Attlee et Mountbatten : information et désinformation lors du

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Attlee et Mountbatten : information et désinformation lors du
Attlee et Mountbatten : information et
désinformation lors du Transfert du pouvoir
Mathieu JEANBOURQUIN
Université de Poitiers
Introduction
Entre 1947 et 2007 la question d'une éventuelle responsabilité de Clement
Attlee dans les massacres précédant et suivant la partition de l'Inde, a peu été
soulevée, et les quelques tentatives d'ouverture du débat restèrent sans suite. H. M.
Close tint Lord Mountbatten pour responsable des failles du plan de retrait de l'Inde
organisé par le Royaume-Uni en 1947 ; l'auteur ne reprocha au premier ministre de
l'époque, Clement Attlee, qu'une simple erreur, celle d'avoir nommé Mountbatten au
poste de Vice-roi1. Mais dans sa biographie d'Attlee, Kenneth Harris adopta une
nouvelle approche du rôle de l'homme d'État: « La politique indienne […] était très
largement celle d'Attlee »2. Enfin, en 2007 Patrick French attaqua franchement une
perception lisse de l'action d'Attlee : « […] la politique britannique de l'époque était
dangereusement inepte. Clement Attlee, calme et sans charisme […] fait un
coupable inattendu, mais il a pris les décisions-clés »3.
Le partage des responsabilités entre Mountbatten, Vice-roi aux pouvoirs
plénipotentiaires, et le premier ministre, à la tête du Gouvernement britannique,
demande un réexamen ; or, la communication entre les deux hommes révèle
certaines anomalies qui purent avoir des conséquences sur la situation politique et
sanitaire de l'Inde, à l'aube de son indépendance. La circulation des informations
entre la Viceroy's House de New Delhi et Downing Street fut incomplète, et les
informations communiquées par Mountbatten à Attlee furent altérées. Dans quel but
le furent-elles ? Quelles furent les conséquences de tels manquements ? Nous
proposons d'en analyser les raisons et les conséquences de ces manquements.
Dans cette perspective, nous nous pencherons sur les incertitudes relatives au
tracé de la frontière indopakistanaise au Pendjab, en abordant le caractère vague de
la mission assignée par Downing Street à la Punjab Boundary Commission. Le
manque de précision de cette mission a laissé la population dans l'expectative, une
situation d'autant plus anxiogène que les conclusions de la commission furent tenues
secrètes jusqu'au lendemain de l'indépendance. Enfin, nous verrons que les
1 H. M. CLOSE, Attlee, Wavell, Mountbatten and the Transfer of Power, Islamabad: National
Book Foundation, 1997, p 72. « Attlee made a blunder when he appointed him – and it was a
blunder that led to a tragedy. »
2 Kenneth HARRIS, Attlee, Londres: Weidenfeld and Nicolson, 1995 (1982), p. 385. « […]
Indian policy […] was very much Attlee's own. »
3 Patrick FRENCH, "Attlee: the Unnamed Guilty Man of India’s Slaughter, On the 60th
Anniversary of Indian Partition, the Part Played by Clement Attlee in Facilitating Mass
Killing Is Still Ignored", The Times, 19 août 2007. « […] it is apparent that British policy at
the time was dangerously inept. Clement Attlee, quiet and uncharismatic […] makes an
unlikely villain, but he was responsible for the key decisions. »
informations communiquées par le Gouvernement de New Delhi au Cabinet
Gouvernemental fut très lacunaire quant à l'état des tensions intercommunautaires au
Pendjab, à un moment où l'armée indienne4 était en cours de démantèlement en vue
de la composition des armées indienne et pakistanaise.
Une commission au mandat incertain
C'est Attlee qui décida d'annoncer au début de l'année 1947 qu'en juin 1948 au
plus tard les Britanniques quitteraient le sous-continent indien, quel que soit son état
institutionnel. Cette annonce, effectuée le 20 février 1947 revenait à proclamer que
les dirigeants indiens devraient trouver un accord, sous un an et demi, quant à la
forme politique qu'ils souhaitaient donner à l'Inde indépendante. En conséquence,
l'idée d'une partition fut confortée puisque les séparatistes musulmans n'eurent plus,
dès lors, qu'à maintenir leurs exigences avec rigidité jusqu'en juin 1948. Cette
attitude fut adoptée par Ali Jinnah5 et, dès mai 1947, le Parti du Congrès6 proposa,
comme solution au blocage imposé par le dirigeant de la Ligue musulmane, la
partition préalable à l'indépendance.
Après le 3 juin 1947, et l'annonce par Mountbatten que l'indépendance aurait
lieu le 15 août 1947, une certaine confusion s'installa au Pendjab, dans le nord de
l'Inde britannique, dont les habitants étaient désormais certains de voir leur territoire
partagé : « les frontières finales seront fixées par une Boundary Commission et il est
quasiment certain qu'elles ne seront pas identiques à celles qui ont été adoptées
temporairement »7. Comme le souligna French, les Indiens émettaient alors diverses
hypothèses sur le tracé final : « Certains présumaient que Delhi, étant donné son
histoire moghole, serait au Pakistan ; d'autres pensaient que Lahore, avec ses
commerces hindous, serait dans la nouvelle Inde »8. Par sa déclaration, le Vice-roi
annonça aux Sikhs que la partition de leur territoire, et donc de leur peuple serait
réévaluée par une commission, sans préciser les critères de réévaluation du tracé
provisoire : « […] la partition du Pendjab, qu'ils désirent eux-mêmes, entraînera
forcément leur division, à un degré variable. Le degré exact de la séparation sera
4 L'armée indienne britannique, souvent nommée « armée indienne » fut dirigée, entre 1748
et 1947, par des Commanders in Chief in/of India qui furent tous britanniques. Chef militaire
suprême, il était placé sous l'autorité hiérarchique du Vice-roi. Des millions d'Indiens, et
parmi eux quelques officiers, servirent dans les rangs de cette armée, essentiellement dirigée
par des Britanniques.
5 Dirigeant de la Ligue musulmane depuis 1913 et premier Gouverneur-général du Dominion
du Pakistan.
6 Le Parti du Congrès (Indian National Congress), fondé en 1885, est depuis le début du 20e
siècle l'un des principaux partis politiques en Inde. Officiellement laïque, ce parti ambitionna
de représenter l'ensemble du peuple indien dans le Mouvement pour l'Indépendance. Ses
opposants de la Ligue musulmane le considéraient plus spécifiquement comme le parti
représentant les Hindous et leurs intérêts.
7 Text of Broadcast by Rear-Admiral Viscount Mountbatten of Burma, 3 juin 1947, in
Nicholas MANSERGH (ed.), Constitutional Relations between Britain and India, Transfer of
power, 1942-7, Volume XI The Mountbatten Viceroyalty, Announcement and Reception of the
3 June Plan, 31 May-7 July 1947, Londres: Her Majesty’s Stationery Office, 1982, p. 87.
« the ultimate boundaries will be settled by a Boundary Commission and will almost certainly
not be identical with those which have been provisionally adopted. »
8 Patrick FRENCH, idem. « Some presumed Delhi, given its Mughal heritage, would be in
Pakistan; others thought Lahore, with its Hindu businesses, would be in the new India. »
décidé par la Boundary Commission […] »9. Le 30 juin, un avis portant sur la
méthode choisie par le Gouvernement pour procéder à la partition de l'Inde fut
publié dans la gazette officielle indienne, avis à propos duquel le Vice-roi avait
prévenu le premier ministre : « À moins que la mission officielle ne soit large, celleci ne satisfera pas les Sikhs au Pendjab »10. Les éléments pouvant être pris en
compte par la commission furent, en effet, définis de façon très large en concertation
avec Londres, mais cela eut pour conséquence qu'un certain flou caractérisa
l'annonce en question :
La Boundary Commission a pour instruction de tracer les frontières
des deux parties du Pendjab sur la base d'une vérification des
territoires contigus à majorité musulmane et non-musulmane. Ce
faisant elle prendra aussi en compte d'autres facteurs11.
Quels seraient alors les « autres facteurs » venant modifier la frontière notionnelle
départageant zones musulmanes et hindoues ? Les Sikhs se prirent à espérer, puis à
exiger, que leur répartition géographique soit l'un de ces facteurs.
Le cahier des charges officiel et le descriptif exact de la mission de la
commission, rédigés et approuvés par le Cabinet à Londres, étaient tout aussi
vagues. Il semble que personne, à Londres ou à Delhi, ne savait interpréter les
instructions en cause. De son côté, le premier ministre semblait croire que la
commission pourrait donner quelque satisfaction aux Sikhs : « [la] position [des
Sikhs] pourrait dans une certaine mesure être facilitée par la Boundary
Commission qui établirait la frontière finale »12. Mais Mountbatten fut sollicité à
plusieurs reprises par des dirigeants indiens pour éclaircir le texte officiel et brandit
la neutralité de sa fonction vis-à-vis de la commission. Il répéta au Gouverneur de
l'Assam : « C'est à la Boundary Commission d'interpréter la mission officielle. On
m'a demandé plus d'une fois de la définir mais j'ai dû refuser »13. À la veille de
l'indépendance, Mountbatten se félicita auprès du Ministre de l'Inde : « J'ai
personnellement évité scrupuleusement […] d'interpréter la mission officielle et
9 Text of Broadcast by Rear-Admiral Viscount Mountbatten of Burma, 3 juin 1947, in
Nicholas MANSERGH (ed.), idem. « […] the partition of the Punjab, which they themselves
desire, cannot avoid splitting them to a greater or lesser extent. The exact degree of the split
will be left to the Boundary Commission […]. »
10 Viceroy’s Personal Report, 12 juin 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p. 307.
« Unless the terms of reference are drawn widely they will not satisfy the Sikhs in the
Punjab. »
11 Gazette of India Extraordinary, 30 juin 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit.,
p. 755. « The Boundary Commission is instructed to demarcate the boundaries of the two
parts of the Punjab on the basis of ascertaining the contiguous majority areas of Muslims and
Non-Muslims. In doing so it will also take into account other factors. »
12 Cabinet Papers, CAB 128/10 CM(47) 50 : 1, 23 mai 1947. « [the Sikh's] position might to
some extent be eased by the Boundary Commission which would establish the final
boundary. »
13 Télégramme de Mountbatten à Sir A. Hydari, Gouverneur de l'Assam, 24 juillet 1947, in
Nicholas MANSERGH (ed.), Constitutional Relations between Britain and India, Transfer of
power, 1942-7, Volume XII The Mountbatten Viceroyalty, Princes, Partition and
Independence, 8 July-15 August 1947, Londres: Her Majesty’s Stationery Office, 1983, [220].
« It is for Boundary Commission to interpret the terms of reference. I have been asked more
than once to define them but have had to refuse. »
d'exposer [à la commission] les différents points de vue qui m'ont été transmis »14.
Le Ministre lui-même laissa également le soin à la commission d'interpréter les
terms of reference. Ainsi, dans les faits, la commission dut s'assigner à elle-même
les critères à prendre en compte pour effectuer sa mission.
Lord Listowel proposa bien une interprétation dans un courrier à Mountbatten,
écrivant, « […] il est évident que la localisation des lieux saints de toute
communauté religieuse fera partie des facteurs à leur disposition »15, mais cette
proposition d'interprétation ne fut pas communiquée au public indien.
Les affrontements intercommunautaires au Pendjab, qui débutèrent en 1946,
furent d'abord relayés à Londres avec fidélité, avant de l'être de manière largement
sous-estimée par le Vice-roi après son annonce du Plan du 3 juin. Au risque de
paraître totalement dépassé par l'ampleur de la tâche qui lui incombait, Mountbatten
écrivit d'abord : « Au Pendjab toutes les parties se préparent sérieusement à une
guerre civile, et parmi eux les plus actifs et les plus sérieux sont, de loin, les Sikhs
[…] »16.
Après ce premier rapport hebdomadaire, les rapports de Mountbatten sousestimèrent systématiquement les troubles en cours au Pendjab dont il fut
principalement informé par le Gouverneur de la province, Evan Jenkins. Ce dernier
lui écrivit : « Une partition pacifique du Pendjab est très improbable. […]
L’annonce suscitera la colère chez tous les Musulmans et les Sikhs, et la peur parmi
ceux d’entre eux, et parmi les Hindous, qui se trouveront du mauvais côté de la
frontière »17. Or, les conclusions que le Vice-roi présenta au premier ministre
laissaient non-seulement entendre qu'il ne partageait pas pleinement l'opinion du
Gouverneur, mais aussi que le cas échéant, ces troubles seraient écrasés sur-lechamp : « Jenkins est d’avis qu’il pourrait y avoir des troubles à l’annonce du choix
de la partition, et j’ai discuté avec lui et le General Officer Commanding des
dispositions nécessaires quant aux troupes afin de tuer de tels troubles dans l’œuf
immédiatement »18.
14 Télégramme de Mountbatten à Listowel, 14 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.),
op. cit., p. 732. « I personally have scrupulously avoided [...] interpretation of their terms of
reference and putting before them the various points of view forwarded to me. »
15 Télégramme de Listowel à Mountbatten, 25 juillet 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.),
op. cit., p. 352-353. « […] it is obvious that the location of the shrines of any religious
community will be among the factors before them. »
16 Viceroy’s Personal Report, 2 avril 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Constitutional
Relations between Britain and India, Transfer of power, 1942-7, Volume X The Mountbatten
Viceroyalty, Formulation of a Plan, 22 March-30 May 1947, Londres: Her Majesty’s
Stationery Office, 1981, p. 90. « In the Punjab all parties are serious preparing for civil war,
and of these by far the most businesslike and serious are the Sikhs […]. »
17 Lettre de Jenkins à Mountbatten, 1er mai 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit.,
p. 529. « A peaceful partition of the Punjab is most improbable. […] The statement will excite
anger among all Muslims and Sikhs, and fear among those of them, and among Hindus, who
will live on the wrong side of the boundary. »
18 Viceroy’s Personal Report, 1er mai 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p. 538.
« Jenkins is of the opinion that there may be trouble on the announcement of the choice for
partition, and I have discussed with him and the General Officer Commanding the necessary
troop dispositions to nip such trouble immediately in the bud. »
Entre le 4 juin et le 13 août 1947 on dénombre neuf rapports de Jenkins au Viceroi évoquant la gravité des troubles dans la province. Mountbatten informa
invariablement le premier ministre d'une situation instable, inchangée ou
insatisfaisante dans la province, lorsqu'il ne lui affirmait pas que l'annonce de la
partition avait apaisé les troubles, en dépit des rapports de Jenkins :
Amritsar a connu deux émeutes intercommunautaires et quatre
incendies. […] Les troubles à Gurgaon toujours étendus. Population
toujours pleine de ressentiment et belliqueuse. […] Situation générale
inchangée. Accueil de la partition mitigé à Lahore et Amritsar. Les
Hindous sont pour. Sikhs en colère et belliqueux […]. Musulmans en
colère aussi et critiquent leurs dirigeants et menacent de détruire
Amritsar complètement »19.
Le lendemain, le Vice-roi affirma en effet au premier ministre : « Un certain
nombre de personnes que j’ai rencontrées depuis l’annonce m’ont toutes dit qu’elles
pensaient que les tensions entre les communautés ont été grandement amoindries
par [l'] annonce [du plan du 3 juin] »20.
Tandis que Yasmin Khan a estimé que « De nombreux signaux d'alarme sans
équivoque arrivèrent à Delhi et Londres à propos de la situation troublée des
campagnes […] »21 nous pouvons affirmer que si New Delhi fut informée, les
renseignements communiqués ne parvinrent pas intactes à Londres. Attlee fut-t-il
amené à sous-estimer la gravité des affrontements intercommunautaires meurtriers
qui se déroulaient au Pendjab ?
Dans son autobiographie, il évoqua l'existence d'un conflit fratricide « Au cours
des premiers mois du nouvel ordre […] »22. Soit après le 15 août 1947. En 1960, il
alla plus loin en livrant une vision binaire de la situation au Pendjab, prétendument
ordonnée jusqu'au 15 août, puis sanglante ultérieurement : « La division a eu lieu
dans la plus grande cordialité entre les Britanniques et les Indiens, mais elle a été
suivie d’une terrible explosion de violence intercommunautaire au Pendjab »23.
Une frontière au tracé tenu secret
19 Télégramme de Jenkins à Mountbatten, 4 juin 1947, in Nicholas MANSERGH, Vol. XI,
p. 136. « Amritsar had had two communal riots and four fires. […] Gurgaon disorders still
widespread. People still resentful and truculent. […] General situation unchanged. Reception
of partition plan very mixed in Lahore and Amritsar. Hindus acquiesce. Sikhs angry and
bellicose […] Muslims also angry and critical of their leaders and threatening to destroy
Amritsar completely. »
20 Viceroy’s Personal Report, 5 juin 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p. 165.
« A number of people whom I have met since the announcement have all told me they believe
the communal tension to have been greatly relieved by this announcement […]. »
21 Yasmin KHAN, The Great Partition, the Making of India and Pakistan, New Haven,
Londres: Yale University Press, 2007, p. 192. « Numerous unambiguous warnings arrived
daily in New Delhi and London of the turbulent state of affairs in the countryside […]. »
22 Clement ATTLEE, As It Happened, Londres: William Heinemann, 1954, p. 185. « In the
first months of the new order […] »
23 Clement ATTLEE, Empire into Commonwealth, Londres: Oxford University Press, 1961,
p. 38. « The parting took place with the greatest possible amity between British and Indians,
but was followed by a terrible outburst of communal violence in the Punjab ». Je souligne.
Il ne fait guère de doute que Mountbatten mentit à divers interlocuteurs de
premier rang au sujet des travaux de la Punjab Boundary Commission. Il cacha
notamment le fait qu'il connaissait le tracé de la frontière dès le 9 août 1947, six
jours avant l'indépendance, préférant le tenir secret.
Le 8 août 1947, le secrétaire particulier du Vice-roi, George Abell24, envoya à S.
E. Abbott25, la copie d'une carte représentant une proposition de frontière faite par
Radcliffe : « je joins une carte montrant approximativement la frontière que Sir
Cyril Radcliffe propose d'établir dans ses conclusions […]. Il n'y aura pas de
changement majeur à cette frontière […] »26. Il semble que la commission
« indépendante » de l'exécutif travaillait en étroite collaboration avec les services du
Vice-roi. Le 9 août, Mountbatten et ses proches collaborateurs savaient « […] que
Sir Cyril Radcliffe serait prêt à annoncer la sentence arbitrale de la Punjab
Boundary Commission dans la soirée »27. Or, le 14 août, le Vice-roi affirma au
Ministre de l'Inde, « j'ai personnellement évité scrupuleusement tout contact avec les
Boundary Commissions […] »28 et il écrivit par ailleurs à Attlee deux jours plus tard
seulement, qu'il découvrit la frontière indopakistanaise le 13 août : « Ce fut jeudi 12
août que je fus finalement informé par Radcliffe que ses conclusions seraient prêtes
vers midi le jour suivant, juste trop tard pour que je les voie avant de partir pour
Karachi »29. Mountbatten prétendit donc n'avoir eu connaissance du tracé qu'au tout
dernier moment, rendant impossible la prise de quelque disposition de sécurité
publique par les Britanniques avant l'Indépendance.
Pourquoi le Vice-roi décida-t-il, de façon unilatérale, de maintenir le secret sur
les délibérations de la Punjab Boundary Commission et ne décida-t-il d'autoriser leur
publication qu'après l'indépendance ?
Jenkins fit part au Vice-roi, au cours des semaines précédant l'indépendance,
d'une situation qui ne laissait pas augurer une annonce paisible du tracé de la
frontière : « Situation générale s'aggrave à cause du refus des Sikhs d'attendre la
décision de la Boundary Commission et de leur volonté apparente de ne pas
l'accepter »30. Mountbatten n'envisagea donc pas que l'Indépendance pût se dérouler
24 Il fut le secrétaire particulier des Vice-rois Lord Wavell et Mountbatten.
25 Secrétaire du Gouverneur du Pendjab.
26 Lettre de G. Abell à M. Abbott, 8 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Vol. XII,
p. 579. « I enclose a map showing roughly the boundary which Sir Cyril Radcliffe proposes to
demarcate in his award […]. There will not be any great changes from this boundary […]. »
27 Minutes of Viceroy’s Sixty Ninth Staff Meeting, 9 août 1947, in Nicholas MANSERGH
(ed.), op. cit., p. 611. « It was stated that Sir Cyril Radcliffe would be ready by that evening to
announce the award of the Punjab Boundary Commission. »
28 Télégramme de Mounbtatten à Listowel, 14 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.),
op. cit., p. 732. « I personally have scrupulously avoided all connection with Boundary
Commissions […]. »
29 Viceroy’s Personal Report, 16 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p. 761.
« It was on Tuesday, 12th August, that I was finally informed by Radcliffe that his award
would be ready by noon the following day, just too late for me to see before leaving for
Karachi. »
30 Télégramme de Jenkins à Mountbatten, 27 juillet 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.),
op. cit., p. 372. « General situation worsening owing to refusal of Sikhs to await Boundary
Commission award and their apparent unwillingness to accept it. »
dans des conditions satisfaisantes du point de vue de la sécurité au Pendjab si le
tracé de la frontière indopakistanaise était dévoilé avant le 15 août. Le premier
ministre ne fut donc informé de la décision prise par le Vice-roi qu'après que celle-ci
eut été prise et appliquée :
[…] plus nous retardions la publication, moins l'inévitable odium
rejaillirait sur les Britanniques. […] J'ai décidé que nous devions
trouver un moyen d'empêcher les dirigeants de connaître les détails de
la sentence arbitrale jusqu'après le 15 août […]31.
Or, cette décision entraîna des émeutes et des affrontements au sein d'une population
maintenue dans l'ignorance de son avenir immédiat : « La situation au Pendjab
oriental est mauvaise. […] Le report de la sentence arbitrale de la Boundary
Commission entraîne de l'incertitude »32. Le Maréchal Auchinleck, lui, confirma :
« Le retard de l'annonce de la sentence arbitrale de la Boundary Commission a un
effet hautement perturbant et nuisible »33.
Des forces armées réduites face à un exode massif
La question des mouvements de population, également, pose à nouveau la
question de la rétention d'information par Mountbatten. « Personne n’avait prévu les
risques de mouvements de population sans précédent comme une conséquence du
plan […] »34. Les archives montrent qu'en réalité l'idée d'un transfert de population
fut évoquée plusieurs mois avant la Partition. Mountbatten sut qu'il était possible
que cet événement se produisît.
Dès le 1er mai, Jinnah évoqua l'idée publiquement : « Il est évident que si les
minorités hindoues au Pakistan souhaitent émigrer et aller en Hindoustan, leur
patrie, ils seront libres de le faire, et vice-versa les Musulmans qui souhaitent
émigrer depuis l’Hindoustan pourront le faire et aller au Pakistan »35. Le Vice-roi
transmit ce texte, en annexe d'un rapport au premier ministre, sans commentaire.
L'analyse de Jinnah parvint donc jusqu'au 10, Downing Street par le biais de
Mountbatten, qui n'évoqua cependant plus du tout la question, cruciale, des
transferts de populations dans sa correspondance avec le Chef du Gouvernement
britannique, et ce en dépit du fait que les projets et prédictions en ce sens se firent de
31 Viceroy’s Personal Report, 16 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p. 761.
« […] the later we postponed publication, the less would the inevitable odium react upon the
British. […] I decided that somehow we must prevent the leaders from knowing the details of
the award until after the 15th August […]. »
32 Message des Généraux Messervy et Rees, 13 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.),
op. cit., pp. 704-705. « The situation in East Punjab is bad. […] Postponement of Boundary
Commission’s award causing uncertainty. »
33 Note d'Auchinleck à l’intention du Joint Defence Committee, 15 août 1947, in Nicholas
MANSERGH (ed.), op. cit., p. 736. « The delay in announcing the award of the Boundary
Commission is having a most disturbing and harmful effect. »
34 Yasmin KHAN, op. cit., p. 89. « Nobody had foreseen the risks of unprecedented
population movements as a result of the plan […]. »
35 Viceroy’s Personal Report, 1er mai 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Vol. X, p. 544.
« It is obvious that if the Hindu minorities in Pakistan wish to emigrate and go to their
homelands of Hindustan they will be at liberty to do so and vice versa those Muslims who
wish to emigrate from Hindustan can do so and go to Pakistan […]. »
plus en plus pressants.
De son côté, Attlee reçut, le 11 mai 1947, un courrier de Reginald Schomberg36
évoquant le départ des minorités sikhe et hindoue de Rawalpindi à l'issue d'émeutes,
et le début de leur fuite vers l'est : « La ville […] est en grande partie déserte.
L’exode des Sikhs et des Hindous du nord et de l’ouest du Pendjab a lieu
actuellement à un rythme interrompu »37. Néanmoins, ces informations purent être
considérées comme constitutives d'un événement isolé au sein d'un conflit très
étendu. Cependant, l'histoire récente de l'Inde, bien connue d'Attlee38,
profondément marquée par l'antagonisme entre Musulmans et Hindous, auquel
s'ajoutait la question sikhe au Pendjab, n'aurait-elle pas dû laisser penser qu'aucune
de ces communautés n'accepterait de vivre sous la domination numérique, et donc
politique, d'une autre communauté ? Si Attlee avait pris en considération le risque
d'un exode à double sens auquel des millions de personnes auraient participé, il
aurait pu appliquer les préconisations qu'il avait formulées à propos des Autrichiens,
des Tchèques, des Polonais et des Allemands après la Seconde guerre mondiale :
« […] un transfert de population juste et pacifique pourrait être effectué par le biais
des instances internationales »39
Le 3 juin 1947, le plan procédural qui présida à la Partition et à l'indépendance
fut validé par les dirigeants indiens après avoir été approuvé par Attlee. Ce plan ne
prévoyait aucune protection à apporter aux minorités ethniques. Pourtant, le premier
ministre avait reçu un rapport de Schomberg avertissant que « Les émeutes de
[Rawalpindi] étaient avant tout anti-Sikhs. Pendant les trois premiers jours
l'administration civile n'a rien fait. […] La police était passive, ou du côté des
émeutiers. La Ligue musulmane a “arrangé” les émeutes […] »40.
Il est difficile d'évaluer si ce fut par désintérêt politique ou par ignorance de la
situation locale réelle que le Cabinet londonien manqua de sagacité ; il apparaît
néanmoins que Mountbatten minimisa également l'impact de la refonte de l'armée
indienne à un moment crucial de l'histoire du sous-continent. Il laissa entendre que
l'armée indienne était opérationnelle :
36 Lieutenant-colonel de l'armée britannique, Consul-général britannique pour les
Établissements français de l'Inde.
37 Attlee Papers, 11 mai 1947, MSS. Attlee dep. 53, fol. 268. « [The] City is largely deserted.
The exodus of Sikhs, and also Hindus from the North and West Punjab is taking place
steadily. »
38 Attlee participa à la Commission Simon qui travailla, entre 1927 et 1930, à la rédaction
d'un rapport en dix-sept volumes (Simon Report) qui devait permettre d'évaluer les institutions
politiques en place en Inde depuis le Government of India Act de 1919. Le rapport comporte
une série de propositions qui servirent de base de travail aux parlementaires britanniques qui
adoptèrent le Government of India Act de 1935. Pour les besoins de la commission, les
membres de la commission, dont Attlee, passèrent plusieurs mois en Inde, visitant les diverses
provinces et rencontrant un certain nombre d'acteurs des institutions indiennes.
39 Clement ATTLEE, “The Peace We Are Striving For”, p. 108, in Clement ATTLEE (ed.),
Labour's Aims in War and Peace, Londres: Lincolns-Prager, 1940. « […] a just and peaceful
transfer of population, could be effected through the international authority. »
40 Attlee Papers, 11 mai 1947, MSS. Attlee dep. 53, fol. 268. « The [Rawalpindi] riots were
primarily anti-Sikh. For the first three days the civilian administration did nothing. […] The
police were passive, or on the side of the rioters. The Moslem League “arranged” the riots
[…]. »
Tous […] les membres de mon Cabinet […] m'ont exprimé aussi
fortement que possible leur souhait que les Forces Armées de l'Inde
devraient être utilisées pour assurer qu'il n'y aurait plus d'effusions de
sang, et c'est la raison et la seule raison pour laquelle le Defence
Member, Sardar Baldev Singh41, a annoncé hier soir le transfert de
troupes supplémentaires en particulier dans les zones sur le point
d'être divisées […]42.
En réalité, le processus de division de l'armée indienne43 battait son plein et
Londres ne s'inquiéta pas de la voir ainsi handicapée : « le processus de division est
en cours et le temps requis pour effectuer l'opération […] pourrait bien être de deux
ou trois ans »44. Auchinleck avait, le 20 juin 1947, écrit au plus proche collaborateur
de Mountbatten, Lord Ismay, pour lui signifier que la politique menée par le
Gouvernement mettait en péril la sécurité de tous : « Cette Armée sera bientôt
impliquée dans le processus de reconstitution au cours duquel la majorité de ses
unités seront incapables de rendre assistance au pouvoir civil […] »45
Pourtant, à partir du mois de juillet, Mountbatten demanda aux Gouverneurs des
provinces de libérer les troupes indiennes de leurs obligations afin de rendre
possible le processus de leur réaffectation : « […] il est nécessaire qu'autant de
troupes que possible soient relevées de leurs devoirs d'aide du pouvoir civil afin de
pouvoir être regroupées dans leurs bases normales »46
41 Dirigeant de la communauté sikhe au travers du parti Akali Dal (élu à l'assemblée du
Pendjab en 1937). Il représenta les Sikhs lors des négociations de 1947, et fut le premier
Ministre de la Défense de l'Inde indépendante. Le titre de « Sardar » était attribué, dans sa
première acception, aux personnes issues de la noblesse et de l'aristocratie, ce qui est le cas de
Baldev Singh qui était issu d'une famille de l'aristocratie du Pendjab.
42 Proceedings of a Press Conference held in the Council House, New Delhi, 4 juin 1947, in
Nicholas MANSERGH (ed.), Vol. XI, p. 112. « Every [...] member of my Cabinet [...] has
expressed to me the strongest possible wish that the Armed Forces of India should be used to
ensure that there was no further bloodshed, and that is the reason [...] why the Defence
Member, Sardar Baldev Singh, announced last night the transfer of additional troops
particularly into the areas about to be partitioned [...]. »
43 Dans la perspective de l'indépendance de l'Inde britannique sous la forme de deux États, la
British Indian Army devait être réorganisée de sorte que chacun des deux nouveaux États soit
doté d'une armée. Les troupes choisissaient leur nouvelle affectation, en fonction de leur
appartenance ethnique la plupart du temps. Le processus d'indianisation de l'armée
britannique en Inde, dont le succès fut mitigé, devait fournir des officiers originaires du souscontinent aux armées indienne et pakistanaise.
44 Cabinet, Note de Listowel, 27 mai 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Volume X, p. 1
004. « the process of division is taking place and the time required to carry out the operation,
[...] might well be two or three years. »
45 Lettre d'Auchinleck à Ismay, 20 juin 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Volume XI,
p. 531. « That Army will soon be involved in the process of reconstitution during which the
majority of its units will not be capable of rendering armed assistance to the civil power
[…]. »
46 Lettre de Mountbatten à Jenkins, 9 juillet 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), Volume
XII, pp. 34-35. « […] it is necessary that as many troops as possible should be released from
their duties in aid of the civil power so that they can be concentrated in their normal
locations. »
Entre le 8 et le 15 août on ne dénombre pas moins de six documents en
provenance de Jenkins ou d'Auchinleck relatant la faiblesse de la Punjab Boundary
Force. Jenkins expliqua : « La population des douze districts dans lesquels [le
commandant] opère approche 14,5 millions d'habitants, et cette population est
répartie sur 17 932 villes et villages »47.
Le regard que porta Attlee sur ces événements a posteriori confine tout
simplement à une réécriture de l'histoire à son avantage : il affirma notamment « Les
troupes britanniques se sont retirées, relayées par une Armée Indienne dans
laquelle servaient alors des officiers de haut grade pleinement qualifiés »48.
Pourtant, les Cabinets de Londres et de Delhi demandèrent à plusieurs milliers
d'officiers britanniques de rester en poste parce que les officiers Indiens étaient en
nombre insuffisant.
Les troupes britanniques en Inde et au Pakistan, constituées de 30 000 à 40 000
hommes49, furent, sur décision du premier ministre, exemptées d'assurer la sécurité
des Indiens. Ces troupes furent consignées dans leurs bases, en attendant leur départ
des deux Dominions. Elles demeurèrent présentes sur le sol indien mais n'eurent
jamais pour mission d'assister une Armée indienne en pleine réorganisation, et donc,
dans une certaine mesure incompétente : « les unités de l'Armée Britannique
pourraient rester seulement avec l'accord des nouveaux Gouvernements, et dans un
but formel de défense de l'Inde et non pour le maintien de la sécurité intérieure »50.
Les dirigeants Indiens et Pakistanais désiraient-ils que les troupes britanniques se
retirent du sous-continent ? Il semble que cette question fût résolue par
Mountbatten, à nouveau sans concertation avec le premier ministre. Il avait pris
connaissance, le 24 juin 1947, d'un télégramme rapportant des propos de Jinnah :
« [il] était d'accord pour que le retrait des troupes britanniques ait lieu le 15 août
mais il tenait à ce que le retrait ne soit pas effectué trop rapidement car il
considérait que des troubles pourraient sans doute survenir »51. Par ailleurs, le 20
47 Lettre de Jenkins à Mountbatten, 13 août 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit.,
p. 702. « The population of twelve districts in which he is operating is close on 14.5 million,
and this population is distributed over 17,932 inhabited towns and villages. »
48 Clement ATTLEE, Empire into Commonwealth, Londres: Oxford University Press, 1961,
p. 38. « British troops withdrew, handing over to an Indian Army that now had fully qualified
officers of high rank. »
49 John Freeman, Under-Secretary of State for War, parle le 30 juillet 1947 de « rather more
than 30,000 » hommes in Parliamentary Debates (Hansard), Volume 441, House of Commons,
Twelfth Volume of Session 1946-47, Comprising Period from 28th July–20th October 1947,
Londres: His Majesty's Stationery Service, 1947, p. 452. Winston Churchill évoque 40 000
hommes le 28 octobre 1948 in Parliamentary Debates (Hansard), Volume 457, House of
Commons, Fifth Volume of Session 1948-49, Comprising Period from 26th October–12th
November 1948, Londres: His Majesty's Stationery Service, 1948, pp. 271-272.
50 Cabinet, India and Burma Committee, 28th Meeting, in Nicholas MANSERGH (ed.), Vol.
X, p. 1 022. « British Army units could remain in India only with the agreement of the new
Governments, and for the express purpose of the defence of India and not for the maintenance
of internal security. »
51 Télégramme du Maréchal Montgomery au Général Simpson, 24 juin 1947, in Nicholas
MANSERGH (ed.), Vol. XI, p. 607. « Jinnah was agreeable that the withdrawal of British
Troops should begin on 15th August but he was most anxious that the withdrawal should not
be conducted too quickly as he considered that troubles might possibly arise. »
juin, Ismay avait rapporté : « M. Liaqat Ali Khan dit que cela aiderait à stabiliser la
situation si les troupes britanniques restaient en Inde pendant que l'Armée Indienne
était en cours de transition »52. Mountbatten n'évoqua jamais ces positions, et
choisit au contraire de relayer à Londres l'information selon laquelle Nehru
souhaitait le départ définitif des troupes britanniques.
Conclusion
Les conclusions qui s'imposent après cet examen des échanges officielles entre le
Vice-Roi et le premier ministre sont claires. La circulation des informations entre
New Delhi et Londres fut incomplète, certaines des informations communiquées par
Mountbatten à Attlee furent altérées dans le but de prévenir tout ralentissement d'un
processus dont tous voulaient qu'il fût rapide. Pour autant, nous avons vu que
Downing Street également manqua de clarté dans sa communication, au regard des
instructions données à la Punjab Boundary Commission, par exemple. Dans tous les
cas, ces failles ne furent pas sans conséquence puisque, dans un contexte de tensions
intercommunautaires relatives au partage d'un territoire disputé, toute incertitude
entraîna des affrontements, tandis que la sécurité dans la région du Pendjab à
l'approche de l'indépendance ne fut pas assurée en raison de la quasi-absence de
forces armées décidée par Londres, et des sous-estimations de Mountbatten.
Le choix d'Attlee de nommer Mountbatten dernier vice-roi de l'Inde peut être
considéré comme une erreur en cela qu'il se priva d'informations qui auraient, peutêtre, pu modifier le cours de l'histoire indo-pakistanaise. Pour autant, l'intervention
de Mountbatten dans le processus, avec son lot de dissimulations, servit le projet du
premier ministre. Attlee aurait-il changé le cours des événements s'il avait eu une
meilleure appréhension de la réalité du nord de l'Inde ? Au contraire, son choix de
confier les pouvoirs plénipotentiaires à un militaire pressé ne signale-t-il pas le désir
qui était le sien de se désengager à titre personnel de la question indienne ? Le flou
entourant la mission de la Boundary Commission, l'abandon de l'exigence d'assurer
la sécurité des minorités et le gel des troupes britanniques furent des décisions prises
directement à Downing Street. Elles témoignent du désir d'Attlee de décoloniser
l'Inde le plus rapidement possible, quel qu'en fût le prix.
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52 Message d'Ismay à Mountbatten, 20 juin 1947, in Nicholas MANSERGH (ed.), op. cit., p.
534. « Mr Liaquat Ali Khan said that it would help to steady matters if British troops were to
remain in India while the Indian Army was under process of transition. »
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