avoir révélé... qu’il préférait les hommes ! Ou de ce salaud de Markus auprès de qui elle va connaître son premier chagrin d’amour... Et en Iran, difficile d’oublier la brave Mme Nassrine, contrainte de presser du raisin pour l’oncle distillateur de Marjane, tout en murmurant, jupes retroussées : « Que Dieu me pardonne, que Dieu me pardonne... » Ou le pauvre Kia, amputé d’un bras et d’une jambe, lors de la guerre contre Saddam Hussein, qui trouve la force de rire de sa vie foutue... Mais le plus beau personnage reste la grand-mère de Marjane. Danielle Darrieux lui prête sa voix et son charme, son insolence légère et son art à passer, en une fraction de seconde, de la tendresse à la cruauté. Marjane Satrapi a offert les meilleures répliques à cette grand-mère visiblement adorée : «Nom de Dieu, comme tu as grandi. Tu vas bientôt pouvoir attraper les couilles du Seigneur !» dit-elle en revoyant Marjane après son séjour autrichien. Cette vieille dame joliment indigne explique à sa petite-fille comment garder les seins fermes («Dix minutes chacun dans un bol d’eau glacée») et comment sentir bon («Je cueille des fleurs de jasmin, chaque matin, que je glisse dans mon soutien-gorge»). Elle lui enseigne, surtout, le sens de l’honneur et l’engueule ferme lorsqu’il fléchit. «Tout le monde a le choix, tout le monde a toujours le choix», lui rappelle-t-elle sans cesse. A l’image de Karl Marx et de Dieu, un instant réunis dans l’esprit enfiévré de Marjane, qui, eux, lui assurent, en levant le poing : «N’oublie pas, la lutte continue !» Pierre Murat Télérama n° 2998 - 30 Juin 2007 (…) De prime abord, le film coule naturellement de sa source. Passé le temps d’un très bref prologue, les images retrouvent le noir et blanc des albums. Persepolis est un récit puisé dans les souvenirs de Marjane Satrapi, que l’on découvre enfant, à la veille de la chute de la monarchie iranienne. On a à peine le temps de s’étonner de reconnaître la voix de Catherine Deneuve dans la bouche de Mme Satrapi que le récit balaie ces distractions mineures. Comme toute sa génération, Marjane Satrapi a été victime de la vieille malédiction : «Puissiez-vous vivre en des temps intéressants.» Née dans une famille d’intellectuels de gauche, elle a vu ses oncles émerger des geôles du chah pour disparaître à nouveau dans celles de la République islamique. Ses amis, ses cousins ont été happés par la guerre contre l’Irak, ses amies ont dû se plier aux préceptes des mollahs. Mais Persepolis ne prétend pas faire le portrait d’une génération. Il s’agit seulement de porter à l’écran l’autoportrait d’une jeune femme. L’exercice est sans précédent, et Perspepolis peut se prévaloir d’être le premier film de son genre - l’autobiographie animée. A cela près que Marjane Satrapi s’est adjoint un coréalisateur en la personne de Vincent Paronnaud. Auteur de BD comme elle (il signe sous le nom de Winschluss), il a déjà réalisé un court métrage d’animation. C’est une explication possible au fait que Persepolis se sente si à l’aise dans sa condition de film. De toute façon, la conjonction de ces deux talents a abouti 2 à l’apparition d’un cinéaste qui ne se lasse jamais d’explorer les moyens de son art, communiquant l’enthousiasme du néophyte surdoué. La simplicité du trait de Marjane Satrapi se déploie désormais dans un monde vivant, fait de décors parfois géométriques, parfois nimbés de brumes d’un gris enivrant. Lorsqu’un récit à l’intérieur du récit renvoie le spectateur à un épisode de l’histoire iranienne, le trait se fait encore plus économe, le mouvement des personnages est délibérément calqué sur celui de marionnettes de carton. Ce n’est qu’un exemple de cette souplesse athlétique qui permet à Persepolis de circuler sans effort apparent entre la tragédie historique et la comédie familiale, entre le drame vu par les yeux d’un enfant et la satire sociale. Les albums de Marjane Satrapi se distinguaient déjà par leur lucidité, et l’on dirait bien que Vincent Paronnaud a encore accentué ce trait. Lorsque l’on voit l’une des tantes de la petite héroïne en proie à la persécution des nouveaux dirigeants (elle doit supplier que l’on laisse son mari quitter le pays afin d’être opéré du coeur), la mise en scène ne cache rien des préjugés de la pauvre femme, qui déverse tout son mépris sur le directeur de l’hôpital : «Mon ancien laveur de carreau», éructe-t-elle. La frontière est ténue entre la satire et l’horreur toute simple, et Persepolis ne cesse de la franchir : Marjane adolescente cherche des cassettes de heavy metal sur le marché noir quand elle est interceptée par un commando de dévotes : la façon dont le noir des tenues religieuses envahit l’écran, menaçant d’étouffer la pauvre héroïne, montre que les réalisateurs n’ont pas tort quand ils se prévalent de l’héritage expressionniste. C’est la dernière singularité du film que d’offrir un contrechamp aux grands films venus d’Iran pendant la dernière décennie. (…) Thomas Sotinel Le Monde - 27 juin 2007 ENTRETIEN AVEC MARJANE SATRAPI extension de mon œuvre dessinée. A posteriori, c’est incroyable de voir, que dès qu’on fait un scénario de film, ça devient une fiction. Il s’est créé une distance entre moi et l’histoire. Persepolis, le film, est donc plus une fiction que les albums. C’est mon rapport à l’histoire qui a changé. Tant qu’un personnage ne bouge pas, je le possède. La première fois que j’ai vu 30 secondes d’animation, je me suis sentie mal, il a fallu que je boive des cognacs à midi. Soudain, les personnages se détachaient de moi. En plus, je travaillais avec 90 personnes, je me chargeais de la direction du jeu des personnages. Je les jouais devant les animateurs. Devant eux, je ne pouvais pas dire «moi, je» ou «ma grand-mère». Il fallait dire «elle a dit ça» ou «sa grand-mère a fait ça». Il y a un côté schizophrène. A force de le répéter, «elle» est devenue quelqu’un d’autre. Mon point de vue reste subjectif. Je ne suis pas porte-parole de l’Iran ou d’une génération, je ne veux pas l’être. J’assume cette subjectivité, c’est elle qui permet l’identification. On ne peut pas s’identifier à un peuple, mais on peut s’identifier à une personne. Quand on stigmatise des musulmans, on réduit des gens à une notion abstraite et c’est très bien d’aller les bombarder. On s’en fiche s’il y en a trois cents qui meurent, parce qu’ils ne sont pas nous. Aviez-vous des réticences à l’idée de faire un film de Persepolis ? Absolument. J’avais déjà passé quatre années à faire la bande dessinée. Je ne peux toujours pas vous dire les raisons a priori qui m’ont poussée à faire le film. Dans ma vie professionnelle, je n’ai jamais eu de but défini. Je ne me suis jamais dit que j’allais faire de la bande dessinée, des affiches... Je savais vaguement que je voulais raconter des histoires et dessiner. Je suis arrivée dans un atelier où il y avait des dessinateurs de BD et je crois que c’est pour me faire taire, parce que je parlais tout le temps, qu’ils m’ont dit de faire une bande dessinée. Je crois que j’avais envie d’essayer de faire un film d’animation, surtout pour le côté ludique On a l’impression que la dimende la chose, pas pour créer une sion satirique est plus présente 3 Le centre de Documentation du Cinéma[s] Le France, qui produit cette fiche, est ouvert au public du lundi au jeudi de 9h à 12h et de 14h30 à 17h30 et le vendredi de 9h à 11h45 et accessible en ligne sur www.abc-lefrance.com Contact : Gilbert Castellino, Tél : 04 77 32 61 26 [email protected] dans le film que dans les albums. Le bonheur absolu n’existe pas, mais le malheur absolu non plus. Dans les moments de tragédie, il y a du pathétique et de l’ironie. Même mon oncle Anouche, au moment d’être exécuté, dit une phrase grandiloquente sur la victoire finale du prolétariat. Mais c’était comme ça. Ces gens-là [les marxistes iraniens] étaient aussi butés. Je ne me donne pas de rôle héroïque. On me voit dénonçant un homme pour échapper aux gardiens de la révolution. Je fais toujours l’apologie de l’imperfection. (…) Vous pensez que votre film va être vu en Iran ? Certainement, comme mes livres sont lus. Sean Penn [qui double le personnage du père dans la version américaine du film] m’a raconté que, quand il était envoyé spécial du San Francisco Chronicle à Téhéran, il était allé se promener dans la rue. Au bout de quelques minutes, un homme l’a arrêté : «C’est vous qui jouez dans 21 grammes». Sean Penn m’a dit : «Quand je pense que c’est le film que j’ai fait où il y a le plus de sexe et de drogue...» J’ai alors pensé, c’est ça l’Iran. C’est aussi pour montrer ces nuances que j’ai fait le film. Propos recueillis par Thomas Sotinel Le Monde - 17 juin 2007 BIOGRAPHIE Dans un premier épisode, Persepolis 1, paru à L’Association en novembre 2000, Marjane retrace une partie de l’histoire de sa famille à travers le récit de ses dix premières années, jusqu’à la chute du régime du Shah et le début de la guerre avec l’Irak. Ce livre connaît dès sa parution un énorme succès (Prix Alph’art Coup de Cœur à Angoulême 2001, Prix du Lion en Belgique, près de 20 000 ex. vendus en un an). Dans Persepolis 2, qui paraît à L’Association en octobre 2001, elle raconte la guerre Iran-Irak et son adolescence jusqu’à son départ pour Vienne à l’âge de 14 ans (Prix Alph’art du meilleur scénario à Angoulême 2002, Prix France Info 2002). Persepolis 3 et Persepolis 4, qui ont été prépubliés dans Libération, racontent son exil en Autriche et son retour en Iran. Elle a reçu, au mois d’octobre 2004, le prix de la «BD de l’année» à la foire du livre de Francfort. La vente des quatre tomes réunis dépasse aujourd’hui les 400 000 exemplaires en France et plus d’un million deux cent mille pour le monde entier. Persepolis a été traduit à ce jour en une vingtaine de langues. La série est déjà un succès aux États-Unis où Persepolis est même rangé dans les rayons politique de certaines librairies. Là-bas, le livre est au programme de plus de 160 collèges et universités. Son dernier livre, Poulet aux Prunes, a obtenu le prix du Meilleur Album à Angoulême en 2005. Depuis, elle s’est consacrée à l’adaptation en dessin animé long métrage de Persepolis, dont elle a écrit le scénario et qu’elle a mis en scène avec Vincent Parronaud (auteur de bande dessinée lui aussi, plus connu sous le pseudonyme de Winshluss). (…) Le film est entièrement produit et fabriqué en France (…). Dossier de presse FILMOGRAPHIE Persepolis 2007 Documents disponibles au France Revue de presse importante Positif n°557/558 Cahiers du cinéma n°624 Fiches du cinéma n°1867/1868 CinéLive n°112, 114 4