P84_92_HD875 COLAS_BAT:v3

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P84_92_HD875 COLAS_BAT:v3
RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT
DIMENSIONNEMENT
Analyse des performances mesurées
sur enrobés à module élevé (EME)
et graves-bitumes (GB). Proposition
d’un principe de compensation
Dimensionnement Caractéristiques de module et fatigue
AUTEURS
Michel Chappat
Directeur de le Recherche
et du développement
Colas S.A.
Xavier Carbonneau
Chef de service
Enrobés1
Campus scientifique
et technique (CST)
Colas
Yann Lefeuvre
Colas
Chef de section
Calcul de structure
Campus scientifique
et technique (CST)
Colas
Analyse des performances mesurées
sur enrobés à module élevé (EME)
et graves-bitume (GB)
Proposition d’un principe de compensation
De plus en plus fréquemment, sont réalisées des études de formulation d’enrobés complètes, avec détermination des
caractéristiques fondamentales de module et de tenue en fatigue, au sens de la norme NF EN 13108-1 [1], historiquement appelée
étude de niveau 4. Le groupe Colas dispose d’une base de données significative, à partir de laquelle est présentée une première
analyse détaillée portant essentiellement sur l’importance de la nature du liant et sur les possibilités du dimensionnement. Les
évolutions normatives récentes sont tout d’abord rappelées, ainsi que la notion de distance critique, essentielles lorsque l’on
compare des résultats issus de laboratoires différents. Sont ensuite présentés les résultats pour deux grandes familles de produits
que sont les enrobés à module élevé (EME) de classe 2 et les graves-bitume (GB) de classe 4. Enfin la notion de compensation,
qui paraît maintenant nécessaire, eu égard à la connaissance acquise sur les performances mesurées, mais aussi par le retour
d’expérience disponible sur les mélanges, est proposée. Ces résultats ouvrent un débat plus large sur les modalités d’acceptation
d’une formulation, au niveau contractuel, mais également sur la nécessité de valoriser l’offre bitume disponible.
L’obtention de résultats non-conformes peut conduire à diverses alternatives. Dans le cas d’une étude menée très en amont du
chantier, l’étude de formulation peut être reprise, en capitalisant sur la première série de résultats pour optimiser la composition,
par une modification du squelette granulaire, une optimisation du dosage en liant, une modification de la classe du liant retenu
lorsque c’est possible. Il se présente également des situations où la reprise complète de l’étude de formulation n’est pas
compatible avec les impératifs du chantier. Il est alors possible de vérifier que les caractéristiques propres du matériau
permettent de valider avec le logiciel de calcul de dimensionnement Alizé la structure proposée vis-à-vis du trafic. Enfin, une
dernière alternative consiste à fixer arbitrairement une modification de la structure, augmentation de l’épaisseur, ou bien
augmentation de la teneur en liant par exemple, sans vérification expérimentale supplémentaire.
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Appellation
La dernière décennie a été riche
en parution de textes normatifs,
le plus récemment européens.
Parmi les dernières modifications,
citons tout d’abord l’appellation
des enrobés bitumineux.
La norme NF EN 13108-1 regroupe
ainsi une grande part des enrobés
bitumineux, pour couches
de roulement, de liaison
et de base. Elle codifie également
l’appellation européenne
pour ces différents produits.
Dans le cas des GB et des EME,
l’appellation européenne se fait
sous la forme EB Ø assise liant,
Ø indiquant le diamètre du plus
gros granulat et liant signifiant
qu’il faut préciser la classe du liant
de la formule. Pour la France,
cette simple appellation n’indique
nullement le niveau de performance
à atteindre. Il est précisé
dans les caractéristiques
recommandées de l’avant-propos
national de la norme
NF EN 13108-1, ce qui conduit
respectivement, lorsque l’on
ne retient que les caractéristiques
de module et tenue en fatigue,
aux dénominations suivantes :
• EB Ø assise liant
Smin 14 000, ε6-130 Vi = 3 % et Vs = 6 %
pour un EME de classe 2
selon la norme NF-P 98-140 [2],
et
• EB Ø assise liant
Smin 11 000, ε6-100 Vi = 5 % et Vs = 8 %
pour une GB de classe 4 au sens
de la norme NF P-98-138 [3].
Le propos portant sur le niveau
de performance mesuré
sur les familles de produits
de type EME ou GB, sans précision
sur le diamètre du plus gros
ganulat, ni sur la classe
du liant dur (10/20, 15/25, 20/30,
liant spécial), seuls sont évoqués
les EME de classe 2
et les GB de classe 4.
Evolution
des normes produits
Parmi les modifications plus
anciennes, puisqu’elles sont
apparues lors de l’actualisation
des normes produits françaises
en 1999 et ont été conservées
dans les caractéristiques
recommandées de la norme
NF EN 13108-1, on peut citer
une plage de pourcentage
de vides à respecter pour les corps
d’épreuve. Pour les EME
de classe 2, il faut respecter
une compacité comprise
entre 94 et 97 %. Dans ce cas
précis, le concept même d’EME
impose de formuler un enrobé
compact et riche en liant dur
pour obtenir simultanément
les performances de module
et de tenue en fatigue.
Travailler dans cette plage
de compacité s’avère donc souvent
facile, sauf avec certaines natures
de matériaux particulièrement
frottants ou poreux.
Mais il faut justifier
de performances pour
un pourcentage de vides supérieur
ou égal à 3 %, alors qu’en place
le produit présente parfois
des valeurs plus faibles.
Cette évolution était pourtant
nécessaire, car elle assure
une garantie supplémentaire
pour les performances de module
et fatigue, et évite les propositions
de formulations trop maniables
en laboratoire, mais susceptibles
de présenter ensuite des difficultés
de mise en œuvre.
Evolution
des normes essais
Un autre domaine, qui a connu
des modifications parfois
peu visibles, est celui des essais.
Ainsi la mesure de la flèche
prise en compte dans la réalisation
de l’essai de fatigue, se faisait
par le passé en statique.
Elle s’opère sur une mesure
dynamique depuis la réédition
de la norme NF P 98-261-1 [4].
Ce changement n’a interpellé
que les praticiens de l’essai,
qui ont commencé leur travail
par une mise à niveau
de leur matériel.
Outre ces modifications matérielles,
cette évolution – que l’on pourrait
penser anodine – conduit,
dans le cas des EME,
à une réduction du résultat
de l’ordre de 6 à 10 μdef,
valeurs déterminées
sur quelques mélanges
pour lesquels deux exploitations
possibles des données
expérimentales ont été effectuées.
Présenté autrement, un résultat
qui donnait auparavant
une estimation de durée de vie
en fatigue de 132 μdef,
peut conduire à une valeur de 126
par exemple avec cette nouvelle
manière de réaliser l’essai.
Ce qui hier était conforme,
ne l’est plus aujourd’hui.
En effet, l’évolution de la norme
essai ne s’est pas accompagnée
de modifications des spécifications
performantielles des produits.
Ici encore, c’est tout à l’avantage
du client, qui obtient « plus »
pour la même demande.
C’est moins acceptable
pour l’entreprise, car on n’accepte
plus un mélange qui, auparavant,
donnait entière satisfaction
dans la durée sur site.
Une dernière subtilité,
toujours dans le cas de l’essai
de tenue en fatigue, porte
sur la définition même de la durée
de vie. Dans la version
de juillet 2001 de la norme
NF P 98-261-1, le critère
de rupture conventionnel est défini
de la manière suivante :
« une éprouvette est considérée
comme détruite lorsque sa force
de réaction en tête correspondant
à l’application de la flèche en tête
est diminuée de moitié ».
Dans sa version européenne,
NF EN 12697-24 de mars 2005 [5],
modifiée en 2007
NF EN 12697-24+A1 [6],
ce critère conventionnel de rupture
(à déplacement constant) devient :
« nombre d’applications de charge,
Nf/50, correspondant
à une diminution de moitié
du module complexe de rigidité
par rapport à sa valeur initiale ».
Ces petites différences ne doivent
pas offrir la possibilité d’avantager
une proposition de formulation.
d’information n’est pas non plus
du ressort d’une seule entreprise.
Elle s’avère cependant nécessaire,
pour éviter d’éventuelles
discussions stériles,
et pour apporter des éléments
concrets en cas d’analyse
de résultats issus d’études menées
à l’international avec un critère
de rupture différent. Il serait
également dommageable
qu’elle puisse induire
une distorsion de la concurrence,
un acteur profitant de biais
de ce type pour favoriser
ses propositions techniques.
Présentation
des résultats
Seules sont présentées,
dans cet article, les données
de Colas concernant les EME
de classe 2 et les GB de classe 4.
L’ensemble de ces valeurs
correspond à des résultats extraits
de plus de 170 études
de formulation menées au sein
du Campus scientifique
et technique (CST) de Colas.
Un atelier constitué par 6 machines,
4 machines de type
« excentriques » et 2 machines
de type « pots vibrants »,
a été organisé pour garantir
un optimum de productivité
et de fiabilité des résultats
(photo 1).
Colas
Evolution normative
Photo 1
Vue partielle de l’atelier dédié aux essais de fatigue sur enrobés au CST Colas
Partial view of asphalt fatigue test unit at Colas scientific and technical campus (CST)
Les comparaisons chiffrées,
permettant d’affirmer
que cette modification
de la définition de la rupture
se traduit par une variation
significative du résultat,
ne sont pas disponibles,
mais l’établissement de ce type
Ces valeurs obtenues
sur la période 2003 -2008
ne représentent qu’une partie
des données, mais sur cette période
les conditions de réalisation
sont identiques, avec une mesure
dynamique de la flèche intégrant
les commentaires précédents.
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Dimensionnement Caractéristiques de module et fatigue
Enfin, dans les figures suivantes,
les points correspondant
à des éprouvettes non-conformes
en termes de compacité n’ont pas
été éliminés. Mais leur nombre
est précisé, et ici encore
cela ne remet pas en cause
les commentaires généraux.
Sont également commentées
certaines observations
que l’on peut faire à partir
de ces données et celles présentées
par le LCPC sur le thème CH 17
lors des journées techniques
« Durabilité structurelle
des chaussées : Pathologie
et entretien » du 9 septembre
2008 [8]. Cette dernière base
de données ayant été initiée
avant 2002, nous n’avons pas
de certitude sur l’homogénéité
des conditions de réalisation d’essais.
Elle mélange peut-être
des résultats tirés de mesures
avec détermination de la flèche
en statique et en dynamique.
La représentation graphique retenue
montre pour chaque mélange
en abscisse la valeur du module
à 15 °C, déterminée
majoritairement en flexion
sur éprouvettes trapézoïdales
mais également en traction directe
à la MAER, et en ordonnée
la durée de vie en fatigue ε6
déterminée en flexion à 10 °C 25Hz.
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Les formules jugées conformes
correspondent donc à celles situées
dans la partie supérieure
à droite sur les différents
graphiques présentés.
car nous ne disposons
d’aucune connaissance précise
sur les formulations LCPC,
mais elle révèle déjà la nécessité
de vérifier les performances
dans le cas des produits
de type GB de classe 4.
des caractéristiques recommandées
dans l’avant-propos de la norme
NF EN 13018-1, Smin 14 000 et ε6-130
pour la classe 2, permet
de déterminer une part de résultats
non-conformes de 65 %
(70 sur 108). Ces données
sont représentées figure 2.
Cas des EME
Ici encore, il est possible
de comparer ces proportions
aux données tirées de la base
de données du LCPC. Les dernières
données présentées [8] font état
d’une population d’EME
Cas des GB
Seuls 35 résultats sur 38 sont
représentés, car le résultat
de 3 formules est non-conforme
en tenue en fatigue sans mesure
du module. Lorsque l’on calcule
la proportion de résultats
non-conformes pour les GB cl4,
en comparant ces valeurs
aux caractéristiques recommandées
dans l’avant-propos de la norme
NF EN 13018-1 (Smin 11 000 et ε6 -100),
elle est de 42 %. Cette évaluation
n’a pas été menée pour les autres
classes de GB étudiées
pour lesquelles une population
trop faible de résultats
(20 GB cl3 et 7 GB cl2)
était disponible.
La population disponible
est comparable à celle du LCPC
en ce qui concerne les GB
de classe 4, la taille est comparable :
31 d’un côté (LCPC)
pour 38 de l’autre (Colas).
Les valeurs moyennes d’epsilon 6,
calculées sur les 2 populations,
sont proches : 99 μdef
pour le LCPC et 101 au CST,
avec des écarts-types respectifs
de 13 et 10 μdef.
Dans le cas de la base de données
LCPC, la proportion de formules
non-conformes établie sur la seule
base du critère de tenue en fatigue
est de 55 %, alors qu’on n’a pas
pris en compte une éventuelle
non-conformité pour le critère
module. On a donc pour ces deux
ensembles de données,
Colas ou LCPC, une part
de résultats non-conformes
de l’ordre de 50 %, ce qui est
considérable. La comparaison
ne peut aller beaucoup plus loin,
Sur la période, 109 résultats
sur des EME sont disponibles,
dont un seul concerne
un EME de cl1.
Colas
Sur la période, 65 résultats de tenue
en fatigue sur des GB sont
disponibles, dont 38, soit 58 %,
concernent des GB de classe 4.
Pour l’ensemble des résultats
concernant les GB, la part
des résultats non-conformes
est de 30 %. Elles sont presque
exclusivement formulées
avec des bitumes 35/50.
Dans cette population, 6 résultats
de module ont été obtenus
en traction directe à la MAER.
Les résultats obtenus sont
représentés sur la figure 1.
Les teneurs en liant sont comprises
entre 4,4 et 5,21 %.
Figure 1
Représentation des valeurs modules et fatigues pour les GB de classe 4 disponibles
dans la banque de données Colas sur la période 2003-2008
Representation of modulus and fatigue values for Class-4 asphalt treated roadbase
aggregate (GB) available in Colas data base over 2003-2008 period
Colas
Les résultats de fatigue
correspondent exclusivement
à des résultats d’essais en flexion
sur éprouvettes trapézoïdales.
Aucune estimation de la durée
de vie en fatigue n’est faite à partir
des données expérimentales
d’essai de non-linéarité à la MAER.
En effet, les relations, rappelées
dans le Manuel LPC d’aide
à la formulation des enrobés [7],
ont été établies bien avant
les modifications des conditions
d’essais rappelées précédemment.
Elles mériteraient sans doute
des études nouvelles pour être
réactualisées. Le nombre
de formules étudiées reste
relativement modeste
pour une analyse statistique
de ces données, d’autant plus
que toutes les variations
possibles sont intégrées (nature
des matériaux, nature des liants,
dosage en liants, ...). On ne peut,
dans ces conditions, espérer
systématiquement obtenir
les exigences classiques
de performance,
de 14 000 MPa et de 130 μdef.
Néanmoins, ces cas restent
des cas particuliers, identifiés,
et ne modifient pas les tendances
présentées par la suite.
N.B. Pour 3 formules, les seuils sont dépassés, mais avec des teneurs en vides inférieures à la
valeur minimale indiquée par la norme produit. En les intégrant, la part de formules nonconformes est de 67, 5 %.
Figure 2
Représentation des valeurs modules et fatigues pour les EME de classe 2 disponibles
dans la banque de données Colas sur la période 2003-2008
Representation of modulus and fatigue values for Class-2 high-modulus mixes (EME)
available in Colas data base over 2003-2008 period
Dans cette population, 11 valeurs
de modules ont été déterminées
en traction directe à la MAER.
L’analyse des valeurs
de module et fatigue au regard
de 73 formulations, dont 2 seraient
de classe 1, et 8 pour lesquelles
la classe n’est pas clairement
stipulée, mais présentant
une valeur de ε6 de l’ordre de 130.
il n’y a pas, a priori, de raison
de privilégier un laboratoire plutôt
qu’un autre sous réserve
que les deux respectent
parfaitement les conditions d’essais.
En conséquence, on se trouve
alors dans le cas de l’acceptabilité
de résultats d’essais obtenus sous
des conditions de reproductibilité,
avec un seul résultat obtenu par
chaque laboratoire. Cette première
Colas
On constate ainsi qu’un résultat
obtenu par un autre laboratoire
sur une même formulation
avec le même lot de constituants
pourrait conduire à des valeurs
bien inférieures aux exigences
de la norme. Ce point pose
alors la question de l’analyse
à mener dans le cas de réalisation
d’une étude de formulation
contradictoire complète.
Figure 3
Représentation des valeurs modules et fatigues pour les EME de classe 2
en fonction de leur teneur en liant exprimée en % (Base de données Colas
sur la période 2003-2008)
Representation of modulus and fatigue values for Class-2 high modulus mixes (EME)
as a function of binder content expressed in % (Colas data base over 2003-2008 period)
Cette première illustration est
complétée figure 3 par
une représentation dans laquelle
est précisé le pourcentage de liant
dans les mélanges d’EME
évalués. On constate sur la figure 3
que la teneur en liant n’est pas
un paramètre suffisant pour garantir
le niveau de performance voulu.
Dans certains cas, malgré
des pourcentages de liant
supérieurs à 6 %, par exemple
dans le cas de matériaux poreux,
l’obtention des caractéristiques
exigées d’un EME de classe 2
n’est pas atteinte.
Conformité des mélanges
Ces données révèlent une situation
que l’on peut qualifier d’anormale,
au regard de produits normalisés,
pour lesquels on pourrait
s’attendre à ce que la
non-conformité soit l’exception.
En préalable à une autre analyse
portant sur la nature des liants,
il est important de rappeler
quel recul il faut prendre
vis-à-vis de ces données
notamment par rapport
à la reproductibilité
de ces mesures.
L’important travail d’essais croisés
réalisé en France permet en effet
de disposer pour la mesure
du module et de la tenue
en fatigue de la répétabilité
et de la reproductibilité
des méthodes d’essais que
nous pratiquons [9,10],
valeurs reprises dans les normes
essais européennes.
C’est une chance, ces données
n’étant pas disponibles pour tous
les autres essais proposés
par la normalisation européenne.
Au sens de la norme
NF ISO 5725-6 [11], nous disposons
donc d’une valeur chiffrée
de la distance critique. Deux
résultats ne peuvent pas être
considérés comme différents
si l’écart, en valeur absolue, entre
les deux résultats est inférieur
à cette distance critique.
Cette dernière précision est très
importante. Elle suppose, lorsque
l’on conduit une comparaison
entre des valeurs expérimentales
issues de deux laboratoires
différents, que les mesures ont été
effectuées avec les mêmes lots
de matériaux. En retenant
les valeurs de reproductibilité
publiées, et en supposant,
pour une formule, un module
de 14 000 MPa et une tenue
en fatigue de 130 μdef,
on a représenté sur la figure 4
le domaine couvert par les notions
de distance critique.
Colas
A partir de la répartition des valeurs
d’epsilon 6 pour les EME,
on dénombre, si l’on élimine
les 2 formules de classe 1,
34 résultats de tenue en fatigue
inférieurs à la valeur de 130 μdef
exigée pour un EME de classe 2.
On peut donc estimer la part
des résultats non-conformes à 48 %
sur le seul critère ε6, et sans tenir
compte du module. Elle reste
néanmoins, selon les bases
de données utilisées, proche
ou supérieure à 50 %.
Comme pour les GB de classe 4,
ces proportions montrent
la difficulté à obtenir
des performances conformes.
Figure 4
Représentation du domaine couvert par la limite de reproductibilité pour les essais
de module et de tenue en fatigue autour d’une valeur expérimentale de 14 000 MPa
et 130 μdef
Representation of domain covered by reproducibility limit for modulus and fatigue
resistance tests around an experimental value of 14,000 MPa and 130 μdef
Cette situation s’est déjà souvent
rencontrée dans le cas de la tenue
à l’orniérage, par exemple
pour un produit de couche
de roulement (EB 10 roul type
béton bitumineux semi-grenu,
BBSG 35/50) lorsque l’on dispose
d’un seul résultat expérimental
à 4,8 % d’ornières à 30 000 cycles.
A priori ce résultat expérimental
permet l’attribution de la classe 3,
mais une vérification peut très bien
conduire à une nouvelle valeur
supérieure à 5 %. Le même type
de situation est tout à fait
envisageable en ce qui concerne
les performances de module
et de tenue en fatigue.
Il est cependant bon de préciser
que pour pouvoir faire
une comparaison des résultats issus
de deux études contradictoires,
il faudrait que les deux laboratoires
travaillent dès le départ
avec des échantillons prélevés
simultanément sur les mêmes
stocks, et avec le même lot de liant
bitumineux. Par ailleurs si l’on
s’en tient à une lecture rigoureuse
de la norme NF ISO 5725-6
sur l’utilisation dans la pratique
des valeurs d’exactitudes
condition sous-entend
que les deux caractérisations
ont été faites exactement
avec les mêmes lots
de constituants. Il faut alors,
dans un premier temps,
comparer l’écart entre
les deux valeurs expérimentales
avec la limite de reproductibilité.
Et encore dans l’absolu, faudrait-il
retenir des échantillons
du dernier stade de la procédure
de préparation, c'est-à-dire
des éprouvettes fabriquées
par le même laboratoire
puisque les limites de répétabilitéreproductibilité ont été établies
pour les essais de module
et de tenue en fatigue.
Cette modalité n’étant pas
applicable, elle contraint
de comparer l’écart entre résultats
expérimentaux avec la limite
de reproductibilité de l’essai.
S’il lui est inférieur, les deux
résultats doivent être considérés
comme en accord, et la moyenne
des deux résultats peut être utilisée
comme le résultat établi.
Dans ce cas, pour obtenir
une valeur moyenne conforme
en module et fatigue,
c'est-à-dire 14 000 MPa
RGRA | N° 875 • avril 2009
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Dimensionnement Caractéristiques de module et fatigue
et 130 μdef à partir des deux
résultats expérimentaux,
en supposant que la différence
entre valeurs individuelles est
maximale, égale à la limite
de reproductibilité,
les performances minimales
à mesurer sont donc
de 15 370 MPa et 134 μdef.
S’imposer un tel niveau
de performance s’avère
une contrainte supplémentaire
par rapport aux caractéristiques
recommandées par la norme,
avec en conséquence un surcoût
des produits proposés.
Colas
Des caractéristiques simples
à déterminer, comme
la pénétrabilité, la température
bille anneau, ne sont nullement
suffisantes pour appréhender
les performances en fatigue
de l’enrobé. Certains liants durs
montrent clairement une tendance
à présenter un module « faible »
combiné à une tenue en fatigue
très élevée. Pour d’autres,
c’est plutôt l’inverse
qui est observé.
Comme déjà signalé, l’ensemble
des formulations étudiées
correspondent à toutes les études
conduites au sein du CST
du groupe Colas, et intègrent
donc des variations de matériaux,
de squelette granulaire,
de nature et de dosage en liant.
Les praticiens comprendront
la difficulté de disposer de données
précises sur la variation
de paramètres comme le dosage
en liant et /ou la compacité.
On comprend aisément pourquoi
l’on dispose de peu d’études
aussi complètes que celles issues
des campagnes d’essais
pluriannuelles du LCPC,
qui ont conduit aux courbes
proposées par Moutier [12].
Néanmoins, pour certaines origines
de liants un nombre significatif
de résultats est disponible, qui met
en évidence des tendances fortes.
Elles sont illustrées sur la figure 5,
pour laquelle elles sont
représentées pour 4 origines
de liants durs différentes.
Des domaines qui recouvrent
l’ensemble des résultats
expérimentaux disponibles
peuvent être esquissés. Il est,
de plus, important de préciser
que pour chaque origine, les essais
ont été réalisés avec des lots
différents, qui correspondent
à chaque fois à une production
différente du liant
de la classe voulue.
Les limites de ces contours sont
indicatives, mais ces zones mettent
en évidence une tendance plus
marquée pour certains liants
à conduire à un résultat plutôt
favorable en module ou en fatigue.
On distingue ainsi clairement
qu’avec le liant d’origine A,
la caractéristique module est
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RGRA | N° 875 • avril 2009
Figure 5
Regroupement des résultats de module et tenue en fatigue par origine du liant
Grouping of modulus and fatigue resistance results by binder origin
le plus souvent vérifiée,
mais la tenue en fatigue
peut s’avérer plus aléatoire.
A l’inverse, le liant d’origine B
conduit plutôt à des mélanges
non-conformes quant au module,
mais présentant une tenue
en fatigue souvent supérieure
à 140 μdef. D’autre part,
avec certains liants, il est déjà arrivé
d’obtenir des caractéristiques
très faibles de tenue en fatigue,
sans espoir de pouvoir corriger
cette faiblesse par
une augmentation raisonnable
de la teneur en liant du mélange.
Enfin, on peut également
remarquer que les quelques
formulations avec agrégats
identifiées sur la figure 5
présentent des performances
tout à fait satisfaisantes,
même si elles sont obtenues
par l’usage de liant moins dur
que le 10/20, comme le 20/30
par exemple.
Cette présentation met clairement
en évidence l’importance
prépondérante de la nature
du liant de l’étude, avec toutes
les implications que peut avoir
cette information, et toutes
les incertitudes que connaît
notre activité industrielle.
Il arrive que la demande d’étude
soit lancée longtemps avant
le démarrage du chantier,
et dans ce cas le fournisseur est
encore souvent inconnu, sauf
dans le cas particulier
de gros chantiers qui imposent
très tôt des engagements
de la part des fournisseurs de liant
bitumineux. Mais la durée
et le coût des essais de fatigue
rendent impossible un balayage
systématique de l’offre bitume
possible. Enfin, comme l’illustre
la photo 2, il est aussi raisonnable
de penser qu’au-delà du liant
le matériau peut lui aussi jouer
un rôle, en absorbant une part
du liant, ce qui peut avoir là encore
un impact sur la performance.
Cette question ne sera pas
développée, mais offre encore
de beaux sujets techniques
d’études.
Colas
Importance
de la nature des liants
L’offre bitume, particulièrement
pour les bitumes durs,
a plusieurs fois atteint ses limites,
dans un contexte de forte activité
de la profession ces dernières
années, avec un recours fréquent
aux variantes en EME pour
leur intérêt technico-économique.
On remarque aussi
dans nos données
qu’une imperfection sur l’une
des caractéristiques (module
et fatigue) est souvent associée
à un excès de performance
dans l’autre. Cette constatation
a également été faite dans le cadre
d’études menées par le LCPC
Photo 2
Mise en évidence de l’absorption du liant bitumineux par le squelette minéral
Demonstration of asphalt binder absorption by aggregate skeleton
La conformité des mélanges
est jugée sur la vérification
des performances en module
et fatigue. Les données précédentes
indiquent clairement que
les caractéristiques du liant liées
à son origine et à son processus
industriel d’élaboration,
conduisent à une combinaison
des performances qui
ne permettent pas nécessairement
d’atteindre les caractéristiques
recommandées dans l’avantpropos national de la norme
NF EN 13108-1, reprises
dans le guide d’utilisation
des normes enrobés à chaud [13].
sur la corrélation entre résultats
d’essais de laboratoires
et caractéristiques mécaniques
mesurées sur éprouvettes extraites
de prélèvements de chaussées [14].
La notion de compensation,
abondamment usitée
pour les granulats, même
si le contexte normatif européen
a pu réduire son usage, apparaît
intéressante à étudier dans le cadre
du dimensionnement des structures,
pour les EME et GB de classe 4.
Compensation
module - fatigue
Rappel
de quelques généralités
sur la méthode
de dimensionnement
française
Le dimensionnement mécanique
prend en compte la méthodologie
du Guide technique 1994 [16]
du LCPC-SETRA.
La méthode de dimensionnement
de chaussée LCPC-SETRA fait
appel au programme de calcul
de structure Alizé.
Ce programme informatique,
basé sur la méthode de Burmister,
calcule sous une charge circulaire
les contraintes et déformations
en différents points
dans un massif multicouches
semi-infini, où chaque couche
est homogène, isotrope
à comportement élastique
linéaire.
La démarche suivie pour l'étude
de dimensionnement consiste à :
• Déterminer les limites admissibles
des matériaux en fonction
de leurs caractéristiques
mécaniques propres (loi de fatigue
du matériau) et du trafic.
• Modéliser la structure existante
en fonction de ses épaisseurs,
des modules de rigidité
des matériaux et de leur coefficient
de Poisson.
• Calculer sous une charge
de référence, celle des engins
de chargement, les contraintes
et déformations dans les différentes
couches de matériau.
• Comparer les valeurs calculées
par le modèle aux valeurs
admissibles déterminées
précédemment.
De façon générale, les critères
retenus pour le dimensionnement
des chaussées sont au nombre
de trois :
1. La déformation verticale du sol
support, notée εz et exprimée
sans unité, paramètre retenu
pour les chaussées souples
et les chaussées en enrobés.
2. La déformation horizontale
exercée à la base des matériaux
bitumineux, notée εt et exprimée
sans unité, paramètre retenu
pour les chaussées en enrobés.
3. La contrainte horizontale
exercée à la base des matériaux
traités aux liants hydrauliques
(MTLH), notée σt et exprimée
en bars, critère retenu
Détail des équations de calcul
des limites admissibles
Dans cet article, on s’intéresse plus particulièrement aux structures bitumineuses épaisses et donc à seulement deux des trois critères énoncés précédemment et leur valeur admissible : la déformation horizontale admissible à
la base des matériaux bitumineux d’assise de chaussée, εt,adm, et la déformation verticale admissible à la surface de la plate-forme support, εz,adm.
La première étape pour déterminer ces limites admissibles est de convertir le
nombre cumulé de poids lourds pendant la durée de service, TC, en un
nombre équivalent d’essieux de référence de 13 t (essieu légal français), NE.
La relation entre les deux s’écrit NE = CAM x TC où le paramètre CAM est le
coefficient d’agressivité moyen du trafic dont la valeur donnée notamment
dans les manuels de dimensionnement dépend du type de structure et du
type des poids lourds qui composent le trafic. A titre d’exemple, elle vaut par
défaut 0,1 pour les voies de dessertes en ville et 0,8 pour les voiries du réseau
structurant [15].
Sur cette base et en fonction de plusieurs coefficients définis ci-dessous,
ces deux critères de dimensionnement sont donnés par les équations
suivantes [16] :
• La déformation admissible à la base de l’EME2 ou de la GB4 :
εt,adm = Kn x Ks x Kr x Kc x Kt x ε6,
où :
- Kn = (NE/106)b : coefficient lié au nombre d'essieux équivalents avec « b » la
pente de droite de fatigue du matériau ;
- Ks : coefficient lié à la qualité de la plate-forme qui vaut 1/1,2 si PF1, 1/1,1 si
PF2 et 1 pour PF3 et PF4 ;
- Kr = 10-ubε et ε = [SN2 + (c.Sh/b)2]0,5 : coefficient qui traduit l’approche probabiliste de la méthode où « u » est le fractile lié au risque de calcul selon les
tables de la loi de probabilité normale centrée, « SN » est l’écart type des
résultats d’essai de fatigue, « Sh » est la dispersion sur les épaisseurs de mise
en œuvre et « c » est une constante qui vaut 0,02 m-1 ;
- Kc : coefficient de calage déterminé à partir du suivi du comportement in situ
de sections tests ;
- Kt = (E10°C/ Eéq)0,5 : coefficient lié à la température de calcul où E10°C est
le module à 10 °C/10 Hz et Eéq celui à la température de dimensionnement
Téq (15 °C en France métropolitaine) et 10 Hz ;
- ε6 : déformation provoquant la rupture à 106 cycles à 10 °C/25 Hz.
• La déformation verticale admissible à la surface de la plate-forme
support :
εz,adm = 0,012 x NE-0,222
pour les chaussées en matériaux
traités aux liants hydrauliques.
A la lumière de ce bref rappel
sur les fondements de la méthode
de dimensionnement, on remarque
que l’impact des caractéristiques
mécaniques des matériaux
bitumineux se fait à deux niveaux :
• Pour les limites admissibles
des enrobés, et principalement via
la valeur de déformabilité, ε6,
de pente de la courbe de fatigue,
b, et aussi du module complexe
qui intervient dans la détermination
du coefficient de correction
thermique, Kt, décrit
précédemment.
• Pour les résultats de calcul
de structure (logiciel Alizé)
où il faut introduire la valeur
du module complexe
des matériaux bitumineux
notamment, la variation
de ce module engendre
directement une modification
du champ des déformations
dans cette structure, et plus
particulièrement dans l’enrobé.
Principe et justification
d’une compensation
des performances
mécaniques E/ε6
L’objet de cette partie est d’établir
les couples de valeurs
module/fatigue (E/ε6) d’un EME
de classe 2 (EME2) et d’une GB
de classe 4 (GB4) qui permettent
de conserver la validité
d’une structure donnée, du strict
point de vue des règles
de dimensionnement.
C’est ainsi une réponse
à la question qui est de connaître
l’augmentation (respectivement
la diminution) nécessaire de ε6
pour compenser une diminution
(respectivement augmentation)
du module de l’enrobé E
pour des hypothèses de calcul
inchangées (épaisseurs, trafic,
plate-forme support).
Dans ce but, deux structures types
avec EME2 et GB4, issues
des manuels de référence
LCPC-SETRA [15,16]
pour illustrer deux cas extrêmes,
ont été retenues, l’une concernant
une structure épaisse
et l’autre une structure
relativement peu épaisse.
Le choix de ces deux cas extrêmes
de chaussée permet d’encadrer
l’ensemble des épaisseurs de voirie
en EME2 et GB4 qui sont réalisées
habituellement. Les conclusions
pourront par conséquent être
généralisables à l’ensemble
des structures routières usuelles.
/ Hypothèses retenues
pour les calculs
Les hypothèses retenues
(tableau 1) sont conformes
au catalogue 1998 [15]
et concernent deux cas types
d’une structure épaisse
et une autre peu épaisse,
les couples classe de trafic/plateforme support suivants :
• exemple de structure
épaisse pour trafic important :
TC620 / PF2,
Hypothèses
• Charge de référence : jumelage standard de 6,5 t
• Trafic TC420 : 200 PL/jour pendant 20 ans et 2 % d’augmentation annuelle
• Trafic TC620 : 1 200 PL/jour pendant 20 ans et 2 % d’augmentation annuelle
• Risque de calcul : 10 % pour TC420 et 2 % pour TC620
Tableau 1
Principales hypothèses de dimensionnement de l’étude
Main hypothetical design alternatives of study
RGRA | N° 875 • avril 2009
89
Dimensionnement Caractéristiques de module et fatigue
Les structures de référence
avec EME2 issues du catalogue [16]
sont les suivantes (tableau 2) :
Les structures de référence
avec GB4 obtenues
avec les hypothèses
du catalogue 1998 [16]
sont décrites sur le tableau 3
(les couches de surface sont
choisies arbitrairement
par analogie aux structures GB3
du catalogue des structures).
les résultats obtenus
pour des variations de module
à 15 °C/10 Hz entre 10 000 MPa
et 20 000 MPa pour les EME2
et entre 9 000 et 14 000 MPa
pour les GB4.
Les variations de ε6 associées
sont comprises entre 85
et 160.10-6 environ.
La courbe de chaque figure
représente la frontière des valeurs
autorisées pour le couple (E ; ε6)
afin que la limite admissible
de dimensionnement
(ici la déformation horizontale
à la base du matériau d’assise)
de l’EME2, respectivement
de la GB4, soit toujours respectée.
Par conséquent, la zone située
sous la courbe correspond
à des valeurs interdites
de ce couple.
Les caractéristiques mécaniques
des matériaux sont présentées
au tableau 4.
Colas
• exemple de structure
peu épaisse pour trafic
peu important : TC420 / PF4.
Nota : la courbe TC420 / PF4 ne prend pas en compte les valeurs de module inférieures
à 10 500 MPa car celles-ci ne permettent plus de respecter le critère de dimensionnement lié à la
déformation de la plate-forme support quelle que soit la valeur de ε6.
Figure 6
Représentation dans le plan module fatigue des courbes de compensation établies
pour un EME de classe 2
Representation in fatigue-modulus plane of compensation curves established
for a Class-2 high-modulus mix (EME).
Résultats
L’exploitation de ces courbes
(figures 6 et 7) montre que :
• La courbe frontière qui établit
les valeurs limites de compensation
TC620 / PF2
TC420 / PF4
0,04 m BBM
0,025 m BBTM
0,04 m BBM
0,10 m EME2
Colas
Pour chacun des exemples retenus,
TC620 / PF2 et TC420 / PF4,
les figures 6 et 7 montrent
0,09 m EME2
Plate-forme support
PF4
0,10 m EME2
Plate-forme support PF2
Tableau 2
Structures de chaussées dimensionnées pour l’étude avec EME
Pavement structures designed for high-modulus asphalt study
E/ε6 peut être approximée
par une relation de la forme
suivante :
TC620 / PF2
TC420 / PF4
0,08 m BBSG
0,06 m BBSG
0,11 m GB4
0,09 m GB4
0,11 m GB4
Plate-forme support
PF4
Plate-forme support PF2
log(ε6) + αlog(E) = A
Tableau 3
Structures de chaussées dimensionnées pour l’étude avec GB4
Pavement structures designed for Class-4 asphalt treated roadbase aggregate (GB)
Matériau
BBM et BBTM
EME2 (valeurs standards)
GB4 (valeurs standards)
Module (MPa)
ε6
Coefficient
de Poisson
5 400
Ne travaille pas
en traction
0,35
14 000
130.10-6
0,35
11 000
-6
0,35
100.10
Plate-forme support PF2
50
/
0,35
Plate-forme support PF4
200
/
0,35
Nota : le module des enrobés correspond à la valeur obtenue à 15 °C/10 Hz
Tableau 4
Caractéristiques mécaniques des matériaux
Mechanical properties of materials
90
RGRA | N° 875 • avril 2009
Figure 7
Représentation dans le plan module fatigue des courbes de compensation établies
pour une GB de classe 4
Representation in fatigue-modulus plane of compensation curves established
for a Class-4 asphalt-treated roadbase aggregate
où
A est une constante, qui prend une
valeur différente en fonction de la
famille d’enrobés, respectivement
A EME2
pour les EME de classe 2 et A GB4
pour les GB de classe 4.
• L’écart maximal sur les valeurs
de ε6 sur les courbes
de compensation (figures 6 et 7)
est relativement faible,
de l’ordre de grandeur de la limite
de répétabilité établie pour l’essai
de fatigue, et vaut respectivement :
- pour les structures EME2 : 4,5.10-6
à 10 000 MPa et 3,4.10-6
à 20 000 MPa,
- pour les structures GB4 : 3,6.10-6
à 9 000 MPa et 3,2.10-6
à 14 000 MPa.
• Cette simplification pourrait
être utilisée pour déterminer
rapidement des valeurs admissibles
approchées avant d’affiner
ce résultat par l’utilisation
des méthodes de
dimensionnement complètes.
• La figure 6 TC420 / PF4 montre
une zone (E < 10 500 MPa)
où même si le critère
de dimensionnement pour l’EME
est respecté ce n’est plus le cas
du second critère
de dimensionnement lié
à la plate-forme support
(i.e. la déformation verticale
à la surface de cette couche).
Dans ce cas, aucune valeur de ε6
ne permet de compenser la perte
de module du strict point de vue
des règles de dimensionnement.
C’est généralement le type
de résultats obtenus pour
des structures peu épaisses.
Impact supplémentaire
de la variation
de la pente de fatigue
Les résultats de laboratoire
montrent qu’en plus
de la variation de E et ε6,
un autre paramètre qui caractérise
la fatigue de ces matériaux,
la pente de fatigue notée b,
prend des valeurs qui peuvent
être différentes de la valeur
standard de -1/5 telle
que définie dans les manuels
de dimensionnement [15,16 ??]
et telle qu’utilisée dans l’obtention
de la courbe de compensation
précédente.
Afin d’évaluer l’importance
de cette variation sur les courbes
de compensation précédemment
établies, une étude de sensibilité
pour les structures types
avec EME2 et pour des valeurs
de pente b comprises entre -1/4
et -1/9 a été réalisée. Ces valeurs
correspondent aux extrema
mesurés pendant les essais.
Ainsi, pour une structure
et un trafic donnés, l’exploitation
de l’équation de limite admissible
εt,adm de l’enrobé, et des résultats
de calcul du logiciel Alizé
permettent de quantifier l’écart
relatif Δ(ε6) sur les courbes
de compensation précédentes,
consécutif à une variation
de pente de fatigue par rapport
à sa valeur standard :
b'
b 1
' (6 ) = 6 6 = 6 ,s tan dard 1
6
t ,s tan dard Il faut noter que cette variation
de pente pour une structure
et un trafic donnés ne dépend
que du ratio des pentes, b’/b,
et des valeurs de déformabilité
et de déformation calculées
pour la structure avec
les caractéristiques mécaniques
originelles du matériau
(ε6,standard et εt,standard).
Commentaires sur l’écart relatif
dû à l’impact de la variation
de la pente de fatigue :
L’impact est négligeable
pour la structure correspondant
à TC420 / PF4 contrairement
à celle de TC620 / PF2. Ces résultats
illustrent ce qui se démontre
mathématiquement, à savoir
que l’impact de la pente
de fatigue porte principalement
sur le terme Kn = (NE/106)b.
Ainsi, si le nombre cumulé
d’essieux de référence, NE, est peu
différent de 106, la variation de b
a un impact limité sur le ratio
NE/106 qui est proche de 1.
Application de la notion
de compensation aux
résultats expérimentaux
Les deux exemples précédents ont
été reportés sur les figures 9 et 10
dans lesquelles on retrouve
également les données
expérimentales. On voit clairement
l’importance de cette notion
de compensation.
Un nombre significatif de formules,
qui ne satisfont pas aux exigences
de conformité, ont cependant
des caractéristiques mécaniques
satisfaisantes pour répondre aux
exigences de dimensionnement
et de durée de vie des chaussées.
Dans le cas des EME, la part
des résultats qui satisfont
les exigences du dimensionnement
passe alors de ~ 33 % à 68 %
pour la population présentée.
Autrement dit, on double la part
des résultats acceptables
sans risques techniques.
Le retour d’expérience
sur la technique des EME ne révèle
pas fort heureusement une part
d’échec équivalente à la population
initiale de résultats non-conformes,
preuve que l’hypothèse
de compensation faite ici, souvent
pratiquée ponctuellement,
Les variations à appliquer
aux valeurs de ε6 de la courbe
de compensation sont fonction
de la nouvelle pente de fatigue,
et sont résumées dans le tableau 5
pour les deux structures types
en EME2 retenues pour cet article.
Par exemple pour la structure
TC620 / PF2, si l’ EME2 avait
une pente de fatigue qui valait
b’ = -1/7 = -0,14, la courbe
de compensation originelle
devrait être corrigée de -18 %.
Colas
où,
• b’ est la nouvelle valeur de pente
de fatigue,
• ε6’ est la valeur de déformabilité
associée à b’,
• b est la pente de fatigue standard,
égale à -1/5, qui a permis d’établir
les courbes de compensation
précédentes,
• ε6 est la déformabilité
de la courbe de compensation
obtenue avec la pente b standard,
• ε6,standard est la déformabilité
standard du matériau, ici 130.10-6
pour l’EME2,
• ε6t,standard est la déformation
horizontale calculée avec le logiciel
Alizé à la base de l’EME2 pour
le module standard de ce matériau,
en l’état 14 000 MPa.
Pente b'
-1/4
-1/5
-1/7
-1/9
Ratio b’/b
1, 25
1, 00
0, 71
0, 56
Δ(ε6) pour TC420 / PF4
1%
0%
-1 %
-2 %
Δ(ε6) pour TC620 / PF2
18 %
0%
-18 %
-26 %
Figure 9
Représentation des courbes délimitant le domaine de performances validées
par la compensation pour les GB de classe 4
Representation of curves delimiting performance domain validated by compensation
for Class-4 asphalt-treated roadbase aggregate
Colas
Colas
Tableau 5
Impact de la variation de la pente de fatigue sur les courbes de compensation
Impact of fatigue slope variation on compensation curves
Figure 8
Effet d’une variation de b, pente de l’essai de fatigue sur la courbe de compensation
dans le cas d’un EME de classe 2
Effect of fatigue test slope variation on compensation curve in the case of a Class-2
high-modulus mix (EME)
Figure 10
Représentation des courbes délimitant le domaine de performances validées
par la compensation pour les EME de classe 2
Representation of curves delimiting performance domain validated by compensation
for Class-2 high-modulus mixes (EME)
RGRA | N° 875 • avril 2009
91
Dimensionnement Caractéristiques de module et fatigue
s’avère pertinente. Il est difficile
d’envisager qu’il puisse en être
autrement, car aucune hypothèse
ni modalité du calcul
ne sont modifiées, et seules sont
prises en compte les valeurs
expérimentales possibles du couple
module-tenue en fatigue,
satisfaisant les exigences
du dimensionnement. On imagine
mal que le calcul ne soit valable
que pour un couple de valeur
simultanément conforme.
Cette approche permet par ailleurs
de justifier et d’exploiter au mieux
l’offre de liants durs disponibles.
Dans un contexte où l’effort porte
dans tous les domaines
sur le développement durable
et la valorisation des ressources
disponibles, il serait aberrant
de se priver d’une offre de liant dur
locale disponible pour une seule
caractéristique mécanique
non-conforme, par ailleurs
compensée par une autre
très satisfaisante.
Le même type de démarche
est bien déjà en place
avec les guides d’utilisation
des matériaux locaux.
L’expérience ayant démontré
le bon comportement
de certains granulats
pour certaines applications,
on s’autorise à les utiliser malgré
des performances qui pourraient
s’avérer non-conformes
pour certaines caractéristiques.
Il est de toute manière
industriellement impossible
de ne conserver que les liants
présentant un ensemble
de performances combinées
en module et fatigue
conformes. Une telle solution
radicale conduirait à la disparition
de l’utilisation des EME.
Conclusion
Cette présentation dresse un bilan
très représentatif des niveaux
de performances couramment
mesurés sur les formulations
d’EME de classe 2 et de GB
de classe 4. La pratique régulière
des études de formulation
de niveau 4 permet de disposer
maintenant d’un recul suffisant,
qui révèle des différences
de performances résultant
des caractéristiques
des liants utilisés. Elle montre
également dans le cas des EME,
la propension de certains liants
à apporter plutôt du module
ou de la fatigue. A partir
de cette constatation,
92
RGRA | N° 875 • avril 2009
la compensation possible
des caractéristiques mécaniques
mesurées sur les mélanges, qui est
déjà occasionnellement pratiquée,
est détaillée de manière explicite
en la généralisant. Cette possibilité
est à exploiter pour valoriser l’offre
liant localement disponible.
Elle nécessite cependant
la détermination complète
des caractéristiques de module
et de fatigue. Elle peut être
approximée par une relation
de la forme suivante :
log(ε6) + αlog(E) = A
où,
• A étant une constante, qui prend
une valeur différente en fonction
de la famille d’enrobés,
respectivement A EME2
pour les EME de classe 2 et A GB4
pour les GB de classe 4. ■
BIBLIOGRAPHIE
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Spécifications des matériaux. Partie 1
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Couches d’assises : enrobés à module élevé
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[3] NF P 98-138 Enrobés hydrocarbonés
Couches d’assises : Graves – Bitume (GB),
novembre 1999
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chaussées Détermination de la résistance
en fatigue des mélanges hydrocarbonés
Partie 1, juillet 2001
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Méthodes d’essai pour mélange
hydrocarboné à chaud Partie 24
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[6] NF EN 12697-24 +A1 Mélanges
bitumineux Méthodes d’essai pour mélange
hydrocarboné à chaud Partie 24 Résistance
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CR 39 F 2e version révisée décembre 2007,
sous la direction de J.L. Delorme,
C. de la Roche, L. Wendling
[8] « Base de données fatigue » Présentation
de Mr S. Moreira à l’occasion des journées
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chaussées », Revue générale des routes et
des aérodromes (RGRA), n° 793, mars 2001,
pp. 26-30
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sur enrobés bitumineux : Résultats
de l’expérience d’exactitude » Revue
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fidélité) des résultats et méthodes de mesure
Partie 6 : Utilisation dans la pratique
des valeurs d’exactitude, décembre 1994
[12] F. Moutier « Etude statistique de l’effet
de la composition des enrobés bitumineux
sur leur comportement en fatigue
et leur module complexe » Bulletin
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mars avril 1998
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des normes enrobés à chaud », janvier 2008,
édité par le Setra
[14] J.L. Delorme, C. De La Roche,
L. Wendling, « Fatigue resistance
of bituminous mixes : variability analysis
in the pavement and correspondence with
the type testing » Eurasphalt Eurobitume,
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[15] Manuel « Catalogue des structures types
de chaussées neuves » , édition 1998
LCPC-SETRA
[16] Guide technique « Conception et
dimensionnement des structures
de chaussée », Décembre 1994, édité
par LCPC-SETRA
Analysis of performance
measured on high-modulus
mixes (EME) and asphalt-treated
roadbase aggregate (GB)
Compensation principle
proposed
Complete asphalt mix design
studies are being conducted
increasingly with the
determination of basic modulus
and fatigue resistance properties
as per French standard NF EN
13108-1 [1], historically called
Level 4 studies. The Colas Group
has accumulated a significant
data base from which an initial
detailed analysis is presented
dealing essentially with the
importance of the type of binder
and mix design possibilities.
New specifications in standards
are first of all reviewed, as well as
the notion of critical distance,
essential when results coming
from different laboratories are
compared. The article looks at
results for two major families of
products, namely Class-2 highmodulus asphalt (EME) and
Class-4 asphalt treated roadbase
material (GB). Finally, the notion
of compensation, which now
appears necessary given the data
acquired through performance
measurements, but also from
available project feedback
regarding mixes, is proposed.
These results lead to a broader
debate on mix design acceptance
conditions, on the contractual
level, but also on the need to
gainfully enhance the available
bitumen supply.
Obtaining non-complying results
may call for various alternatives.
In the case of a study carried out
upstream of the worksite, the mix
design study can be revised by
capitalising on the first series
of results to optimise mix
composition by modifying the
grain skeleton, tweaking binder
proportions, and modifying the
adopted binder class when
possible. Situations also arise in
which a complete mix design
revision is not compatible with
project constraints. It is then
possible to ensure that the specific
properties of the material allow
the validation of the proposed
structure with respect to traffic
using Alizé mix design software.
Finally, a last alternative consists
in arbitrarily applying
a modification of the structure,
increasing its thickness or binder
content, for example, without
an additional experimental
verification.

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