De la filature à la nature - Site de l`Office de Tourisme de Saint James

Transcription

De la filature à la nature - Site de l`Office de Tourisme de Saint James
De la filature à la nature
Textes : Nina Polnikoff
Illustrations : Chiara Buccheri
Je suis le fil Rouge
heu,
pardon,
le fil Bleu
le fil du Bas des Rivières
qui court et s’enroule du pré à l’usine, se
noue et se dénoue de l’atelier à la colline.
Embobiné par des mains expertes, je n’ai
qu’une envie : m’échapper !
Nous tricoterons ensemble le passé et le présent
pour le plaisir de la découverte !
Devant vous coule un petit ruisseau
champêtre : c’est le ruisseau de l’Eau
Minérale… Non, non, il n’a rien à voir
avec les bouteilles vendues au
supermarché ! Il vient de l’autre
côté de la route, où existait autrefois
une fontaine réputée pour son eau
ferrugineuse. Comme vous le
voyez, c’est un ruisseau épanoui,
mais il a beaucoup déprimé,longtemps
caché par le parking, enfoui
sous le béton. Aujourd’hui, vif et
charmant, il retrouve l’air libre et se
réjouit d’un changement dans sa vie.
A votre avis, de quoi s’agit-il ?
1 Il ne sent plus le moisi
2 Les bébés poissons naissent à nouveau dans ses eaux
3 Il est amoureux d’une libellule
Réponse : Autrefois, les truites désertaient le ruisseau enfoui sous le parking ; aujourd’hui,
elles viennent se reproduire en amont du cours d’eau.
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en cuivre avec de la lessive très
caustique. On mettait un sac de jute
comme tablier pour se protéger. Au
début, on n’avait ni gants, ni eau
chaude. On avait les mains tout
abîmées, le bout des doigts en sang.
Mais bon, c’était comme ça la vie
autrefois .
Mais le pire, c’était le Loup !
vidange et, pour que ça rentre mieux,
elle marchait dessus. On disait qu’on
passait la laine au « Loup » ; oui, ça
s’appelait comme ça : « le Loup »...
La laine arrivait brute en balles très
serrées, il fallait la filer et la mettre
en écheveaux. Nous, on lavait les
écheveaux dans de grands bacs
Avant d’être filée, il fallait redonner
de la souplesse à la laine cardée. La
Mère Sourdin imbibait de grosses
épaisseurs de laine avec de l’huile de
Diantre, je perds le fil du temps !
Que vient donc faire un
chevalier du Moyen–Age dans cette
histoire ? Ah oui, en 1067, Guillaume
le Conquérant édifie une
forteresse sur l’éperon rocheux
qui nous domine.
Pour la
protéger, il crée trois étangs en
retenant l’eau du Beuvron dans la
vallée ; trois étangs qui entourent le
promontoire sur trois côtés. Le
plus grand se trouvait juste à
l’endroit où nous sommes. On dit
que les moines bénédictins du prieuré
de Saint-James utilisèrent aussi les
étangs.
A votre avis, quel usage en faisaient-ils ?
1 Les moines venaient s’entraîner aux championnats de natation inter-monastères
2 Les étangs étaient une réserve d’eau contre les incendies
3 Les moines pratiquaient l’élevage des poissons d’eau douce
Réponse : Les moines bénédictins du Prieuré de Saint-James pratiquaient la pisciculture en élevant des poissons d’eau douce.
La société médiévale consommait beaucoup de poissons, au moins 166 jours par an, car on suivait les recommandations de la
règle de Saint Benoît de Nurcie, fondateur de l’ordre des bénédictins. Les poissons servaient à l’alimentation des moines, mais
leur vente rapportait aussi un bénéfice au monastère.
Juste devant nous et de l’autre côté
de la route, la teinturerie a fonctionné
sans relâche jusqu’au début du XXème
siècle. Les ouvrières se souviennent :
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Ah dame oui, j’étais une turbine
pleine d’allant! Une turbine qui, grâce à l’eau du
canal, produisait l’énergie de l’usine…
on m’appelait la turbine Francis !
Francis du nom de mon inventeur. Je regrette un
peu le temps où, sous la chute d’eau, je donnais
le meilleur de moi-même! Il y avait un tel débit,
quand le Père Maillard ouvrait
les vannes du barrage de Valjoie,
que ma roue à aubes en était tout affolée !
Deux fois par jour, ¾3/4 d’heure avant
l’embauche, c’était le déluge !
Quelle puissance, cette rivière…
j’en frissonne encore !
Nous voici dans un bâtiment de
l’ancienne usine. Sur le panneau face
à l’entrée, je viens interviewer Denise.
La maison où elle a vécu avait les
pieds dans l’eau : le bief du Beuvron
passait dans la cave !
Ici c’était le
faubourg de mauvaise
réputation mais, quand
maman est tombée gravement
malade, tout le monde lui a
donné à manger, même ceux qui
n’avaient rien. - Denise
En lisant les souvenirs de Denise, essayons de trouver
de quelle facon elle remontait le linge de la lavandière :
1 Elle posait le paquet de linge sur sa tête
2 Elle s’attelait à la brouette avec des cordes
3 Elle avait un âne qui portait le chargement
Réponse : Elle s’attelait à la brouette avec des cordes.
Hé oui, aujourd’hui, le bief du
Beuvron est à sec !
Autrefois, le canal passait sous
l’usine et même sous les maisons
d’habitation et… la chute d’eau était
impressionnante !
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Sur les panneaux, les témoignages
des ouvriers parlent du travail et de
la vie dans les ateliers. Pour rester
dans l’ambiance, je vous propose
un petit jeu. A votre avis, combien
pesait une bobine ? Une bobine
pleine, bien sûr !
Il suffit de remettre dans l’ordre
les symboles de la filature ou du
tricot.
Avec le temps, l’usine Saint-James développe sa communication.
fuseau
rouet
bonnet
pelote
pull
bobine
quenouille
aiguilles
mouton
A votre avis, où choisit-elle ses premiers modèles pour poser
dans le catalogue ?
1 Chez les mannequins de haute couture de Paris
2 Parmi les marins des sauveteurs en mer
3 Parmi les employés de l’usine
Réponse : Ce sont les employés qui servent de modèles, mais les sauveteurs en mer
ont fait aussi de la publicité pour l’entreprise.
S
I
L
D
E
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U
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Ouf, après le travail en atelier, j’ai
bien envie d’une escapade dans la
nature, hum … par exemple, une petite
promenade sur les passerelles audessus de l’herbe fraîche, ça vous
dit ? Regardez, de la terrasseobservatoire, on voit la rivière
scintiller au soleil…
Est-il heureux le Beuvron à serpenter
ainsi dans sa prairie ? Laissons-lui la
parole :
Heureux ? Le mot est faible !
Ouahouou, nom d’un jonc, je bouillonne
de joie ! J’ai retrouvé le goût des
vacances : plus de turbine à activer,
plus de bief à alimenter.
La prairie où je cavale est douce, tendre
et…fragile. Les savants l’appellent
« une zone humide » et, heureusement,
elle est protégée ! Elle sert d’éponge
pour absorber les eaux de pluie et de
filtre pour piéger la pollution. Bien sûr,
toutes sortes d’animaux et de plantes
y vivent : un véritable abri pour les
grenouilles, les oiseaux et les
insectes !
Je ne regrette qu’une chose :
que les castors aient disparu car, au
temps des Celtes, j’étais leur rivière
préférée ! Hé oui, si je prends ma
source à Parigné en Ille et Vilaine, mon
nom, Beuvron, prend la sienne à un mot
gaulois « bebros », qui signifie « endroit
où il y a des castors ». Heu, bon, en
même temps, les castors, ça grignote
un peu tout !
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Au bord de la rivière, le saule prend
ses aises. C’est l’endroit idéal pour
l’interviewer et se préoccuper de sa
santé :
Les pieds toujours dans l’eau, ne craintil pas un rhume ?
On nous connaît aussi pour nos vertus médicinales ; à ce propos, devinez
pourquoi mon rhume se passe si vite ?
1 Parce que je mets des chaussettes pour dormir
2 Parce que mon écorce produit un acide avec lequel on fabrique l’aspirine.
3 Parce que je fais mes tisanes avec l’eau du Beuvron
Atchiii, oui barfaitement, ch’ai le nez
gouché ! Bais cha ne va ba durer
longtemps. Snurfff, tenez, ça va déjà
mieux! Avec mes frères, nous aimons
l’humidité et vous pouvez nous reconnaître
à la couleur de nos feuilles : vert foncé au
dessus, gris pâle en dessous. Nous sommes
célèbres aussi pour nos chatons. Les saulesgarçons portent des chatons jaunes, et les
filles des chatons verdâtres… Heu, non, ce
ne sont pas nos animaux domestiques, mais
nos fleurs, toutes duveteuses et légères
comme un pompon !
Depuis longtemps, notre famille est utile à
l’homme, surtout mon cousin l’osier ! Avec
ses branches souples et allongées, les
vanniers tressent des paniers. A Saint-James, le maître en la matière est
Amand Prime. Il fabrique encore cette sorte
de panier qui, autrefois, servait à tout :
porter les betteraves aux vaches, emmener
les poules au marché, ramasser les fruits !
Réponse : Mon écorce produit de l’acide salicylique avec lequel on fabrique l’aspirine. Mes qualités sont déjà connues
en Grèce mais c’est un pharmacien français qui découvre l’acide salicylique en 1829. Je soigne donc les rhumatismes, les
refroidissements et je fais baisser la fièvre.
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Proche de la rivière, elle fait son
nid. Elle aime particulièrement les
torrents vifs et rapides, comme le
Beuvron. La voici qui arrive de sa
démarche sautillante, avec sa queue
extraordinnaire qui lui sert de balancier !
Mlle Bergeronnette des Ruisseaux,
pourriez-vous nous accorder un
instant ?
Juste le gazouillis de la rivière pour
rêver, se reposer, ne rien faire...
quel plaisir ! Le poète Chateaubriand
savait méditer au bord de l’eau : Un
jour, je m’étais amusé à effeuiller une
branche de saule sur un ruisseau et à
attacher une idée à chaque feuille, que le
courant entraînait.
Bon, inutile de dépouiller nos amis les
arbres, une seule feuille peut suffire,
ou bien une tige d’herbe. On la
laisse partir au fil de l’eau et les
pensées s’en vont avec elle. Il n’y a
plus rien à faire, à dire, à lire, juste
rester ici, à savourer l’instant
présent. Et, si nous sommes en
harmonie avec le lieu, peut-être
verrons-nous l’Esprit du Grand Saumon
revenir à la source de sa naissance…
Piiit, piiiit… c’est pour la télé ? Mon Dieu, je
suis tout ébouriffée ! Voyez-vous, je suis
en train de construire mon nid ! Brindilles,
feuilles mortes, fil, mousses… je ne sais plus
où donner du bec ! J’ai un peu de retard sur
le planning… Dans une semaine, fin mars, tout
doit être prêt pour accueillir les œufs ! Mon
fiancé, le hochequeue, m’aidera à les couver
et, aussi, à nourrir les petits. Oui, oui, dans la
famille, on se partage les tâches. Il est très
prévenant mon fiancé, il me dit toujours
« Ne bouge pas chérie, tu vas abîmer ton
beau manteau gris et tes dessous jaune
brillant » ! Piiit piiit, bon, aujourd’hui
exceptionnellement, il a dû partir
à la chasse…
Vraiment, je n’ai aucune envie de
revenir à l’atelier ! Mais je tiens
encore moins à finir dans le nid d’une
bergeronnette ! Car, je suis un
prestigieux fil de laine prêt
à donner son âme à un pull…
enfin, un pull Saint-James, bien sûr !
En attendant, sur le chemin du
retour, nous croisons la veuve du
tanneur, Madame Bellet. Elle habite
la maison en briques rouges où l’on
distingue encore les claires-voies.
Oui, aujourd’hui,
les
tanneries
n’existent plus, même si l’on voit
encore des peaux qui sèchent tout en
haut. Ah, ces vantaux de bois, il fallait
une présence constante pour
ouvrir, fermer… Trop d’air sec,
les peaux craquellent, et trop
d’humidité, tout est moisi ! C’était
un travail délicat, s’occuper des
« sèches » ! J’étais bien trop
débordée pour m’en charger car, ici, au
bord du bief, j’avais assez d’eau pour
alimenter un moulin à tan. Aussi,
en 1895, je l’ai remis en fonction.
Vous voyez, je n’ai pas chômé : la
tannerie, le moulin… Enfin, la tradition
s’est transmise pendant longtemps ;
à Saint-James, le dernier tanneur fut
M. Dupont !
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Avant de laisser Madame Bellet, essayons de deviner ce qu’est un moulin à tan
1 Un moulin qui fait du vent pour éloigner les grosses mouches
2 Un moulin qui a souvent une roue d’avance ; d’ailleurs, le meunier
dit toujours « le moulin attend, le moulin attend ! »
3 Un moulin qui broie l’écorce de chêne pour tanner les peaux
Nous voici sur la route du retour.
Elle emprunte l’ancien chemin de ronde
et passe derrière les maisons, au plus
près de la roche. Autrefois, c’était
le seul accès et l’on grimpait par les
sentiers
du
promontoire
pour
atteindre le bourg. Après cette
escapade, je retrouve ma
bobine et le savoir-faire des
tricoteuses.
Si vous souhaitez me
rencontrer à nouveau,
enveloppez-vous dans
un pull Saint-James en pure laine.
J’en fais le serment, je vous
protégerai des pires tempêtes… Euh,
ça vous dirait un petit tour du monde
en voilier ?
Réponse : C’est un moulin qui broie l’écorce du chêne pour tanner les peaux et les transformer en cuir souple et solide.
Pauline Herbert
Nina Polnikoff : [email protected]
www.interpretation-patrimoine.net
Crédit photo
Illustration
Jean-Pierre Bagot (cartes postales anciennes)
Tricots Saint-James
Chiara Buccheri
www.chiara.wide.it
Site de l’Office de Tourisme
Site des Tricots Saint-James
impression
Scénario
graphique
Recherche historique
Michel Thoury, Yannick Duval, Brigitte Chrétien,
Magalie Robidel, Claire Legrand
ne pas jeter sur la voie publique
Jean-Pierre Séveno
Comité de pilotage
Conception
Information touristique et visite de la ville
www.dpixel.fr
Brigitte Chrétien, Yvette Morazin, Marie-France
Yvette et Daniel, Rémi, Marie-France, Denise, Jules, Francine, Michelle,
Haudebert, Cédric Doaré, Magalie Robidel,
Gisèle, Viviane, Thérèse, Solange, Marie, Ambroise, Yannick
Claire Legrand
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Comité de rédaction
Nos témoins
Office de Tourisme de Saint James 02 33 89 62 38 www.saintjamestourisme.fr