Certainsl »aimentchaud
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SOME LIKE IT HOT CERTAINS L'AIMENT CHAUD Billy WILDER 1959 USA par Jean-François Martinon Axe d'analyse : Certains l'aiment chaud, un film qui parle du cinéma et un film qui rend hommage au cinéma, avec un réalisateur européen (autrichien) qui arrive aux Etats Unis dès les années 20 et qui lui aussi rend hommage à l'histoire du cinéma. La lecture de cet axe d' analyse sera faite sous trois angles : 1) film comme hommage et parodie de films de gangsters 2) film influencé par le burlesque des années 10 hollywoodien 3) film comme pur produit du star système et du concept de star hollywoodienne totalement incarné par Marilyn Analyse de la première séquence, « l'arrivée du corbillard » 25 plans. 1. PARODIE ET HOMMAGE AUX FILMS DE GANGSTERS Il faut différencier les films noirs et les films de gangsters, les films noirs arrivent plus tard vers les années 40. Les films dits de gangsters commencent au début du parlant vers la fin des années 20. En effet les gangsters à cette époque défraient la chronique, le fameux massacre de la Saint Valentin a lieu en février 1929. Les films de gangsters fonctionnent avec un anti-héros souvent dégénéré et carrément affreux. En 1931 Hollywood produit 50 films de gangsters. Les trois films les plus célèbres dans le genre sont : Little César de Mervin Leroy (USA 1930); The public enemy (l'ennemi public) de William A. Wellman (USA 193) et le fleuron du genre : Scarface de Howard Hawks (USA 1932) où le célèbre gangster Al Capone s'appelle Camonte. C'est pour cela que Wilder a voulu du NB alors que Marilyn avait un contrat pour des films en couleurs. Comparaisons possibles : La fusillade : le massacre de la Saint Valentin dans Scarface (00.46.13) et Certains l'aiment chaud (00.18.30). Scènes très similaires dans le garage ouvert jour et nuit, en noir et blanc, avec le même personnage (“Les-guêtres”) et des jeux d'ombres très esthétiques. Jeu avec la pièce de monnaie : dans Scarface, c'est l'adjoint de Camonte qui joue à faire sauter une pièce de monnaie (00.06.56 et 00.20.23 et 01.17.16). Le même geste est reproduit dans divers passages de Certains l'aiment chaud (01.32.02 et 01.32.22). Scène de banquet : même disposition dans un lieu similaire et même discours entre Little César et Certains l'aiment chaud (01.45.21). (E.G. Robinson, héros de Little César est figurant chez Wilder) Choix d'un fruit comme d'une arme pour frapper ou tenter de frapper quelqu'un : le même pamplemousse est utilisé dans The public enemy où le geste est accompli et dans Certains l'aiment chaud (01.45.15) où le geste est suspendu. Le titre porte une ambiguïté : Some like it hot. En effet les titres selon l'application du fameux code moral du sénateur Hays (en place de 1934 à 1964) devaient être moraux et ne pas choquer le public ; or ici le mot « hot » est tiré d'une réplique concernant la musique « hot » (Some like it hot 00.58.26) c'est à dire la musique rapide, celle qui chauffe : le jazz opposé à la musique classique. Mais souvent dans les films de gangsters le mot « hot » à plutôt une connotation sexuelle venue de l'univers des cabarets où il y a récurrences de scènes qui dans des cabarets et autres lieux de plaisir et de divertissement. Et là encore il y a certainement citation de Scarface qui ouvre de nombreuses scènes par des enseignes lumineuses de cabarets et surtout au moment de l'arrivée du personnage de Camonte (le gangster de Scarface : 00.56.04) au cabaret Paradise où il se retourne sur une jolie fille en disant que c'est chaud « hot » ici ! 2. PARODIE ET HOMMAGE AU CINEMA BURLESQUE Le thème du travestissement qui est un ressort essentiel de Certains l'aiment chaud est là encore un hommage au cinéma par l'emprunt aux burlesques qui se sont souvent servis du travestissement. Des comédiens comme Charlie Chaplin, Stan Laurel, Roscoe Conkling Arbuckle dit Fatty ont plus d'une fois utilisé le thème du travestissement pour renforcer le burlesque. Dans un recueil de huit courts métrages de Buster Keaton (Intégrale des films courts de Buster Keaton, vol. 1), trois d'entre eux sont autour du thème du travestissement. Extraits : The Butcher boy (Fatty boucher) 1917 : scène de travestissement dans des vestiaires hommes/femmes, male/female (Film 1 : 00.13.52) Certains l'aiment chaud : arrivée à la gare des deux musiciennes (00.23.30) Certains l'aiment chaud : arrivée dans la chambre de l'hôtel Seminole, réplique avec le garçon d'étage. (00.51.34) Mam'zelle Charlot 1915 : scène de travestissement chez la jeune fille. (00.18.20) Cf. analyse de Cécile Giraud « Chaplin ou la transformation hallucinatoire » in www.charleschaplin.net/ (site pédagogique en français sur Charlie Chaplin) Certains l'aiment chaud : scène du baiser entre Joséphine et Sugar (01.52.29); scène dans la chambre quand Daphné exulte, en jouant des maracas, d'être fiancée à Osgood (01.26.48) et enfin la scène finale entre Daphné et Osgood sur le bateau lors de la célèbre réplique « Nobody 's perfect », personne n'est parfait (01.55.08). Le film de Wilder est fondé sur le thème de la métamorphose : deux dragueurs découvrent la condition féminine et le harcèlement par les mâles. Au delà de l'effet comique, se trouve une véritable interrogation sur l'identité : si « Joséphine » continue à se déguiser (en milliardaire) puis devient « honnête » et perd son cynisme de dragueur mâle, « Daphné » découvre sa féminité qu'il/elle a d'ailleurs été le premier/e à proposer 3. UN FILM DE STAR, INCARNATION D UN MYTHE : MARILYN MONROE Billy Wilder a voulu travailler à nouveau avec Marilyn Monroe (en effet il l'avait déjà dirigé en 1955 pour 7 ans de réflexion) même si cela voulait dire surmonter des difficultés liées à la personnalité très perturbée et difficile de Marilyn : elle vient de faire une fausse couche, prend des barbituriques et de l'alcool, fait une dépression. Il a été souvent dit et écrit que le tournage fut un enfer. Mais si elle était perturbée et souvent en retard, il faut signaler son professionnalisme et son goût du travail bien fait : la chanson « I wanna be loved by you » fut enregistrée 47 fois (cf. Blonde de J. C. Oates) ! La place de Sugar / Marilyn Une star au générique, c'est lui faire une place à part dans tout le film : La star est attendue : Sugar/Marilyn n'apparaît pour la première fois qu'à la 24ème minute, Extrait : l'arrivée de Sugar à la gare, puis quand elle apparaît pour la deuxième fois (00.27.55) en train de boire en cachette dans le train. Dans les deux cas la façon de filmer est identique on montre d'abord Daphné et Joséphine (en fait Jerry et Joe) éberlué(e)s en train de regarder, puis le spectateur découvre ce qui est donné à regarder : Marilyn, de plus la musique est particulière (trompette bouchée jazzy en accompagnement) et la locomotive siffle et crache de la vapeur au passage de la star. La star est remarquée par ses attributs : La poitrine et la voix de Marilyn : mise en valeur de sa féminité et de son sex-appeal Extrait : dans le bateau au coté du milliardaire mettant en valeur ses seins (01.13.57) Extrait : quand elle chante dans l'orchestre « I wanna be loved by you » (01.06.26), La star est une ingénue : Sugar se désigne comme une jeune femme sensible, elle dit d'elle même : « je ne suis pas maligne... » (00.42.16 et 01.54.28) Extrait : avec « Joséphine » en train de casser de la glace, elles discutent des saxophonistes. Extrait : sur le bateau scène du baiser. NB : Il existe un site belge francophone dédié à la star, Marilyn une vie de 36 ans : http://users.skynet.be/p.pollefoort/ et de nombreux livres dont Blonde de Joyce Carol Oates biographie romancée de 800 pages. CONCLUSION Enchaînement rythmique : Extrait : de la poignée d'urgence dans le train au raccord sur la Floride, les milliardaires sur leur rocking chair et l'arrivée à l'hôtel Seminole. En un temps record nous passons d'un lieu, d'une action et d'un temps à un autre (00.46.29). Extrait: grâce à un fondu enchaîné, même résultat. Extrait : par les musiques : la musique de Joséphine, la musique de Sugar et la musique de tango (01.12.08). Certains l'aiment chaud est construit d'une manière remarquable, en effet il n'y a aucun temps mort et le rythme est constamment soutenu. C'est encore un bel hommage au cinéma que de faire d'un film une prouesse technique de montage. Le secret du succès de Billy Wilder est peut-être dans cet aveu qu'il fit un jour : “ Quand je tourne une scène, je me demande toujours : comment Lubitsch aurait-il fait ? ”