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jésus
n° 45
Le Courrier de
JONAS
« pas sûr qu’il
ait tout
compris » !
Supplément à la revue « Jésus » n° 144 de décembre 2010
ISSN 2107-5700 - Commission paritaire n° 0110 G 79431 - Le gérant Michel Pinchon
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Sommaire
Page
EDITORIAL
L’horizon fraternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
ACTUALITÉS
► Roms, un des objets de notre dissentiment ? Connaissez-vous les campements de roms ? . . . 4
Propositions de l’ANGVC (Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques)
► A propos du projet de Loi « immigration, intégration et nationalité » (Loi Besson)
Déclaration de la commission pour la mission universelle de l’Eglise . . . . . . 6
Communiqué du Conseil d’Eglises Chrétiennes en France. . . . . . . . . . . . . . . 7
► La Conférence des Baptisé(e)s vue par Jean Rigal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
► Le peuple de Dieu a faim (Paul Falala) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
► Message d’espérance Parvis-Lyon 12 novembre 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
► Des pauvres lisent la Bible (Jean-Louis RATTIER) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
FRATERNITÉ
Fraternité, ou la révolution reste à faire. (G. Adler) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
La fraternité, une lutte avec, une lutte contre (G. Lacroix) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
La fraternité au sens propre … (B. Bossard. La Nouvelle République) . . . . . . . . . 14
Le malheur et la fraternité (M. Pinchon) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Tous également frères. (Bloch-Lemoine, CELEM - Chrétiens et libres en Morbihan) . . . . . 17
Allez jeunesse (M. Leroux) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Quand Charles de Foucauld parle de la fraternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
COUPLES SANS HISTOIRE(S)
► Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir (Jonas-Lyon) . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Le témoignage de Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Idéalisme moral et éthique de la responsabilité (B-M. Duffé) . . . . . . . . . . . . 23
Un message à l’Église catholique de France envoyé aux évêques . . . . . . . . . 25
► Regards de croyants sur la sexualité du couple (Texte de Jonas-Aveyron). . . . . . . . 27
DU COTÉ DES LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
COLLECTIF NATIONAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
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éditorial
L’horizon « Fraternité »
En quel état d’esprit Jonas aborde-t-il Ninive ? Son étrange réaction, une fois sa mission
accomplie, donne à penser qu’il gardait dans un coin de la tête que jamais de la vie Ninive ne serait
détruite. Et effectivement la catastrophe n’a pas lieu, les habitants s’étant ressaisis à temps. Pour
une fois une histoire qui finit bien… Enfin sauf pour notre héraut, qui s’isole et déprime. Il est mort
de honte, ce sentiment-poison qui vient de la représentation qu’on se fait des autres : que
les Ninivites puissent, plutôt que de se moquer de lui, lui être reconnaissants de l’avertissement
salutaire qu’il a proféré, l’idée ne l’effleure même pas ! Qu’ils puissent reconnaître en lui un
étranger qui s’est comporté en frère, cela dépasse son entendement ! Probablement parce qu’il ne
les a pas abordés en frère…
Ainsi va la fraternité entre les hommes, « horizon à construire » (« Fraternité, ou la Révolution reste
à faire »). Et lorsque cet horizon fraternité semble s’éloigner, crier – de colère cette fois – est-il
inconvenant ? à chacun de se faire son opinion (« Le peuple de Dieu a faim »). Mais, heureusement,
la fraternité donne déjà, ici et maintenant, à se goûter : dans les nouvelles locales (« La fraternité
au sens propre » et « Allez jeunesse ») et peut-être plus encore dans les choses lourdes à porter
(« Le malheur et la fraternité »).
Lorsque nous avons décidé de nous intéresser à la fraternité, nous ne nous doutions pas que les eaux
vives de l’actualité viendraient faire tourner à ce point notre moulin :
- Le travail mené depuis deux ans par Jonas Lyon (Cf. Courrier Jonas N° 41, pp. 26-28) a abouti à
un fascicule « Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir à des couples non-mariés, à des
personnes divorcées et à des personnes divorcées et remariées ? ». N’est-il pas en soi, ce travail,
un travail de fraternité effective entre tous baptisé-e-s, laïcs, prêtres et évêques ? Là encore que
chaque lecteur en juge par lui-même.
- Et, dans un tout autre registre, les prises de parole des uns et des autres sur les sujets extrêmement
complexes et douloureux, de la régulation de l’immigration («Déclaration des évêques de la
Commission pour la Mission universelle de l’Église ») et de l’accueil des gens du voyage
(« Propositions des gens du voyage ») ne crient-elles pas, à temps et contretemps, dans le tréfonds
des consciences, « Fraternité » ?
Brigitte Cuisinier pour le Comité de rédaction
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ACTUALITÉS
ROMS, UN DES OBJETS DE NOTRE DISSENTIMENT...
Connaissez-vous les campements de roms ?
Q
ue n’a-t-on pas entendu ces derniers temps au
sujet des Roms et de leurs campements illégaux !
Mais au fait, vous qui lisez ces lignes, savez-vous
où et comment peuvent s’établir en toute légalité près de
chez vous les gens du voyage ? Non probablement, car
étant sédentaires vous n’avez jamais eu à vous en
préoccuper… hormis pendant le temps de vacances
en caravane ! Mais il y a une façon simple de vous renseigner : savez-vous si votre ville – ou bien le regroupement
de communes auquel adhère la vôtre – dispose d’aire(s) de
stationnement réglementaire(s) ? Pour le savoir, ayez la curiosité d’interroger un de vos conseillers
municipaux, ou votre maire… Autre source d’information : rendez-vous sur internet à l’adresse
http://www.angvc.fr/pages/stationner.html - Vous y trouverez une carte interactive qui vous fournira
toutes les informations nécessaires. Vous verrez en prime qu’il y a un très grand nombre de
communes dans l’illégalité : elles n’ont pas appliqué la loi votée voici 10 ans… c’est peut-être le
cas de la vôtre… Qu’attendent les pouvoirs publics pour sévir ? Simplement que la pression de
l’opinion publique se fasse en faveur de nos frères itinérants.
Jean Lavergnat
Propositions de l’Association Nationale des Gens du
Voyage Catholiques déposées à l’Elysée le 6-10-2010
I
l est remarquable qu’en dépit des textes fondateurs de la République notre communauté ne
puisse jouir des droits et devoirs accordés aux citoyens français. L’égalité des citoyens inscrite
dans la Constitution fonde la légitimité de notre appel aux autorités. La Commission Nationale
Consultative des Gens du Voyage mise en place, par sa structure et sa composition, ne constitue pas
l’intermédiaire opérationnel susceptible d’obtenir la modification des aspects discriminatoires de
notre statut. Nous avons donc l’honneur de soumettre aux plus hautes instances de l’État les dispositions indispensables à la reconnaissance de notre statut de français.
NOS PROPOSITIONS
- Abrogation des titres de circulation prévus
par la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 relative à
l’exercice des activités ambulantes instituant
notamment les mesures de contrôle et de visa
périodique de leur détenteur et des mesures
discriminantes en matières d’accès à l’exercice
du droit de vote.
- Garantir l’accès de tous les citoyens pour
la délivrance d’une carte d’identité ou d’un
passeport et interdiction de toute mention
discriminatoire directe ou indirecte sur tous
les actes administratifs et les pièces
d'identité notamment en matière de mention du
domicile.
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Actualités
relative à la création et la gestion des aires
d'accueil.
- Modifier le code des assurances et du code du
commerce afin de lever les discriminations
exercées par les compagnies envers l'habitat
mobile et éphémère et de proscrire tout refus
de couvrir les garanties minimales obligatoires
relatives à l'habitat et tout refus non motivé de
non reconduction de contrat.
- Développer toute mesure positive qui
assure une meilleure assiduité scolaire des
enfants du primaire au collège, adapter les dispositifs d'apprentissage et de formation existant pour les jeunes au mode de vie itinérant,
notamment en facilitant les transferts rapides
de dossiers et le suivi pédagogique sans interruption d'un département à un autre.
- Instaurer un moratoire relatif aux sanctions
appliquées de façon systématique à l'encontre
des familles mises en défaut quant à la conformité de leurs obligations déclaratives. Durant
cette période, les services de l'État, en partenariat avec le secteur associatif, devront lancer
des initiatives concrètes destinées à une meilleure information et un accompagnement
pédagogique des publics visés.
- Développer toute initiative visant à reconnaître l’internement des familles nomades et
des Tsiganes en France entre 1939 et 1946 :
recherche universitaire, insertion dans les
manuels scolaires, classement des sites d’internement, commémorations et inauguration de
monuments.
- Reconnaître la caravane comme logement
ouvrant l'accès aux droits afférents et aux
devoirs réciproques en matière d'imposition
locale.
- Lever les interdictions générales et
absolues d'installation de caravanes ou d'un
habitat mobile et éphémère inscrites dans les
documents d'urbanisme des communes en
exerçant le contrôle de légalité systématique
de ces documents par les préfectures.
- Introduire un droit au stationnement
opposable, garanti par le préfet, dans toute
commune inscrite au schéma départemental
d'accueil des gens du voyage qui s'opposerait
au stationnement provisoire des gens du
voyage alors qu'elle n'a pas rempli effectivement ses obligations légales. Garantir ce droit
au stationnement opposable dans les autres
communes, non inscrites au schéma, quelle
que soit l'importance de leur population, pour
une durée qui sera fixée par une convention et
dont la durée ne pourra être inférieure à 48
heures, lorsque la commune ne peut désigner
un terrain d'accueil même sommaire.
- Sanctionner les collectivités qui, 10 ans
après la promulgation de la loi du 5 juillet
2000, n'ont pas rempli leurs obligations au
regard du Schéma départemental.
- Exercer le contrôle de légalité systématique sur les dispositions abusives des règlements intérieurs, notamment en matière de
documents à produire pour accéder aux équipements publics, adoptés par les collectivités
territoriales qui assument la compétence
ASSOCIATION NATIONALE DES GENS DU VOYAGE CATHOLIQUES
52 rue Charles Michels 93200 Saint-Denis
Téléphone : 01 42 43 50 21
Email : [email protected]
Site Internet : http://www.angvc.fr
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Actualités
A propos du projet de loi « immigration, intégration et
nationalité »
Déclaration des évêques de la Commission
pour la Mission universelle de l'Eglise
En ce mois de septembre, sera présenté à
l'Assemblée Nationale le projet de loi sur l'immigration proposé par Monsieur Eric Besson,
Ministre.
• Il serait regrettable que notre pays contribue
à ce qu'on appelle la « fuite des cerveaux »,
dont les pays en voie de développement ont
le plus grand besoin.
L'Etat a le devoir d'établir des règles. Dans le
domaine de l'immigration, le gouvernement est
amené à procéder à la régulation des flux
migratoires, prenant en compte le bien commun. Les responsables politiques ont donc à
prendre des décisions difficiles, nous le savons
bien. Mais, comme évêques catholiques, nous
souhaitons dire ce qui, dans le projet tel qu'il
est, questionne notre conscience :
Avec de nombreux chrétiens qui vivent dans
les quartiers les plus pauvres, notamment les
communautés religieuses, nous savons ce
qu'apportent à notre pays de très nombreux
migrants, par leur travail, leur énergie et leur
honneur. Nous n'oublions pas les épreuves
qu'ils ont dû traverser lors de leur migration.
• La famille est la cellule de base de la société.
Pour les migrants, elle joue un rôle essentiel
dans leur insertion. Il nous faut combattre
toute mesure contribuant à l'affaiblir.
Nous exprimons également notre reconnaissance et notre soutien à tous ceux qui, personnellement ou en association, se mettent à leur
service, dans le désintéressement le plus grand.
• Le droit d'asile a toujours été défendu par
l'Eglise. Les mesures qui tendent à diminuer
le soutien ou les garanties d'une procédure
équitable sont inacceptables.
20 septembre 2010
Les évêques de la Commission pour la
Mission universelle de l'Eglise (CEMUE)
• L'intervention du juge des libertés est indispensable pour entendre la parole des personnes
privées de liberté. Retarder cette intervention
ou la limiter dans les lieux de plus grande
fragilité contrevient à ce droit, y compris dans
le cadre de la rétention administrative.
Mgr François Garnier (Cambrai)
Mgr Raymond Centène (Vannes - Pastorale
des Gens du voyage)
Mgr Renaud de Dinechin (Pastorale des
Migrants)
Mgr Thierry Jordan (Reims)
Mgr Dominique Rey (Fréjus-Toulon)
Mgr Claude Schockert (Belfort-Montbéliard Pastorale des Migrants)
Mgr Marc Stenger (Troyes)
• L'aide humanitaire aux migrants en difficulté
ne doit jamais être confondue avec l'activité
délictuelle des « passeurs ».
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Actualités
Communiqué du Conseil d’Églises Chrétiennes en
France sur les questions des migrations
Paris, le 5 octobre 2010
Au moment où un projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est discuté
au Parlement, le Conseil d’Églises Chrétiennes en France (CECEF) qui s’était exprimé sur ces
thèmes en février dernier, rappelle quelques-uns des points d’attention soulignés alors :
« Comme responsables d’Églises chrétiennes en France, nous voudrions encourager les fidèles de
nos communautés à persévérer dans leur solidarité envers les migrants…
Aujourd’hui, face aux situations dramatiques que connaissent les migrants, les préjugés n’ont pas
leur place. Un changement de regard est nécessaire…
Aujourd’hui, un partage solidaire avec tous les déracinés qui ont besoin de notre hospitalité est
indispensable et urgent…
Aujourd’hui, dans une société de défiance, nous réaffirmons que le migrant est une personne
humaine avec des droits fondamentaux inaliénables.…
Changer notre regard ; vivre un partage concret avec ceux qui souffrent ; ne pas se taire devant les
injustices… voilà le chemin qui peut être le nôtre… « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui
sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40). »
Le CECEF encourage les associations qui œuvrent en faveur des migrants et dans lesquelles de
nombreux chrétiens sont engagés bénévolement. Il demeure attentif aux difficultés rencontrées par
ces acteurs sur le terrain, dans l’accompagnement des personnes issues de l’immigration, à
leurs inquiétudes quant à certains amendements possibles au projet de loi, qui pourraient avoir des
conséquences graves pour le respect du droit des personnes étrangères résidentes en France.
CONTACTS MÉDIAS
Conférence des Évêques de France
Le cardinal André Vingt-Trois
Président
Conférence des Évêques de France
M. Jacques CARTON
Tél : 01 72 36 68 41
Fédération protestante de France
Le pasteur Claude Baty
Président
Fédération protestante de France
Mme Muriel MENANTEAU
Tél : 01 44 53 47 13
Assemblée des Évêques orthodoxes de France
Le métropolite Emmanuel
Président
Assemblée des Évêques orthodoxes de France
M. Carol SABA
Tél : 06 20 18 46 77
CECEF - 58, av. de Breteuil, 75007 Paris
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Actualités
La « conférence des baptisé(e)s »
vue par Jean Rigal
Votre démarche, à mes yeux, dépasse totalement des problèmes de vocabulaire. « Conférence » ou
« pas conférence », ne sont, pour moi, que chipotages sans intérêt. Par contre, les enjeux de votre
initiative m’intéressent au plus haut point. Ils me concernent en tant que baptisé, que prêtre
catholique, que théologien ecclésiologue.
De quoi s’agit-il dans le fond, sinon d’appliquer ce que nous a enseigné le concile Vatican II ?
En référence au Christ l’unique prêtre, la priorité doit être donnée au peuple de Dieu tout entier
sacerdotal au service duquel certains baptisés exercent le ministère de « pasteurs ».
De ce point de vue, l’expression « année sacerdotale » peut conduire à de véritables dérives. Qu’on
s’interroge sur le ministère des prêtres est non seulement légitime, mais peut être fructueux à deux
conditions : 1) que la question soit posée à l’intérieur de la mission première de la communauté
des baptisés ; 2) que l’on ait le courage d’affronter certains problèmes relatifs à la vie concrète des
prêtres et à leur mission. S’il s’agit simplement de maintenir ce qui existe, je ne suis pas
« partant ».
C’est dans cette perspective que j’approuve votre démarche. L’Allemagne, depuis des années,
organise différents groupes et rassemblements de chrétiens. L’Église en ressort dynamisée. En tout
cas, il m’apparaît qu’au-delà de nos sensibilités respectives, c’est l’annonce de l’Évangile qui est au
centre du débat. Les baptisés (hommes et femmes) en sont solidairement responsables. Le reste
nous sera donné par surcroît.
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Actualités
Le peuple de Dieu a faim
Intervention de Paul Falala lors du rassemblement des prêtres du diocèse d’Arras, autour de
l’évêque. Cette rencontre s’est tenue à la suite du suicide de JP Brunel, prêtre très dynamique
agissant en lien étroit avec l’action catholique rurale.
Le Peuple de Dieu a faim. Il a faim de pain frais.
Les trois quarts du temps on ne lui sert que du pain rassis, rassis, rassis, dur à s’y casser les dents.
Alors les membres de ce peuple quittent les différentes instances de leur église un à un, depuis
longtemps, massivement depuis peu.
On s’étonne du manque de vocations ?
Il n’y a pas de plaisir à présenter du pain immangeable. Ceux qui continuent sont découragés.
Le maître boulanger, assis sur le siège du Vatican ne produit que du pain rassis et dur dans ses
actes et décisions. On désirerait que les évêques ne se contentent pas de lui dire ‘Amen’, mais
lui dessillent les yeux sur les attentes légitimes du peuple de Dieu qui désirerait un pain frais et
comestible, cuit au four de Vatican II. Ils rendraient un immense service à toute l’Église, y compris
au pape lui-même. La collégialité restera-t-elle un faux-semblant ? L’espoir est très faible ; faut-il
l’abandonner ? Dans ce cas l’Église continuera de se dévaluer elle-même en une secte.
Mais l’Esprit Saint est plus fort que nous !
Paul Falala - Boulogne-sur-Mer
Message dʼEspérance
PARVIS - Lyon - 12 Nov. 2010
Il ne suffit plus de se préoccuper du devenir des Eglises, il faut donc prioritairement :
• Examiner l’évolution du monde auquel est
destiné le Message Evangélique
• Se lever pour lutter contre l’iniquité et la
violence inhérentes à cette évolution technique
et marchande qui ruine les valeurs constitutives
de l’Humanité et met à mal la Planète
• S’engager dans des lieux de solidarité, de
désobéissance et de propositions alternatives
• Remettre le monde à l’endroit en donnant la
parole aux exclus
• Laisser les prophètes prophétiser et porter à la
lumière ce qui est en train de naître.
Oui, pour nous le message libérateur de l’Évangile est nécessaire au monde :
il ne peut plus être porté par voie d’autorité.
C’est le temps pour tous, hommes et femmes,
d’en être pleinement responsables dans nos
sociétés sécularisées.
C’est donc le temps de donner plein essor à nos
communautés
héritières de Vatican II pour y vivre le partage
authentique de la Parole, des célébrations tissées
de nos expériences, et le travail d’actualisation du
Message :
Une Eglise Autre est possible !
C’est le temps aussi de renforcer publiquement
nos réseaux d’humanisme :
Un autre monde est possible !
Le temps vient d’envisager l’avenir
avec la Force et la Jeunesse de l’Esprit,
Souffle d’Amour et de Vie,
qui recrée le monde.
Vous trouverez une vidéo sur : http://partenia2000.over-blog.com/
Des photos sur : http://www.reseaux-parvis.fr - Pensez à visiter le site : http://www.reseaux-parvis.fr
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Actualités
Amérique Latine
Des pauvres lisent la bible
par le Père Jean-Louis RATTIER
par la justice qu'il venait de la main d'un commando gouvernemental chargé d'intimider
l'Église catholique ; la communauté chrétienne
voulut réagir rapidement par un communiqué ;
l'un dit : il faut s'appuyer sur l'évangile de
St Jean par exemple 3/19-20 : « les hommes
ont préféré l'obscurité à la lumière; quiconque
fait le mal, hait la lumière de peur que ses
œuvres ne soient connues ; la vérité vous
rendra libre... » Un autre insistait pour faire
référence à la première épître de Pierre : « vous
êtes les pierres vivantes du temple » ; il voulait
dire : ils ont détruit l'église matérielle, mais
l'Église-communauté est bien vivante, ce n'est
pas cet incendie et ces menaces qui arrêteront
notre vie solidaire et chrétienne.
On me demande un article sur mon expérience
de missionnaire, de Fidei Donum au Chili et au
USA avec les migrants mexicains. Je ne parlerai que d'un seul aspect: l'importance de la
parole de Dieu et le lien que les pauvres entretiennent avec la Bible.
Je me souviens d'un cours biblique dans ma
paroisse à Santiago; l'équipe de préparation
avait couvert les murs intérieurs de l'église
avec des panneaux et des références bibliques;
70 à 80 personnes (membres des communautés
de base, catéchistes ou simples paroissiens)
étaient rassemblées dans une ambiance fraternelle et joyeuse; après un chant et un premier
mot d'accueil, arrive une petite procession: on
apporte solennellement la Bible, mais surprise
la bible est entourée de cordes et de chaînes ;
l'animateur explique: « La Bible est un livre
clos, un livre fermé qui bien longtemps a été
interdit au peuple ; seuls quelques érudits la
lisaient et en donnaient le «sens» ; il est temps
de l'ouvrir et de la faire nôtre, de nous abreuver
à cette source cachée ; quel Dieu va se révéler
à nous à travers ces textes ? Cette histoire du
passé est-elle si différente de la nôtre ? C'est ce
que nous essaierons de percevoir et au fur et à
mesure, symboliquement, nous ôterons les
chaînes qui tiennent captive cette parole ».
À Santiago, à l'instigation des communautés de
base, chaque année se rassemblaient 5 à 6000
personnes pour un chemin de croix dans les
rues et quartiers populaires ; l'itinéraire a toujours un lien avec l'actualité : on passe à proximité d'un hôpital connu pour son mauvais état,
près de la zone industrielle où ferment certaines entreprises ou encore non loin d'un lieu
ou la répression policière a frappé. Chaque
participant portait une petite croix violette et
certains montraient des pancartes avec des
phrases bibliques; j'en cite quelques-unes :
- Le Christ est présent dans celui qui a faim,
dans celui qui demande justice, dans le
prisonnier, dans le malade. Mt 25.
- Face à la répression : «Tu ne tueras pas ».
Ex 20, 13
- Face aux détenus disparus : « Qu'as-tu fait de
ton frère? » Gen.4, 9
- Face au pouvoir: «La racine de tous les
maux, c'est l'amour de l'argent»
ou Isaïe 58 : «Le jeûne qui me plaît, c'est
rompre les chaînes injustes, renvoyer libres les
Les pauvres entrent avec facilité dans le monde
de la Bible ; en effet leur situation concrète est
proche de l'ambiance socio-cuturelle de la
Palestine ancienne : eux aussi connaissent les
chômeurs et les journaliers assis sur les places,
le salaire non payé qui crie vers le Seigneur, la
présence des malades et des mendiants, le juge
inique etc. Pour eux aussi
Une année un incendie intentionnel consuma
notre église paroissiale et plus tard il fut établi
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Actualités
opprimés, briser tous les jougs» et aussi le
magnificat : «Il renverse les puissants de leur
trône, il élève les humbles».
un modèle. La mise en commun des biens, le
partage, la solidarité, la prière en commun,
l'Eucharistie, autant d'éléments qu'ils essaient
de vivre ; dans les quartiers pauvres il paraît
évident et vital de créer des groupes, des structures pour répondre aux besoins élémentaires
de chacun : soupes populaires, coopératives
d'achats, de logements, groupes de santé, clubs
anti-alcoolique, comité des droits de l'homme,
groupes de femmes etc. Ces groupes comptent
de nombreux chrétiens.
À l'occasion de baptêmes d'adultes ou de
réunions de C.E.B (communauté ecclésiale de
base), j'ai constaté l'importance de deux
thèmes : l'Exode et la première communauté
chrétienne, décrite dans le livre des Actes des
apôtres. Les chrétiens nourris de la parole
biblique reconnaissent dans l'esclavage des
Hébreux en Egypte, leur propre situation. Eux
aussi ils vivent dans une situation infrahumaine ; eux aussi ils sont face à un choix :
rester à « manger les oignons d'Egypte» ou dire
à pharaon «laisse partir mon peuple» ; eux
aussi ressentent la nécessité d'une libération.
Quant à la communauté des Actes (Ac.2/42. et
4/32) elle est souvent évoquée et vue comme
Pour moi, je reste avec ce constat : des pauvres
lisent la Bible; ils y reconnaissent leur propre
histoire et découvrent le Dieu libérateur, celui
de Jésus-Christ ; cela fait partie des mystères
du royaume accessibles aux humbles et aux
petits.
Église : crise et espérance, par José Comblin
Un très bel exposé a été prononcé par José Comblin, théologien de 87 ans résidant au Paraíba (Brésil), dans le cadre
du congrès de théologie organisé à l’occasion du 30e anniversaire de l’assassinat de Monseigneur Romero. L’exposé
complet se trouve sur le site de JONAS www.groupes-jonas.com/neojonas/
…la situation qui règne actuellement dans l’Église déstabilise un grand nombre de personnes : il y a un sentiment
d’insécurité. Sainte Thérèse disait « Que rien ne les trouble, que rien ne soit source de peur ».
Alors que j’étais jeune, j’ai connu semblable expérience, voire pire. C’était sous le pontificat de Pie XII. Pie XII avait
condamné tous les théologiens importants de cette époque, tous les mouvements sociaux importants, le mouvement
des prêtres ouvriers en France, en Belgique… En tant que séminaristes ou jeunes prêtres nous étions, nous, plus déstabilisés encore. Nous nous interrogions : « Avons-nous un avenir ? ». J’avais lu une biographie du pape Pie XII par
un auteur autrichien, le jésuite Leiber. Il était le confesseur du pape et professeur d’histoire de l’Église à l’Université
grégorienne de Rome. Voici ce qu’il disait : « La situation de l’Église catholique aujourd’hui est semblable à celle d’un
château du moyen-âge : entouré d’eau, le pont-levis relevé, les clefs jetées à l’eau. Il n’y a aucun moyen de sortir,
c’est-à-dire que l’Église est coupée du monde : il n’y a désormais aucune possibilité d’accès ». Puis vint Jean XXIII
et là, ceux qui avaient été persécutés deviennent soudain les lumières du Concile ; soudain tous les interdits sont levés.
Et renaquit alors l’espoir. Je raconte cela pour que vous ne soyez pas dans le trouble : il se passera quelque chose,
quelque chose, on ne sait quoi mais il se passe toujours quelque chose. Comment expliquer semblable situation ?
José termine sa conférence ainsi :
La tâche de la théologie… Il faudra changer un tout petit peu : être moins académique, plus orienté vers le monde extérieur, vers ceux qui ne sont pas dans le réseau d’influence de l’Église, qui ne sert pas. Être une présence. Offrir une
théologie lisible sans avoir une formation scolastique, parce qu’autrefois si l’on n’avait pas une formation aristotélicienne on ne pouvait rien comprendre à cette théologie traditionnelle. Et bien la philosophie aristotélicienne est morte,
c’est-à-dire, les philosophes du XXe siècle l’ont enterrée. Il nous faut maintenant inventer : comment allons-nous nous
ouvrir au monde ?
José COMBLIN - 18 mars 2010
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FRATERNITÉ
Fraternité, ou la Révolution reste à faire
La fraternité, un mot explosif.
Ce mot est le troisième de la devise républicaine française. Parfois dans les pancartes des meetings
ou défilés, on peut lire Liberté, égalité, Union ou encore Liberté, égalité, Solidarité. D’ailleurs les
cahiers de doléances, les serments imposés au clergé lors de la Révolution ne parlent que d‘égalité
et de liberté. Il faut attendre 1848 pour que ce mot prenne place à côté des deux autres dans la devise
républicaine. Une gêne, un malaise à l’égard d’un mot marqué par son hérédité judéo-chrétienne ?
Peut-être pas. En effet la liberté peut trouver sa place dans une constitution, l’égalité peut être
réalisée par des lois ou décrets, mais la fraternité ne se décrète pas. Elle vient de l’intérieur de
l’homme et là sans doute la Révolution reste à faire. Les croyants parlent plutôt de conversion, mot
qui leur fait moins peur que révolution, car toute fraternité vient de Dieu. Elle est le courant qui
circule dans la Trinité entre le Père, le Fils et l’Esprit et qui a été répandu parmi nous.
La fraternité une affaire de tricotage
Pendant la guerre de 1939-45, j’étais enfant. Et la laine était rare et introuvable. Nous grandissions
régulièrement et nos tricots devenaient trop petits. Que faire sinon détricoter les tricots devenus trop
petits, en faire une belle pelote qui parfois s’échappait de nos petites mains. Notre mère en faisait
alors un nouveau tricot ajusté à notre taille. De temps en temps, une maille sautait, entraînant avec
elle 3 ou 4 rangées de travail et avec patience notre mère reprenait le travail. Quelques essayages
fragiles plus tard, le travail était achevé pour 1 ou 2 ans. Après tout peut-on empêcher des enfants
de grandir ? Peut-on empêcher la fraternité de se défaire sans arrêt ?
L’animateur de communautés chrétiennes connaît bien cela. Il refait constamment un peuple qui se
défait et se modifie sans arrêt. Il s’y essouffle car, dans un groupe social donné, la pesanteur est normale. Dans les situations habituelles, hors menaces aux frontières, un groupe, un peuple se stabilise
au niveau le moins onéreux pour lui.
La fraternité, un horizon à construire
Contrairement à beaucoup de discours lénifiants ou sentimentaux, du genre « tout le monde, il est
beau, tout le monde, il est gentil », la fraternité est un rude travail et d’abord sur soi-même pour que
des hommes et des femmes, des aveugles, des boiteux et des étrangers trouvent leur juste place au
festin d’ici-bas en attendant le festin du Royaume où le Père les attend. Alors la fraternité nous sera
donnée, mais demeure pour l’heure un horizon à construire.
Gilbert ADLER
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Fraternité
La Fraternité : une lutte avec, une lutte contre
Être frères, être fraternel, magnifique élan ! On
se tient par l’épaule et on avance en chantant !
Ce n’est pas cette image qui m’a entraîné à
m’engager dans une action collective, car, vivre
la fraternité dans l’action militante n’est pas
marcher sur un tapis de roses.
Je me suis engagé au Parti Socialiste il y a des
années. C’était pour moi le moins mauvais des
choix car le moins mauvais des partis politiques. Mais, la politique, si vous n’en faites
pas, elle, en fait pour vous. J’y ai milité longtemps dans une grande ville sans grand résultat,
perdu dans la masse. C’est en venant habiter
une petite localité que j’ai vu que l’on pouvait
y réaliser quelque chose. En Province on
connaît plus facilement les gens, on est plus
facilement connu.
Une « section » s’est constituée dans mon
village, elle a travaillé pour faire élire
quelqu’un au département, la meilleure
personne puisqu’elle avait soutenu avec force
notre projet. E t voilà que cette personne s’est
désintéressée de l’idée, du projet, lorsqu’ayant
réussi à trouver une place dans le système elle
a oublié ce qu’elle défendait.
Mon élan fraternel en a subi un choc, et ma première réaction a été de me dire : le salaud ! Et
puis, je me suis demandé si, moins formé à
l’Évangile que je le suis, je n’aurais pas fait
pareil il y a des années.
Il ne fallait donc pas rejeter… c’était un frère.
Il ne fallait pas non plus que je quitte le groupe
car l’affaire politique est affaire de tous, donc
affaire fraternelle, mon affaire. Il fallait revenir
aux fondamentaux, me les rappeler, les rappeler à l’intéressé.
Les rappeler à l’intéressé ? Mais il est dans un
système, dans un système où nombre de politiques, arrivés au niveau qu’ils convoitaient,
pour le bien de la cité bien sûr, en oublient le
projet. Il semble même, livres, journaux, courriels informatiques en parlent beaucoup ces
temps-ci, que la chose politique soit devenue
caverne d’Ali Baba. Ali Baba était-il fraternel ?
Ces gens arrivés aux salles du pouvoir dont les
portes ont pivoté au « sésame » des urnes,
oublient que l’argent dont ils vivent est tiré de
nos porte-monnaie. « Fraternité » affichent
pourtant les frontons de nos palais républicains
dont ils franchissant les portes. Notre élu peutil se démarquer seul des habitudes prises ?
Mon élan fraternel m’amènerait à rappeler les
fondamentaux à l’élu, mais pour être efficace il
va falloir que je trouve des gens qui voudront
bien réfléchir et travailler avec moi, car seul je
ne serai pas écouté. C’est force contre force
qu’il faut agir, dans la fraternité cependant. Il
me faut donc trouver des gens dont le projet ne
sera pas de démolir l’intéressé mais de le ramener à l’idée fondatrice, au projet. La réflexion
ne se fera pas sans mots ou actes qui risqueront
de n’être pas fraternels. Il faudra garder en
main le gouvernail de la fraternité tout en
faisant avancer l’idée.
Lutter avec mes compagnons, lutter contre les
déviations pour que le projet progresse. La fraternité n’existe pas sans luttes sans remises en
cause, sans tensions à l’intérieur du groupe, et
à l’intérieur de la personne même. Je me suis
dit parfois que j’aurais mieux fait de rester chez
moi.
Pas de fraternité sans lutte. Mais bien sûr ! Le
Jésus de l’Évangile ne nous l’avait-il pas déjà
démontré ? Il avait dû lutter, et seul, pour que
la religion de son peuple soit vraiment liaison
avec Dieu. Il avait dû lutter pour libérer ses
frères des pratiques innombrables qui cachaient
l’essentiel, et même s’y opposaient. Ce faisant,
il s’était mis le système à dos. Combien de fois
a-t-il dû se dire : je serais plus tranquille avec
mes planches, mes clous et mes rabots…
Frère des hommes, il nous appelle à la lutte, à
cette fraternité-là.
« Vita hominis super terram, militia est » disait
déjà la « Sagesse », ce livre que lisait Jésus, en
Hébreu sans doute, mais certains disent qu’il
savait le Grec, et même un peu de Latin !
Gilles Lacroix. Mont-près-Chambord
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Fraternité
La fraternité au sens propre
« Des nettoyeurs de Loire tous en bleu et blanc »
Ils étaient plusieurs dizaines, samedi, à passer les bords de Loire au peigne fin. Et
au-delà, à tisser des liens autour d’un projet commun.
ralliement sur la promenade Mendès-France.
« On nettoie ensemble puis on mange tous
ensemble. L’an passé ça avait bien marché et
pour nous récompenser, la ville nous avait
emmenés à Beauval. C’était un bon moment. »
Ils sont une petite dizaine sans domicile, vivant
la plupart du temps dans les rues de Blois, à
s’être mobilisés. Pour réapprendre à porter un
projet en groupe et se réapproprier leur ville.
Beaucoup ne se connaissaient pas
avant d’enfiler leur uniforme de
la journée. T-shirts bleus et
casquettes aux couleurs de la
ville, ou t-shirts blancs pour
les jeunes bénévoles. Plus
des cirés transparents
pour
éviter
d’être
trempés par la fin
de l’orage, samedi
matin. Mais tous ont
appris
à
se
connaître, une
fois les barrières
sociales et
générationnelles abattues. Car le
grand nettoyage des bords de Loire animé par
la ville et sa politique de solidarité n’a pas que
la seule vocation environnementale. Il sert
aussi à donner une place à chacun : des simples
citoyens, des conseillers de quartiers, des
membres d’associations, des sans-domiciles
fixes.
« On a conçu des jeux pour les petits enfants.
Notamment un jeu de l’oie qui est un jeu de
piste dans Blois. On a quadrillé le plan de la
ville de 20 cases et inventé des petites questions. Par exemple qui était Louis XII… »
Ceux qui étaient devenus la hantise de certains
commerçants parce qu’ils squattaient des lieux
publics sont allés les voir pour chercher des
lots. Et ont obtenu de belles dotations pour
leurs jeux : échantillons de parfum, bons de
réduction, etc.
En ouvrant les sacs des nettoyeurs, on voit que
la pêche a été fructueuse : éponges, bouteilles,
morceaux de chambres à air, etc. « Si les quais
sont propres, ça incitera les gens à faire attention ! » L’après-midi, c’est du temps que la
joyeuse équipe a donné aux Blésois. Avec la
même intention de faire boule de neige. Cette
opération nettoyage sera non seulement renouvelée, mais étendue à d’autres quartiers, car les
bonnes volontés ne manquent pas.
“ C’était un bon moment ”
« Dès 8 h 15, ils nous attendaient de pied
ferme ! », explique Geneviève Baraban,
première adjointe au maire, particulièrement
fière de l’implication des Blésois. Une équipe
est partie du parc des Mées, une autre du pont
Jacques-Gabriel pour passer au peigne fin
les rives de Loire côté nord. Avec point de
Béatrice Bossard
La Nouvelle République
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Fraternité
Le malheur et la fraternité
Enfin une dernière porte s’ouvre sur le parloir
où chacun retrouve l’ami, le père, le fils qu’il
vient rencontrer pour être ensemble une heure
et demie. Dans chaque box, les familles
essaient de ne pas perdre une minute de la rencontre. Un distributeur de boissons chaudes et
de gâteaux permet de vivre un moment symbolique de partage. Quelques-uns ont passé
quelques friandises en fraude pour améliorer
ce petit repas.
Il m’a été donné d’aller rendre visite régulièrement, pendant plusieurs années à un ami
condamné à 6 ans de détention. J’ai dû d’abord
découvrir le rituel de ces visites. Il faut se présenter à un poste d’accueil où un gardien vous
demande et vous prend votre carte d’identité
pour vous enregistrer sur la liste des visiteurs.
Ensuite, il faut confier à un petit coffre-fort
tout ce qui peut faire réagir un portique magnétique: montre, médailles, ceintures, monnaie,
clefs de voiture...
La fin du parloir est annoncée par les gardiens.
Le moment de la séparation est dur pour
beaucoup. Des femmes embrassent leur mari
avec beaucoup de tendresse. Des enfants
s’accrochent au cou de leur père comme s’ils
ne voulaient plus le quitter. Les amis se serrent
la main avec beaucoup d’émotion. On
s’accompagne le plus loin possible jusqu’à la
petite porte qui s’ouvre sur la prison.
Beaucoup pleurent. D’autres cachent leur
tristesse et s’efforcent de sourire. Et le parloir
redevient silencieux.
La première fois que je suis entré dans cette
petite salle déjà pleine, j’ai été accueilli pas un
jeune garçon qui, voyant mon embarras, m’a
appris le déroulement de cet accueil, quelle file
il fallait suivre, quels documents on allait me
demander et comment utiliser sans erreur le
code du coffre-fort pour pouvoir l’ouvrir au
retour. Il m’a montré où je devais déposer le
linge propre et comment je récupérerais le
linge sale à la sortie.
Il faut attendre, sagement assis sur quelques
petits bancs où tous ne pouvaient trouver
place. Vient un autre gardien qui va nous
ouvrir la porte de la prison. Elle s’ouvre devant
nous et se referme aussitôt derrière le dernier
visiteur. Un premier sas nous accueille et nous
passons sous un portique sonnant qui vérifie si
nous ne cachons pas des armes, un couteau où
tout objet métallique interdit. Le moindre morceau de fer sous un soulier peut déclencher
l’alerte et obliger à passer pieds nus. Dès la
première fois, j’ai trouvé que tout ce parcours
se passait dans la bonne humeur.
Le retour nous amène dans une nouvelle salle
où les familles doivent attendre que tous les
détenus soient fouillés avant de retrouver leurs
cellules. Cette nouvelle attente dure un assez
long temps. C’est à ce moment-là que beaucoup se parlent. Tout est sujet de conversation:
D’où on vient ? Combien de temps pour rentrer à la maison? Le temps de détention qui
reste encore? C’est là que je me suis senti
membre d’une vraie fraternité, avec ces gens
que je ne rencontrais qu’épisodiquement et
qu’à cet endroit. Des petits groupes se forment,
on parle, on rit, on raconte...
Ensuite, dans une seconde salle, il faut attendre
que les gardiens aient eu le temps d’aller chercher les détenus dans leurs cellules. Les
conversations s’engagent. Ceux qui ont le
même rythme de visites se retrouvent, se
connaissent, se demandent et se donnent des
nouvelles. Au bout de quelques visites on fait
partie du groupe.
Ces visiteurs sont d’origines très variées. Plus
de la moitié sont des « blancs ». On rencontre
des Africains de divers pays : des Maghrébins,
des Sénégalais, des Congolais... des
Asiatiques. Le monde est rassemblé et tous
sont de nationalité française.
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Fraternité
hautes. On sent que tout le monde ici est
dans la même peine, plus ou moins forte,
plus ou moins longue. Je trouve qu’on se
retrouve beaucoup plus frères qu’on le
pensait. Et ça fait du bien.
La porte s’ouvre vers la liberté. Nous nous serrons la main.
- À la prochaine, je reviens dans 15 jours.
Chacun regagne sa voiture. Certains sont
venus par le train. Ils repartent à pied vers la
gare en traînant leur gros paquet de linge sale.
La gare est à plus d’un kilomètre. Les voitures
s’arrêtent pour monter ces piétons jusqu’à ce
que tous aient trouvé un chauffeur. Ici, cette
aide va de soi. Et là encore, pour quelques instants, une nouvelle conversation va naître.
Mon ami est mort cet été. Je suis triste de
l’avoir perdu avant qu’il ait retrouvé sa liberté.
Mais je reste heureux au souvenir de ces
rencontres, au souvenir de ces visages que je
garde en mémoire. J’ai appris beaucoup.
Je ne savais pas que rassembler des hommes et
des femmes qui ont les mêmes angoisses, les
mêmes inquiétudes pour un être cher pouvait
être source d’amitié.
Je ne savais pas que lorsqu’on vit la même
épreuve, les différences raciales ne comptent
plus et que les visages n’ont plus de couleur
que celle de la fraternité.
Je ne savais pas que ce partage de la souffrance
et de la patience rendait bien minces les murs
qui séparent les églises et les religions.
A côté de moi un Algérien s’est assis. Je lui
demande d’où il vient.
- Je viens de Lille...
- Mais à quelle heure avez-vous dû partir?
- À quatre heures du matin.
- Vous venez souvent?
- Tous les 15 jours. Mon fils est là pour
10 ans et il lui en reste encore 5 à faire. Je
viens le voir. Je lui apporte son linge. C’est
mon fils et je l’aime. Quelquefois ma
femme vient avec moi ou un de ses frères.
Je ne veux pas l’abandonner.
Je l’avais déjà vu plusieurs fois, mais je ne lui
avais jamais parlé. Notre échange m’a semblé
naturel et profond. Ses paroles étaient remplies
d’affection, de patience. L’échange continue. Il
me demande:
- Et vous, vous venez de loin?
- Non je n’ai que 40 kilomètres à faire.
L’ami que je viens voir a aussi plusieurs
années de détention à faire.
- Et vous faites quoi dans la vie?
- Je suis prêtre catholique.
Silence.
- Alors nous ne sommes pas du même bord.
Moi, je suis musulman. Je vais à la
mosquée. A Lille il y en a plusieurs. Je vais
à la prière quand je peux, je fais le ramadan
tous les ans.
Silence. Il reprend:
- Mais quand on parle comme nous le
faisons maintenant, quand on se rencontre
pour la même misère, pour le même
malheur, les barrières ne sont plus bien
Michel Pinchon
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Fraternité
Tous également Frères devant le Saint Père ?
Impair et passe… pour le père évêque …
Voici le texte, retranscrit mot à mot, du passage de l’émission « La voie est libre » … sur FR3
Bretagne, consacré à la question posée par Thérèse Joubioux, de « Chrétiens et libres en
Morbihan », à Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo… Rappelons que
le texte préparé pour cette rencontre était le suivant :
avec les intégristes, disciples de Mgr Lefebvre.
Pourtant, d’autres catholiques, disons : réformateurs, souhaitent une Église plus ouverte
sur la société contemporaine. Pourquoi ceuxlà ne font-ils pas l’objet de la même attention
que les précédents ? L’Église a-t-elle peur de
ce qui bouge, donc de ce qui est vivant ? »
« Depuis quelques mois, le Vatican se préoccupe activement d’un rapprochement des intégristes schismatiques disciples de Mgr
Lefebvre. Pourquoi les catholiques dits réformateurs ou progressistes, qui souhaitent d’autres visages d’Église plus ouverts sur la société
actuelle, ne font-ils pas l’objet de la même
attention ? Leur tort serait-il de n’avoir pas
été excommunié ? »
Au moment de l’enregistrement de Thérèse,
les journalistes de FR3 ont demandé de modifier la question finale, ce qui avait pour but de
supprimer le terme « excommunication », qui
aurait, pensaient-ils, prêté à confusion pour un
public non spécialiste avec la réalité canonique
de la levée d’excommunication, qui n’est pas
une suppression d’excommunication.
Avant la question de Thérèse, Mgr d’Ornellas
a répondu à une question sur les attaques dont
Benoît XVI fait l’objet et à une question sur la
pédophilie. Le texte ci-dessous reproduit intégralement la réponse de l’archevêque à
Thérèse. Dès le dernier mot de cette réponse,
ci-dessous, une autre question lui a été posée
- Mgr Pierre d’Ornellas :
« L’Église, au contraire, est heureuse de tout
ce qui est vivant. Je pense que dans ce que
cette personne a dit, elle avait en tête ce que
Benoît XVI a fait pour les intégristes. »
- Autre journaliste :
« Il n’a pas renforcé l’image du conservatisme
de l’Église, finalement, en tendant la main aux
intégristes ? »
- Mgr Pierre d’Ornellas :
« Est-ce que c’est lui qui renforce l’image, ou
c’est ceux qui donnent l’image qui renforcent
l’image ? Comment se fait-il qu’on ne parle
jamais de ses rencontres avec les Juifs ?
Comment se fait-il qu’on ne parle jamais de sa
rencontre avec les Luthériens ? C’est le premier Pape qui va prêcher dans un temple
luthérien. Comment se fait-il qu’on ne parle
jamais du colloque avec les scientifiques qu’il
fait sur l’évolution ? Ce colloque est entièrement publié, et qu’est-ce qu’on voit ? On voit
Benoît XVI qui écoute, qui pose des questions
pour mieux comprendre les scientifiques, qui
sont des scientifiques au titre de leur science ;
je ne sais pas s’ils sont croyants ou pas, ça n’a
aucune importance et je pense qu’on est en
train de mettre une image complètement faussée de Benoît XVI. Ce n’est pas du tout ça,
- Nathalie Rossignol, journaliste :
« C’est Thérèse Joubioux qui vous pose une
question. C’est une chrétienne qui fait partie
des Réseaux du Parvis, une association de
chrétiens qui ne se reconnaissent plus vraiment dans l’évolution de l’Église, un peu dans
la lignée de Mgr Gaillot en 1995. Elle fait partie de l’association des Chrétiens et libres en
Morbihan. Je vous propose de l’écouter. »
- Thérèse Joubioux :
« Monseigneur, bonjour. On voit que le
Vatican se préoccupe fort d’un rapprochement
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Fraternité
des moindres, ne veulent pas prendre acte de
l’existence de groupements tels que les
Réseaux du Parvis. Interpellés à propos des
avances de Rome aux lefebvristes, ils répondent par la parabole de la brebis perdue à la
recherche de laquelle se précipite le berger en
abandonnant les brebis fidèles. On pourrait
pourtant parier sans grand risque, me semble-til, que le nombre d’intégristes au monde est
largement dépassé par celui des hommes et des
femmes qui, depuis des décennies, migrent
vers les marges de l’Église sans même s’attarder sur ses parvis, et la quittent, parce que cette
Église, au niveau de son magistère, n’a pas fait
en leur direction le moindre effort pour retrouver, déjà, un langage commun et actualiser des
solidarités.
Nous n’avons donc pas plus de chance avec
l’Archevêque de Rennes qu’avec l’évêque de
Vannes, Mgr Raymond Centène auquel, dès
son arrivée, nous écrivions en avril 2006 pour
nous présenter à lui et lui demander un rendezvous. N’ayant jamais reçu de réponse, nous lui
avons à nouveau écrit en mai 2009 pour renouveler notre demande. Nous attendons toujours
la réponse, ou même un simple signe de la part
du Vicaire général ou de l’un des trois Vicaires
épiscopaux auxquels nous avions adressé une
copie de cette dernière correspondance.
Devant ce déni de notre existence, s’étonnerat-on si, un jour, nous décidons de ne plus nous
reconnaître le moins du monde membres de
cette Église ?
À tout le moins est-il temps, aujourd’hui, de
cesser de critiquer en vain ce magistère
engoncé dans ses certitudes d’un autre âge, et
de vivre au plus près de la parole évangélique,
dans les petites choses comme dans les
grandes, entre nous comme avec toutes celles
et tous ceux que nous côtoyons quotidiennement.
En vérité, je vous le dis : le temps est venu !
c’est un homme tellement ouvert, tellement
doux, humble, bon, et ouvert sur la société. Et
effectivement, il est tellement ouvert sur la
société qu’il n’a pas exclu une catégorie de la
société, c’est-à-dire cette petite minorité qui
s’enferme dans de l’intégrisme. Il essaie de lui
tendre la main, et on oublie que – ça paraît tellement normal qu’il parle à des scientifiques –
qu’on n’en parle pas dans les médias. C’est
intéressant, ces colloques avec les scientifiques, le nombre de fois où il les écoute.
Quand il a prêché dans un temple luthérien,
c’est quand même pas mal, c’est la première
fois qu’un Pape le fait, il a osé aller là ! ».
……………….
Le moins que l’on en puisse dire, c’est qu’objectivement Mgr d’Ornellas n’a pas répondu à
la question de Thérèse Joubioux. A-t-il bien
entendu la question ? L’a-t-il comprise ?
L’ayant entendue et comprise, n’a-t-il pas su,
ou pas voulu y répondre ? Il est vrai que l’intervention de l’« autre journaliste » lui fournissait l’occasion de dévier sa réponse, et il semble que ce soit ce qu’il n’a pas manqué de faire,
en bifurquant de façon un peu confuse sur le
thème de « l’image du conservatisme de
l’Église » contredite par les multiples ouvertures du Pape vers les Juifs, les luthériens, les
scientifiques.
Alors, on continue de s’interroger. Un homme
rompu aux contacts avec les médias comme
Mgr d’Ornellas, ancien secrétaire du Cardinal
Lustiger, n’était-il pas capable de retenir la
totalité de la brève question de Thérèse tout en
en situant précisément le point fort sur le sort
fait aux réformateurs ? Dans la présentation
par Nathalie Rossignol, admettons que le vocable « Chrétiens et libres en Morbihan » ne lui
ait rien dit, mais on aurait pu espérer qu’il réagisse à l’annonce des Réseaux du Parvis, et
l’on ne me fera pas croire que le nom de
Jacques Gaillot lui soit inconnu !
Alors, on en arrive à penser qu’il avait plus ou
moins bien compris la question, mais qu’il n’a
pas voulu y répondre. Certains évêques, et non
Michel Bloch-Lemoine
CELEM
Chrétiens et libres en Morbihan
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Fraternité
Allez jeunesse !
Égoïstes et sans projets les jeunes d'aujourd'hui ? Certainement pas ceux qui se sont levés tôt
samedi matin pour encadrer le nettoyage des bords de Loire. La plupart ne sont pas encore majeurs
mais ont voulu s'impliquer dans le plan canicule-solidarité mis en place par la ville. La plupart du
temps, ils vont visiter les personnes isolées, éventuellement leur apporter de l'eau. Et s'inscrivent
dans des opérations tout au long de l'été, pour renforcer le lien social auprès de ceux qui en ont
besoin
« Je suis venue sur conseil d'amis, plutôt que de ne rien faire cet été. C'est très sympa, on rencontre plein de gens très différents » explique Hildegarde, 14 ans. « La bonne ambiance de l'opération nettoyage me donne envie de recommencer! » Elle s'est fait une copine, Marine 16 ans, du
quartier Quinière, rejointe par Thibault, 19 ans, de Blois Vienne : « On a vraiment l'occasion d'être
les acteurs de notre ville. »
Il y a aussi les jeunes de l'auto-école sociale, qui sont en parcours d'insertion et qui viennent offrir
leurs services. Pour redonner leur bonne humeur à la collectivité qui leur a tendu la main, comme
Kevin 21 ans et Marlène, 20 ans. Et puis il y a Alexis, Thomas et Kolia, 16 ans, des potes de NotreDame-des-Aydes venus avec leurs guitares. « On apprend à tous à se respecter, c'est ça la mixité
sociale. Qu'on soit blanc, black ou sans abri, on fait tous le même travail. Ça nous rend très fiers. »
Ils n'ont qu'un souhait : qu'on arrête de dire que les jeunes ne bougent pas...
Nouvelle République.
« Ouvrez votre cœur » nous a dit le Saint-Père.
« … On ne doit pas accepter que la mondialisation nous rende plus proches mais moins
fraternels.
Les chiffres nous disent que l’émigration atteint deux cents millions de personnes. Trentetrois millions sont actuellement sous mandat du Haut-commissaire des Nations Unies ».
« Nous avons parlé d’eux, en leur nom, avec amour et respect ; mais eux… où étaient-ils ?
« Quelques-uns, à la porte de notre assemblée, vendaient des bracelets ou demandaient
’aumône… »
« Nous sommes tous encore sur un chemin de conversion… »
Sœur Mercé
déléguée des Petites Sœurs de Jésus
VIème Congrès international sur les migrants et les réfugiés (Rome, 9-12-09)
(in : Nouvelles des Fraternités, N° 36, 2010)
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Fraternité
Quand Charles de Foucauld parle de la fraternité
« pasteurs indifférents ».
« Vous qui mettez sur vos timbres et partout
‘‘liberté, égalité, fraternité, droits de
l’homme’’ … »
« Nous, Chrétiens, professant une religion
d’amour… Français incroyants criant sur
les toits fraternité… »
Arrivant à Beni Abbès, pour se consacrer aux
« frères de Jésus qui l’ignorent », l’abbé
Charles de Foucauld est stupéfait de découvrir
que la France tolère, par opportunisme politique, l’esclavage dans des territoires sous sa
responsabilité. Il veut alerter sur ce scandale
pour le faire cesser, il écrit aux uns et aux
autres, à commencer par les autorités religieuses, lesquelles l’engagent… à la discrétion. Réponse argumentée à l’abbé de NotreDame-des-Neiges (7 février 1902) :
Foucauld est très lucide : « Notre Algérie, on
n’y fait pour ainsi dire rien pour les indigènes. » « Nous avons là plus de trois millions
de musulmans depuis plus de 70 ans pour le
progrès moral desquels on ne fait pour ainsi
dire rien, desquels le million d’Européens
habitant l’Algérie vit absolument séparé, sans
le pénétrer en rien, très ignorant de tout ce qui
les concerne, sans aucun contact intime avec
eux, les regardant toujours comme des étrangers et la plupart du temps comme des ennemis…» avait-il constaté le 22 novembre 1907
dans une lettre à son père spirituel. Il lui
réécrit, le 1er janvier 1908 :
« Ce que vous dites est ce que je fais vis-à-vis
des esclaves […] Mais ceci dit, et en les soulageant dans la mesure du possible, il me semble que le devoir n’est pas fini : et qu’il faut
dire – ou faire dire par qui de droit – « Ce n’est
pas permis » : « Malheur à vous hypocrites »
qui mettez sur vos timbres et partout « liberté,
égalité, fraternité, droits de l’homme » et qui
rivez les fers des esclaves, qui condamnez aux
galères ceux qui falsifient vos billets de banque
et qui permettez de voler des enfants à leurs
parents et de les vendre publiquement, qui
punissez le vol d’un poulet et permettez celui
d’un homme : (en effet presque tous les
esclaves de ces régions sont des enfants nés
libres enlevés violemment par surprise à leurs
parents) […] Il ne faut pas nous mêler de
gouvernement temporel, nul n’en est plus
convaincu que moi, mais il « faut aimer la justice et haïr l’iniquité », et quand le gouvernement temporel commet une grave injustice
contre ceux dont nous sommes dans une certaine mesure chargé […] il faut le lui dire, […]
et nous n’avons pas le droit d’être des « sentinelles endormies » des « chiens muets » des
« Croyez là-dessus votre enfant qui est devenu
presqu’un vieillard, qui vit au milieu de
misères infinies pour lesquelles on ne fait rien
et on ne veut rien faire ; pouvant et devant faire
tant de bien, on aggrave au contraire l’état
moral et intellectuel si lamentable de ces peuples en ne voyant en eux qu’un moyen de gain
matériel. Ce que voient les indigènes de nous
chrétiens, professant une religion d’amour, ce
qu’ils voient des Français incroyants criant sur
les toits fraternité, c’est négligence, ou ambition, ou cupidité – et chez presque tous, hélas,
indifférence, aversion et dureté. »
« Outre la fraternité chrétienne et la
fraternité entre fils du Père commun qui est
aux cieux, la fraternité française… »
Lettre à sa sœur, le 27 avril 1916 :
« Je suis allé il y a 15 jours passer 48 heures
au Fort-Motylinski, capitale de l’Ahaggar, à
Suite du texte page 34
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COUPLES SANS HISTOIRE(S) ?
Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir à des
couples non-mariés, à des personnes divorcées
et à des personnes divorcées et remariées ?
Présentation
Durant deux ans un groupe d’une quarantaine de personnes de la région lyonnaise a discuté
des expériences des uns et des autres, rencontré divers spécialistes, lu des documents et
finalement rédigé un appel aux évêques de France. Quelques extraits de ce travail sont
fournis dans ce numéro du Courrier, l’ensemble du document étant disponible à l’adresse
suivante : Christian Biot 19 rue Desaix 69003 Lyon ([email protected]).
Sommaire complet du document :
I. ‘Ils vivent ensemble’ (Christian Biot)
‘Questionnaire’ (Pierre de Givenchy)
Témoignage et Appel de Marie.
.
II. Quelques réactions exprimées autour de ces documents.
- Note de Monique Chomel
- Écho de la réunion du 31 janvier 2009
- Jérôme Dupré La Tour rend compte de l’ouvrage de Eric Jacquinet et Jacques
Nourrissat : « Fidèles jusqu’à l’audace »
- Idéalisme moral et éthique de la responsabilité. (Bruno Marie Duffé)
- La patience et le soin (Luc 13,1-9) (Christian Biot)
III. Rencontre du 7 novembre 2009 avec la pasteure Anne Faisandier
IV. Deux rencontres avec Michel Legrain les 22 et 23 janvier 2010
V. La rencontre du 29 mai 2010 autour de Jean Peycelon.
VI . Un message à l’Église catholique de France adressé aux évêques.
Pour entrer en contact avec Jonas – Lyon : [email protected]
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Couples sans histoire(s) ?
Le témoignage de Marie
Pendant une vingtaine d’années, j’ai été très engagée dans la pastorale de la santé et la catéchèse
sur le diocèse de… . Formée avec mon mari à l’institut de formation des laïcs pendant deux années,
nous avions reçu chacun une lettre de mission de notre évêque pour nous engager, l’un dans la
pastorale de la santé, l’autre dans l’aumônerie des jeunes. Des années au cours desquelles j’ai pu
approfondir et nourrir ma foi, entourée et soutenue.
Puis les difficultés se sont accumulées. Nous étions dans la tempête. Pendant dix ans, j’ai tout fait
pour ne pas en arriver au divorce, mais je n’ai pas pu. Des années douloureuses, difficiles, à essayer
de suivre l’idéal avec lequel j’avais toujours vécu dans la foi chrétienne. Un jour, il a fallu prendre
une décision et nous avons divorcé.
Le choc a été rude ! La communauté ecclésiale dans laquelle je vivais depuis longtemps, qui me
soutenait sans le savoir, a pris instantanément de la distance. Je me suis retrouvée seule, pas seulement dans ma vie personnelle mais aussi, à ma grande surprise, dans l’Eglise.
Quelques années avant ce divorce, devant les difficultés qui s’accumulaient, j’avais repris une vie
professionnelle. Moins de temps pour le bénévolat, une nette prise de distance de mes anciens amis,
une blessure profonde avec, sans doute, une sensibilité exacerbée, une culpabilité difficile à dépasser : tout cela ne facilitait pas les relations, sans doute.
Après mon déménagement à Lyon, j’ai voulu m’investir et agir. Accueillie par un groupe de divorcés et entourée de la prière de la paroisse St Irénée, j’ai animé un groupe de réflexion à « l’Agora
Tête d’Or ».
Et puis j’ai rencontré mon futur mari. Comme il est organiste, nous passons beaucoup de temps dans
les églises et nous fréquentons souvent des prêtres, mais, étonnamment, nous avons été très seuls
pour gérer cette nouvelle situation : il fallait éviter de parler de cela ! Alors, j’ai appris à prier seule,
à communier avec Dieu et le Christ par la musique, à accompagner du regard les foules qui se présentent pour recevoir l’Eucharistie, du haut des tribunes, à prier pour notre Église, aussi imparfaite
que moi qui rejette, blesse et fait du mal au nom d’une loi que je ne comprends pas, qui ne ressemble pas à ce que j’entends dans l’Évangile. Jésus dit au paralytique : « Lève-toi et marche. » Cette
parole d’Évangile entendue au cours d’une messe m’a aidé à me relever et à repartir. Mais comme
le publicain, consciente de mes imperfections, je reste au fond de l’église et n’ose plus m’avancer.
Je n’ai pas envie de polémiquer et, en général, je me contente de prier pour que nous progressions
tous, avec notre Église. Aujourd’hui, par hasard, je relis cette phrase que Monseigneur Le Bourgeois
nous a dite lors d’une de ses homélies : « Nous sommes appelés à porter témoignage. Il est des
hommes qu’on ne veut pas écouter, et parce qu’ils dérangent, on les fait taire… Beaucoup sont
témoins d’un Évangile exigeant, défenseur des faibles, que l’on fait taire par tous les moyens.
Posons-nous la question : avons-nous le courage, la volonté d’être des témoins ? » Voilà pourquoi
il m’arrive parfois de témoigner, en espérant que nous serons un jour entendus, écoutés.
Marie
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Couples sans histoire(s) ?
Idéalisme moral et éthique de la responsabilité
Les pages suivantes sont tirées d’un texte de Bruno Marie Duffé destiné aux membres de la
pastorale de la santé du diocèse de Lyon
C
’est un peu trop dire que les récentes
déclarations du Pape Benoît XVI à
propos du sida, leur amplification
médiatique et les effets de leur réception dans
l’opinion, ont provoqué un malaise. Il convient
désormais de parler d’une fracture, qui n’est pas
sans rappeler celle que provoqua, au sein des
catholiques comme de la société civile, la publication en 1968 de l’encyclique du Pape Paul VI
« Humanae vitae », à propos de la contraception
et de la régulation des naissances. À bien des
égards, on pourra dire que le même type de discours provoque les mêmes effets. En se situant
résolument sur un registre qui se veut idéal mais
qui est par trop réduit au comportemental, le
discours du Magistère catholique manque
la question essentielle : comment vivre au
mieux ce que l’on croit ? Comment devenir ce
que l’on est ? Comment faire tout ce que l’on
peut, en vérité et en conscience ?
et le comportement qui doit lui correspondre.
D’une certaine manière, l’idéalisme considère
l’idéal – le lien entre sexualité et conjugalité, le
lien entre sexualité et fidélité – avant les personnes… Il s’agit d’une morale qui précède
l’histoire de chacun et qui se traduit en impératifs. Or notre manière contemporaine de penser
la vie a rompu avec l’idéalisme moral – ce qui
ne veut pas dire que nous vivions nécessairement dans l’anomie, l’absence de normes et de
loi morale. Nous nous efforçons de vivre en «
sujet » responsable qui cherche à assumer ce
qu’il croit et ce que sa conscience lui conseille
de faire.
Certes, notre conscience peut s’égarer mais
notre existence reste un chemin. Pas après pas,
nous tentons de nous affirmer, faisant de nos
découvertes et de nos erreurs elles-mêmes un
enseignement. Le discours d’une autorité
morale, comme celle de l’Église catholique,
consiste bien évidemment à proposer un idéal
et un accomplissement pour la personne
humaine. Le discours idéaliste, qui creuse
nécessairement l’écart entre ce que nous
vivons et ce qu’il faudrait vivre pour coïncider
avec l’idéal, se doit d’être accompagné d’une
autre parole : une parole d’humanité, de discernement et d’encouragement permanent afin
d’inviter chacun à avancer encore d’un pas.
« Mon ami, monte plus haut ». On l’aura
compris, en l’absence d’une considération de
cette éthique de la responsabilité – qui passe
évidemment par le souci de protéger l’autre et
de se protéger soi-même quand on vit une
sexualité qui ne s’inscrit pas dans la fidélité –
le discours idéaliste peut en venir à cautionner
des attitudes qui mettent en danger la vie,
en l’autre comme en soi-même, parce qu’il
ne fait pas la place à une approche
Idéalisme moral et expérience de la
responsabilité
Parler de fracture, c’est envisager le moment
où la conscience individuelle ne parvient plus
à entendre le discours moral qui lui est adressé,
en dépit des efforts pédagogiques et de
l’accompagnement que l’Église, dans son
langage propre, nomme la « pastorale ».
Aujourd’hui les pasteurs eux-mêmes vivent un
écart tel entre le discours de l’autorité et le
conseil moral et spirituel qu’ils sont amenés à
apporter à chacun, au long des jours, qu’ils
sont écartelés dans leur propre conscience.
L’idéalisme moral - qu’il importe ici d’entendre au sens strict, à savoir : une démarche qui
part de l’affirmation idéale et non du réel existentiel – vise à une adéquation entre la représentation que l’on développe (de la sexualité)
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Couples sans histoire(s) ?
« compréhensive », un ajustement aux situations, aux sensibilités, aux états de vie.
Entre l’idéalisme moral dont on perçoit bien
qu’il interroge radicalement une éthique individualiste et nécessairement relativiste, et une
éthique de la responsabilité qui prend en considération la situation présente, s’efforçant de
considérer notre humanité là où elle en est, il y
a sans doute place pour un discours de la « gradualité » que le magistère catholique ne semble
plus valoriser, après l’avoir pourtant promu, en
particulier dans le domaine des questions
conjugales (cf. Jean-Paul II : « Familiaris
consortio 1981 n°9). Il est clair que nos
contemporains sont, plus que jamais, en attente
d’un discours idéal - mais non idéaliste – qui
réintègre et relie le principe et le réel, la loi et
le désir, la responsabilité et l’horizon exigeant
du respect. La considération de ces tensions
n’est pas nécessairement une caution au relativisme moral car il est bien sûr que tous les
comportements ne se valent pas et qu’il
importe d’éclairer les consciences.
a toujours présentée comme « le sanctuaire
» de la liberté humaine où l’homme est seul
avec lui-même et avec Dieu (cf. Pie XII,
radiomessage du 23 mars 1952). Sans pouvoir la développer dans les limites du présent propos, on croise ici la délicate et inévitable question de la « loi naturelle » : cette
approche théologique traditionnelle du discernement premier que tout sujet peut et doit
exercer, grâce à sa raison (cf. Concile
Vatican II, Gaudium et spes, n° 16, 17 et
50).
2. Entre l’éthique de type « paternaliste » qui
sait pour l’autre ce qui est bon pour lui et
l’éthique de type autonomiste qui renvoie
l’autre à « trouver ce qui est bon pour lui »,
s’ouvre aujourd’hui un espace pour la parole
partagée grâce à laquelle nous sommes
appelés à chercher ensemble « ce qui est
préférable pour chacun et pour tous », au
nom de l’idéal commun de la dignité de tout
être humain, un idéal par essence à poursuivre.
3. Dans son autorité et sa mission, l’Église qui
parle au nom du Christ, ne saurait réduire le
service qu’elle offre à l’humanité (cf.
Vatican II, Gaudium et Spes, le rôle de
l’Église dans le monde de ce temps, n° 40 à
44) à la seule production d’un discours
moral qu’il soit exhortatif ou prophylactique. C’est d’un message et d’un témoignage qui allient espérance et responsabilité
dont beaucoup ont besoin aujourd’hui, en
matière de sexualité comme dans les questions sociales. À la manière du Christ dans
les Évangiles, l’Église est appelée à parler
au cœur de l’homme et à le soutenir sans
cesse dans son effort inachevé d’humanisation.
Bruno Marie Duffé
Trois questions touchent à la relation entre
le catholicisme et la société contemporaine.
1. Si l’on intègre, comme le fait désormais le
discours moral officiel de l’Église, la référence aux droits humains, il faut s’attendre à
ce que les questions morales constituent un
objet d’échanges et de confrontations entre
des approches plurielles. Et l’on ne saurait
en appeler aux droits humains et à la liberté
de conscience sans écouter cette conscience,
dans ses aspirations aussi bien que dans ses
faiblesses, et même dans ses errances. Seule
l’attitude de l’accompagnement et du
conseil peut donner pleine considération à
cette conscience que la théologie catholique
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Couples sans histoire(s) ?
Message à l’Église catholique de France adressé aux
évêques
De 2008 à 2010, le groupe ‘‘Jonas – Lyon’’ a
essayé de conduire une réflexion sur la situation faite aux personnes divorcées remariées
dans l’Église catholique. Cette réflexion a été
conduite selon cinq perspectives :
1. Écouter des couples dans cette situation :
d’abord prendre en compte leur souffrance, celle provoquée par la rupture
d’un couple et celle du rejet par
l’Institution ecclésiale ; ensuite découvrir
leur attachement à l’Église.
2. Déchiffrer une certaine diversité dans les
orientations exprimées par Rome, par des
évêques et par des théologiens depuis le
Concile Vatican II.
3. Clarifier le sens de mots qui sont utilisés
dans les discours, notamment les mots
légalité, moralité, sacramentalité.
4. Mettre en valeur l’enseignement moral
habituel qui distingue le rôle de la ‘‘Loi’’
et la place de la ‘‘conscience’’.
5. Observer l’évolution des mœurs sur les
relations sexuelles, sur les significations
qui leur sont données et observer l’évolution de la vie réelle des couples établis
dans la perspective de la liberté, de la fidélité, de la fécondité, cette vie réelle qui
peut être révélatrice de la sacramentalité
du mariage selon l’Église catholique.
C’est cette réflexion (souvent paisible, parfois
douloureuse) qui nous conduit à adresser un
nouvel appel à l’épiscopat français : peut-on en
effet rester bloqué dans les règles actuelles ?
Ne devons-nous pas envisager résolument une
démarche pastorale, attentive à la promesse
que vivent les personnes divorcées, lesquelles
éprouvent un enfermement et une souffrance
dans l’application à leur endroit de prescriptions purement et simplement réglementaires ?
L’exigence rappelée dans l’Évangile selon
St Matthieu est beaucoup plus qu’une injonc-
tion morale et juridique : « Ce que Dieu a uni,
que l’homme ne le sépare pas. » (Mat. 19,6).
Elle est, entre autres considérations, un appel à
considérer et à prendre soin de la rencontre et
de la confiance qui nous permettent de
déployer notre pleine humanité, selon le désir
de Dieu.
1. La vie conjugale est un chemin marqué de
lumières et d’ombres ; sa dimension sacramentelle s’inscrit dans une histoire qui a précédé la célébration du mariage et qui se
déploie d’année en année, avec ses phases de
maturation et de transformation, selon l’humanité des conjoints et la part imprévisible
de leur histoire commune.
2. L’attention que nous sommes appelés à
offrir, comme pasteurs et au sein de nos
communautés ecclésiales, à l’histoire individuelle et conjugale des individus ne saurait
se réduire à une loi ou à un modèle qui ferait
fi de l’expérience vécue par chacun : histoire
souvent traversée de doutes et de remises en
question d’engagements assumés de bonne
foi mais parfois mis à mal par un mode de
vie où la fatigue physique ou morale domine.
3. La foi en la Résurrection du Christ et de
tout homme, à sa suite, fait naître au cœur
des croyants une considération de l’histoire
des individus, des couples et des communautés, dans laquelle prime le passage de la mort
à la vie. Or nous sommes amenés à remarquer que certaines expériences d’épuisement
d’une relation – devenue invivable – s’ouvrent sur une vie nouvelle dont la foi et
l’espérance ne sont pas absentes. Elles sont
parfois même le commencement d’une
nouvelle quête spirituelle. La Parole du
Christ ressuscité vient toucher et relever
toute personne qui se lève avec lui du
tombeau de la méfiance et de l’incompréhension, voire de la violence.
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Couples sans histoire(s) ?
4. L’Église, en la personne de tout baptisé
comme en chacun de ses ministres, est appelée à demeurer dans cette attitude diaconale
qui consiste à s’approcher du frère pour lui
offrir l’écoute et l’espérance d’un amour
plus fort que toute rupture. L’attitude diaconale prend appui sur un Christ qui fait grâce
et dont la grâce est plus forte que nos règles
les plus légitimes. Il s’agit de laisser agir en
chaque être l’Esprit qui nous réconcilie avec
nous-mêmes et avec l’autre.
Dans cet esprit de fraternité, ne croyez-vous
pas que nous sommes appelés à aider des
chrétiens sincères à marcher sur le chemin
d’un amour qui les relève et les reconstruit ?
Adresse du Collectif National de Jonas
aux Évêques de France
Voici quelques semaines chacun de vous receviez l’appel ci-dessus rédigé par le groupe de Lyon.
Quinze jours après sa publication, seuls deux d’entre vous avaient simplement accusé réception
du document.…
Et maintenant, qu’allez-vous dire et surtout, faire ?
Carpe Diem
Vis le jour d’aujourd’hui
Dieu te le donne, il est à toi,
Vis-le en lui.
Le jour de demain est à Dieu,
Il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu : remets-le lui.
Le moment présent est une frêle passerelle :
Si tu le charges de regrets d’hier,
De l’inquiétude de demain,
La passerelle cède et tu perds pied.
Le passé, Dieu le pardonne.
L’avenir, Dieu le donne.
Vis le jour d’aujourd’hui
En communion avec lui ;
Et s’il y a lieu de t’inquiéter
Pour un être bien-aimé
Regarde dans la Lumière du Christ Ressuscité.
Prière trouvée sur une petite Sœur du Sacré-cœur tuée en Algérie le 20 novembre 1995
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Couples sans histoire(s) ?
Regards de croyants sur la sexualité du couple
Madeleine et Raymond Salles, Monique et Jean-Michel Dols, médecins.
Jean Rigal, Théologien
La foi en un Dieu-Trinité (Père, Fils, EspritSaint) apporte une lumière décisive à ces différents enseignements. Dieu est « relation » en
son être même, révèle Jésus de Nazareth. Il est
foyer d’amour, communion, communication,
le contraire d’un être solitaire. Pas d’amour
dans la solitude, pas d’amour sans échange,
sans respect des différences, sans reconnaissance mutuelle. Bref, instaurer des rapports de
réciprocité où chacun donne et reçoit.
Notre première préoccupation est de tenir un
langage positif lorsque nous parlons de la
sexualité. Cette dimension de l’existence,
source de plaisir et d’épanouissement, est
constitutive de la personne et il importe d’en
comprendre la signification.
« La sexualité est une composante fondamentale de la personnalité, une façon d’exister, de
se manifester, de communiquer avec les autres,
de ressentir, d’exprimer et de vivre l’amour
humain » (Instruction de la Congrégation
romaine pour l’Éducation catholique, 1984).
On peut affirmer que la sexualité est « révélée », qu’elle est l’image de la communion trinitaire. (cf. les Audiences de Jean-Paul II sur le
corps humain, année 1980).
Ces considérations prennent un nouveau relief
lorsqu’on les met en rapport avec ce que la
Bible nous dit de la création de l’être humain.
Le Livre de la Genèse déclare qu’il est créé par
Dieu « à son image et à sa ressemblance ».
C’est reconnaître que l’image de Dieu en nousqu’il soit homme ou femme- est liée, pour une
part importante, à la manière dont nous assumons cette réalité incontournable de l’existence humaine.
L’enseignement biblique ne porte pas sur
« l’acte sexuel » à proprement parler, mais sur
les enjeux qui doivent l’éclairer, le rendre profondément humain. Et c’est infiniment plus
important à nos yeux. C’est cette dynamique,
fondée sur Dieu et sur la réalité humaine, qui
nous tient à cœur.
À notre avis, le discours de l’Église reste
empêtré dans des considérations où l’on semble mettre sur le même plan, les méthodes, les
moyens et les enjeux ou la finalité. D’autre
part, l’Église a trop souvent lié femme et
sexualité au péché et à la licence. De plus,
l’institution ecclésiale ne pourra en sortir que
si elle parvient à se libérer de son souci obsessionnel de la continuité de son enseignement.
Celui-ci s’enrichirait en tenant davantage
compte de l’opinion des chrétiens et des
recherches actuelles.
Ce même Livre de la Genèse montre la création comme un acte d’Amour : « Et Dieu vit
que cela était bon » et même « très bon »
lorsqu’il s’agit de l’être humain.
Plus encore, Dieu s’est fait chair (Jn1,14) dans
un corps humain sexué, « devenant semblable
à nous en toute chose, excepté le péché ».(He
4,15).
Cet enseignement sur le corps humain prend
une nouvelle ampleur à la lumière de la foi de
l’Église en la résurrection des corps promis à la
vie éternelle. Il n’est pas de motivation plus
profonde pour donner toute sa place au corps,
manifestation de notre identité et rencontre privilégiée avec Dieu, aujourd’hui et pour toujours.
N’est-il pas surprenant et douloureux de penser qu’une religion qui insiste tant sur « DieuAmour » et ses implications dans notre vie,
puisse donner naissance à de si profonds
malaises dès qu’on parle de sexualité ?
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Couples sans histoire(s) ?
tale entre le sacré et la sainteté. Si le sacré est
extérieur à la liberté humaine et s’il est terrifiant, la sainteté, elle, passe par la liberté de
l’homme. Toujours avec sa collaboration, elle
est le déploiement de la vie divine dans tous les
aspects de l’existence humaine. » (L’amour et
la sexualité dans la Bible. Nouvelle cité, p. 25).
En tout cas, c’est dans la dynamique gratifiante
et exigeante d’un amour réciproque que s’inscrivent nos réflexions sur la relation sexuelle.
Celle –ci nécessite altérité, cheminement,
fécondité, dépouillement.
Altérité :
L’altérité appelle le respect de l’autre,
l’échange, le don mutuel.
La sacralisation sépare, la sainteté met en relation.
Elle ne se reconnaît pas dans une image purement idyllique de la sexualité.
Fécondité :
La fécondité constitue l’un des quatre piliers
du mariage chrétien avec la liberté, la fidélité
et l’indissolubilité. Le sacrement est vécu tout
au long de la vie du couple.
Le dialogue, le respect du conjoint, la compréhension, les gestes d’attention et de tendresse
sont constituants de la vie de couple. Cela ne
va pas sans tensions, et ce n’est pas une affaire
de méthode.
« C’est tout le mariage qui est sacrement.
Disons même que l’on entre progressivement
dans le sacrement. Sacramentels sont les actes
qui le constituent : les repas pris en commun,
les étreintes charnelles, l’accueil des hôtes,
l’éducation des enfants, les attentions
mutuelles et même les crises et les réconciliations » (X Lacroix Le mariage Tout simplement / Ed de l’Atelier P 89)
D’une certaine façon, « il n’y a pas d’équilibre
possible en amour ! Le seul équilibre dans une
vie amoureuse c’est la routine, la mort psychique et la mort sentimentale. En amour,
comme dans toutes les relations affectives, les
deux êtres qui se font face sont des êtres
vivants. Chacun évoluant différemment, pour
son propre compte et, à l’intérieur de la relation, l’équilibre ne peut être qu’instable ». (B.
CYRULNIK, Psychologies, oct. 2003). Cet
équilibre souvent fragile demande à être soutenu par un amour mutuel et le souci d’aider
l’autre à être lui-même.
En 1966, la Commission instituée par Paul VI,
pour éclairer les questions de fécondité,
adopte, à une large majorité, le texte suivant :
« La moralité des rapports sexuels dans le
mariage prend la signification première et spécifique du fait de leur ordonnance dans une vie
conjugale et féconde, c’est-à-dire pratiquée
dans l’esprit d’une paternité responsable généreuse et prudente, et elle ne dépend par conséquent pas de la fécondité directe de chaque
rapport en particulier. »
Cheminement :
La sexualité est un cheminement et peut être
une voie de sainteté comme le souligne Pierre
Debergé, recteur de l’Institut catholique de
Toulouse : « pour la Bible, la sexualité et la
fécondité ne sont pas des forces mystérieuses
que l’homme doit apprivoiser… ; le corps et la
sexualité ont été remis à la responsabilité des
hommes pour qu’ils participent à la puissance
rédemptrice de Dieu. Car tel est le changement
fondamental opéré par la Bible : on ne participe pas à une sexualité divinisée mais à la
puissance créatrice de Dieu (…). De ce fait, la
sexualité ne doit pas être sacralisée mais sanctifiée. Ainsi apparaît une différence fondamen-
Cette ouverture à une fécondité de l’ensemble
de la vie conjugale nous semble pertinente.
En écho, les évêques allemands et les évêques
belges, ont renvoyé les couples à leurs responsabilités et à leur conscience éclairée, c’est-àdire attentive aux critères de l’Évangile.
Dans le même sens, le père Yves Congar, éminent théologien, expert au concile Vatican II,
écrivait, de son côté : « Je n’arrive pas vrai28
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Couples sans histoire(s) ?
dans le pain partagé et la croix du Christ, inséparable de la résurrection, révèlent le mystère
de Dieu comme dépouillement et don total.
ment à juger que des époux qui ont exercé ou
exercent une paternité raisonnable et généreuse contreviennent à la volonté de Dieu si,
pour espacer ou éviter une nouvelle naissance…, ils usent d’un moyen artificiel plus
sûr que l’abstinence périodique (Dossier
« Assemblée plénière de l’épiscopat, novembre
1968).
La sexualité est un chemin, parfois dans
l’obscurité, les turbulences de l’existence,
mais jamais absente. Elle peut connaître les
pires dérives. À l’inverse, elle reste, pour sa
part, un véritable lieu de sainteté, particulièrement noble, épanouissant et exigeant, en
réponse aux appels de l’Évangile.
Dépouillement :
Il n’y a pas de véritable amour sans dépossession, renoncement, patience, pardon. Le
dépouillement s’inscrit dans la vie du couple, y
compris dans la relation sexuelle. Cette dimension –les chrétiens le savent- est au cœur de la
Pâque de Jésus ; le lavement des pieds, le don
Avec ce texte, nous ne voulons donner de
leçons à personne, mais simplement partager
avec vous cette visée positive et stimulante, en
espérant qu’elle suscitera vos réactions et
contribuera à notre réflexion commune.
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DU CÔTÉ DES LIVRES
André FOSSION
DIEU DÉSIRABLE
e présent ouvrage défend l'idée d'une pastorale du désir de Dieu.
Le Dieu des chrétiens ne s'impose pas. Croire en Lui n'est pas
nécessaire pour être heureux, pour rendre heureux et être
engendré à la vie que Dieu donne. Mais la foi en un Dieu bon, sauveur
et libérateur est un don précieux et gratuit. Cette grâce-là pousse vers
les autres, pour les écouter, les comprendre, les aimer. Cette grâce-là
permet la reconnaissance, dans les autres, de Dieu. Cette grâce-là rend
Dieu désirable.
Tel est le thème de ce livre de pastorale, divisé en quatre parties :
évangéliser, catéchiser, enseigner, lire les Écritures. L'enjeu est de
faciliter l'accès à la reconnaissance joyeuse de la grâce de Dieu.
L
Sur le site de JONAS dans la rubrique à Lire voir l’article sur cette
question de la foi en Dieu.
www.groupes-jonas.com/neojonas/
André FOSSION
Jésuite, est professeur au Centre International Lumen Vitae à Bruxelles, Il a été directeur de ce Centre
de 1992 à 2002 et président de l'équipe Européenne de Catéchèse de 1998 à 2006. Il est auteur de Lire
les Écritures. "Théorie et pratique de la lecture structurale" (Lumen Vitae, 1980), de "La catéchèse
dans le champ de la communication" (collection « Cogitatio fidei », Cerf, 1990), de "Dieu toujours
recommencé" (Lumen Vitae, Cerf, Novalis, 1997) et de "Une nouvelle fois. Vingt chemins pour
(re)commencer à croire" (Lumen Vitae. Novalis, l'Atelier, 2004).
Vincent Petit
ÉGLISE ET NATION
La question liturgique en France au
19 e siècle
Presses Universitaires de Rennes
2008
Voici un ouvrage récent dont le sous-titre attirera tous ceux qui s’agacent
ou se passionnent face aux querelles persistantes agitant les milieux
catholiques français, quarante ans après Vatican II. Sur les deux cents
pages, une centaine seulement constitue la thèse présentée par l’auteur,
l’autre moitié des pages apportant en annexes bon nombre de textes
épiscopaux (circulaires, mandements) et des extraits de documents
romains, des cartes, un ensemble d’informations d’ordinaire inconnues
du commun des lecteurs.
Le livre est érudit donc, mais il est présenté par Vincent Petit, son auteur,
comme un essai. Il tente en effet de montrer par quelles logiques, interne
et externe, le catholicisme ultramontain intransigeant l’a emporté en France grâce à certaines
personnalités, certains courants (Dom Guéranger notamment, les mennaisiens), et ce malgré les
30
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Du côté des livres
traditions antérieures, ainsi que le gallicanisme de beaucoup d’évêques. Paradoxalement, les révolutionnaires imposant la Constitution Civile du clergé relayés ensuite par les décisions de Bonaparte
(concordat), leur volonté politique commune de constituer une église nationale pour mieux la
contrôler, tout cela a renforcé la papauté dans sa résistance aux nouveautés du siècle (démocratie,
citoyenneté individuelle, égalitarisme, etc.) Au cours de ce 19e siècle qui a vu en Europe l’émancipation des états nations de la tutelle romaine, qui a connu l’effondrement des pouvoirs territoriaux
du souverain pontife, l’Eglise catholique a survécu en magnifiant son universalité contre les traditions locales mêmes anciennes, jouant de la prépondérance romaine en tout domaine, notamment en
liturgie moyen d’expression par excellence de sa visibilité sociale.
Le lecteur est ainsi plongé dans les querelles de rénovation du calendrier des saints, de l’imposition
du bréviaire romain, de l’uniformisation du chant liturgique, etc. En cours de lecture il comprend
mieux les tensions existant entre l’Eglise catholique et la démocratie, la crainte de la modernité, la
place du latin face à la langue vulgaire… toutes querelles que seule l’ignorance historique fait dater
du concile Vatican II.
Jean Lavergnat
Jacques LAGROYE
APPARTENIR A UNE INSTITUTION
Catholiques en France aujourd'hui
LIBRAIRIE dialogues
Forum Rouil
29200 BREST
tel : 02 98 44 35 09 - site : www.librairiedialogues.fr
Ce livre est indiqué par Gérard BESSIÈRE, voici ce qu'il en dit "Ce
livre est extrêmement intéressant, j'ai désiré vous le signaler car il
apporte des éléments de lucidité et pourrait faire l'objet d'échanges
entre nous. L’ouvrage est "lisible" sans jargon ni abondance de
tableaux "sociologiques. Il va très profond dans l'analyse de ce que
nous avons vécu et vivons dans l'Église.
É
glise catholique est durement affectée par des processus variés
qui ébranlent, les uns après les autres, les fondements mêmes de
son existence en tant qu'institution. En analysant les différentes
facettes de cette crise, en étudiant les façons dont les catholiques en France « appartiennent» à
l'Église mais aussi la contestent ou s'en détournent, Jacques LAGROYE (1936-2009), ancien directeur du département de science politique de la Sorbonne (Université Paris I Panthéon-Sorbonne),
nous montre que « bien des ruptures résultent d'un amour déçu, mais aussi bien des efforts, parfois
pathétiques, pour préserver une relation .. dans laquelle on a trouvé une forme de bonheur et en
laquelle, en dépit du désarroi, on veut encore croire ».
Cet ouvrage est une contribution importante à la compréhension des transformations contemporaines du catholicisme... qui met tout à la fois l'accent sur les modalités d'appartenance des fidèles
à l'Église, sur les modes d'exercice du pouvoir de ses dirigeants, sur les formes d'entretien de la
docilité en son sein et donc, aussi, sur les contestations et les ruptures. Mais c'est également, et peutêtre d'abord, une contribution à la sociologie des institutions, qui cherche à comprendre les relations
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Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page32
Du côté des livres
entre un collectif organisé et les multiples manières de vivre l'appartenance à ce collectif, de participer à ses activités, de le construire en pratique tel qu'il est.
Ce livre posthume d'un grand universitaire catholique,qui retrace en creux un itinéraire intellectuel,
est une leçon de sociologie,attentive à comprendre les différences entre la posture du spécialiste en
sciences sociales et celle du théologien, respectueuse des croyances pour comprendre ce qui les
rend possibles.
Sous la direction dʼOlivier Bobineau et Jean Guyon
LA CORESPONSABILITÉ DANS
LʼÉGLISE, UTOPIE OU RÉALITÉ ?
V
ient de paraître, aux éditions Desclée de Brouwer, un
ouvrage important sur la coresponsabilité dans l’Église.
Le thème n’est pas nouveau, mais il a pris une telle
ampleur, au cours des dernières décennies, qu’il est devenu un
mot d’ordre adressé à la communauté catholique, et pas seulement en France.
Ce livre reprend le riche enseignement d’un Colloque organisé
par la Communauté Saint-Luc de Marseille, en janvier 2009.
Il comporte trois parties, profondément reliées entre elles.
La 1ère partie est le fruit de trois regards différents et complémentaires : une approche sociologique que l’on doit à
Olivier Bobineau, maître de conférences à l’Institut catholique
de Paris et à Sciences-Po ; une approche théologique
d’Alphonse Borras, professeur à l’Université catholique de
Louvain et vicaire général de Liège ; une approche psychosociologique de Vincent Hanssens, professeur émérite de
l’Université catholique de Louvain.
en lien avec l’Église. Communauté missionnaire et coresponsabilité trouvent leur essor
avec le concile Vatican II.
C’est à partir des années 1990, que l’on va
assister, du moins en France, à de véritables
modelages paroissiaux. La pénurie des prêtres,
avant tout, les favorise. D’autre part, l’aménagement des paroisses reçoit un support canonique important avec le Code de 1983 : la
paroisse n’est plus définie d’abord comme un
territoire mais « comme la communauté précise des fidèles » et « dont la charge pastorale
est confiée au curé ».
Bref, la paroisse est conçue « comme un pôle
de fidèles, territorialisée le plus souvent,
La sociologie (1er volet) ne peut ignorer l’histoire. La gouvernance paroissiale émerge progressivement à partir du 12ème siècle dans
l’Église d’Occident. On peut dater de cette
époque « la naissance du curé », une fonction
qui trouvera des fondements plus affirmés avec
le concile de Trente, au 16ème siècle. Le curé
devient le « médiateur » entre les fidèles et
Dieu, chargé de la Parole, des sacrements et de
l’action pastorale. L’héritage tridentin va durer
durant des siècles jusqu’à l’apparition claire
d’une société sécularisée dans les années
d’après-guerre. La dimension missionnaire
prend du relief. La paroisse est composée de
tous ceux qui l’habitent, qu’ils soient ou non
32
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Du côté des livres
ouvert à la mobilité géographique et sociale
des croyants » (page37). L’enracinement de
ces ouvertures dans l’enseignement de Vatican
II est manifeste.
Ces déplacements sont portés par de nouvelles
structures, essentiellement le conseil pastoral,
le conseil des affaires économiques (rendu
obligatoire par le Droit canon) et les équipes
pastorales, sorte d’organe exécutif. Il va de soi
que tout ceci entraîne une évolution du rôle du
curé et plus largement de tous ceux qui exercent une responsabilité pastorale : les diacres,
les laïcs salariés, les laïcs investis dans les
structures paroissiales (conseil pastoral,
conseil des affaires économiques, équipe pastorale).
Le sociologue ne manque pas de souligner que
« la coresponsabilité paroissiale est traversée
par les tensions de la modernité : « autonomisation du croyant mais en même temps valorisation de son engagement, croire dérégulé et
régulation institutionnelle, déterritorialisation
et reterritorialisation des fidèles » (p.61).
Les enjeux théologiques et institutionnels
(2e volet) sont relevés par A. Borras. Le fondement majeur de la coresponsabilité est le
Baptême, et non les circonstances qui, bien
évidemment, le favorisent comme la pénurie
des prêtres ou les évolutions démographiques.
C’est au titre du baptême que les chrétiens
prennent part à la triple fonction prophétique,
sacerdotale et royale du Christ et du corps
ecclésial. Ces charges sont aussi des responsabilités. « Elles sont autant de l’ordre de l’être
que du faire » (p.73). Et la responsabilité
missionnaire ne s’ajoute pas à l’incorporation
missionnaire, elle lui est inhérente. Toutefois,
le mot « coresponsabilité » met en relief la responsabilité de tous mais il ne dit pas en quoi
chacun est responsable (p.77). D’autre part, le
terme n’est-il pas utopique, au sens courant
mais restreint de « promesse non tenue », ce
qui ne signifie pas qu’il faut l’exclure, car il
est exhortatif et mobilisateur. Il importe plutôt
de mesurer les limites de son utilisation (p.78).
Le théologien développe le contenu de la
notion de « communion » comme participation
solidaire à une charge, mais à la condition
qu’elle soit conjuguée avec le concept de
« synodalité », c’est-à-dire avec un « marcher »
ensemble et chacun selon son rythme» (p.83).
En fait, on ne peut parler de coresponsabilité
qu’au sens de coresponsabilité différenciée.
Après avoir relevé la primauté de la communauté sur la diversité de ses membres, vient la
nécessité de préciser le ministère du prêtre : «
Le curé n’est plus au centre, les laïcs tournent
autour de lui. C’est désormais le prêtre qui
« tourne » allant de l’une à l’autre communauté
locale » (p.87).
Le troisième volet est d’ordre psychosociologique. On souhaiterait que beaucoup de chrétiens prennent connaissance de ces principes
majeurs concernant l’exercice concret de la
coresponsabilité dans l’Église. Les observations de Vincent Hanssens se montrent très
précieuses à cet égard. Par exemple, qu’est- ce
qui préside à la délégation des pouvoirs ? Ou
encore, quelles sont les attitudes requises pour
une coresponsabilité réellement vécue ?
Considérer les différences d’opinion comme
des éléments positifs. Mais alors comment
gérer les conflits ? Que penser des compromis ? Rester préoccupé du problème et
ne pas s’engager trop rapidement dans un processus de solution. « Il ne s’agit plus d’une
relation de dépendance des laïcs par rapport
aux clercs, mais d’interdépendance » (p. 111).
La 2e partie de l’ouvrage est une sorte
« d’étude de cas » ou de témoignages concrets.
Il est impossible d’en faire une présentation
exhaustive, mais on peut relever des convergences. Transparaît d’abord un « esprit »
proche de celui des communautés locales de
Poitiers. La participation des laïcs ne relève
pas d’abord d’exigences d’ordre pratique mais
d’une commune responsabilité fondée sur le
baptême. Celle-ci s’exprime par des instances
diverses de fonctionnement et d’animation. Un
projet stimulant oriente les efforts et les
échanges. On parle volontiers d’une « pastorale du seuil ». Les appartenances à la communauté sont parfois très floues : de l’engagement
fervent aux différentes formes d’incroyance.
La liberté de choix devient un facteur déterminant. Le rôle du prêtre apparaît comme le signe
33
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Du côté des livres
de l’identité de l’Église « qui se reçoit du
Christ ».
La 3e partie du livre est le fruit d’une « table
ronde » où s’expriment « les experts » et
l’ensemble des participants du Colloque.
L’exercice du pouvoir reste une question
essentielle, notamment dans la relation
« prêtres-laïcs » mais pas uniquement.
Néanmoins, la vie ecclésiale dépasse cette
dimension institutionnelle. Elle « est ordonnée
autour de deux pôles : l’un institutionnel, bien
sûr, et l’autre pneumatique. Si elle n’est
qu’institution, elle est vouée à la mort, faute de
souffle » (p. 202). La formation des chrétiens
en responsabilité reste essentielle, mais elle
doit rester ouverte, c’est-à-dire « tout le
contraire du formatage ». Il importe aussi de
prendre le temps du dialogue, sans passer trop
vite à des recherches de solution.
Ce livre est surtout attentif aux réalités
urbaines, et il s’intéresse essentiellement à
l’exercice de la coresponsabilité dans les com-
munautés paroissiales qui deviennent, de plus
en plus, des ensembles de communautés
locales, notamment en rural. Ce point appellerait d’autres réflexions. L’ouvrage n’a pas la
prétention – heureusement – de couvrir
l’immense et complexe question de la coresponsabilité en Église. Bien sûr, il n’aborde pas
directement des thèmes plus fondamentaux qui
affectent désormais profondément les communautés chrétiennes, tel le statut de la foi dans la
société sécularisée et les nouvelles cultures.
Un livre ne peut tout dire.
Cet ouvrage ne donne pas des solutions en
forme de recettes. Il souligne les évolutions. Il
affronte, sans détour, les inévitables difficultés
que « l’on retrouve dans tout groupe humain »,
comme le fait remarquer Bruno Duriez, directeur de recherche au C.N.R.S. Bref, c’est un
livre stimulant. Il sera éclairant pour un grand
nombre de chrétiens – clercs et laïcs – en
responsabilité.
Jean RIGAL théologien
Suite de la page 20
50 km E.S.E. d’ici ; je n’y étais pas allé depuis
janvier 1913 ; j’y ai été reçu on ne peut plus
fraternellement par les six Français et les trente
Arabes de la garnison […]. Il m’a été doux de
passer deux jours au milieu de ces braves gens.
Outre la fraternité chrétienne et la fraternité
entre fils du Père commun qui est aux cieux, la
fraternité française est très chaude, en ce coin
reculé de la patrie, et elle existe non seulement
entre Français mais aussi entre eux et les soldats indigènes de la France. »
gence et de tout son cœur, à devenir véritablement « frère universel ». Ce n’était pas pour lui
un sentiment océanique, une embrassade générale ; cela n’empêchait pas les tensions – tout
au contraire, du fait même de ce « feu » que
Jésus a allumé sur la terre. Ce fut un incessant
travail de conversion personnelle, d’approche
réaliste, humble et patiente, pour établir avec
les uns et les autres des relations interpersonnelles d’une qualité telle qu’on en vienne à
l’adopter comme un frère, comme « l’ami sûr,
à qui on va quand on est dans le doute ou la
peine ; sur l’affection, la sagesse et la justice
duquel on compte absolument ». (à René
Bazin, 29 juillet 1916).
Charles de Foucauld devenu prêtre (9 juin
1901), est parti au Sahara à la rencontre des
« frères de Jésus qui L’ignorent ». Jusqu’à sa
mort, pendant quinze ans, à Beni Abbès puis à
Tamanrasset, il a cherché, de toute son intelli-
Brigitte Cuisinier
34
Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page35
Du côté des livres
Céline Béraud
PRÊTRES, DIACRES, LAÏCS
Presses Universitaires de France.
(Recension par Michel PINCHON )
C
e livre que
nous recommandons
à
tous les membres des
équipes Jonas, est
l'œuvre d'une femme
qui
enseigne
à
l' « Institut européen
en
science
des
religions ». Elle est
Docteur et Maître
en sociologie à
l'Université de Caen.
Cette étude s'inscrit
dans un courant nouveau. Depuis longtemps,
la sociologie religieuse se spécialisait dans les
nouvelles formes de croyance, sur l'évolution
de la foi dans les sociétés modernes et dans la
vie chrétienne. Un nouveau courant s'est créé,
soucieux de se concentrer sur les institutions
religieuses et spécialement sur celle de l'Eglise
catholique dans son évolution depuis le
Concile. Danièle Hervieu Léger qui préface ce
livre avait ouvert cette route dans plusieurs de
ses ouvrages et spécialement dans « La fin du
Catholicisme ».
Céline Béraud, à partir d'entretiens très variés
auprès de prêtres de diacres et de laïcs, analyse
en sociologue, les bouleversements profonds
de cette Eglise et spécialement les conséquences de la crise actuelle, particulièrement
apparents dans la diminution lente mais
constante du nombre de prêtres et dans la
tendance très inquiétante de la pyramide de
leurs âges. On sait qu'en 40 ans le clergé
français a perdu la moitié de ses membres et
que l'âge moyen se situe autour de 72 ans. La
moitié membres de ce clergé a dépassé l'âge
de la retraite.
Sur ce fond de tableau, face à cette situation
nouvelle, l'auteur se préoccupe en premier lieu
de la redistribution des tâches entre prêtres,
diacres et laïcs « missionnés » et spécialement
des femmes dont les responsabilités se font de
plus en plus nombreuses. Le corps sacerdotal n
'est plus seul en scène, même si les responsables actuels de l'Eglise lui gardent la responsabilité de la mission en priorité, ainsi que des
différentes cultures, paroisses, aumôneries,
mouvements et services. Cet entêtement fait
illusion et dissimule les nouvelles formes que
prend aujourd'hui cette « division du travail ».
Celle-ci s'est mise en place progressivement
depuis 30 ans et ce changement est considérable et généralement répandu. Il ne peut plus
être méconnu.
Céline Béraud parle d'une « révolution silencieuse ». Elle propose une étude sociologique
de ce mouvement irréversible. elle en analyse
les conséquences et repère les difficultés de la
mise en place de ce nouveau type de collaboration. Se posent des questions de pouvoir, d'accueil de la recherche de solutions nouvelles.
Elle montre par exemple combien la réservation au prêtre de tous les sacrements, et spécialement du baptême et du sacrement des
malades, rend souvent la collaboration entre
les responsables de la mission moins facile.
Elle note aussi beaucoup de « flou » dans ces
recherches et dans ces initiatives. sur ces chantiers, les prêtres se situent de façon très variée,
allant de l'autoritarisme le plus étroit à une
ouverture peu précise. Le rôle du diacre, lui
aussi, devient de plus en plus imprécis entre
l'envoi en mission par l'évêque vers un secteur
social précis (Santé, Presse, Médias, Jeunes,
Prisons, Monde rural...) et la récupération
actuelle pour pallier le manque de prêtres dans
la préparation et la célébration des sacrements.
Naissent donc des situations très variées, peu
précises, non réglementées, dont C.B. pense
qu'elles sont peut-être le champ où germe
l'avenir de l'Eglise, au moins en France. Ce
« flou » permet un certain « bricolage »
d'initiatives, de propositions, d'essais en tous
genres d'où sortira, pense-t-elle, une Eglise
renouvelée.
35
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Du côté des livres
Jacques Musset
QUAND LA MALADIE RAMÈNE À
LʼESSENTIEL
Éditions Siloë
es « méditations » qui constituent ce
livre, ont été écrites durant ma traversée
de la maladie. Atteint d’un cancer au
pronostic incertain, soumis à une opération
délicate, j’ai affronté six mois de chimiothérapie éprouvante et je traîne actuellement
certaines séquelles
Ce qui s’énonce dans mes méditations relève
moins de la relation de mon expérience
de malade que d’un essai s’attachant à
réfléchir une nouvelle fois – peut-être la
dernière – sur l’essentiel qui me fait vivre
et m’anime de l’intérieur. La maladie a
été l’occasion de
moments silencieux
d’intense recueillement ; et ce qui en émane est
comme l’ultime aveu de ma propre vérité
d’homme.
Menacé dans mon existence, conscient plus
que jamais de ma finitude, recentré sur les
valeurs fondamentales qui donnent sens à la
vie, j’ai laissé se redire en moi ce qui me semblait l’unique nécessaire, hors de quoi nous
sommes dans la figuration ou l’illusion.
Je poursuis mon chemin, dans la paix et la
sérénité, en ignorant toutefois de quoi demain
sera fait. Mais je suis confiant que le trésor
intérieur ne me fera jamais défaut, quoi qu’il
arrive.
Jacques Musset
L
Jacques Musset - 12, rue du Ballon, 44680 Ste Pazanne - [email protected]
La notion de fraternité dans l'enseignement de Vatican II
par Jean Rigal
A visiter sur le site Jonas : www.groupes-jonas.com/neojonas
"La fraternité est toujours en chantier. Elle est sans cesse à construire. Elle est à la fois
contestation et action".
"La fraternité est déjà mise en œuvre lorsque l’on fait tomber les frontières, lorsque l’on
renverse la logique de Babel."
La notion de fraternité ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier de l’enseignement du concile
Vatican II comme c’est le cas pour celle « d’Eglise peuple de Dieu » ou « de dignité de la personne
humaine ». La notion de fraternité est présente plutôt de manière diffuse, mais répétée, tout de
même 28 fois, à l’intérieur de différents documents, essentiellement « la Constitution pastorale
Gaudium et Spes » (G.S.). Bien entendu, la conception conciliaire de la fraternité dépasse le strict
emploi du mot. C’est ainsi qu’elle n’est pas éloignée d’autres concepts : communauté, société,
unité, solidarité, partage, corps, cité etc.
Le concile ne donne pas de définition du terme « fraternité », ni même de référence à une doctrine
philosophique ou politique. Il ne s’offre donc pas d’autre solution que de relever la signification
donnée par le texte lui-même. Je regrouperai cet enseignement autour de trois questions :
- les fondements théologiques de la fraternité,
- construire une communauté fraternelle,
- l’Église « ferment de fraternité ».
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Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page37
Du côté des livres
Matthew B. Crawford
ÉLOGE DU CARBURATEUR
Essai sur le sens et la valeur du travail.
Matthew B. Crawford
La Découverte - 9 bis, rue Abel-Hovelacque
www.editionsladecouvertez.fr
C
e livre m'a été offert à l'occasion d'une fête qui se voulait valoriser
une trentaine d'années passées dans la formation professionnelle dans
les métiers de la métallurgie niveau CAP et BP. Cette fête avait réuni
une centaine d'anciens maintenant presque tous à la retraite. Presque tous
terminaient avec des postes de responsabilité et certains de créations
d'entreprises.
Intéressant de constater ce qu'étaient devenus ces manuels d'origine et je ne peux que me réjouir de la
publication de "'Éloge du carburateur" dans lequel j'ai retrouvé bon nombre d'anecdotes qui auraient pu
se produire en nos ateliers d'apprentissage.
Le travail et pourrait-on dire le travail manuel particulièrement est à l'ordre du jour. Si vous avez envie
d'entendre autre chose que les discours tout faits et en même temps sourire et peut-être rire l'auteur vous
livre dans cet ouvrage intelligent et drôle l'une des réflexions les plus fines sur le sens et la valeur du
travail dans les sociétés occidentales.
Il montre que le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ».
Peut-être que la conclusion fait partie de la révolution dont on dit qu'elle vient ? « Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et
de mettre les mains dans le cambouis... »
ML
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Du côté des livres
Francis AYLIES
LE CORPS DU CRIME
Éditions Jc Lattés
Je n'ai pas l'habitude de lire des polards.
Pour une fois !
J'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture, avec un suspense qui dure
jusqu'au dernier chapitre. Pensez donc : un livre qui sait dans les
tensions actuelles en Église ouvrir le débat entre traditionalistes et
ceux inspirés par Vatican II pour une spiritualité renouvelée.
C'est aussi la rencontre avec une bande de jeunes autour de Marcia
et du père Stefano : ils ont dix-huit ans, vivent en marge, entre le
chômage, la drogue, la prostitution…
Marcia va progressivement s’intégrer au groupe, partager leurs
angoisses, s’ouvrir à leurs indignations… et surtout comprendre
que ses propres interrogations sur le sens de la vie peuvent trouver
des orientations dans les Écritures, où Jésus est un homme
confronté comme chacun d’entre nous aux tourments de l’existence.
Avec tout cela le Père Francis AYLIÈS – il est de Bordeaux avec
des situations nées de l'intégrisme – se lance et écrit un polard.
Tout à fait exact ce qu'écrit l'éditeur : " Un livre ambitieux qui
cherche à allier l’art du suspense à la réflexion sur la spiritualité."
ML
Rue des fillettes : le col romain bof !
Directeur d’une École professionnelle. Voici ce qui m’est arrivé :
La section chaudronnerie soudure étant avait besoin d’une rouleuse (une
machine qui sert à rouler des tôles). Je me suis rendu, rue des Fillettes à
Saint-Denis, Région Parisienne ; une usine y mettait en vente la machine que
nous cherchions. A l’heure du déjeuner, je m’installe à la terrasse d’un café. Le
serveur n’a pas l’air pressé, ni moi non plus, je lie conversation et lui commande un
sandwich et une pression.
- « Voilà, Monsieur le curé » me dit-il apportant ma commande.
Surprise de ma part, j’étais comme on dit en « péquin » - et bien entendu sans col romain et
n’ayant à aucun moment parlé religion.
De nouveau j’engage la conversation et lui commande un café. De nouveau c’est du : « Monsieur
le Curé ».
Intrigué par cette reconnaissance je lui demande le pourquoi du « Monsieur le Curé » ?
- « Vous savez, me dit-il, désormais pour être gentils avec nous, nous considérer, s’intéresser à
ce que nous vivons, il n’y a plus que les curés et les bonnes sœurs, même sans costume on
les reconnaît » !
C’était en 1969 : un curé, rue des fillettes, Plaine Saint-Denis cherchant une « rouleuse » !
Maurice LEROUX
38
Couverture45_Mise en page 1 29/11/10 13:06 Page3
Équipe nationale de Jonas
Gilbert ADLER
74, rue des Vosges 67000 STRASBOURG
03 88 25 15 39 - 06 32 08 22 38
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Michel ANGLARES
27, rue Gaultier 92400 COURBEVOIE
Thérèse BORDES
rue des Chénevières 70100 GRAY-LA-VILLE
03 84 65 26 85
E.mail : andrebordes@ libertysurf.fr
Yves COLARDELLE
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Brigitte CUISINIER
6 Plan du Framboisier 34750 VILLENEUVE les MAGUELONE
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Michel DEHEUNYNCK
59, rue de l’Union - 93000 BOBIGNY
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74, rue du Fort-St-Irénée
01 43 33 35 44 - Fax 01 47 89 24 44
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Les Sablons 72500 LAVERNAT
Gilles LACROIX
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02 54 70 70 87
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Maurice LEROUX
4, rue du 8 Mai
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27240 GOUVILLE
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Fraternité
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme 1948 :
"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de
raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»
1 Celui que tu connais, tu l'aimes comme un
frère.
Il est né près de toi, tout est normal ainsi ;
Mais celui qui naquit sur la terre étrangère,
Pourquoi ne pas l'aimer aussi ?
2 Ton amour fraternel aurait-il des frontières,
ou le bonheur de tous est-il ton seul souci ?
L'étranger, comme toi subissant des misères,
Pourquoi ne pas l'aimer aussi ?
3 L'Ancêtre vénéré, naissant avant tes pères,
Qui toujours combattit, sans demander
merci,
Pour que l'humanité sorte de sa galère,
Pourquoi ne pas l'aimer aussi ?
4 Et l'enfant qui naîtra, venant à la lumière,
Dans un monde aveuglé qui va sans but
précis,
Cet enfant dont le sort est encore un mystère,
Pourquoi ne pas l'aimer aussi ?
5 Enfin l'humanité, si sage et si légère,
Dont les comportements sont toujours
indécis,
Peux-tu t'en isoler ? mon ami, mon frère ?
Pourquoi ne pas l'aimer aussi ?
"Oh cette petite souris,
combien d'informations,
de communications
elle peut procurer !"
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Texte : Lucien Damiens ; Musique : Jacques Filleul (1951) Loge lyonnaise : Les amis des Hommes