Pertinence de l`enseignement du PCEM1 au travers de l`analyse

Transcription

Pertinence de l`enseignement du PCEM1 au travers de l`analyse
Pertinence de l'enseignement du PCEM1
au travers de l'analyse docimologique
des épreuves de sélection.
Colloque National : Passé, Présent et Futur de la sélection et de la
formation des médecins. Paris 22 et 23 mars 1997
André Quinton
Centre de Recherches Appliquées en Méthodes Educatives
Université Victor Ségalen Bordeaux 2
__________
Introduction
Le numerus clausus, limitant le nombre de médecins en formation, et la réforme de
l'internat, contrôlant le flux des spécialistes, ont intégré les études médicales dans la régulation
du système de santé.
La pertinence de l'enseignement du PCEM1 dans les facultés de médecine françaises ne
pourrait réellement être appréciée qu'en fonction d'objectifs et de critères préalablement définis.
En leur quasi-absence c'est par l'intermédiaire de trois questions qu'on peut jauger de la
pertinence de l'enseignement du PCEM1 :
- Les candidats sélectionnés seront-ils de bons médecins dans dix ans ?
- L'enseignement dispensé en PCEM1 sera t'il utile, en tant qu'exercice formateur ou par
les connaissances apportées, à ces futurs médecins ?
- L'enseignement dispensé en PCEM1 sera t'il utile, en tant qu'exercice formateur ou par
les connaissances apportées, à ceux qui ne seront pas reçus et quitteront la faculté de
médecine après y avoir subi un ou deux échecs ?
Les réflexions qui suivent ne sont qu'une approche des problèmes à partir de nos travaux à
Bordeaux et de l'analyse des annales du concours 1996 dans les facultés françaises.
Nous avons distingué six chapitres dans la pertinence de l'enseignement du PCEM1:
- la pertinence de l'enseignement avec les objectifs ministériels,
- la pertinence des objectifs des disciplines avec l'avenir professionnel des étudiants,
- la pertinence des moyens avec les objectifs de l'enseignement,
- la pertinence de l'enseignement avec le niveau des étudiants inscrits en PCEM1,
- la pertinence des épreuves - Place respective des disciplines "scientifiques", et des
disciplines des sciences humaines et sociales - Qualités intrinsèques des épreuves. Fiabilité des épreuves.
- la pertinence des résultats : les caractéristiques des étudiants reçus.
1 - La pertinence de l'enseignement avec les objectifs du
PCEM1.
Il n'y a pas d'objectifs ou de programme spécifiques au PCEM1 : ceux donnés dans
l'annexe de l'arrêté du 19 octobre 1993 concernent les PCEM1, PCEM2 et DCEM1.
Deux objectifs ministériels du PCEM1 peuvent être déduits du numerus
clausus et de l'arrêté ; ce sont :
1°) Distinguer les étudiants (le nombre en est fixé annuellement pour chaque faculté par
décret) les plus aptes à devenir des médecins.
2°) Ces étudiants devraient être ceux qui ont le mieux atteint les objectifs d'enseignement
du PCEM1 tels qu'ils sont donnés dans l'annexe de l'arrêté (Orientations thématiques des
enseignements du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des études
médicales) où il est énoncé :
"L'essentiel est …(que les étudiants soient) capables de lire, d'analyser, et
de faire preuve des capacités de synthèse, bref de développer leur esprit
critique, objectif de toute formation universitaire"
Faute d'objectifs rédigés par les disciplines, les annales des
épreuves apportent les objectifs de fait des enseignements.
Il existe des programmes dans toutes les facultés par contre il ne semble pas que des
objectifs de disciplines aient été formalisés. Ce sont donc les contenus, types et niveaux de
difficulté des épreuves, qui constituent les objectifs de fait des enseignements.
Que les enseignants en aient conscience ou non, les étudiants apprennent avec l'unique
but de réussir le concours, c'est-à-dire d'atteindre les objectifs explicités par les épreuves. Les
annales font partie des outils de travail de tout candidat sérieux et réaliste, qu'elles soient
officiellement accessibles ou obtenues sous le manteau pour les disciplines qui ont la
prétention de les garder secrètes. La nature des épreuves conditionne les méthodes de
préparation des étudiants.
Des annales nous ont été communiquées par 27 facultés : Amiens - Angers -Bordeaux
(trois facultés) - Besançon - Brest - Caen - Clermont-Ferrand - Dijon - Grenoble - faculté
catholique de Lille - Lyon Nord - Lyon Sud - Nancy - Nantes - Nice - Paris Bichat - Paris
Bobigny - Paris Broussais - Paris Lariboisière - Paris Ouest - Paris Cochin - Paris Necker Rennes - Strasbourg - Tours.
D'autres facultés ne nous ont adressé que des programmes, des emplois du temps ou des
modalités d'épreuves. Neuf facultés n'ont pas répondu. Une faculté a précisé qu'elle refusait
de communiquer les annales du concours en s'appuyant sur la circulaire n° 1673 du 26 avril
1983 du Ministère de l'Education Nationale "… les questions posées tant au niveau du PCEM1
que dans le cadre de l'internat font partie de banques confidentielles de questions qui peuvent
être réutilisées. Dans ces conditions il apparaît nécessaire de conserver le secret de ces banques".
La méthodologie est celle que nous avons utilisée pour les concours de Bordeaux :
analyse de la nature des épreuves (QCM, QROC, épreuves rédactionnelles), et de leur niveau
cognitif en distinguant simplement mémoire et réflexion, incluant par souci de simplification
"souvenance" et "compréhension" dans "mémoire" .
Résultats
Les épreuves, y compris en sciences humaines, sont loin de vérifier que les
étudiants ont atteint l'objectif essentiel : montrer qu'ils sont "capables de lire,
d'analyser, et de faire preuve des capacités de synthèse, bref de développer leur
esprit critique, objectif de toute formation universitaire".
Les constats :
- la moitié des épreuves ne font appel qu'à la mémoire, - un tiers font appel à la
mémoire et un peu à la réflexion, et seulement 20 % font appel uniquement à la
réflexion,
- près de deux tiers des épreuves ne comportent aucune rédaction,
- un quart des épreuves sont exclusivement rédactionnelles, mais beaucoup des
rédactions attendues ne font appel qu'à la mémoire et à la compréhension.
Le tableau 1 donne les types des 130 épreuves scientifiques pour lesquelles nous
disposons d'annales. Nous rappelons que les épreuves de sciences humaines sont
rédactionnelles, encore que dans une faculté une des épreuves de sciences humaines est
effectuée avec des QCM de très grande qualité.
Le tableau 2 donne pour les 153 épreuves pour lesquelles nous disposons d'annales la
répartition de celles faisant appel uniquement à la mémoire, celles faisant appel à la réflexion
et celles faisant appel à la mémoire et à la réflexion.
Si on devait formuler les objectifs à partir des épreuves on serait conduit à
rédiger nombre d'objectifs sur les modèles suivants:
- identifier une à plusieurs propositions exactes parmi d'autres qui sont inexactes,
- donner un ou plusieurs mots manquants dans un texte sur…,
- répondre par un à quelques mots à des questions de mémoire sur …,
- écrire dix à quinze lignes d'un texte appris par cœur sur …,
- écrire de une à dix pages d'un texte appris par cœur sur…
Dans certaines disciplines les objectifs s'en tiennent là (cf. tableaux 1 et 2).
Heureusement, dans d'autres, on trouve des questions nécessitant une réflexion, des
efforts de synthèse. Toutes les épreuves impliquant un commentaire, une discussion ou une
argumentation, témoignent d'objectifs de disciplines de bon niveau. Il est regrettable qu'il
semble y avoir moins d'une épreuve sur cinq qui soit de cet ordre.
Type et niveau cognitif des épreuves sont deux plans différents et il serait faux
d'associer questions courtes à mémoire et questions rédactionnelles à réflexion. Néanmoins si
QCM ou QROC peuvent faire appel à la réflexion, il faut reconnaître qu'au concours de
PCEM1 elles font, à quelques exceptions près, appel à la mémoire. Il est important de
souligner que la plupart des questions rédactionnelles posées au PCEM1 font, elles aussi,
appel à la mémoire, y compris en sciences humaines.
L'appréciation qu'en physique-biophysique, chimie-biochimie, beaucoup de questions
font appel à la réflexion, doit être nuancée par le fait que souvent il s'agit d'appliquer de façon
correcte une formule.
QCM et
Questions
QROC rédactionnelles
QCM ou QROC
et Questions
rédactionnelles
QCM
QROC
Physique - Biophysique
11
5
4
4
0
Chimie - Biochimie
8
9
3
1
5
Biologie cellulaire
8
5
1
7
1
Anatomie
9
10
1
Histologie
8
2
1
7
3
Physiologie
7
3
1
2
4
39,2%
18,5%
7,7%
23,8%
10,8%
Tableau 1 : Types de 130 épreuves scientifiques du concours de PCEM1 dans 27 facultés de
médecine.
Mémoire
Mémoire et
Réflexion
Physique - biophysique
3
11
11
Chimie - Biochimie
5
15
6
Biologie cellulaire
9
10
3
Anatomie
21
Histologie
19
Physiologie
11
2
1
Sciences humaines
5
11
9
48%
32%
20%
Réflexion
1
Tableau 2 : Répartition des niveaux cognitifs de 153 épreuves du
concours de PCEM1 dans 27 facultés de médecine.
2 - Pertinence des objectifs des disciplines avec l'avenir
professionnel des étudiants.
A défaut d'entraîner les étudiants à lire, analyser, synthétiser et développer leur
esprit critique, l'enseignement du PCEM1 pourrait apporter aux étudiants des
connaissances utiles pour leur avenir professionnel.
L'annexe
de
l'arrêté
du
19
octobre
1993
détaillait
une
politique
d'enseignement :
"Il convient donc de distinguer…
ce qui doit constituer la formation
commune de base et ce qui peut faire l'objet de développements particuliers
dans les certificats de maîtrise.
…la progression exponentielle des connaissances impose des choix et
conduit à rejeter toute idée d'exhaustivité.
… que les enseignements ne cherchent pas à couvrir l'ensemble du domaine
mais considèrent comme fondamental ce qui est biologiquement exemplaire.
Les objectifs des disciplines avec l'avenir des étudiants devraient en outre
tenir compte des faits démographiques suivants:
- 85 % au moins des étudiants d'une promotion de PCEM1 seront écartés des études
médicales et dentaires,
- des 15 % qui poursuivent des études dans nos facultés :
- 6 % au moins seront des généralistes,
- 6%, et probablement moins à terme, seront des spécialistes d'organes,
- 2 % seront dentistes
- 1 à 2 % seront engagés dans une carrière hospitalière au sens large,
- 0,5 % seront des chercheurs.
Les objectifs des disciplines ne sont pas pertinents avec l'avenir professionnel
des étudiants.
C'est le sentiment qui se dégage de la lecture des sujets des épreuves, avec en outre le
constat d'une grande hétérogénéité entre les facultés.
Un tel jugement manque de nuances. En fait on peut souhaiter que les objectifs du
PCEM1 fassent l'objet d'un débat :
- pour préciser quelles connaissances seront utiles aux 12 à 15 % des étudiants de
PCEM1 qui seront médecins ou dentistes ?
Nombre de collègues fondamentalistes semblent dispenser un enseignement destiné
aux
trois ou quatre étudiants d'un amphithéâtre de 500 qui s'orienteront vers la
recherche.
- pour juger le bénéfice que peuvent tirer de l'actuel enseignement du PCEM1 les
étudiants qui sont classés mais non admis
- pour juger le bénéfice que peuvent tirer de l'actuel enseignement du PCEM1 les
étudiants qui ne sont pas capables d'obtenir la moyenne aux épreuves.
3 - Pertinence des moyens avec les objectifs d'enseignement
Les modalités de l'enseignement ont été définies par l'arrêté du 18 mars
1992 relatif à l'organisation du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des
études médicales.
Art 11 - Les enseignements de la première année du premier cycle des études
médicales et odontologiques comportent des enseignements théoriques, des
enseignements dirigés et des enseignements pratiques. Les enseignements dirigés
et pratiques doivent représenter au moins 30 % du volume horaire total.
Les enseignements sont organisés en six modules de 60 à 90 heures,
éventuellement formés de fractions de modules d'au moins 30 heures chacune. Le
volume horaire total des enseignements ne peut être inférieur à 500 heures ni
supérieur à 540 heures (modification apportée par l'arrêté du 21 avril 1994).
Art 12 - L'enseignement de la première année du premier cycle des études
médicales et odontologiques porte obligatoirement sur la physique et la
biophysique, la chimie, la biochimie et la biologie moléculaire, la biologie
cellulaire. Le volume horaire de ces enseignements, correspondant à trois
modules, ne peut être inférieur à 225 heures ni supérieur à 270 heures.
L'enseignement de la première année comporte également un module de sciences
humaines et sociales dont la teneur et les modalités sont fixées par arrêté…
Art 13 - Dans les limites de l'horaire global d'enseignement… les universités
déterminent les deux modules ou fractions de modules sur lesquels portent les
autres enseignements obligatoires de la première année du premier cycle des
études médicales et odontologiques. Ces enseignements peuvent porter sur
l'anatomie, l'embryologie et la biologie du développement, l'histologie et la
cytologie, la physiologie, et les biostatistiques.
Une grande hétérogénéité dans le contenu des six modules entre les facultés
apparaît à la lecture des programmes et des annales.
Dans les disciplines scientifiques il y a surtout des différences dans la répartition des
contenus des modules de biologie moléculaire, biologie cellulaire, cytologie, génétique, biologie
du développement. Par contre pour la physique et la biophysique, la chimie et la biochimie, il
semble y avoir un accord entre les différentes facultés sur leur contenu. Le contenu des
enseignements d'anatomie, lorsqu'ils existent, diffère d'une faculté à l'autre.
Les enseignements de sciences humaines et sociales sont très divers. Dans plusieurs
facultés on retrouve des disciplines scientifiques considérées comme sciences humaines.
Les conditions de formation n'ont pas été analysées par notre enquête auprès des
facultés. Cependant il est bien connu qu'en ce qui concerne les moyens il y a un abîme
entre les ambitions pédagogiques du texte de l'arrêté et les moyens dont disposent
les facultés.
Il y a une inadéquation entre le nombre d'enseignants et
d'étudiants. Pour que
l'enseignement puisse prétendre atteindre "l'objectif essentiel" il faudrait soit augmenter le
nombre des enseignants, soit réduire celui des étudiants.
On ne peut continuer à s'accommoder du scandale des coûteux cours privés auxquels
s'inscrivent massivement les étudiants. L'existence de ces cours crée une insupportable
sélection par l'argent. La mise en place d'un tutorat étudiant, comme il en est réalisé un à
Bordeaux depuis trois ans par l'Association des étudiants, n'est qu'une solution palliative
fragile. Un tutorat enseignant nécessiterait une augmentation des effectifs enseignants.
De même les moyens manquent pour organiser des travaux pratiques de qualité qui
nécessitent des locaux, du matériel, un encadrement.
Il est probable que la situation que nous observons à Bordeaux soit représentative de
celle des autres facultés françaises. Un nombre trop élevé d'étudiants, une hétérogénéité de
pré-requis, d'aptitude au travail, de motivation, rendent difficiles l'enseignement. La masse
d'étudiants dans un amphithéâtre impose aux enseignants une éprouvante tension
psychologique. Des séances d'enseignement dirigé répétitives entraînent la lassitude des
maîtres de conférences et des assistants. L'attention et la motivation des étudiants aux
enseignements dirigés sont d'autant plus faibles qu'il y a des redondances avec les cours
magistraux, les exercices dans les cours privés, ou surtout que le travail effectué au cours des
séances n'est pas en rapport direct avec le concours.
4 - Pertinence de l'enseignement avec le niveau des étudiants
inscrits en PCEM1.
Au moins la moitié des étudiants n'ont
pas le niveau requis
pour suivre
l'actuel enseignement du PCEM1.
Nous faisons référence à nos travaux sur les quatre derniers concours du PCEM1 à
Bordeaux portant simultanément sur : les modalités des épreuves, les catégories d'étudiants
définies par leur niveau de scolarité passée et le fait d'être primant ou redoublant, les
résultats par discipline de chaque catégorie d'étudiant.
4. 1 - Les taux de réussite au concours des étudiants dépendent de la qualité de
leur scolarité et du fait d'être primant ou doublant.
Deux types d'études prenant comme sujets les catégories d'étudiants, définies par la
série de baccalauréat et la mention obtenue, ont permis d'appréhender ce fait:
- le suivi de la cohorte des inscrits en PCEM1 en 1993,
- les résultats obtenus chaque année au concours par les différentes catégories
d'étudiants et le fait d'être primant ou redoublant.
• Analyse des résultats au concours 1994 et 1995 des différentes catégories
d'étudiants de la cohorte des candidats qui s'étaient inscrits à la rentrée de 1993.
Au cours de l'année 93-94 ces étudiants étaient primants; au cours de l'année 94-95 ceux qui
n'avaient pas été reçus et n'avaient pas abandonné, redoublaient (figure 1).
Taux de succès en %
80
Bac C mention TB et B
70
Bac C mention AB
60
Bac D mention TB et B
50
40
Bac D mention AB
Bac C sans mention
30
20
10
Bac D sans mention
0
au 1er
concours
au 2ème
concours
après les
2 concours
Figure 1 : Taux de réussite au concours de PCEM1 des étudiants de la cohorte
1993 : en 1994 à leur premier concours,- en 1995 à leur deuxième concours
pour les redoublants,- pour l'ensemble des étudiants de la cohorte sur les deux
ans.
Les taux cumulés de réussite sur deux ans des diverses catégories d'étudiants définies
selon la série de baccalauréat et la mention différaient considérablement. On peut distinguer
trois grands groupes :
- un premier avec de forts taux de réussite, de 80 à 60 % (bac C avec mention - bac D
avec mention bien ou très bien),
- un deuxième avec un taux de réussite entre 30 et 40 % (bac C sans mention et bac D
avec mention assez bien),
- un troisième avec un taux de réussite inférieur à 8 %, les titulaires d'un bac D sans
mention,- les titulaires de bac autres que C ou D.
• Résultats obtenus chaque année au concours par les différentes catégories
d'étudiants, définies par la mention obtenue et le fait d'être primant ou redoublant.
La figure 2 donne, pour le concours de 1996 à Bordeaux, les taux de réussite des
primants et redoublants en fonction de l'obtention ou non d'une mention (et du degré de cette
mention).
Taux de réussite
60%
Primants
50%
Redoublants
40%
30%
20%
10%
0%
absence
assez bien
bien ou
très bien
Figure 2 : Les taux de réussite des étudiants au concours 1996 à Bordeaux sont
dépendants d'une part du niveau de leur scolarité exprimé par l'obtention ou non
d'une mention, et le niveau de cette mention,- d'autre part du fait qu'ils soient
primants ou doublants.
Les étudiants sans mention ont de très faibles taux de réussite comme
primants, et seulement de l'ordre de 10 % comme redoublants.
4.2 - Deux autres faits montrent que des étudiants n'ont pas le niveau pour
suivre l'enseignement du PCEM1.
• 59 % des étudiants n'ont pas eu la moyenne au concours 1996 à Bordeaux ; il y a
des différences entre les trois facultés: 41 % dans l'UFR 1,- 69
% et 66 %
respectivement dans les UFR 2 et 3.
• Pour les redoublants il existe une forte corrélation entre les notes obtenues
au premier et au deuxième
concours; les candidats ayant eu des notes
faibles au premier concours ne progressent pas suffisamment pour réussir à
leur deuxième tentative.
La figure 3 montre à titre d'exemple la corrélation observée entre les notes obtenues au
concours 1995 et celles obtenues au concours 1996 pour les étudiants redoublants dans une
UFR de l'université Victor Ségalen Bordeaux 2 .
Notes moyennes de 1995
14
12
10
8
6
Reçus
4
2
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Notes moyennes de 1996
Figure 2 : Corrélations pour les redoublants de 1996 entre leurs notes
obtenues comme primants en 1995 et comme redoublants en 1996 (UFR 2
de l'université Victor Ségalen - Bordeaux 2).
Le phénomène est stable. Des corrélations du même ordre ont été observées pour les
redoublants de 1995 entre leurs notes de 1994 et celles de 1995.- pour ceux de 1996 entre
leurs notes de 1995 et celles de 1996.
Au moins la moitié des étudiants n'ont
pas le niveau requis
pour suivre
l'enseignement actuel du PCEM1 et perdent à l'heure actuelle un, voire deux ans en
PCEM1. Telle est la conclusion logique de l'ensemble de ces données, rapprochées de celles
que les questions posées jaugent simplement mémoire et compréhension.
Deux interprétations peuvent être avancées: soit l'enseignement n'est pas adapté aux
étudiants,- soit la moitié des étudiants inscrits n'ont pas le niveau pour faire les études de
PCEM1.
- Dans la mesure ou ceux qui réussissent le concours ont d'excellentes notes il serait
absurde de penser que le niveau de l'enseignement du PCEM1 n'est pas adapté
aux étudiants.
- L'interprétation correcte est bien que la moitié des étudiants inscrits n'ont pas le
niveau pour suivre le PCEM1. Plus loin nous montrerons que quelles que soient les
disciplines et les modalités des épreuves ce sont toujours les mêmes étudiants qui
réussissent et les mêmes qui échouent.
Une information en amont, dans les lycées, est indispensable pour que seuls les
étudiants motivés, aussi ouverts aux sciences qu'aux lettres, s'engagent dans le PCEM 1.
L'extension aux études de médecine du semestre d'orientation de la réforme
Bayrou permettrait de réorienter plus rapidement les étudiants qui n'ont pas les
aptitudes pour suivre le PCEM1.
On pourrait concevoir au terme du premier semestre une admissibilité :
- les admissibles poursuivraient jusqu'au concours d'admission,
- les autres suivraient un enseignement plus général à définir.
5 - Pertinence des
épreuves - Place respective des disciplines
"scientifiques", et des disciplines des sciences humaines et sociales Qualités intrinsèques des épreuves. - Fiabilité des épreuves.
5.1 - Place respective des disciplines "scientifiques", et des sciences humaines
et sociales.
Deux notions ont eu cours lors de l'introduction des sciences humaines et sociales dans
l'enseignement du PCEM1 : élargir aux sciences humaines le champ des connaissances des
futurs médecins,- introduire des disciplines qui donneraient plus de chances de réussir le
concours à des candidats plus humanistes, plus littéraires que les candidats habituellement
reçus considérés comme des esprits "scientifiques".
La figure 3 montre la corrélation des notes globales d'une part des disciplines
scientifiques, d'autre part des sciences humaines pour les trois UFR de l'Université Victor
Ségalen Bordeaux 2. On constate une étroite corrélation hautement significative ; il n'est pas
sans intérêt de noter que la corrélation est encore plus étroite pour les fortes notes que pour
les notes moyennes ou faibles.
Ce résultat rejoint de précédentes analyses.
30
25
20
15
10
5
0
0
20
40
60
80
100
120
Figure 3 : Corrélations entre les notes globales des épreuves scientifiques et
celles des épreuves de sciences humaines et sociales pour les étudiants des
trois UFR médicales de l'Université Victor Ségalen Bordeaux 2 au concours de
1996 (r= 0,9 et p < 0,0001).
Les étudiants ayant les meilleures notes dans les disciplines scientifiques sont ceux qui
ont aussi les meilleures notes en sciences humaines. Après avoir admis à tort et contre toute
évidence (cf. les épreuves) que le succès au concours dépendait des performances en
mathématiques il est bien démontré que les étudiants reçus au concours de PCEM1 sont aussi
ceux qui sont ouverts à l'enseignement des sciences humaines.
5.2 - Qualités intrinsèques et fiabilité des épreuves.
Les avantages et inconvénients des divers types d'épreuves sont bien connus et se
retrouvent dans les concours du PCEM1.
Les questions courtes, QCM et QROC, ont l'intérêt d'explorer les connaissances de
candidats sur de nombreux sujets d'un enseignement. Les QCM offrent en outre aux
enseignants le considérable avantage d'une correction automatisée L'inconvénient des
questions courtes est d'inciter à la parcellisation de l'apprentissage des connaissances dans les
disciplines où elles constituent les seules épreuves; c'est le cas dans plusieurs facultés en
anatomie, en histologie, en physique. Par leur correction binaire ces épreuves de questions
courtes se sont taillées trop facilement la réputation d'être justes. En fait des ambiguïtés de
rédaction et des abus de complexité de formes aboutissent à ce que les réponses à certaines
questions ne puissent être qu'aléatoires. Dans nombre d'épreuves de QCM il faut cocher dans
une alternance variable
les réponses exactes ou, au contraire, les inexactes. Certains
enseignants recourent à des QCM de formulations si sophistiquées qu'on peut les considérer
comme abusives sinon perverses.
Les questions rédactionnelles ont au moins l'intérêt d'obliger les étudiants à
acquérir des perceptions d'ensembles, même s'il ne s'agit que de mémorisation. Les questions
rédactionnelles de réflexion ne sont pas toujours possibles à ce niveau des études dans tous les
domaines. L'inconvénient des questions rédactionnelles est de limiter l'étendue de
l'investigation
des
connaissances
des
étudiants.
Enfin
une
difficulté
majeure
est
l'établissement de la grille de correction qui permette de noter justement chacun des quelques
cinq cents candidats d'une UFR.
Valeur discriminante des épreuves
Avec les résultats du premier concours est née la curieuse notion du "reçu-collé", terme
exprimant toute la rancœur des étudiants collés pour quelques dixièmes de points. Distinguer
avec le plus grand écart de points possibles les derniers reçus des premiers collés est
souhaitable. Ceci ne peut être obtenu que si les épreuves sont discriminantes dans la zone
sensible, celle du partage entre les reçus et les collés. Il s'agit probablement d'une tâche à
laquelle peu d'enseignants se soient attachés.
6 - Pertinence des résultats : les caractéristiques des étudiants reçus.
Le concours sélectionne les étudiants ayant eu la meilleure scolarité et ayant eu
de bonnes notes dans les disciplines scientifiques et des sciences humaines.
Ces étudiants ont le mieux réussi leur scolarité : 84 % avaient eu une mention au
baccalauréat.
Parmi les reçus
- deux tiers sont des redoublants, dont 85 % avaient eu une mention au baccalauréat
(9 % mention bien ou très bien)
- un tiers sont des primants, dans l'ensemble plus brillants que les redoublants; 88 %
avaient eu une mention au baccalauréat ; dans 37 % des cas cette mention était bien
ou très bien).
Ces étudiants ont obtenu de bonnes notes aux épreuves du concours, qu'il
s'agisse des disciplines scientifiques ou des sciences humaines et sociales.
Il n'y a aucun argument pour assurer, comme on le fait souvent, que ces étudiants n'ont pas
les aptitudes requises pour faire de "bons" médecins. Passés le concours, sept à dix ans séparent
ces étudiants de leur exercice futur. L'institution hospitalo-universitaire a plus de temps pour les
façonner que n'importe quelle autre université ou grande école. L'éventail des activités médicales
est tel qu'il est aberrant d'énoncer que certains étudiants aient pu se tromper en réussissant le
PCEM1. Il est évident que les étudiants ont des aptitudes différentes, et que les enseignants
doivent les aider pour les reconnaître et les utiliser au mieux de leurs intérêts et de ceux des
patients. Il est possible que des étudiants aient des difficultés psychologiques et que, malgré leurs
succès scolaires et universitaires, ils aient besoin d'un soutien particulier, voire d'une
psychothérapie : là encore le temps permet beaucoup. Dans le but d'écarter les sujets non
motivés, malades mentaux, inaptes aux études médicales, l'entretien est quelquefois prôné
comme épreuve de sélection, sans qu'il ait été fait la moindre étude préalable sur sa faisabilité
devant le grand nombre de candidats, sur sa pertinence avec la carrière future. Dans
l'insuffisance du niveau des étudiants au terme de leurs études médicales beaucoup
d'enseignants, de responsables, ont tendance à incriminer la sélection et non la formation. En
réalité plus le concours sélectionne des étudiants de haut niveau, plus cette explication masque
l'incapacité de l'université médicale à remplir son rôle formateur.
7 - Synthèses et propositions
Au moins la moitié des étudiants qui sont inscrits au PCEM1 n'ont pas les
aptitudes pour en suivre l'enseignement.
Ce constat impose de mettre en place une organisation qui permette à ces étudiants de
s'orienter différemment.
La semestrialisation de la première année du premier cycle pourrait être appliquée à la
médecine en instaurant au terme du premier semestre des épreuves d'admissibilité
permettant une première sélection sur les connaissances scientifiques ; les questions courtes,
QCM et QROC pourraient à ce niveau être largement utilisées à condition que leur forme ne
comporte pas d'ambiguïté.
L'enseignement du second semestre pourrait ensuite être différent pour les étudiants
admissibles et les autres.
La diminution du nombre des étudiants admissibles à la deuxième partie du concours
permettrait un enseignement de meilleure qualité. Les épreuves pourraient être affinées et
faire plus appel à la réflexion qu'actuellement.
Les étudiants qui n'auraient pas été admissibles auraient un enseignement spécifique
dont le contenu est à débattre.
L'enseignement du PCEM1 est plus orienté sur une accumulation de
connaissances que sur l'utilisation de la réflexion, de la critique, de l'initiation à la
démarche scientifique.
Si on peut douter de l'intérêt de certains enseignements pour les futurs praticiens,
généralistes ou spécialistes, il est évident par contre que la très grande majorité des autres
(qui ne seront ni médecins, ni dentistes) ne tirent aucun bénéfice de l'enseignement du
PCEM1.
Les objectifs du PCEM1, et non les programmes, doivent être revus au sein des
disciplines, mais aussi dans les facultés au sein de commissions multidisciplinaires
mêlant enseignants des premier, deuxième et troisième cycle.
Il n'est plus acceptable que le PCEM1 soit une année où la réflexion soit généralement
exclue au profit de la mémorisation.
Les étudiants sélectionnés sont de bon niveau. Toute insuffisance des étudiants au
terme de leurs études doit être attribuée à leur formation au cours des sept à dix ans qui
séparent leur sélection de la fin des études et non à la sélection en PCEM1.
Conclusion
Le concours de PCEM1 sélectionne des étudiants de bon niveau scolaire, en majorité
titulaires d'une mention au baccalauréat, ayant obtenu de bonnes notes à des épreuves
scientifiques et de sciences humaines et sociales.
Pour sa plus grande part l'enseignement du PCEM1 n'est pas pertinent avec l'objectif
essentiel défini par l'arrêté du 19 octobre 1993 : que les étudiants soient "capables de lire,
d'analyser, et de faire preuve des capacités de synthèse, bref de développer leur esprit
critique, objectif de toute formation universitaire". Les modalités d'enseignement ne
permettent pas d'atteindre cet objectif; les épreuves ne vérifient pas si les étudiants l'ont
atteint par eux-mêmes (ou grâce aux cours parallèles).
Un enseignement de meilleure qualité et des épreuves de concours plus élaborées ne
pouront réellement être mis en place que lorsqu'il y aura un meilleur équilibre entre le nombre
d'enseignants et celui des étudiants. Réduire après le premier semestre, par une épreuve
d'admissibilité, d'au moins de moitié les étudiants qui passeront l'épreuve d'admission,
permettrait de changer déjà considérablement les conditions du concours.
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