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L'AFRIQUE DU SUD DANS LA RELATION BRICS-AFRIQUE
Ambitions, défis et paradoxes
Folashadé Soulé-Kohndou
De Boeck Supérieur | Afrique contemporaine
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Soulé-Kohndou Folashadé, « L'Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique » Ambitions, défis et paradoxes,
Afrique contemporaine, 2013/4 n° 248, p. 31-43. DOI : 10.3917/afco.248.0031
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2013/4 - n° 248
pages 31 à 43
L’Afrique du Sud
dans la relation BRICS-Afrique
Ambitions, défis et paradoxes
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La place de l’Afrique du Sud dans les BRICS suscite un ensemble
d’interrogations. Analysée dans une perspective macro­é conomique,
la faiblesse du produit intérieur brut, de la croissance et de la démographie, remettent en cause son inclusion dans ce club de grands
émergents. Son invitation à rejoindre le groupe en décembre 2010
résulte avant tout d’une initiative diplomatique. Cet article analyse
les stratégies diplomatiques mises en œuvre par l’Afrique du Sud
pour adhérer au groupe et détaille l’instrumentalisation faite par la
diplomatie sud-africaine d’un statut auto-accordé de leader africain
et de pivot dans la relation Afrique-BRICS. Cette instrumentalisation, qui sert avant tout ses propres intérêts, n’est pas sans créer un
ensemble d’effets pervers.
Mots clés : Afrique du Sud – BRICS – Diplomatie – Relations Sud-Sud – NEPAD – Nelson Mandela – Thabo Mbeki –
Jacob Zuma
L’Afrique du Sud postapartheid affiche dès 1994 une politique
étrangère largement orientée vers un renforcement des relations Sud-Sud, c’est-à-dire avec les pays en développement.
Sous le régime d’apartheid, malgré l’embargo sur les armes,
les sanctions internationales et l’isolement politique, diplomatique et économique du pays, la politique étrangère sudafricaine est davantage orientée vers le Nord, et notamment
l’Europe et les États-Unis, partenaires traditionnels de l’Union sud-africaine.
Dans sa première résolution de politique étrangère, au lendemain de l’abolition de l’apartheid, l’ANC adopte clairement une perspective d’ancrage au Sud
pour sa diplomatie.
Cet ancrage passe par une adhésion progressive aux forums et groupements rassemblant des pays en développement. L’Afrique du Sud compte y
assurer un rôle actif de leader 1. Sous le mandat présidentiel de Nelson Mandela,
la politique étrangère sud-africaine est également guidée par la doctrine de
Folashadé Soulé-Kohndou est
docteure en sciences politiques au
CERI (Sciences Po) et chercheur
associée au Global Economic
Governance Programme
(Oxford University).
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 31
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Folashadé Soulé-Kohndou
1. ANC Policy Document,
“Foreign Policy Perspective in
Democratic South Africa”,
1er décembre 1994.
2. Department of Foreign Affairs
(DFA), “Strategic Plan 2007-2010”.
3. Le forum de dialogue IBAS est
créé en juin 2003 à Brasilia et
regroupe l’Inde, le Brésil et l’Afrique
du Sud.
4. Discours de la ministre des
Affaires étrangères d’Afrique du Sud,
32 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
Maite Nkoana-Mashabane, à la South
African Institute of International
Affairs (SAIIA) sur le thème “The
Relationship between South Africa
and the Emerging Global Powers”,
1er novembre 2010.
Afrique contemporaine 248
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l’universalisme et du renforcement des relations avec l’ensemble des pays, avec
comme priorité les pays africains et ceux du Sud avec lesquels la relation a
été détériorée par le gouvernement de l’apartheid. Le président sud-africain
Nelson Mandela déclare dès la sortie de l’apartheid que l’Afrique du Sud s’attachera désormais à renforcer ses relations Sud-Sud afin de lutter contre toute
marginalisation économique (Mandela, 1993). Le positionnement de l’Afrique
du Sud comme pays du Sud et le renforcement des relations Sud-Sud figure
comme une priorité de la politique étrangère pour chaque nouveau gouvernement et est mentionnée explicitement dans les plans stratégiques du ministère
des Affaires étrangères 2 . Cette priorité fait d’ailleurs partie du programme de
professionnalisation des candidats à la carrière diplomatique sud-africaine
(Muller, 1998).
Plusieurs stratégies sont mobilisées dans la construction de cette identité
de pays du Sud dont la vocation est avant tout régionale et internationale. L’une
d’entre elles est la mise en place de coalitions composées de pays en développement au sein des organisations multilatérales. Sous Nelson Mandela, à partir
de 1994, l’Afrique du Sud cherche à renforcer sa présence dans des coalitions
et alliances à comité élargi, comme le G77 et le Mouvement des non-alignés,
afin de sortir de l’isolement dans lequel l’avait confiné le régime de l’apartheid.
Le positionnement comme pays du Sud se poursuit sous le premier mandat de
Thabo Mbeki, en 1998, avec un ancrage africain, à travers la création du NEPAD
et le renforcement d’organisations régionales africaines de l’Union africaine.
Au-delà des organisations régionales et sous-régionales, l’Afrique du Sud fait
preuve d’un fort activisme dans la création de coalitions internationales à la
fois au sein des organisations multilatérales, mais également sous la forme de
forums de coopération plus ou moins formels. Ces coalitions portent des causes
spécifiques, comme la contestation des subventions agricoles dans le NAMA+11
(Non-Agricultural Market Access), le G20+, au sein de l’OMC.
Cette stratégie connaît certaines évolutions, notamment sous le second
mandat de Thabo Mbeki, à partir de 2003, avec la montée des pays émergents
et une prise de conscience progressive de l’inf luence potentielle de ces nouveaux
acteurs. La politique étrangère de l’Afrique du Sud sous Thabo Mbeki se traduit
par son rapprochement auprès des puissances émergentes comme le Brésil, et
un renforcement des faibles relations entretenues, avec l’Inde et la Chine. Cette
mobilisation est mise en œuvre avec le Groupe O5 militant pour l’adhésion du
Brésil, du Mexique, de l’Inde, de l’Afrique du Sud et de la Chine au G8, avant la
création du G20, dont la création a été assurée sous l’impulsion séparée, ou parfois conjointe, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud. Thabo Mbeki suggère
L’activisme de l’Afrique du Sud pour son adhésion au club
La formation du club diplomatique BRICs en 2006, sur une initiative russe aux
Nations unies, n’associe pas l’Afrique du Sud dans un premier temps. À partir
de 2009, la décision de faire de la coalition BRICs un club opérant dans un premier temps par une diplomatie de sommet classique exclut également l’Afrique
du Sud. Cette exclusion n’est pas anodine : les BRICs se voient alors comme
une traduction politique et diplomatique de l’acronyme initial BRIC créé par la
banque d’affaires Goldman Sachs qui désigne avant tout ces économies émergentes comme les futures puissances économiques mondiales et qui n’inclut pas
l’Afrique du Sud.
Tableau 1 – Caractéristiques économiques des BRICS
PIB (dollars)
Croissance
PIB
Population
Superficie
(km²)
Dépenses militaires
(milliers de dollars)
Brésil
2 476 652 189 879
2,7
198 656 019
8 514 880
36 882
Russie
1 899 086 233 311
4,3
142 960 000
17 098 240
51 594
Inde
1 872 845 406 804
6,3
1 221 156 319
3 287 260
36 115
Chine
7 314 432 078 359
9,3
1 344 130 000
9 600 000
90 221
401 802 218 556
3,5
50 586 757
1 219 090
5 291
Afrique du Sud
Sources : Banque mondiale, World Databank, World Bank Indicators, 2011 ; International Insitute of Security
Studies (IISS), Military Balance (pour les dépenses militaires), 2011.
La réunion des BRICs sous forme de sommets annuels suscite l’intérêt
de l’Afrique du Sud qui exprime son intention de rejoindre ce groupe dès le
premier sommet, à Iekaterinbourg en Russie en 2009, devenant ainsi le premier État à manifester un intérêt d’adhésion au groupement 4 . La ministre des
Affaires étrangères sud-africaine adresse une lettre aux différents chefs d’État
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 33
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également la création d’un « G-Sud », ou « G8 du Sud », qui agirait comme
contrepoids au G8 traditionnel qui le pousserait à un ensemble d’engagements
pris sur le commerce, la réduction de la dette des pays en développement, les
politiques sociales et l’aide au développement. Il y voit une opportunité pour les
pays en développement qui en feraient partie de coordonner leur approche et de
jouer un rôle plus actif dans les institutions internationales afin de représenter
les intérêts du Sud (Landsberg, 2006). Le forum IBAS est l’un des résultats de
ce rapprochement 3 . Sous la présidence de Jacob Zuma, cette priorité demeure
et s’illustre en 2009 à travers l’activisme diplomatique de l’Afrique du Sud pour
entrer dans le forum BRICs.
5. “South African Minister on South
Africa joining BRIC for Better Africa”,
entretien avec M. Malcomson,
conseiller à l’ambassade d’Afrique
du Sud à Pékin, Forum on
China-Africa Relations (FOCAC),
23 mars 2011.
6. Le président russe Dimitri
Medvedev évoque l’intérêt et la
candidature sud-africaine lors du
sommet du G20 à Séoul en 2010,
“News Conference Following G20
Summit in Seoul”, 12 novembre 2010.
7. Pour une liste des différentes
visites présidentielles entrants et
sortants, voir www.dirco.gov.za
(rubrique « News and Events »).
8. “BRICS will Offer Huge
Opportunities for South Africa :
Zuma”, Hindustan Times, 12 avril
2011.
9. À titre d’exemple, les délégations
accompagnant les visites
présidentielles de Jacob Zuma en
Chine en août 2010 comportent
371 hommes d’affaires, et celle en
34 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
Inde en juin 2010 en comporte 226.
Cette participation est supérieure aux
213 hommes d’affaires lors de la
visite présidentielle au Royaume-Uni,
en mars 2010, qui est pourtant un
partenaire traditionnel de l’Afrique du
Sud (Grant, 2011).
10. BASIC regroupe le Brésil,
l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine.
11. “BRIC Becomes BRICS, but will
this Be Good for South Africa ?”,
Engineering News Online, 14 janvier
2011.
Afrique contemporaine 248
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exprimant sa volonté de rejoindre le groupe 5 , début d’un intense activisme
diplomatique et d’une campagne de lobbying auprès de ces quatre membres 6 .
Mobilisant à la fois les acteurs traditionnels de la diplomatie sud-africaine,
notamment le ministère des Affaires étrangères (DIRCO), le ministère du
Commerce et de l’Industrie (DTI), cette campagne de candidature auprès des
quatre autres émergents des BRICs est portée par le président sud-africain
Jacob Zuma qui entreprend une série de visites présidentielles dans ces pays
afin de promouvoir entre autres la candidature sud-africaine : au Brésil en
octobre 2009, en Inde en juin 2010, et simultanément en Chine et en Russie en
août 2010 7. Les interactions avec le Brésil et l’Inde dans le cadre du forum IBAS
permettent à l’Afrique du Sud de présenter sa candidature et ses motivations
auprès de ces deux émergents. Le double sommet des chefs d’État et de gouvernement IBAS-BRICs, qui a lieu le 15 avril 2010 à Brasilia, offre un cadre opportun supplémentaire pour l’Afrique du Sud, notamment le président sud-africain
et sa ministre des Affaires étrangères, pour la promotion de la candidature
sud-africaine auprès des différents représentants des BRICs, en particulier la
Chine et la Russie présents à la même occasion. La candidature sud-africaine
se base alors sur deux éléments clés : la nécessité d’une représentation politique de l’Afrique – l’Afrique du Sud se positionnant comme le candidat idéal
au vu de sa participation dans le G20 comme unique pays africain parmi les
États membres – et une posture de porte d’entrée économique, notamment en
terme d’investissements directs à l’étranger pour les entreprises multinationales des membres des BRICs 8 . L’Afrique du Sud se positionne alors comme
un acteur clé, voire incontournable, de la relation BRICs-Afrique. Des acteurs
non-étatiques participent également à cette campagne de lobbying, persuadés
des opportunités d’investissement, et notamment de joint-ventures, qu’elle présente : il s’agit notamment des confédérations d’entrepreneurs sud-africains,
comme la Business Unity South Africa (BUSA), créée en 2009, et qui dispose
d’un mandat spécifique de collaboration avec le ministère du Commerce et de
l’Industrie, mais également les importantes délégations d’hommes d’affaires
qui accompagnent ces visites présidentielles dans les pays des BRICs 9 . La participation de l’Afrique du Sud dans d’autres coalitions d’émergents, telle que la
coalition BASIC10 , en marge des négociations sur les changements climatiques
dès novembre 2009, lui offre un cadre préexistant pour mobiliser ces émergents en faveur de sa candidature. La campagne de la diplomatie sud-africaine
auprès des BRICs, des autres émergents, et de la Russie porte finalement ses
fruits et conduit en décembre 2010 à l’invitation de l’Afrique du Sud au troisième sommet BRICs à Sanya en 201111.
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L’adhésion de l’Afrique du Sud au BRICS est un succès diplomatique pour le
gouvernement Zuma. Les forums, comme IBAS ou BRICS, répondent à ses
priorités et intérêts de politique étrangère et permettent à l’Afrique du Sud de
se construire une identité d’émergent international au-delà de sa position de
puissance régionale établie dans sa sous-région immédiate. L’Afrique du Sud a
misé sur une diplomatie très active au niveau régional, mais également international, tout en se projetant comme le principal leader africain, porte-parole
du Sud, et comme pont entre le Nord et le Sud. Cette posture l’a amené à adopter une stratégie de puissance moyenne utilisant les coalitions et clubs diplomatiques comme levier d’inf luence politique, et les BRICS participent à cette
stratégie diplomatique. Faire partie de ces forums d’émergents permet ainsi
à l’Afrique du Sud de se projeter, ne serait-ce que symboliquement, comme la
principale puissance émergente africaine.
En dehors de ces deux usages principaux externes, l’activisme de
l’Afrique du Sud dans ces forums d’émergents sert également un usage interne
et notamment au niveau de la légitimation de la politique étrangère sudafricaine sous la présidence de Jacob Zuma : contrairement à son prédécesseur
Thabo Mbeki, qui a exercé des tâches importantes en tant que chargé de la
politique étrangère de l’ANC sous la période d’apartheid, Jacob Zuma n’a pas
cette expérience et est davantage considéré comme s’intéressant à la politique
intérieure (Landsberg, 2014). Alors que son prédécesseur Thabo Mbeki était
largement impliqué dans plusieurs initiatives majeures de politique étrangère,
notamment la restructuration de l’Union africaine, la création du NEPAD et
un rôle de médiateur dans plusieurs crises régionales africaines, par exemple
au Soudan et en Côte d’Ivoire. La politique étrangère sous le premier mandat
de Jacob Zuma ne fait pas preuve d’autant d’activisme. Faire entrer l’Afrique
du Sud dans les BRICS est donc une réussite personnelle pour Jacob Zuma
et sa ministre des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, et reste la
principale réussite de politique étrangère de son premier mandat présidentiel
(2009-2012) (Landsberg, 2012).
Agenda « africain » ou « sud-africain » ?
La rhétorique des dirigeants sud-africains assurant la promotion de l’Afrique
du Sud à une inclusion dans les BRICS s’est majoritairement portée au niveau
interne sur la promotion de l’agenda africain, pilier de la politique étrangère
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 35
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Un succès diplomatique pour le gouvernement Zuma
Une adhésion ponctuelle des États africains. Une fois intégrée au sein des
BRICs, l’Afrique du Sud est obligée de justifier sa participation vis-à-vis de ses
pairs africains, tant au niveau national que régional. Critiquée par plusieurs
franges de la société civile sud-africaine, notamment les universitaires (Dube,
Qobo, 2013), mais également certaines factions de l’ANC, comme la ligue de la
jeunesse de l’ANC, qui reprochent aux dirigeants sud-africains de s’être précipités dans leur volonté d’adhésion aux BRICs et de ne pas avoir suffisamment
évalué, ni associé les autres États africains dans cette entreprise (Shivambu,
2011). Le cinquième sommet des BRICS, qui s’est tenu à Durban en mars 2013,
constitue une épreuve pour l’Afrique du Sud qui organise alors son premier
sommet. L’Afrique du Sud en profite pour adresser les critiques quant à l’instrumentalisation de son agenda africain, en organisant les débats autour d’une
réunion sous forme de rencontre parallèle intitulée « BRICS en Afrique, un
partenariat pour le développement, l’intégration et la désindustrialisation13 »,
associant les dirigeants africains et des représentants des organisations régionales comme le NEPAD et l’Union africaine. Cette rencontre parallèle, qui se
tient le 27 mars 2013 en marge du sommet BRICS, rassemble les chefs d’État
12. “South African Minister on South
Africa joining BRIC for Better Africa”,
art. cité.
13. Traduit de l’anglais : “BRICS and
Africa. Partnership for Development,
Integration and Industrialisation”.
14. “The BRICS Leaders-Africa
Dialogue Forum Retreat”,
www.brics5.co.za.
15. Ibid.
16. “Russian Development Bank can
Be Ready by 2015”, Russian Times,
21 juillet 2013.
17. La banque des BRICS
prévoit de financer ces projets
à la fois dans les pays des BRICS,
les pays émergents et les
autres pays en développement.
Voir “Statement by BRICS
Leaders on the Establishment
36 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
of the BRICS-Led Development
Bank”, Durban, 27 mars 2013.
18. “BRICS Agree to Capitalize
Development Bank at $100bn”,
Russian Times, 5 septembre 2013.
19. “Durban Touted as Home of
BRICS Bank”, Business Report,
4 novembre 2013.
20. “Will the BRICS Development
Bank Settle in Shanghai?”, Financial
Research Center, Fudan University.
Afrique contemporaine 248
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sud-africaine, au sein des BRICS. L’Afrique du Sud se positionne clairement
comme un interlocuteur privilégié des émergents dans leurs rapports politiques avec les pays africains, prenant comme éléments de justification son
activisme dans la mise en place d’initiatives régionales sur le continent dont
le NEPAD ou encore l’Union africaine, mais également de sa place comme
unique pays africain dans le G20, là où d’autres continents comme l’Amérique
du Sud sont davantage représentés avec le Brésil et l’Argentine comme États
membres. Cette posture de porte-parole africain se base alors sur l’Afrique
du Sud comme « voix de l’Afrique », « représentative de l’Afrique », afin de
faire des BRICS une « organisation plus globalisée » et « représentative des
quatre continents » et permettre à l’Afrique du Sud « de mieux porter la voix
de l’Afrique »12 .
Cette position suscite un ensemble de crispations internes en Afrique du
Sud qui dénoncent l’adoption d’une posture de leader politique des États africains
sans discussions préalables avec ces États, qui ne voient pas nécessairement en
l’Afrique du Sud le leader politique des intérêts africains au niveau global, et
encore moins dans les plateformes comme les BRICS (Qobo, Soko, 2011).
et de gouvernement des BRICS, les présidents en exercice de l’Union africaine
(Bénin), de la Commission africaine (Afrique du Sud), et les présidents en exercice des huit différentes entités régionales africaines, ainsi qu’un représentant
de l’initiative du NEPAD pour le renforcement des infrastructures. Cette rencontre affiche comme objectif de renforcer les liens entre les BRICS et les pays
africains et est alors l’occasion d’annoncer l’intention des BRICS de fournir une
assistance technique aux États africains par le biais de l’Union africaine et du
NEPAD sous forme de projets de renforcement des capacités, un soutien à l’acDocument téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris - - 193.54.67.91 - 27/06/2014 00h10. © De Boeck Supérieur
des infrastructures14 .
La décision de l’Afrique du Sud d’associer les différentes entités régionales au sommet des BRICS est une manière de répondre aux critiques quant
à l’instrumentalisation d’une représentativité africaine au niveau interne et
de susciter une adhésion de ces organisations africaines au projet des BRICS.
Cette association demeure cependant ponctuelle et aucune indication n’existe
quant à sa répétition, voire son institutionnalisation, lors des prochains sommets, malgré une demande formulée par les États africains15 . On ne peut donc
pas considérer qu’il s’agit bel et bien d’une intégration durable des pays africains aux sommets des BRICS.
La banque de développement des BRICS : quelle marge de manœuvre
pour l’Afrique du Sud ? Une autre indication d’un engagement des BRICS
envers l’Afrique consiste en l’annonce et un consentement écrit lors du sommet de Durban de la création d’une banque de développement des BRICS dont
la majorité des financements seront à destination des pays africains et asiatiques. Le projet de création d’une banque de développement suscite également un ensemble d’interrogations. Prévu pour 2015, ce projet de création
de la banque des BRICS16 est présenté par l’Afrique du Sud comme étant un
moyen d’attirer davantage de sources de financement pour les projets d’infrastructure et de développement durable en Afrique17. Cependant, les marges
de manoeuvre de l’Afrique du Sud pour l’orientation du financement de la
banque risquent d’être faibles. Pour un montant initial de capitalisation fixé à
100 milliards de dollars, 41 milliards de dollars seraient placés par la Chine,
18 milliards de dollars respectivement par la Russie, l’Inde et le Brésil, et seulement 5 milliards de dollars pour l’Afrique du Sud18 . Dans le cas où le pourcentage de vote est lié à l’apport initial dans la capitalisation de la banque,
l’Afrique du Sud risque de se retrouver comme acteur minoritaire, réduisant
ainsi sa marge de manœuvre pour inf luer et peser sur le processus décisionnel. La volonté sud-africaine d’installer le siège de la banque des BRICS à
Durban19 concurrencent la volonté chinoise d’installer le siège à Shanghai 20 .
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 37
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cès aux technologies, des échanges de données et un appui au développement
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La place de pivot qu’entend adopter l’Afrique du Sud dans la relation BRICSAfrique pose un ensemble d’interrogations sur les bénéfices qu’elle en tire. Au
niveau économique, les bénéfices demeurent encore limités. L’inclusion de
l’Afrique du Sud dans les BRICS doit certes permettre à deux agences clés de la
diplomatie économique sud-africaine, notamment la banque de développement
d’Afrique australe (DBSA) et l’Industrial Development Corporation (IDC), de
créer des liens directs avec leurs équivalents dans les marchés des BRICS, permettant une levée de fonds collective et des partenariats financiers bilatéraux
entre ces entités. À titre d’exemple, IDC explore un ensemble de partenariats
de cofinancement avec la Banque nationale brésilienne de développement
(BNDES) 21. En dehors de ces opportunités de partenariat, la participation de
l’Afrique du Sud dans les BRICs et sa labellisation comme « porte d’entrée »
des émergents en Afrique posent un ensemble de défis de concurrence pour
l’économie sud-africaine. Le premier est celui de l’émergence d’autres marchés africains qui se positionnent également comme porte d’entrée en Afrique
et améliorent leurs régulations et infrastructures, afin d’attirer les investissements. La compétition des ports d’entrées pour les marchandises provient
désormais d’autres ports africains, notamment Maputo (Mozambique), Dares-Salaam (Tanzanie), Mombasa (Kenya) et Walvis Bay (Namibie), voire le
port de Dubai (Émirats arabes unis), pour redirection vers les pays d’Afrique
de l’Est, qui concurrencent directement le port de Durban dont les taxes élevées sur les produits et marchandises le rendent de moins en moins attractifs
(Games, 2012). Quant à l’aviation, la croissance des compagnies aériennes de
transport des personnes et marchandises provenant du Kenya (Kenya Airlines)
et d’Éthiopie (Ethiopian Airways) concurrence directement la compagnie
sud-africaine South African Airways qui, bien qu’elle dispose en 2012 du plus
important réseau de connexions intra-africaines, perd progressivement des
parts de marché face au développement des entreprises concurrentes amenant
les hommes d’affaires provenant des BRICS à opter pour ces autres compagnies. À titre d’exemple, les hommes d’affaires brésiliens opérant en Afrique de
l’Ouest empruntent davantage la connexion Rio de Janeiro-São Paulo-Lomé,
ouverte en juillet 2013 par la compagnie nationale éthiopienne Ethiopian
Airlines, qu’une autre passant par l’Afrique du Sud 22 .
Le deuxième défi est interne : les investisseurs étrangers montrent des
signes de lassitude face aux coûts croissants de la main-d’œuvre, le manque
d’expertise technique et les projets de nationalisation des mines évoqués par
le gouvernement de Jacob Zuma laissant entrevoir une intervention étatique
21. “BRICS to Set Up Trade Liaison
Group”, Buanews South Africa,
20 avril 2011.
22. “South Africa as Africa’s
Gateway. A Perspective from
Business”, art. cité.
23. Ibid.
24. “CADF Opens West African
Office in Ghana”, Bloomberg,
11 novembre 2011.
38 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
25. “Team 9 Opens a New Innings in
India-West Africa Relations”, The
Financial Express, 6 mars 2004.
Afrique contemporaine 248
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Un engagement gagnant-gagnant pour l’Afrique du Sud ?
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Tableau 2 – Une concurrence progressive par d’autres puissances
régionales africaines dans l’attraction des IDE mondiaux
Flux entrants d’investissement
étranger direct (par année, 2008-2012)
2008
2009
2010
2011
2012
Millions de dollars
Afrique du Sud
9 006
5 365
1 228
6 004
4 572
Ghana
1 220
2 897
2 527
3 248
3 295
Nigeria
8 249
8 650
6 099
8 915
7 029
Source : Base de données statistiques CNUCED (www.unctadstat.unctad.org).
La place de pivot économique de l’Afrique du Sud est aujourd’hui contestée 23 . Le Brésil, dans sa stratégie d’émergence globale, entretient un ensemble
de relations stratégiques avec les pays d’Afrique lusophone, portés à la fois sur
le renforcement des relations politiques et culturelles, mais également sur les
opportunités économiques qu’elle offre. Les entreprises brésiliennes optent
pour la ville de Luanda (Angola) comme porte d’entrée, présentant une compétition directe pour l’Afrique du Sud.
Le troisième défi est politique. Bien que certains émergents des BRICS
comme la Chine dans leur rhétorique présentent l’Afrique du Sud comme leur
principal interlocuteur dans leurs relations avec les autres États africains, une
primauté est donnée aux relations bilatérales, et les entreprises et dirigeants
politiques chinois gèrent leurs relations politiques directement depuis Pékin
avec les États africains. Le fonds de développement China-Africa Development
Fund, bien qu’initialement établi à Johannesburg, dispose désormais de
bureaux locaux en Éthiopie, au Ghana et en Zambie 24 . Chacun des membres
du groupe des BRICS dispose de ses propres plateformes politiques dans
les pays africains : c’est le cas du forum Chine-Afrique (FOCAC), du forum
Inde-Afrique et du programme Techno-Economic Approach for Africa-India
Movement (TEAM 9) regroupant l’Inde et neuf pays d’Afrique francophone 25 ,
et le Brésil entretient également ses relations africaines par le biais du forum
Afrique-Amérique du Sud initié et largement dirigé par le Brésil, ou encore de
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 39
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dans le monde des affaires en Afrique du Sud. Tout ceci amène de plus en plus
les investisseurs à opter pour d’autres marchés à forte croissance, notamment
le Nigeria et le Ghana, qui aspirent également à jouer ce rôle de porte d’entrée
pour les investissements étrangers provenant des BRICS en Afrique en facilitant leurs régulations internes pour les rendre favorables aux investissements.
L’Afrique du Sud, hub maritime entre l’Asie et l’Afrique australe
Équateur
RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
ANGOLA
ZAMBIE
ZIMBABWE
Ports de commerce
Flux de marchandises
NAMIBIE
Union douanière de
l’Afrique australe
(SACU)
Communauté de
développement de
l’Afrique australe
(SADC)
1 000 km
océan
Indien
MALAWI
MOZAMBIQUE
MADAGASCAR
MAURICE
BOTSWANA
SWAZILAND
Richards Bay
Le Cap
AFRIQUE
DU SUD
Durban
LESOTHO
Port Elizabeth
Flux commerciaux
venant d’Asie
De part sa position géographique stratégique à la pointe s u d de l’Afrique, l’Afrique du Sud se situe à la croisée des
routes maritimes commerciales internationales venant d’Asie. Le port de Durban, avec 2,6 millions d’EVP qui transitent par
an, est le premier port d’Afrique. La position de hub de l’Afrique du Sud dans la circulation des marchandises venant de
l’extérieur, et de l’Asie en particulier, sert également de plate-forme d’échanges de flux en direction de l’hinterland de
l’Afrique australe.
Sources : F. Folio et al. (2001), L'Espace géographique, Paris, Belin ; www.sacu.int ; www.sadc.int., « Annual Report
2012/2013 », National Department of Transport, Republic of South Africa ; « L'Afrique du Sud voit grand pour le port de
Durban », Jeune Afrique, 29 mars 2013.
la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) où le Brésil entretient
des relations avec les pays d’Afrique lusophone. La Russie repense sa stratégie
de pénétration économique et politique en Afrique après l’affaiblissement des
liens entretenus avec plusieurs États africains pendant la période de la guerre
froide. En 2009, le président russe Dimitri Medvedev a effectué des visites présidentielles en Égypte, au Nigeria, en Namibie, en Angola et est à chaque fois
accompagné d’importantes délégations d’hommes d’affaires (Arkhangelskaya,
Shubin, 2013).
L’affirmation de la relation BRICS-Afrique est-elle une stratégie
gagnante pour l’Afrique du Sud ? En s’affichant comme porte d’entrée en
Afrique, les intérêts sud-africains en Afrique se trouvent concurrencés par
ceux des BRICS et notamment de la Chine : les entreprises chinoises ravissent
26. “South Africa’s Presence Drags
Down the BRICS – Jim O’Neill”, Mail
and Guardian, 23 mars 2012.
27. “Africa Investment. South Africa,
the Tiny BRIC in the Wall”, Reuters,
21 mars 2013.
40 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
Afrique contemporaine 248
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océan
Atlantique
Afrique contemporaine. Réalisation : Cyrille Suss, 09/2012, actualisation Édigraphie, 03/2014.
SEYCHELLES
TANZANIE
Les limites d’une représentativité auto-accordée
Sa posture adoptée de porte-parole des préoccupations africaines a certaines
limites pour l’Afrique du Sud. Elle est considérée comme « intrus » dans les
BRICS : son faible PIB amène plusieurs analystes à remettre en cause la légitimité de l’Afrique du Sud à faire partie de ce club diplomatique dont l’acronyme est avant tout basé sur des performances économiques. L’économiste Jim
O’Neill, fondateur de l’acronyme BRIC, estime par exemple que l’économie sudafricaine est trop faible en comparaison aux autres BRICs et ne présente pas des
similarités avec ces derniers ; il estime également que l’Afrique du Sud affaiblit
le groupe et que d’autres émergents comme la Turquie, le Mexique, l’Indonésie
ou encore la Corée du Sud seraient plus légitimes dans ce groupement 26 . La
capacité limitée de l’Afrique du Sud à apporter des financements aux initiatives
financières des BRICS, notamment les réserves de change et la banque de développement, au vu de ses limitations économiques, est également vue comme un
facteur freinant pour les initiatives du groupement 27. L’inclusion de l’Afrique
du Sud dans les BRICS est alors considérée par nombre d’analystes, notamment
sud-africains, comme portant atteinte à l’image de l’Afrique du Sud et comme
dégradant sa politique étrangère (Qobo, Soko, 2011).
La fonction politique de représentation des intérêts africains entraîne
paradoxalement une isolation progressive de l’Afrique du Sud auprès de ses
pairs régionaux qui ne reconnaissent pas automatiquement le leadership politique sud-africain et considèrent que l’initiative sud-africaine est avant tout
motivée par des intérêts individuels (Mokoena, 2007). C’est le cas dès 2003
après que Thabo Mbeki a préféré assister à la prise de fonctions du président
brésilien Lula da Silva au lieu de celle du président mozambicain qui avait lieu à
la même date (Soulé-Kohndou, 2010). Cette remise en cause du leadership sudafricain est visible dans les grandes négociations internationales où l’Afrique
du Sud propose d’adopter une posture de porte-voix de l’Afrique, comme par
exemple dans les négociations internationales sur le climat à Copenhague. Les
positions sud-africaines se rapprochent davantage de celle du Brésil, de l’Inde
et de la Chine dans les BASIC que de celle des autres pays africains : l’Afrique
L’Afrique du Sud dans la relation BRICS-Afrique 41
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d’importants marchés à l’Afrique du Sud, d’une part, en Afrique australe (voir
carte page 40), mais également en Afrique subsaharienne, notamment dans le
domaine des infrastructures, mais également des mines, produits manufacturés et textiles, faisant perdre des parts de marché à l’Afrique du Sud (Vieira,
Alden, 2011). Les BRICS profitent de l’inclusion de l’Afrique du Sud car elle permet de conférer au club diplomatique un caractère plus global avec une représentation de différents continents. L’association ponctuelle des chefs d’État et
représentant des organisations régionales africaines offre également un cadre
supplémentaire sous forme de plateforme pour le renforcement des relations
bilatérales entre les BRICS et l’Afrique, érodant progressivement le statut de
représentant de l’Afrique que cherche à adopter l’Afrique du Sud dans les BRICS.
du Sud fait partie des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre en
Afrique et est sur une position plus défensive envers des engagements contraignants que ne le sont d’autres pays africains qui émettent moins (Qi, 2011).
Conclusion
L’adhésion de l’Afrique du Sud aux BRICS est considéré comme un succès pour
la diplomatie sud-africaine et lui permet d’adopter un rôle de pivot dans la
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tique étrangère de se positionner comme un interlocuteur africain de premier
choix sur la scène internationale. Cette adhésion sert davantage les intérêts de
l’Afrique du Sud que celle de l’Afrique. Bien que présentée dans la rhétorique
des dirigeants sud-africains comme une opportunité de promouvoir les intérêts
africains, elle permet davantage à l’Afrique du Sud d’attirer l’attention internationale en s’associant avec les grands émergents, malgré une taille et un poids
économique plus réduits. Alors que les autres BRICS interviennent en leur nom
propre, et non comme représentants de leurs continents et sous-continents respectifs, des interrogations demeurent quant à la capacité de l’Afrique du Sud
à porter ses intérêts de politique étrangère dans les BRICS, sans s’arroger une
représentativité africaine sujette à caution.
42 Les BRICS en Afrique, ambitions et réalités
Afrique contemporaine 248
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relation BRICS-Afrique. Ce positionnement participe à son objectif de poli-
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Bibliographie