bons » services de police. Le débat concernant le

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bons » services de police. Le débat concernant le
La communauté noire faisant l’objet d’une plus grande surveillance
policière, elle est plus susceptible d’être prise sur le fait lorsqu’elle enfreint
la loi que les Blancs impliqués dans la même activité criminelle. Par
exemple, 65 p. 100 des trafiquants de drogues de race noire indiquent
avoir été arrêtés au moins une fois dans leur vie, comparativement à
seulement 35 p. 100 des trafiquants de race blanche.
Discrimination ou « bons » services
de police. Le débat concernant
le profilage racial au Canada
SCOT WORTLEY
Centre d’excellence conjoint pour la recherche en immigration et en intégration (CERIS)
Centre of Criminology, University of Toronto1
JULIAN TANNER
Department of Sociology, University of Toronto
Depuis des décennies, les Noirs vivant dans les
grandes villes canadiennes, y compris Toronto,
Montréal et Halifax, se plaignent d’être
fréquemment arrêtés, interrogés et fouillés par la
police pour « le simple fait de conduire en étant
Noir »2 (Foster 1996, p. 5). Des plaintes similaires
ont été déposées par des Autochtones dans les
Provinces des Prairies, de même que par les
Asiatiques du sud en Colombie-Britannique.
Comme il fallait s’y attendre, les responsables de
l’application de la loi ont majoritairement réfuté
ces allégations. Cette controverse devait
atteindre son paroxysme en octobre 2002 alors
que le Toronto Star publiait une série d’articles
sur la question de la race et de la criminalité. En
plus d’examiner les recherches antérieures, le
Star fournissait sa propre analyse sur les
données liées aux arrestations effectuées par la
police. Leur étude révèle que la proportion de
Noirs à Toronto est extrêmement élevée dans
certaines catégories d’infractions, y compris la
possession de stupéfiants et les infractions aux
règlements de la circulation « non visibles »
(conduite sans permis ou conduite sans
assurance, par exemple). Le Star soutient que
cette tendance de surreprésentation est conforme
à l’idée selon laquelle la police de Toronto
s’adonne au profilage racial. Leur analyse
indique également que les Noirs sont traités
beaucoup plus durement après l’arrestation que
leurs homologues de race blanche. Les
contrevenants de race blanche sont notamment
plus susceptibles d’être relâchés sur les lieux,
tandis que ceux de race noire risquent davantage
d’être détenus, amenés au poste aux fins
d’instruction et mis en détention préventive pour
une enquête sur le cautionnement (Rankin et coll.,
2002a; 2002b).
En réponse à la série d’articles du Star, la
police de Toronto a catégoriquement réfuté
toutes les allégations de préjugés raciaux. Le chef
de police a déclaré : « Nous ne faisons pas de
1
2
Transmettre toute correspondance au prof. Scot Wortley,
au Centre of Criminology, University of Toronto, 130, rue
St. George, Toronto (Ontario), M5S 3H1, Canada ou à
l’adresse courriel [email protected].
NdT : Dans le texte original, « DWBBs—Driving While Being
Black Violations ».
Nos diverses cités
207
profilage racial [...] Il n’y a pas de racisme »3
(Toronto Star, 2002a, p. A14). Dans la même
veine, le président de l’Association des policiers a
déclaré : « Le Service de police de Toronto ne
s’est jamais adonné au profilage racial » (Porter
2002, p. A6). Ces commentaires ont été repris par
plusieurs politiciens locaux. À titre d’exemple, le
maire de Toronto a déclaré ce qui suit : « Je ne
crois pas que la police de Toronto s’adonne au
profilage racial sous quelque manière ou forme
que ce soit. C’est plutôt le contraire. Elle est très
sensible à nos différentes communautés »
(Toronto Star 2002b, p. A9). Malheureusement, la
police n’a pas encore produit de données
concrètes appuyant sa thèse d’absence de
racisme. Le profilage racial existe-t-il à Toronto?
Cet article vise à traiter brièvement des résultats
tirés de deux récents sondages menés à Toronto
qui abordent directement le débat sur le profilage
racial.
Une définition du profilage racial
Les chercheurs dans le domaine de la
criminologie s’entendent pour dire qu’il y a
profilage racial lorsque les membres de certains
groupes raciaux ou ethniques font l’objet d’une
plus grande surveillance que d’autres groupes en
matière de justice pénale. Le profilage racial est
donc généralement défini comme étant un
clivage racial dans les pratiques d’arrestations et
de fouilles effectuées par la police, une
distinction fondée sur la race lors de fouilles
effectuées par les agents des douanes aux
aéroports et aux frontières, un plus grand
nombre de patrouilles policières dans les
quartiers où s’établissent les minorités visibles, et
une série d’activités d’infiltration ou encore des
achats surveillés qui ciblent des groupes
ethniques en particulier. Le profilage racial est
par conséquent associé à des préjugés raciaux
durant les enquêtes policières, et non lors de
décisions d’arrestation ou du traitement par la
police après l’arrestation. Cela ne veut pas dire
pour autant que les statistiques concernant les
arrestations, telles que celles analysées par le
Star, ne reflètent pas le profilage. Par exemple, la
surreprésentation des Noirs dans les statistiques
concernant les arrestations à Toronto pourrait
signifier que les Noirs font en effet l’objet d’une
plus grande surveillance policière. Toutefois, cela
pourrait également vouloir dire que les Noirs
sont tout simplement plus souvent impliqués
3
208
NdT : Toutes les citations sont des traductions.
Nos diverses cités
dans des activités criminelles. Par conséquent,
l’hypothèse de profilage racial ne peut pas
vraiment être vérifiée si nous n’examinons pas
d’abord les renseignements sur les activités de
surveillance policière.
Les recherches antérieures
Les Noirs font-ils l’objet d’une plus grande
surveillance que les personnes issues d’autres
origines raciales en matière de justice pénale?
Les Noirs sont-ils plus souvent arrêtés, interrogés
et fouillés par la police? Les données de la police
en Angleterre (Bowling et Phillips, 2002) et aux
États-Unis (Engel et coll., 2002) semblent le
confirmer. En Angleterre, par exemple, la Police
and Criminal Evidence Act a obligé la police à
présenter un dossier sur l’origine raciale de
toutes les personnes faisant l’objet d’arrestations
et de fouilles par la police. Les statistiques de
1997-1998 révèlent que les Noirs vivant au
Royaume-Uni faisaient l’objet d’arrestations et
de fouilles à un taux de 142 p. 1 000, contre 45
p. 1 000 pour les Asiatiques et 19 p. 1 000 pour
les Blancs. Dans l’ensemble, les données
britanniques suggèrent que les Noirs sont
environ huit fois plus susceptibles d’être arrêtés
et fouillés par la police que les Blancs (Bowling
et Phillips, 2002).
Malheureusement, contrairement à l’Angleterre et aux États-Unis, les policiers du
Canada ne sont pas obligés de consigner la race
des personnes qu’ils arrêtent ou fouillent. Par
conséquent, les statistiques officielles de la police
ne peuvent pas être utilisées pour examiner la
présence ou l’absence de profilage racial dans ce
pays. En revanche, de nombreuses études sur le
terrain ont révélé l’existence possible de
profilage racial. Par exemple, James (1998) a
mené des entrevues poussées auprès d’une
cinquantaine de jeunes Noirs dans le sud de
l’Ontario. Bon nombre de ces jeunes ont rapporté
être couramment arrêtés par la police. Les
entrevues effectuées par Neugebauer (2000)
auprès de 63 adolescents de race noire et de race
blanche vivant à Toronto ont produit des
résultats très semblables. Même si l’auteur estime
que les adolescents issus de toutes les origines
raciales se plaignent souvent de faire l’objet de
harcèlement par la police, tant ceux de race
blanche que ceux de race noire s’entendent pour
dire que les jeunes hommes de race noire sont
beaucoup plus susceptibles d’être arrêtés,
interrogés et fouillés par la police que les jeunes
issus d’autres origines raciales. Bien que ces
études ethnographiques fournissent de
nombreux détails au sujet des contacts avec la
police et qu’elles documentent les « expériences
vécues » par les jeunes Noirs, elles reposent sur
des échantillons non aléatoires relativement
petits. Elles risquent donc d’être considérées
comme étant « anecdotiques » et non
représentatives du comportement des policiers.
Des éléments de preuve similaires concernant le
profilage racial ont cependant été révélés dans le
cadre de deux récents sondages auprès des
résidants de Toronto.
noire attribuent souvent à leur affluence relative
l’attention dont ils font l’objet par la police.
Comme l’a déclaré un répondant noir : « Si vous
êtes de race noire et que vous conduisez une
belle voiture, la police vous demandera de vous
arrêter, vous soupçonnant d’être impliqué dans
le trafic de drogues » (Wortley et Tanner 2003, p.
371). Cette étude comporte cependant une faille
en ne tenant pas compte d’autres facteurs
pertinents, y compris le comportement criminel,
pouvant servir à déterminer qui la police arrête
et fouille. Ce problème a cependant été abordé
dans le deuxième sondage décrit ci-dessous.
Résultats du premier sondage
En 1995, l’Institute for Social Research de
l’Université York a fait enquête auprès de plus de
1 200 Torontois d’âge adulte (18 ans ou plus) qui
se disaient Noirs, Chinois ou Blancs. Plus de 400
répondants ont été choisis au hasard dans
chaque groupe racial. Les résultats de ce sondage
ont révélé que les Noirs, en particulier les
hommes de race noire, étaient beaucoup plus
susceptibles de rapporter avoir eu des contacts
involontaires avec la police que les Blancs ou les
Asiatiques. Par exemple, près de la moitié (44 p.
100) des hommes de race noire dans l’échantillon
ont signalé avoir été arrêtés et interrogés par la
police au moins une fois durant les deux
dernières années. De surcroît, un tiers (30 p. 100)
des hommes de race noire ont signalé avoir été
arrêtés au moins deux fois. À titre de
comparaison, seulement 12 p. 100 des hommes
de race blanche et 7 p. 100 des hommes
asiatiques ont dit avoir été arrêtés plusieurs fois
par la police (voir Wortley et Tanner, 2003;
Commission sur le racisme systémique, 1995).
Des analyses statistiques multidimensionnelles
révèlent que ces différences raciales en termes de
contacts avec la police ne pouvaient s’expliquer
par des différences raciales en termes de classe
sociale ou d’éducation ni par d’autres variables
démographiques. En fait, deux facteurs qui
semblent protéger les hommes de race blanche
contre les contacts avec la police, soit l’âge et la
classe sociale, ne protègent pas les Noirs. Les
Blancs ayant un niveau de revenu et d’études
élevés, par exemple, sont beaucoup moins
susceptibles d’être arrêtés par la police que les
Blancs qui obtiennent de faibles résultats en
termes de mesures de classe sociale. À titre de
comparaison, les Noirs ayant un niveau de
revenu et d’études élevés sont, quant à eux, plus
susceptibles d’être arrêtés que les Noirs de classe
inférieure. En fait, les professionnels de race
Résultats du deuxième sondage
Le Toronto Youth Crime and Victimization
Survey a été réalisé en 2000. Des entrevues ont
été menées auprès d’un échantillon aléatoire
d’environ 3 400 élèves d’écoles secondaires (voir
Tanner et Wortley (2002) pour les détails
méthodologiques). Les résultats de cette étude
suggèrent également que les Noirs sont
beaucoup plus susceptibles que les personnes
issues d’autres origines raciales de faire l’objet
d’interrogations aléatoires sur la rue. À titre
d’exemple, plus de 50 p. 100 des élèves de race
noire ont indiqué avoir été arrêtés par la police à
au moins deux reprises au cours des deux
dernières années, contre seulement 23 p. 100 des
Blancs, 11 p. 100 des Asiatiques et 8 p. 100 des
Asiatiques du Sud. Dans le même ordre d’idées,
plus de 40 p. 100 des élèves de race noire disent
avoir fait l’objet d’une fouille par la police au
cours des deux dernières années, contre
seulement 17 p. 100 des Blancs et 11 p. 100 des
Asiatiques. Les données révèlent toutefois que les
élèves impliqués dans diverses formes de crime
et de déviance sont beaucoup plus susceptibles
d’attirer l’attention de la police que les élèves qui
n’enfreignent pas la loi. Par exemple, 81 p. 100
des trafiquants de drogues dans cet échantillon
(définis comme ceux qui ont vendu de la drogue
à au moins 10 reprises dans la dernière année)
indiquent qu’ils ont été fouillés par la police,
contre seulement 16 p. 100 des élèves qui n’ont
pas vendu de drogues. Ce résultat est entièrement
conforme à l’argument de la police voulant
qu’elle se concentre exclusivement sur des
activités suspectes ou criminelles lorsqu’elle
décide de procéder à une arrestation et non sur
les caractéristiques raciales des citoyens. Les
données révèlent également que les élèves
n’ayant pas accès à un véhicule et qui passent la
majorité de leur temps libre dans les espaces
Nos diverses cités
209
publics (centres commerciaux, parcs publics,
boîtes de nuit, par exemple) sont beaucoup plus
susceptibles d’être arrêtés par la police que les
élèves qui passent la plupart de leur temps dans
des aires privées ou avec leurs parents. Cela
entraîne la question du jour : Les élèves de race
noire attirent-ils plus l’attention de la police
parce qu’ils sont davantage impliqués dans le
crime et davantage susceptibles de participer à
des activités de loisir qui ont lieu dans les
espaces publics?
Tandis que nos données révèlent que les élèves
de race blanche ont des taux beaucoup plus
élevés à la fois de consommation d’alcool et
d’usage illicite de drogues, les élèves de race
noire rapportent des taux plus élevés
d’infractions mineures contre les biens, de trafic
de drogues et de violence. Les élèves de race
noire sont également plus susceptibles de
rapporter être membres d’une bande de jeunes.
De plus, tant les élèves de race noire que ceux de
race blanche font état de taux plus élevés de
participation dans des activités de loisir
publiques que les élèves issus de tous les autres
groupes raciaux. Ces différences raciales sont
toutefois loin d’expliquer pourquoi les jeunes
Noirs sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des
contacts avec la police. En fait, après avoir
contrôlé statistiquement les activités criminelles,
l’usage de drogues, l’affiliation à une bande,
l’utilisation d’une voiture et les activités de loisir,
la relation entre la race et les arrestations par la
police est en réalité renforcée. Pourquoi? Une
analyse plus poussée indique que les différences
raciales observées dans les pratiques
d’arrestations et de fouilles effectuées par la
police sont les plus souvent constatées chez les
élèves présentant de faibles taux de
comportement criminel. Il s’avère que 34 p. 100
des élèves de race noire qui n’ont été impliqués
dans aucun type d’activité criminelle rapportent
encore avoir été arrêtés par la police à au moins
deux reprises au cours des deux dernières
années, contre seulement 4 p. 100 des élèves de
race blanche dans la même catégorie de
comportement. Aussi, 23 p. 100 des élèves de
race noire n’ayant jamais eu de comportement
déviant signalent avoir été fouillés par la police,
comparativement à seulement 5 p. 100 des
Blancs n’ayant rapporté aucune déviance
(Wortley et Tanner, 2003; Wortley et Tanner,
2004). Ainsi, alors que le premier sondage dont
il est question ci-dessus révèle que l’âge et la
classe sociale ne protègent pas les Noirs contre
210
Nos diverses cités
les arrestations et les fouilles effectuées par la
police, la présente étude suggère qu’une bonne
conduite ne les protège également pas contre
une attention non désirée de la part de la police.
Répercussions
Ces résultats entraînent deux répercussions
importantes. En premier lieu, puisque la
communauté noire fait l’objet d’une plus grande
surveillance policière, elle est beaucoup plus
susceptible d’être prise sur le fait lorsqu’elle
enfreint la loi que les Blancs impliqués dans le
même genre d’activité criminelle. Par exemple,
65 p. 100 des trafiquants de drogues de race
noire dans l’étude susmentionnée sur les écoles
secondaires indiquent avoir été arrêtés au moins
une fois dans leur vie, comparativement à
seulement 35 p. 100 des trafiquants de drogues
de race blanche. Pour illustrer la situation,
imaginez 10 000 personnes vivant dans une
communauté très dense au centre-ville de
Toronto. Supposez également que la moitié des
résidants de cette communauté sont de race
noire et que l’autre moitié est blanche.
Présumons, en outre, qu’un nombre équivalent
de résidants de race noire et de race blanche (250
dans chaque groupe) vendent des drogues
illicites sur une base régulière. Si, en raison du
profilage racial, les résidants de race noire sont
plus susceptibles d’être arrêtés et fouillés par la
police, les trafiquants de drogues de race noire
dans ce quartier risquent davantage d’être pris
sur le fait puis arrêtés que les contrevenants de
race blanche. À titre d’exemple, si 50 p. 100 des
résidants de race noire sont fouillés au hasard,
contre seulement 10 p. 100 des résidants de race
blanche, cette pratique de fouille devrait
entraîner 125 arrestations de Noirs et seulement
25 arrestations de Blancs. Fait intéressant, les
statistiques liées à la race et à la criminalité (125
arrestations de Noirs contre seulement 25
arrestations de Blancs) produites par de telles
pratiques de fouilles impartiales seraient
probablement utilisées pour justifier l’utilisation
du profilage racial (avec le raisonnement
suivant : « puisque plus de contrevenants de race
noire que de contrevenants de race blanche ont
été trouvés, notre stratégie de profilage doit donc
être correcte »). Pour ces motifs, le profilage
racial peut devenir une prophétie autoaccomplie. Cet exemple aide à illustrer comment
les statistiques liées aux arrestations peuvent
concerner davantage les pratiques de
surveillance du maintien de l’ordre public que les
différences raciales elles-mêmes sur le plan du
comportement criminel. En somme, le profilage
racial peut aider à expliquer la surreprésentation
des minorités dans les statistiques liées aux
arrestations.
Il faut toutefois souligner que la recherche
précitée suggère également que la police ne
procède quasiment jamais à l’arrestation de
citoyens qui ne sont pas impliqués dans des
activités criminelles. Cela peut laisser supposer
que le profilage racial est inoffensif : Si vous
n’enfreignez pas la loi, vous ne serez pas arrêté.
Cependant, la deuxième conséquence importante
du profilage racial est qu’il aliène encore
davantage les personnes de race noire dans la
société canadienne dominante et renforce les
perceptions de discrimination et d’injustice
raciale. À n’en pas douter, notre recherche donne
fortement à penser que les Noirs qui sont
fréquemment arrêtés et interrogés par la police
perçoivent des niveaux beaucoup plus élevés de
discrimination au sein du système canadien de
justice pénale que les Noirs qui n’ont pas été
arrêtés. Fait intéressant, être arrêté par la police
ne semble pas augmenter les perceptions
d’injustice chez les Blancs ou les Asiatiques
(Wortley et Tanner, 2003; Wortley et Tanner,
2004; Wortley et coll., 1997). Le fait d’être arrêté
et fouillé est toutefois perçu par les personnes de
race noire comme la preuve que la race importe
toujours dans la société canadienne – que peu
importe votre bonne conduite et tous les efforts
que vous faites, être Noir signifie que vous serez
toujours considéré comme l’un des « suspects
habituels ».
Conclusion
De toute évidence, la question du profilage racial
exige des recherches plus poussées au Canada.
Malheureusement, les organismes canadiens
d’application de la loi, à l’exception notable du
service de police de Kingston, ont jusqu’à présent
refusé de collecter leurs propres données sur ce
phénomène. La crainte générale est que les
données officielles sur les arrestations et les
fouilles soient mal comprises par le public,
utilisées pour attribuer injustement une étiquette
raciste aux agents de police, augmentent les
poursuites contre les services de police et, au
bout du compte, entraînent le chaos (les agents
de police pourraient refuser de répondre aux
situations qui impliquent des citoyens issus de
minorités). Il convient de signaler que, d’une
façon générale, ces problèmes n’ont pas encore
fait leur apparition en Angleterre et aux ÉtatsUnis, pays où ce type de données est recueilli
depuis des années. Les administrateurs de police
canadiens doivent reconnaître qu’il peut y avoir
des avantages importants à recueillir leurs
propres données sur les arrestations et les
fouilles. D’une part, une telle collecte peut
s’avérer un moyen efficace de surveiller les
comportements de la police et pourrait très bien
réduire le nombre d’incidents de profilage racial
injustifiés. Une approche transparente visant à
surveiller et à éliminer le profilage racial
améliorera, selon nous, la relation que la police
a avec les diverses communautés de minorités
raciales. À titre de comparaison, le refus de
reconnaître et de résoudre le problème ne servira
qu’à augmenter les tensions et à faire en sorte
que la discrimination raciale continue à hanter
les organismes d’application de la loi au cours
des prochaines décennies.
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