Enrico COLLA - Institut Universitaire de Technologie d`Avignon
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Enrico COLLA - Institut Universitaire de Technologie d`Avignon
1ERE JOURNEE DE RECHERCHE RELATIONS ENTRE INDUSTRIE ET GRANDE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE JEUDI 29 MARS 2007, AVIGNON LE CONTRE-POUVOIR DE LA DISTRIBUTION : UNE SYNTHESE DES THEORIES ECONOMIQUES, STRATEGIQUES ET DE MARKETING DES CANAUX Enrico COLLA Professeur NEGOCIA [email protected] Résumé L’article propose une analyse historique des théories et des méthodes de recherche, relatives au contre-pouvoir (« countervailing power »), de la grande distribution dans le secteur des biens de grande consommation. Ce concept, élaboré par l’économiste américain John Kenneth Galbraith dans les années ’50, n’a pas été bien reçu par les économistes académiques de son époque. Mais, par la suite, il a été reconsidéré et il s’est avéré pertinent dans l’analyse des relations fabricants/distributeurs. Beaucoup de spécialistes d’économie industrielle, stratégie et marketing, ont repris et approfondi l’intuition de Galbraith et ont fait avancer la compréhension de la nature de la concurrence horizontale et verticale dans les canaux de distribution. Mot clés : contre-pouvoir, grande distribution, concurrence verticale, négociation. Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Introduction : le « countervailing power » dans la formulation de Galbraith A partir des années 1950 et dans plusieurs de ses œuvres, qui ont connu un grand succès de public et ont été traduites dans de très nombreux pays, l’économiste nord-américain John Kenneth Galbraith a affirmé que l’existence d’un fort pouvoir du marché dans le système économique donne lieu à la constitution d’une autre position de pouvoir qui le contraste, voire le neutralise (Galbraith 1952). Ce phénomène a eu lieu notamment sur le marché du travail, où des syndicats forts se sont constitués face à des grands groupes industriels. Mais, à son avis, tous les secteurs industriels oligopolistiques favorisent la création de forts oligopoles à l’achat qui exercent un contre-pouvoir sur les premiers. L’exercice de ce contre-pouvoir permet, selon Galbraith – et c’est le second aspect de sa théorie - de limiter l’ampleur des profits réalisés par les grands groupes industriels en apportant ainsi un avantage aux consommateurs. Une des plus importantes manifestations de la constitution de ce contrepouvoir se réalise dans les relations entre vendeurs et acheteurs de produits de grande consommation. Galbraith cite, à ce propos, les grandes chaînes alimentaires, la vente par correspondance, les grands magasins et les centrales d’achat. Les deux exemples les plus significatifs concernent Sears, Roebuck &Company et Great Atlantic & Pacific Tea Company (A&P). Grâce à sa position de grand et indispensable client, la première avait obtenu d’un de ses fournisseurs, Goodyear Tyre and Rubber Company, une baisse de 29 à 40% sur le prix de marché des pneumatiques. Grâce à sa taille, à ses informations sur le marché et à la menace de devenir elle-même un producteur, A&P avait obtenu quant à elle une réduction des prix d’environ 10% auprès de ses trois fournisseurs de « corn flakes ». Condition principale pour pouvoir exercer un contre pouvoir, souligne Galbraith : l’existence même d’un pouvoir de marché « originaire », qui fait qu’ils y a des ressources à concéder de la part des détenteurs de ce pouvoir. Vu la structure concurrentielle du secteur, les agriculteurs, par exemple, ne disposent pas de beaucoup de marges à céder aux acheteurs. Le mécanisme de la concurrence suffit à réduire ces profits au minimum. En outre, pour Galbraith, les grands détaillants disposent de diverses armes dans la négociation. Entre autre ils peuvent se concentrer sur un seul fournisseur, lui assurer un volume d’affaires élevé en échange d’un prix inférieur. Enfin, comme les programmes de production des grands fabricants sont liés aux commandes de certains grands détaillants, la seule incertitude sur la confirmation des commandes constitue une menace susceptible d’amener les producteurs à faire des concessions sur les prix. Les producteurs, de leur côté, se protègent de ce contre-pouvoir en essayant de maintenir leur domination sur des organisations de petits détaillants dépendant d’eux. Une autre option, praticable dans certains secteurs, comme l’automobile et l’industrie du pétrole, est l‘intégration de la distribution jusqu’au consommateur. 1. La critique de Stigler et ses limites Malgré son rôle prééminent dans la profession – il a été notamment président de l’American Economic Association - et son succès comme auteur, les idées de J.K.Galbraith n’ont pas toujours été prises au sérieux par la majorité des économistes. C’est George Stigler qui a formulé (dans un article publié en 1954 dans la prestigieuse « The American Economic Review ») une des premières critiques au concept de « countervailing power » en le taxant, entre autres, de « romantique ». La critique de Stigler s’adresse à la fois à la théorie et à l’évidence empirique. En ce qui concerne la première, il se limite à affirmer que Galbraith, en réalité, n’explique pas sa théorie car il la considère comme démontrée par les faits. Or, souligne Stigler, une théorie de l’oligopole bilatéral n’existe pratiquement pas (« can hardly be said to exist ») et sur la base des théories existantes, il faudrait plutôt s’attendre à ce que 1 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon l’oligopole bilatéral soit monopolistique dans son fonctionnement. Les distributeurs oligopolistes n’étant pas en concurrence entre eux, ils n’amélioreraient pas la situation des consommateurs. Même au cas où ils arriveraient à s’approprier une partie des profits des fabricants, grâce à un comportement collusif, ils les garderaient pour eux, sans réduire le prix au détail. Au plan empirique, et en ce qui concerne plus spécialement les relations fabricants/ distributeurs, Stigler contredit aussi Galbraith en soulignant que, d’un côté, de grandes chaînes se sont formées dans des secteurs où les fabricants n’ont pas atteint un niveau aussi élevé de concentration (médicaments, habillement, chaussures, meubles), de l’autre elle ne se sont pas constituées dans des secteurs où la concentration des fabricants est très élevée e (produits du pétrole, voitures, cigarettes). Mais si le rapport entre concentration des fabricants et concentration des distributeurs n’est pas constaté dans tous les secteurs, alors l’existence de cette correspondance dans certains secteurs seulement peut être épisodique et avoir des causes différentes de celle qui sont évoquées par Galbraith. Stigler conteste enfin que les chaînes aient réussi à vendre leurs produits à prix plus bas que les vendeurs indépendants principalement à cause du prix d’achat inférieur. Limites de la critique de Stigler Au plan théorique Stigler ne considère pas la thèse de Galbraith comme démontrée parce que, selon les théories microéconomiques dominantes à l’époque, le comportement oligopolistique était plus proche du monopole que de la concurrence ¹. Stigler n’exclut pas, par ailleurs, qu’il soit possible de formuler une théorie différente et, comme nous le verrons, il proposera lui-même un modèle novateur quelques années plus tard. En ce qui concerne le point central de la théorie du « countervailing power » de Galbraith (la capacité des distributeurs à limiter les profits des fabricants), Stigler avance un seul contreargument. Mais sa référence aux conclusions d’un rapport de la Federal Trade Commission apparaît difficilement utilisable pour désavouer la thèse de Galbraith sur la capacité des grandes chaînes à réduire leur prix au détail grâce à des prix d’achat plus bas². Les critiques de Stigler n’arrêtent pas le débat théorique ni la recherche de confirmations empiriques. Lui-même reprendra le thème, quelques années plus tard en montrant que, dans un cadre d’oligopole bilatéral, les vendeurs sont plus incités à accorder des réductions secrètes (discriminations) de prix selon que le nombre d’acheteurs par vendeurs diminue (Stigler 1964). Mais les réductions secrètes des prix finissent toujours pour être connues, les acheteurs discriminés négativement demandent alors les mêmes réductions que les autres, et la diminution du nombre des acheteurs finit par être un facteur d’intensification de la concurrence par les prix La démonstration empirique de Stigler est plutôt limitée et ne concerne pas spécialement le secteur de la distribution des produits de grande consommation, mais au cours des décennies successives beaucoup de contributions nourriront le débat sur le contre-pouvoir de la distribution. L’objectif de la communication n’étant pas de retracer une histoire détaillée de l’évolution du concept de contre-pouvoir, elle se limitera à présenter les contributions les plus significatives, identifiées sur la base de l’importance que les auteurs successifs leur ont accordée. 2. Le contre-pouvoir selon Michael Porter : théorie et analyse empirique Michael Porter a abordé à plusieurs reprises le thème du contre-pouvoir des distributeurs et sa démonstration à travers une analyse empirique. Dans l’ouvrage le plus complet qu’il ait écrit à ce propos (Michael Porter 1976), il refuse l’idée de Galbraith selon laquelle la concentration des distributeurs serait due à la concentration des fabricants. A son avis, beaucoup d’autres 2 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon facteurs peuvent contribuer à expliquer l’origine et le développement des grandes chaînes de distribution, et la concentration des fabricants n’est pas un facteur indispensable à cet effet. La structure de la distribution est plutôt déterminée, à son avis, par les caractéristiques du produit, qui influencent le comportement d’achat des consommateurs. Par contre, Porter accepte l’idée de Galbraith selon laquelle le pouvoir des distributeurs limite le niveau des profits des producteurs, tout en discutant l’importance relative des sources de ce pouvoir. Alors que selon Galbraith, ce contre-pouvoir s’explique essentiellement par la concentration des distributeurs, et donc par leur taille, Porter soutient que la capacité des distributeurs à différencier leur offre est une explication encore plus importante que la première. Quand le nombre des acheteurs d’un produit est proche du nombre des fabricants sur un marché oligopolistique, la possibilité, voire la menace, implicite sinon explicite de refus de vente constitue, selon Porter, une source de pouvoir. Puisque la plupart des distributeurs proposent plusieurs produits, la menace des producteurs de retirer les leurs est moins efficace. La concurrence de ces derniers exerce une pression indirecte sur un marché d’oligopole bilatéral, selon Porter, à travers la possibilité des fabricants de faire des concessions secrètes à des distributeurs. Ce dernier argument s’appuie sur la théorie de l’oligopole de Stigler (Stigler 1964). En revanche, la capacité de différentiation se manifeste dans le contrôle des distributeurs de beaucoup d’attributs du service commercial qui ont une influence sur le comportement d’achat des consommateurs. Ces facteurs peuvent être la réputation et l’image du magasin, l’environnement du magasin (« the physical amenities »), les différents services offerts, ainsi que l’identité du magasin. Les facteurs structurels (taille et concentration des entreprises et des magasins, etc.) et la capacité de différenciation donnent aux distributeurs un pouvoir dans la négociation qui leur permet de réduire les profits des fabricants. Le pouvoir des distributeurs est différent dans les magasins « convenience », (qui correspondent à peu près aux grandes surfaces alimentaires - GSA), et « non convenience » (qui correspondent plutôt aux chaînes spécialisées). Selon l’analyse de Porter, la publicité des fabricants est le principal facteur de vente des produits de marque dans les GSA, alors que le rôle du distributeur est beaucoup plus important pour les produits vendus dans les chaînes non alimentaires. Dans celles-ci, la publicité des fabricants ne suffit pas et les efforts de vente des distributeurs deviennent essentiels. Les possibilités de différenciation des distributeurs « alimentaires » étant faible, selon Porter, leur pouvoir face aux fabricants est basé principalement sur les facteurs structurels. Par contre, le pouvoir des distributeurs non alimentaires est plus important, puisqu’il est basé sur leur capacité à différencier leur service, mais aussi à favoriser la vente d’un produit d’un fabricant plutôt que celui d’un autre. Face à cette possibilité, voire à cette menace, les fabricants seront amenés à réduire leur prix aux distributeurs, augmenter leurs marges ou dépenser des ressources pour convaincre les distributeurs à promouvoir leurs produits et non pas ceux des concurrents. Le pouvoir des distributeurs diffère aussi selon leur contribution à la différenciation de chaque produit et marque : il est plus élevé pour les marques de distributeurs (MDD) et les marques industrielles non soutenues par la publicité plutôt que pour les grandes marques. Ces variations des stratégies des distributeurs et des fabricants sont, pour Porter, des sources supplémentaires d’interaction qui déstabilisent les concurrents et empêchent leurs collusions tacites. Dans d’autres ouvrages, plus normatifs, M. Porter traite le sujet du pouvoir des acheteurs tous secteurs confondus et il définit les circonstances qui lui sont favorables (Porter 1980, 1985). Aux facteurs déjà mis en évidence précédemment, (la concentration, la taille, le degré de différenciation, la menace d’intégration verticale), il en ajoute d’autres : les coûts de 3 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon changement de fournisseur et l’ampleur des informations disponibles sur le marché (la demande, les prix, les coûts, etc .). Finalement, d’après lui, l’objectif des acheteurs, donc des distributeurs, est de trouver des mécanismes pour compenser ou surmonter le pouvoir des fournisseurs. « Dans certains cas, ce pouvoir est bâti dans l’économie du secteur, et il est en dehors du contrôle de l’entreprise. Néanmoins, dans beaucoup de cas il peut être mitigé par la stratégie » ( M.Porter 1980). Dans le modèle de Porter il n’y a pas de contradiction entre le pouvoir fort des distributeurs en amont et l’intensité de leur concurrence horizontale. L’exercice du pouvoir des distributeurs vis-à-vis des fabricants n’est pas, pour lui, incompatible avec des retours sur investissements « normaux » pour les distributeurs. Leur niveau de profits dépend, comme dans tout secteur, de beaucoup d’autres facteurs qui définissent le cadre de son modèle de concurrence élargie (barrière à l’entrées, produits de substitution, pouvoir des consommateurs, facteurs d’intensification de la concurrence horizontale comme la diversité des stratégies des opérateurs, etc.) (Porter 1980). En outre, pour Porter les profits potentiels à la fois des fabricants et des distributeurs dépendent du degré global de différenciation du produit pour chaque groupe stratégique. Mais la répartition de ce profit potentiel entre fabricants et distributeurs est différent pour chaque groupe stratégique et se base sur leur pouvoir relatif et la structure de chaque marché. L’analyse empirique du pouvoir des distributeurs chez Porter Pour vérifier ces thèses, Michael Porter a effectué un test empirique, à travers des régressions multiples qui essaient d’expliquer les taux de profits des fabricants par la structure du secteur et la différenciation du produits. L’analyse est conduite dans 42 secteurs de produits de consommation, divisés en « convenience » et « non convenience » et, dans les deux groupes, les profits sont corrélés à douze variables. Les résultats ne sont pas très positifs pour les secteurs « convenience », aucune des variables utilisées n’étant vraiment significative. Toutes les variables de concentration ont un signe négatif dans la régression – l’augmentation de la concentration des distributeurs est accompagné d’une diminution des profits des fabricants- mais leur capacité explicative est faible. Il obtient le même résultat pour la mesure (un index Herfindahl) de la multiplicité des canaux de distribution. Ici aussi, le signe négatif correspond à l’hypothèse, mais la significativité est faible. La seule variable explicative significative est le ratio publicité/ventes des distributeurs, ce qui confirmerait – selon Porter - l’hypothèse que la publicité des distributeurs favoriserait l’augmentation des profits totaux du secteur plus que le pouvoir contractuel des distributeurs. Les grands distributeurs alimentaires auraient donc un pouvoir limité, à cause de leur faible contribution à la différenciation du produit et de la densité de leur réseaux. Les résultats sont plus positifs pour les secteurs « non convenience »: les régressions confirment l’hypothèse selon laquelle une concentration élevée des distributeurs conduit à une réduction des profits des fabricants. L’importance de la différenciation du produit est aussi confirmée, selon Porter, par la relation négative avec les profits des fabricants et la significativité élevée de la profondeur de l’assortiment des distributeurs (mesure du degré de différenciation). Le pouvoir des distributeurs « non convenience » serait donc dû à leur capacité de différenciation du produit (ainsi qu’à des localisations plus sélectives). Limites de la théorie et de l’analyse empirique de Porter La théorie de Porter sur le contre-pouvoir des distributeurs repose sur deux éléments principaux .Le premier est l’idée que le contre-pouvoir des distributeurs est source de 4 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon déstabilisation des collusion potentielles, et entraîne donc une activation de la concurrence. Ce premier point n’est pas nouveau, puisqu’il était déjà présent dans les théories modernes de l’oligopole, notamment chez Stigler, néanmoins Porter a mieux précisé les situations dans lesquelles cette déstabilisation peut se produire, en soulignant l’apport des variations stratégiques en aval (groupes stratégiques, différenciation, etc.) à la déstabilisation en amont. Le deuxième élément est donc la définition d’un ensemble de bases - ou sources - du pouvoir des distributeurs, dont le plus important est la différenciation du produit/service. Quoique cet élément ne soit pas absent chez Galbraith, qui cite le rôle des marques de distributeurs, l’importance de la différenciation du produit dans les relations fabricants/distributeurs n’avait pas été précédemment aussi approfondie et constitue désormais l’innovation majeure de la contribution de Porter. L’importance de ce facteur est empiriquement vérifiée par Porter surtout dans les secteurs non alimentaires (« non convenience »). Mais la faible significativité de la concentration dans les secteurs « convenience » semble aussi, comme le dit Porter même, un résultat - au moins en partie - des difficultés statistiques rencontrées. Enfin, sur le plan des paramètres utilisés, la variation des profits par secteur pourrait être due, comme l’a remarqué John F. Gaski, à d’autres différences systématiques entre les secteurs. Ainsi les paramètres de mesure du contre-pouvoir (mesure de concentration, de différenciation) sont des mesures secondaires de ce pouvoir, qui est certes difficile à mesurer directement (Gaski 1984). Les deux éléments fondamentaux de la théorie de M. Porter trouveront un développement important par la suite, dans les travaux des économistes industriels et des chercheurs de marketing des canaux. . 3. L’analyse de Steiner des relations fabricants/distributeurs dans le secteur des biens de grande consommation Plus ou moins dans la même période que M. Porter, Robert Steiner élabore lui aussi une théorie des relations fabricants/distributeurs pour les biens de grande consommation, laquelle présente des affinités avec celle de Porter (Steiner 1973, 1977, 1984, 1993). Le point de départ est assez proche : un modèle d’analyse de la structure verticale à deux niveaux, la présence d’une concurrence « imparfaite » au niveau de la distribution et de la production. La différenciation de la distribution se base sur l’image et la notoriété des magasins et sur leur localisation unique. Comme Porter, Steiner pense lui aussi que le pouvoir de marché d’un fabricant ou d’un distributeur dépende de sa position horizontale face aux entreprises au même niveau du marché et de son pouvoir de négociation face aux entreprises en aval ou en amont. Il soutient que les distributeurs peuvent diminuer à leur avantage la part des marges des fabricants sur la marge totale en les soumettant à une concurrence plus intense. En augmentant la différenciation d’un magasin, on réduit celle des marques des fabricants, comme en accroissant la différenciation d’une marque on réduit celle d’un magasin. Donc le pouvoir relatif des fabricants et des distributeurs peut être mesuré par la disponibilité des consommateurs à changer de magasin plutôt que de marque quand une marque n’est pas disponible en magasin. « Si les consommateurs sont plus disponibles à changer de marques à l’intérieur du magasin plutôt que de magasin au lieu de la marque, les distributeurs dominent les fabricants ». Pour Steiner, les marges se repartissent en fonction de ce pouvoir respectif : quand la différenciation des producteurs est faible, les distributeurs peuvent les mettre en concurrence et faire baisser leurs marges. Par contre, quand les producteurs différencient leur marque, surtout à travers des investissements élevés en publicité, la balance du pouvoir penche de leur côté. Leurs marges sont élevées et les marges des distributeurs sont faibles. 5 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Non seulement la publicité fait augmenter la rotation de ces produits, mais leur identification aisée par les consommateurs et la mémorisation plus facile des prix qui en découle fait qu’il sont utilisés comme prix d’appel, ce qui entraîne une autre baisse des marges pour les distributeurs. En conclusion, la présence de nombreuses marques bien connues et largement distribuées assure une concurrence « intramarque » intense par les prix au niveau de la distribution. En revanche, pour assurer une concurrence intense « intermarque » au niveau des fabricants il est nécessaire que les marques leaders soient assujetties à une concurrence sur les prix et la qualité par d’autres marques. A ce propos, Steiner considère que la concurrence sera apportée plus efficacement par les marques distributeurs que par les marques industrielles secondaires. La théorie de Steiner souligne, comme l’a fait Porter, l’importance prédominante de la différenciation pour la définition du contre-pouvoir de la distribution. Plus encore que ne l’a fait M. Porter, il approfondit le rôle de la publicité comme source de pouvoir pour les fabricants, et des marques des distributeurs pour les distributeurs. La première introduit plus de concurrence par les prix dans la distribution et les MDD provoquent aussi une concurrence par les prix chez les fabricants. Chez Robert Steiner, la répartition des profits entre fabricants et distributeurs est davantage liée au degré respectif de différenciation du produit qu’à des facteurs structurels comme la concentration. Mais une des limites des travaux de Robert Steiner est de mener ses démonstrations en se servant de modèles microéconomique traditionnels (courbes de demande, de coûts moyens et marginaux, etc.) sans avoir effectué des analyses empiriques en dehors de la proposition de cas d’entreprise, lesquels ne sont présentés qu’occasionnellement. 4. La reconsidération du concept de contre-pouvoir par les économistes industriels Les économistes industriels ont souligné avant tout l’importance de l’analyse du fonctionnement du marché pour comprendre le pouvoir contractuel des acteurs. Les conditions qui permettent la réalisation du contre-pouvoir des distributeurs sont, selon de nombreux auteurs, un pouvoir important des acheteurs vers l’amont, ce qui leur permet d’influencer les prix des producteurs oligopolistiques, et un faible pouvoir sur le marché de la distribution, ce qui les oblige à limiter les marges et les prix (Yamey 1964, Stigler 1964, Scherer et Ross 1990, Hurt et Tirole 1990). Apparemment contradictoire, cette situation semble pourtant être la situation normale du commerce de détail, et ceci donne raison à Galbraith, qui indiquait le commerce au détail comme exemple d’un secteur favorable à la constitution de contre-pouvoirs. Deux contributions majeures représentent assez bien l’approche des économistes qui ont repris récemment l’analyse du concept de contre-pouvoir. Dans la première, Thomas von Ungern Sternberg développe deux modèles, chacun étant composé de deux parties : une première sur le processus de négociation entre un producteur et plusieurs distributeurs, la deuxième sur la concurrence entre les distributeurs (von Ungern Sternberg 1996). En ce qui concerne la première partie, les deux modèles ont la même structure, parce qu’ils utilisent la solution dite de Nash de la négociation³. La partition des gains entre les deux acteurs dans le modèle de Nash dépend du « pouvoir de négociation » (lié à la capacité d’influencer en sa faveur l’autre partie dans une négociation) et des options externes (« outside options »), ou points de menace (« threat points ») dont disposent les acteurs (Nash 1952a, 1952b). Si la négociation échoue, chacune de deux entreprises peut réaliser un profit dit « de réservation » ou « statu quo ».Si le « pouvoir de négociation » est le même pour les deux négociateurs, les options externes dépendent essentiellement (à court terme) de la structure du secteur et notamment du nombre des acteurs sur le marché. 6 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Dans le modèle de von Ungern Sternberg, qui reprend le modèle de Nash, en cas de parité du pouvoir de négociation, le prix payé par les distributeurs est donc une fonction croissante de leur nombre. Plus les acheteurs sont concentrés, meilleures seront les conditions obtenues dans la négociation, ce qui est tout à fait cohérent avec la théorie du contre-pouvoir. En revanche, dans la seconde partie, les deux modèles donnent des résultats différents : si les distributeurs agissent comme des « price takers », dans une situation proche de la « concurrence parfaite », la réduction du le nombre de distributeurs entraîne une baisse du prix au détail. Par contre, si on applique le modèle de Cournot – les duopolistes définissent leur prix – le prix au détail augmente quand la concentration des distributeurs s’accroît. Dans ce deuxième cas, les effets négatifs dû à l’affaiblissement de la concurrence horizontale sont supérieurs aux bénéfices du contre-pouvoir. Donc, si le modèle de Cournot est le plus pertinent, l’hypothèse de Galbraith n’est pas confirmée. Dans ce cas, les distributeurs peuvent limiter les profits des fabricants, mais sans aucun avantage pour les consommateurs. Le contre-pouvoir ne se réalise pleinement que dans le premier cas, mais à condition que la réduction du nombre de distributeurs n’ait pas d’influence négative sur l’intensité de la concurrence. Plus récemment, Paul Dobson et Michael Waterson sont parvenus à cette même conclusion en analysant la même situation que Thomas von Ungern Sternberg : une négociation entre un producteur et plusieurs distributeurs mis en concurrence (Dobson et Waterson 1997). Mais alors que pour la négociation ces auteurs utilisent le même modèle de type Nash (et arrivent à la même conclusion), pour la concurrence entre distributeurs, ils utilisent un modèle de concurrence par les prix (de type Bertrand). Dans cette dernière hypothèse, les prix au détail baissent dans la mesure où les services des distributeurs sont considérés par les consommateurs comme fortement substituables. Le cas extrême est représenté par une situation de duopole de distributeurs, où le prix de transfert s’approche du coût marginal, avec le plus grand avantage pour le consommateur. Mais si le service des distributeurs est fortement différencié, alors la concentration leur permet d’augmenter non seulement leur pouvoir de négociation mais aussi leur pouvoir de marché, et les profits potentiels totaux s’élèvent eux aussi. Il est donc possible que même dans une négociation en amont, les producteurs réussissent à s’approprier une plus grosse part d’un « gâteau » qui augmente. Ceci serait dû au fait que deux acteurs, un monopoliste en amont et chaque « duopoliste » en aval, fixeraient le prix intermédiaire, selon le modèle de Nash, à mi-chemin entre celui que préfère le distributeur et celui que préfère le fabricant. Dans ce cas, si le deuxième facteur (pouvoir du marché) prévaut sur le premier (pouvoir de négociation), l’accroissement de la concentration peut permettre une hausse des prix intermédiaires ainsi que du prix final au consommateur. Puisque la différenciation est de plus en plus l’objectif de la grande distribution, y compris dans le secteur des biens de grande consommation, ces résultats permettent aux auteurs de conclure que les concentrations dans la distribution ne sont pas nécessairement favorables aux consommateurs. Elles peuvent, en réalité, permettre d’augmenter le pouvoir de négociation (à l’achat) mais aussi le pouvoir du marché (à la vente), et ce dernier annule complètement le premier, entraînant ainsi une situation négative pour le consommateur. Malheureusement, les deux économistes cités appuient leurs conclusions sur des modèles (à la fois de type Cournot ou Bertrand) basés sur des hypothèses lointaines de la réalité (une information très centralisée, un coût unitaire constant, des capacités de production qui permettent à chacune des deux entreprises de satisfaire toute la demande, quel que soit le prix, et sur des conjectures selon lesquelles chaque entreprise propose un prix en supposant qu’il n’a pas d’effet sur celui que son concurrent annonce ( Varian 1996). En outre, avec ces modèles, ils ignorent les effets exercés en aval par la concurrence en amont, élément que Porter et Steiner ont bien mis en évidence (notamment pour la publicité). 7 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Des modèles de concurrence plus modernes montrent qu’une concurrence intense dans le secteur de la distribution, comme dans d’autres, peut subsister même en présence d’une concentration élevée et d’une forte différenciation de l’offre des compétiteurs . L’intensité de la concurrence est liée au pouvoir de la demande (des consommateurs) et à sa sensibilité au prix, aux caractéristiques des produits, à l’existence de produits de substitution, aux barrières à l’entrée et à la « contestabilité » des marchés, à la variété des acteurs, en terme d’objectifs, de stratégies et de structure organisationnelle (Porter 1980, 1985, Baumol, Panzar et Willig 1982, Demsetz 1997, Hunt 2000). En outre, dans ce secteur, on a démontré qu’il y a des économies d’échelle qui dérivent de la croissance de la taille des entreprises et qui sont à l’origine de gains transférables aux consommateurs (Allain et Chambolle 2003, Bétancourt 2005). 5. Pouvoir et contre-pouvoir dans les approches de marketing des canaux : quelques recherches récentes Les études de stratégie et de marketing développées au cours de deux dernières décennies ont analysée les relations fabricants distributeurs à l’aune des théories et des analyses empiriques précédentes, notamment de Michael Porter et Robert Steiner. Néanmoins, un facteur nouveau a été introduit - l’intégration verticale de la logistique - et de nouvelles recherches ont clarifié l’impact de la rareté et de la qualité du linéaire sur le contre-pouvoir des distributeurs. En outre, les MDD ayant connu une forte croissance, leur rôle dans l’exercice du contrepouvoir a fait aussi l’objet de nombreuses contributions. Enfin de nombreuses études ont cherché à cerner le transfert de pouvoir entre les producteurs et les distributeurs à travers l’analyse de l’évolution des profits respectifs. 5.1. Le contre-pouvoir des distributeurs a été accentué par l’intégration de la logistique Au cours des deux dernières décennies, la grande distribution européenne a progressivement intégré les activités logistiques en créant les infrastructures nécessaires - entrepôts collecteurs et plates-formes d’éclatement - pour concentrer les livraisons des fournisseurs et les répartir entre les magasins (Fernie 1992 et 1997). Du contrôle de la distribution secondaire, les distributeurs passent à celui de la distribution primaire en développant une politique d’enlèvement à l’usine. (Paché et Sauvage 1999). Selon de nombreux auteurs, l’intégration de la logistique permet aux distributeurs de disposer de nombreux avantages qui renforcent leur pouvoir contractuel (McKinnon 1986 ; Smith and Sparks 1993 ; Paché 2003). Entre autres, elle facilite (Burt 2000) l’établissement et le suivi des contrôles de qualité des MDD. Cette intégration de la logistique peut rendre plus crédible la menace d’intégration verticale dans d’autres activités, notamment les MDD, et donc le remplacement direct des fournisseurs. La crédibilité de la menace peut être évaluée sur la base de l’expérience et des compétences du distributeur, ainsi que des conditions économiques du secteur en question, notamment la présence sur le marché d’un excès de capacité logistique ou d’une surproduction (Porter 1980, Coughland, Anderson, Stern, El-Ansary 2001). 5.2. La rareté et le contrôle du linéaire renforcent le contre-pouvoir des distributeurs Basées sur les théories de M. Porter et de R.Steiner, des recherches plus récentes ont confirmé l’intérêt des distributeurs à stocker dans leur espace de vente les produits des marques les plus connues. En cas contraire, le risque de perte de clientèle serait élevé, compte tenu de l’attractivité de ces produits fortement différenciés par leur innovation, leur grande qualité et la publicité dont ils font l’objet. Mais ces produits étant présents sur les 8 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon linéaires de tous les distributeurs, la concurrence sur les prix au détail s’accroît et les marges de ces derniers baissent (Farris et Albion 1980, Albion 1983). Ceux-ci vont donc fixer le niveau de leur marge brute sur un produit en relation inverse à son niveau de rotation (Lal et Matutes 1994, Lal et Narasimhan 96). Mais les distributeurs peuvent « compenser » des profits moins élevés, voire inexistants ou négatifs (vente à perte) sur certains produits à plus fort soutien publicitaire, par des profits plus élevés sur les autres. En outre, ils peuvent influencer la rotation des produits sur le point de vente en allouant sur les linéaires des positions moins favorables aux marques nationales qui génèrent des taux de marge inférieurs, notamment à ceux des MDD (Corstjens et Corstjens 1995). Ces comportements peuvent gêner le positionnement souhaité par les producteurs et permettent donc aux distributeurs d’avancer des menaces ou de faire des promesses dans la négociation des conditions de vente. Puisque le prix aux consommateurs des produits d’attraction de grande marque doit rester bas et tend à s’aligner aux prix de cession, les fabricants compensent les « services » de mise en avant de leurs produits par des contributions de nature diverse (versement pour le référencement des produits nouveaux, pour l’insertion en catalogue, pour la mise en avant dans les linéaires, etc.). Souvent ces compensations ne sont pas comprises dans la facture de vente et peuvent être versées que les services aient été réellement effectués ou pas (Shaffer 1991). Les marques mineures doivent faire face à des difficultés différentes mais pas moindres. Les conditions de vente pratiquées par un fabricant doivent être d’autant plus favorables aux distributeurs que la rotation de leurs produits est moins élevée. Les produits et marques qui n’arrivent pas à garantir le minimum défini par le distributeur en fonction de ses objectifs de rentabilité, et qui ne sont pas « incontournables », risquent même le non référencement ou le déréférencement (Pellegrini et Zanderighi 1991, Davies 1994). Ceux-ci et la rotation des produits et des fabricants qu’ils entraînent assurent le bon fonctionnement de la concurrence entre les fabricants qui veulent être référencés à des conditions de vente compétitives et s’assurer les meilleurs emplacements sur les linéaires. 5.3. L’évolution des MDD comme facteur de différenciation et de contre-pouvoir Les MDD ont connu une croissance continuelle au cours des années 80 et 90, notamment dans tous les pays européens, où elle a été supérieure à celle qui a été enregistrée aux EtatsUnis (Laaksonen et Reynolds 1994, Hughes 1996). Comme l’avaient déjà souligné M. Porter et R. Steiner, la présence de MDD dans une catégorie donnée, est accompagnée d’un leadership du canal et d’un pouvoir fort des distributeurs face aux producteurs de ces marques. La négociation est structurée à l’initiative des distributeurs à travers le cahier des charges et le prix est généralement imposé aux fabricants qui ne font aucun investissement en communication et ne contribuent donc pas à la différenciation du produit. Par ailleurs, les distributeurs ne se limitent pas à contrôler les variables de marketing, puisque ils interviennent également dans la production et, si les contrats ne sont pas respectés, des sanctions sont prévues ( Burt 2003). Mais les MDD constituent une base de pouvoir par rapport aux fournisseurs des marques industrielles autant qu’elles expriment une prise de pouvoir de la distribution face aux producteurs de MDD. Les effets indirects sur la relation de pouvoir ont été démontrés, puisqu’il apparaît que des parts de marché importantes sur les MDD permettent aux distributeurs d’obtenir également des taux de marges plus élevés sur les marques nationales (Mills 1995, Scott Morton et Zettelmeyer 2004). En outre, la fidélité au magasin, et donc sa rentabilité, augmentent avec la croissance des achats de MDD, surtout des MDD qualitatives (Corstjens and Lal, 2000). Pourtant le distributeur de PGC a besoin des marques industrielles qu’il ne peut pas remplacer complètement par des MDD sans compromettre la 9 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon satisfaction de la catégorie - très profitable- de consommateurs qui achètent peu de marques de distributeurs (Ailawadi et Harlam 2004). En outre, l’existence d’un nombre important de consommateurs qui achètent des marques nationales est aussi une condition de la rentabilité des MDD qualitatives (Corstjens et Lal 2000). Seules les enseignes de hard discount parviennent à se passer presque complètement des marques nationales, avec une offre très limitée et dont la compétitivité se base sur la quasi-intégration des fournisseurs (Colla 2003). La gestion de marques distributeurs « premium » à marge plus élevée et d’importance stratégique majeure implique le plus souvent une forte collaboration entre fabricants et distributeurs et une certaine stabilité de leurs relations. Le développement des produits et les innovations sont un travail conjoint, comportant davantage d’interaction ainsi que la recherche d’intérêts communs , moins de menaces de substitution et plus d’échanges d’informations (Burt 2000). L’importance relative des différentes bases de pouvoir se modifie, la taille cédant le pas à l’expertise (Burt 2003). Les distributeurs peuvent compenser les investissements spécifiques, qui constituent un risque pour les fabricants (Williamson 1975 et 1985), par des garanties sur les prix, les volumes minimums d’achat et la durée des contrats. La gestion totale du canal par le distributeur peut assurer aux fournisseurs un niveau de profit satisfaisant, et même supérieur à celui de ses concurrents. 5.4. L’évolution de la coopération Les experts de marketing ont aussi mis en évidence que la concurrence verticale sur les marques et les éventuels conflits - portant essentiellement sur les conditions économiques n’excluent pas une volonté de coopération dans la gestion d’autres variables du marketing mix ( logistique, nouveaux produits, assortiment et communication) à la recherche d’une création de la valeur supplémentaire (Dawson & Shaw 1989) La collaboration reflète initialement, dans le cadre d’initiatives de trade marketing, la prise de conscience de la part des fabricants du fait que les distributeurs constituent un marché à conquérir et que la condition pour atteindre leurs objectifs est de créer de la valeur pour ces derniers (Davies 1990, Corstjens et Corstjens 1995). Mais successivement , les fabricants et les distributeurs, notamment les leaders, ont de plus en plus visé, à travers une coopération à court et long terme, la réalisation d’avantages communs en réduisant le coût total du canal où en différenciant l’offre. Des initiatives se sont ainsi multipliées dans le cadre de l’ ECR –Efficiency Consumer Response , ou réponse optimale au consommateur - au niveau de la logistique , de l’assortiment et des nouveaux produits, à travers notamment la gestion par catégories . La collaboration verticale fabricants/distributeurs vise toujours à assurer, par l’augmentation du profit total du canal vertical, des avantages compétitifs pour les deux partenaires, chacun sur son propre marché Ainsi, les distributeurs de moyenne taille peuvent chercher des alliances avec des producteurs de marques pour attaquer les leaders du marché. Ces derniers peuvent chercher des alliances avec des fournisseurs de marques challengers pour attaquer les producteurs leaders ( Ogbonna et Wilkinson 1996). Il a été démontré que l’adoption de l’ECR assure aux fournisseurs l’amélioration de leurs résultats économiques et de leurs compétences, cependant ces derniers continuent de se considérer comme défavorisés dans la répartition des gains communs (Corsten et Kumar 2005). Au niveau collectif, cette collaboration apparaît aussi, surtout aux leaders des deux camps, comme un moyen d’accroître leurs performances et leur positionnement face à d’autres canaux, comme le hard discount en Europe, le wholesale membership club aux Etats-Unis (Colla et Dupuis 1997) et la restauration aux particuliers et aux collectivités (« food service », (Messinger et Narasimhan 1995, Fernie et Jordan 2003 ). 10 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon 5.5. Etudes empiriques sectorielles sur l’évolution des distributeurs profits des fabricants et des Surtout à partir du début des années 1990, de nombreux chercheurs – essentiellement aux Etats-Unis - ont essayé de comprendre si le pouvoir croissant des distributeurs avait entraîné une hausse de leurs profits, par rapport à ceux des fabricants. Ces recherche se basaient sur l’observation suivante : si le pouvoir des distributeurs en l’amont avait augmenté, cela aurait dû se traduire par une hausse de leurs profits supérieure à celle des fabricants (Grant 1987, Farris et Ailawadi 1992, Ailawadi Borin & Farris 1995, Ailawadi 2001). Selon une étude conduite en U.K., les profits des fabricants auraient diminué, en termes absolus et par rapport aux distributeurs, entre 1975 et 1983 (Grant 1987). Ceci confirmerait le renforcement, au cours de cette même période, du pouvoir des distributeurs. Selon l’auteur, ce pouvoir est la capacité des grands distributeurs à obtenir des producteurs oligopolistiques des réductions de prix supérieures à celles qui sont accordées aux petits distributeurs. Il peut donc être mesuré par le niveau de ces remises, qui est plus élevé dans les secteurs où les chaînes disposent de parts de marchés plus importantes et moins élevé là où les fabricants sont plus concentrés. D’autres recherches conduites aux Etats-Unis donnent de résultats plus contrastés. Selon les auteurs d’une étude conduite sur le marché américain, les profits des distributeurs alimentaires n’auraient pas augmenté davantage que ceux des fabricants de produits alimentaires dans la période entre 1972 et 1990 (Farris et Ailawadi 1992). Mais cette étude suscite des perplexités : les indicateurs les plus favorables aux fabricants sont les indices de profit sur le chiffre d’affaires, qui donnent des indications plus sur la valeur ajoutée et la marge commerciale que sur la rentabilité. La diminution progressive de la marge commerciale chez les distributeurs est, en outre, un indicateur d’amélioration de leur productivité et de réalisation d’économies d’échelle. Par ailleurs, l’étude met en évidence une très nette diminution historique des indicateurs de profitabilité (retour sur investissements) des fabricants tout au long de cette même période - que les auteurs n’expliquent pas - et qui confirmerait plutôt l’accroissement du contre-pouvoir des distributeurs. Une autre étude conduite aux Etats-Unis sur la période 1982-1992 dans 13 secteurs alimentaires et non alimentaires et qui utilise des indicateurs de rentabilité plus raffinés que la précédente, arrive toutefois à des conclusions analogues (Ailawadi, Borin, Farris, 1995) . Les distributeurs n’ont pas obtenu de meilleurs résultats que les fabricants pour aucune des mesures de performance utilisées (Economic Value Added –EVA- et Market Value Adde MVA). Cette étude révèle quelques exceptions, dont la plus impressionnante est le groupe Wal-Mart, qui obtient de meilleurs résultats que les concurrents et les fabricants. Les « category killers », obtiennent aussi de résultats supérieurs aux concurrents et aux fabricants, quoique en mesure moins consistante. Ce qui induit les auteurs à conclure qu’il y a, certes, quelques distributeurs qui ont amélioré leur position compétitive horizontale et leur pouvoir de négociation en amont, mais que les producteurs n’ont pas perdu de leur pouvoir face à la distribution en géneral. En conclusion, les auteurs n’excluent pas l’hypothèse suivante : le pouvoir des distributeurs a pu effectivement augmenter, sans que ces derniers aient eu toutefois la possibilité, à cause de l’intense compétition en aval, de transformer en profits les avantages acquis dans la négociation verticale. Une autre recherche encore étudie l’évolution de la rentabilité des producteurs et des distributeurs alimentaires aux Etats-Unis entre 1961 et 1991 et montre qu’aucun transfert de rentabilité des producteurs vers les distributeurs ne s’est opéré au cours de cette même période. La rentabilité des distributeurs dépasse largement celle des producteurs entre 1974 et 1984, mais cette augmentation ne se fait pas au détriment de celle des fabricants qui, au 11 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon contraire, obtiennent aussi leurs meilleurs résultats au cours de cette même décennie (Messinger et Narashiman 1995). D’autres résultats de l’étude sont encore plus pertinents en matière de contre-pouvoir. Après une analyse des relations entre certains éléments de la structure et les performances, les auteurs confirment que la concentration des distributeurs est corrélée négativement aux profits de la production et positivement aux profits de la distribution. Ainsi la concentration des fabricants est corrélée positivement aux profits de la production et négativement aux profits de la distribution. L’adoption des scanners a aussi un effet positif sur les profits des distributeurs (et négatif sur les profits des fabricants), tout comme le nombre des nouveaux produits, alors que le nombre des références par magasins est directement lié à la hausse des profits des fabricants. L’analyse des auteurs semble donc confirmer le rôle de la concentration, de la disponibilité d’information et de la rareté du linéaire dans le renforcement du pouvoir des distributeurs face aux fabricants. Vu que la rentabilité des fabricants et des distributeurs au cours de ces dernières années a diminué, les vrais gagnants ont été les consommateurs. Toutes ces approches soulignent la non correspondance entre l’accroissement éventuel du pouvoir des distributeurs et le transfert des profits des fabricants aux distributeurs. Cette non correspondance n’est pourtant pas en contradiction, comme nous l’avons vu, avec les théories de Porter ni même avec celles des économistes industriels selon lesquels le pouvoir des distributeurs peut contribuer à une baisse des profits des fabricants sans que les profits en aval soient nécessairement plus élevés. Ces derniers dépendent de l’intensité compétitive en aval et le pouvoir de négociation n’est pas le seul facteur à avoir un impact sur eux. A propos de la différence relevée par les études entre l’évolution des profits au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, on peut observer, par exemple, que la distribution britannique s’est caractérisée par une concentration plus précoce et plus élevée qu’aux USA, et par un développement bien plus important, et même tout à fait exceptionnel, des marques de distribution. Ces phénomènes, entre autres comme la législation anti-monopolistique, plus sévère aux Etats-Unis qu’aux Royaume-Uni, auraient pu entraîner une évolution différente du pouvoir des fabricants et des distributeurs ainsi que de leurs profits respectifs. Conclusion En conclusion, selon les théories économiques, il existe bel et bien un contre-pouvoir de la grande distribution. Il relève essentiellement de la structure d’un marché, de la concentration et de la taille des entreprises, ainsi que de leur différenciation (à travers la création d’une image d’enseigne, la fidélisation des consommateurs et les MDD). Ce contre-pouvoir est positif pour le consommateur et passe par la négociation directe entre fabricants et distributeurs. La négociation des conditions de vente par les distributeurs vise à améliorer les résultats possibles face à la concurrence, et amène les fabricants à discriminer/différencier ces conditions selon les pouvoirs respectifs. Cette discrimination n’est pas systématique : son importance subit des variations temporelles et les distributeurs qui en bénéficient varient dans le temps. Il s’agit donc d’une forme de concurrence par le prix sur le marché intermédiaire, et pas d’une pratique monopolistique. Mais les meilleures conditions obtenues par les distributeurs finissent par être connues des autres distributeurs (et fabricants) qui observent les prix pratiqués dans les magasins et l’équilibre est toujours instable. La pression compétitive exercée par les distributeurs sur les fabricants contribue à intensifier la concurrence par le prix, à accroître la productivité et à limiter les profits des producteurs. 12 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Néanmoins, l’effet positif du contrepouvoir pour les consommateurs ne peut se manifester que si l’intensité de la concurrence entre les distributeurs permet de transférer en aval les avantages acquis en amont. Cette intensité pourrait diminuer et, dans ce cas, le contre-pouvoir profiterait plus aux distributeurs qu’aux consommateurs. L’intuition de Galbraith est confirmée par les économistes surtout pour l’effet en amont et moins pour l’effet en aval, et l’accroissement de la concentration, associée à la différenciation des distributeurs, présentent un risque d’atténuation de la concurrence. Malgré son importance, ce sujet n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études et de recherches et le débat n’est certes pas clos. En outre, beaucoup de contributions utilisent des modèles théoriques très lointains de la complexité du secteur et la distinction entre pouvoir de négociation et pouvoir de marché mérite d’être plus approfondie qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Les experts de stratégie et de marketing partagent très souvent les mêmes conclusions que les économistes, et leurs modèles de comportement stratégique restent souvent dépendants des modèles économiques. Néanmoins, leurs contributions ont été particulièrement riches en ce qui concerne les facteurs qui sous-tendent le contre-pouvoir : le rôle de l’intégration de la logistique, le contrôle du linéaire, la concurrence par les prix, l’essor des marques de distribution. Ainsi, ils ont montré que la collaboration verticale fabricants/distributeurs vise à assurer, à travers l’augmentation du profit total du canal vertical, des avantages compétitifs aux deux partenaires sur leurs marchés respectifs. Leurs analyses sont aussi plus précises concernant les modalités de la concurrence horizontale, lesquelles conditionnent le transfert aux consommateurs des avantages acquis en amont. Les études continuent de foisonner même si, malgré les progrès, les tentatives de vérification empirique de la théorie du contre-pouvoir n’ont pas encore donné des résultats complètement satisfaisants. Les tentatives de mesurer le pouvoir sur la base de l’évolution des profits respectifs n’ont pas donné de résultats concluants, à cause surtout de leur généralisation sectorielle, alors que les analyses au niveau de certains distributeurs - ou groupe de distributeurs – en ont donné des plus intéressants. En intégrant des modèles plus modernes du comportement stratégique des acteurs – ce qui est en cours avec notamment l’apport de la théorie des jeux – les économistes pourraient nous aider à mieux comprendre le phénomène du pouvoir et du contre-pouvoir. Grâce aux données toujours plus riches dont ils disposent, les experts de stratégie et de marketing peuvent maintenant aborder des modélisations et des vérifications empiriques de plus en plus ambitieuses. Notes : 1) Selon une autre approche théorique (voir notamment Chamberlin 1933, 1962 , Shumpeter 1934 et Nelson & Winter 1982), les marchés oligopolistiques n’excluent pas la concurrence et ils sont même plus compatibles avec la croissance et l’innovation. 2) Stigler cite les résultats d’un rapport de la Federal Trade Commission qui avait pourtant conclu que « pas plus d’un cinquième des prix (plus) bas des chaînes alimentaires et un dixième dans les pharmacies étaient dus à des prix plus bas à l’achat ». Pour Stigler ceci est insuffisant pour confirmer la thèse de Galbraith. On peut néanmoins souligner qu’un cinquième de la différence de prix peut avoir un impact très important sur les profits des distributeurs, dont les niveau des marges nettes (en pourcentage des ventes) est très faible. 3) L’économiste Nash avait élaboré cette solution pour des négociations à deux personnes, mais elle peut être étendue à des situations de négociation entre une entreprise qui négocie simultanément avec plusieurs autres (von Ungern-Sternberg 1996). 13 Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon Bibliographie Ailawadi K.L. (2001). The retail power-performance conundrum: what we have learned? Journal of retailing, 77 (3), 299-318. Ailawadi, K.L. Borin, N. & Farris, P. (1995). Market power and performance: a cross industry analysis of manufacturers and retailers. Journal of retailing, 71 (3), 211-248. Ailawadi K.L. Harlam B. 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