Les impacts et conséquences de la criminalisation de l`achat de
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Les impacts et conséquences de la criminalisation de l`achat de
Les impacts et conséquences de la criminalisation de l’achat de services sexuels Alliance Canadienne pour la Réforme des Lois sur le Travail du Sexe Travailleuses(rs) du Sexe, Organismes, et Individus pour les droits des Travailleuses(rs) du sexe et, pour la Sécurité et le Bien-être de la Communauté www.sexworklawreform.com En 2013, le Canada introduisait une loi qui criminalise l’achat de services sexuels. Cette criminalisation de l’achat est souvent dénommée « modèle suédois » ou « nordique », présentée sous l’égide d’un nouveau cadre législatif en vue d’éradiquer le travail du sexe et la traite des personnes en « mettant fin à la demande ». Cette nouvelle loi canadienne est inspirée de la Suède qui, en 1999, rendait illégale l’achat de services sexuels. Ces modèles ancrés dans une notion de « fin de la demande » sont souvent décrits comme décriminalisant les travailleuses du sexe et criminalisant les clients. Une compréhension limitée de ces modèles fait en sorte que leurs défenseurs ignorent bien souvent les manières par lesquelles ils continuent de criminaliser ou de mettre en danger les travailleuses du sexe. Au Canada, contrairement à ce que prétendent les tenants de la nouvelle loi, les travailleuses du sexe demeurent criminalisées et peuvent être arrêtées pour avoir communiqué dans le but de vendre des services sexuels en public (ou à la vue du public), près d’un terrain de jeu, d’une * Afin d’alléger le texte, lorsque nous école ou d’une garderie. abordons des questions relatives aux Les articles 213(1), travailleuses et travailleurs du sexe, nous 213(2) et, nouvellement, avons choisi d’utiliser le genre féminin. 213.1.1, du Code criminel contribuent à créer des relations antagonistes entre la police et les travailleuses du sexe, en plus de soumettre les travailleuses du sexe aux mêmes risques qui ont été reconnus comme étant inconstitutionnels par la Cour suprême dans l’arrêt Bedford 1. La criminalisation qui en résulte porte atteinte à la santé et la sécurité des travailleuses du sexe. Qui plus est, l’article 286.1 criminalise tout client qui, à tout moment et en toutes circonstances, communique avec qui que ce soit en vue d’obtenir des services sexuels moyennant rétribution ou obtient de tels services. 1 Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 SCC 72. Quels sont les impacts de la criminalisation de l’achat de services sexuels sur les travailleuses du sexe? Au Canada comme en Suède, les travailleuses du sexe qui travaillent dans la rue signalent une hausse de la violence lorsque les clients sont ciblés. —— Quand les clients sont déplacés ou dissuadés, il est plus probable que les travailleuses du sexe prennent des risques en acceptant de nouveaux clients ou des clients inconnus et qu’elles fournissent des services qu’elles ne seraient pas autrement prêtes à offrir; —— Les travailleuses du sexe travaillent dans des secteurs plus sombres et isolés, où elles sont plus vulnérables à la violence; —— Une clientèle réduite signifie que les travailleuses du sexe travaillent de plus longues heures et plus fréquemment pour générer le même revenu, ce qui a pour conséquence de réduire leur sécurité et d’augmenter le potentiel de conflits avec d’autres membres de la communauté; —— Les patrouilles de surveillance visant les clients poussent les travailleuses du sexe à travailler dans des zones de plus en plus sombres et isolées, où elles sont plus vulnérables à la violence; —— La crainte des clients en ce qui a trait à la surveillance policière fait en sorte que les travailleuses du sexe n’ont pas le temps nécessaire pour évaluer et sélectionner leurs clients avant d’entrer dans leur véhicule. Les travailleuses du sexe sont déplacées vers des endroits plus isolés pour trouver des clients. Par conséquent, les réseaux de soutien informel parmi les travailleuses du sexe sont affaiblis. Il est ainsi plus difficile pour les travailleuses du sexe de s’avertir mutuellement concernant les agresseurs abusifs ou violents se faisant passer pour des clients, ou encore de consulter des ressources comme des listes de clients à éviter. L’accès est aussi rendu plus difficile pour les prestataires de services sociaux, qui ont du mal à rester en contact avec les travailleuses du sexe. Ce modèle fait en sorte que les travailleuses du sexe continuent d’éprouver d’importantes difficultés à dénoncer la violence et la coercition aux autorités. Le fait de s’identifier comme travailleuse du sexe à un policier peut engendrer un contrôle, du harcèlement et un risque accru de déportation.2 2 Dodillet, S, et P. Ostergren. 2011. The Swedish Sex Purchase Act: Claimed Success and Documented Effects. Document de la conférence présentée à l’atelier international: Decriminalizing Prostitution and Beyond: Practical Experiences and Challenges. La Haye, Pays-Bas, 3 et 4 mars 2011. http://gup.ub.gu.se/records/ fulltext/140671.pdf Craignant leur propre arrestation, les clients sont réticents à dénoncer les actes de violence, de coercition ou d’exploitation dont ils sont témoins à l’encontre des travailleuses du sexe. De fait, il est plus difficile de rassembler des preuves et de poursuive les auteurs de violations. En Suède, la plupart des prestataires de services sociaux s’opposent à la distribution de préservatifs, craignant d’être associées à des infractions liées au travail du sexe. Suite à la mise en place du « modèle suédois », les projets de prévention du VIH ciblant les clients de travailleuses du sexe ont aussi cessé d’exister. En Suède, les travailleuses du sexe qui continuent de travailler dans la rue sont harcelées et brutalisées par la police, qui les filment, leur fait subir des fouilles à nu et des recherches de condoms. Qui plus est, parce que les travailleuses du sexe sont impliquées dans un acte criminel, elles doivent comparaître à la cour pour fournir des preuves contre certains clients, ce qui les expose publiquement. Les travailleuses du sexe ont souvent du mal à trouver ou conserver des logements à cause de la criminalisation des personnes qui louent des locaux utilisés pour le travail du sexe, exacerbant ainsi la discrimination à l’égard des travailleuses du sexe. La tendance au déplacement et à l’éloignement des travailleuses du sexe vers des lieux clandestins nuit à leur capacité de maintenir un logement. On rapporte aussi une hausse de la discrimination de la part des prestataires de services sociaux. La crainte de la discrimination qui en résulte empêche les travailleuses du sexe de parler de leurs expériences de travail du sexe lors des tests de dépistage du VIH et d’autres infections transmises sexuellement. Ce phénomène se produit aussi de façon plus générale lorsqu’elles accèdent à des services de santé pour leur état de bien-être global. Bien que leur travail ne soit pas illégal, les travailleuses du sexe sont incapables d’accéder aux prestations de sécurité sociale qui sont à la disposition de tous les travailleurs des autres secteurs économiques légaux. Est-ce que la criminalisation de l’achat du sexe réduit la prostitution? Dans les villes de Vancouver, Montréal et Ottawa, où l’application de la loi a ciblé les clients, les travailleuses du sexe et les prestataires de services qui travaillent à leurs côtés font état des mêmes impacts négatifs sur leur sécurité qui ont menés à la décision Bedford. —— Malgré ses intentions énoncées, le modèle suédois ne réduit et n’élimine pas la prostitution. Les trois rapports gouvernementaux produits par la Suède font état d’une industrie qui n’a pas diminuée mais qui s’est déplacée vers des zones plus isolées;3 —— Une étude datant de 2014 indique que, bien que la présence de travailleuses du sexe ait diminuée dans les rues, le nombre de travailleuses du sexe travaillant sur Internet ou à l’intérieur a dramatiquement augmenté. 4 Les chercheurs affirment que cette baisse est attribuable à un contexte de développement technologique. Alliance Canadienne pour la Réforme des Lois sur le Travail du Sexe —— Le déclin du nombre de travailleuses du sexe dans la rue suite à l’adoption de la loi suédoise est largement attribuable à l’émergence parallèle de l’Internet. Ce déplacement des travailleuses du sexe vers des lieux intérieurs a été observé dans divers pays dont les lois réglementent le travail du sexe de manières radicalement différentes. 3 Version suédoise du rapport : RPS (Rikspolisstyrelsen) 2001. “Lag (1998:408) om förbund mot köp av sexuella tjänster. Metodutveckling avseende åtgärder mot prostitution.” Av Nord, Anders och Rosenberg, Tomas. Polismyndigheten i Skåne. ALM 429-14044/99. 2001. POB -429-4616/99; SoS (Socialstyrelsen) 2000. “Kännedom om prostitution 1998-1999.” SoS rapport 2000:5.; BRÅ (Brottsförebyggande Rådet) 2000. Brå rapport 2000:4. “Förbud mot köp av sexuella tjänster. Tillämpningen av lagen under första året.” Brottsförebyggande rådet. Stockholm. 4 Le bureau national de coordination contre la prostitution et la traite des personnes. Prostitutionen i Sverige. Lansstyrelsen Stolkholm 2015. http://www. lansstyrelsen.se/stockholm/Sv/Pages/default.aspx Travailleuses(rs) du Sexe, Organismes, et Individus pour les droits des Travailleuses(rs) du sexe et, pour la Sécurité et le Bien-être de la Communauté Les impacts et conséquences de la criminalisation de l’achat de services sexuels / juin 2015 / Page 2 de 2