La naissance du cotillon et du quadrille, contredanses françaises
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La naissance du cotillon et du quadrille, contredanses françaises
LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. La naissance du cotillon et du quadrille, contredanses françaises Simonne Voyer Entre 1950 et 1960, période de mes enquêtes sur le terrain, on dansait des cotillons et des quadrilles au Québec et dans les provinces maritimes. En effet, ces danses composaient la partie la plus importante du répertoire que j’ai recueilli durant dette décennie. Les origines de ces danses, de structures trop compliquées pour être la création de profanes, soulevèrent bien des interrogations dans mon esprit. J’ai alors senti un besoin impérieux de remonter aux sources qui, incontestablement, sont avant tout européennes. La consultation de nombreux documents en France et en Angleterre m’a permis d’apporter certains éclaircissements sur l’historique de ces types de danses du genre « contredanse ». Contredanse Mais, qu’est-ce qu’une contredanse ? Les aspects sémantiques et étymologiques du mot « contredanse » ont suscité chez les auteurs maintes hypothèses et controverses. De plus, ils ont fait naître chez eux deux principaux courants d’opinions. Nombre d’entre eux optent pour la traduction française du terme « country dance » (danse de campagne)1. D’autres sont partisans de l’origine latine, le mot « contre » venant du latin « contra » (en face de). Pour ces derniers, la contredanse est celle où les participants sont disposés en vis-à-vis et « font, à l’opposite les uns des autres, des pas et des figures semblables »2. À part ces divergences d’opinion, une caractéristique commune aux termes « country dance » et « contredanse » est unanimement décelée par des auteurs renommés : ce sont des danses axées sur les figures plus que sur les pas. Introduction de la « country dance » à la cour d’Angleterre La reine Élisabeth I aimait passionnément la danse. Selon la tradition, les habitants des campagnes avaient l’habitude de danser devant elle lors de ses visites à travers le pays. Melusine Wood raconte qu’en 1591, la reine fut très impressionnée de voir Lord and Lady Montague danser avec leurs censitaires et valets3. La souveraine commença alors à s’intéresser à ces danses typiquement anglaises connues sous le nom de « country dances ». Par la suite, plusieurs d’entre elles firent leur apparition à la cour d’Élisabeth. 1 Eric Blom, dir. (1954), Grove’s Dictionary of Music and Musicians, 9 tomes (Londres : MacMillan; New York : St. Martin’s Press), tome 2, p. 416. 2 Grove’s Dictionary (1954), tome 7, p. 1028. 3 Melusine Wood (1952), Some Historical Dances : Twelth to Nineteenth Century (Londres : The Imperial Society of Dancing), p. 95. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. Le répertoire de ces danses se composait de rondes et de danses exécutées en forme de colonnes ou de carré. Au XVIIe siècle, dans la première édition de l’English Dancing Master (1651), on remarque un nombre supérieur de danses en forme de colonnes (« longways »)4. C’est sous cette forme que la « country dance » fut exportée en France à la fin du XVIIe siècle. Naissance de la country dance en forme de colonnes en France (« longways ») La country dance en forme de colonnes (« longways ») arrive en France à la fin du XVIIe siècle et est désignée par les Français du nom de « contredanse anglaise » ou simplement d’« anglaise ». Jean-Michel Guilcher5 écrit qu’en 1684, c’est un maître à danser anglais du nom d’Isaac d’Orléans qui enseigne la contredanse anglaise aux princesses à Fontainebleau et que Madame la Dauphine prend plaisir à ces nouveautés. Moins d’un an après la venue d’Isaac d’Orléans, André Lorin, maître de danse français, piqué de curiosité, s’empresse de traverser la Manche pour s’initier aux danses de « nouveau genre » qui s’infiltrent à la cour de France. Il revient enrichi d’un répertoire de contredanses anglaises en forme de colonnes, sélectionnées avec soin dans l’intention de plaire à une noble clientèle. Ces contredanses sont d’abord enseignées à des réunions intimes appelées « apparatements ». Le Roi s’y intéresse progressivement et finalement, aux dernières années de son règne, Louis XIV admet les contredanses dans les bals les plus solennels, mais seulement comme danses de fin de bal. Cependant, ces danses dites « d’amateurs » au sens péjoratif du mot, ne furent pas acceptées spontanément par l’aristocratie française qui les trouvait trop badines et folâtres pour des personnes du bel air. Les grands maîtres à danser se mirent donc à l’œuvre pour adapter les « longways » au goût des Français. Il leur fallut presque un quart de siècle pour gagner les faveurs de la cour. La principale caractéristique de la contredanse en forme de colonnes (« longways ») est la figure progressive. En France, au XVIIIe siècle, la notion de contredanse anglaise, ou simplement anglaise, était celle de danse gaie et légère composée principalement de figures exécutées par des danseurs disposés en colonnes et évoluant en vis-à-vis. À la fin de chaque figure complète, il y avait permutation des participants. 4 Margaret Dean-Smith, dir. (1957), Playford’s English Dancing Master (Londres : Schott). Fac-similé de l’édition de 1651, avec introduction, notes et bibliographie par Margaret Dean-Smith. 5 Jean-Michel Guilcher (1969), La Contredanse et les renouvellements de la danse française (Paris et La Haye : Mouton), p. 16. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. Naissance du cotillon ou contredanse française Le mot cotillon dérive de « cotte » ou jupon de dessous des femmes du peuple et des paysannes6, par extension, danse avec figures. Rappelons qu’au Moyen Âge, les gens du peuple dansaient surtout des branles et des rondes accompagnés par des chansons ou des instruments. Les chansons d’accompagnement traitaient de différents sujets, dont le cotillon. Joseph Canteloube, dans son chapitre sur la chanson à danser, indique une relation entre le branle et le cotillon dans les paroles d’un ancien branle de l’Anjou qu’il cite : J’aime bien mon cotillon rouge Encor bien mieux mon cotillon bleu Mon cotillon rouge, mon cotillon bleu Mon cotillon bleu, je l’aime bien mieux7 Il est probable qu’on ait chanté des refrains de ce genre avant d’adopter le terme cotillon comme titre de danse. Notons cependant que les rondes et les branles étaient des danses basées sur les pas et non sur les figures. Les maîtres à danser de l’aristocratie française, sans négliger les danses de leur propre répertoire, se faisaient un devoir d’entretenir l’intérêt de leur clientèle fortunée. Louis Pécour, en collaboration avec Raoul Auger Feuillet, commence dès 1700 à publier des danses nouvelles qui alimenteront les bals de la société. En 1705, il publie pour la première fois une danse sous le titre de cotillon (danse à quatre). Ce cotillon est une danse figurée pour quatre personnes exécutée sur un air de chanson populaire du temps dont voici quelques paroles : Ma commère, quand je danse, Mon cotillon va-t-il bien8? La structure de cette danse est aussi primitive que celle de la ronde dans laquelle les couplets alternent avec un refrain comme dans la chanson à répondre. Ce cotillon est composé de six couplets différents entre lesquels se glisse un même refrain. La danse est exécutée par deux couples placés en vis-à-vis. La publication de ce cotillon répondait apparemment à l’enthousiasme des jeunes courtisans de la fin du règne de Louis XIV pour les danses légères. Ces jeunes, contrairement aux habitués de la vieille cour, étaient probablement blasés de la recherche de l’excellence de la préciosité qui en caractérisait le grand siècle. D’autres cotillons à quatre et même à huit figurants paraîtront ultérieurement. Petit à petit, on associera le terme contredanse dans le répertoire des bals. En 1715, Dezais fait paraître la chorégraphie du « cotillon des fêtes de Thalie » dansé par quatre couples disposés en carré simple9. Il se compose de sept couplets variés entrecoupés d’un refrain invariable. 6 Quillet-Grolier, dir. (1968), Dictionnaire encyclopédique universel, 10 tomes (Paris : Quillet; Montréal : Grolier), tome 3, p. 1043. 7 Joseph Canteloube (1947), Les Chants des provinces françaises (Paris : Didier), p. 51. 8 Guilcher (1969), La Contredanse et les renouvellements de la danse française, p. 75. 9 Guilcher (1969), La Contredanse et les renouvellements de la danse française, p. 79-80. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Charles Pauli écrit que les Français, à partir d’un ancien branle dénommé cotillon, arrangèrent des contredanses en forme de carré connues sous le nom de « contredanse française ou cotillon »10. À noter ici l’équivalence des deux termes. Dans son enseignement, Pauli fait ressortir clairement quatre traits caractéristiques qui différencient la contredanse française ou cotillon de l’anglaise : (1) le nombre des participants fixé à quatre couples; (2) la formation en carré; (3) l’alternance de couplets variables avec un refrain invariable; et (4) la non-permutation des danseurs à la fin des enchaînements. Quelques années plus tard, en 1762, le Sieur De La Cuisse, maître à danser de Paris, lance une première édition en feuilles volantes du Répertoire des bals. Dans cet ouvrage, l’auteur nous instruit de l’existence de neuf couplets variés qu’il nomme « tours » et d’un refrain invariable qu’il nomme « figures »11. Ce refrain est composé d’un enchaînement de figures. Le refrain est exécuté deux fois après chaque couplet : d’abord par les couples 1 et 3 placés vis-à-vis, ensuite par les couples 2 et 4. Au milieu du XXe siècle, lors de mes enquêtes sur le terrain au Québec, j’ai noté une dizaine de cotillons de structure semblable à celle des cotillons publiés par De La Cuisse dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ces danses furent exécutées spontanément par des gens de la campagne. En France, l’engouement pour ce genre de danses s’est tellement généralisé qu’il a fallu continuellement en créer de nouvelles pour satisfaire la clientèle beaucoup plus nombreuse et plus diversifiée que celle du début du siècle. De plus en plus, écrit Pauli : […] il en faut souvent des nouvelles, car le petit chant, tant de fois rebattu lasse l’oreille […] et quand une contredanse est portée aux guinguettes elle n’a plus d’attrait pour les personnes du goût12 Au final, le cotillon québécois dansé par nos gens de la campagne au milieu du XXe siècle ressemble à celui dansé à Paris au milieu du XVIIIe siècle (Tableau 1). Des changements furent opérés dans le choix de certaines figures et dans l’abandon de d’autres. Il est probable qu’avec le temps des figures suscitant moins d’intérêt furent abandonnées pour faire place à d’autres plus enlevantes et plus à la mode. Naissance du pot-pourri Dans cette profusion de contredanses, un certain nombre d’entre elles retenaient davantage la faveur du public. Les maîtres à danser, toujours attentifs aux goûts de la clientèle, ont imaginé un assemblage d’anciennes contredanses à succès pouvant être exécutées en rondeau, qu’on nomma « pot-pourri ». 10 Charles Pauli (1756), Élémens de la danse (Leipzig : Imprimerie U.C. Saalbach), p. 68-69. De La Cuisse (1762 et suiv.), Le Répertoire des bals ou théorie-pratique des contredanses décrites d’une manière aisée avec des figures démonstratives pour les pouvoir danser facilement, auxquelles on a ajouté les airs notés (Paris : Cailleau, Castagnery), p. 25-26. Les cinq premiers volumes se trouvent à la Bibliothèque nationale de Paris sous la cote Opé. : Rés. 569. 12 Pauli (1756), Élémens de la danse, p. 71. 11 LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. Ce genre d’arrangement devenu très à la mode à la fin du XVIIIe siècle, consistait à cette époque, en une série de neuf contredanses. Le pot-pourri était alors composé des neuf couplets (ou tours) dont il fut question précédemment, sauf qu’au lieu d’un refrain invariable répété neuf fois, on joue et danse les figures de neuf contredanses différentes, dont la neuvième engendrée par les neuf répétitions de la même mélodie et des mêmes figures. Il s’agit d’une suite de contredanses. Tableau 1 — Comparaison du déroulement de la danse dans deux cotillons Cotillon ou contredanse française, décrit par De La Cuisse, Paris, 1762 Cotillon de Baie-Sainte-Catherine, au Québec, dansé en 1955 1. Le grand rond, refrain 1. Le grand rond, refrain 2. Le tour de main, refrain Cette figure n’est plus en usage 3. Le tour de deux mains, refrain Cette figure n’est plus en usage 4. Le moulinet des dames, refrain 2. Le moulinet des dames, refrain 5. Le moulinet des cavaliers, refrain 3. Le moulinet des cavaliers, refrain 6. Le rond des dames, refrain 4. Le rond des dames, refrain 7. Le rond des cavaliers, refrain 5. Le rond des cavaliers, refrain 8. L’allemande à vos dames, refrain Cette figure n’est plus en usage 9. Le grand rond, refrain Cette figure n’est plus en usage 6. La chaîne simple du cotillon ou grande chaîne, refrain 7. La chaîne double du cotillon 8. Le grand galop Naissance du quadrille Le quadrille, tel que dansé dans l’est du Canada au milieu du XXe siècle, est le produit de plusieurs remaniements de la contredanse française importée durant le premier quart du XIXe siècle (vers 1817). Maintes influences ont façonné le quadrille. Aussi, serait-il plus juste de parler de « quadrilles » au pluriel. De plus, il faut considérer les processus de transmission qui engendrent des altérations. Le terme « quadrille » a d’abord signifié une troupe de cavaliers pour un carrousel ou un « tournoi »13. Il indiqua par la suite un groupe de « quatre, six, huit et même jusqu’à douze danseurs qui exécutaient des entrées de ballet ». Ce n’est qu’au 13 Paul-Émile Littré, dir. (1978), Dictionnaire de la langue française, 4 tomes (Chicago : Imprimerie R.R. Donneley and Sons, pour l’Encyclopædia Britannica), tome 2, p. 648. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. XVIIIe siècle qu’il fut connu comme titre d’une contredanse. Finalement, dans le premier quart du XXe siècle, il signifie une suite de cinq contredanses. L’histoire de la formation du quadrille français est assez obscure encore aujourd’hui. Il est impossible d’éclaircir complètement son évolution faute de documents. Toutefois, il semble admis unanimement que le quadrille prit naissance dans les pots-pourris de contredanses française. Parmi le flot de pots-pourris arrangés chaque année en vue de la saison des bals, certaines danses étaient plus appréciées que d’autres. Il arrivait souvent que pour répondre à la demande du public, les maîtres à danser inscrivaient au programme de l’année en cours les contredanses les plus populaires des saisons précédentes. Ainsi, se sont formés des regroupements de contredanses qui, reprises maintes fois dans un ordre donné, ont finalement composé un corpus en cinq parties appelées en France « figures complètes » et que nous nommons « parties ». Il est à noter que, à une période indéterminée entre le dernier quart du XVIIIe siècle et le premier quart du XIXe siècle, les « tours » de la contredanse furent éliminés. Chaque partie de quadrille était alors composée d’un enchaînement de figures exécuté comme dans les refrains du cotillon, c’est-à-dire d’abord par le premier couple et celui placé vis-à-vis, puis par les deux autres couples également placés en vis-à-vis. Le document canadien le plus ancien que nous connaissons est le manuscrit d’un quadrille en cinq parties, noté en anglais et en français, parvenu au Québec vers 1819. C’est une suite de cinq contredanses françaises dont les titres sont : le Pantalon, l’Été, la Poule, la Trénise (éventuellement remplacée par la Pastourelle) et la Finale14. Devant l’impossibilité de retracer avec certitude l’origine de chacune de ces parties, j’ai fait le relevé des documents les plus anciens concernant chacune d’elles. Le Pantalon Selon le Grove’s Dictionary of Music and Musicians, le terme « Pantalon », adopté comme titre de danse, dériverait d’une chanson qui commençait par ces mots : Le pantalon De Madelon N’a pas de fond15 La notation la plus ancienne de la figure intitulée « Pantalon » vient de Guiet dit Vendôme, dans son document daté de 180416. C’est une publication de quatre 14 « First Quadrille Ever Danced in Quebec », recueil factice de feuillets manuscrits (p. 19-23), composé surtout de chansons portant la mention suivante au début : « Composed for Miss Ann Flowers, afterwards, Mrs Perceval, by Philip Meyer, and presented to Miss Desbarats, 1819. » Ce manuscrit a par la suite appartenu à Mme P. Sheppard, et appartient aujourd’hui à un collectionneur privé. 15 Grove’s Dictionary (1954), tome 7, p. 1028. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. quadrilles en cinq parties dont la première de chacun d’eux est toujours intitulée « Pantalon » et dont la description est presque identique à celle de notre manuscrit. L’Été La figure du nom de « l’Été » occupe la deuxième place dans les trois autres quadrilles du même document de Guiet. Selon Guilcher, l’Été est le titre d’une contredanse publiée par Julien vers 178117. Cette contredanse fut remaniée plusieurs fois, puisque lui-même en a fait un relevé d’au moins 50 versions. Selon Desrat, le nom de l’Été fut donné à cette contredanse à cause des avant-deux fréquemment répétés dans la figure et parce que ces avant-deux portaient anciennement le nom de « pas d’été »18. La Poule La Poule, troisième figure du quadrille de notre manuscrit, occupe la quatrième place dans les quadrilles de Guiet en 1804. Cependant, elle deviendra le troisième enchaînement du quadrille entre 1804 et 1815. L’ordre des trois premières parties semble avoir été établi comme suit : 1. Le Pantalon, 2. L’Été, 3. La Poule. Desrat écrit que la Poule fut composée par Vincent et qu’elle fut exécutée pour la première fois pendant le carnaval de 1800, dans un bal officiel19. Malheureusement, l’auteur n’accompagne ses dires d’aucun document irréfutable. La Trénise et la Pastourelle Cette figure, absente des quadrilles de Guiet et présente dans notre manuscrit, était déjà tombée en désuétude du temps de Cellarius au milieu du XIXe siècle. La Trénise, paraît-il, doit son nom à un élégant danseur de salon, Trenitz, contemporain de Gardel et de Vestris qu’on nommait à cette époque « les rois de la danse »20. Des admirateurs formaient cercle autour d’eux lorsqu’ils apparaissaient dans les salons. La Trénise fut créée pour mettre en évidence les talents d’un excellent danseur. La figure élémentaire portant le nom de « cavalier seul » se prêtait à cette démonstration. Cette figure aurait été exécutée par Trenitz lui-même dans les salons de la cour en 180921. La Trénise faisait partie du premier quadrille français dansé en 16 e Guiet dit Vendôme (1804), Quatre quadrilles de nouvelles contredanses, dans le 10 recueil de contredanses par Julien, Hullin et Guiet (Paris : s.éd.). Cote à la Bibliothèque nationale de Paris : Opé. : C. 8193. 17 Guilcher (1969), La Contredanse et les renouvellements de la danse française, p. 163. 18 G. Desrat (1857), Le Quadrille (Paris : s.éd.), p. 15-16. 19 Desrat (1857), Le Quadrille, p. 16. 20 Raoul Charbonnel (1899), La Danse, comment on dansait, comme on danse : technique de Madame Berthe Bernay, professeur à l’opéra (Paris : Gernier Frères), p. 235. 21 Desrat (1857), Le Quadrille, p. 18. LES CAHIERS DE L’ASSOCIATION POUR L’AVANCEMENT DE LA RECHERCHE EN MUSIQUE AU QUÉBEC, NO 8, p. 118-126. Angleterre en 181722. L’enchaînement des figures qui la composent est identique à celui de notre manuscrit. Ce sont les deux versions les plus anciennes parvenues jusqu’à nous. La Pastourelle, après la disparition de la Trénise, devint la quatrième figure du quadrille. Toujours selon Desrat, elle serait l’œuvre de Collinet. Elle aurait été dansée pour la première fois en 1812 sur un air de romance intitulé « gentille pastourelle » de Collinet23. Comme la Trénise, la Pastourelle fournissait aux bons danseurs l’occasion de se distinguer. Elle aurait détrôné définitivement la Trénise après 1830. Cette figure fait encore partie de la presque totalité de nos quadrilles sous d’autres dénominations. D’aucuns lui ont attribué les noms de « l’homme à deux femmes » et « le veuf ». La Finale La Finale est la partie qui a subi le plus de changements. Dans certains quadrilles, on remarque parfois deux finales suivies d’une grande chaîne ou d’un galop. Au Québec, par exemple, il fut d’usage de terminer presque toutes les danses collectives par un grand galop. Les plus anciennes finales des quadrilles sont composées de chassés croisés que nous retrouvons dans le manuscrit de 1819 et dans le quadrille de Québec. Dans d’autres localités, on trouve des figures dans lesquelles les participants ont l’occasion de danser avec toutes les personnes de l’autre sexe. Ces figures ont une filiation avec celles des « cotillons nouveaux » qui ont influencé les « nouveaux quadrilles » de la deuxième moitié du XIXe siècle. Dans l’est du Canada, ces finales sont désignées sous les titres de « la Bistringue », « la Bastringue », « les Confitures », « le grand galop », « le Basket », « le gros Basket », « All Hands In », « le grand rond » et autres. 22 Philip John S. Richardson (1960), The Social Dances of the Nineteenth Century in England (Londres : Herbert Jenkins), p. 135. 23 Desrat (1857), Le Quadrille, p. 18.