la mosaïque

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la mosaïque
LES MOSAIQUES GALLO- ROMAINES A REIMS
Rédigée en collaboration avec la D.R.A.H. et le Musée St Rémi, 1979 par J.J. Valette, documentaliste au CRDP.
A) INTERET GENERAL ET QUESTIONS ABORDEES
1. INTERET ARTISTIQUE ET TECHNIQUE
La mosaïque, un art décoratif
La mosaïque est liée au cadre de vie: maisons, villas, édifices publics (thermes, marchés) ; elle fait partie des techniques de construction et de décoration
intérieure très élaborées chez les Romains (textes de Vitruve, 1er siècle av. J.C.)
Un témoignage sur les arts plastiques gréco-romains
La mosaïque de pavement est l'art le plus, répandu surtout dans les provinces de l'Empire; elle a bien mieux résisté au temps que la peinture murale, très
fragile ; les vestiges étudiés sont nombreux et variés.
Son évolution et son rôle décoratif sont influencés par la peinture, surtout murale, les frises sculptées, les tissus et tapis (opposition sols/murs, motifs de la
composition, choix et formes des sujets figurés)
Les techniques de réalisation
Les Romains ont une grande maîtrise de la construction des sols : couches de fondation diversifiées, supports des pavements, dallages, sols chauffants.
Suivant le degré de soin et de luxe réclamé par le pavement, les possibilités de la mosaïque sont multiples selon la densité et la dimension des matériaux
utilisés (pierres diverses, céramiques) :
- opus signinum :
sol bétonné parsemé de cailloux ou de cubes.
- opus sectile :
pavement ou partie de pavement formant une sorte de marqueterie de plaques de pierre.
- opus tesselatum :
technique la plus utilisée: des cubes taillés d'environ 1 cm2 (tessel/es) sont posés sur un ciment et liés par des joints fins ; les surfaces couvertes peuvent
dépasser 50 m2.
- opus vermiculatum :
mosaïque de tesselles minuscules adaptées parfaitement aux dessins et juxtaposées sans joint ; permettant les dégradés, elle imite la peinture et est
surtout réservée aux panneaux figurés (emblema) réalisés dans des ateliers sur des supports spéciaux et facilement ajoutés au reste de la composition.
L'évolution de la mosaïque
Mosaïques primitives avec des galets et cailloux_ Apparition des tesselles et essor dans le monde hellénistique; apogée des mosaïques de pavement dans
l'empire romain. Apogée des mosaïques murales dans les édifices chrétiens de l'empire byzantin avec l'emploi des pâtes de verre (sma1tes) : mosaïques de
Ravenne, édifices chrétiens arabes vénitiens. Continuation de la tradition dans l'Occident médiéval. A partir de la Renaissance, tendance à la marqueterie de
pierres. Renouveau à partir de la fin du 19ème siècle (architecture d'A. Gaudi à Barcelone et bons exemples à Reims). Depuis 1945, essor lié aux bâtiments
publics et à de~ nouveaux matériaux. (Bibliothèque de l'Université de MeXICO, 1952 ; H.L.M. de Gngny par E. Aillaud, 1970).
Création et restauration
On connaît mal les conditions de réalisation à l'époque romaine : condition sociale des artistes et exécutants, rapports clients/créateurs. Mais l'existence
de grands ateliers influents est certaine.
Comme pour le vitrail ou la tapisserie, les rapports entre la conception de l'oeuvre et son exécution sont actuellement essentiel~ : cartons originaux
plutôt que copies d'autres oeuvres, prépondérance du choix des matériaux.
La restauration de vestiges de mosaïques mises au jour est souvent confiée à des artistes mosaïstes locaux, surtout au 19ème siècle (exemples à Reims).
Aujourd'hui, quand cela est possible, des techniques très complexes sont mises en oeuvre pour déposer (retirer. du site archéologique), consolider,
restaurer ces mosaïques : voir Dossier de l'archéologie n° 15 pp. 118-123 et Métiers d'art n° 6 pp.62-81.
Pour l'initiation à toutes ces questions touchant la mosaïque, voir aussi diverses expériences d'ateliers et de travaux d'expression: Métiers d'art n° 6 pp.
58-61 et Del Prato pp. 111-135.
2. INTERET ARCHEOLOGIQUE ET HISTORIQUE
Un indice archéologique très important
Les vestiges de pavements indiquent la présence d'habitations en général spacieuses et assez luxueuses. L'existence de sols en place avec, si possible, des
éléments de datation (tessons de céramique, objets ... ) est une base de la stratigraphie (étude et chronologie des couches de vestiges mises au jour)
La répartition des découvertes de mosaïques dans l'es· pace d'une ville ou d'un territoire plus vaste permet de cartographier les hypothèses sur l'existence
de quartiers résidentiels et de régions plus ou moins densément occupées et romanisées.
Mais ces méthodes sont limitées car les découvertes anciennes sont en général imprécises et les vestiges perdus ; bilan éloquent : environ 500 mosaïques
ont été recensées en Gaule Belgique, 90 % sont définitivement détruites.
Encore aujourd'hui le sort des mosaïques dépend des conditions de découverte : elles doivent être identifiées le plus vite possible et traitées en
conséquence, ce qui suppose l'information et la vigilance de tous, mais aussi des moyens archéologiques suffisants : voir Métiers d'art n° 6, pp. 77·81.
Des témoignages sur la vie et la société
Les panneaux figurés surtout fournissent des documents variés: travaux ruraux, jeux du cirque mythologie gréco-romaine, thèmes littéraires.
'
Ce sont de bons indices de la circulation des hommes et des idées,. de l'existence de zones d'influence politique et commerciale et de la fusion de la
civilisation romaine avec les civilisations autochtones des provinces de l'Empire.
B) LISTE DES MOSAIQUES GALLO-ROMAINES DE REIMS
1. MUSEE ST REMI (EXPOSEES OU EN RESERVES) (Les N° sont ceux du musée St Rémi)
- Mosaïque des deux combattants
- MosaÏque de Bellérophon
- Panneau carré avec canthares et dauphins
- Panneau octogonal avec fleuron polychrome
20232
20233
20231 (Stern 34)
20234
- Parties de deux mosaïques trouvées à la Chambre de Commerce
(1973, en cours de restauration, D.R.A.H.)
- 2 petits fragments de la mosaïque des Jeux de l'amphithéâtre
20306
- Divers petits fragments; tesselles sur leur ciment d'origine
- Très grande quantité de tesselles diverses
20307
20369
2. lN SITU ET VISIBLES A REIMS
- Mosaïque de la Maison des syndicats (vestiges présentés dans le hall d'entrée)
- Mosaïque recomposée dans la cathédrale (chapelle du rosaire, croisillon sud du transept) (Stern 1)
3. DISPARUES (MAIS CONNUES PAR DES DOCUMENTS)
- Mosaïque des Jeux de l'amphithéâtre (trouvée dans les Promenades en 1860)
- Panneau carré en opus sectile noir et blanc
(Stern 31)
Pour toutes les autres mosaïques disparues, voir Loriquet et Stem
4 . MOSAIQUES D’AUTRES EPOQUES PRESENTEES A U MUSEE ST REMI OU VISIBLES DANS REIMS
- Fragment provenant de l'église St Symphorien (llème siècle) 28346
- Fragments de la mosaïque du choeur de St Rémi (llème siècle)
- Mosaïques murales décorant divers bâtiments (années 1880-1930) :
(Stern 3*)
(Stern 5*)
boulangerie et boucherie, 41 et 169 rue du Barbâtre ; carreleur, 28 rue Emile Zola.
Maisons 47 rue Jeanne d'Arc et 7 rue de Talleyrand (frises de Guidici 1890 et 1923).
Et surtout bibliothèque Camégie (porche et vestibule, 1925) ; ancien pressoir J. Mumm, rue de Mars (grands panneaux sur la vinification, 1898) ;
sols des salles du Musée St Denis (travaux de 1920).
C) LES DECOUVERTES ARCHEOLOGIQUES
1. BILAN DES DECOUVERTES A REIMS
. On recense à présent plus de 50 pavements de mosaïque mis au jour dans la ville. Les découvertes anciennes sont nombreuses à partir du milieu du
19ème siècle, lors de l'expansion urbaine et des grands travaux (faubourg Cérès, boulevards) et à l'occasion de la reconstruction après 1918. Les
quelques découvertes actuelles (Chambre de commerce, Maison des syndicats) sont dues à des opérations en centre ville, phénomène qui devrait
s'accentuer.
. Des découvertes antérieures aux années 1970, il reste en fait peu de chose: trois pavements, quelques fragments ... La cause principale en est la
destruction du musée de l'Hôtel de Ville en 1917 ; mais il y avait déjà aussi les problèmes de l'archéologie de sauvetage, toujours d'actualité:
destruction par méconnaissance, manque de prévisions et contraintes techniques accaparement par des particuliers.
2. ELEMENTS HISTORIQUES
- La carte de répartition des pavements fournit une certaine image de la ville gallo romaine: habitat luxueux plutôt à l'est et au nord de
l'agglomération et entre le cardo et la Vesle, zone sans mosaïque au sud (artisanat). Mais cette image est en partie faussée par la localisation des
découvertes dues aux constructions depuis le 19ème siècle.
- Il ne reste presque rien des éléments archéologiques datant ces maisons à mosaïques, et ils font apparaître des données connues par ailleurs:
construction et occupation de maisons entre le 1er et le 3ème siècle ap. J.C. à l'époque de la ville ouverte de la Paix romaine. Une couche de
destruction (traces d'incendie avec matériel divers) est. quelquefois mentionnée lors de la mise au jour des mosaïques : elle doit correspondre aux
graves incursions des années 250-300 ap. J.C. La réoccupation d'une de ces maisons au 4ème siècle est signalée.
3. SUR LE TERRITOIRE DES REMES
- Sur ce vaste territoire, les découvertes ont été assez peu nombreuses : une douzaine de mentions.
-
A noter cependant aux confins nord-ouest de la cité deux découvertes près de Fismes, dont la splendide scène d'Orphée (voir
couverture de Dossiers de l'archéologie n° 15 et Stem n° 77) et une à Nizy-le-Comte. Ces trois pavements trouvés dans des
vestiges de villas sont présentés à la Bibliothèque municipale de Laon.
D) EXPLOITATION DES DOCUMENTS MUSEOGRAPHIQUES ET ARCHEOLOGIQUES
Les divers documents provenant de Reims permettent de mettre en évidence: (les italiques entre
parenthèses renvoient aux documents de la liste B plus haut)
1. LES TECHNIQUES DIVERSES:
- taille, manipulation des tesselles (20369)
- sols divers, application des tesselles sur leur ciment (20307)
- emblema en opus vermiculatum (Bellérophon) ou en opus sectile (Stern 31)
- restauration des mosaïques : (Bellérophon) et surtout (Deux combattants) restaurée par Guidici, mosaiste à
Reims dans les années 1900 (maisons rues Jeanne d'Arc et Talleyrand)
- mosaïques murales des années 1900 (pressoir J.Mumm, Carnégie, magasins)
2. L'EVOLUTION STYLISTIQUE DES MOSAIQUES DE PA VEMENT GALLO-ROMAINES:
- on peut schématiser en montrant le passage d'un style «sévère » à la mode en Italie au 1er siècle apr. J.C. à un style polychrome avec des
tableaux figurés:
style noir et blanc, (canthares et dauphins) puis avec fleurons colorés (Maison des syndicats, chapelle du rosaire) ; style «compartimenté»
polychrome avec tresses, emblema ou panneaux multiples (Bellelrophon, Jeux de l'amphithéâtre). Ces oeuvres sont typiques de la tendance
prévalant en Gaule du nord et Germanie entre 150 et 250 ap. J.C.
- Les mosaïques de Reims sont de provenance locale sauf peut-être les emblema. Pour des raisons stylistiques évoquées ci-dessus, on n'y trouve
pas d'exemple du style « fleuri » polychrome végétal. Pour cela, voir les mosaïques d'Afrique (collection du Louvre) ou la mosaïque d'Orphée
à la Bibliothèque municipale de Laon.
3. LE ROLE DE LA DECOUVERTE ARCHEOLOGIQUE:
- Il est important de mettre en lumière qu'il y a très peu de pavements trouvés à Reims dans un contexte archéologique bien étudié à l'occasion de la
fouille détaillée d'une maison et qu'une fouille n'apporte pas forcément des réponses directement utilisables. (Mosaïque de la Maison des syndicats ..
pour les objets trouvés sur celle des Jeux de l'amphithéâtre, voir Loriquet, pl. 2 et pp. 20-26)