Paul Evans, brutaliste sophistiqué

Transcription

Paul Evans, brutaliste sophistiqué
Créateur
Paul Evans,
brutaliste
sophistiqué
Fortes, brutes, voire brutales,
ses créations fascinent par
leur singularité et leur beauté.
Retour sur le parcours
d’un designer inclassable.
P a r P at r i c k R e my .
1. Paul Evans,
photographié vers 1960.
2. Cabinet de
la série Cityscape.
3. Table basse
avec piétement sculpté
en métal recouvert
de résine et poudre
de bronze, plateau
en ardoise.
2
3
du cuivre et des portes sculptées en acier.
La fusion des métaux commence !
Paul Evans détonne ; là où les autres créateurs
n’utilisent que des matériaux organiques – bois,
pierre, argile –, lui préfère l’or, le cuivre,
l’étain, l’argent, qu’il décide de marier. Un
travail long, qui nécessite des fours à différents
degrés de cuisson, le chalumeau… sans oublier
ymbole de modernité aux
le bon vieux marteau. Nom de sa première
États-Unis dès les années
Retour sur ce créateur multiple, entre art,
collection : Brutal.
artisanat et production industrielle.
Tables, lampes, buffets, cabinets, fauteuils,
1960, le designer américain
Paul Evans est pourtant
Les babas de New Hope
tabourets… chaque meuble est pensé d’abord
resté longtemps inconnu en En 1955, Paul Evans, 24 ans, vient de terminer comme une sculpture, ensuite comme
un objet utilitaire. Sa technique la plus
Europe. C’est l’antiquaire
des études de sculpture et d’orfèvrerie et
Patrick Fourtin qui lui a
pose ses valises à New Hope, en Pennsylvanie, commune est celle du bronze « sculpté »: il crée
un meuble classique avec une structure
consacré une première
État peuplé d’intellos et de babas cool chics.
exposition en France en 2004. Aujourd’hui,
C’est le sculpteur sur bois Wharton Esheric qui en bois recouverte de résine qu’il modèle à
il est collectionné par Lenny Kravitz ou Elton
a été le premier à s’installer là, suivi par toute sa guise, avant d’y projeter du bronze.
John mais aussi par des Européens, en général une communauté d’artistes. Paul Evans a pour Pièces uniques et grandes séries
d’importants amateurs d’art contemporain.
voisins George Nakashima et Wendell Castle, Vite, il va avoir une stratégie de distribution que
célèbres pour leurs meubles originaux en bois. ne renieraient pas les designers d’aujourd’hui,
Evans commence, lui, à créer des meubles avec réalisant dans son atelier de New Hope des ��D
48 | novembre 2011
S
Por trait : D orsey R eading . P hotos : C hahan G aller y (1) ; C our tesy W right (1).
1
Créateur
pièces uniques à la commande, signées et datées
comme des œuvres d’art, et faisant produire en usine
des séries par la société DFC (Directional Furniture
Company), distributeur exclusif de ses créations aux
États-Unis. Une production industrielle mais polie
à la main et que Paul Evans, toujours perfectionniste,
inspecte pièce par pièce à leur sortie d’usine. *
Où trouver les meubles de Paul Evans ?
Chahan Gallery, 11, rue de Lille, 75007 Paris,
tél. : 01 47 03 47 00.
Galerie Patrick Fourtin, 9, rue des Bons-Enfants,
75001 Paris, tél. : 01 42 60 12 63.
Galerie Yves Gastou, 12, rue Bonaparte, 75006
Paris, tél. : 01 53 73 00 10.
Sebastian + Barquet, 544 West 24th Street,
et 601 West 26th Street, New York 10011.
www.sebastianbarquet.com Todd Merrill Antiques, 65 Bleecker Street,
New York 10012. www.merrillantiques.com
Aussi, le moteur de recherche www.1stdibs.com
Les grandes lignes de Paul Evans
La série Ecailles de poisson. Cette
dénomination concerne ses premières
tables avec plateau en ardoise, au bord
naturellement fissuré ou ceinturé
de noyer. Paul Evans passa ensuite à l’acier
soudé, peint, travaillé aux lavis chimiques
ou recouvert de feuille d’or, avec
de larges formes géométriques. Ce sont
ces deux techniques qu’il présenta à son
distributeur DFC avec succès, dès 1964.
Les tables Sculpted Bronze qui suivirent,
avec plateau de verre, d’ardoise, de
palissandre ou de noyer, et pieds en
forme d’arche, de cube ou de stalagmites,
défrayèrent la chronique.
La collection Cityscape, sans doute
la plus connue, évoque les gratte-ciel
et fut conçue en réaction au travail
de pièces uniques : Paul Evans voulait
une série facile à réaliser, « brillante,
élégante et cosmopolite ».
La série Argente suivit avec son
alliage d’aluminium aux textures et
couleurs étranges.
La ligne Alucobond, entreprise une fois
achevée sa collaboration avec DFC,
vers 1979, adjoint aux matières
fétiches du designer télécommandes
et éclairages sophistiqués.
La cote
P hotos : C our tesy W right (1) ; Todd M erill
S ebastian + B arquet N ew York (1).
and
A ssociates (1) ;
Cabinet suspendu
en cuivre vert-de-gris,
décoré d’éléments
d’acier et de laiton,
datant de 1962.
Les pièces uniques sont bien sûr
les plus chères, pouvant aller jusqu’à 150 000 €.
Une sculpture pourra atteindre 20 000 $
(14 000 €). Compter entre 3 000 $ (2 115 €) et
9 000 $ (6 350 €) pour une table basse de série,
et 4 000 $ (2 820 €) pour une lampe Cityscape.
Cabinet de la série
Cityscape avec plateau
en bois laqué (1970).
50 | novembre 2011
Sculpture en métal soudé et patiné datée de 1971.