1 70 ans après le bombardement d`Hiroshima et de Nagasaki, le
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1 70 ans après le bombardement d`Hiroshima et de Nagasaki, le
70 ans après le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, le désarmement nucléaire reste un impératif humanitaire Frédéric Casier, Conseiller juridique en droit international humanitaire, Croix-Rouge de Belgique – Communauté francophone Le 6 août 1945, à 8h15, la première bombe atomique fut larguée sur Hiroshima, provoquant un violent éclair de lumière sur la ville. En l’espace d’un instant, des dizaines de milliers de personnes perdirent la vie, d’autres subirent d’atroces souffrances résultant de leurs blessures, tandis que les constructions aux alentours de l’impact furent complètement détruites. Trois jours plus tard, Nagasaki connut le même sort. Fin 1945, le nombre de décès s’élèvera à environ 200.000. Le 30 août 1945, un délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Hiroshima, le premier témoin neutre à atteindre la ville après l’explosion, envoya un télégramme alarmant au Docteur Marcel Junod, chef de la délégation du CICR au Japon. Le texte refléta les difficultés auxquelles était confronté le personnel de santé : « Visité Hiroshima le trente, conditions épouvantables. Rasée 80 %, tous hôpitaux détruits ou sérieusement endommagés, inspecté deux hôpitaux provisoires, conditions indescriptibles. Effets de bombe mystérieusement graves. Beaucoup de victimes paraissant se remettre ont soudainement rechute fatale due à décomposition globules blancs et autres blessures internes et meurent actuellement en grands nombres. Plus de cent mille blessés environ, encore dans hôpitaux provisoires situés alentours, manquent absolument matériel, pansements, médicaments... »1. Malgré la destruction des infrastructures sanitaires et la perte de plus de 80 % du personnel de santé, l’hôpital de la Croix-Rouge japonaise, resté debout par miracle alors qu’il se situait à 1.5 km de l’épicentre de l’explosion, put accueillir de nombreux rescapés. Dans les semaines qui suivirent, le CICR et la Croix-Rouge japonaise eurent ainsi l’occasion de travailler dans des conditions inimaginables afin de venir en aide aux victimes de l’explosion atomique. Mais leurs efforts furent insuffisants. L’équipement de l’hôpital était inutilisable et un tiers des membres de son personnel avaient perdu la vie. En outre, les transfusions sanguines étaient impossibles, la plupart des donneurs potentiels ayant été tués ou blessés. Dès le 5 septembre 1945, le CICR exprima le souhait que les armes nucléaires fussent interdites en raison de leurs conséquences humanitaires inacceptables. Plus récemment, en 2011, le Conseil des Délégués du Mouvement international de la CroixRouge et du Croissant-Rouge a adopté, avec l’appui notamment de la Croix-Rouge de Belgique, une résolution dans laquelle il exprimait sa profonde inquiétude face au pouvoir de destruction des armes nucléaires, aux indicibles souffrances humaines qu’elles entraînent, à la difficulté d’en maîtriser les effets dans l’espace et dans le temps, à la menace qu’elles font peser sur l’environnement et sur les générations futures, et au risque d’escalade qu’elles comportent. Le Mouvement a aussi exprimé la difficulté d’envisager un usage de ces armes qui soit conforme aux règles du droit international humanitaire. Il a en outre appelé les Etats à faire en sorte que les armes nucléaires ne soient plus jamais employées et à poursuivre de bonne foi et mener à terme sans tarder et avec détermination des négociations en vue de conclure un accord international juridiquement contraignant pour interdire l’emploi des armes nucléaires et parvenir à leur élimination totale. Un plan d’action a été adopté en 2013 en vue d’œuvrer à la réalisation de ces objectifs. 1 Marcel JUNOD, « Le désastre d’Hiroshima » (I), paru dans la Revue internationale de la Croix-Rouge, N°737, octobre 1982, p. 279. 1 Parallèlement, trois conférences intergouvernementales ont été organisées en 2013 et 2014 sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Elles ont contribué à mettre en exergue les atroces conséquences d’une explosion atomique, qu’elle soit intentionnelle ou accidentelle. Elles ont ainsi souligné que les impacts de ces armes sur la santé peuvent durer des décennies et affecter les enfants des rescapés par les dommages génétiques causés à leurs parents. Aujourd'hui, les hôpitaux de la Croix-Rouge japonaise soignent encore des milliers de victimes (plus de 10.500 en 2014) souffrant de cancer et de leucémie dus aux rayonnements des explosions atomiques. En outre, les experts ont confirmé qu’une assistance effective qui bénéficierait à une partie substantielle des survivants n’est actuellement pas disponible au niveau national et est tout simplement impossible au niveau international, au regard de l’étendue des destructions provoquées par une explosion nucléaire, des besoins des victimes et de l’exposition du personnel de secours aux radiations ionisantes. Enfin, il est difficilement concevable d’utiliser l’arme nucléaire selon les règles du droit international humanitaire au regard de ses effets dans l’espace, en particulier les règles relatives à la distinction, à la proportionnalité et à la précaution. La Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (1968) qui s’est tenue du 27 avril au 22 mai 2015 à New York aurait pu constituer un pas supplémentaire dans la voie vers l’élimination des armes nucléaires. En effet, ce traité prévoit en son article VI que : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations [...] sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. ». Les enseignements sur les conséquences humanitaires auraient pu activer le processus devant mener à l’adoption d’un traité. Mais la Conférence de New York n'a pas pu aboutir à un document final en raison notamment de l’absence d’un consensus sur la question du désarmement. En dépit de l’échec de cette conférence, l'interdiction et l'élimination des armes nucléaires demeurent plus que jamais, un impératif humanitaire pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. A l’occasion du 70e anniversaire des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, la CroixRouge de Belgique soutient l’appel du Mouvement aux États, leur demandant de poursuivre de toute urgence les négociations en vue de conclure un accord international juridiquement contraignant pour interdire l'emploi des armes nucléaires et parvenir à leur élimination totale. Le Mouvement prie aussi les Etats dotés de l’arme nucléaire et leurs alliés, de prendre des mesures concrètes de toute urgence pour limiter le rôle et la prépondérance des armes nucléaires dans leurs plans, doctrines et politiques militaires, réduire le nombre d'ogives nucléaires en état d'alerte maximale, et être plus transparents sur les mesures prises pour empêcher les explosions accidentelles. Il appartient dès aujourd’hui aux Etats de prendre leurs responsabilités pour que les tragédies d’Hiroshima et de Nagasaki ne se reproduisent plus. 2