Le captage et le stockage géologique du CO2
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Le captage et le stockage géologique du CO2
Le captage et le stockage géologique du CO2 La consommation mondiale actuelle d’énergie primaire est estimée à 10,5 Gtep1, dont environ 80 % d’origine fossile (pétrole, gaz et charbon). Qu’ils émanent de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), du Conseil mondial de l’énergie (WEC), de la Commission européenne ou du Department of Energy (DOE) américain, la plupart des scénarios prospectifs s’accordent à prévoir une augmentation de cette consommation (entre 16 et 18 Gtep en 2030), toujours dominée par les énergies fossiles. Or, si la combustion d’énergies fossiles contribue aux émissions anthropiques de CO2, l’humanité ne sait se passer d’énergie pour accompagner son développement. Pour répondre à cette exigence et tant que des sources d’énergies alternatives n’auront pas atteint leur pleine maturité, la possibilité de stocker le CO2 issu de sources concentrées d’émissions est l’une des mesures d’atténuation envisagées, en complément d’actions d’efficacité énergétique et de diversification des sources d’énergie pour stabiliser la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Qu’est-ce que le captage et le stockage géologique du CO2 ? Le captage et le stockage géologique du CO2 est un processus consistant à récupérer le CO2 contenu dans les fumées de combustion de grosses installations industrielles ou des gaz de procédés, à le transporter et à l’injecter dans un lieu de stockage adapté en sous-sol. Parmi les trois principales étapes (captage, transport et stockage), la première vise à séparer le CO2 des autres éléments constitutifs des fumées (essentiellement vapeur d’eau et azote) ou des flux de gaz. C’est de loin la plus coûteuse puisque estimée, selon le GIEC2, à environ 2/3 du coût global. Elle est pourtant nécessaire pour au moins deux raisons : 1. les fumées de combustion contenant en moyenne entre 3 et 15 % de CO2, séparer le CO2 permet de réduire les volumes à transporter et donc les coûts 2. les sites de stockage géologique adaptés au stockage du CO2 nécessitent un certain nombre de caractéristiques et sont donc limités ; stocker le seul CO2 permet d’optimiser les capacités de stockage existantes. Le captage du CO2 au niveau des grandes installations de combustion d’énergie fossile En raison de leur coût d’investissement élevé, les technologies de captage du CO2 sont plus particulièrement adaptées aux sources d’émissions importantes et concentrées tandis qu’elles n’apparaissent pas appropriées dans le cas de sources diffuses. La production d’électricité à partir de centrales thermiques représente, à elle seule, un peu plus de 42 % de la totalité des émissions de CO2 anthropiques émises chaque année dans le monde et quasiment 80 % des émissions totales de sources industrielles. Ces centrales électriques (et notamment celles fonctionnant à partir de charbon) ainsi que, dans une moindre mesure, quelques autres installations industrielles telles que les cimenteries, les raffineries, les installations de production d’engrais, de la sidérurgie et de la pétrochimie, sont, à ce jour, celles pour lesquelles le captage du CO2 apparaît le plus efficace. Émissions annuelles de dioxyde de carbone des principales sources industrielles En Mt CO2/an Le captage et le stockage du CO2 Énergie Arrivée du combustible Stockage “tampon“ par bateau Captage du CO2 par précombustion Captage du CO2 par postcombustion ou par oxycombustion Veines de charbon non exploitées CO 2 CO 2 CO par pipelines CO2 2 par pipelines Têtes de puits d'injection CO2 Gisement de pétrole ou de gaz en fin d'exploitation 10 539 Industrie sidérurgique 646 Production de ciment 932 Raffinage du pétrole 798 Pétrochimie 379 Traitement du pétrole et du gaz naturel 50 Autres sources (dont biomasse) 124 Total grandes sources fixes mondiales de CO2 13 468 Source : rapport du GIEC - 2005 Aquifères salins profonds Captage 1 2 Transport Stockage Tep : Tonne équivalent pétrole Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat Le captage et le transport du CO2 La séparation du CO2 est déjà réalisée dans quelques activités telles que le traitement de gaz naturel, lorsque ce dernier a une teneur trop élevée en CO2, ou dans la production d’ammoniac et d’hydrogène. Mais il s’agit alors de purifier d’autres gaz et le CO2 est souvent rejeté à l’atmosphère. L’objectif est désormais de développer des techniques plus efficaces et à plus grande échelle destinées au stockage du CO2. Quant au transport, deux options sont envisageables selon les distances à parcourir entre la source d’émission et le site de stockage : les canalisations et les navires. Les trois techniques de captage Les moyens de transport du CO2 Selon le type d’installation, le captage peut-être réalisé à trois niveaux différents : la postcombustion, la précombustion et l’oxycombustion, chacun à des stades de développement différents et doté d’avantages et d’inconvénients divers (coût, consommation énergétique, etc.). Le transport du CO2 par canalisations dédiées existe déjà aux États-Unis où plus de 40 millions de tonnes sont transportées chaque année à travers un réseau de conduites de 2 500 km. Le CO2 doit alors être comprimé à une pression minimale de 73 bars pour atteindre l’état supercritique et une forte densité, proche de l’état liquide. La postcombustion, technique la mieux maîtrisée des trois mais aussi la plus coûteuse, convient aux installations existantes. Elle consiste à séparer le CO2 contenu dans les fumées de combustion, le plus souvent, par l’usage d’un solvant liquide tel que la Mono Ethanol Amine (MEA). Au-delà de certaines distances (500 à 1 000 km, selon les sources), le transport par navires apparaît plus économique. Le CO2 est alors transporté sous forme liquide dans des conditions comparables à celles du GPL. La précombustion permet d’obtenir deux flux distincts et concentrés d’hydrogène et de CO2, alors plus facile à capter. Le combustible est traité avec de la vapeur d’eau et de l’air (vaporeformage) ou avec de l’oxygène (oxydation partielle) pour produire un gaz de synthèse contenant essentiellement du monoxyde de carbone (CO) et de l’hydrogène qui peut permettre de produire de l’énergie sans aucune émission de CO2. Une seconde étape de conversion du CO en présence d’eau (H2O) permet ensuite de séparer le CO2, alors destiné au stockage. “ Grâce aux techniques actuelles il est possible de piéger entre 85 et 95 % du CO2 mais une centrale électrique équipée d’un système de captage et stockage aurait besoin d’environ 10 % à 40 % d’énergie de plus qu’une centrale de rendement équivalent sans système analogue, la plus grande partie de l’énergie servant au captage et à la compression. L’oxycombustion, encore au stade de démonstration, permet de produire un gaz de combustion très concentré en CO2 (de 80 % à 90 % en volume) et pourrait être adaptée aux installations existantes. Pour cela, la combustion doit avoir lieu avec de l’oxygène au lieu de l’air habituellement utilisé, la principale difficulté étant la production d’oxygène par séparation d’air. Cette étape de séparation de l’oxygène de l’air étant particulièrement coûteuse, la voie de la « Boucle chimique » est envisagée. Cette dernière se fonde sur l’apport d’oxygène par réaction sur oxyde métallique, c’est-à-dire sur utilisation d’un ion métallique tel que de la limaille de fer pour transporter l’oxygène de l’air vers le combustible. (Rapport du GIEC-2005) ” Techniques de captage du CO2 Postcombustion N2 O2 Charbon Gaz Pétrole Biomasse Énergie et chaleur Air Précombustion Charbon Biomasse Gazéification Reformage + sép. CO2 H2 Énergie et chaleur N2 O2 Air Charbon Gaz Pétrole Biomasse CO2 Énergie et chaleur Compression et séchage du CO2 O2 Air/O2 Processus industriels CO2 Gaz, pétrole Air/O2 Vapeur Oxycombustion CO2 Séparation du CO2 Charbon Gaz Pétrole Biomasse Air Séparation de l'air CO2 Processus + sép. CO 2 Matière première N2 Gaz, ammoniac, acier Source : GIEC - Rapport 2005 Le stockage géologique du CO2 Une partie du CO 2 capté peut être valorisée dans l’industrie agro-alimentaire ou chimique. Cependant les besoins sont très inférieurs aux quantités potentiellement récupérables. Il existe plusieurs types de stockage géologique possibles, à des niveaux de connaissance différents, mais, dans tous les cas, le CO2 devra être stocké à des profondeurs suffisantes (supérieures à 800 mètres) pour atteindre l’état supercritique de façon à occuper le volume le plus faible possible. 1. Le stockage dans des réservoirs de pétrole ou de gaz naturel en fin de vie. Ce type de stockage présente plusieurs avantages parmi lesquels le plus important est d’être mieux connu et étanche. Ces gisements naturels ont en effet démontré leur capacité à contenir des hydrocarbures pendant plusieurs millions d’années. Par ailleurs, le stockage du CO2 dans ce type de gisements est une pratique qui, bien que non généralisée, est connue de l’industrie pétrolière et gazière. En effet, les pétroliers injectent du CO2 pour réduire la viscosité du pétrole, améliorer sa mobilité et donc augmenter son taux de récupération. Cette technique est connue sous le nom d’EOR (Enhanced Oil Recovery ou récupération assistée de pétrole). Enfin, une partie des infrastructures en place pour l’exploration et l’exploitation du pétrole (canalisations et puits par exemple) peut servir au stockage du CO2 et ainsi contribuer à réduire les coûts. En revanche, ces réservoirs ne sont pas toujours situés à proximité des sources de CO2 et le volume global disponible pour le stockage peut se révéler insuffisant par rapport aux besoins. 2. Le stockage dans certaines veines de charbon trop profondes pour être exploitées. Dans ce cas, la veine de charbon n’est pas utilisée comme réservoir mais le stockage du CO2 repose sur son absorption par le charbon et permettrait, à condition que la veine de charbon soit bien recouverte de couches étanches, à la fois de stocker du CO2 et de récupérer du méthane (ECBMR - Enhanced Coal Bed Methane Recovery). Les grands projets en cours : • Weyburn (Canada) : injection du CO2 dans un gisement pétrolier et récupération assistée de pétrole. • In-Salah (Algérie) : stockage dans un aquifère onshore. • Sleipner (Norvège) : séparation du CO2 à partir d’un champ de gaz et stockage dans un aquifère salin offshore. Les différents types de stockage géologique Stockage de CO2 dans un champ de gaz épuisé Injection de CO2 Stockage de CO2 dans un aquifère salin Production de Injection pétrole de CO2 Stockage de CO2 dans un champ de pétrole avec récupération assistée Production de Injection Stockage de CO2 de CO2 méthane en veines de charbon avec récupération assistés de méthane Nappe phréatique Terrains de couverture plus récents 1 000 m Aquifère salin Stockage de CO2 Socle cristallin Terrains de couverture récents Aquifères (carbonates, grès) Formations étanches (argile, sel) Veines de charbon Gisement de pétrole Gisement de gaz épuisé Cependant, ce type de stockage demande encore à être mieux appréhendé. 3. Le stockage dans les aquifères salins. Localisés dans les bassins sédimentaires, ces aquifères sont nombreux et peuvent avoir des superficies de plusieurs milliers de km2. Ils peuvent être offshore (en mer) ou onshore (à terre). Constitués de roches poreuses et perméables souvent gorgées d’eau salée impropre à la consommation, ces aquifères, lorsqu’ils sont suffisamment profonds (> 800 mètres) et recouverts de couches imperméables pourraient être utilisés pour stocker d’importantes quantités de CO2. Mais de nombreux travaux doivent encore être menés pour mieux connaître ces aquifères. Les principaux enjeux à résoudre Aujourd’hui, il existe trois principaux types de défis à relever pour permettre le développement du captage et stockage géologique du CO2 : • la réduction des coûts, notamment de la phase de captage du CO2 • l’établissement d’un cadre juridique afin de mieux définir les conditions de contrôle du stockage et la responsabilité à long terme du site • l’adhésion du public. L’engagement de Total Compétent dans le domaine des procédés industriels comme dans la connaissance du sous-sol, Total s’est très tôt intéressé au captage et au stockage du CO2 et s’implique, en partenariat avec divers experts, dans de nombreux projets nationaux et internationaux de recherche et développement. Son objectif est de contribuer à l’émergence et à la maîtrise de cette technologie indispensable au développement pérenne de ses propres activités, mais aussi applicable à de nombreux autres procédés industriels. Le Groupe s’intéresse en particulier à la voie de l’oxycombustion, avec un projet majeur dans le bassin de Lacq (sud-ouest de la France), ainsi qu’à celle de la postcombustion et de la boucle chimique. Le pilote, qui produira environ 40 tonnes par heure de vapeur utilisée par les industries du site, émettra jusqu’à 150 000 tonnes de CO2 sur deux ans qui seront captées et stockées. Le site du puits de Rousse fera l’objet d’une surveillance particulière, avec des capteurs répartis à la surface et en fond de puits pour mesurer l’injection, la pression, la température et la concentration de CO2. Des travaux de recherche Total est engagé avec des instituts et des centres de recherche français et internationaux sur différentes études concernant les technologies de captage, la physicochimie du CO2 injecté et stocké, l’intégrité des gisements et des puits sur le long terme, l’analyse des risques, etc. Total participe notamment à des programmes européens comme ENCAP (ENhanced CAPture of CO2) et CO2 ReMove ainsi qu’à de nombreux projets de recherche français dans le cadre des programmes de l’Agence Nationale de la Recherche – tel que le projet Géocarbone-Picoref qui consiste à identifier des sites de stockage dans le sous-sol français. Le Groupe fait également partie du réseau CO2NET, regroupant des industries et organismes de recherche qui s’attachent à encourager le déploiement des applications du stockage géologique du CO2 en Europe et dans les pays voisins. Ce pilote, qui devrait démarrer à la fin 2008, après deux ans d’études et de préparation, vise trois objectifs principaux : - améliorer la maîtrise de la filière oxycombustion, notamment en vue de son utilisation pour la production des huiles extra-lourdes - réduire de 50 % le coût de captage par rapport aux procédés existants - développer une méthodologie et des outils de surveillance, afin de démontrer à plus large échelle, la fiabilité et la pérennité du stockage à long terme du CO2. Total a par ailleurs annoncé en février 2007, le lancement en France du premier pilote de démonstration d’une filière complète de captage et stockage du CO2 associée à de la production de vapeur dans le bassin de Lacq3. Le pilote contribuera également à l’objectif de génération électrique à partir d’énergie fossile sans émission de CO2 (Zero Emission Fossil Fuel Power Plant) fixé par la Plate-forme technologique européenne, dont Total est partenaire. La réussite de ce pilote nécessite par ailleurs un dialogue constructif avec les parties prenantes et fera ainsi l’objet d’une concertation préalable. Un pilote de démonstration à Lacq Pour la première fois, un programme va tester en France la chaîne complète du processus de captage et stockage du CO2, depuis l’installation émettrice de CO2 (une chaudière), jusqu’au stockage souterrain. Des projets industriels Il s’agit de convertir en oxycombustion l’une des cinq chaudières de vapeur existantes de la centrale du site de Lacq, de capter et de comprimer les émissions de CO2, pour ensuite les transporter par gazoduc4, sur 27 km, et les injecter dans un réservoir en fin de vie du gisement de gaz de Rousse, à une profondeur de 4 500 m. Parallèlement au pilote de Lacq, Total est partenaire de plusieurs autres projets industriels de démonstration. Au-delà de l’injection dans l’aquifère du CO2 du gisement de Sleipner en activité depuis 1996 (Statoil opérateur, Total partenaire), Total est également associé à un projet d’injection sur le champ de gaz de Snøhvit opéré par Statoil en mer Schéma de fonctionnement du pilote d’oxycombustion de Lacq de Norvège. Le CO2 sera séparé à terre dans une usine de gaz naturel liquéfié (GNL), Injection du CO2 convoyé en mer par pipeline et injecté par Transport du CO2 puits sous-marin dans les aquifères salins du Tubåen à 2 600 mètres de profondeur. Captage du CO Production de gaz Compression Injection du CO2 8 9 7 Vapeur d'eau Stockage du CO2 4 500 m 10 Purification et déshydratation du CO 2 Compression 5 4 3 gaz naturel Unité production oxygène 6 CO2 Réservoir de Rousse Usine de traitement du gaz de Lacq Gaz commercial Centrale utilité Chaudièreoxycombustion Transport du CO2 2 Arrivée du gaz naturel 3 Production du gaz de Lacq 4 000 m 1 Réservoir de Lacq profond Dans le cadre d’un partenariat technologique avec Air Liquide et de plusieurs collaborations, dont celles d’Alstom, de l’Institut français du pétrole (IFP), du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). 4 Le pilote bénéficiera du gazoduc existant, qui transporte le gaz naturel exploité depuis trente ans du champ de Rousse vers l’usine de Lacq. Pour en savoir plus : www.total.com Novembre 2007 Maquette & impression : Sagadesign - Imprimé sur papier 100 % recyclé 2