Retour sur les stages avec Allen Pittman

Transcription

Retour sur les stages avec Allen Pittman
Retour sur les stages avec Allen Pittman
Un petit retour rapide sur les deux stages avec Allen Pittman qui se sont tenus en France
ces derniers jours. Je ne vais pas revenir en détail sur le contenu technique de ces journées,
pour lequel il faudrait des volumes, mais juste quelques impressions.
Centre Tsurugi, Brest : La journée du samedi était consacrée à la Lutte
Celtique. Nous revoyons les saisies et prises fondamentales, et construisons
progressivement un "flow" de prises et contre-prises. Comme toujours, Allen apporte un
soin tout particulier à la compréhension du mouvement : compréhension biomécanique,
anatomique, tactique (Timing, position, réponse), et tactile (toucher, écoute, sensibilité...) et
au respect de l'autre, qui nous aide à progresser en nous opposant une résistance et une
difficulté graduelle. Cette approche donne une saveur très "Aikido" à la Lutte, en dépit de
son aspect effrayant par la dangerosité des techniques. L'importance du cou comme pivot
de contrôle de l'adversaire est au centre de la pédagogie. Le cou : cible privilégiée
(carotides, cervicales), zone de tension (et donc de relaxation...), etc (J'ai déjà écrit quelques
lignes sur le cou ici).
Nous nous préparons par la Sagesse du Corps au sol, et quelques notions
basiques de Yoga égyptien, qui est particulièrement adapté au conditionnement du tronc
et du cou pour la lutte. Les jours précédant et suivant le stage, nous passons beaucoup de
temps avec Allen à parler de cette lutte si particulière, qui n'a que peu à voir avec les luttes
rurales européennes. (Grand merci à Charles Dannaud à ce propos, et à ses lumières sur
les traditions de luttes du monde). La "Lutte Celtique' enseignée sous ce nom à Allen par
son professeur Tim Geogheagan doit apparemment autant aux luttes d'Irlande et du
Centre de l'Angleterre qu'au Jujutsu, que Tim étudia à Londres, aux luttes iraniennes et
indiennes, au Catch Wrestling, ou encore au Yoga. Le terme "Celtique" faisant plus
référence ici à l'origine irlandaise de Tim Geogheagan, à son son approche du combat et à
une sensibilité poétique (géo-poétique dirait Kenneth White...), qu'à une tradition
proprement dite de lutte létale...du moins c'est ce qu'il me semble. Précisons toutefois que
la Lutte constitua longtemps une vraie culture dans le centre de l'Angleterre, en Écosse, en
Bretagne ou en Irlande. Il y aurait des pages et des pages à écrire sur ce sujet, mais ça sera
pour une autre fois...
The Celt : un article en anglais sur la vie de Tim Geogheagan
Un petit film sur Billy Riley et Billy Robinson, et le "Snake Pit" de Wigan...d'autres vidéos
sont disponibles sur YT sous le terme Scientific Wrestling, avec le même Billy Robinson,
aujourd'hui beaucoup plus âgé, coachant de jeunes lutteurs...
Object 1
La journée du dimanche était consacrée au Bagua de Chen Panling.
Un auditoire très clairsemé, dimanche de Pâques oblige... Nous passons la matinée à
revoir les changements de paume et à des exercices tactiques fondamentaux. l'après-midi
est consacrée au 8ème et dernier changement de paume du système Chen Panling : les
mains "tornades" ou "les Huit Immortels Traversent la Mer", et aux applications. Je suis à
chaque fois impressionné par l'adaptabilité du Baguazhang en tant qu'art martial et la
variété infinie d'applications que renferment quelques mouvements. Au delà des formes,
Allen fait toucher du doigt le génie de l'art et l'immense richesse de son patrimoine gestuel
et tactique. Tout en replaçant le Bagua dans son contexte historique et socio-culturel
chinois, il donne aussi les clés pour l'utiliser aujourd'hui, tant tactiquement que comme
outil de connaissance et de transformation de soi. Il me rappelle : "My challenge is how
can I teach people as much as possible in the shortest time"... Une démarche peu commune
dans le monde des arts martiaux...
Le mardi soir : master class sur les poussées des mains du Taijiquan, avec une
question : qu'est ce qui distingue le Taiji des autres arts martiaux? Une pédagogie "à
revers" où l'on commence par l'engagement le plus délicat qui puisse être en combat : à la
fois face et proche de l'adversaire (close -range fighting). Une fois clarifié cette particularité
pédagogique, il est plus facile de s'abandonner aux poussées des mains, sans les confondre
avec le combat, ou même les applications. Et l'on comprend mieux jusqu'à quand on peut
jouer, et quand il faut bouger. Nous revoyons tous les deux le Dalu (grand déplacement).
Allen rappelle que Tui Shou communément traduit par "mains collantes", signifiait sans
doute autrefois "mains qui rebondissent". Ici l'écoute et la sensibilité, le timing doivent être
parfait et Allen de nous rappeler les mots de Cheng Manching : 4 onces of force... pas plus
de quelques grammes de force...sinon le travail a vite fait d'être dévoyé ... La plus grande
coopération est de mise au départ et la difficulté ne doit être introduite que
progressivement et encore en bannissant toute vanité ou idée de compétition... je
l'interroge sur le lien entre lutte et Taiji...il existe, me dit-il, dans la mesure où les
compétences d'écoute, d'adhérence, etc développées dans le Taiji peuvent se transférer
utilement dans la lutte, mais insiste sur le fait que ce sont deux arts différents. Le Taiji me
dit-il, est un art magnifique et très élevé, mais qui possède ses limites... la même remarque
s'applique, il me semble, à n'importe lequel de nos arts respectifs. Il s'agit, je le précise
d'une limite "martiale"...Le Taiji, comme les autres arts martiaux ne se résument pas à cela,
et peuvent être des outils de connaissance de soi et du monde infinis à qui les pratique
...avec conscience...
Je ne pourrai pas non plus résumer les innombrable heures de discussions à bâtons
rompus sur tous les sujets, de l'éducation des enfants à l'avenir du monde en passant par
la cuisine, la médecine, la vie conjugale et l'art d'être sérieux ... et de ne pas l'être...
Le week-end suivant, nous montons à Paris, où Luce Condamine, qui était déjà
descendue (montée?) à Brest nous accueille chaleureusement comme toujours. Trois jours
de stage autour du Hsing-I, de la Sagesse du Corps et du Bagua... La question se pose de
savoir s'il faut rentrer dans l'étude d'un style proprement dit (de Bagua ou de Hsing-I), ou
de demeurer sur les concepts et formes d’entraînement fondamentaux...comme nous
l'avons fait jusque là à Paris... Les retours des stagiaires seront en ce sens déterminants
pour les stages à venir... N'hésitez donc pas à me le dire! L'étude d'un style "traditionnel"
demande un engagement personnel, un travail en autonomie et une recherche individuelle
importants qui est difficile (mais pas impossible) à combiner avec un enseignement à
raison de deux stages par an... La Sagesse du Corps, la Danse des Amazones, constituent
en quelques sortes l'essence de l'enseignement d'Allen (à mon sens), elles sont ludiques et
visent à une autonomie réelle rapide... Quelles direction donnons nous à notre pratique?
en quoi les stages que nous faisons en dehors de nos "disciplines d'élection" nous
nourrissent- t' elles, au delà de la curiosité? Quel sens donner à l'étude d'un art martial
ancien aujourd'hui? (je me disais l'autre jour qu'étudier le Bagua aujourd'hui équivalait à
étudier la viole de Gambe...) Ce sont là des questions qu'il n'est pas inutile de se poser il
me semble...
La maison du Taiji, à Bagnolet
Stefan Marcec et Charles Dannaud en grande discussion
Allen prenait ensuite la direction de la Belgique, à l'invitation de Sébastien Place et Arnaud
Le Jeune, deux élèves de Leo Tamaki. Je me réjouis de ces nouvelles opportunités qui
s'ouvrent à lui, et j'attends avec impatience leurs impressions...
Enfin, une dernière nouvelle. Noémie Claval, une de mes élèves et réalisatrice
professionnelle, à filmé Allen dans les premières étapes de la sagesse du Corps. Un film
avec explications en français sera donc bientôt disponible pour ceux qui le
souhaitent...plus d'infos très bientôt...Grand Merci Noémie et Thierry...
Ah oui... j'oubliais...une belle rencontre aussi avec Jean-Sebastien Bressy, enseignant de
Taekkyon, qui a bien voulu me consacrer un moment pour me montrer quelques aspects
de son art, que j'affectionne particulièrement...