De la simulation de construction collective à la détection de

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De la simulation de construction collective à la détection de
De la simulation de construction collective à la
détection de régions dans des images à
niveaux de gris : l’inspiration des araignées
sociales.
Christine Bourjot, Vincent Chevrier.
LORIA,UMR 7503
BP 239, 54506 Vandoeuvre Cedex
{bourjot ; chevrier}@loria.fr
RESUME. Les phénomènes collectifs en biologie sont une source d’inspiration pour proposer
des méthodes multi-agents de résolution de problèmes. Ils permettent l‘élaboration de
comportements individuels simples produisant collectivement des phénomènes complexes. Cet
article expose la démarche de transposition que nous avons suivie pour passer d’un modèle
de simulation à un modèle de résolution. Le cadre biologique initial concerne un processus
de construction collective de toile chez les araignées sociales. Sa transposition concerne la
détection de régions dans des images à niveau de gris.
ABSTRACT. Collective phenomena in biology can be a source of inspiration to propose multiagents methods in problem solving. They allow the design of individual behavior that are
simple and that produce collectively complex phenomena. This article presents the process we
followed to transpose a simulation model to a problem solving one. The initial biological
context is the web building in social spider species. Its transposition deals with region
detection in grey level images.
MOTS CLES :système multi-agent réactif, inspiration biologique, détection de régions
KEYWORDS : reactive multi-agent systems, biological inspiration, region detection.
2
1. Introduction
L'une des difficultés au sein des systèmes multi-agents réactifs destinés à
effectuer de la résolution collective de problème est de concevoir des formes
d'interaction entre les agents et leur environnement qui permettent l'observation de
propriétés collectives complexes. Cette démarche est d’autant plus difficile que le
comportement individuel est simple au regard de la complexité du phénomène
collectif, autrement dit que les comportements individuels sont exprimés à un niveau
d’abstraction différent de celui permettant d’exprimer le phénomène collectif.
L'étude des modèles sociaux biologiques est alors une manière d'aborder la
résolution de tels problèmes par une approche décentralisée privilégiant un
comportement individuel et fournissant des mécanismes robustes, adaptatifs et
simples. Cette étude passe dans un premier temps par la formulation de différentes
hypothèses de comportement qui peuvent être évaluées par la simulation.
L’utilisation de modèles multi-agents s’y révèlent pertinente comme par exemple
[DRO93] au sujet de la modélisation d'une colonie de fourmis, ou [LEP97] au sujet
de la simulation de la dynamique des peuplements piscicoles.
Ensuite, la connaissance de l'organisation de ces sociétés peut être exploitée pour
l'élaboration de modèles multi-agents ou de systèmes multi-agents à des fins de
résolution collective de problèmes [BON99, DRO95, DUR98, FER90, FEN98],
même si certains travaux ou modèles font recours à des métaphores biologiques
vagues. L’objectif étant, in fine, de construire une (méta)heuristique de résolution
efficace.
Cet article se situe dans cette approche d’inspiration biologique pour la
résolution collective de problème. Il décrit comment, dans une collaboration
pluridisciplinaire avec des biologistes du comportement, nous avons simulé les
mécanismes de construction de toile chez les araignées sociales [BOU99,BOU01],
puis transposé le modèle comportemental pour l’appliquer à la détection de régions
dans des images à niveaux de gris. L’emploi d’un modèle multi-agents lors de nos
simulations a favorisé la démarche de transposition dans la mesure où nous avons
conservé les règles de fonctionnement individuel et la dynamique du système mais
changé leur environnement.
2. Travaux connexes
La résolution collective de problème se préoccupe de développer des systèmes
d’agents « simples » capables de résoudre collectivement un problème complexe ;
par exemple construire un chemin reliant tous les nœuds d’un graphe et dont la
longueur est minimale (problème dit du voyageur de commerce ou TSP).
La question principale qui se pose alors est de déterminer le système de
représentation de l’environnement les comportements individuels, et la dynamique
qui va régir le fonctionnement du système afin qu’il produise une réponse au
problème qui lui est posé.
Plusieurs modèles inspirés des insectes sociaux ont déjà été élaborés et utilisés
pour effectuer de la résolution de problème.
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Une métaphore largement utilisée actuellement est celle du fourragement des
fourmis. Ainsi, l’étude et la compréhension des mécanismes d’interaction par
phéromones dans le cas des fourmis et des phénomènes d’auto-organisation dans ces
sociétés [DEU87, DEU89] ont déjà permis l’élaboration de nouvelles méthodes de
résolution de problèmes avec des applications dans le domaine de l’optimisation
(TSP par exemple) et du contrôle distribué (routage d’information dans un réseau
informatique, équilibrage de charge dans un réseau de stations de travail) au travers
du développement d’une famille d’algorithmes [DOR96]. Par ailleurs diverses
transpositions du comportement des fourmis ont également été faites : tri collectif,
transport coopératif, etc. [BON99].
D’autres modèles biologiques (nuages d’oiseaux ou bancs de poissons) ont
également été source d’inspiration et utilisés pour mettre en place des
comportements de déplacement en formation dans l’animation vidéo par exemple
[REY87, TU94]. Citons également, le modèle d’éco-résolution [FER90, BUR91]
qui permet une résolution distribuée fondée sur les interactions entre agents en
s’inspirant des équilibres entre écosystèmes naturels. Un aménagement de ce modèle
a été utilisé dans [DUR98] pour un problème d’affectation quadratique.
L’intérêt de ces modèles (ou de ces inspirations) biologiques est qu’ils apportent
des réponses « simples » quant au développement de systèmes multi-agents pour la
résolution collective de problèmes. Cependant, cette inspiration est parfois de l’ordre
de la simple métaphore plutôt que du niveau d’un algorithme comportemental précis
et relativement formalisé. Toutefois cela n’enlève rien à l’aide conceptuelle que cela
apporte pour modéliser la résolution d’un problème.
A notre connaissance, les modèles sociaux biologiques ayant inspirés le
développement d’algorithmes pour la résolution collective de problème sont
principalement ceux des fourmis ; le modèle des araignées sociales ne l’ayant jamais
été. Ce dernier possède quelques caractéristiques présentées en partie dans [BOU99]
et plus en détail dans [SAF97] qui le distinguent suffisamment tant au niveau des
tâches réalisées, que de l’organisation de la société et des supports de
communication, pour justifier cette démarche.
Concernant le traitement d’image par une approche multi-agents, des travaux ont
utilisé cette approche comme un cadre d’intégration de différents composants
nécessaires au traitement d’image qui assure leur coopération pour fournir un
résultat [BOI94]. D’autres travaux considèrent l’image comme l’environnement
dans lequel évoluent des agents. Dans [RAM00] le comportement est inspiré des
fourmis pour détecter des contours. Dans [LIU99] il est inspiré des automates
cellulaires et différentes catégories d’agents associée chacune à une région explorent
l’image et marquent les pixels lorsqu’ils appartiennent à la région correspondant.
3. Modèle comportemental de construction chez les araignées sociales
Nous reprenons ici quelques généralités concernant les araignées sociales et la
modélisation que nous avons faite du phénomène de construction.
4
3.1. Les araignées sociales
Il existe une quinzaine d’espèces d’araignées sociales sur les quelques milliers
d’espèces d’araignées au monde. Anelosimus eximius est une espèce d’araignée
sociale que l’on trouve en Guyane Française. Les individus vivent ensemble,
partagent la même toile et coopèrent dans différentes activités telles que s’occuper
des cocons, tisser, nourrir les petits, capturer des proies et les transporter. Sur la
toile, les individus sont rassemblés en petits amas sous les feuilles incluses dans le
réseau et répartis sur l'
ensemble de la structure soyeuse.
Ces araignées effectuent collectivement des activités particulièrement
impressionnantes : construction collective, prise de décision collective lors du
transport de proie, synchronisation et coordination lors de la prédation. Nous ne
retenons dans ce document que la construction commune du piège.
Les araignées sociales de Guyane, qui ne mesurent que 5mm, construisent des
édifices soyeux dépassant souvent 100 m3 de volume (les dimensions extrêmes
s’étendent de 1 litre à 1200 m3). Ces constructions collectives sont non géométriques
mais respectent des « règles architecturales » malgré la diversité du milieu dans
lequel elles sont construites. Les toiles sont constituées d'
un hamac surmonté d'
un
réseau tridimensionnel de fils. Dans les parties inférieures du réseau, les feuilles des
supports végétaux servent d'
abris aux araignées.
L’hypothèse des biologistes est que les araignées sociales présentent, tout
comme les insectes sociaux, des processus stigmergiques : le comportement d’un
individu est influencé par le résultat des actions passées des autres individus. Ces
derniers ne nécessiteraient pas une modification des caractéristiques de l’animal
social par rapport à l’animal solitaire, au moins en ce qui concerne la construction
des structures soyeuses. Nous avons donc modélisé puis simulé ce comportement.
3.2. Modèle de comportement de construction
Nous décrivons ici le modèle comportemental qui a été utilisé pour les
simulations informatiques en termes d’environnement ; d’agents et leur
comportement ; et de dynamique du système. De plus amples détails pourront être
trouvés [BOU01], nous synthétisons ici les éléments caractéristiques à partir
desquels nous avons effectué la transposition.
- L’environnement
C’est une grille carrée où chaque case correspond à un piquet, ceux-ci pouvant
être de hauteurs différentes et représentant les aspérités du support végétal. Les
piquets peuvent être reliés entre eux par des fils de soie toujours fixés en leur
sommet. Il est à souligner que la hauteur des piquets n’est pas exploitée dans le
comportement pour la simulation (la 3D est uniquement exploitée pour la
visualisation).
- Les agents et leur comportement
Les agent correspondent aux araignées. Ils sont décrits par deux items
comportementaux pouvant chacun être effectué lors d’un cycle de simulation : le
déplacement et la pose d’un fil. L’araignée se déplace en laissant toujours derrière
elle un fil qui est fixé de manière aléatoire. Lorsqu’il est fixé, le fil correspond au
plus court segment entre le dernier piquet de pose et celui courant. Pour se déplacer
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5
à partir d’un piquet donné, une araignée a 3 choix possibles (non mutuellement
exclusif):
i) aller sur un piquet adjacent ;
ii) aller sur un piquet en suivant un fil qu’elle a elle-même tissé ;
iii) aller sur un piquet en suivant un fil tissé par l’un de ses congénères.
Nous associons à chacun de ces choix une pondération : constante en ce qui
concerne les piquets adjacents, paramétrée pour les deux derniers par respectivement
ce que nous appelons coefficient d’attraction pour sa soie et coefficient d’attraction
pour la soie des autres. Chaque piquet accessible est alors pondéré relativement aux
manières d’y accéder, ce poids une fois normalisé fournit la probabilité pour
l’araignée d’accéder à cette case.
- La dynamique du système
Elle est construite sur un principe stigmergique : les comportements des agents
ont des effets sur l’environnement (pose de fils), en retour le comportement est
influencé par le contexte de l’agent : plus il y a de fils vers une position donnée, plus
cette position a des chances d’être choisie. Ainsi, les agents sont piégés par leur soie
relativement à l’attraction qu’elle exerce.
4. Transposition à la détection de région
Nous détaillons maintenant comment nous avons transposé le modèle précédent
pour l’utiliser dans un problème de détection de régions dans des images à niveaux
de gris. Une région correspond à un ensemble de points contigus ayant des
propriétés homogènes. Notre critère de sélection concerne un même niveau de gris.
4.1. Propriétés du modèle de construction
Les propriétés de ce modèle sont un nombre réduit d’items comportementaux,
une perception limitée, un mécanisme de sélection d’action probabiliste, l’absence
d’état interne et l’absence de représentation des autres agents. L’interaction
s’effectue de manière indirecte via l’environnement et ce dernier permet de
structurer l’activité des agents pour construire une toile respectant certaines
propriétés.
La simulation de construction met en évidence le rôle essentiel joué par le
coefficient d’attraction pour la soie : il conditionne la taille de la toile construite. S’il
est faible, une grande partie de l’environnement est explorée, la finitude de la toile
est mal assurée ; s’il est fort, la toile est dense, bien finie, de dimension restreinte.
S’il est trop fort, il empêche plusieurs araignées de tisser une seule et même toile et
conduit à plusieurs toiles disjointes. L’attraction pour la soie restreint l’exploration.
Le modèle comportemental de construction peut être considéré comme un
mécanisme particulier d’exploration collective d’un espace : la toile est alors vue
comme le résultat d’un mécanisme d’agrégation selon un critère topologique (la
proximité) et est caractérisée localement par la densité de soie.
4.2. Principe du modèle transposé
L’utilisation d’un modèle multi-agent pour la simulation fait que nous disposons
déjà d’une description en terme d’environnement, d’agent et de dynamique. Le
modèle transposé s’obtient facilement en transposant chacun de ces éléments au
6
problème considéré tout en conservant le rôle joué par la soie. Le principe de
transposition suivi consiste à conserver au maximum ces éléments, à en adapter
certains au problème posé, et éventuellement ajouter de nouveaux items
comportementaux pour améliorer l’efficacité du système transposé. Dans notre cas,
l’environnement représente une image, nous adaptons la pose d’un fil en la
conditionnant selon la hauteur du piquet courant, et ajoutons un nouvel item
comportemental. En terme de résultat, la toile devient alors l’agrégation des piquets
ayant une propriété commune relative à la hauteur du piquet.
- L’environnement
L’environnement est un carré de NxN piquets dans lequel évoluent les araignées
et correspond à l’image à analyser (figure 1a). Un piquet correspond à un ou
plusieurs pixels de l’image d’origine, selon l’échantillonnage réalisé. La hauteur
d’un piquet correspond au niveau de gris du ou des pixels correspondants (figure
1b). Il peut donc y avoir 256 hauteurs différentes. Initialement, il n’y a pas de fils
dans l’environnement, ils apparaîtront au fur et à mesure du déplacement des
araignées.
- Les agents et leur comportement
Les items comportementaux d’une araignée sont le déplacement, la pose d’un fil
et, en plus, un comportement de retour sur la toile. L’araignée est dotée d’un état
interne pour permettre une pose contextuelle.
Le comportement de déplacement est le même que précédemment hormis l’ajout
d’un rayon de perception (qui était implicitement de 1 dans la simulation) qui
permet de passer de la notion d’adjacence à celle de voisinage, plus large.
La pose d’un fil est maintenant contextuelle. L’action dépend, de manière
probabiliste de la hauteur du piquet (le niveau de gris du pixel) par rapport à une
hauteur de référence : plus la hauteur du piquet courant est proche de la hauteur de
référence, plus il y a de chance de poser un fil. Cette proximité est paramétrable et
permet ainsi de définir la sélectivité de la pose. La hauteur de référence est un état
interne de l’agent qui peut être soit la hauteur du piquet initial, soit la hauteur du
dernier piquet filé ou soit la moyenne des hauteurs des 5 derniers piquets filés.
Le comportement de retour sur la toile n’apparaissait pas dans les simulations. Il
a été introduit afin que l’araignée ne parcourt pas l’intégralité de l’image et ne tisse
toutes les régions ayant le même niveau de gris. L’introduction de cet item pourrait1
se justifier par l’existence chez certaines araignées, d’un comportement dit
de «homing» qui correspond à un retour, à intervalle de temps relativement régulier,
à une zone de la toile : le nid. Nous nous en sommes inspirés pour ce comportement
de retour. Il correspond à la probabilité de revenir sur le dernier piquet filé et
intervient lorsque l’araignée n’a pas fixé son fil sur le piquet courant. Plus cette
probabilité se rapproche de 1, plus l’araignée restera cantonnée dans une région
donnée.
1
Nous utilisons un conditionnel car cet aspect n’est pas encore validé d’un point
vue biologique.
De la simulation de construction collective à la détection de régions
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- La dynamique du système
Elle est la même que dans le cas de la simulation et est de type stigmergique.
Nous avons accentué ce phénomène de piégage par la soie par le comportement de
retour sur la toile.
Ce processus construit des toiles que nous interprétons comme des régions de
l’image. Lors de la simulation de construction, la notion de toile s’évaluait au travers
de la densité de fil par unité de surface. Ici, nous avons utilisé comme mesure le
nombre de fils fixés par piquets, la densité de fils par unité de surface n’étant plus
significative. Cela sera illustré au travers des figures 1c, 2 et 3.
5. Premiers résultats expérimentaux
Nous avons complété le simulateur de construction dont nous disposions pour
qu’il intègre les spécifications relatives à la détection de régions.
5.1. Expérimentations
Dans un premier temps, nous avons entrepris des expérimentations ayant pour
objet de vérifier la démarche en appliquant l’algorithme transposé à différentes
images. C’est ce que nous présentons ici.
Il s’agit d’étudier l’influence des différents paramètres sur les résultats afin
d’obtenir un processus capable de déterminer effectivement des régions. En cela le
comportement du processus est défini par la donnée des paramètres qui déterminent
les comportements des agents, à savoir :
- Comportement exploratoire : coefficient d’attraction pour sa soie,
coefficient d’attraction pour la soie des autres araignées, rayon de
perception, probabilité de retour sur la toile.
- Comportement de sélection : sélectivité de la pose, type de hauteur de
référence choisie.
Figure 1a
2
Figure 1b
Figure2 1c
Cette figure est une capture d’écran couleur retouchée afin que la toile soit
visible (les fils apparaissent en noir, l’image est atténuée).
8
Pour expérimenter l’approche, nous avons utilisé à la fois des images construites
via des éditeurs et possédant des propriétés particulières (dégradé en forme de
cratère, figure 1a) et des images réelles (figures 4 et 5). Nous avons essayé
différentes valeurs de paramètres sur ces différentes images.
Les expérimentations ont consisté, à partir d’une image, à déterminer le nombre
d’araignée, les paramètres qui les régissent et la position initiale de chacune ; puis à
laisser le système s’exécuter sur un certain nombre de pas de temps. Le logiciel
permet ensuite de visualiser les toiles construites par les différentes araignées et de
calculer la densité de soie sur chaque piquet.
La figure 1a montre une image « artificielle » (donut), l’image 1b correspond à
l’environnement virtuel lui correspondant après échantillonnage. L’image 1c montre
un exemple de toile tissée par 1 araignée en 50000 déplacements. Le piquet de
départ détermine la région à détecter, ici, il s’agit de l’anneau. A partir de cette toile,
nous pouvons calculer la densité de fil.
Figure 2
Figure 3
Les figures 2 et 3 illustrent deux manières différentes de calculer la densité à
partir de la figure 1c, et donc de déterminer les régions. La figure 2 reprend la
densité utilisée pour la construction (nombre de fils par unité de surface), la figure 3
utilise un calcul plus adapté (nombre de fils par piquet). Ces figures correspondent
aux résultats du logiciel qui affiche la densité sous forme d’un dégradé de couleur.
La figure 3 montre la région extraite, bien délimitée. La figure 2 détecte également
l’anneau avec une densité moins homogène mais introduit des éléments
parasites dans le disque central.
De la simulation de construction collective à la détection de régions
Figure 4
9
Figure 5
Les figures 4 et 5 illustrent l’utilisation de la méthode sur des images réelles. La
figure 4 fait apparaître en blanc3 la toile construite par trois araignées dans la
chevelure. La figure 54 montre le résultat, sous forme de niveaux de densité (le blanc
indiquant une forte densité), de l’algorithme sur une mire. La région à détecter est le
fond de la mire. Dans les deux cas, nous observons que la région n’est pas
complètement détectée.
5.2. Remarques concernant les résultats obtenus
Tout d’abord, les résultats obtenus sont encourageants dans la mesure où sur
toutes les images essayées, nous avons été capables d’extraire quelques régions.
Les meilleurs résultats ont été obtenus lorsque la hauteur de référence était la
hauteur initiale. Nous nous sommes servis de cet aspect pour spécifier
graphiquement le point de départ de chaque araignée forçant ainsi la région à
détecter.
Cependant, il est encore difficile de détecter l’intégralité de la région dans
certains cas et, en l’état il n’est pas envisageable de détecter toutes les régions d’une
image (l’utilisateur doit choisir autant d’ensemble de valeurs qu’il y a de régions à
détecter).
Enfin, il reste nécessaire d’ajuster expérimentalement les paramètres pour
obtenir des résultats satisfaisants notamment la sélectivité de la pose, le nombre de
cycle (il est difficile de savoir quand une région est détectée).
C’est ainsi que certaines heuristiques de choix des valeurs des paramètres ont été
dégagées, comme par exemple :
3
Le logiciel visualise les toiles tissées selon trois couleurs différentes. Pour des
raisons de visibilité, nous avons retouché l’image pour que les toiles apparaissent en
blanc.
4
Ici encore, pour faciliter la visualisation nous avons retouché la capture d’écran.
10
Si la région à découvrir est peu contrastée, il faut une sélectivité importante et
une probabilité de retour sur la toile proche de 1. Si elle est très contrastée (c’est une
zone bien distincte de l’image) : une faible sélectivité de pose suffit. Si la région est
contiguë à une autre avec un faible contraste, il faut adapter la probabilité de retour
sur la toile. Pour couvrir une grande région, il est nécessaire d’augmenter le nombre
d’araignées sur la région.
6. Conclusion et perspectives
Nous avons décrit ici comment, à partir de la simulation d’un phénomène de
construction collective, nous l’avons transposé pour effectuer la détection de régions
dans des images à niveau de gris.
Notre démarche a consisté à transposer chacun des éléments constitutifs du
modèle biologique simulé avec le minimum d’adaptation afin de conserver les
propriétés du modèle d’origine (simplicité des comportements, décision
probabiliste). Nous avons cependant pour des raisons d’efficacité introduit un
nouvel item comportemental.
Si l’algorithme fournit effectivement des résultats satisfaisant avec des images
relativement variées, son principal défaut est qu’il est nécessaire de déterminer
expérimentalement les valeurs de paramètres conduisant aux meilleurs résultats.
Ce travail constitue un premier pas et doit donc se poursuivre. Pour cela nous
envisageons plusieurs perspectives.
D’un point de vue applicatif, nous ne sommes capables que de détecter quelques
régions (et parfois partiellement). Il faut donc compléter cette approche pour
détecter toutes les régions d’une image sans avoir à fixer les paramètres
manuellement. De plus, il faut évaluer les résultats en les comparant avec d’autres
méthodes de traitement d’images. Ce travail est en cours.
Au niveau du modèle, certains aspects ne sont pas exploités. La distinction des
soies selon les individus peut être utilisée pour fusionner ou différencier des
régions : deux toiles se recouvrant complètement pourront correspondre à une même
région, deux toiles distinctes à deux régions différentes ; enfin pour un piquet
appartenant à plusieurs toiles qui se chevauchent, les densités respectives des soies
mesurent la probabilité d’appartenance du piquet à ces régions.
A plus long terme, il peut s’agir également d’améliorer ce modèle pour permettre
une adaptation des paramètres aux caractéristiques de l’image à traiter. Nous
envisageons ces travaux en revenant à des considérations biologiques telles que la
spécialisation/différentiation.
7. Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier pour leur contribution à ce travail Bertrand
Krafft, Alexandre Bernard pour l’obtention du modèle biologique dans le cadre du
projet « Agrégation, synchronisation et coopération dans les systèmes multi-agents
naturels et artificiels » du G.I.S. Sciences de la Cognition « Apports mutuels de la
Cognition naturelle et de la Cognition artificielle » ; Anne Chevreux pour le
développement du logiciel de détection de régions, et Alain Dutech.
De la simulation de construction collective à la détection de régions 11
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