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Le monde des abeilles sauvages: un puzzle gigantesque 2010 pro natura magazine SpÉcial 2 Raphael Weber, rédacteur en chef Un puzzle où chaque pièce a son importance Enfant, ces questions m’ont taraudé et privé de nombreuses heures de sommeil: si l’univers a une fin, qu’y a-t-il au-delà? Et s’il n’a pas de fin, comment peut-il s’étendre à l’infini? Ces questions me sont revenues à l’esprit lorsque j’ai commencé de m’intéresser de près aux abeilles sauvages, plongé alors dans un univers dont le début et la fin me paraissaient indiscernables. A ce jour, quelque 16 000 espèces d’abeilles sauvages ont été recensées et décrites scientifiquement sur notre planète, et sans doute en reste-til à peu près autant à découvrir – tout un univers en miniature. Sommaire On dénombre en Suisse près de 600 espèces d’abeilles sauvages. Colonisant toutes sortes de milieux, elles ont développé des stratégies de re- 4 La mesure d’un monde 6 Habitats On estime Les abeilles sauvages ont besoin de paysages diversifiés, exploités production aussi astucieuses que fascinantes. Et 10 Pollinisatrices elles fournissent aux êtres humains des presta- 12 Abeille géante tions d’une valeur inestimable: les abeilles sont Le bourdon, c’est le les principaux agents pollinisateurs des végétaux utiles. Sans elles, il n’y aurait sur terre quasiment plus de fruits ni de légumes. Même la viande deviendrait une denrée rare, car d’importantes plantes fourragères ne seraient plus fécondées. Nous pourrions également dire adieu au coton, principale fibre naturelle utilisée dans le monde. Aucune espèce ne peut vivre en autarcie; tou- tes les espèces d’abeilles sauvages sont reliées d’une manière ou d’une autre à des végétaux et à d’autres espèces animales. Et toutes ces espèces forment ensemble un gigantesque puzzle. Or, il manque de plus en plus de pièces à ce puzzle. En Suisse, plusieurs dizaines d’espèces d’abeilles Les quelque 600 espèces d’abeilles sauvages présentes en Suisse forment un puzzle bigarré, à l’image de leurs habitats, qui sont très diversifiés. Photos des abeilles du puzzle: Nicolas J. Vereecken, Blickwinkel Arrangement des pièces du puzzle et photographie studio: Christian Flierl Mise en page puzzle: Birgit Leifhelm sauvages sont déjà éteintes, et près de la moitié de toutes les espèces d’abeilles sauvages sont sur la Liste rouge. Quelques dizaines d’espèces en moins, sur près de 600. Et alors? C’est oublier que chaque espèce d’abeille a sa raison d’être, sa fonction et sa mission à remplir; elle ne peut simplement être remplacée par une autre espèce. Même si le puzzle est encore grand, chacune de ses pièces manquantes constitue une perte irréparable. pro natura magazine Revue de Pro Natura – Ligue suisse pour la protection de la nature est reconnue par le Zewo. Impressum: Pro Natura Magazine spécial 2010. Supplément de Pro Natura Magazine 2/2010. La revue «Pro Natura Magazine» paraît cinq fois par an (+ Pro Natura Magazine spécial) et est envoyée à tous les membres de Pro Natura. ISSN 1422-6235. Collaboration à cette édition: Hansjakob Baumgartner, Wolfgang Bischoff, Nicolas Gattlen, Nathalie Martin, Urs Tester Idée et concept: Raphael Weber Rédaction: Raphael Weber (allemand), Florence KupferschmidEnderlin (français), Luca Vetterli (italien) Production: Birgit Leifhelm, Raphael Weber Traduction/Relecture: Jean-Marc Frossard, Marianne Gattiker, Fabienne Juilland, Barbara Loertscher Lithos/Impression: Schläfli & Maurer AG, 3800 Interlaken Tirage: 109 500 (82 000 allemand, 24 500 français, 3000 italien) Adresse: Pro Natura Secrétariat romand, ChampPittet, 1400 Cheseaux-Noréaz; tél: 024 423 35 64, fax: 024 423 35 79, e-mail: [email protected] ou [email protected]; internet: http://www.pronatura.ch; CCP: 40-331-0. Secrétariat central de Pro Natura: case postale, 4018 Bâle. Pro Natura est membre fondateur de l’IUCN-Union mondiale pour la nature, ainsi que membre Friends of the Earth International. www.pronatura.ch suisse de Pro Natura Magazine spécial 2010 à 30’000 le nombre d’espèces d’abeilles sauvages existant sur la planète – une belle illustration de la notion de biodiversité. de manière extensive. Sans la pollinisation par les abeilles, l’éventail de notre alimentation serait radicalement différent. «poids lourd» des abeilles sauvages. 13 Proches parentes Les guêpes, proches parentes des abeilles, n’ont pas une réputation enviable auprès du genre humain. 14 Danseuses et orpailleuses 16 Danger omniprésent Les abeilles mellifères nous rendent la vie plus douce. Les dangers sont nombreux dans l’univers des abeilles sauvages. Raphael Weber (3), Blickwinkel 17 Arme efficace Même des ennemis bien plus gros qu’elles se méfient de l’arme suprême des abeilles – leur dard. 18 Elève modèle 20 Découverte 22 Encouragement Pro Natura Magazine special 2010 Tout au long de l’histoire, on a attribué aux abeilles des qualités proprement fabuleuses. Avec les abeilles sauvages, tout un univers fascinant s’est ouvert à Peter Kernen. Préserver la diversité des abeilles, cela nécessite bien plus que l’installation de nichoirs à abeilles sauvages. 4 Le vaste monde des petites abeilles On recense 585 espèces d’abeilles sauvages en Suisse, et il pourrait y en avoir jusqu’à 30 000 à travers le monde. Elles habitent les milieux les plus divers, et témoignent de façon spectaculaire du fonctionnement de la biodiversité à très petite échelle. avoisiner les 30 000; rien qu’en Eu- Les histoires les plus incroyables l’homme pour produire du miel ou se colportent sur les abeilles sau- polliniser des plantes utiles. Cepen- rope, un bon millier d’espèces ont vages: elles seraient tantôt les der- dant, des espèces sauvages sont été recensées, et la Suisse en abrite nières descendantes encore vivan- également – et de plus en plus – mi- plus de 580. tes de l’abeille à miel, tantôt un en- ses à contribution pour des tâches semble disparate d’individus ayant qualifiées de domestiques. C’est le Une stupéfiante diversité L’évolution a produit une étonnan- fui les apiculteurs, tantôt une co- cas du bourdon terrestre (Bombus lonie d’abeilles mellifères égarées. terrestris) dans les cultures de to- te diversité de formes, de dessins Comme s’il y avait une seule espè- mates sous serre, de l’abeille dé- et de couleurs. Certaines abeilles ce d’abeille, produisant anarchique- coupeuse (Megachile rotundata) sauvages portent une sorte de du- ment des avatars. Or, l’abeille à miel dans les champs de luzerne, ou en- vet sur le corps, d’autres sont pres- (Apis mellifera), dite aussi mellifère core de l’abeille solitaire (Osmia bi- que glabres. Leur taille varie d’une ou mellifique, n’est qu’une espèce cornis) dans les pommeraies. espèce à l’autre entre deux millimè- d’abeille parmi des milliers – plus Du point de vue zoologique, les tres et trois centimètres. Les apidés de 16 000 espèces d’apidés ont été abeilles sauvages et les abeilles do- présentent également tout un éven- scientifiquement décrites à ce jour. mestiques appartiennent, au sein tail de comportements allant d’une Tout comme on distingue les plan- de la classe des insectes, à l’ordre vie sociale élaborée à un mode de tes sauvages des plantes utiles, on des hyménoptères et à la famille vie solitaire. qualifie de «sauvages» toutes les es- des apidés (Apidae). Il est probable pèces d’abeilles que cette famille ait fait son appari- d’abeilles, c’est seule que la fe- vivant en pleine Chez la plupart des espèces tion au Crétacé, il y a une centaine melle construit le nid et prend afin de millions d’années, à partir d’an- soin de la couvée. La fonction du de les dis- cêtres semblables aux guêpes fouis- mâle est de s’accoupler. Ensuite, il tinguer des seuses. Le passage de mœurs pré- peut disparaître. Les abeilles-cou- abeilles datrices à un mode de vie purement cous sont un cas particulier: elles nature, domes- butineur a provoqué une explosion ne construisent pas de nid. A l’ins- tiques de la spéciation des plantes à fleurs, tar de leurs homonymes à plumes, utili- qui a entraîné à son tour un écla- ce sont des abeilles parasites qui sées tement des populations d’abeilles pondent leurs œufs dans le nid par en d’innombrables espèces. Le ré- d’autres abeilles. Quand la larve sultat est impressionnant: on a ré- d’une abeille-coucou éclot, elle tue pertorié sur notre planète quelque celle de l’abeille hôte et se nourrit en Vereeck 250 000 espèces de plantes à fleurs, de ses réserves. dont une grande partie sont pollini- Le cycle de vie d’une abeille sées par les abeilles. Quant au nom- dure exactement une année chez la bre d’espèces d’abeilles, il pourrait plupart des espèces. Après l’accouplement, la femelle pond un œuf à Spectaculaire: l’eucère à longues antennes L’eucère à longues antennes (Eucera nigrescens) ne passe pas inaperçue parmi les abeilles sauvages: son dos est duveteux et les antennes des mâles sont aussi longues que leur corps. Cette abeille vole grosso modo de la mi-mars à début août et se rencontre surtout dans les prairies sèches riches en espèces, les vergers hautes tiges et les glaisières. Elle niche au sol. l’intérieur de la cellule de ponte, sur la réserve de nourriture, puis obture la cellule. La larve éclot quelques jours plus tard. Après s’être nourrie de cette réserve, elle s’entoure d’un cocon de soie protecteur. Commence alors une hibernation de pluPro Natura Magazine spécial 2010 Blickwinkel Position des abeilles parmi les insectes Classe Ordre Insectes Hyménoptères env. 12 000 espèces en Europe centrale. Autres ordres: > libellules, sauterelles, papillons, diptères, coléoptères, etc. deux paires d’ailes membraneuses Sous-ordre Symphytes env. 750 espèces Apocrites env. 11 000 espèces sans taille de guêpe avec taille de guêpe > t enthredinides, siricides, céphides, etc. Térébrants env. 10 000 espèces Aculéates env. 1300 espèces avec ovipositeur; mœurs parasitiques avec ovipositeur transformé en dard venimeux; mœurs généralement non parasitiques > ichneumonides, braconides, chalcidoïdes, cynipides, proctotrupoïdes, etc. Superfamille Formicidés Vespidés env. 150 espèces env. 60 espèces Pompilidés Sphécidés Apidés env. 110 espèces env. 250 espèces env. 600 espèces Nourriture des larves: animale sieurs mois. C’est au printemps sui- de lœss, bois mort, haies, marais, vant que la larve se transforme en tiges médulleuses. chrysalide pour donner, deux à trois Source: Andreas Müller: Wildbienen im Schaffhauser Randen. Par conséquent, 45% des espè- semaines plus tard, un individu ailé. ces d’abeilles indigènes figu- Il en va différemment des abeilles à rent aujourd’hui sur la Liste miel: elles passent l’hiver dans ce rouge des espèces menacées. qu’on appelle la grappe, qui est une Plus de 60 espèces d’abeilles colonie entière, se nourrissant des sauvages sont considérées réserves accumulées en été par les comme éteintes, en Suisse. En ouvrières ou d’eau sucrée que l’api- plus du manque d’habitats, les culteur leur donne en échange du abeilles souffrent d’une pé- miel. Propriété caractéristique des apidés: nourriture des larves: produits floraux (mélange de pollen et de nectar ou de pollen et d’huile de fleurs) nurie alimentaire. L’agricul- celle de leurs larves, les abeilles nourriture. Pire: les pesticides em- sont tributaires d’une offre flora- ployés dans l’agriculture et l’horti- le diversifiée et abondante durant culture peuvent provoquer un em- toute la période de végétation. Les poisonnement direct des abeilles espèces spécialisées, dites oligo- ou nuire à leurs larves via le pollen lectiques, ont des exigences enco- récolté. re plus spécifiques: elles ne peu- vent vivre que là où sont présen- c’est avant tout protéger les paysa- Protéger les abeilles sauvages, tes en grande quantité des familles ges. Mais nous pouvons toutes et de fleurs bien précises. Les abeilles tous – que ce soit dans notre jar- sauvages ont en outre besoin, pour din ou sur notre balcon – attirer nicher, de petits biotopes particu- et favoriser avec des moyens mo- liers, qui sont malheureusement de destes un grand nombre d’espèces plus en plus rares dans notre paysa- d’abeilles sauvages à grande facul- ge domestiqué et uniformisé: blocs té d’adaptation. de rochers bien ensoleillés, surfaces sablonneuses ouvertes, parois Pro Natura Magazine spécial 2010 NICOLAS GATTLEN est journaliste indépendant à Kaisten cke nocultures, ses prairies fertilisées et ses herbicides, les prive de Ver ee Des insectes spécialisés Pour leur propre alimentation et n ture intensive, avec ses mo- Parasitiques: les abeilles-coucous Les abeilles du genre Nomada, telle Nomada flavoguttata, ne construisent pas elles-mêmes de nid pour leur progéniture. Ce sont des abeilles-coucous qui pondent leurs œufs dans les nids d’autres abeilles. Les larves de Nomada tuent celles des abeilles hôtes et se nourrissent de leur garde-manger. Raphael Weber Raphael Weber Les milieux idéaux Les prairies sèches, une offre alimentaire paradisiaque Ce n’est pas par hasard que les prairies sèches comptent parmi les hauts lieux de la diversité biologique. Pendant la période de floraison, les prés fleuris procurent une offre alimentaire paradisiaque à de nombreuses abeilles sauvages spécialisées, de l’abeille maçonne à l’abeille des sables en passant par l’abeille masquée. Elles y trouvent assez de nectar et de pollen pour satisfaire leurs besoins et ceux de leur descendance. Les pelouses sèches se développent généralement sur des sols pauvres en azote et en phosphore, sableux ou graveleux, qui constituent des lieux de nidification appropriés pour les nom- Pommiers, pruniers, cerisiers et poiriers: ces arbres fournissent du nectar aux abeilles sauvages tout en ayant besoin d’elles. Les abeilles domestiques ne sont pas les seules à jouer un rôle essentiel dans la pollinisation des cultures. Avec le déclin de l’abeille domestique, les abeilles sauvages sont précisément appelées à jouer un rôle toujours plus important dans la pollinisation de nos arbres fruitiers. Parfois, certaines d’entre elles – comme l’osmie bicorne –, sont même élevées spécialement pour la pollinisation des pommiers. Peu exigeante: l’osmie bicorne L’osmie bicorne (Osmia bicornis) est une abeille maçonne qui n’a pas d’exigences particulières pour les fleurs qu’elle butine et ses lieux de nidification. Elle est donc très répandue. Cette abeille polyvalente peut se rencontrer sur une grande variété de fleurs et elle niche dans toutes les cavités tubulaires imaginables: joints de fenêtres, tiges de plantes ou trous de serrures. Ve re e ck en breuses abeilles sauvages nichant dans la terre. Les habitats naturels des abeilles sauvages sont presque aussi variés que ces insectes. En effet, les abeilles sauvages ont besoin de paysages diversifiés et exploités de manière extensive, où elles trouvent une offre alimentaire riche et des sites de nidification bien spécifiques. Avec les vergers, c’est donnant donnant Elle ne tient pas en place, la collète de la callune Il est rare que les mâles de collète de la callune (Colletes succinctus) se posent plus d’une seconde sur une bruyère. Les sols sableux recouverts d’épais buissons de bruyère constituent leur habitat naturel. La collète de la callune enterre les cellules de couvain jusqu’à 25 centimètres de profondeur dans le sol sableux. e Vere cken Pro Natura Magazine spécial 2010 Les rochers et les murs en pierres sèches, un créneau de spécialistes Raphael Weber Les abeilles sauvages aiment les endroits secs et chauds. Les parois de rochers ensoleillées font notamment partie des sites de nidification et des habitats naturels de certaines abeilles sauvages. Plusieurs espèces aménagent leur nid dans les fentes de rochers ou entre des pierres, d’autres fixent les cellules de couvain à la surface des rochers. Les milieux naturels rocheux offrent généralement peu Waldhäusl Les tiges de plantes, un majestueux quartier d’hiver de nourriture. Ces abeilles ont donc besoin d’habitats naturels fleuris à proximité de leurs sites de nidification. Tout comme les rochers, les murs de Les tiges de plantes constituent des sites de nidification maisons ou les murs en pierres sèches peuvent privilégiés: les chrysalides de certaines abeilles sauva- constituer des lieux de nidification appropriés. Les ges, en particulier de l’abeille tridentée, hibernent dans constructions modernes en béton n’offrent cepen- des tiges sèches et droites. L’abeille pénètre dans la tige dant que peu d’aspérités ou de fissures convenant en y creusant un petit trou sur le côté, avant de l’évider. à la construction d’un nid. Le trou d’entrée présente un diamètre de 5 à 6 millimètres et il fait souvent jusqu’à 36 centimètres de long. On trouve de préférence ce type de nids dans des molènes, des onopordes acanthes, des cardères, des armoises ou Polyvalente: la Megachile ericetorum La Megachile ericetorum choisit des gazons maigres et des sablières comme habitat naturel, mais elle niche dans des cavités de parois à pic et des murs en pierres sèches. On la rencontre donc également dans les zones d’habitation, pour autant qu’elle y trouve des plantes mellifères (surtout la gesse) et des lieux de nidification appropriés. des ronces. Vereecke n Pro Natura Magazine spécial 2010 Ver e Ce sont ses antennes en forme de courge qui ont donné son nom à cette cératine. Les Ceratina cucurbitina nichent dans les tiges de plantes médulleuses. Elles alignent les cellules de couvain les unes derrière les autres, et celles-ci sont séparées par des particules de moelle. L’abeille qui a construit le nid monte souvent la garde devant la tige de la plante jusqu’à ce que les petits aient éclos. eck en Vigilante: la Ceratina cucurbitina La lisière des bois, un microcosme bigarré Avis aux abeilles intéressées: coquille libre à squatter La lisière des bois est un habitat naturel très riche Plusieurs abeilles sauvages se sont fortement qui peut accueillir les espèces aux exigences les plus spécialisées dans le choix de leurs sites de nidi- diverses. Les buissons et l’ourlet herbeux offrent fication. Ainsi l’osmie bicolore (Osmia bicolor): un abri à de nombreuses espèces animales et vé- elle construit les cellules de son couvain dans gétales. En outre, ses différentes conditions de lu- des coquilles d’escargot abandonnées. Lorsque mière et de chaleur sont caractéristiques de ce type l’osmie peut exclure tout risque de danger dans d’habitat. Un habitat naturel aussi varié est impor- les environs, elle commence à aménager son nid. tant pour les abeilles sauvages: car il permet d’ac- Une à deux cellules sont aménagées dans cha- cueillir les individus nichant dans le bois, le sol ou que coquille d’escargot. Cette coquille est ensui- les tiges de plantes, et il leur procure une grande di- te scellée par un bouchon de pierres et de terre. versité de fleurs. Lorsque ce gîte est solidement verrouillé, l’osmie utilise toute sa force pour le retourner, afin Particulièrement flexible: l’Hylæus communis Il peut nicher dans des tiges de mûres, dans du bois mort ou sur des cadres de portes et de fenêtres. L’Hylæus communis est une espèce d’abeille masquée polyvalente qui se rencontre aussi bien dans les lisières de forêts que sur les surfaces rudérales ou dans les parcs. Les abeilles masquées ne correspondent pas à l’image qu’on se fait des abeilles: elles sont petites et pratiquement dépourvues de poils. Elles se différencient des autres espèces par leur masque blanc ou jaune, particulièrement prononcé chez les mâles. de placer l’ouverture en bas. Puis la coquille d’escargot est entièrement camouflée avec des tiges d’herbe et des aiguilles de pin. Durant les six semaines de sa période de vol, l’osmie transforme jusqu’à six coquilles d’escargot en chamVer e bres à couvain. eck en Sans façons: l’osmie bicolore Sa tête et son thorax sont noirs, mais son abdomen se distingue par des poils roux: c’est ce qui vaut son nom à l’osmie bicolore (Osmia bicolor). Elle ne se sert pas de coquilles d’escargot seulement pour construire un nid pour ses petits; elle y dort aussi pendant la durée des «travaux». Vereecken Vere e cken Pro Natura Magazine spécial 2010 Sablières, gravières, glaisières: sec et chaud Le bois mort, un foyer solide Les surfaces rudérales, un refuge apprécié La plupart des abeilles nichent dans le din, mais certaines abeilles Les surfaces de décombres, de déchar- centimètres de profondeur, au bout des- Le bois mort est souvent Raphael Weber (3) peu apprécié dans un jar- Waldhäusl (2) sol. Elles creusent des galeries de 30 à 50 sauvages y élisent volontiers ges et de stockage de matériaux font quelles elles aménagent de courtes gale- domicile. Le bois qui a sé- partie des surfaces rudérales. Ces struc- ries latérales qui accueillent les cellules journé un certain temps à tures pierreuses sont souvent inexploi- de couvain. Certaines espèces préfèrent l’air libre en forêt ou dans tées et abandonnées provisoirement les sols sableux, d’autres les sols plutôt un jardin peut donc conte- à elles-mêmes. Les installations fer- argileux. Mais bon nombre d’espèces ne nir des cellules de couvain roviaires et les complexes industriels sont pas spécialement difficiles. Autre- d’abeilles sauvages, qui se- font aussi partie des surfaces rudéra- fois, les rives des cours d’eau consti- raient détruites si le bois les. Celles-ci ont une importance parti- tuaient des habitats naturels importants était brûlé. culière pour les abeilles car leur sol est pour les abeilles sauvages nichant dans généralement maigre et sec. La végéta- le sol, car les crues récurrentes permet- tion des surfaces rudérales est adaptée taient de préserver des surfaces ouvertes. à la chaleur et à la sécheresse et elle Depuis la domestication des rivières, les peut être très fleurie. sablières, gravières et glaisières sont devenues d’importants habitats naturels de Ingénieux: l’halicte à quatre ceintures Vigoureux: le xylocope Il n’est pas rare qu’on confonde le xylocope ou abeille charpentière (Xylocopa violacea) avec un bourdon en raison de sa taille et de sa couleur bleunoir. Cette grosse mouche bleue mesurant jusqu’à 23 millimètres creuse dans le bois des galeries de ponte atteignant 30 centimètres. L’halicte à quatre ceintures (Halictus quadricinctus) a une tactique très astucieuse pour prévenir les attaques des champignons dans les sols humides: il aménage dans le sol un nid comprenant plusieurs cellules et creuse tout autour une sorte de cocon d’air. Le nid n’est plus relié à la terre que par quelques piliers. Autre particularité: la mère vit encore quelques semaines dans le même nid que les petits, alors qu’en règle générale, les abeilles ne voient pas la génération suivante. remplacement. e Vere cken Souterraine: l’abeille maçonne (ou osmie) L’Hoplitis perezi fait partie des abeilles maçonnes. Comme la moitié des abeilles sauvages, elle niche dans le sol, que ce soit du sable, du gravier ou de l’argile. Elle creuse ses nids ellemême ou utilise des cavités existantes comme des galeries de souris. eec Ver ken NATHALIE MARTIN est stagiaire à la division Communication et marketing chez Pro Natura Pro Natura Magazine spécial 2010 10 D’irremplaçables pollinisatrices Sans la pollinisation par les abeilles, l’éventail de notre alimentation serait radicalement différent, et de nombreuses plantes à fleurs disparaîtraient. Ces dernières ont mis au point des méthodes astucieuses pour attirer ces insectes butineurs. Les abeilles butinent les fleurs pour mâles se laissent abuser par le stra- une brosse de poils située sous leur plusieurs raisons. La reproduction tagème, le pollen est ainsi transpor- abdomen. en est une. C’est sur les fleurs sour- té de fleur en fleur. La moitié de leur poids ces de pollen et de nectar des femelles que les mâles cherchent de Généralistes ou spécialistes Certaines espèces avalent le pollen préférence des partenaires prêtes Le plus souvent cependant, ce n’est pour l’acheminer dans leur jabot à s’accoupler. Mais les ruses des pas l’instinct de reproduction, mais jusqu’aux cellules de ponte, où el- fleurs pour détourner les mâles sont le besoin de nourriture qui pousse les le régurgitent avec le nectar. Le parfois diablement efficaces: les or- les abeilles à butiner. Si les mâles record d’efficacité dans le transport chidées du genre Ophrys, par exem- sont surtout intéressés par le nec- de pollen est détenu par les dasypo- ple, imitent la forme et le parfum tar, les femelles ont pour préoccu- des (Dasypoda): ces abeilles pesant de la femelle de l’abeille à longues pation première de ramener du pol- à peine 100 milligrammes peuvent antennes. Le mâle qui approche len dans les nids pour nourrir leur emporter à chaque vol environ 50 fond alors sur ce qu’il pense être progéniture. Certaines espèces font milligrammes de pollen, soit la moi- une congénère pour s’accoupler une nette distinction entre les vols tié de leur poids. Au bout de sept avec elle. L’or- de pollinisation et la récolte de nec- vols, elles ont amassé suffisamment chidée en pro- tar. L’éventail des plantes butinées de nourriture pour assurer le déve- fite pour le pour leur nectar est vaste. Pour ce loppement d’une larve. lester d’un qui est du pollen, en revanche, plu- paquet de sieurs espèces d’abeilles ne visi- végétaux, si importante pour la re- pollen. Et tent que des espèces et familles de production de ceux-ci, est en réa- comme fleurs bien précises. Ces «spécialis- lité un acte involontaire. Lorsque les tes» sont dites oligolectiques. Envi- l’abeille pénètre dans la fleur à la Vereecken Déconcertante: Amegilla quadrifasciata Amegilla quadrifasciata est une antophore à l’air bien tranquille. Ses performances d’aviatrice sont d’autant plus déconcertantes: de temps en temps, cette abeille s’immobilise brusquement dans les airs, reste quelques instants en vol stationnaire, décrit des cercles puis reprend son déplacement jusqu’à la prochaine fleur. Et dire que la pollinisation des ron 60% de nos espèces d’abeilles recherche de nectar et de pollen, indigènes sont au contraire polylec- de la poussière florale se colle à tiques, c’est-à-dire qu’elles récoltent son corps duveteux et est transpor- du pollen sur la plus grande variété tée jusqu’à la prochaine fleur de la possible de plantes. même espèce, qui est ainsi fécon- dée. Certes, d’autres agents polli- Pour parvenir au nectar et au pollen, les abeilles ont dû s’adap- nisateurs existent – oiseaux, colé- ter à la diversité de la flore. Ain- optères, eau, vent. Il n’en demeu- si, la longueur de leur trompe varie re pas moins que, sans les abeilles, entre quelques millimètres et deux d’innombrables plantes à fleurs se- centimètres selon les espèces. Elles raient condamnées à disparaître. ont également développé différents dispositifs pour transporter le pol- Un tiers d’aliments en moins len. La plupart des espèces placent Un sort analogue frapperait les celui-ci sur une brosse de poils qui plantes utiles. «Près d’un tiers des garnit leurs pattes postérieures. Les aliments couramment consommés abeilles mellifères et les bourdons par l’homme ne peuvent être pro- disposent, en plus de cette brosse, duits que grâce à la pollinisation d’une petite corbeille constituée de par les abeilles», écrivent les jour- longs poils recourbés. Les mégachi- nalistes britanniques Alison Ben- les ou abeilles découpeuses, quant jamin et Brian McCullum dans A à elles, transportent le pollen sur world without bees (un monde sans Pro Natura Magazine spécial 2010 Photolia Le bourdon est de plus en plus utilisé pour la fécondation des fraisiers sous serre. abeilles). Bien sûr, il nous resterait le blé et d’autres céréales, donc le pain, les pâtes et la bière. Mais sans abeilles domestiques et sans abeilles sauvages, nous pourrions féconder les plantes utiles, car el- dire adieu à l’essentiel des fruits, les évitent souvent le contact avec élever industriellement différentes espèces d’abeilles sauvages. Aux des légumes et du coton. Et ce qui le stigmate de la fleur pour accéder Etats-Unis, des osmies cornues (Os- subsisterait serait précieux et cher. plus vite au nectar. Selon lui, une mia cornuta) sont mises à contribu- Les prix de la viande et des produits seule reine bourdon visitant chaque tion depuis les années 1950 pour la laitiers grimperaient en flèche, car jour en avril des milliers de fleurs pollinisation des amandiers, et en des plantes importantes pour l’ali- de pommier peut théoriquement Europe, des abeilles découpeuses mentation du bétail, comme la lu- féconder la majeure partie d’un (Megachile rotundata) sont utilisées zerne et le trèfle, se raréfieraient. arbre. pour la fécondation des champs de Au vu du recul inquiétant des luzerne. Le bourdon terrestre (Bom- populations d’abeilles mellifères, la Les biotopes se raréfient bus terrestris) est lui aussi élevé question de savoir qui pourrait un Andreas Müller, apidologue à avec succès depuis bientôt 25 ans. jour les remplacer est à l’ordre du l’EPFZ, précise toutefois que dans Sous serre, les bourdons sont da- jour. Et la solution n’est peut-être de nombreuses zones agricoles ex- vantage appréciés que les abeilles pas si éloignée. Selon une étude me- ploitées intensivement les abeilles domestiques, car ils fécondent née aux Etats-Unis sur des melons sauvages sont trop rares pour pou- mieux les fleurs de tomates et de miel, les abeilles sauvages peuvent voir suppléer les abeilles domesti- fraisiers. polliniser les plantes utiles au moins ques. C’est particulièrement vrai aussi bien que les abeilles domesti- sur le Plateau, où la plupart des pourraient être les répercussions sur l’écosystème d’un retour à l’état On ignore cependant quelles ques. A condition toutefois que les biotopes proches de l’état naturel – abeilles sauvages aient à leur dis- haies et tas de pierres entre autres – sauvage de ces «abeilles industriel- position suffisamment de biotopes ont disparu au cours des cinquante les jetables» (Paul Westrich). Cer- encore naturels pour nicher. Paul dernières années. tains craignent en outre que l’éle- Westrich, spécialiste allemand des Pour prendre le relais des vage ne rende les abeilles sau- abeilles sauvages, pense même que abeilles domestiques, les abeilles vages vulnérables aux maladies, celles-ci parviennent mieux que les sauvages doivent être présentes en alors qu’elles se caractérisaient grand nombre. On s’est jusqu’ici par leur grande robustes- donc mis à se. Elles seraient alors menacées du abeilles domestiques à même sort que leurs homologues domestiques. NICOLAS GATTLEN Pénétrant: le bourdon terrestre Le bourdon terrestre (Bombus terrestris) est employé depuis bientôt 25 ans pour féconder des fraisiers et des tomates sous serre. Ce sont les seuls apidés à pouvoir accéder au pollen des fleurs de tomates. Les abeilles domestiques n’y parviennent pas. Pro Natura Magazine spécial 2010 Vereecken 12 Une abeille un peu à part Veree c Avec son épaisse fourrure, le bourdon fait partie des abeilles sauvages les plus spectaculaires et les plus connues. Il porte en italien un nom qui convient particulièrement bien à sa corpulence ronde et trapue, «il bombo». ken Les bourdons se distinguent des jusqu’à 1000 fleurs par jour. Les Résolu: le bourdon des arbres autres abeilles sauvages par des ca- grands bourdons ont encore hérité ractéristiques atypiques: ils vivent d’un atout appréciable: beaucoup Comme son nom l’indique, le bourdon des arbres (Bombus hypnorum) vit dans les cavités des arbres, mais il élit aussi domicile dans des nids d’oiseaux et des nichoirs. Lorsqu’un autre animal s’aventure trop près de son site de nidification, le bourdon des arbres fond sur le coupable et le frappe sur le ventre jusqu’à ce qu’il s’éloigne. en colonies, volent aussi par bas- d’entre eux ont une trompe parti- ses températures et fabriquent du culièrement longue qui leur permet miel. Contrairement à une opinion d’atteindre le nectar inaccessible très répandue, les bourdons piquent aux abeilles mellifères. aussi, mais ils n’utilisent leur dard que lorsqu’ils sont dérangés ou me- Comme une abeille à miel nacés. En guise d’avertissement, le Par deux aspects, les bourdons poi- bourdon émet un ronflement sono- lus ressemblent plus aux abeilles re avant de piquer. mellifères qu’aux autres abeilles Toujours au chaud et vivent en colonies avec une rei- Des abeilles sauvages de sortie en ne, ses filles (les ouvrières) et ses sauvages: ils produisent du miel février? Oui, il y en a. Les bourdons fils (les faux-bourdons). Seules les résistent bien au froid: ils possèdent jeunes reines fécondées en été sur- en effet une sorte de moteur ther- vivent à l’hiver et visitent les pre- mique qui leur permet de supporter mières fleurs de saules ou de gro- des températures tout juste supérieu- res au point de Lapidaire: le bourdon des pierres Vere e Les bourdons produisent du congélation. Leur miel avec le nectar récolté. Mais secret réside dans comme les colonies de bourdons leur poitrine gon- sont beaucoup plus petites que cel- flée par une énor- les de l’abeille domestique (environ me musculature 400 individus par colonie, contre de vol. Un «mo- 40 000 pour l’abeille domestique), teur de vol» de et comme les bourdons n’ont pas cette dimension besoin de réserves pour passer l’hi- produit une énor- ver, les quantités de miel restent me quantité de chaleur. relativement faibles. En outre, les Contrairement à d’autres abeilles bourdons consomment leurs ré- cken Lapidaire signifie littéralement «taillé dans la pierre». C’est probablement ce qui a valu son nom savant au bourdon des pierres (Bombus lapidarius), qui niche dans les fissures de rochers. Son apparence est massive: son corps est lourd et noir comme le jais, à l’exception de l’extrémité rouge de son abdomen. seilliers épineux à la recherche de pollen et de nectar. sauvages, les bourdons peuvent serves de miel eux-mêmes car ils dissocier la musculature de vol de ont besoin d’une grande quantité leurs ailes et la faire fonctionner à d’énergie. vide, rien que pour se réchauffer. NATHALIE MARTIN Les bourdons sont très actifs. Ils récoltent beaucoup plus de nectar et de pollen que les abeilles mellifères. Un bourdon peut visiter Pro Natura Magazine spécial 2010 13 Les parentes importunes Les guêpes ne font pas partie des abeilles sauvages, mais sont de proches parentes – au même degré que les fourmis. cation et aux plantes à nectar. Les sieurs familles et sous-familles de guêpes ont des exigences particu- l’ordre des hyménoptères (comme lières quant à leurs proies: tandis les guêpes fouisseuses, les guêpes que les abeilles ravitaillent leurs pe- mellifères ou les polistes). Les in- tits exclusivement avec une nourri- sectes que nous appelons commu- ture végétale, les guêpes capturent nément «guêpes» appartiennent gé- d’autres insectes comme des mou- néralement à la famille des «guêpes ches, des sauterelles ou des che- sociales», lesquelles ont le même nilles de papillons. Ces proies sont lien de parenté avec les abeilles que paralysées avec une piqûre, mais les fourmis. Tous ces insectes font pas tuées, et servent de réserves vi- partie des hyménoptères et des acu- vantes de nourriture aux larves léates (voir page 5). de guêpes. Une réputation d’agressivité Les secrets du papier Les guêpes ont mauvaise réputation Les guêpes sociales construi- et passent pour agressives, notam- sent des nids en pa- ment parce que leurs piqûres sont pier qui sont de vé- douloureuses et qu’elles sont sou- ritables vent des hôtes indésirables quand Les différentes cellu- nous mangeons en plein air. Mais les sont disposées de fa- cette réputation est trompeuse car çon à créer une succession seules deux espèces – la guêpe de rayons. Pour édifier leur nid, les guêpes ont besoin de bois écor- sont attirées par nos aliments. Tou- cé et superficiellement décompo- tes les autres espèces de guêpes ne sé. Ses fibres végétales mâchées viennent guère perturber le dérou- et mélangées à une sécrétion sali- lement de nos repas estivaux. vaire donnent naissance à un ma- tériau semblable à du papier, assu- pes peuvent présenter des modes rant une excellente régulation ther- de vie solitaires, sociaux ou parasi- mique à l’intérieur du nid. Ce pro- taires. Et comme pour les abeilles, cessus de fabrication du papier à la présence de biotopes partiels re- partir du bois a sûrement inspiré liés entre eux constitue la condi- les êtres humains. tion d’une faune riche, car elle per- NATHALIE MARTIN Pro Natura Magazine spécial 2010 Le frelon (Vespa crabro), qui se distingue des autres guêpes par sa taille, est considéré à tort comme particulièrement agressif. Il pique certes, mais comme les autres guêpes, c’està-dire seulement lorsqu’il se sent menacé: quand on s’attaque à son nid, quand il se retrouve coincé dans un vêtement, ou lorsque nous lui marchons dessus par inadvertance. merveilles. commune et la guêpe germanique – A l’instar des abeilles, les guê- inkel Le frelon, ce géant ke l plan scientifique. Il regroupe plu- Blickw in guêpes relatives aux sites de nidifi- kw met de satisfaire les exigences des pas à une notion très précise sur le Bl ic Le terme de guêpe ne correspond Planétaire: la guêpe commune Elle fait partie des espèces de guêpes les plus fréquentes chez nous et elle est très répandue en Europe, mais aussi dans les zones tempérées d’Asie et d’Amérique. La guêpe commune (Vespula vulgaris) a été introduite en Nouvelle-Zélande et en Australie. Une colonie de guêpes communes peut comprendre de 1000 à 10 000 guêpes. La guêpe commune construit son nid dans des cavités dans le sol et en surface. 14 La danse des orpailleuses C’est l’insecte le plus cher au cœur de l’être humain, un insecte apprécié surtout pour son «or liquide». Polliniser, beaucoup savent le faire. Mais seule l’abeille mellifère constitue des stocks de cette précieuse substance blonde, car elle seule hiverne en société. Une colonie d’abeilles mellifères ruche, c’est-à-dire le pollen et le bant de l’eau sucrée. Ce qui est vrai, (Apis mellifera) se compose d’une nectar. Les ouvrières épaississent en revanche, c’est que notre paysage helvétique n’offre plus assez de reine, d’une armée d’ouvrières dont d’ailleurs ce dernier durant leur vol le nombre peut atteindre 80 000 in- de retour pour en faire un avant- nourriture à ces insectes. En beau- dividus, et de quelques centaines produit du miel. coup de régions, les champs de de faux-bourdons (les mâles de la maïs et les monocultures prédomi- Le langage dansé par lequel ruche). La reine vit plusieurs an- l’abeille mellifère informe ses sœurs nent. Si les abeilles, au printemps, nées et elle est la seule abeille de la de l’éloignement et de la direction jouissent d’une certaine abondance colonie à pondre. Elle pond jusqu’à des sources de nourriture – et cela alimentaire dans les zones de cultu- 1500 œufs par jour. Au cours de à quelques mètres près – est pro- re de colza notamment, l’offre s’ef- leurs quatre à six semaines d’exis- prement stupéfiant. Pour signaler à fondre brutalement après la florai- tence, les ouvrières s’occupent de ses compagnes la présence de plan- son – le Plateau se transforme alors en un «désert vert». nettoyer les anciennes cellules de tes nourricières dans un rayon de ponte, de nourrir les larves et de 50 à 100 mètres, la butineuse exécu- construire de nouvelles cellules, de te une danse en décrivant des cer- butiner les fleurs pour y préle- cles alternativement dans un sens Les abeilles sont aussi soumises ver la nourriture de la et dans l’autre. Plus la source ali- à un important stress de surpo- mentaire est riche, plus la danse pulation. En Suisse, 4,7 colonies Rustique: l’abeille noire e re Ve en ck L’abeille noire suisse (Apis mellifera mellifera nigra), appelée couramment nigra, est un écotype régional de l’abeille noire européenne (Apis mellifera mellifera). Morphologiquement, elle se distingue par la couleur sombre de sa cuirasse et par ses étroits tomentums (bandes de poils situées sur le dos de l’abdomen). Laborieuse et rustique, supportant bien les rigueurs de l’hiver, cette race indigène est aujourd’hui présente essentiellement en Suisse alémanique et dans le Haut-Valais. Glaris est la région d’élevage par excellence de la nigra, cela en raison de l’interdiction des autres races d’abeilles promulguée dans ce canton. Trop du monde est expressive. Si le butin se trou- d’abeilles mellifères se disputent ve à une distance de plus de 100 un kilomètre carré de territoire; la mètres, l’éclaireuse accomplit sur le moyenne est même de 25 colonies rayon une danse en huit ou danse à Bâle-Ville. Les abeilles sauvages frétillante, l’abeille tortillant en pâtissent également: il est prou- plus ou moins vite son ab- vé qu’une forte densité d’abeilles domen: l’orientation de la mellifères provoque des pénuries danse par rapport à la ver- de nourriture chez d’autres popu- ticale du rayon indique l’an- lations d’apidés, qui peuvent alors gle entre la source de nourriture localement disparaître. Une densi- et la position du soleil – c’est-à-dire té élevée semble être préjudiciable la direction de vol. Plus la miellée à la santé des colonies. Ce n’est pas est éloignée, plus la danse est exé- un hasard si les populations d’api- cutée lentement. dés isolées et peu denses sont justement celles qui ont été épargnées La mort assurée miraculeusement par le varroa, cet Mais à en croire les médias depuis acarien parasite des abeilles. quelques années, l’abeille mellifère aura bientôt fini de danser. En août est fréquent que des colonies parti- 2009, cette information nous est culièrement vigoureuses pillent des arrivée d’Allemagne: «Les abeilles colonies plus faibles. Mais n’impor- Chez les abeilles mellifères, il mellifères meurent de faim en plein te quelle colonie est démunie face été». C’était très exagéré, car les au varroa. En pillant des colonies abeilles domestiques – contraire- affaiblies par l’acarien, les abeilles ment aux abeilles sauvages – peu- prédatrices ramènent celui-ci dans vent se maintenir en vie en absor- leur propre colonie, où il infeste Pro Natura Magazine spécial 2010 Waldhäusl 15 Là où le paysage fait l’objet d’une exploitation intensive, les monocultures n’offrent pas suffisamment de nourriture aux abeilles. le couvain. Le varroa s’agrippe au à haut rendement tiennent leur pré- ves et vulnérables aux maladies, et corps des abeilles pour se gorger de cieuse semence à la disposition des leur rendement est très fluctuant. leur sang. On pense qu’il transmet reines. Lesquelles, une fois fécon- Beaucoup d’apiculteurs en revien- ainsi des virus et provoque des in- dées, sont envoyées dans le monde nent donc à la nigra, ce qui est tout fections mortelles par les blessu- entier. bénéfice pour les plantes indigènes: en effet, l’abeille noire vole même res infligées. Cet acarien, malencontreusement importé d’Asie, est L’abeille noire à l’honneur par basse température et butine de rendu responsable de la grande dé- L'association suisse des amis de très nombreuses fleurs alpines. population d’abeilles survenue en l’abeille noire (Verein der Schwei- NICOLAS GATTLEN Suisse durant l’hiver 2002-2003: zerischen Mellifera Bienenfreun- un quart de toutes les colonies ont de) suit une autre voie. Son but est alors péri. de promouvoir la santé et la robustesse de l’abeille noire suisse (Apis L' être humain en cause mellifera mellifera nigra), appelée Mais le varroa est rarement le seul couramment «nigra». Cette sous-es- coupable. Deux ans après l’héca- pèce de l’abeille noire européenne tombe d’abeilles qui a frappé les (Apis mellifera mellifera) se carac- Etats-Unis au cours de l’hiver 2006- térise par sa résistance au froid et 2007, un virus dit «virus israélien sa douceur de caractère. Au fil des de la paralysie aiguë de l’abeille» dernières décennies, la nigra a a été identifié sur de nombreu- été progressivement évin- ses abeilles mortes. Certains cher- cée par des races étran- cheurs émettent donc la formule gères, dont l’abeille suivante: «mort des abeilles = var- italienne (Apis mel- roa + x». De nombreux facteurs lifera ligustica) et aggravants paraissent être en cau- l’abeille se: appauvrissement floral des pay- sienne (Apis mel- sages, parasites, virus, pesticides. lifera caucasica), Mais également: les longues distan- et par les hybri- cauca- ces de transport jusqu’à une station des qui en sont issus. de fécondation par exemple, l’insé- Ces races avaient l’avantage d’un mination artificielle ou encore la sé- meilleur rendement, fournissant lection trop exclusive des élevages. jusqu’à 15 kilos de miel par colo- L’homme semble donc bien avoir nie, contre 7 pour l’abeille noire. sa part de responsabilité dans cette La population de nigra a tellement évolution préoccupante. reculé qu’aujourd’hui, les abeilles Car les abeilles domestiques noires de pure race ne constituent sont depuis longtemps sélection- plus que 10% des colonies suisses nées pour être ultraperformantes. d’abeilles – dont le nombre est es- Beaucoup de reines n’ont plus la timé à 170 000. possibilité de se reproduire natu- Les abeilles croisées et métis- rellement. Comme celles qui exis- sées hautement productives ont ce- tent sur l’île de Neuwerk, en mer pendant aussi leurs points faibles. du Nord: là, 50 000 faux-bourdons Elles sont de plus en plus agressi- Pro Natura Magazine spécial 2010 ProS pecie Rara Laborieuse: l’abeille italienne L’abeille italienne (Apis mellifera ligustica), appelée couramment ligustica, est originaire de la péninsule. Sa couleur varie du jaune citron au brun cuir. Très laborieuse, elle est considérée comme la meilleure des butineuses. Ses qualités sont d’ailleurs reconnues un peu partout dans le monde. Elle est aujourd’hui la race d’abeille domestique la plus répandue sur la planète. On l’élève avec succès même en Scandinavie et en Alaska. Blickwinkel L’ennemi guette partout La pie-grièche écorcheur se nourrit de préférence de gros coléoptères, mais elle ne dédaigne pas non plus les abeilles. Oiseaux, souris, araignées, guêpes et même ses propres congénères: les ennemis des abeilles sauvages sont nombreux. Le reste d’un rayon de miel collé au analyses chimiques ont montré que museau, des abeilles installées sur les sécrétions des glandes céphali- son nez: l’ours Bruno abattu en Ba- ques des anthophorines à allu- vière passera à la postérité natura- re de guêpe (Nomada) présentent lisé sous les traits d’un voleur de une composition chimique presque miel, corroborant ainsi le cliché de identique à celles des abeilles des l’ours ennemi numéro 1 des abeilles. sables (Andrena), bien que les deux En fait, ce n’est pas l’ours, mais un espèces d’abeilles ne soient pas de petit parasite insignifiant qui est le proches parentes. Grâce à ce ca- plus grand ennemi de l’abeille mel- mouflage olfactif, les anthopho- lifère, le varroa, un acarien. Ce pa- rines réussissent à pénétrer sans rasite s’agrippe à l’abeille et l’affai- être importunées dans le nid des blit progressivement si bien qu’el- abeilles des sables et à y déposer le finit par mourir d’un virus bénin leurs œufs. ou de mauvaises conditions météo. Le varroa est donc le prin- Les méloés (Meloidae) sont égale- talité des abeilles ces derniè- ment pleins de ressources: à pei- res années. n ecke Vere Agressif: le bourdon des rochers Les bourdons des rochers (Bombus rupestris) attaquent les nids des bourdons. S’ensuit une lutte acharnée qui prend fin avec la mort d’un nombre considérable d’ouvrières ou de la reine. Ce bourdon parasite prend alors le pouvoir et fait couver et élever ses petits par les ouvrières de l’autre espèce. Des parasites astucieux cipal responsable de la mor- ne écloses, leurs larves grimpent sur des fleurs et attendent l’arri- Ami ou ennemi? vée des abeilles. Elles se laisseront Parfois, le parasite vient de ses pro- transporter par les abeilles sauva- pres rangs, c’est-à-dire d’une autre ges dans leurs nids où elles gran- espèce d’abeilles sauvages: les diront jusqu’à devenir des scara- abeilles-coucous par exemple s’in- bées. Les méloés et quelques guê- troduisent dans le nid d’autres es- pes de la famille des Gasteruptioni- pèces d’abeilles sauvages, déposent dae semblent d’abord ne s’intéres- leurs œufs sur les réserves de nour- ser qu’aux réserves de nourriture, riture et s’éclipsent discrètement. mais ils ne tardent pas à pénétrer L’ennemi se travestit parfois en ami. Des dans les cellules de couvain en passant à travers les parois intermédiaires des cellules et à dévorer les larves d’abeilles. Féroce: le philanthe apivore Le philanthe apivore (Philanthus triangulum) capture généralement les abeilles sauvages sur des fleurs et les paralyse d’une piqûre avant de les ramener au nid en guise de «conserves de viande froide» pour nourrir ses larves. De temps en temps, cette espèce de guêpe fouisseuse presse aussi les abeilles capturées pour en faire sortir quelques gouttes de nectar à lécher. Les abeilles adultes doivent aussi se méfier des oiseaux insectivores, des souris, des araignées, des frelons et des guêpes. La plupart des prédateurs tuent immédiatement leur proie pour s’en repaître ou pour nourrir leurs petits. Les abeilles mellifères n’ont donc pas trop à se plaindre des ours, qui se contentent de prendre leur miel… Blick w NICOLAS GATTLEN inke l Pro Natura Magazine spécial 2010 17 Un petit calibre efficace Blickw Si nous respectons les abeilles, c’est surtout à cause d’une toute petite chose: leur dard, une arme de défense dissuasive. A l’origine, le dard de l’abeille est sez rigide pour pénétrer dans no- fait pour donner la vie et il n’a tre peau. pas vocation de tuer. Phylogénéti- quement, il provient en effet d’un unique: il est relativement robuste organe de ponte, la tarière (c’est et muni de petits ardillons. Ce qui d’ailleurs pourquoi seules les femel- peut être fatal à l’abeille. Si elle pi- Le dard de l’abeille mellifère est les possèdent un dard). Mais le dard que un homme, son appareil de dé- a perdu cette fonction depuis long- fense reste en effet accroché dans temps. Il ne sert plus aux abeilles notre peau élastique et se retrouve que d’arme pour leur défense ou arraché du corps de l’abeille. L’ab- pour la protection de leur couvain. domen extrait continue à pomper S’il est utilisé contre d’autres insec- le venin une fois la bête morte. En tes, cela se termine généralement règle générale, l’abeille domestique par la mort de l’ennemi. ne peut donc piquer qu’une fois puisqu’elle meurt de la blessure in- Les abeilles savent se défen- dre même sans dard. Quelques es- inkel Un aiguillon bien planté Le dard de l’abeille domestique a deux lancettes munies chacune de dix ardillons. Lorsque l’abeille pique dans la peau souple d’un être humain, tout l’appareil de défense y reste généralement accroché et se retrouve arraché du corps de l’insecte. Cette blessure va causer la mort de l’abeille domestique. Les bourdons ont aussi de petits ardillons sur leur dard mais la musculature de leur abdomen est moins puissante, ce qui fait que leur dard ne parvient guère à pénétrer dans notre peau. Lorsque les bourdons se sentent menacés, ils émettent un ronflement en se mettant sur le dos. fligée à son abdomen. pèces, comme les bourdons, vont jusqu’à mordre. D’autres utilisent Utile et mortel des tactiques de dissuasion: pour Si la piqûre des abeilles est doulou- protéger leur nid posé à la surfa- reuse pour la plupart des gens, elle ce d’un arbre ou d’un rocher, les reste généralement bénigne. Sauf abeilles géantes (Apis dorsata) for- pour les allergiques. Dans le pire ment une pelote serrée de centaines des cas, elle peut provoquer un d’abeilles autour du nid et dressent choc cardio-circulatoire aux consé- leur abdomen en une fraction de se- quences mortelles. Le venin conde. Les frelons qui s’approchent d’abeille peut aussi avoir son trop près du nid sont dissuadés par utilité. Les Egyptiens de l’An- ce mouvement de vague. La force et tiquité connaissaient déjà son la fréquence de ces vagues dépen- effet stimulant. Autrefois, on dent de la vitesse de déplacement et laissait le patient se faire piquer de la proximité des frelons. par des abeilles mais aujourd’hui, Un dard inoffensif ve le venin des abeilles en les fai- Seule l’abeille mellifère et quelques sant piquer dans un support souple l’industrie pharmaceutique prélè- rares espèces de bourdons comme d’où elles peuvent retirer leur dard. les bourdons des arbres (Bombus 2000 piqûres d’abeilles permettent hypnorum) et les bourdons ter- d’obtenir un gramme de venin, sur- restres (Bombus terrestris) défen- tout utilisé pour activer localement dent leurs nids face aux êtres hu- la circulation veineuse et, plus ra- mains. Les autres abeilles indigè- rement, pour atténuer les douleurs nes ne piquent un être humain que rhumatismales ou nerveuses. En lorsqu’elles se sentent menacées. outre, on attribue au venin un effet Par ailleurs, le dard de nombreu- stimulant sur l’immunité. ses abeilles sauvages n’est pas as- NICOLAS GATTLEN Pro Natura Magazine spécial 2010 Blickw inkel Redoutable: l’abeille géante Les abeilles géantes (Apis dorsata) construisent un gigantesque nid d’un à deux mètres de long, qui accueille les cellules de couvain ainsi que les alvéoles à miel et à pollen. Ces abeilles d’Asie du Sud-Est sont même armées contre les attaques de grands mammifères: elles peuvent se dresser et produire, avec leurs ailes, un vrombissement effrayant. Si l’agresseur ne cède pas, les abeilles lui tombent dessus par centaines. 18 Une élève modèle Les abeilles – tout particulièrement celles à miel – sont des insectes porteurs de mythes et de symboles. Plusieurs des qualités qu’on leur attribue sont d’ailleurs proverbiales et fabuleuses. Lorsqu’en 1804, Napoléon Bona- Non seulement pour signifier que parte se fit couronner empereur l’assiduité et l’ordre – vertus attri- des Français, il portait un man- buées aux abeilles – devaient ré- teau brodé d’abeilles d’or: désor- gner dorénavant dans l’Empire des mais, l’abeille serait l’animal héral- Français, mais aussi pour inscrire le dique de l’Empire, en lieu et pla- nouvel Etat français postrévolution- ce de la fleur de lys des Bourbons, naire dans une ancienne tradition: tant détestés. en effet, l’abeille était le symbole Ce choix peut surprendre de dignitaire de Childéric Ier, roi des prime abord. On se serait attendu Francs, mort en 482. Celui-ci arra- à ce que le chef de la «Grande Na- cha à Rome, dans le nord de la Gau- tion» adopte un symbole animal le, un territoire qu’il fit souverain et plus majestueux, tel le lion, l’aigle indépendant – et qui fut le noyau ou le cerf, beaucoup plus fréquem- de la future France. On a découvert ment utilisés comme attributs du dans son tombeau des pendentifs pouvoir. d’or en forme d’abeille. Peut-être Napoléon savait-il aus- Un symbole de puissance si, de sa campagne d’Egypte, que Mais Napoléon avait choisi cet in- les pharaons eux-mêmes avaient secte en toute connaissan- choisi l’abeille comme symbole de ce de cause. leur puissance. Dans l’écriture hié- vages qui vivaient en interaction roglyphique, le roi égyptien est re- avec leurs cousines domestiquées. présenté par une reine abeille, les simples ouvriers par des abeilles. Blick wink el Potentiellement mortelle: l’abeille tueuse Afin d’obtenir une abeille à miel adaptée au climat brésilien, on a croisé une abeille mellifère européenne avec une espèce africaine. C’est ainsi qu’est née l’abeille tueuse. Celle-ci se distingue de l’abeille mellifère européenne par le fait qu’en cas de menace, c’est toute la colonie qui passe à l’attaque, avec des conséquences pouvant être mortelles. Des créatures divines Les Egyptiens pratiquaient déjà, Jusqu’à l’époque moderne, le miel il y a 4000 ans, une apicultu- était le seul et unique aliment in- re très développée. Ils utili- trinsèquement doux – et, dans les saient également des co- anciennes cultures, le sucré était lonies d’abeilles spécia- considéré comme parfaitement sain, lement pour féconder car très énergétique. Pour les an- des plantations d’arbres ciens Egyptiens, comme plus tard fruitiers. pour les Grecs, le miel était une Les chasseurs et cueilleurs de l’âge de la pierre nourriture des dieux. Le jeune Zeus fut nourri par Mélissa, une nymphe mangeaient du miel d’abeilles sau- au corps d’abeille. vages. Une peinture rupestre décou- verte en Espagne et datant d’envi- produisant une nourriture divi- ron 12 000 ans représente des chas- ne ne pouvaient qu’être elles-mê- seurs de miel au travail. La domes- mes divines. Dans la mythologie tication de l’abeille mellifère débuta de l’ancienne Egypte, les abeilles Naturellement, des créatures voici environ 7000 ans en Anatolie. naissaient des larmes du dieu so- Il y avait toujours, à proximité des laire Râ. Artémis, la déesse grecque ruchers, des colonies d’abeilles sau- de la chasse et de la forêt, protecPro Natura Magazine spécial 2010 19 trice des femmes et des enfants, est té intense d’une colonie et le bour- de l’héroïsme: quand une abeille parfois représentée avec l’abdomen donnement des butineuses passant mellifère pique, elle perd son d’une abeille. Ses prêtresses vierges de fleur en fleur ont toujours don- aiguillon et meurt. Mourir en tuant, étaient appelées melissai, mot signi- né des abeilles mellifères l’ima- là est l’héroïsme du soldat. Virgi- fiant abeille. ge de créatures laborieuses et as- le loue cette bravoure, qui fait de l’abeille un modèle pour le valeu- «Ne félicite pas un homme pour sidues à la tâche. Les anciennes sa prestance et ne prends person- cultures et civilisations associaient reux soldat romain. Mais un insec- ne en grippe d’après son apparen- donc à l’abeille des valeurs cardi- te aussi extraordinaire ne pouvait ce. Car l’abeille est petite parmi les nales comme l’ardeur au travail et que stimuler l’imagination humaine. êtres ailés, mais ce qu’elle produit le sens de la prévoyance. Dans une Ainsi, le même Virgile était convain- est d’une douceur exquise», peut- légende des sixième et septième li- cu que les abeilles naissaient spon- on lire dans l’Ancien Testament. Sur vres de Moïse, elle est le seul ani- tanément de cadavres d’animaux. les stèles funéraires, l’abeille sym- mal épargné par la Chute de l’hom- Cette croyance n’est qu’un exem- bolise la résurrection du Christ et me et autorisé à rester au paradis. ple des nombreux mythes qui en- la vie après la mort: les trois mois Rigoureusement organisée et hié- touraient les abeilles. HANSJAKOB BAUMGARTNER est journaliste à Berne d’hiver au cours desquels elle sem- rarchisée, la société des abeilles a ble avoir disparu rappellent les trois toujours impressionné les humains. jours durant lesquels le Fils de Dieu Les pharaons y voyaient un modè- séjourna dans son tombeau, mort le d’organisation pour leur royau- et invisible aux yeux des hommes. me, et le poète romain Virgile y trouvait un exemple pour les réfor- Napoléon Bonaparte se fit couronner empereur dans un manteau orné d’abeilles. Des ouvrières zélées mes de l’Etat entreprises par l’em- Certes, il est toujours hasardeux pereur Auguste. de transposer nos conceptions hu- maines au monde animal, mais la physiologique qu’est fon- constitution de réserves, l’activi- dé le mythe C’est sur une particularité Les guêpes: vecteurs de panique et armes biologiques Si, dans la mythologie, les abeilles les champs de bataille et catapul- sont auréolées d’attributs largement tés dans les rangs de l’adversaire, positifs, les guêpes, elles, y ont une sur lequel se déversaient alors des image carrément négative: ain- nuées de bestioles aux dards acérés. si, dans la Bible, guêpes et frelons On rapporte des cas où la seule me- sont des vecteurs de panique et des nace de cette arme biologique suf- symboles de peur, voire d’épouvan- fisait à mettre l’ennemi en fuite. te, en particulier dans le cadre de la guerre. Mais il pourrait s’agir d’er- homme, sept un cheval, dit-on du reurs de traduction. frelon dans le langage populaire. En Trois de ses piqûres tuent un Il n’en demeure pas moins que réalité, sa piqûre n’est pas plus dan- les frelons et les guêpes étaient bel gereuse que celle d’une abeille ou et bien utilisés comme armes par d’une guêpe, et il pique moins sou- les anciens Egyptiens. Des tubes en vent qu’elles. Les frelons sont paci- argile renfermant des grappes de fiques tant qu’on ne les dérange pas ces insectes étaient emportés sur dans leur nid. Pro Natura Magazine spécial 2010 Blic kwin kel De proches cousines: les guêpes fouisseuses L’abeille primitive, qui existait déjà il y a des millions d’années, ressemblait sans doute à une guêpe fouisseuse d’aujourd’hui. Les guêpes fouisseuses actuelles sont de proches cousines des abeilles, avec lesquelles elles forment la superfamille des Apoidea. La principale différence comportementale entre les abeilles et les guêpes fouisseuses réside dans le fait que ces dernières alimentent leurs larves avec de la nourriture animale, tandis que les abeilles sont végétariennes. 20 « J’admire leur diversité, leur travail, leur précis Avec la découverte des abeilles sauvages, c’est «un monde extrêmement complexe et étonnant» qui s’est ouvert à Peter Kernen. Une fascination que le président de Pro Natura Valais s’attache maintenant à transmettre en tant que guide d’excursion. Pro Natura: Cela fait plus de 20 ans que vous vous passionnez pour les abeilles sauvages. Comment avezvous découvert ce hobby peu ordinaire ? Peter Kernen: Par Pourtant c’est un animal à première vue peu spectaculaire. des abeilles sauvages ne soient pas oubliés dans le cadre de la grande correction du Rhône. De nombreu- Il faut faire preuve de patience et ses abeilles construisent leur nid avoir un bon esprit d’observation. dans les digues s’élevant sur les ri- Les abeilles restent souvent très ves. On peut préserver ces sites de peu de temps à un endroit avant nidification avec des mesures rela- de s’envoler. On ne peut pas leur tivement simples. Le Valais est res- ma femme. Elle m’a courir après comme on le ferait ponsable de ses abeilles sauvages. emmené un jour à avec une chèvre. Mais quand on C’est ce que nous nous efforçons une excursion sur les prend le temps, on découvre un de rappeler. oiseaux qui m’a emballé. L’objectif du guide n’était monde extraordinairement complexe et étonnant. pas de nous donner un catalogue Comment réagissent les gens quand vous évoquez votre passion pour les abeilles sauvages ? vent leur nourriture, quels sont Un monde qui menace de disparaître. Que perdrionsnous avec la disparition des abeilles sauvages ? leurs lieux de migration. Puis ça a C’est toute la diversité des espèces été au tour des fleurs, des scara- qui déclinerait. On verrait péricli- sent peut-être les bourdons, qu’on bées, des libellules et des papillons. ter un grand nombre de plantes à peut rencontrer jusqu’à 2800 mè- Et enfin des abeilles sauvages. Et fleurs, d’insectes et d’oiseaux. Les tres d’altitude ici en Valais. Peu elles ne m’ont plus quitté. abeilles sauvages constituent un in- de gens savent qu’il existe entre dicateur de la diversité des espèces. 20 000 et 30 000 espèces d’abeilles Lorsque les abeilles vont mal, cela sauvages dans le monde. de noms d’oiseaux mais de nous apprendre comment ils vivent: comment ils nichent, où ils trou- Beaucoup d’entre eux sont seulement étonnés qu’il y ait autant d’espèces d’abeilles. Ils connais- se présente également mal pour la biodiversité. Votre espèce préférée ? Que faites-vous pour les abeilles sauvages en tant que président de Pro Natura Valais ? à fait fascinantes. Lorsque tout est Nous participons à différents pro- les roulent ensemble ces morceaux, jets de mise en réseau pour sau- qu’elles transportent sous leur ven- vegarder des prairies aux nom- tre jusqu’au nid où elles tapissent Les mégachiles du rosier sont tout e Ver en eck silencieux, on peut les entendre découper de petits bouts de feuilles avec leurs mâchoires dentées. El- breuses espèces de fleurs. Nous minutieusement les cellules de leur veillons aussi à ce que les besoins couvain. Elles découpent des mor- La dentellière: la mégachile du rosier Les mégachiles du rosier (Megachile centuncularis) découpent de petits morceaux de feuilles avec leur mâchoire supérieure pour tapisser les cellules de leur couvain. Leur technique est stupéfiante: elles découpent des morceaux ovales pour les parois latérales des cellules et des morceaux ronds pour le fond du nid et l’opercule qui vient fermer les cellules. ceaux ovales pour les parois latérales des cellules et des morceaux ronds pour le fond du nid et l’opercule qui vient fermer les cellules. Les mégachiles des murailles ne sont pas en reste. Pour construire Pro Natura Magazine spécial 2010 Raphael Weber ion » On rencontre même des abeilles sauvages dans des habitats alpins jusqu’à environ 3000 mètres d’altitude. leur nid, elles utilisent de la terre et de petites pierres, qu’elles mélangent avec leur salive pour fabriquer un mortier dur comme du caillou. Elles bâtissent volontiers leur nid artistique sur des rochers et sur les murs de routes, nombreux en Valais. pour découvrir une nouvelle espèce. Est-ce aussi l’une de vos motivations ? Non, absolument pas. C’est jus- Et sinon, où peut-on encore observer des abeilles sauvages ? te que je me passionne pour l’ob- Pas besoin d’aller bien loin. Vous précision. servation de ces animaux. J’admire leur diversité, leur travail, leur n’avez qu’à vous asseoir dans vo- de 40 espèces d’abeilles dans mon Depuis quelques années, vous organisez des excursions sur le thème des abeilles sauvages. Comment ça se passe ? jardin. Quand les gens répondent présents tre jardin, pour autant qu’il ne se résume pas à un gazon anglais, et à ouvrir vos yeux et vos oreilles. J’ai déjà pu observer plus Contre votre cœur ? (Rires) Oui, c’était peut-être une déclaration d’amour maladroite. Natif de l’Oberland bernois, Peter Kernen, 66 ans, vit depuis 39 ans dans le Haut-Valais. Ancien ingénieur électricien dans l’entreprise de chimie Lonza à Viège, il est aujourd’hui président de Pro Natura Valais depuis sept ans. Peter Kernen se passionne depuis plus de vingt ans pour les abeilles sauvages et les guêpes fouisseuses. Interview: NICOLAS GATTLEN et que la météo est favorable, il est Pouvez-vous identifier facilement les différentes espèces d’abeilles ? facile de les intéresser aux abeilles Non, c’est impossible. En Suis- maux. Ils veulent les ob- sauvages. Les enfants aussi sont fascinés par ces ani- se, on trouve environ 580 espè- server de près, à la lou- ces d’abeilles sauvages. Certaines pe. Certains les prennent d’entre elles peuvent être déter- même sur leur main. e re Ve minées sur la base de différentes caractéristiques et de leur com portement: construction du Ils n’ont pas peur de se faire piquer ? nid, butinage, saison, etc. Mais Non, ce sont plutôt les parents qui de nombreuses espèces sont fa- ont peur. Je n’ai encore jamais vu ciles à confondre. Elles ne se dif- un enfant se faire piquer par une férencient extérieurement que abeille sauvage. Contrairement aux par des détails. Il faudrait tuer abeilles sauvages formant des colo- les abeilles pour pouvoir les dé- nies, les solitaires ne défendent pas terminer avec certitude, et je leur nid. Au cours des vingt der- m’y refuse. Je ne suis pas un nières années, j’ai peut-être été pi- collectionneur. qué cinq fois et c’était toujours de Beaucoup de chercheurs donneraient leur chemise pas vu l’abeille et je l’ai serrée de ma faute. J’ai été maladroit, je n’ai Pro Natura Magazine spécial 2010 en ck trop près. La bâtisseuse: la mégachile des murailles Les mégachiles des murailles (Megachile parietina) construisent leurs nids sur des parois et des murs exposés au soleil, parfois aussi sur des cadres de fenêtres en métal. Elles utilisent de la terre et de petites pierres, qu’elles transforment en un mortier dur avec leur salive. Elles nettoieront la plupart des cellules au cours des années suivantes pour les réutiliser. Même des cloisons et des tiges de bambou peuvent faire office de nichoirs. La diversité au sol, source de diversité dans les airs dalles des terrasses de jardin ou des places de parc. Pour que les abeilles sauvages colonisent avec succès un site, il est en outre déterminant que celui-ci bénéficie d’un bon ensoleillement, ou plutôt que son sol sèche rapidement après la pluie. En Il ne suffit pas d’installer un nichoir à abeilles sauvages pour favoriser ces insectes de façon adéquate. nion très répandue, le gravier est un Si on veut favoriser concrètement vain et se nourrir elles-mêmes, les nidification. les abeilles sauvages dans les mili- abeilles sauvages ont besoin de gran- revanche, contrairement à une opisubstrat ne convenant pas pour la Un chez-soi pentu eux urbains et les paysages ruraux, des quantités de pollen et de nectar. il faut au préalable prendre en con- Cela signifie qu’il est indispensab- Les pentes abruptes artificielles ser- sidération deux choses. D’une part, le que des plantes à fleurs se trou- vent surtout aux abeilles mineuses leur façon de nicher: la moitié de vent dans les environs immédiats du qui nichent naturellement dans les toutes les espèces creusent leur nid lieu de nidification, les petites abeil- berges escarpées des zones alluvia- dans le sol, et près d’un cinquième les sauvages récoltant leur nourritu- les fluviales. Des piles de plus d’un utilisent des cavités existantes. Aus- re dans un rayon de 50 m tout au mètre de haut de bacs à fleurs en si, en installant un nichoir à abeilles plus autour de leur nid. Pour com- éternit remplis de limon peuvent sauvages conventionnel fait de quel- pliquer la situation, environ 30% leur offrir un lieu de nidification de ques tiges de bambou et de plots de des abeilles sauvages sont spéciali- substitution très apprécié. Quelques bois percés, on met un site de nidifi- sées et ne s’intéressent qu’à des es- trous peu profonds de 5 à 8 mm de cation approprié à la disposition seu- pèces ou genres de plantes bien pré- diamètre percés dans le limon en- lement d’un nombre relativement re- cis. On voit donc que ce n’est qu’en core humide ont un effet magique streint d’espèces. D’autre part, mettant une offre en nourriture et en sur les abeilles mineuses, qui les pour nour- sites de nidification aussi variée que aménagent en galeries de nidifica- rir leur possible à leur disposition que l’on tion. L’argile, au contraire du limon, cou- peut plus ou moins répondre aux devient trop dur en séchant, ce qui exigences des abeilles sauvages. empêche les abeilles de continuer à Ve re eck en creuser des galeries. Exigences diverses Les abeilles sauvages qui nichent voriser à peu de frais des espèces dans le sol ont des exigences diver- comme les abeilles maçonnes, qui Il est également possible de fa- ses quant au substrat du sol, à la nichent dans des cavités ou fissures couverture végétale et à la déclivi- existantes. Des tiges de bambou ou té du terrain. Les talus à la végéta- de roseau de 3 à 10 mm de diamèt- tion peu abondante, les sols nus si- re intérieur et 10 à 20 cm de long, tués sous des avant-toits, et même fixées à l’horizontale, constituent Vive: Anthophora plumipes les bacs à sable laissés à l’abandon des sites de nidification très prisés. A première vue, on pourrait confondre Anthophora plumipes avec un bourdon – ce sont avant tout son dos recouvert de poils et son envol précoce en mars déjà qui nous rappellent fortement son cousin. Mais cette espèce d’abeille est de loin plus rapide que le bourdon, qui se déplace plus tranquillement. Pendant des semaines, les mâles tournent toujours en rond selon le même itinéraire, en survolant toujours les mêmes fleurs. prisés. Les ruptures de pente artifi- sont des lieux de nidification fort Un logis en bois cielles d’environ 30 cm de haut et 2 On peut aussi percer des galeries de à 3 m de large, creusées à la bêche 2 à 10 mm de diamètre et 5 à 10 cm dans des talus, sont également vite de profondeur, suffisamment dis- adoptées. tantes les unes des autres, dans des Une autre possibilité pour favori- blocs de bois dur bien secs. Mais les ser les abeilles des sables ou abeilles abeilles dédaignent les trous fissurés, fouisseuses consiste à laisser de lar- tout comme le bois résineux des co- ges joints remplis de sable entre les nifères, les restes de sciure, ou les niPro Natura Magazine spécial 2010 Susanne Schenker choirs qui ne se trouvent pas à l’abri de la pluie. Les espèces qui rongent la mo- elle nichent dans des branches ou tiges médulleuses cassées ou coupées, celles du sureau, des framboi- Urs Tester est chef de la division Biotopes & espèces chez Pro Natura De la diversité à l’uniformité siers, des ronces, des rosiers sauva- Savez-vous que l’on peut acheter des abeilles ges, du bouillon-blanc et du chardon sauvages? Selon la quantité et l’espèce, un chute libre. Le cas des abeilles sauvages n’en est qu’un exemple. Des milieux natu- Hélas, la biodiversité helvétique est en se prêtant très bien pour les nichoirs. cocon coûte entre un franc et un franc cin- Coupées en morceaux de 50 cm à quante. Nous avons tellement appauvri notre rels autrefois caractéristiques de nos paysa- 1 m de long, celles-ci doivent être paysage que même les espèces d’abeilles sau- ges, comme les forêts alluviales, les marais et fixées séparément et à la verticale à vages les plus fréquentes se font de plus en les prairies sèches, n’existent plus que sur de une clôture. Le plus simple, cepen- plus rares. Au point que l’on en vient à élever petites surfaces résiduelles. Presque une es- dant, est de laisser les tiges sèches certaines de ces espèces pour les vendre à des pèce animale sur deux et une espèce végétale et le bois mort dans son jardin. arboriculteurs. sur trois, en Suisse, figurent sur la Liste rouge Les abeilles sauvages sont une composan- des espèces en danger ou menacées d’extinc- Miracle de la diversité te de la biodiversité – de la diversité du mon- tion. Nos prairies et pâturages sont de plus en Plus la flore indigène d’un site est de vivant. Toutes les espèces, qu’elles soient plus monotones et monochromes. La diversité diversifiée, plus nombreuses sont animales ou végétales, sont en interaction et cède la place à l’uniformité. les espèces d’abeilles sauvages pou- en interdépendance les unes avec les autres. vant en profiter. Certaines espèces Quand des prairies à fleurs sont fauchées trop et inquiétant recul de notre biodiversité que étant déjà en route en mars, il est tôt, les abeilles sauvages n’y trouvent plus si la Confédération et les cantons se décident bien que quelques espèces végéta- de pollen pour nourrir leur colonie, et s’il y a à agir rapidement et résolument. Pro Natu- les à floraison précoce comme les moins d’abeilles sauvages, les plantes ne peu- ra se mobilise dans ce sens. A travers nos ré- Nous ne pourrons enrayer cet incessant saules, les épines noires et les co- vent plus fabriquer et disséminer de semen- serves naturelles et nos projets de promo- rydales puissent leur offrir leur pol- ces pour se reproduire. tion d’espèces, dont un précisément en fa- len. Une transformation du gazon veur des abeilles sauvages, nous favorisons la du jardin en une prairie riche en es- compte. L’être humain est lui aussi une com- biodiversité de manière directe, sur le terrain. pèces ou le remplacement de la haie posante de la biodiversité. Et il en dépend de Et par nos projets d’information et d’éduca- de thuyas par une haie de buissons façon vitale. Oui, nous sommes tributaires de tion, nous nous employons à sensibiliser la indigènes ne profitent pas seulement toute la variété de la flore et de la faune pour population. aux abeilles sauvages, mais aussi à nous nourrir, nous soigner, nous vêtir – et d’autres représentants du monde pour tant d’autres choses essentielles. servation de la biodiversité. Que ce soit en des insectes tels que les papillons, votant en faveur de la nature lors des scru- les coléoptères et les punaises. En tances toxiques et nous en débarrasse; elle tins qui s’y rapportent, en achetant des arti- fait, c’est tout simple: plus la flore et nous protège de l’érosion, des éboulements et cles produits dans le respect de l’environne- les structures du jardin ou des alen- des inondations. Dans un paysage diversifié ment, ou en aménageant votre jardin de fa- tours sont variées, plus la diversité où l’on peut admirer des prairies à fleurs cha- çon naturelle. de la faune est grande. toyantes et se délecter du chant polyphonique WOLFGANG BISCHOFF arbeitet bei Pro Natura als Projektleiter Schutz gebiete und Biodiversität Dans le réseau de la vie, chaque espèce Cette même biodiversité dégrade des subs- Vous-même pouvez contribuer à la pré- des oiseaux, on se sent tout simplement bien. informations Bellmann, Hans (1999) : Guide des abeilles, bourdons, guêpes et fourmis d’Europe. L’identification, le comportement, l’habitat. Lausanne : Delachaux et Niestlé S.A. 336 pages. ISBN: 2-603-01131-6. Pro Natura Magazine spécial 2010 Starosta P., Rogez L., Vesco J.-P. (2005): Fabuleux Insectes. Ed. du Chêne. 384 pages. ISBN: 2842776216 Pouvreau André (2004): Les insectes pollinisateurs. Ed. Delachaux et Niestlé. 192 pages. ISBN: 2603014749 Dalange Yves (1999): Fabre, l'homme qui aimait les insectes. Ed. Actes Sud. 345 pages. ISBN: 2742721886 www.pronatura.ch/animal-de-l-annee