Un travail de mémoire en Rhône
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Un travail de mémoire en Rhône
(( 1 Un travail r a ~ ~ ~ )) de mémoire en Rhône-Alpes Patrice Berger l es divers paysde Rhône.,Alpes, enfants découvrent que leurs des Savoies au Roannais,du anciens étaient «connus au monBeaujolaisaux montsd'Ardèche, de!',qu'ils avaientlaissédansla vie du Dauphiné au Forez,furent de commune, dans les bâtiments, tout temps des paysde frontières, dansles industries,dansles cultude travail.. de commerce, d'émi- res,des «traces»de leur existence, gration et d'immigration. Les etque leursvies avaienteu un sens. paysages et les mpnuments en LassociationPeuplementet Migraconserventles traces.De mémoi-tions, installée à Vaulx-en-Velin, resd'hommes,des tracesdemeu- usait avectalent desoutilsaudiorent; mais bien souventaussis'ef- visuels, inscrivait volontiers son facent les traces de peines et de action dans les grands moments travaux, de souffrances et de qui ponctuentfannéeculturelle, joies, d'exil- ghorba,esilio... commeles]ouméesdupatrimoine aucoursdesquelleselle avaitorgaDepuisbien des années,des asso- nisé des parcours régionauxdans ciations,descollectivitésterritoria- les «lieux de mémoire»de l'immiles,desétablissements scolairesont gration. Radio 'fiait d'union avait eule soucide la parolevivante des alors couvertle parcours dans un immigrésdansnosquartiersetnos reportageaudio. territoires. Souvent,la nécessité LeCentredesmusiquestraditionvenait du respect dû aux anciens, nellesde Rhône-Alpesdéveloppait hébergéspar exemple depuis des une collecte de la mémoire orale décennies dans les foyers et qui et musicale des immigrés de avaientvieilli dansles quartiersde Rhône-Alpes;il menait à bien des Lyon(foyersd'ARALIS,Association enquêtes locales dans des quarRhône-Alpespour le lOgementet tiers comme celui de la plaœ du l'insertionsociale).A Grenoble, l'As- Pont,à Lyon. sociation dauphinoise pburl'acLe Muséedauphinoisde Grenoble cueil des travailleurs étrangers étendait sescentres d'intérêt aux (ADATE) , travaillait depuis long- départsversl'Afrique du Nord ou temps à la vie communede tous,à les Amériques depuis les~ontal'accueildignedesréfugiés.Partout, gnes alpines,comme aux venues il fallait que les enfantsetles petits plus récentes vers le Dauphiné 1 1 49 J U 1 N 1007 , aussibien desAlgériensarabesou kabyles que des pieds-noirs. Chaqueexpositionarticulait l'analyse économique et politique des mouvementsde populations avec les élémentsles plus sensiblesdu vécu des personnes,là-bas et ici, ici et là-bas: rythmes, saveurs, contes... A Grenoble,la revue Écartsd'identité consacrait régulièrement des articles et même des numéros spéciauxà la mémoire de l'irnmigration en Rhône-Alpes. Et partout, les mémoires de l'immigration italienne, forte et ancienneen Rhône-Alpes, et celledes Arméniens, des E~pagnols,des Maghrébins, des Portugais, des Thrcs,des Latino-Américains,des Africains, donnaientlieu,de Bourg à Finniny,deValenceà Chambéry, à de multiples initiatives de collecteet de restitution au public. Lesuniversités de Lyon,Grenoble et Saint-Étienne,l'École normale supérieure de lettres et de sciences humaines de Lyon, l'Institut national de recherchepédagogique abritent des chercheurs qui font progresserles connaissancesacadémiquesdans cesdomaines. '. 1 Du côté de la parole qui circule, des témoignages vivants, Rhône-Alpes a été un très fort creuset des radios libres dès la fin des années 1970. Aujourd'hui, plus de soiXlante-dix radios associatives réparties dans mettant un accent particulier sur les «voix» des immigrés. La troisième édition de «'n-aces, Forum régional des mémoires d'immigrés »,a rassemblé à l'échelle des de travailleurs sociaux) et les chercheurs en sciences sociales (notamment ceux de l'INRP). Une, grande exposition sur les foyers 1 d'hébergement des travailleurs; immigrés de la région lyonnaise, ! les huit départements de la régioni organisent les paroles des habitants dans toute leUr' diversité: radios interculturelles, "comme huit' départements des dizaines de contributions. La manifestation a étésoutenue par le FASILD,laDRAC, le SGAR, la Région Rhône-Alpes «Voyage à Rhin et Danube », a marqué l'inaugu,ration de «1taces» et a permis l'expression de fortes paroles de recadrage historique, à 1t'qit d'union à Lyon ou Kaléidoscope Grenoble; comme radios des quar-à tiers à populaires, Pluriel et la Ville de Lyon. A l'initiative d'ARAUS,à Lyon, de Peuplementde et Migrations, à Vaulx-en-Velin, quelques jours des révoltes des ,J jeunes villes. dans les quartiers de n~ :' Saint-Priest, News à Fontaine, ou Dio à Saint-Étienne; radio périur- l'ADATE, à Grenoble, du Grain, à Saint-Étienne, mais aussi de très Une quinzaine de radios associatives de toute la région se sontmobi~ baines, comme Couleurs à Bourgain ou Grésivaudan à Crolles; de villes moyennes à Aubenas, Annonay, Firminy, Valence, Montélimar, nombreuses (communes, tres, centres 14 novembre liséespourcouvriràl'antennel'en~ ~ semble des manifestations et ~ produire plusieurs heures d'émis-- j sions qui ont été diffusées dans ' Chambéry, Crest. ..les Depuis 1992 s'est constitué l'EPRA (Échanges et proçuctions radiophoniques), le regroupement de radios associatives épaulées par le témoignages des habitants ont rejoint les créations des artistes pour offrir au public une myriade d'expositions, de spectacles vivants, de projections de films, de concerts. FAS2,plusieurs rnirùstères et Radio France internationale, dans le but de favoriser la production et les échangesde programmes touchant à l'immigration dans tous 'ses Parmi les initiatives remarquables, grenobloise Écartsd'identitéa consail faut citer la création, à partir cré son numéro de juin 2006 à d'une enquête auprès des anciens divers articles qui déclinent diffédu quartier, d'un spectacle théâ -rents aspects des rencontres régiotral monté par des habitants, nales «1taces» de 2005. aspects, et notamment la lutte contre les discriminations. Les radios associatives de Rhône-Alpes «Mémoires d'immigrés», à Chambéry-le-Haut. La Cité nationale de l'histoire de l'immigration qui, dès Le seul élément à améliorer a été la faible participation des établissements scolair~s à l'ensemble dei figurent au plan national parmi les meilleures productrices d'émissions (plusieurs dizaines dl1eures par an). Un lien fort entre ces travaux divers et un rapport significatif avec le grand public restaient à constituer. Dès 2000, ARALIS (Lyon) développait sous le nom de «'n-aces» un premier ensemble de rencontres et de spectacles particulièrement ses débuts, avait souhaité associer les associations qui travaillent sur la mémoire de l'immigration à son parcours, a soutenu l'initiative. Un élément important dans le dispositif a été les deux journées nationales de travail organisées dans l'objectif d'une réflexion commune entre les associations travaillant sur la mémoire {y compris des écoles de formation ces manifestations. " Le réseau régional de «'n-aces":l 2005 s'est étoffé depuis, et, sur l'impulsion d'ARALIS, poursuit un travail d'information et de réflexion qui débouchera en 2008sur une nouvelle initiative régionale.. conœntré dans la région lyonnaise et dont la deuxième édition s'ou.' vraI,.t en 2003,grace a 1a co Il a bo- 1 ,. , " 1 1 LAin,I Ardèch.e, la Drome,lIsère,la Loire,le Rhone,la Haute-Savoie et la Savoie. l'En 2001,le Fondsd'actionsociale(FAS) devientle Fondsd'actionet desoutienpour et IIa utte contre 1es discnmmattons ... (F.-.sILO.) La I01. d u 31 mars 2006 POlI! l,.mt~&Gtton ~. ration l'égalité des chances transforme d'autres semble de associations, à l'en- Rhône-Alpes, en associations locales bibliothèques, théâsociaux, M]C...), du au 11 décembreL005, 1 toute la France par l'intermédiaire des cent vingt radios associatives membres du réseau. Sous le titre «Faire mémoire -1taces des migrations en Rhône-Alpes », la revue 1 PATRICE BERGER estprésident deRadio Pluriel etadministrateur dtchanoes etproductions radis. phoniques (EPRA). ensuite le FASILD en Agenœ nationale IXJur la cohésiœl socialeet l'égalitédeschances(ACSE) [transformationeffectiveen octobre2006]. UIN10071 j 1 ~ 1 Pour en savoir plus: :.i~' > ~a~io brB~ivau~an '~:;j .Le programme Traces2005 www.aralis.org/documents/ :~ Programme_Traces_200S.pdf., .! ;,-;\ .Parmi les principales organisat~onspartiesprena~tes: www.aralls.org www.adate.org/ www.ecarts-identite.org/ .Les radios associatives de Rhône-Alpes wwwfrancra.org/ .L'EPRA (Échanges et productionsradiophoniques), avec: -une basesonore de plusieursmilliers d'heuresde programmes écoutablesen ligne tt h t l,. . t .onnee e ouc an a ImmigraIon www.epra.net -toutes lesmformatlons .. .es necessalres sur1a vie dece réseaunational !"'iJ, de radiosassociatives ". "', . ..e « Mémoires l ' h ' et erl .L'article de Jean-ClaudeDuclos, «l'immigration auMuséedauphinois» http://ecid.onlinefr/french/numero/ article/art 108.html l'hérita d'Eric ge Poéti que » a ete enregistre lors de la représentation d .. a Cham b ery .dans le 29 novembre 2005 au théâtre Charles-Dullin. Ce spectacle a été monté 1 h b.t Ique» t . . "Partir! du spectacle . Ilfaut queje partel Jene peux plus rester ici, Mon avenir c'est là-bas " ..' Là-bas,c estpas paretl... Il y a du café et del'eau chaude toutes lesmaisons. Lesenfants vont à l'école td . d . gensImportants. Ici,je manque de rien, t etJlennen d b es gens . len, mais c'est pas pareil, Th comprends?» a 1 an s de Chambéry-le-Haut après un long travail ... de collecte de memoire RADIO GRESIV AUDAN et d'écriture coordonné > Bonjour,l'émission 1 e t t cu cen It ure . re 1d 1 es Ch At ' .Charles-Dullin, a algnlers. Cette démarche a non seulement permis d h es c d'à côté» s'est rendue "Les voisins au théâtre socla de valoriser [ e Labaj dont il est question dans cette émission e il \ f\ fil! 1 poe M .. d,. ..ExtraIt ( emolres Immigres, -par : age Le spectacle avec es www.eprafr t ' ,'* emission Une g rés d'immi à Chambéry, pour voirIe spectacle «Mémoires d'immigrés, l'héritage poétique». Tout a commencé lorsque l'ensemble des habitants du quartier . emlnemen t de Chambéry-Ie--Haut ont acœpté s, elle a établi de se livrer et de transmettre des h l h..'. Istolres, eur Istolre, ou 11 est question de départ, d'installation, une confiance de regards croisés sur l'évolution entre tous. du quartier, de la société; où il est question également de leurs relations et de leur évolution personnelle, à chacun. Une pièce de théâtre écrite à partir des textes qui ont été recueillis a été mise en scène des relations, .Émissionretranscrite parPatriceBerger.Coupes de la rédactiondeDiversité. 1148.JUIN1001d. .. avecune quarantaine d'habitants de 8 à 88 ans,une manière interactived'aborderla questionde l'intégration: comment trouver sa place dans son quartier, dans sa ville,danssa région,dans sonpays, dans son époque... Voyageentre ici et là-bas... Les gens que vous allez entendre parler de ce projet ne parlent pas en leur nom mais au nom de l'ensemble du groupe qui a travaillé sur ce projet depuis plus de trois ans; ils vont nous expliquer les différentesétapeset ce quecela a changépour eux. Quellea étéla genèsede ce projet? UNE ANI MATRI CE 0 U PROJET > Ce projet est né de la rencontre d'habitants,et des con.fidences, des témoignagesrecueillis auprès de certains habitants, notamment des parents, des grands-parents issus de l'immigration et de leurs enfants nés en France, qui nous proposentdes regardscroisés sur la Vie enFrance,surl'immigration; sur les relations entre les enfants et leurs parents, sur la transmissiondeshistoires,desvaleurs,de la culture... Ça a commencé en 2002, il Y a donc eu ce recueilde témoignages qui a donné lieu à deux représentations, deuxpetitessaynettesqui ont été construitesgrâceà tout ce qui nous a été donné; progressivement, de nouvelles personnes, des habitants, se sont jointes au projet dont elles avaient entendu parler; La Sauvegarde de l'enfance enfin, par le biais de jean-Marc Simonnotqui a réaliséla mise en scène. LEM ETTEUR ENS CÈNE, JEAN-MARC SIMONNOT > D'une part, l'intégration des témoignagesqui ont été collectés et, en même temps,cescomédiens habitantsqui sont venusles porter et qui, envenanteux-mêmesmonter un spectacle,ont témoigné en personne...il C'estune démarchetrès riche qui demandebeaucoupd'attention. C'estle croisementde ces témoignagesdans l'histoire lointaine. dans l 'histoireplus proche et dans l'actualité de la créationthéâtrale; ceshabitants-là montent ce spectacle et cela raVivenécessairement et leur propre mémoire et leur désirde témoigner. RADlOG RÉS1VAUDAN [S'adressant aux acteurs] > Qu'est-ce qui a fait que vous avezparticipé à cette aventure? Commentest-ce arrivé? UNE FEMME > Ils nous ont appelés,on a fait les premièresséances,ils ont vu que ça marchait bien, et on a continué jusqu'à aujourd'hui... UN ADOLESCENT > En fait, c'était une fois où j'étais avec des amis... On nous avait proposé de faire du théâtre à l'école,on a fait quelquescours de théâtre, puis ils nous ont proposé> de faire le spectacle,on a accepté, ils ont trouvé que c'était bien et on a commencé tout de suite à faire les scènes... Extrait du spectacle «-Un jeune gars Dring! -Qui allo? Quais, monpère?Luiparler? Thplaisantes?Mon père,onpeut pas lui parler;c'estle daron, c'estle roi,çanesertà rien, çanerapporterien,et enplus ne comprend rien. Quaisquandje vois lemétier demon père, je medis queje ferai pasça,c'esttrop la misère,tandisquelui il y arrive... ' -Une jeune fille Jesaispaspourquoiils sontvenus enFrance, je pensepourmieuxvivre, pourtravailler;pourne pasvivre là-bas,parcequelà-bas c'estla misèrefaut dire... Jepensequ'ilsauraienteu plusde problèmes là-basqu'ici. En France, on dit quec'estmieux, moije mesuisjamaisposé cettequestion,on estici,onvit bien, j'habite enFrance, je vaispeut-être, mêmesûrement, mourirenFrance... » UNE ANI MAT R1CE DU PROJET Onl'a fait aveclespersonnes que l'on côtoyait le plus souvent,qui étaient d'origine maghrébine-du Maroc,d'Algérie...-etons'esttrès rapidementrendu comptequeles témoignages que l'on obtenait, étaient universels,qu'on abordait] la questionde la transmission, de la rechercheidentitaire,etquecela pouvaitse retrouverdanscI1acune des familles de la société... .1 "té 149.JUIN 1007 1