La conservation du ginseng

Transcription

La conservation du ginseng
conservation du ginseng sauvage
LLadans
son boisé – mission possible !
Andrée Nault, Biodôme de Montréal et
Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaire, UQÀM
La découverte du ginseng en
Amérique : une histoire vieille
de 300 ans
L
Photo : Daniel Gagnon
e ginseng à cinq folioles (Panax quinquefolius L.)
est une plante herbacée forestière vivace qui
pousse dans les érablières riches du nord-est de
l’Amérique du
Nord. Au
Canada, il croît
uniquement
dans le sud du
Québec et de
l’Ontario. On
le reconnaît à
ses feuilles
composées et
sa grappe de
fruits rouges.
Le ginseng a été découvert pour la première fois en
Amérique en 1704, par Michel Sarrazin, médecin du Roi
en Nouvelle-France. En 1715, le Père Lafitau, un
missionnaire jésuite vivant parmi les Iroquois, l’identifia
comme la contrepartie nord américaine du célèbre
ginseng asiatique. Ce dernier était grandement apprécié
en Chine, depuis plus de 2000 ans, pour ses propriétés
médicinales multiples. Un commerce lucratif d’exportation des racines séchées vers l’Asie a été rapidement
mis sur pied, devenant le second en importance
après la traite des
fourrures. Selon le Frère Marie Victorin, le marché
s’effondra à cause de mauvaises pratiques de séchage et
d’entreposage des racines. Aujourd’hui, c’est le ginseng
cultivé qui alimente presque la totalité du commerce
international.
La conservation du ginseng :
une question de survie !
L
e ginseng est devenu très rare en milieu naturel.
Outre les cueillettes massives du passé, la
destruction et la dégradation de son habitat
demeurent les principales menaces à sa survie au
Québec. On observe de plus un intérêt grandissant
pour sa culture en forêt. Cette pratique représente une
menace, tant pour l’habitat (aménagement, entretien),
que pour les plants sauvages (introduction de graines
de provenance inconnue, souvent porteuses de
maladie). La culture du ginseng ne devrait pas être
réalisée dans un milieu boisé où l’espèce croît
naturellement.
Ce feuillet est destiné aux propriétaires d’érablières qui
abritent du ginseng sauvage. Compte tenu de la rareté
de l’espèce, il est essentiel que nous mettions en
commun nos connaissances et nos efforts pour
assurer la sauvegarde de cet élément exceptionnel de
notre patrimoine naturel et son habitat. En 2002,
seulement 15 populations viables sont connues au
Québec et la majorité d’entre elles se trouvent sur
terres privées. En développant des méthodes d’aménagement plus écologiques, nous contribuerons à
maintenir son habitat et à réduire la pression exercée
sur l’espèce. L’implication de chacun dans la conservation du ginseng et de son habitat est primordial
pour la survie de l’espèce et serait aussi bénéfique
pour la conservation de la biodiversité en général.
Le ginseng sauvage pousse
lentement, mais sûrement
Photo : Andrée Nault
U
U
Un habitat riche et diversifié
A
u Canada, le ginseng sauvage croît dans le sousbois des érablières riches matures où domine
l’érable à sucre (Acer saccharum) avec le tilleul (Tilia
americana), le frêne blanc (Fraxinus americana), le
caryer cordiforme (Carya cordiformis) et le noyer
cendré (Juglans cinerea). On le trouve sur des sols
souvent sableux, peu acides (pH 5,0-7,0) et bien
drainés. On observe généralement peu d’arbustes
dans le sous-bois des forêts matures, ce qui favorise la
croissance d’une grande diversité de plantes
herbacées. Parmi celles qui accompagnent souvent le
ginseng, on trouve le petit prêcheur (Arisaema
triphyllum), le gingembre sauvage (Asarum
canadense), l’actée à gros pédicelles (Actaea
pachypoda) et l’adiante pédalé (Adiantum pedatum).
Le ginseng constitue une espèce indicatrice de forêt
feuillue mature de grande qualité.
Une répartition restreinte
au Québec
L
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es exigences écologiques du ginseng limitent sa
capacité de croître au sud du Québec. Aussi,
seule une portion restreinte de ce territoire fortement
urbanisé et développé abrite des forêts matures de
bonne qualité ayant des habitats propices pour la
croissance de l’espèce. C’est en Montérégie qu’on
retrouve le plus de sites de ginseng et les populations les plus abondantes. Cependant, la tempête de
verglas de 1998 a grandement abîmé les forêts et
quelques grandes colonies ont connu des baisses
importantes ces dernières années. On trouve
également des populations naturelles de ginseng
dans les Basses Laurentides et en Outaouais et
quelques sites dans Lanaudière, dans l’Estrie, dans
les Bois-Francs et dans la région de Québec. On
compte au total en 2002, seulement 12 000 plants
sauvages de ginseng au Québec.
ne forêt mature ne laisse filtrer que 5-15% de
lumière jusqu’au parterre forestier. Adapté à ce
milieu ombragé mais stable, le ginseng croît
lentement. A l’état naturel, il faut de 7 à 15 ans avant
qu’un semis atteigne une taille mature (3 feuilles) et
commence à produire des graines. Cependant, ce sont
les gros plants à quatre feuilles, âgés habituellement
de plus de 20 ans, qui produisent la grande majorité
des graines d’une population (25-45 graines/plant/an).
Les fruits du ginseng sont surtout dispersés de façon
passive, en tombant simplement au pied de la plante
mère. Les petits mammifères en sont friands et les
mangent souvent sur place avec les graines. La
prédation des graines semble un facteur limitant pour
l’expansion des populations naturelles. Les graines
fraîches possèdent une dormance obligatoire de 18
mois, qui sera levée par un régime naturel de
température (froid-chaud-froid). Les semis
apparaîtront donc le second printemps. Le taux de
germination observé en nature est généralement très
faible (<5%). Les stades graines et semis demeurent
les plus vulnérables du cycle vital du ginseng. On
estime qu’il faudra plus de 200 graines pour produire
un seul plant mature.
La cueillette des gros plants
menace la survie des populations
L
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es populations se maintiennent avant tout grâce à
la longévité des plants matures (>50 ans). C’est
pourquoi le ginseng est si sensible à la cueillette, car
ce sont les gros plants, ceux-là même qui produisent
la majorité des graines, qui sont les plus recherchés en
raison de leurs racines de forte taille. On estime que la
récolte de seulement 5% des plants d’une population
suffit à amorcer son déclin. Les petites populations
sont déjà menacées par leur faible potentiel à se
régénérer naturellement (peu de graines produites). La
taille minimum viable requise pour qu’une population
de ginseng se maintienne s’élève à 170 plants. On ne
connaît à l’heure actuelle, que 15 populations
naturelles viables dans la province. Elles jouent un
rôle clé dans la survie de l’espèce.
Le ginseng, une espèce protégée
C
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ompte tenu de la précarité de sa situation en
milieu naturel, le ginseng a été reconnu espèce
en voie de disparition au Canada en 1999. Il a aussi
été désigné espèce menacée au Québec en 2001 et se
trouve depuis, légalement protégé. Comme le précise
la Loi sur les Espèces menacées ou vulnérables (article
16) : « nul ne peut à l’égard d’une espèce floristique
menacée ou vulnérable, posséder hors de son milieu
naturel, récolter, exploiter, mutiler, détruire, acquérir,
céder, offrir de céder ou manipuler génétiquement
tout spécimen de cette espèce ou l’une de ses parties,
y compris celle provenant de la reproduction. »
La conservation du ginseng
sauvage dans son boisé
– une mission possible!
V
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ous avez jusqu’à ce jour favorisé la conservation
du ginseng sauvage dans votre boisé, en sachant
ou non qu’il s’y trouvait. Félicitations ! Assurer sa
survie à moyen et long terme nécessite toutefois de
la vigilance. Voici six recommandations simples pour
y parvenir :
1) Définissez les zones sensibles : identifiez les
endroits où l’espèce croît et prévoyez un périmètre
de sécurité d’environ 20 mètres au pourtour.
Si possible, évitez toute intervention dans
ces zones.
2) Tentez de préserver votre boisé tel qu’il est afin de
maintenir la qualité de l’habitat.
3) Si vous faites des travaux d’aménagement forestier
dans les environs, minimisez les perturbations en
effectuant ces travaux tard à l’automne quand le
sol est gelé. Les dommages s’en trouveront
grandement réduits.
4) Limitez l’accès à votre terrain et soyez discret au
sujet de la présence de ginseng dans votre boisé. Il
y a des oreilles indiscrètes et des curieux partout !
Il ne faut que 5 minutes pour cueillir un plant de
ginseng en fruits qui a mis plus de 10 ans à
atteindre la maturité.
5) Participez au suivi de votre colonie de ginseng.
Vous apprendrez à mieux connaître cette plante
mystérieuse et pourrez mieux détecter tous
changements inquiétants.
6) Considérez la protection à long terme de ce site
exceptionnel en établissant une servitude de
conservation ou un legs volontaire.
Le projet de conservation et de
restauration du ginseng au Canada
L
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a division de la recherche du Biodôme de
Montréal dirige ce projet depuis 1994, afin de
mieux documenter la situation des populations
naturelles de ginseng et de mettre de l’avant des
mesures pour renverser le déclin observé. Nos travaux
comprennent : 1) Inventaires continus et suivi;
2) Collaboration avec les gestionnaires de parcs et
propriétaires de boisés privés qui abritent des populations clés; 3) Ensemencements d’appoint dans des
petites populations; 4) Étude de l’impact de perturbations majeures (verglas, coupe forestière).
Photo : Daniel Gagnon
Ces travaux se réalisent grâce au support financier des
Ministères de l’Environnement et des Ressources
Naturelles du Québec, d’Environnement Canada et du
Fond Mondial pour la Nature.
Pour en savoir plus :
Nault. A. 1998. La situation du ginseng à cinq folioles (Panax quinquefolius L.) au Québec.
Gouvernement du Québec, ministère de l’Environnement et de la Faune, Direction de la conservation
et du patrimoine écologique, Québec. 43 p.
Nault, A., Nadeau, I. et D. Gagnon. 2000. Le ginseng à cinq folioles – Culture en boisé et conservation des
populations naturelles. Brochure à l’intention des producteurs, Biodôme de Montréal, 4 p.
Contactez-nous :
Andrée Nault, Division de la recherche, Biodôme de Montréal
4777, ave. Pierre-de Coubertin, Montréal, Qc, H1V 1B3
Tel (514) 868-3272 Fax (514) 868-3065
[email protected]
Programme d'intendance de
l'habitat des espèces en péril

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