le role des investissements immateriels dans les restructurations de

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le role des investissements immateriels dans les restructurations de
MEDIT W 3 /94
LE ROLE DES INVESTISSEMENTS
IMMATERIELS DANS LES
RESTRUCTURATIONS DE
L'INDUSTRIE AGRO-ALIMENTAIRE
SAADET IYIDOGAN (*)
et article s'interroge sur l'intégratio n entre croissance de l'investissement immatériel et tran sformation de l'industrie agro-alimentaire . L'investissement immatériel est l'insertio n de
l'intelligence dans les produits et les p rocess
industriels. Il représente les facteurs cognitifs et he uristiques du processus de p roduction , complémentaire de l'investissement
matériel.
Une première partie présente le nouvel environnement de l' entreprise q ui fa vo rise
l'émergence de la dimensio n immatérielle
de l' entre prise .
Une deuxième partie étudie le rô le de
l'investissement immatériel dan s le p rocessus de transfo rmation de l'industrie agroalimentaire . Le secteur de la transformation
des légumes illustrera le fonctionnement de
l'apprentissage et les ato uts de la maîtrise
logistique permettant la flexibilité du
système de p rod uction par l' ajustement
«juste à temps» GAT) de l' offre et de la
demande.
Enfin, l'étude aborde les mouvements interentreprises afin de comprendre le fo nctio nnement des investissements immatériels sur
les décisio ns de l' entreprise .
L'investissement immatériel représente le
nouveau paramètre de la compétitivité et
marque l'évo lution de l'industrie agroalimentaire.
C
1 Abstract
lntangibile investments, i.e. the introduction of intelligence in the industrial products and
processes, are a complementary factor to tangible investments .
A number of different intangible investments are now playing an important role in developing the
agricultural and food-industry.
Among them, training, information, flexibility , research and development are the factors for
competition the farm has to be based on to face an increasingly uncertain and complexe scenario.
1
Résumé
Les investissements immatériels, représentés par l'introduction de l'intelligence dans les produits
et les procesdus industriels, constituent un facteur complémentaire aux investissements matériels.
Il existe de nombreux investissements immateriels qui revêtent un rôle important dans le développement de l 'industrie agro-alimentaire.
Parmi ceux-ci l'apprentissage, l'information, laflexibilité, la recherche et le développement constituent des facteurs de concurrence fondamentaux sur lesquels l'entreprise doit s 'appuyer pour faire
face à un scénario de plus en plus incertain et complexe.
L'émergence de la dimension
immaterielle de l'entreprise
Le n o uvel e nviro nnement de
l'entre prise
Par le dévelo ppement des relatio ns internationales, les entreprises sont confrontées à
une concurrence qui s'intensifie dans un
espace plus élargi .
Le no uvel en vironnement qui p èse sur les
entreprises se carac térise par trois qualificatifs: complexité, incertitude et irréversibilité des choix.
L'incertitude et la complexité se situent to ut
d'abo rd au niveau des nou veaux processus
de production qui fo nt appel à des technologies de plus en plus complexes et sophistiquées et exigent de la part des entreprises
un haut ni veau d 'efficience en ressources
(') Ch ercheur CI HEAM, I AM de Montpellier.
internes p our s'adapter aux changements
techno logiques .
L'incertitude et la complexité proviennent
également de la demande qui est de plus en
plus variée et exigeante.
De plus, l'instabilité des march és, l'imprévisibilité d es virages mac ro -écon omiques
et l'incertitude de la commercialisatio n des
n o uvea ux produits impose une grande
vigilen ce d e la p art d es entre prises p o ur
que les meille urs ch o ix soient faits en un
temps o ptimum . La difficulté d 'apprécier
le temps de réactio n est renfo rcée p ar les
risques résultant de l'irréversibilité d es
ch o ix.
Dans ce no uvea u contexte, la qualité de
l'info rmation est p rimo rdiale pour aider les
entreprises à o rienter leurs décisions. Par
co ntre une mauvaise info rmation ou une
information inparfaite intervient comme facte ur négatif en augmentant les risques de
l'entreprise .
33
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Les coûts de cette information s'intègrent
dans les coûts de production, au détriment
des coûts salariaux.
On voit alors émerger au niveau des entreprises une nouvelle dimensio n , l'investissement immatériel.
Investissements m&:tériels
(équipements)
logiciel
Qu'est-ce que l'investissement
immatériel?
1·,T_rtvee ti ssernent
L'investissement immatérie l est l'insersio n
de l'intelligence dans les produits et les procédés industriels C).
Il englobe toutes les dépenses qui ont un
caractère économique d'investissement sans
se traduire par l'acquisition de biens matériels. Autrement dit, il englobe les investissements qui ont une influence de longue
durée sur la production et notamment sur
la qualité .
On assiste aujourd'hui à une évolution marquée par le passage d 'une logique basée sur
le rationalisme parfait et mécaniste vers un
rationalisme limité et procédural. Ce dernier
porte un caractère cognitif et heuristique
donc transformateur , accordant plus
d 'attention à l'aspect qualitatif de l'entreprise.
Les exemples d 'actifs immatériels proposés
par l'OCDE sont les suivants: dépenses de
Decherche-Développement; savoir-faire;
modèles industriels et conception; brevets;
licences; créations artistiques ; copyright;
droits de percevoir des «royalties»; formation et autres investissements en ressources
humaines; part de marchés ; certificats de
production; listes de consommateurs; marques de fabriques et de services; logiciels et
produits similaires.
Par ailleurs , peuvent être distingués deux
groupes d'investissements immatériels: les
<<investisseme nts immatériels en technologie» (lIT) et les «investissements immatériels
qualifiants» (lIQ).
Les lIT développent la base des connaissances et des compétences de l'entreprise en
misant sur la Recherche-Développement,
l'acquisition de licences et brevets, la conception et l'ingénierie , ainsi que l'observation et l'exploration, pour créer de nouveaux produits .
Les lIQ regroupent les investissements en
ressources humaines , organisatio n et structure de l'information ainsi que l'investigation des marchés et les logiciels (cf. figure
1).
L'investissement immatériel intervient à
deux niveaux:
- au niveau social et organisationnel, en
c réant un contexte «socio-économique»
favorable pour assurer la croissance,
- au niveau de la créatio n de ressources
productives.
-R-D
-Brévets et licences
!-ConcePtion et ingénierie
I-EXPloration et recherche
(') A. Merlin, .Intelligence Industrielle. in Futurible, juin
1988, pp. 35-48 .
(') A. Bienayme, ,Technologie et nature de la firme., in
Revue d 'Economie Po litique, n06 , 1988. pp . 823-849.
P. Casoar P. , . L'investisseme nt intellectue l., in Revue
d'Eco nomie Industrielle , n ° 43, 1988. pp. 107-118.4.
«) M. Porter, .Cho ix stratégiques et concurrence., Economica , 1989,4 26 p.
n
34
1
immatériel
EN TECHNOLOGIE"
1
" Investissement Immatériel
QUMJIFIANT··
-Formation du personnel
- St ructllre de l'information
-Structure organisationnelle
1
1
Découverte et Organisation
des marchés
Figure 1 - 1nvestissements matériels et immatériels.
Source: OCDE, «La technologie et economie», Paris, 1992.
L'investissement immatériel devient le facteur clé de la compétitivité .
Selon Bienayme, les pratiques qui se développent traduisent l' «immatérialité croissante de la firme» (2) .
Avec l'investissement immatériel, les ressources de l'entreprise s'élargissent par
l'accumulation de qualifications, d 'expériences et de savoir-faire technique. En effet,
pour P. Caspar C), le changement radical
que l'investissement immatériel entraîne, est
que désormais, la ressource principale de
l'entreprise devient la connaissance capitalisée .
La dimension immatérielle de l'investissement est à la fois une fonction et un vecteur du développement technico-économique .
Le rôle de l'investissement
immatériel dand l'évolution
et la competitivité de
l'industrie agro-alimentaire
Les deux concepts de «flexibilité» et
d ' «apprentissage» ont une importance capitale dans l'industrie agro-alimentaire en raison de deux caractéristiques propres à cette
industrie:
- d 'une part, la nature périssable et saisonnière des produits impose la «flexibilité»,
afin d 'ajuster l'offre à la demande à l'aide
du système «juste à temps» OAT),
- d 'autre part, les innovations radicales faites dans les autres industries imposent une
capacité d'adaptation qui dépend de l'efficacité de l' «apprentissage».
Ces deux axes se basent sur la technologie
et la connaissance de l'entreprise, d 'où le
rôle déterminant de l'investissement immatériel.
L'adaptation du froid mécanique et
le processus d 'apprentissage
Tout secteur part d 'une «structure initiale»
et le processus d 'évolution le pousse vers
sa «structure potentielle» ('). L'évolution de
l'industrie agro-alimentaire est relativement
e n retard par rapport aux autres branches
industrielles. Ceci s'explique par la volonté,
à une époque, de maintenir les prix des produits agro-alimentaires bas, pour ne pas augmenter les salaires. Mais depuis plus de vingt
ans, l'agro-alimentaire est en mutation. La
croissance de cette industrie est simultanément externe et interne . Elle est externe car
elle s'effectue en aval par un élargissement
de la distribution et en amont par une augmentation et une diversification de la production alimentaire . Elle est interne par la
modification progressive des techniques et
de l'appariel industriel. L'industrie agroalimentaire dépend de la production agricole, de la distribution et de la demande alimentaire, mais également de la technologie
et de l'organisation de l'industrie.
Dans les théories évolutionnistes, l'évolution est un processus de changement continu avec un rythme de progression «pas à
pas». Chaque innovation représente un
point de rupture qui permet le passage ver
de nouvelles structures. Ainsi, les interac
tions entreprise-environnement sont importantes dans le processus d'évolution.
L'accent doit être mis sur la «spécificité» des
ressources de l'entreprise et le caractère
«cumulatif» de l'évolution. Dans un tel processus, les investissements immatériels sont
d 'une importance particulière pour le perfectionnement et la mobilisation des compétences de l'entreprise.
Le caractère interactif et cumulatif
du changement technologique
Les approches évolutionnistes privilégient
les bouclages entre les phase avales (reliées
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au marché), et les phases amont (reliées à
la technologie) de l'innovation, ainsi que les
interactions entre la science, la technologie
et les activités reliées à l'innovation.
Dans ce processus, la conception a un rôle
central CS) .
Le changement technologique est un processus qui se développe de façon endogène
et se caractérise par des interactions et des
effets de retour. Dans le secteur agro-alimentaire, le développement des produits est
incrémentiel. Il fonctionne par adjonctions
de petites améliorations et agréments année
après année. Ce développement s'oppose au
«saut technologique» constuit autour d 'un
produit existant.
Ainsi, le développement de nouveaux produits à partir de produits existants résulte
de l'apprentissage, en particulier par interactions entre l'offre et la demande.
Le concept du paradigme et de la
trajectoire technologique
«Paradigme» et «trajectoire technologique»
sont deux notions spécifiques du développement et du changement technologique.
Ce concept a été développé particulièrement par DOSI (6).
Le processus de transformation cumulatif et
interactif basé sur l'apprentissage est illustré à partir du cas de l'adaptation du froid
mécanique dans le secteur agro-alimentaire.
Le froid mécanique a permi l'élaboration de
produits et de procédés nouveaux, l'amélioration de la distribution et des changements dans la structure des coûts. Les changements apportés par le froid mécanique
représentent un paradigme technologique
que Freeman C. et Perez C) définissent de
la manière suivante:
- la réduction draconienne des coûts,
- l'amélioration radicale des caractéristiques techniques de nombreux produits et
procédés de fabrication,
- l'acceptation sociale et politique,
- l'acceptabilité du point de vue de la protection,
- les effets de propagation à travers tout
le système économique.
La chaîne du froid a tout d'abord été utilisée comme service intermédiaire. Dans un
second temps son application à la fabrication des produits congelés ou surgelés
devient une véritable innovation technique (8).
Cet exemple illustre la nécessité d'information des entreprises.
Un des facteur indispensables au maintien
des produits surgelés est le respect strict des
températures réglementaires. Or, l'enquête
menée par la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes
montre que certains maillons de la chaîne
ne sont pas toujours fiables. En effet, en
hypermarchés 12 % des produits ne sont pas
conformes, en supermarchés 14% et en
superettes 18%.
Cet exemple illustre le fait que plus une
technologie se développe, plus la maîtrise
de la filière devient complexe, d'où l'impor-
tance de développer un support immatériel
continu.
Dans le cas de technologies ' sophistiquées
comme la surgélation, l'acquisition de savoir
exige de longues années , d'où la notion
indispensable d'»apprentissage» (Iearning by
doing).
Selon Rosenberg, l'apprentissage par l'usage
apparaît plus nettement décisif que la
Recherche, dans l'adoption de la surgélation
par les entreprises (9). Cet apprentissage se
fait suivant trois voies:
- «l'apprentissage par la fabrication», c 'està-dire, l'augmentation de l'efficacité des
oppérations de production,
- «l'apprentissage par l'utilisation», c 'est-àdire, l'augmentation de l'efficacité par l'utilisation de systèmes complexes,
- «l'apprentissage par l'interaction», qui
implique une interaction entre utilisateurs
et producteurs.
Dans l'approche évolutionniste, le changement est un processus d'apprentissage qui
vise la création de quelque chose de nouveau et procède donc de l'action des agents
qui changent le monde CO). Le développement de la technologie s'effectue par
apprentissage, c'est-à-dire par l'expérience
accumulée et le savoir-faire qui dérivent en
grande partie des activités de routine. Selon
Dosi, l'innovation est ussue de pratiques
routinières, en complément d'acivités de
recherches et d 'un apprentissage par utilisation.
D'autres facteurs indispensables au développement de la technologie sont la culture et
l'histoire de l'entreprise ainsi que ses ressources spécifiques.
L'apprentissage renvoie à la notion de «ressources et investissements spécifiques» de
l'entreprise. En se référant à Amendola et
Gaffard, les ressources spécifiques sont «des
qualifacations d'un certain type et des
informations particulières. Les investissements spécifiques sont explicatifs de la barrière à la mobilité des ressources lorsque
la notion d'investissement est un facteur de
coùt irrecouvrable comme engagement irréversible» C').
Par ailleurs, Eymard et Duvernay précisent
la place centrale de l'»investissement spécifique» en tant que «méthode de production» ( 2 ).
D'après ces auteurs le rôle des matières premières et des ressources génériques devient
moins important que les ressources spécifiques.
Un autre aspect à souligner est que dans le
secteur agro-alimentaire , l'innovation a eu
pour conséquence d 'entraîner une politique
de «diversification» des produits. Dans le
secteur de la transformation des légumes , la
séquence est la suivante: frais; conservessurgelés; 4ème et Sème gamme . Les nouvelles technologies, introduites dans le secteur
progressivement, ont banalisé chaque
séquence de produit, la nouvelle demande
se créant chaque fois à l'intérieur de nouvelles séquences, de la conserve à la 4ème
et Sème gamme. Les produits de 4ème et
Sème gamme connaisent beaucoup de suc-
cès depuis ces dernières années. En France
le marché pour les produits de 4ème gamme
se développe à partir de 1985. Il est dominé
par quatre marques: Florette (Soleco); Salade
minute (Peyronnet); Sème saison (Gie Sème
saison) et Crudette (pomona). face à une
demande en pleine expansion, de nombreuses entreprises se créent. En 1989, SS entreprises sont créées. Ainsi la production atteint
28 000 tonnes en 1988 contre tonnes en
1984 (' 3).
La flexibilité du système de
production par la maîtrise logistique
La flexibilité
La prise en compte de l'incertitude et de la
complexité conduit également à privilégier
la notion de flexibilité . En effet, le processus de production doit s'adapter en permanence aux évolutions de la demande et ceci
au moindre coût. Autrement dit, il doit concilier les impératifs de disponibilité et de
taux d'utilisation maximum des équipements.
Pour Cohendet et Lierena, la flexibilité est
dynamique , c'est à dire séquencielle et elle
ne peut se révéler qu'avec le temps. C'est
une capacité à réagir de façon continue dans
le temps. Elle permet de répondre à des
variations qui ne sont pas régies par des lois
immuables. L'entrepreneur doit avoir un
maximum de réponses possibles aux modifications et réagir dans les meilleurs délais
par rapport à la vitesse d 'évolution des paramètres de l'environnement.
Gaffard distingue la flexibilité de réponse et
la flexibilité d'initiative ( 4 ).
La flexibilité d'initiative se mesure à la capacité de l'environnement à concevoir et à
faire exister des solutions, c'est à dire à assurer une mobilité d'activité de la firme. La
flexibilité d'initiative permet à une firme
d'être créatrice de technologies et d 'être
(') 5. La conception concerne les desseins relatifs à la
définition des procédures, aux spécifications techniques
et aux caractéristiques opérationnelles nécessaires au
développement de nouveaux produits ou procédés.
OCDE, op. cit.
(6) G. Dosi, ,Technical change and industrial transformation. The theory and application to the semiconductor industry> , Mac-Millan, London, 1984, pp. 338.
c) c. Freeman et C. Perez, -The diffusion of technical
innovation and changes of techno-economic paradigm. ,
Venezia, 1986.
(8) M. Hyet F. Nicolas, .La diffusion de la surgélation
dans les systèmes productifs alimentaires>, INRA, 1991 ,
27 p .
(9) N . Rosenberg, ,Inside the Black Box: technologie
and Economics>. Cambridge University Press, Cambrige
1982.
eO) J.L. Gafard , Economie Industrielle de l'Innovation,
1990
(") M. Amendola et J.L. Gaffard op. cit.
(12) F. Eymar-Duvernay , -Convention de qualité et formes de coordination» , in Revue Economique , n° 2,
1989. pp . 329-359.
(") Precepta , .L'industrie de la transformation des légumes-, série de Stratégie et Concurrence, Paris 1989. pp. 224.
(") La flexibilité de réponse est la capacité d'adaptation
à des changements au niveau de l'offre et de la demande.
Une telle capacité est avant tOut une capacité technologique .. ?... dans des machines et des équipements particuliers. La flexibilité est, alors, un ... ? ..... technique de
production. J.L. Gafard op. cif.
3S
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ainsi capable d 'imaginer et d'exécuter de
nouvelles options productives. Ainsi, la
flexibilité représente aujourd'hui l'atout
majeur des entreprises.
La logistique
L'utilisation d 'un système logistique a pour
objectif d 'éviter les lenteurs de transmission
de l'information et d'améliorer l'internalisation.
La logistique , dans l'industrie agroalimentaire, permet la flexibilité du système
grace à une maîtrise des flux d 'information.
Elle permet de réaliser des gains de productivité et de dégager un avantage différenciel en assurant à moindre coût, continuité
(éviter les ruptures) etjZuidité d'écoulement
des marchandises (éviter tout engorgement).
La logistique se définit comme «la technologie de la maîtrise de la circulation physique des jZux de marchandises que l'entreprise expédie et reçoit et dont elle cherche
à synchroniser les rythmes au sein d 'une
chaîne dont les opérations tendent à être
déclenchées juste à temps, ni trop tôt, ni
trop tard» (' S).
D'autre part, l'entreprise doit se doter
d 'une flexibilité de gestion , de pilotage
de la circulation des produits , sans remettre en cause la cohérence de l'appareil productif.
Cela impose un système d'information et
l'amélioration des outils industriels tels la
flexibilité, la productivité et la fiabilité.
Aujourd 'hui, les outils de gestion des flux
permettent d 'atténuer de manière sensible
les incertitudes.
La maîtrise logistique permet d 'assurer des
gains de productivité
L'étude de A.T. Kearney, conduite auprès
de 500 entreprises européennes, a mis en
évidence que de 1980 à 1986, les entreprises ont réduit leurs coûts de production et
augmenté leurs frais logistiques qui sont passés de Il % à 21 % de la valeur ajoutée . Ceci
correspond à un renversement de tendance
qui se traduit par le développement de la
fonction logistique et par une croissance
plus rapide des volumes à mettre en circulation que des volumes produits.
Selon cette étude, les frais logistiques sont
plus élevés dans le secteur agro-alimentaire
avec 31 % de la valeur ajoutée.
Des gains de productivité importants peuvent donc être obtenus en développant la
structure d 'organisation logistique, particulièrement au niveau de la distribution.
Cependant, la qualité d'un service est difficile à mesurer en terme de coût. Mais il est
par contre aisé de mesurer ce que couterait
la non qualité d 'un service. Ainsi, aux frais
directs correspondants aux différents mail(' 5)]. Collin , , la maîtrise des coûts et des niveaux de ser-
vice logistique: vers le développement d'une fonction
spécifique ou vers la répartition des compétences logistiques dans les secteurs du management de l'entreprise,;
in Futur et Gestion de l'entreprise, VIII. Journées Nationales des Instituts d 'Administration des Entreprises. Poitiers, 1987 . pp . 325-343.
36
Ions d 'une chaîne logistique peuvent s'ajouter des coûts induits de non qualité dus à
la rupture d'un maillon.
En outre , lorsqu 'une entreprise recherche
la productivité au niveau des conditions de
production, elle est amenée à déléguer certaines opérations et à envisager des accords
de co-traitance plutôt que de sous-traitance ,
de même qu'une gestion de production
flexible pour les PME-PMI, afin de ne pas
subir le marché mais de l'anticiper.
En conclusion, la maîtrise des flux d'information est donc essentielle et les entreprises doivent saisir l'importance des investissements immatériels afin de perfectionner
l'information.
L'investissement immatériel marque
la transformation de l'industrie agroalimentaire
C'est maintenant à travers les accords interentreprises qu'est analysé l'investissement
immatériel comme facteur motivant les décisions de l'entreprise.
En effet, l'étude des accords interentreprises de la période 1985-1990 indique
une croissance de l'immatérialité dans
l'entreprise et montre son rôle dans la transformation du secteur.
Quelques exemples illustrent cette tendance.
Les accords inter-entreprise sont classés en
trois catégories:
- les accords de prise de participation, qui
occupent une place considérable,
- les accords de pertenariat,
- la création de filiales communes.
Les accords de prise de
participation
Ils ont principalement pour but de réaliser
une diversification vers de nouveaux produits. En effet, une entreprise, en augmentant sa participation dans d'autres entreprises profite de leurs équipements et assure
ainsi la complémentarité de ces activités.
En 1982 , l'apparition de plate-formes de distribution équipées en froid négatif pour servir toutes les chaînes du commerce alimentaire renforce le mouvement.
Les groupes industriels, non encore présents
dans la surgélation, tentent d'y pénétrer, soit
en rachetant les PME déjà installées , soit en
créant de nouveaux ateliers.
Les accords de partenariat
Ils ont pour pricipaux objectifs: la diminution des coûts d'optimisation des investissements; le partage du risque économique;
le partage équitable des gains de productivité; la possibilité de faviriser le réglement
des litiges et de faire face aux événemants
non prévus à la signature du contrat.
Ces regroupements permettent en effet des
investissements moins couteux, surtout
dans le domaine incorporel. Il s'agit de participation minoritaire et de la mise en commun de compétences complémentaires.
dans le secteur des légumes on constate un
regain d'intérêt pour le partenariat.
Des GIE, regoupant plusieurs sociétés transformatrices se créent, comme la «Sème saison" avec Crudifiais S.A., La Vrilene, Regalec, Salagastronomie et Frepac S.A. qui commercialisent leurs productions respectives
sous un packaging identique et sous la
même marque (<<Sème saison»). Ce GIE est
source d 'innovations et dynamise le
marché.
Création de filiales communes
Par exemple :
- En 1987, Bonduel et le groupe Philipon
créent une filiale commune «Conserveurs
associes» qui est une structure d'accueil
pour les fournisseurs de conserves de légumes avec mise en commun d 'outils industriels.
- En 1988, trois coopératives spécialisées
dans les champignons de Paris, Champi
Union, Euroconserves et Sica du Val de
Cher se regroupent sous le nom de Champi)andou.
- En 1989, Maisadour, l'Ucaab (Union des
Coopératives Agricoles Armagnac-Bigorre)
et Valfray-Breton créent une société commune: Sica Le Valdour.
Bien d 'autres exemples de création de sociétés communes existent.
Tous ces accords d'entreprises ont pour but
de diversifier les produits en assurant la
complémentarité des activités. Ils permettent à chaque entreprise d 'élargir ses parts
de marché , de profiter du savoir-faire et de
l'innovation des autres entreprises qui sont
des PME pour la plupart. Ces accords concernent surtout les produits de surgélation,
de 4ème, Sème gamme et les plats cuisinés
car ces produits ont un avantage concurrentiel.
Conclusion
L'innovation dans l'industrie agroalimentaire est incrémentielle et s'effectue
grace à l'apprentissage.
C'est l'adaptation du froid mécanique qui
a largement contribué à la transformation de
ce secteur.
L'apprentissage est au coeur de l'évolution.
Il dépend essentiellement des ressources
internes de l'entreprise. Ainsi, une place
importante doit être accordée à la
Recherche-Développement, à la qualification des ressources humaines et à l'information.
La flexibilité également est un atout majeur
de la compétitivité. Le système «juste à
temps» développé par les japonais permet,
grace à une maîtrise logistique , l'ajustement
entre l'offre et la demande dans les meilleurs
délais .
Ainsi, les entreprises, confrontées à une concurrence plus forte dans un environnement
plus incertain et plus complexe, ·som obligées de privilégier l'investissement immatériel.
Leur capacité à mobiliser cet investissement
déterminera leur compétitivité et leur sur•
vie.