LES TROUPES DE MARINE AU MEXIQUE

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LES TROUPES DE MARINE AU MEXIQUE
Il y a 120 ans….
LES TROUPES DE MARINE AU MEXIQUE
L
es drapeaux des 1er, 2e, 21e et 23e Régiments d'Infanterie de Marine portent l'inscription :
"Puebla, 1863". Les étendards des 1er et 11e Régiments d'Artillerie de Marine: "Mexique
1838 – 1863" ; celui du 2e R.AMa : "Vera-Cruz, 1838".
La guerre du Mexique (1862-1867) n'a pas bonne réputation dans notre Histoire : elle évoque
en effet les erreurs qui ont conduit le Second Empire à l'effondrement de Sedan (1870). Mais ce
n'est pas là une raison pour laisser dans l'oubli ce qu'ont accompli nos anciens il y a 145 ans et il
y a 120 ans au Mexique, et qui a mérité ces inscriptions aux emblèmes sous les plis desquels
nous avons eu, et un certain nombre de nos jeunes ont encore aujourd'hui, la fierté de servir.
Le 17 mai 1983 marquera le 120e anniversaire de la prise de Puebla, à laquelle participaient le
colonel et un bataillon de marche du Régiment d'Infanterie de Marine mis sur pied pour cette
expédition, ainsi qu'une batterie d'Artillerie de Marine.
Médaille commémorative
Expédition du Mexique
"L'Ancre d'Or" faillirait à sa mission si elle ne saisissait cette occasion de retracer une page
quelque peu méconnue de l'histoire de notre Arme(1).
(L'Ancre d'Or Bazeilles n° 213 – mars avril 1983)
L'ARTILLERIE DE MARINE A VERA-CRUZ EN 1838
L
a France, ayant de vifs sujets de plaintes contre le
Mexique(2), et toutes ses réclamations ayant été repoussées, envoyait en 1838 une escadre, sous les ordres de
l'amiral Baudin, effectuer une démonstration sur les côtes
orientales de ce pays.
Un bataillon d'Artillerie de la Marine, aux ordres du chef
de bataillon Collombel et fort de trois compagnies(3) de
cent hommes, prit part, du mois d'août 1838 au mois de
juin 1839, à cette expédition.
Un détachement de cinquante hommes, commandé par
le lieutenant en second Frébault(4), assurait le service des
mortiers sur les bombardes le Cyclope et le Vulcain.
L'accès de Vera-Cruz, principal port du pays, était défendu par le fort de Saint-Jean d'Ulloa, alors armé de 193
canons et dont la réputation était redoutable.
Après un bombardement naval, le 27 novembre 1838,
qui provoquait l'explosion du magasin à poudres et du
parc à bombes, ce fort se rendait et était occupé par l'artillerie de la Marine.
Puis, !e 5 décembre, une opération de vive force était effectuée de nuit contre Vera-Cruz. Le commandant Collombel
conduisait au centre la colonne principale d'attaque en direction du quartier général mexicain.
Le prince de Joinville (troisième fils de roi LouisPhilippe), capitaine de corvette(5) marchait à l'avant-garde ;
il déploya la plus brillante conduite, entraînant ses hommes dans l'hôtel du gouverneur militaire, où le général
mexicain Arista fut fait prisonnier.
Pendant ce temps, les colonnes latérales, constituées
par les compagnies de débarquement des navires, parcouraient les remparts et mettaient hors service 80 pièces
de canon.
———————————————
(1) En 1962, "Tropiques", n° 449 avait évoqué le centième anniversaire de Puebla 1862 et 1863, sous la plume du général H. Jacomy. En 1973,
dans ("L'Ancre d'Or", n° 151, Pierre Gentil, au retour d'un voyage au Mexique, avait, sous le titre "Les forts de Puebla en 1973", rappelé ces combats de 1862 et 1863 ;
(2) Le Mexique était indépendant depuis 1829, après trois siècles de domination espagnole. C'est sur le rivage de Vera-Cruz que Fernand Cortez
avait abordé en 1519.
(3) Les commandants d'Artillerie de la Marine ne deviendront "chef d'escadron" et les unités élémentaires de cette Arme "batterie" que plus tard, en
1860.
(4) Charles. Victor Frébault (1813-1888) fera une brillante carrière : en 1854, comme chef de bataillon, il commandera le détachement de l'Artillerie
de Marine en mer Baltique (cf. "L'Ancre d'Or" n" 191) ; gouverneur de la Guadeloupe en 1859, général de brigade en 1861, général de division en
1867, inspecteur général de l'Arme, sénateur.
(5) Il commandait "La Créole", corvette de 24 cannons.
Le Bataillon d'Artillerie de la Marine - à la tête duquel le
capitaine Allier succédait au commandant Collombel (qui,
atteint de fièvre jaune, était rapatrié en France) assurait l'occupation du fort de Saint-Jean d'Ulloa jusqu'à sa remise aux
mexicains en avril 1839 une fois la paix conclue.
L’INTERVENTION FANCAISE AU MEXIQUE
Pour ce qui nous intéresse, l'expédition du Mexique peut
se diviser schématiquement en quatre phases :
1.) Le débarquement à Vera-Cruz en janvier 1862, aux ordres du contre-amiral Julien de la Gravière, d'un corps expéditionnaire réduit et mis sur pied, il faut le dire, avec une
certaine improvisation.
Ceci dans le cadre initial d'une intervention franco-angloespagnole visant à sanctionner le non-respect par le gouvernement "libéral" de Juarez de ses obligations financières envers ses créanciers étrangers.
Après un séjour pénible sous le climat extrêmement
malsain de la bande côtière, nos troupes sont, en mars,
implantées à Téhuacan, en zone tempérée.
2.) L'action d'un corps expéditionnaire
renforcé et à la tête duquel est désormais
placé un général de l'Armée de Terre, le
général de Laurencez.
Les Anglais et les Espagnols se sont
retirés. Le dessein de l'empereur Napoléon III est de contrecarrer l'expansion
des Etats-Unis vers la mer des Caraïbes
et l'Amérique latine.
Une première tentative contre Puebla
échoue faute des moyens suffisants (5 mai
1862).
Le maintien des communications avec Vera-Cruz absorbe
une part importante des moyens, tant en raison du climat
pernicieux des terres chaudes que du fait de la guérilla.
Nous n'avons pas trouvé au Mexique les concours escomptés. Ralliée autour de Juarez, la population, dans sa
majorité, nous est hostile.
3.) Les opérations d'un corps expéditionnaire désormais
commandé par le général Forey et porté à deux divisions
d'infanterie et une brigade de cavalerie - que renforcent des
forces auxiliaires mexicaines.
Puebla est prise !e 17 mai 1863 après un siège éprouvant de deux mois, et au prix également de durs combats
sur la ligne de communications, pour assurer l'acheminement de l'artillerie, des munitions, des approvisionnements
nécessaires.
Nos troupes entrent à Mexico le 7 juin.
4.) Notre occupation est élargie.
Pour priver les Mexicains des ressources qu'ils reçoivent
de la mer par ce point, le port de Tampico est occupé en
août 1863 (il l'avait été temporairement de novembre 1862
à janvier 1863).
Le maréchal Forey est remplacé par le général Bazaine.
En fin d'année 1863, des opérations sont conduites en
direction de l'ouest ; en 1864, elles se poursuivent dans le
nord et le sud-ouest du pays.
D
ans ce cadre brossé à grands traits, les Troupes de
Marine participent aux opérations initiales et à la première
tentative contre Puebla en 1862, et au siège et à la prise
de cette ville -en 1863.
DE CHERBOURG, BREST ET LORIENT A VERA-CRUZ
C'est le Régiment d'Infanterie de Marine qui. ensuite occupe Tampico.
Mais, jusqu'en avril 1863, les marsouins ont aussi assumé
une large part de la mission obscure et éprouvante de maintien de la ligne d'étapes de Vera-Cruz à Orizaba, et tout
particulièrement dans les terres chaudes.
Le Régiment de Marche d'Infanterie de Marine mis sur
pied pour le Mexique est tiré par moitié des 1er et 2e de
l'Arme, qui fournissent chacun six compagnies : trois provenant de France, trois des Antilles(6).
Le régiment est commandé par le colonel Hennique,
avec le drapeau du 2e Régiment - commandant en second : It-colonel Charvet.
- 1er Bataillon, chef de bataillon d'Arbaud, provenant du
er
1 Régiment : trois compagnies de Cherbourg, trois autres de la Martinique ;
- 2e Bataillon, chef de bataillon Campion, provenant du
e
2 Régiment : trois compagnies de Brest, trois de Guadeloupe.
Initialement, le colonel Hennique se voit confier le commandement d'une brigade qui, outre son régiment, comprend :
- un bataillon de matelots-fusiliers (six compagnies),
- une batterie de six pièces de 4 rayées de campagne
servies par l'Artillerie de Marine.
lI s'agit de la 7e Batterie (capitaine Mallat) provenant de
la Guadeloupe.
L'artillerie du corps expéditionnaire est commandée par
le chef d'escadron d'Artillerie de Marine Delsaux (venant
également de Guadeloupe).
Notons dès à présent qu'en juillet 1862, le régiment du
Mexique recevra une septième compagnie de chacun des
deux régiments, provenant des Antilles.
----------------------------------------------------(6) Sur l'organisation et l'implantation des Troupes de Marine à l'époque, nos lecteurs peuvent se reporter au n° 191 de "L'Ancre d'Or", p. 4 et 5
(la réorganisation de 1854-55).
La Martinique et la Guadeloupe enverront aussi au Mexique :
- deux compagnies indigènes d'ouvriers du Génie
("génie colonial") - l'une de Martinique, l'autre de Guadeloupe, commandées par le capitaine d'Artillerie de Marine
Maréchal, belle figure d'officier dont nous reparlerons ;
- une compagnie franche des Antilles, formée de volontaires créoles, aux ordres du capitaine Daubas, avec un
noyau d'une douzaine de cadres et soldats de l'Infanterie
de Marine.
Avant de retrouver nos anciens dans l'accomplissement de leurs missions de combat, il n'est pas sans intérêt en 1983, à l'époque des transports en Transall ou en
D.C.8 d'évoquer les conditions dans lesquelles les unités
expéditionnaires rejoignaient à i'époque un théâtre d'opérations lointain.
L
es unités d'Infanterie de Marine provenant des portions centrales de Cherbourg et Brest sont réparties à
bord des quatres frégates :
- l' "Ardente", la "Guerrière" qui quittent Brest le 12 novembre 1861,
- l' "Astrée" qui quitte Lorient(7) le même jour,
-le "Montezuma" qui quitte Brest le 14 novembre.
L' "Ardente" et la "Guerrière" sont des frégates mixtes de
1er rang à hélice, l' "Astrée" une frégate mixte de 2e rang
à hélice ; ces trois bâtiments sont armés en guerre. Le
"Montezuma" frégate mixte de 1er rang à roues, est armée
en transport.
Le 24 novembre, ces bâtiments sont réunis en rade de
Santa-Cruz de Ténérîffe (îles Canaries) autour du vaisseau "Masséna" qui porte le pavillon de l'amiral.
Le 25 novembre, la division navale quitte Ténérife. Les bâtiments naviguent en route libre vers la Martinique - sauf le
"Montezuma" qui doit toucher d'abord à la Guadeloupe pour
y prendre les trois compagnies d'Infanterie de Marine et le
personnel de la Batterie d'Artillerie de Marine.
A bord des bâtiments, qui sont surchargés, la traversée
est fort inconfortable. Dans les batteries, qui sont basses et
où l'état de la mer nécessite généralement de maintenir les
sabords fermés, il est très sagement "interdit de respirer
avec le nez". L'eau douce est strictement rationnée, les
rations sont peu variées. D'autre part, le charbon devant
être économisé, une grande partie de la navigation se fait
à la voile.
A la Martinique, où la "Guerrière" arrive le 9 décembre,
l' "Astrée" et l' "Ardente" le 10, les unités sont mises à terre
et casernées ou installées au bivouac à Fort Desaix pendant quelques jours. L'escadre appareille de Fort-de-France
le 17 décembre, mouille le 22 en rade de Kingston
(Jamaïque) et arrive le 27 à La Havane (Cuba) où rallient, le
31 décembre, le "Montezuma" qui transporte les trois compagnies de la Guadeloupe, et le 1er janvier, le transport
"Aube"(8) qui transporte les trois compagnies de la Martinique.
A La Havane, l'escadre avait été précédée par l'aviso
"Berthollet", dont le commandant avait notamment mission d'acheter 50 chevaux et 200 mulets. En effet, à son
départ de métropole, le corps expéditionnaire n'a pas été
pourvu de moyens de transport ; il doit se procurer animaux et voitures aux escales des Antilles et une fois sur
place au Mexique.
Le commandant du "Berthollet" était également chargé
de faire l'acquisition à La Havane de quatre chalands maniables pour le débarquement des chevaux.
Le 2 janvier 1862, l'escadre quitte La Havane. Le 7 au
soir, elle mouille en rade de Sacrificios devant Vera-Cruz et
le célèbre fort de Saint Jean d'Ulloa. Mais, au lieu d'agir de
concert avec nous selon les termes de la convention, les
Espagnols nous ont précédés de trois semaines, et ont occupé le fort et la ville dés le 17 décembre.
Le débarquement de nos troupes commence le 9 janvier. L'Infanterie de Marine n'est mise à terre que les 11,
12 et 14 janvier, pour occuper initialement à Vera-Cruz
les casernes abandonnées par les Mexicains.
A la suite d'une série de contretemps, le transport la
"Meuse", à bord duquel ont été chargés le matériel d'artillerie
et les effets de campement des troupes d'Infanterie de Marine, n'a appareillé de Lorient que le 29 novembre, et n'arrivera devant Vera-Cruz que le 29 janvier.
Implanté fin janvier à La Téjéria, à 12 km de Vera-Cruz
sur la ligne de chemin de fer en construction - et où le colonel Hennique exerce d'ailleurs le commandement depuis
le 11 - le régiment est installé sous de grandes tentes aménagées "avec des voiles de rechange et des bouts de
mâts" (sic), en attendant l'arrivée de ses effets de campement – qu'il recevra enfin le 5 février.
Le 13 janvier, la 10e Compagnie avait fait partie de la colonne d'escorte des trois commandants alliés effectuant une
reconnaissance sur Medellin.
A la 7e Batterie, dès la réception du matériel débarqué
de la "Meuse", le capitaine Mallat entreprend de mettre son
unité en état d'entrer en campagne. Sa tâche n'est pas facile : le personnel arrive des Antilles, le matériel vient de
France, les animaux ont été achetés à La Havane et au
Mexique... La Batterie quittera Vera-Cruz le 19 février
pour Santa Fe puis Téjéria.
Le commandement a hâte de sortir les troupes de la
bande côtière, dont le climat est terriblement éprouvant.
Mais les Mexicains ayant fait le vide, on a le plus grand
mal à réunir le minimum de moyens de transport indispensable pour ce mouvement vers l'intérieur.
Au moment d'entrer en campagne, à la date du 28 janvier 1862, la situation d'effectifs est la suivante :
- Régiment d'Infanterie de Marine : 47 officiers, 1 296
sous-officiers et soldats, 1 cantinière, 15 chevaux, 37 mulets ;
- 7e Batterie : 4 officiers, 208 sous-officiers et soldats,
29 chevaux, 154 mulets.
(Le 5 février, le Régiment d'Infanterie de Marine a 85 hommes à l'hôpital et à l'ambulance et 98 malades sous la
tente et indisponibles).
----------------------------------------------------(7) Les trois compagnies de Cherbourg ont été amenées à Brest par le "Bayard" (vaisseau de 3e rang à hélice), l'une d'entre elles a poursuivi jusqu'à Lorient par le "Souffleur" (aviso de 1" rang à roues).
(8) "L'Aube" faisait partie des bâtiments en provenance de Méditerranée, regroupés à Santa-Cruz, de Ténériffe avec ceux venus de Brest et Lorient. Arrivé
à Fort-de-France le 14 décembre, il en était reparti le 22 avec le "Montezuma".
Embarquées aux Antilles le 2 juillet 1862 par le paquebot
"La Floride", les deux compagnies de renfort arriveront à
Vera-Cruz, le 12.
La première compagnie indigène d'ouvriers du Génie
sera acheminée fin juillet par le paquebot "Le Tampico".
La compagnie de volontaires embarquera le 22 octobre
sur la frégate à voiles "La Sibylle" qui a quitté Cherbourg
le 16 septembre et sera à Vera-Cruz le 9 décembre.
Le passage des Cumbres. Progressant vers Puebla, nos colonnes traversent les
Cumbres d’Aculcingo, après que les troupes de Zaragoza en eurent été délogées.
Le danger aérien n’existait pas encore !...
LE THEATRE DES OPERATIONS
Quelques mots sur la topographie et le climat du théâtre
des opérations sont indispensables.
La côte orientale du Mexique est basse, sablonneuse,
bordée de lagunes, exposée au "Norte" (vent du nord)
parfois très violent et à juste titre redouté des navigateurs.
En pénétrant vers l'intérieur du pays, on trouve successivement :
Les Terres Chaudes (tierras calientes), bande large de 80
km environ où pendant l'été, ou saison des pluies - de
mai à septembre - règne une chaleur humide et excessive, qui rend cette région marécageuse extrêmement malsaine ; c'est un terrain particulièrement propice pour la fièvre jaune ("vomito negro") face à laquelle la médecine
d'alors est désarmée.
Sur la route vers Puebla par Orizaba, le rio Chiquihuite
marque la limite des terres chaudes ; au-delà de ce cours
d'eau, la route gravit en lacets serrés des hauteurs (col à
375m d'altitude) qui constituent une position militaire importante, donnant de larges vues vers l'est et que les
Mexicains ont d'ailleurs valorisée par d'importants travaux
de défense. Ce sont les derniers contreforts du pic d'Oriza-
ba (5 450 m) dont, lorsque le ciel est dégagé, la silhouette
domine toute la région, et accueille d'ailleurs le navigateur
abordant Vera-Cruz.
Les Terres Tempérées (terras templadas), avec deux paliers :
-plateau de Cordoba, d'une altitude moyenne de 900m,
- plateau d'Orizaba (altitude moyenne 1 200 m).
Sur la route qui relie ces deux villes, on passe de l'un à
l'autre au Cerro Cacalote, "escalier" de 300m. Ce sont là
des campagnes peuplées et fertiles, avec de riches plantations (canne à sucre, caféiers, bananiers), de belles haciendas.
Sur la route vers Puebla, les terres tempérées se terminent au pied des Cumbres d'Aculcingo, coupure dans la
gigantesque falaise qui soutient le plateau d'Anahuac.
Pour gravir les dénivelées successives des Grandes Cumbres (650 m), puis des Petites Cumbres (150m), la route
dessine une quarantaine de lacets (voir l'illustration "le
passage des Cumbres").
Les Terres Froides (tierras frias), au climat plus sec, avec
le plateau d'Anahuac (altitude 2 200 m) où est située Puebla, et qui est séparé de la cuvette de Mexico par
l'énorme massif du Popocatepelt (5 439 m) et de l'Ixtaccihualt (4 790 m).
Profil d’après un document publié par la revue « Revue maritime et coloniale » en 1863
LA PREMIERE TENTATIVE CONTRE PUEBLA
Des négociations ouvertes avec le gouvernement mexicain aboutissent à la convention de La Soledad (19 février
1862) qui prévoit la poursuite des conversations à Orizaba
et, en attendant, autorise les troupes françaises et espagnoles à occuper des endroits plus salubres sur les terres tempérées - sous réserve de rétrograder en cas de
rupture des pourparlers. Le 26 février, les troupes françaises se mettent en route pour Téhuacan, petite ville à
45 lieues mexicaines (188km) de Vera-Cruz, qui - après
des étapes extrêmement pénibles dans la traversée des
Terres Chaudes - sera atteinte le 13 mars.
Les unités y sont casernées dans d'anciens couvents
abandonnés (le Régiment d'Infanterie de Marine au couvent del Carmen, l'artillerie au couvent de San Francisco).
En mars, arrive le nouveau commandant du corps expéditionnaire, le général de Laurencez : parti de Cherbourg le 28
janvier sur l'aviso rapide "Le Forfait", il a débarqué à VeraCruz le 6 mars ; ayant quitté ce port le 20 mars, il arrive à
Téhuacan le 26.
Il n'est pas peu surpris de la situation qu'il trouve : pour
se conformer aux engagements pris, nos unités doivent rétrograder.
Parties de Téhuacan le 1er avril, elles arrivent à Cordoba
le 8. Conformément à la convention, les malades (au nombre de 340 avec 3 médecins et 30 infirmiers) ont été laissés à Orizaba au passage.
Cependant, les menaces que les Mexicains font peser sur
nos malades incitent le général de Laurencez à interrompre le mouvement rétrograde. Et, le 20 avril, nos troupes
reprennent la marche vers l'ouest.
Le colonel Hennique commande l'arrière-garde, qui comprend notamment son 2e Bataillon. Les Mexicains ne défendent pas Orizaba qui est occupée dans la journée du 21.
Le 1er Bataillon rejoint les 22, 23 et 24 avril, en assurant
l'escorte de convois (400 mulets chargés de vivres, 76 voitures chargées de matériel et de provisions en tout genre...).
Nous avons relevé ces précisions dans le journal de marche, pour marquer de quel poids pèse la logistique dans
cette expédition, et faire mieux apprécier les moyens dont
on dispose généralement aujourd'hui, en 1983, pour livrer
aux troupes en opérations leurs ravitaillements.
Le 26 avril, commence la marche sur Puebla (120km).
Le chef de bataillon Campion demeure à Orizaba avec
deux compagnies de son Bataillon et une section d'Artillerie de Marine.
Assurant ce jour-là, à l'arrière-garde, la protection du
convoi (220 chariots), le Régiment d'Infanterie de Marine
ne participe pas, le 28, au combat qui est livré au passage des Combrés d'Aculcingo, contre les troupes du général Zaragoza. Mais la batterie d'Artillerie de Marine y est
engagée.
Le 5 mai 1862, le Régiment et la Batterie prennent part à
l'attaque de vive force contre Puebla, seconde ville du
Mexique (74 000 habitants) que Zaragoza défend avec
12000 hommes.
L'action vise la colline escarpée que coiffent le couvent fortifié de Guadalupe et le fort de Loreto qui, à un kilomètre au
nord-est, dominent la ville d'une centaine de mètres.
La 7e Batterie participe au duel d'artillerie, mais sans parvenir à faire brèche. Sept compagnies du R.I.Ma sont engagées sur les pentes escarpées. Un orage tropical d'une exceptionnelle violence oblige à mettre fin aux assauts. Les
pertes sont lourdes : au seul R.I.Ma, 7 tués, dont 3 officiers, 57 blessés dont 2 officiers, 35 disparus.
Le général de Laurencez ayant renoncé à renouveler
l'attaque sur un autre point, porte son camp le 6 mai à 3
km de Puebla et s'y maintient jusqu'au 8, espérant que les
Mexicains vont accepter le combat en rase-campagne ;
mais ceux-ci ont la prudence de se contenter de leur succès défensif.
Le corps expéditionnaire rétrograde vers Orizaba, où il
arrive le 18. (Ce jour-là, un échec est infligé à l'ennemi à la
Baranca-Secca, aux portes d'Orizaba. mais l'Infanterie et
l'Artillerie de Marine ne sont pas engagées dans cette action).
Le Régiment d'Infanterie de Marine et la Batterie d'Artillerie de Marine doivent être implantés à Cordoba.
Déchargement de chevaux dans le port de Vera-Cruz
Attaque de vive force de Puebla, 5 mai 1862. Gravure publiée par « L’Illustration » en 1862 d’après les croquis de son envoyé
spécial. L’infanterie de marine gravit les pentes escarpées qui conduisent au couvent fortifié de Guadalupe, mais l’artillerie n’est
pas parvenue à faire la brèche
LA SECURITE DE LA LIGNE DE COMMUNICATIONS
Pendant la marche sur Puebla, les guérillas adverses
ont inquiété Vera-Cruz et coupé les communications entre
l'Armée et ce port.
Un des premiers soins du général de Laurencez est de
dégager cette ligne de communication vitale.
Le colonel Hennique, disposant de son régiment renforcé de différentes unités, dont notamment la 1e Batterie
(moins une section), reçoit
mission de déloger les
Mexicains installés au Chiquihuite, endroit le plus
critique de cette ligne de
communication, et d'y rétablir le passage.
La position de Chiquihuite est réoccupée le 24
mai (l'ennemi laisse sur le
terrain dix pièces de canon), les abattis sont dégagés, les ponts de bois brûlés par l'ennemi sont réparés ; le passage d'un
convoi de deux cents chariots vides vers Vera-Cruz est assuré.
Le 28 mai, le régiment gagne Cordoba, qu'il met les jours
suivants en état de défense.
Le 14 juin, le canon se fait entendre en direction d'Onzaba
où une attaque mexicaine est brisée : la section de la 7e
Batterie restée à Orizaba sous le commandement du lieutenant Bailly et implantée à l'entrée de la ville, a contribué à ce
succès (La veille, le chef d'escadron Delsaux avait été enlevé
par les avant-postes ennemis ; il devait être libéré, en
échange d'un officier mexicain prisonnier).
D
u 18 juin au 18 juillet, le It-colonel Charvet, avec
initialement le 1er Bataillon renforcé de deux compagnies,
tient la position de Chiquihuite. (Le 10 juillet, le commandant
d'Arbaud remontera à Orizaba avec quatre compagnies).
Du 26 juin au 21 juillet, le colonel Hennique, avec une co-
lonne comprenant notamment son 2e Bataillon (réduit à quatre compagnies) assure l'acheminement d'un important
convoi de Cordoba à Tejeria (128 chariots vides) et retour
de ce point à Orizaba avec 95 chariots chargés de vivres.
Citons seulement quelques lignes du journal des marches et opérations du colonel Hennique :
A l'aller :
« A Rio de Piedra (,) nous reconnaissons (...) les traces récentes d'un convoi français incendié par les guérillas mexicains. Le (col. Hennique) s'empresse de faire ramasser
les débris de nos malheureux camarades, défaire creuser des fosses et de leur donner la sépultures".
Au retour :
"La terre avait été détrempée toute la nuit par une
pluie qui ressemblait à un
déluge….
"Nos voitures ne peuvent
avancer avec un simple attelage. Il faut doubler, tripler et
quadrupler, il faut même décharger quatorze de nos voitures qui se sont tellement
engagées dans la boue, qu'il est impossible de les en arracher...
"Que chacun sache bien à l'avenir, qu'à partir du mois
de juin, les convois de voitures chargées sont impossibles...
tous les convois (...) doivent se faire à dos de mulets... En
faisant autrement, on s'expose à perdre ses convois. On
peut même dire avec certitude que pas un convoi de chariots chargés n'arriverait à destination, si l'ennemi savait tirer
parti des immenses difficultés que nous oppose le climat
depuis le mois de juin jusqu'au mois de septembre".
Au sujet des attelages, précisons que les gros chariots
mexicains à quatre roues (d'importation américaine) dont le
chargement excède parfois trois tonnes, sont normalement
tirés par 8 à 10 mules, quelquefois 16 ou 24…
Notre illustration complète bien les commentaires sur les
difficultés rencontrées.
Convoi de transport au Mexique
(« L’Illustration » 1° semestre 1863). Ce
dessin, restitué d’après des croquis faits
sur le terrain par le correspondant spécial
de cette revue, illustre bien les difficultés
évoquées par le journal de marche du
colonel Hennique, et le poids de la logistique dans cette campagne, sur lequel
nous avions déjà insisté.
D
u 19 au 28 juillet, le It-colonel Charvet et ses quatre compagnies protègent la réparation du pont de Rio
Secco.
Le 30 juillet, le régiment se trouve regroupé à Orizaba,
sauf une des compagnies arrivant des Antilles et qui a été
maintenue à Vera-Cruz.
Le 18 septembre, le tt-colonel Charvet redescend d'Orizaba vers les terres chaudes avec le 2e Bataillon pour aller
garder la position de la Soledad (passage de la rivière et
dépôt de vivres).
En novembre, le 2e Bataillon quitte la Soledad pour Tejeria. Le 1er Bataillon est implanté au Chiquihuite. Le colonel
Hennique doit résider à Vera-Cruz comme président du
conseil de guerre.
Le 19 décembre, le 1er Bataillon quitte Chiquihuite et descend à la Soledad, Tejeria, Medellin.
Le 2e Bataillon, avec trois compagnies (5e, 8e 13e) embarque à Vera-Cruz dans les derniers jours de décembre pour
participer à l'occupation temporaire de Tampico ; il rentrera
à Vera-Cruz le 21 janvier (deux autres compagnies sont
restées dans ce port, et une autre a été implantée très
temporairement à Loma de Pie-dra).
Le 17 décembre, le colonel Hennique, désigné comme
commandant supérieur à Orizaba, avait dû passer le commandement du régiment au lt-colonel Charvet ; mais après
avoir rejoint son nouveau poste, il avait obtenu du commandant en chef de reprendre le commandement de son
régiment, avec P.C. à la Soledad, qu'il avait rejoint le 3 janvier.
En septembre, avait débarqué le nouveau commandant en chef, le général Forey : Ayant quitté Cherbourg le
28 juillet sur le vaisseau "Turenne", il était arrivé à Vera-Cruz
le 21 septembre, à Orizaba le 24 octobre ; les hautes autorités responsables devaient, à l'époque, s'accommoder de
tels délais !
Le corps expéditionnaire compte désormais deux divisions d'infanterie (général Bazaine, général Douay), une brigade de cavalerie (général de Mirandol), une réserve d'artillerie, du génie, des services.
Du côté mexicain, Zaragoza, mort en septembre du typhus, a été remplacé par Ortega.
Avant d'entreprendre la marche sur Puebla, le général
Forey organise solidement sa ligne de communication avec
Vera-Cruz.
Les postes de la Tejeria, de la Soledad, de Medellin et
Alvarado, sont rattachés au commandant supérieur de Vera-Cruz (un capitaine de vaisseau) - les postes plus à
l'ouest étant rattachés au commandant supérieur d'Orizaba, et tenus par des unités de la "Guerre" : infanterie de
ligne, zouaves, tirailleurs algériens...
Alors que le colonel Hennique va participer avec un bataillon de marche à l'action contre Puebla, le It-colonel Charvet et le commandant Cam pion, avec les huit compagnies
restantes du régiment, sont maintenus à la sécurité de la ligne de communication dans les Terres Chaudes : le Itcolonel à la Soledad avec quatre compagnies, le commandant à la Tejeria avec deux compagnies et demi, une compagnie à Vera-Cruz, une section à Medellin.
Les compagnies du "génie colonial" sont réparties entre
la Tejeria et la Soledad ; les volontaires des Antilles le sont
entre Vera-Cruz et Medellin.
Dans la mission ingrate qui incombe à ces unités, le service est fait de gardes, de "reconnaissances journalières", d'
"escorte(s) de convois sur toute la ligne de Vera-Cruz à
Orizaba et vice-versa". ..."es guérilleros, invisibles et insaisissables, cachés dans les broussailles qui bordent la route,
épiaient continuellement une occasion favorable pour attaquer".
Cela, nous l'avons vu, sous un climat extrêmement
éprouvant : en saison des pluies, sol détrempé, routes et
chemins transformés en cloaques, où la progression des
hommes et des bêtes est extrêmement pénible ; en saison
sèche, poussière qui s'accumule sur les routes, rendant la
marche harassante...
Sous le climat tropical des terres chaudes, les marsouins
portent le chapeau de paille.
Le 31 mars, les chantiers du chemin de fer de la Soledad ont été envahis et les travaux perturbés.
Relevées début avril, nos huit compagnies quitteront la
Soledad le 5 et arriveront à Cordoba le 8 ayant, au passage,
laissé un poste à Rio Secco.
C
ertains lecteurs trouveront peut-être que ces missions de routine, sans faits d'armes mémorables, ne justifient
guère le développement qui leur a été donné.
Nous avons pensé au contraire que ces marsouins anonymes, qui ont maintenu la ligne d'étapes des Terres Chaudes mexicaines, méritaient bien que leurs peines, leurs fatigues, leurs sacrifices, soient évoqués.
Dans toutes les campagnes il en est ainsi : pour que les
objectifs du haut-commandement soient atteints, que quelques unités soient à même, le jour venu, d'être engagées
dans l'affaire dont l'Histoire retiendra le nom et la date,
beaucoup d'autres doivent, avant, pendant et après, assumer avec abnégation des tâches obscures : gardes, patrouilles, reconnaissances, escortes de convois... qui demandent endurance et courage, et dans lesquelles il faut
demeurer capable de déployer les mêmes qualités de combattant... avec bien peu de chance d'avoir les honneurs du
communiqué !
Pour réagir contre la tentation de routine, et maintenir
leur troupe au niveau d'entraînement et de combativité indispensable, il faut, aux chefs des unités auxquelles incombent ces missions "de secteur" peu recherchées, beaucoup
de force d'âme et de désintéressement. De plus, face aux
situations difficiles, le chef de petite unité agissant isolément
doit être capable de trouver en lui-même les ressources nécessaires, sans pouvoir compter sur l'effet d'entraînement et
d'émulation que comporte le combat "encadré ".
C'est d'ailleurs dans l'accomplissement d'une mission d'
"ouverture de route" sur la ligne d'étapes, à mi-chemin entre
Vera-Cruz et Orizaba, en un lieu où les marsouins étaient
souvent passés dans des missions semblables, que la 3e
Compagnie du Régiment Etranger, placée ce jour-là sous le
commandement du capitaine Danjou, devait, le 30 avril
1863. se sacrifier bravement au cours du combat de Camaron (francisé depuis en Camerone), dont la Légion célèbre chaque année le souvenir, comme nous commémorons nous-même le sacrifice de la Maison des dernières
cartouches de Bazeilles.
"Toutes les rues sont barricadés et garnies de pièces de canon. Chaque maison représente une forteresse remplie de
défenseurs qui ne se montrent pas et qu'il est impossible de
combattre, par conséquent. Les toits des maisons, qui sont
plats à la mode espagnole, sont garnis d'obusiers et de soldats abrités derrière des monceaux de sacs de terre...".
Le bataillon d'I.Ma participe aux travaux de tranchée de
jour et de nuit, et à la garde de la tranchée.
La batterie d'A.Ma, affectée à la 2e Division, prend part
aux opérations du siège avec celle-ci.
Le fort de Guadalupe en 1863 (« L’Illustration », 1° semestre
1863). En comparant avec la vue de l’attaque du 5 mai 1862 qui
illustrait le 1° partie de cette article, on peut apprécier l’importance des travaux défensifs effectués dans l’intervalle par les
mexicains
LA PRISE DE PUEBLA
En déployant beaucoup de ténacité, le colonel Hennique a
obtenu de participer à la marche sur Puebla avec une partie
de son régiment (que certains auraient bien vu rester en totalité sur les Terres Chaudes pour y assurer la sécurité de la
ligne d'étapes).
Un bataillon de marche est constitué aux ordres du chef de
bataillon Bossant avec trois compagnies du 1er Régiment (2e,
3e, 4e), trois compagnies du 2e Régiment (9e, 25e, 28e).
Ce bataillon quitte la Tejeria le 14 lévrier avec un important convoi de mulets et un autre de 85 chariots chargés de
vivres. Il passe à Orizaba le 21 et arrive à Aculcingo le 22
février.
Le bataillon de marche est intégré à la brigade du général
Neigre. Il quitte Aculcingo pour moitié le 7 et pour le reste le
11 mars avec un convoi de 28 chariots chargés de munitions.
Le journal des marches et opérations relate que, le 14, les
marsouins découvrent au loin le Popocatepelt (5 439m) couvert de neige.
Du 17 au 21 mars, l'Infanterie de Marine escorte les
convois et protège la mise en place des parcs d'artillerie et
du génie au cours de l'investissement de Puebla.
Les travaux du siège ont commencé dès le 18.
Les Mexicains avaient activement mis à profit le temps
qui leur avait été laissé depuis l'année précédente : la place
qui avait été sérieusement fortifiée, était tenue par une garnison de 22 000 hommes bien approvisionnés et au moral
élevé.
Sur le périmètre de la ville ont été construits des ouvrages
de terre se flanquant les uns les autres.
Dans la ville même, où les rues se coupent le plus souvent
à angle droit, chaque îlot de maisons rectangulaire, ou
"cadre", a été aménagé en vue de sa défense. Il y avait 158
"cadres", qu'on .numérota sur les plans, pour faciliter les ordres et les compte-rendus.
La solidité des fortifications et l'opiniâtreté des combattants mexicains contraignent le commandement français à
faire monter de Vera-Cruz des pièces de marine de 30
rayées, dont le poids (3 800 kg) ne facilite pas l'acheminement dans les conditions que nous avons évoquées plus
haut.
Le 6 mai, le bataillon d'I.Ma occupe cinq "cadres"
dans Puebla.
..."Le service (y) est on ne peut plus pénible et (...) dangereux. Les hommes sont en faction jour et nuit et ne sont
séparés de l'ennemi que par une muraille de maison crénelée. L'infanterie et l'artillerie mexicaines ne discontinu (...)
ent pas leurs feux".
Le 8 mai, le corps de secours de l'ancien président
mexicain Comonfort a été battu à San Lorenzo à quelques
kilomètres au nord de Puebla.
Le 17 mai, la place capitule après 62 jours de siège depuis
l'investissement :
" L e général Onega, n'ayant plus ni vivres ni munitions,
ne s'était rendu qu'après avoir fait préalablement procéder à
la mise hors service des bouches à feu, à la destruction de
tout l'armement, et prononcé la dissolution de l'armée."
Puebla, la fin du siège. Dessin du Lt-colonel Capmartin d’après
un croquis fait « le 17 mai à 5h du matin au moment où l’armée
assiégée brûle ses poudres et détruit son matériel avant de se
rendre ».
Du 20 au 25 mai, le bataillon d'I.Ma redescend vers Orizaba en escortant un convoi de 3 200 prisonniers (dont 1
200 officiers environ(1).
Pendant six semaines, il est retenu à Orizaba : garde du
poste de Borrego (qui surplombe la ville de 350 m) et des
prisonniers, escortes de convoi, service de place...
Il ne remonte à Puebla que le 13 juillet, avec un convoi de
62 voitures d'approvisionnement et 500 prisonniers mexicains destinés à être envoyés à Mexico.
-----------------------------( 1 ) 535 officiers mexicains seront, a Vera-Cruz, embarques sur "La Cérés" destination de la France.
Plan des attaques contre
Puebla. Photographie du
plan (document original)
dressé par le lieutenant
d’infanterie de marine
Laurent, au cours du
siège.
Le 7 juin, en effet, les troupes françaises étaient entrées à
Mexico.
La 7° Batterie d'Artillerie de Marine y est montée, elle y
restera jusqu'en octobre, puis prendra part aux opérations
de la 2e Division dans l'intérieur jusqu'en mai 1864.
En juillet, une assemblée de notables a érigé le Mexique
en monarchie impériale, et en a offert la couronne au
prince Ferdinand-Maximilien, archiduc d'Autriche.
LE REGIMENT D’INFANTERUE DE MARINR A TAMPICO
Le 16 juillet 1863. le colonel' Hennique et le bataillon
de marche quittent Puebla.
Une nouvelle mission est confiée au régiment d'Infanterie de Marine : le général en chef a décidé de réoccuper
Tampico, pour priver l'adversaire des ressources qu'il
continue à recevoir de la mer par ce port.
Regroupé à Cordoba le 23, le régiment quitte cette place
le 31 juillet pour gagner Vera-Cruz en parcourant une dernière fois la route des Terres Chaudes, où ses unités ont
tant peiné et souffert depuis dix-huit mois ; il fait étape à
l'Atoyac, à Paso de! Matcho, àa Palo Verde, à la Soledad,
à La Pulga.
Il arrive le 6 août à Vera-Cruz, au terme d'une dernière
étape effectuée en chemin de fer, et embarque aussitôt
sur la frégate amirale "La Bellone", la frégate "Panama",
les transports "l'Entreprenante" et "l'Eure".
En quittant Vera-Cruz, disons aussi qu'avait trouvé gîte
dans cette ville, cette "faune" de civils, et également de militaires d'une certaine espèce, qui, au titre de l'administration, des fournitures et subsistances, etc., savent si bien vivre aux crochets des armées en campagne ; sans en partager bien sûr les fatigues et les dangers...
Pour débarquer à Tampico, le colonel Hennique dispose, outre son régiment, d'un petit corps auxiliaire mexicain de deux compagnies (122 volontaires au total) et un
escadron (79 lanceros), ainsi que de deux pièces de 4 et
deux pièces de 12, servies par un détachement de 14 canonniers de la Marine, en attendant l'envoi d'artilleurs de
l'Armée de Terre.
Rappelons que Tampico avait été occupé temporairement de novembre 1882 à janvier 1883. Nous avons vu que
le commandant Campion avec trois compagnies de son
bataillon y avait passé trois semaines.
Le 8 août, l'escadre du contre-amiral Bosse se présente
devant l'embouchure du rio Panuco et réduit au silence un
fortin qui en défend l'entrée.
Le débarquement s'opère le lendemain, protégé par le
feu des avisos "Le Brandon", "Le Milan" et "La Tempête". La
barre est dangereuse. Pour la franchir, les chaloupes sont
remorquées par des canots à vapeur (un canot et une chaloupe sombreront).
Suspendu à cause du mauvais temps, le débarquement reprend le 10. Le transbordement du matériel ne pourra s'achever que le 15.
Mais, dés le 11 août, le colonel Hennique a pris possession de la ville.
L'ennemi n'a pas défendu celle-ci, mais il la bloque étroitement du côté de la terre, la privant de toute communication avec l'intérieur du pays.
Une compagnie est implantée à Dona-Cecilia, une autre à Pueblo-Viejo, une autre à Tampico-Alto.
La Marine nous a laissé une petite goélette armée en
guerre avec un équipage de cinq marins français et un
chaland.
Comme il importe dans une telle situation, le colonel
Hennique se donne de l'air par des colonnes mobiles. Le 18
août, une colonne de 300 hommes commandées par le
chef de bataillon Bossant attaque, à Altamira, les troupes
du général Meija et les disperse.
De fréquentes reconnaissances ne cessent de parcourir le pays environnant et de donner la chasse aux bandes
de guérillas qui l'infestent. Mais le climat de Tampico est
particulièrement malsain en raison des lagunes, et l'état
sanitaire est désastreux.
Le 1er octobre, le maréchal Forey avait remis son commandement au général Bazaine.
Le 30 janvier 1864, le colonel Charvet remplace à la tête
du régiment le colonel Hennique, promu général.
Ayant achevé son séjour au Mexique, le régiment d'Infanterie de Marine, sous les ordres du It-colonel Bossant, embarque (à Tampico) les 5 et 6 mars sur le transport
"L'Eure". Le général Hennique rentre d'ailleurs en métropole par le même navire.
Le colonel Charvet doit assurer le commandement jusqu'à l'arrivée du colonel Dupin, dont la fameuse "Contreguérilla" relève l'Infanterie de Marine à Tampico.
Fin avril, "L'Eure" débarque à Brest 22 officiers et 269
sous-officiers et soldats du 2e R.I.Ma, puis à Cherbourg 17
officiers et 344 sous-officiers et soldats du 1er R.LMa.
Quant à la 7e Batterie, après avoir reversé son matériel,
elle quitte Vera-Cruz le 12 juin à bord du transport "La
Saône".
Quinze jours avant, l'empereur Maximilien avait débarqué à Vera-Cruz et avait pris la route de Mexico vers son
destin tragique.
"La Saône" sera à Brest le 22 juillet
R
estent encore au Mexique les deux compagnies indigènes
d'ouvriers du génie, qui sont, elles aussi, employées dans
les Terres Chaudes, dont leur personnel peut sans danger
supporter le climat. Mais elles n'y sont pas cantonnées dans
des missions de travaux, il s'en faut. Leur chef dynamique, le
commandant Maréchal, les mène dans de nombreuses opérations. Comme, en juillet 1864, celle du Conejo où, avec
l'appui des canonnières "La Ste Barbe" et "La Tactique",
une forte position mexicaine armée de plusieurs canons est
enlevée.
Le commandant Maréchal deviendra commandant supérieur à Vera-Cruz et trouvera la mort à la tête d'une opération en mars 1865. Après la disparition de leur chef, les
deux compagnies du "génie colonial" seront rapatriées aux
Antilles.
La compagnie franche des Antilles est également vouée
aux Terres Chaudes. En dehors de la sécurité des localités du littoral : Vera-Cruz, Medellin, Alvarado, Tampico... et
de leur périmètre, il faut signaler sa participation à diverses
opérations, et notamment à l'expédition du Conejo de juillet
1864 mentionnée ci-dessus.
En novembre 1864, son personnel arrivant en fin de
contrat, la compagnie franche rentre aux Antilles pour y
être dissoute.
Sur les quelque 2715 personnels des Troupes de Marine
débarqués au Mexique (en comprenant les différents renforts), l'Infanterie de Marine a perdu prés de sept cents
hommes (dont 12 officiers) tués au feu, disparus ou morts
de maladie ; l'Artillerie de Marine quarante (dont 2 officiers) ;
les "sapeurs" seize (nous n'avons pas le chiffre des pertes
des "volontaires").
Débarquement de Tampico, 9 août 1863
Notre action au Mexique avait bénéficié de la paralysie relative des Etats-Unis aux prises avec leur guerre civile, dite
de Sécession de 1861 à 1865. Les forces françaises ne
pourront cependant vaincre la résistance farouche des guérilleros mexicains, et devront se contenter d'occuper les villes, en abandonnant à ces derniers la majeure partie du
territoire.
L'impopularité de cette intervention, et surtout les fortes
pressions exercées sur la France à partir de 1865 par les
Etats-Unis, contraindront Napoléon III à retirer ses troupes
du Mexique.
Cette retraite, achevée en mars 1867, entraînera la
chute de Maximilien, qui tombera aux mains des juaristes
en mai 1867 et sera fusillé par eux le 19juin 1867 à Queretaro, encadré de deux généraux mexicains.
Cette mort et l'échec de cette expédition porteront gravement atteinte au prestige de la France dans le monde.
Quoi qu'il en soit advenu, les Troupes de Marine
avaient, au cours de la première partie de la campagne,
rempli les missions qui leur avaient été confiées, en confirmant leurs solides qualités militaires et leur réputation de
dévouement et d'abnégation.
Depuis, le général Hennique s'était vu confier, à la fin
de 1863, le poste de gouverneur de la Guyane ; il devait
mourir à Cayenne en 1870.
Ses anciens subordonnés du Mexique n'étaient pas non
plus restés longtemps à Brest ou à Cherbourg, car les Troupes de Marine sont alors engagées au Sénégal, et surtout
en Cochinchine - où le Régiment de Marche d'Infanterie de
Marine a été renforcé en 1863 de cinq compagnies du 1er
Régiment et de dix compagnies du 2e Régiment ; le 2e a
également des unités en Océanie.
Quant aux enseignements de la campagne du Mexique, ils
devaient rester longtemps méconnus. Et sans doute cela estil dommage : les méthodes de guerre révolutionnaire et les
procédés de guérilla pratiqués par les Mexicains, le jeu à
leur bénéfice d'une aide étrangère importante et multiforme,
les services rendus par les troupes indigènes supplétives pour se limiter à ces quelques points - auraient sûrement
mérité de retenir davantage l'attention et la réflexion de
nos penseurs militaires.
A quel prix ne nous faudra-t-il pas les redécouvrir plus
tard ?
F.L.

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