Intervention de l`Honorable Gloriose Berahino, Députée
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Intervention de l`Honorable Gloriose Berahino, Députée
Conférence du Réseau des Femmes Parlementaires d’Afrique Centrale (RFPAC) « L’Accès et le contrôle des ressources par les femmes » Irlande, Dublin, 26 juin 2013 O’Callaghan Alexander Hotel Intervention de l’Honorable Gloriose Berahino, Députée de la République du Burundi et Présidente du RFPAC à l’occasion du Séminaire de l’AWEPA sur : « l’avenir du développement en Afrique : Terre, Espoir et Faim » Irlande, Dublin, 28 juin 2013 La production alimentaire mondiale est suffisante pour nourrir 12 milliards de personnes ; on parle pourtant plus de 800 millions d’êtres humains victimes de la faim. Paradoxalement, une grande majorité de ces personnes défavorisée vit en milieu rural et est essentiellement composée de femmes et d’enfants ; 1 Par ailleurs, les experts réunis au Sommet de l’alimentation et de l’agriculture à Chicago ont déclaré que 30 à 50% de la nourriture produite dans le monde est non consommée (Institut du génie civil, Londres) Dès lors l’enjeu de la sécurité alimentaire en lien avec l’agriculture reste une priorité. Dans cette problématique, les femmes jouent un rôle crucial. En effet, elles sont actrices dans l’agriculture et la sécurité alimentaire de leurs familles. Elles ont un rôle important dans le maintien de la biodiversité, les plantes médicinales et l’agriculture vivrière qui servent directement à la consommation familiale. Selon les régions, les situations sont évidemment différentes. Cependant, les femmes ont généralement moins de droits et moins d’accès aux ressources dont la terre et les outils de productions. Ils ont également une difficulté d’accès aux marchés. Les femmes manquent de moyens financiers, sont peu présentes dans les organes de décisions (commissions foncières, d’eau, organes consultatifs, communaux etc.) et souffrent de marginalisation et de discrimination. Et pourtant, elles portent le poids du ménage dans les situations de crise. Comme les hommes sont les propriétaires juridiquement reconnus, ce sont eux qui fournissent les garanties. Lorsqu'ils émigrent vers les villes, ou s’ils fuient la guerre laissant les femmes gérer les activités agricoles, le problème s'aggrave du fait de l’analphabétisme de la femme. 2 Les femmes chefs de ménages manquent de statut juridique qui leur facilite l’accès aux différentes ressources dont la terre, les ressources financières. Ainsi, parler du genre dans l’agriculture et la sécurité alimentaire est une question de droits humain mais aussi de lutte contre la pauvreté et la sécurité alimentaire. Selon la FAO (rapport SOFA, 2011) : - 60 à 80% des aliments de consommation familiale dans les pays de l’Afrique subsaharienne sont produits par les femmes (agriculture vivrière). Les femmes produisent la ½ de la production alimentaire mondiale. Mais restent invisibles et sont considérées comme « aidantes ». - Si les femmes avaient le même accès que les hommes aux ressources productives, l’augmentation des rendements de leur exploitation serait de 20 à 30%. Cet accroissement de la production agricole à travers l’agriculture familiale, permet une réduction de 12 à 17% du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. En effet, plusieurs études montrent que les femmes investissent prioritairement leurs revenus dans l’achat d’aliments et d’instruments liés au ménage. Actuellement les politiques agricoles soutiennent prioritairement une agriculture intensive, de rente. Il existe peu de politique d’appui et de recherche visant l’amélioration et l’apport technologique à l’agriculture familiale et vivrière dont les femmes sont les principales responsables. 3 L’enjeu de la terre reste central et ce principalement pour les femmes au vue des ventes de terres, à grande échelle, à des investisseurs locaux et étrangers. Ventes biens souvent réalisées sans consultations locales et notamment sans consultations des femmes même si la loi le prévoit. Encore trop souvent les populations locales, dont les femmes, ne connaissent pas leurs droits. De plus, la pression démographique et l’impact du changement climatique sont des facteurs aggravants. Au vue de cette situation le RFPAC, le Réseau des femmes parlementaires d’Afrique centrale, qui s’occupe spécifiquement des questions de genre au sein des parlements respectifs, avec l’appui d’AWEPA, a élaboré une série de recommandations qui s’articulent autour de 10 points. Les femmes parlementaires peuvent jouer un rôle clé : 1. En proposant des textes de lois qui garantissent une sécurité d’accès à la terre pour toutes et tous. Parallèlement à l’agriculture intensive, garantir un appui à un modèle agricole familiale qui tient compte de l’environnement tout en assurant le transfert des technologies agricoles, l’amélioration et l’appropriation des savoirs traditionnels et autochtones (comme par exemple la protection des semences) 2. En élaborant des lois qui garantissent la présence des femmes à des postes de responsabilité dans les organes de gestion des ressources naturelles. 3. En soutenant la société civile (organisations paysannes, association de femmes) à travers une meilleure consultation 4 des communautés de base pour la gestion des ressources naturelles (terre, eau, foret, …). 4. En suscitant des collectes des données différenciées par sexe dans le secteur de l’agriculture. Sur base de ces données statistiques, inciter et appuyer le financement de recherches dans le domaine de l’agriculture vivrière afin de répondre aux besoins spécifiques des femmes ; 5. En favorisant l’accès des femmes aux formations de base tel que l’alphabétisation fonctionnelle ainsi qu’aux formations technologiques et scientifiques permettant d’acquérir les compétences dans l’agriculture, l’élevage et la pêche. De plus, en impliquant les hommes et les femmes dans la formation et les campagnes de sensibilisation sur le changement climatique et le développement durable avec des lunettes Genre. 6. En soutenant des programmes de lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion de la santé (entre autre la lutte contre le VIH Sida), afin de créer un environnement de sécurité et de bien être en milieu rural. 7. Les femmes parlementaires sont bien placées pour définir, adopter et mettre en œuvre une politique de financement des activités génératrice de revenus des femmes, particulièrement dans les zones rurales. Comme par exemple, créer des organismes financiers publics sous forme de mutuelles de microcrédits ; 5 8. Pour inviter les partenaires au développement et les organisations internationales à accompagner les politiques gouvernementales dans la prise en compte du concept Genre dans les stratégies agricoles ; 9. Pour veiller à la cohérence entre les politiques de genre et les politiques agricoles, que ces dernières garantissent une sensibilité aux besoins spécifiques des femmes et des hommes. 10. Et finalement par rapport à la bonne gouvernance, les femmes parlementaires doivent garantir l’application des lois qui intègrent la question du Genre et assurer une stratégie de pilotage, de régularisation et d’exécution en vue d’une optimalisation des dépenses de fonctionnement de l’Etat et une répartition équitable des richesses du pays. Les femmes du RFPAC à l’occasion de la session du mercredi 26 juin 2013, compte sur l’AWEPA pour intégrer ces recommandations dans leur propre programme d’action afin de garantir la réalisation du 1er objectif du millénaire pour le développement en renforçant le rôle clé des femmes dans l’agriculture. Nous vous remercions de votre aimable attention. 6