Le nucléaire ou l`illusion d`être en sécurité (L`Avenir)

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Le nucléaire ou l`illusion d`être en sécurité (L`Avenir)
MERCREDI 5 AOÛT 2015
3
70 ans après l’apocalypse
Les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki
Après six mois de bombardements incendiaires sur 37 villes japonaises,
le président américain Harry Truman voit dans la bombe atomique
la seule arme capable de forcer le Japon à capituler
Hiroshima
6 août 1945, 8h15
Little Boy explose à 600 mètres au dessus
d’Hiroshima, tuant 70 000 personnes sur le coup
70 000 maisons sont détruites, soit 90% de la ville
Dans les mois qui suivent, le nombre total de morts
atteint environ 140 000
9 août, 11h02
Fat Man explose
à 549 mètres au dessus
de Nagasaki,
tuant environ 70 000 personnes
dont 40 000 sur le coup
Niigata
Hiroshima
Kokura
Dégâts de l’explosion et du souffle
Dégâts liés au souffle seulement
350 000 habitants
Commandement
militaire
de Chogoku
Point d’explosion
JAPON
QG
de l’armée
CE QUE ÇA A CHA NGÉ
500 m
1 500 m
Préfecture
TOKYO
2 500 m
Mairie
4 000 m
Nagasaki
OCÉAN
PACIFIQUE
Enola Gay
Okinawa
1 500 m
500 m
Point d’explosion
Gare
d’Urakami
15 août, midi
Tinian
(Îles Mariannes)
L’empereur du Japon
Hirohito annonce la
capitulation
3 000 m
Nagasaki
Usine d’armes
Mitsubishi
d’Ohashi
BocksCar
Guam
Chantier
naval Mitsubishi
Usine d’armes
Mitsubishi
de Morimachi
Cible alternative
Fat Man
Little Boy
B-29 Superforteresse
Hauteur
3,25 mètres
Hauteur
3 mètres
Mise à feu
de type
«revolver»
Mise à feu
à implosion
Bombe
à l’uranium,
équivalente
à 13 à 16
kilotonnes
de TNT
Bombe
au plutonium,
équivalente
à 19 à 22
kilotonnes
de TNT
Un bloc d’uranium est
propulsé dans un autre
L’explosion atomique
La bombe est armée
une fois l’avion en vol
pour éviter tout accident
au sol
Vitesse max : 590 km/h
Autonomie: 9 380 km
9 hommes d’équipage
4 scientifiques
Une ceinture d’explosifs
puissants est mise à feu
et écrase le coeur de plutonium
Juste après
l’explosion,
la chaleur
dilate l’air,
causant une
surpression
et un énorme
effet de souffle
43 m
Tandis que
le souffle
se répand,
la pression
de l’air
au centre
s’effondre
en un instant
Enfin, le flux
d’air s’inverse,
avec des effets
dévastateurs
La chute de pression brutale fait éclater les yeux et les organes internes
Radiations
Mort de la quasi-totalité
des personnes irradiées dans
un rayon d’un kilomètre
Symptômes initiaux
Chute des cheveux
Saignement des gencives
Rougeurs sous la peau
Retombées radioactives
Une «pluie noire», hautement
contaminée, tombe de nuages
formés par l’explosion et
composés de suie, boue
et poussières toxiques
Sources : Hiroshima Peace Memorial Museum/History.com/historylearningsite.co.uk
VITE DIT
Effets des radiations
Sujets d’étude
Les chercheurs du projet
« Manhattan » qui ont
travaillé sur la mise au
point de la bombe, avaient
injecté du plutonium à des
patients en phase
terminale. On connaissait
donc les conséquences de
l’arme atomique sur
l’organisme. Ces tests ont
toutefois été tenus secrets.
Au plus fort de son activité,
entre 1947 et 1950, le centre
ABCC (Atomic Bomb Casualty
Commission) d’Hiroshima a
examiné 120 000 survivants.
On y a mené des recherches
sur les cancers, la leucémie, la
stérilité… Tout en gardant
secrets ses rapports, l’ABCC
s’est contenté d’assurer que
les maladies des victimes
Le nucléaire ou l’illusion
d’être en sécurité
Avec l’utilisation des bombes nucléaires
200 000 habitants
Iwo
Jima
Pas assez de carburant
pour rentrer à Tinian,
atterrissage d’urgence
210 000
victimes sont
mortes à la
suite de l’explosion des bombes
d’Hiroshima et de Nagasaki.
n’avaient rien à voir avec les
radiations.
Un autre type de bombe
Le Japon n’ayant toujours
pas donné suite à
l’ultimatum de Potsdam,
une autre bombe est
lâchée, trois jours plus tard
sur Nagasaki. Un autre test
pour les Alliés avec une
bombe plus rapide et moins
chère à fabriquer.
au Japon, on entre dans une nouvelle ère :
c’est le début de la course aux armements.
Francis Collin, vous êtes chercheur
au GRIP. Avec l’utilisation des
bombes nucléaires à Hiroshima et
Nagasaki, peut-on dire qu’on entre à
ce moment-là dans une nouvelle
ère, qu’on voit apparaître de
nouvelles stratégies militaires ?
Effectivement. Par là, les États­
Unis ont voulu opérer une dé­
monstration de force, montrer à
l’URSS qu’ils possédaient une capacité de destruction à grande échelle. Est mis en avant
le côté dissuasif – toutefois illu­
soire, comme nous l’a montré la
guerre des Malouines pour ne citer que cet exemple­là – de ces
armes pour garantir la sécurité d’un pays et la paix.
C’est le début de la course aux
armements, de la prolifération nucléaire. L’URSS, l’Angleterre,
la France, l’Inde, Israël… tous ces
États cherchent alors à dévelop­
per leur propre arsenal. Et pour la première fois de l’histoire, l’homme obtient la capacité de s’autodétruire. Naïvement, au vu des conséquences
désastreuses, on aurait pu croire
que l’humanité mette rapidement le
holà à pareil engrenage…
Ce n’est pas si naïf de le croire. En janvier 1946, – à ce moment­là, les États­Unis sont encore le seul pays à avoir l’arme nucléaire –, l’ONU adopte sa première réso­
lution. Son objet : l’interdiction de telles armes. Mais cette im­
pulsion diplomatique n’a pas été poussée plus au­delà. Quoi qu’il en soit, dès 1945, on voit deux mouvements coexister : l’un prônant l’élimination de l’armement nucléaire, l’autre son développement. Aujourd’hui, neuf pays possèdent
l’arme nucléaire. Les raisons
invoquées pour justifier leur
politique ont-elles évolué au fil des
ans ?
Prenons le cas de l’État fran­
çais. Il s’agit par là, dit­il, de ga­
rantir ses intérêts vitaux. Cette peur de voir un jour le territoire
français être à nouveau envahi peut paraître absurde. Néan­
moins, il faut savoir que cer­
tains hommes politiques gar­
dent toujours en mémoire la débâcle de 1945…
Pourtant, il est faux de croire
que ces armes « dorment dans un coin ». Qu’elles sont juste là
pour « faire peur ». Des sché­
mas d’utilisation sont élaborés et prêts à être mis en œuvre le cas échéant. Il y a aussi des si­
tuations paradoxales. Par exem­
ple, en Belgique, la base de Klei­
ne­Brogel abrite des armes nucléaires américaines. Si elles devaient être utilisées, un pilote
belge serait chargé de l’opéra­
tion… Aujourd’hui, percevez-vous une
véritable volonté d’interdire et
d’éliminer ces armes ?
Il y a encore cinq ans, les pays qui ne possédaient pas d’armes nucléaires laissaient la main à ceux qui en possédaient. Ce n’est plus le cas. Et pour cause, non seulement on a en notre possession de nouvelles don­
nées, mais en plus, on a échappé
de peu à plusieurs accidents qui
auraient pu s’avérer catastro­
phiques. De même, on se rend compte qu’une guerre opposant
par exemple les États­Unis à la Russie aurait des conséquences mondiales. Bref, des pays comme l’Autri­
che, l’Irlande, le Costa Rica, la Malaisie… prennent désormais cette question à bras­le­corps. Et
ce sont aujourd’hui une cen­
taine d’États qui appellent de leur vœu l’organisation d’une conférence aboutissant à un traité interdisant les armes nu­
cléaires. Pays qui travaillent de
concert avec un mouvement né
au sein de la société civile. Son nom : la campagne internatio­
nale pour l’abolition des armes nucléaires. ■
M.B.

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