Enrico COLLA - Institut Universitaire de Technologie d`Avignon

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Enrico COLLA - Institut Universitaire de Technologie d`Avignon
1ERE JOURNEE DE RECHERCHE RELATIONS ENTRE
INDUSTRIE ET GRANDE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE
JEUDI 29 MARS 2007, AVIGNON
LE CONTRE-POUVOIR DE LA DISTRIBUTION :
UNE SYNTHESE DES THEORIES ECONOMIQUES, STRATEGIQUES ET DE
MARKETING DES CANAUX
Enrico COLLA
Professeur
NEGOCIA
[email protected]
Résumé
L’article propose une analyse historique des théories et des méthodes de recherche, relatives
au contre-pouvoir (« countervailing power »), de la grande distribution dans le secteur des
biens de grande consommation. Ce concept, élaboré par l’économiste américain John Kenneth
Galbraith dans les années ’50, n’a pas été bien reçu par les économistes académiques de son
époque. Mais, par la suite, il a été reconsidéré et il s’est avéré pertinent dans l’analyse des
relations fabricants/distributeurs. Beaucoup de spécialistes d’économie industrielle, stratégie
et marketing, ont repris et approfondi l’intuition de Galbraith et ont fait avancer la
compréhension de la nature de la concurrence horizontale et verticale dans les canaux de
distribution.
Mot clés : contre-pouvoir, grande distribution, concurrence verticale, négociation.
Actes de la 1ère Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon
Introduction : le « countervailing power » dans la formulation de Galbraith
A partir des années 1950 et dans plusieurs de ses œuvres, qui ont connu un grand succès de
public et ont été traduites dans de très nombreux pays, l’économiste nord-américain John
Kenneth Galbraith a affirmé que l’existence d’un fort pouvoir du marché dans le système
économique donne lieu à la constitution d’une autre position de pouvoir qui le contraste, voire
le neutralise (Galbraith 1952). Ce phénomène a eu lieu notamment sur le marché du travail,
où des syndicats forts se sont constitués face à des grands groupes industriels. Mais, à son
avis, tous les secteurs industriels oligopolistiques favorisent la création de forts oligopoles à
l’achat qui exercent un contre-pouvoir sur les premiers. L’exercice de ce contre-pouvoir
permet, selon Galbraith – et c’est le second aspect de sa théorie - de limiter l’ampleur des
profits réalisés par les grands groupes industriels en apportant ainsi un avantage aux
consommateurs. Une des plus importantes manifestations de la constitution de ce contrepouvoir se réalise dans les relations entre vendeurs et acheteurs de produits de grande
consommation. Galbraith cite, à ce propos, les grandes chaînes alimentaires, la vente par
correspondance, les grands magasins et les centrales d’achat. Les deux exemples les plus
significatifs concernent Sears, Roebuck &Company et Great Atlantic & Pacific Tea
Company (A&P). Grâce à sa position de grand et indispensable client, la première avait
obtenu d’un de ses fournisseurs, Goodyear Tyre and Rubber Company, une baisse de 29 à
40% sur le prix de marché des pneumatiques. Grâce à sa taille, à ses informations sur le
marché et à la menace de devenir elle-même un producteur, A&P avait obtenu quant à elle
une réduction des prix d’environ 10% auprès de ses trois fournisseurs de « corn flakes ».
Condition principale pour pouvoir exercer un contre pouvoir, souligne Galbraith : l’existence
même d’un pouvoir de marché « originaire », qui fait qu’ils y a des ressources à concéder de
la part des détenteurs de ce pouvoir. Vu la structure concurrentielle du secteur, les
agriculteurs, par exemple, ne disposent pas de beaucoup de marges à céder aux acheteurs. Le
mécanisme de la concurrence suffit à réduire ces profits au minimum. En outre, pour
Galbraith, les grands détaillants disposent de diverses armes dans la négociation. Entre autre
ils peuvent se concentrer sur un seul fournisseur, lui assurer un volume d’affaires élevé en
échange d’un prix inférieur. Enfin, comme les programmes de production des grands
fabricants sont liés aux commandes de certains grands détaillants, la seule incertitude sur la
confirmation des commandes constitue une menace susceptible d’amener les producteurs à
faire des concessions sur les prix.
Les producteurs, de leur côté, se protègent de ce contre-pouvoir en essayant de maintenir leur
domination sur des organisations de petits détaillants dépendant d’eux. Une autre option,
praticable dans certains secteurs, comme l’automobile et l’industrie du pétrole, est
l‘intégration de la distribution jusqu’au consommateur.
1. La critique de Stigler et ses limites
Malgré son rôle prééminent dans la profession – il a été notamment président de l’American
Economic Association - et son succès comme auteur, les idées de J.K.Galbraith n’ont pas
toujours été prises au sérieux par la majorité des économistes. C’est George Stigler qui a
formulé (dans un article publié en 1954 dans la prestigieuse « The American Economic
Review ») une des premières critiques au concept de « countervailing power » en le taxant,
entre autres, de « romantique ». La critique de Stigler s’adresse à la fois à la théorie et à
l’évidence empirique. En ce qui concerne la première, il se limite à affirmer que Galbraith, en
réalité, n’explique pas sa théorie car il la considère comme démontrée par les faits. Or,
souligne Stigler, une théorie de l’oligopole bilatéral n’existe pratiquement pas (« can hardly
be said to exist ») et sur la base des théories existantes, il faudrait plutôt s’attendre à ce que
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l’oligopole bilatéral soit monopolistique dans son fonctionnement. Les distributeurs
oligopolistes n’étant pas en concurrence entre eux, ils n’amélioreraient pas la situation des
consommateurs. Même au cas où ils arriveraient à s’approprier une partie des profits des
fabricants, grâce à un comportement collusif, ils les garderaient pour eux, sans réduire le prix
au détail.
Au plan empirique, et en ce qui concerne plus spécialement les relations fabricants/
distributeurs, Stigler contredit aussi Galbraith en soulignant que, d’un côté, de grandes
chaînes se sont formées dans des secteurs où les fabricants n’ont pas atteint un niveau aussi
élevé de concentration (médicaments, habillement, chaussures, meubles), de l’autre elle ne se
sont pas constituées dans des secteurs où la concentration des fabricants est très élevée e
(produits du pétrole, voitures, cigarettes). Mais si le rapport entre concentration des fabricants
et concentration des distributeurs n’est pas constaté dans tous les secteurs, alors l’existence
de cette correspondance dans certains secteurs seulement peut être épisodique et avoir des
causes différentes de celle qui sont évoquées par Galbraith. Stigler conteste enfin que les
chaînes aient réussi à vendre leurs produits à prix plus bas que les vendeurs indépendants
principalement à cause du prix d’achat inférieur.
Limites de la critique de Stigler
Au plan théorique Stigler ne considère pas la thèse de Galbraith comme démontrée parce
que, selon les théories microéconomiques dominantes à l’époque, le comportement
oligopolistique était plus proche du monopole que de la concurrence ¹. Stigler n’exclut pas,
par ailleurs, qu’il soit possible de formuler une théorie différente et, comme nous le verrons, il
proposera lui-même un modèle novateur quelques années plus tard.
En ce qui concerne le point central de la théorie du « countervailing power » de Galbraith (la
capacité des distributeurs à limiter les profits des fabricants), Stigler avance un seul contreargument. Mais sa référence aux conclusions d’un rapport de la Federal Trade Commission
apparaît difficilement utilisable pour désavouer la thèse de Galbraith sur la capacité des
grandes chaînes à réduire leur prix au détail grâce à des prix d’achat plus bas².
Les critiques de Stigler n’arrêtent pas le débat théorique ni la recherche de confirmations
empiriques. Lui-même reprendra le thème, quelques années plus tard en montrant que, dans
un cadre d’oligopole bilatéral, les vendeurs sont plus incités à accorder des réductions secrètes
(discriminations) de prix selon que le nombre d’acheteurs par vendeurs diminue (Stigler
1964). Mais les réductions secrètes des prix finissent toujours pour être connues, les acheteurs
discriminés négativement demandent alors les mêmes réductions que les autres, et la
diminution du nombre des acheteurs finit par être un facteur d’intensification de la
concurrence par les prix La démonstration empirique de Stigler est plutôt limitée et ne
concerne pas spécialement le secteur de la distribution des produits de grande consommation,
mais au cours des décennies successives beaucoup de contributions nourriront le débat sur le
contre-pouvoir de la distribution. L’objectif de la communication n’étant pas de retracer une
histoire détaillée de l’évolution du concept de contre-pouvoir, elle se limitera à présenter les
contributions les plus significatives, identifiées sur la base de l’importance que les auteurs
successifs leur ont accordée.
2. Le contre-pouvoir selon Michael Porter : théorie et analyse empirique
Michael Porter a abordé à plusieurs reprises le thème du contre-pouvoir des distributeurs et sa
démonstration à travers une analyse empirique. Dans l’ouvrage le plus complet qu’il ait écrit
à ce propos (Michael Porter 1976), il refuse l’idée de Galbraith selon laquelle la concentration
des distributeurs serait due à la concentration des fabricants. A son avis, beaucoup d’autres
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facteurs peuvent contribuer à expliquer l’origine et le développement des grandes chaînes de
distribution, et la concentration des fabricants n’est pas un facteur indispensable à cet effet. La
structure de la distribution est plutôt déterminée, à son avis, par les caractéristiques du
produit, qui influencent le comportement d’achat des consommateurs.
Par contre, Porter accepte l’idée de Galbraith selon laquelle le pouvoir des distributeurs
limite le niveau des profits des producteurs, tout en discutant l’importance relative des
sources
de ce pouvoir. Alors que selon Galbraith, ce contre-pouvoir s’explique
essentiellement par la concentration des distributeurs, et donc par leur taille, Porter soutient
que la capacité des distributeurs à différencier leur offre est une explication encore plus
importante que la première.
Quand le nombre des acheteurs d’un produit est proche du nombre des fabricants sur un
marché oligopolistique, la possibilité, voire la menace, implicite sinon explicite de refus de
vente constitue, selon Porter, une source de pouvoir. Puisque la plupart des distributeurs
proposent plusieurs produits, la menace des producteurs de retirer les leurs est moins
efficace. La concurrence de ces derniers exerce une pression indirecte sur un marché
d’oligopole bilatéral, selon Porter, à travers la possibilité des fabricants de faire des
concessions secrètes à des distributeurs. Ce dernier argument s’appuie sur la théorie de
l’oligopole de Stigler (Stigler 1964).
En revanche, la capacité de différentiation se manifeste dans le contrôle des distributeurs de
beaucoup d’attributs du service commercial qui ont une influence sur le comportement
d’achat des consommateurs. Ces facteurs peuvent être la réputation et l’image du magasin,
l’environnement du magasin (« the physical amenities »), les différents services offerts, ainsi
que l’identité du magasin. Les facteurs structurels (taille et concentration des entreprises et
des magasins, etc.) et la capacité de différenciation donnent aux distributeurs un pouvoir dans
la négociation qui leur permet de réduire les profits des fabricants.
Le pouvoir des distributeurs est différent dans les magasins « convenience », (qui
correspondent à peu près aux grandes surfaces alimentaires - GSA), et « non convenience »
(qui correspondent plutôt aux chaînes spécialisées). Selon l’analyse de Porter, la publicité des
fabricants est le principal facteur de vente des produits de marque dans les GSA, alors que
le rôle du distributeur est beaucoup plus important pour les produits vendus dans les chaînes
non alimentaires. Dans celles-ci, la publicité des fabricants ne suffit pas et les efforts de vente
des distributeurs deviennent essentiels.
Les possibilités de différenciation des distributeurs « alimentaires » étant faible, selon
Porter, leur pouvoir face aux fabricants est basé principalement sur les facteurs structurels.
Par contre, le pouvoir des distributeurs non alimentaires est plus important, puisqu’il est basé
sur leur capacité à différencier leur service, mais aussi à favoriser la vente d’un produit d’un
fabricant plutôt que celui d’un autre.
Face à cette possibilité, voire à cette menace, les fabricants seront amenés à réduire leur prix
aux distributeurs, augmenter leurs marges ou dépenser des ressources pour convaincre les
distributeurs à promouvoir leurs produits et non pas ceux des concurrents.
Le pouvoir des distributeurs diffère aussi selon leur contribution à la différenciation de chaque
produit et marque : il est plus élevé pour les marques de distributeurs (MDD) et les marques
industrielles non soutenues par la publicité plutôt que pour les grandes marques.
Ces variations des stratégies des distributeurs et des fabricants sont, pour Porter, des sources
supplémentaires d’interaction qui déstabilisent les concurrents et empêchent leurs collusions
tacites.
Dans d’autres ouvrages, plus normatifs, M. Porter traite le sujet du pouvoir des acheteurs
tous secteurs confondus et il définit les circonstances qui lui sont favorables (Porter 1980,
1985). Aux facteurs déjà mis en évidence précédemment, (la concentration, la taille, le degré
de différenciation, la menace d’intégration verticale), il en ajoute d’autres : les coûts de
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changement de fournisseur et l’ampleur des informations disponibles sur le marché (la
demande, les prix, les coûts, etc .). Finalement, d’après lui, l’objectif des acheteurs, donc des
distributeurs, est de trouver des mécanismes pour compenser ou surmonter le pouvoir des
fournisseurs. « Dans certains cas, ce pouvoir est bâti dans l’économie du secteur, et il est en
dehors du contrôle de l’entreprise. Néanmoins, dans beaucoup de cas il peut être mitigé par la
stratégie » ( M.Porter 1980).
Dans le modèle de Porter il n’y a pas de contradiction entre le pouvoir fort des distributeurs
en amont et l’intensité de leur concurrence horizontale. L’exercice du pouvoir des
distributeurs vis-à-vis des fabricants n’est pas, pour lui, incompatible avec des retours sur
investissements « normaux » pour les distributeurs. Leur niveau de profits dépend, comme
dans tout secteur, de beaucoup d’autres facteurs qui définissent le cadre de son modèle de
concurrence élargie (barrière à l’entrées, produits de substitution, pouvoir des consommateurs,
facteurs d’intensification de la concurrence horizontale comme la diversité des stratégies des
opérateurs, etc.) (Porter 1980).
En outre, pour Porter les profits potentiels à la fois des fabricants et des distributeurs
dépendent du degré global de différenciation du produit pour chaque groupe stratégique. Mais
la répartition de ce profit potentiel entre fabricants et distributeurs est différent pour chaque
groupe stratégique et se base sur leur pouvoir relatif et la structure de chaque marché.
L’analyse empirique du pouvoir des distributeurs chez Porter
Pour vérifier ces thèses, Michael Porter a effectué un test empirique, à travers des
régressions multiples qui essaient d’expliquer les taux de profits des fabricants par la
structure du secteur et la différenciation du produits. L’analyse est conduite dans 42 secteurs
de produits de consommation, divisés en « convenience » et « non convenience » et, dans les
deux groupes, les profits sont corrélés à douze variables.
Les résultats ne sont pas très positifs pour les secteurs « convenience », aucune des variables
utilisées n’étant vraiment significative. Toutes les variables de concentration ont un signe
négatif dans la régression – l’augmentation de la concentration des distributeurs est
accompagné d’une diminution des profits des fabricants- mais leur capacité explicative est
faible. Il obtient le même résultat pour la mesure (un index Herfindahl) de la multiplicité des
canaux de distribution. Ici aussi, le signe négatif correspond à l’hypothèse, mais la
significativité est faible.
La seule variable
explicative significative est le ratio
publicité/ventes des distributeurs, ce qui confirmerait – selon Porter - l’hypothèse que la
publicité des distributeurs favoriserait l’augmentation des profits totaux du secteur plus que le
pouvoir contractuel des distributeurs. Les grands distributeurs alimentaires auraient donc un
pouvoir limité, à cause de leur faible contribution à la différenciation du produit et de la
densité de leur réseaux.
Les résultats sont plus positifs pour les secteurs « non convenience »: les régressions
confirment l’hypothèse selon laquelle une concentration élevée des distributeurs conduit à une
réduction des profits des fabricants. L’importance de la différenciation du produit est aussi
confirmée, selon Porter, par la relation négative avec les profits des fabricants et la
significativité élevée de la profondeur de l’assortiment des distributeurs (mesure du degré de
différenciation). Le pouvoir des distributeurs « non convenience » serait donc dû à leur
capacité de différenciation du produit (ainsi qu’à des localisations plus sélectives).
Limites de la théorie et de l’analyse empirique de Porter
La théorie de Porter sur le contre-pouvoir des distributeurs repose sur deux éléments
principaux .Le premier est l’idée que le contre-pouvoir des distributeurs est source de
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déstabilisation des collusion potentielles, et entraîne donc une activation de la concurrence.
Ce premier point n’est pas nouveau, puisqu’il était déjà présent dans les théories modernes de
l’oligopole, notamment chez Stigler, néanmoins Porter a mieux précisé les situations dans
lesquelles cette déstabilisation peut se produire, en soulignant l’apport des variations
stratégiques en aval (groupes stratégiques, différenciation, etc.) à la déstabilisation en amont.
Le deuxième élément est donc la définition d’un ensemble de bases - ou sources - du pouvoir
des distributeurs, dont le plus important est la différenciation du produit/service. Quoique cet
élément ne soit pas absent chez Galbraith, qui cite le rôle des marques de distributeurs,
l’importance de la différenciation du produit dans les relations fabricants/distributeurs n’avait
pas été précédemment aussi approfondie et constitue désormais l’innovation majeure de la
contribution de Porter.
L’importance de ce facteur est empiriquement vérifiée par Porter surtout dans les secteurs non
alimentaires (« non convenience »). Mais la faible significativité de la concentration dans les
secteurs « convenience » semble aussi, comme le dit Porter même, un résultat - au moins en
partie - des difficultés statistiques rencontrées.
Enfin, sur le plan des paramètres utilisés, la variation des profits par secteur pourrait être due,
comme l’a remarqué John F. Gaski, à d’autres différences systématiques entre les secteurs.
Ainsi les paramètres de mesure du contre-pouvoir (mesure de concentration, de
différenciation) sont des mesures secondaires de ce pouvoir, qui est certes difficile à mesurer
directement (Gaski 1984).
Les deux éléments fondamentaux de la théorie de M. Porter trouveront un développement
important par la suite, dans les travaux des économistes industriels et des chercheurs de
marketing des canaux. .
3. L’analyse de Steiner des relations fabricants/distributeurs dans le secteur des biens de
grande consommation
Plus ou moins dans la même période que M. Porter, Robert Steiner élabore lui aussi une
théorie des relations fabricants/distributeurs pour les biens de grande consommation, laquelle
présente des affinités avec celle de Porter (Steiner 1973, 1977, 1984, 1993). Le point de
départ est assez proche : un modèle d’analyse de la structure verticale à deux niveaux, la
présence d’une concurrence « imparfaite » au niveau de la distribution et de la production. La
différenciation de la distribution se base sur l’image et la notoriété des magasins et sur leur
localisation unique.
Comme Porter, Steiner pense lui aussi que le pouvoir de marché d’un fabricant ou d’un
distributeur dépende de sa position horizontale face aux entreprises au même niveau du
marché et de son pouvoir de négociation face aux entreprises en aval ou en amont. Il soutient
que les distributeurs peuvent diminuer à leur avantage la part des marges des fabricants sur la
marge totale en les soumettant à une concurrence plus intense. En augmentant la
différenciation d’un magasin, on réduit celle des marques des fabricants, comme en
accroissant la différenciation d’une marque on réduit celle d’un magasin. Donc le pouvoir
relatif des fabricants et des distributeurs peut être mesuré par la disponibilité des
consommateurs à changer de magasin plutôt que de marque quand une marque n’est pas
disponible en magasin. « Si les consommateurs sont plus disponibles à changer de marques à
l’intérieur du magasin plutôt que de magasin au lieu de la marque, les distributeurs dominent
les fabricants ». Pour Steiner, les marges se repartissent en fonction de ce pouvoir respectif :
quand la différenciation des producteurs est faible, les distributeurs peuvent les mettre en
concurrence et faire baisser leurs marges. Par contre, quand les producteurs différencient leur
marque, surtout à travers des investissements élevés en publicité, la balance du pouvoir
penche de leur côté. Leurs marges sont élevées et les marges des distributeurs sont faibles.
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Non seulement la publicité fait augmenter la rotation de ces produits, mais leur identification
aisée par les consommateurs et la mémorisation plus facile des prix qui en découle fait qu’il
sont utilisés comme prix d’appel, ce qui entraîne une autre baisse des marges pour les
distributeurs. En conclusion, la présence de nombreuses marques bien connues et largement
distribuées assure une concurrence « intramarque » intense par les prix au niveau de la
distribution.
En revanche, pour assurer une concurrence intense « intermarque » au niveau des fabricants il
est nécessaire que les marques leaders soient assujetties à une concurrence sur les prix et la
qualité par d’autres marques. A ce propos, Steiner considère que la concurrence sera apportée
plus efficacement par les marques distributeurs que par les marques industrielles secondaires.
La théorie de Steiner souligne, comme l’a fait Porter, l’importance prédominante de la
différenciation pour la définition du contre-pouvoir de la distribution. Plus encore que ne l’a
fait M. Porter, il approfondit le rôle de la publicité comme source de pouvoir pour les
fabricants, et des marques des distributeurs pour les distributeurs. La première introduit plus
de concurrence par les prix dans la distribution et les MDD provoquent aussi une concurrence
par les prix chez les fabricants. Chez Robert Steiner, la répartition des profits entre fabricants
et distributeurs est davantage liée au degré respectif de différenciation du produit qu’à des
facteurs structurels comme la concentration.
Mais une des limites des travaux de Robert Steiner est de mener ses démonstrations en se
servant de modèles microéconomique traditionnels (courbes de demande, de coûts moyens
et marginaux, etc.) sans avoir effectué des analyses empiriques en dehors de la proposition de
cas d’entreprise, lesquels ne sont présentés qu’occasionnellement.
4. La reconsidération du concept de contre-pouvoir par les économistes industriels
Les économistes industriels ont souligné avant tout l’importance de l’analyse du
fonctionnement du marché pour comprendre le pouvoir contractuel des acteurs.
Les conditions qui permettent la réalisation du contre-pouvoir des distributeurs sont, selon de
nombreux auteurs, un pouvoir important des acheteurs vers l’amont, ce qui leur permet
d’influencer les prix des producteurs oligopolistiques, et un faible pouvoir sur le marché de la
distribution, ce qui les oblige à limiter les marges et les prix (Yamey 1964, Stigler 1964,
Scherer et Ross 1990, Hurt et Tirole 1990).
Apparemment contradictoire, cette situation semble pourtant être la situation normale du
commerce de détail, et ceci donne raison à Galbraith, qui indiquait le commerce au détail
comme exemple d’un secteur favorable à la constitution de contre-pouvoirs.
Deux contributions majeures représentent assez bien l’approche des économistes qui ont
repris récemment l’analyse du concept de contre-pouvoir. Dans la première, Thomas von
Ungern Sternberg développe deux modèles, chacun étant composé de deux parties : une
première sur le processus de négociation entre un producteur et plusieurs distributeurs, la
deuxième sur la concurrence entre les distributeurs (von Ungern Sternberg 1996).
En ce qui concerne la première partie, les deux modèles ont la même structure, parce qu’ils
utilisent la solution dite de Nash de la négociation³. La partition des gains entre les deux
acteurs dans le modèle de Nash dépend du « pouvoir de négociation » (lié à la capacité
d’influencer en sa faveur l’autre partie dans une négociation) et des options externes
(« outside options »), ou points de menace (« threat points ») dont disposent les acteurs (Nash
1952a, 1952b). Si la négociation échoue, chacune de deux entreprises peut réaliser un profit
dit « de réservation » ou « statu quo ».Si le « pouvoir de négociation » est le même pour les
deux négociateurs, les options externes dépendent essentiellement (à court terme) de la
structure du secteur et notamment du nombre des acteurs sur le marché.
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Dans le modèle de von Ungern Sternberg, qui reprend le modèle de Nash, en cas de parité du
pouvoir de négociation, le prix payé par les distributeurs est donc une fonction croissante de
leur nombre. Plus les acheteurs sont concentrés, meilleures seront les conditions obtenues
dans la négociation, ce qui est tout à fait cohérent avec la théorie du contre-pouvoir.
En revanche, dans la seconde partie, les deux modèles donnent des résultats différents : si les
distributeurs agissent comme des « price takers », dans une situation proche de la
« concurrence parfaite », la réduction du le nombre de distributeurs entraîne une baisse du
prix au détail. Par contre, si on applique le modèle de Cournot – les duopolistes définissent
leur prix – le prix au détail augmente quand la concentration des distributeurs s’accroît. Dans
ce deuxième cas, les effets négatifs dû à l’affaiblissement de la concurrence horizontale sont
supérieurs aux bénéfices du contre-pouvoir.
Donc, si le modèle de Cournot est le plus pertinent, l’hypothèse de Galbraith n’est pas
confirmée. Dans ce cas, les distributeurs peuvent limiter les profits des fabricants, mais sans
aucun avantage pour les consommateurs. Le contre-pouvoir ne se réalise pleinement que dans
le premier cas, mais à condition que la réduction du nombre de distributeurs n’ait pas
d’influence négative sur l’intensité de la concurrence.
Plus récemment, Paul Dobson et Michael Waterson sont parvenus à cette même conclusion
en analysant la même situation que Thomas von Ungern Sternberg : une négociation entre un
producteur et plusieurs distributeurs mis en concurrence (Dobson et Waterson 1997). Mais
alors que pour la négociation ces auteurs utilisent le même modèle de type Nash (et arrivent
à la même conclusion), pour la concurrence entre distributeurs, ils utilisent un modèle de
concurrence par les prix (de type Bertrand).
Dans cette dernière hypothèse, les prix au détail baissent dans la mesure où les services des
distributeurs sont considérés par les consommateurs comme fortement substituables. Le cas
extrême est représenté par une situation de duopole de distributeurs, où le prix de transfert
s’approche du coût marginal, avec le plus grand avantage pour le consommateur.
Mais si le service des distributeurs est fortement différencié, alors la concentration leur
permet d’augmenter non seulement leur pouvoir de négociation mais aussi leur pouvoir de
marché, et les profits potentiels totaux s’élèvent eux aussi. Il est donc possible que même
dans une négociation en amont, les producteurs réussissent à s’approprier une plus grosse part
d’un « gâteau » qui augmente. Ceci serait dû au fait que deux acteurs, un monopoliste en
amont et chaque « duopoliste » en aval, fixeraient le prix intermédiaire, selon le modèle de
Nash, à mi-chemin entre celui que préfère le distributeur et celui que préfère le fabricant.
Dans ce cas, si le deuxième facteur (pouvoir du marché) prévaut sur le premier (pouvoir de
négociation), l’accroissement de la concentration peut permettre une hausse des prix
intermédiaires ainsi que du prix final au consommateur.
Puisque la différenciation est de plus en plus l’objectif de la grande distribution, y compris
dans le secteur des biens de grande consommation, ces résultats permettent aux auteurs de
conclure que les concentrations dans la distribution ne sont pas nécessairement favorables aux
consommateurs. Elles peuvent, en réalité, permettre d’augmenter le pouvoir de négociation (à
l’achat) mais aussi le pouvoir du marché (à la vente), et ce dernier annule complètement le
premier, entraînant ainsi une situation négative pour le consommateur.
Malheureusement, les deux économistes cités appuient leurs conclusions sur des modèles (à
la fois de type Cournot ou Bertrand) basés sur des hypothèses lointaines de la réalité (une
information très centralisée, un coût unitaire constant, des capacités de production qui
permettent à chacune des deux entreprises de satisfaire toute la demande, quel que soit le prix,
et sur des conjectures selon lesquelles chaque entreprise propose un prix en supposant qu’il
n’a pas d’effet sur celui que son concurrent annonce ( Varian 1996).
En outre, avec ces modèles, ils ignorent les effets exercés en aval par la concurrence en
amont, élément que Porter et Steiner ont bien mis en évidence (notamment pour la publicité).
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Des modèles de concurrence plus modernes montrent qu’une concurrence intense dans le
secteur de la distribution, comme dans d’autres, peut subsister même en présence d’une
concentration élevée et d’une forte différenciation de l’offre des compétiteurs . L’intensité de
la concurrence est liée au pouvoir de la demande (des consommateurs) et à sa sensibilité au
prix, aux caractéristiques des produits, à l’existence de produits de substitution, aux barrières
à l’entrée et à la « contestabilité » des marchés, à la variété des acteurs, en terme d’objectifs,
de stratégies et de structure organisationnelle (Porter 1980, 1985, Baumol, Panzar et Willig
1982, Demsetz 1997, Hunt 2000). En outre, dans ce secteur, on a démontré qu’il y a des
économies d’échelle qui dérivent de la croissance de la taille des entreprises et qui sont à
l’origine de gains transférables aux consommateurs (Allain et Chambolle 2003, Bétancourt
2005).
5. Pouvoir et contre-pouvoir dans les approches de marketing des canaux : quelques
recherches récentes
Les études de stratégie et de marketing développées au cours de deux dernières décennies ont
analysée les relations fabricants distributeurs à l’aune des théories et des analyses empiriques
précédentes, notamment de Michael Porter et Robert Steiner. Néanmoins, un facteur nouveau
a été introduit - l’intégration verticale de la logistique - et de nouvelles recherches ont
clarifié l’impact de la rareté et de la qualité du linéaire sur le contre-pouvoir des distributeurs.
En outre, les MDD ayant connu une forte croissance, leur rôle dans l’exercice du contrepouvoir a fait aussi l’objet de nombreuses contributions. Enfin de nombreuses études ont
cherché à cerner le transfert de pouvoir entre les producteurs et les distributeurs à travers
l’analyse de l’évolution des profits respectifs.
5.1. Le contre-pouvoir des distributeurs a été accentué par l’intégration de la logistique
Au cours des deux dernières décennies, la grande distribution européenne a progressivement
intégré les activités logistiques en créant les infrastructures nécessaires - entrepôts collecteurs
et plates-formes d’éclatement - pour concentrer les livraisons des fournisseurs et les répartir
entre les magasins (Fernie 1992 et 1997). Du contrôle de la distribution secondaire, les
distributeurs passent à celui de la distribution primaire en développant une politique
d’enlèvement à l’usine. (Paché et Sauvage 1999). Selon de nombreux auteurs, l’intégration
de la logistique permet aux distributeurs de disposer de nombreux avantages qui renforcent
leur pouvoir contractuel (McKinnon 1986 ; Smith and Sparks 1993 ; Paché 2003). Entre
autres, elle facilite (Burt 2000) l’établissement et le suivi des contrôles de qualité des MDD.
Cette intégration de la logistique peut rendre plus crédible la menace d’intégration
verticale dans d’autres activités, notamment les MDD, et donc le remplacement direct des
fournisseurs. La crédibilité de la menace peut être évaluée sur la base de l’expérience et des
compétences du distributeur, ainsi que des conditions économiques du secteur en question,
notamment la présence sur le marché d’un excès de capacité logistique ou d’une
surproduction (Porter 1980, Coughland, Anderson, Stern, El-Ansary 2001).
5.2. La rareté et le contrôle du linéaire renforcent le contre-pouvoir des distributeurs
Basées sur les théories de M. Porter et de R.Steiner, des recherches plus récentes ont
confirmé l’intérêt des distributeurs à stocker dans leur espace de vente les produits des
marques les plus connues. En cas contraire, le risque de perte de clientèle serait élevé,
compte tenu de l’attractivité de ces produits fortement différenciés par leur innovation, leur
grande qualité et la publicité dont ils font l’objet. Mais ces produits étant présents sur les
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linéaires de tous les distributeurs, la concurrence sur les prix au détail s’accroît et les marges
de ces derniers baissent (Farris et Albion 1980, Albion 1983).
Ceux-ci vont donc fixer le niveau de leur marge brute sur un produit en relation inverse à
son niveau de rotation (Lal et Matutes 1994, Lal et Narasimhan 96). Mais les distributeurs
peuvent « compenser » des profits moins élevés, voire inexistants ou négatifs (vente à perte)
sur certains produits à plus fort soutien publicitaire, par des profits plus élevés sur les autres.
En outre, ils peuvent influencer la rotation des produits sur le point de vente en allouant sur
les linéaires des positions moins favorables aux marques nationales qui génèrent des taux de
marge inférieurs, notamment à ceux des MDD (Corstjens et Corstjens 1995). Ces
comportements peuvent gêner le positionnement souhaité par les producteurs et permettent
donc aux distributeurs d’avancer des menaces ou de faire des promesses dans la négociation
des conditions de vente. Puisque le prix aux consommateurs des produits d’attraction de
grande marque doit rester bas et tend à s’aligner aux prix de cession, les fabricants
compensent les « services » de mise en avant de leurs produits par des contributions de nature
diverse (versement pour le référencement des produits nouveaux, pour l’insertion en
catalogue, pour la mise en avant dans les linéaires, etc.). Souvent ces compensations ne sont
pas comprises dans la facture de vente et peuvent être versées que les services aient été
réellement effectués ou pas (Shaffer 1991).
Les marques mineures doivent faire face à des difficultés différentes mais pas moindres. Les
conditions de vente pratiquées par un fabricant doivent être d’autant plus favorables aux
distributeurs que la rotation de leurs produits est moins élevée. Les produits et marques qui
n’arrivent pas à garantir le minimum défini par le distributeur en fonction de ses objectifs de
rentabilité, et qui ne sont pas « incontournables », risquent même le non référencement ou le
déréférencement (Pellegrini et Zanderighi 1991, Davies 1994). Ceux-ci et la rotation des
produits et des fabricants qu’ils entraînent assurent le bon fonctionnement de la concurrence
entre les fabricants qui veulent être référencés à des conditions de vente compétitives et
s’assurer les meilleurs emplacements sur les linéaires.
5.3. L’évolution des MDD comme facteur de différenciation et de contre-pouvoir
Les MDD ont connu une croissance continuelle au cours des années 80 et 90, notamment
dans tous les pays européens, où elle a été supérieure à celle qui a été enregistrée aux EtatsUnis (Laaksonen et Reynolds 1994, Hughes 1996). Comme l’avaient déjà souligné M. Porter
et R. Steiner, la présence de MDD dans une catégorie donnée, est accompagnée d’un
leadership du canal et d’un pouvoir fort des distributeurs face aux producteurs de ces
marques. La négociation est structurée à l’initiative des distributeurs à travers le cahier des
charges et le prix est généralement imposé aux fabricants qui ne font aucun investissement en
communication et ne contribuent donc pas à la différenciation du produit. Par ailleurs, les
distributeurs ne se limitent pas à contrôler les variables de marketing, puisque ils
interviennent également dans la production et, si les contrats ne sont pas respectés, des
sanctions sont prévues ( Burt 2003).
Mais les MDD constituent une base de pouvoir par rapport aux fournisseurs des marques
industrielles autant qu’elles expriment une prise de pouvoir de la distribution face aux
producteurs de MDD. Les effets indirects sur la relation de pouvoir ont été
démontrés, puisqu’il apparaît que des parts de marché importantes sur les MDD permettent
aux distributeurs d’obtenir également des taux de marges plus élevés sur les marques
nationales (Mills 1995, Scott Morton et Zettelmeyer 2004). En outre, la fidélité au magasin, et
donc sa rentabilité, augmentent avec la croissance des achats de MDD, surtout des MDD
qualitatives (Corstjens and Lal, 2000). Pourtant le distributeur de PGC a besoin des marques
industrielles qu’il ne peut pas remplacer complètement par des MDD sans compromettre la
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satisfaction de la catégorie - très profitable- de consommateurs qui achètent peu de marques
de distributeurs (Ailawadi et Harlam 2004). En outre, l’existence d’un nombre important de
consommateurs qui achètent des marques nationales est aussi une condition de la rentabilité
des MDD qualitatives (Corstjens et Lal 2000). Seules les enseignes de hard discount
parviennent à se passer presque complètement des marques nationales, avec une offre très
limitée et dont la compétitivité se base sur la quasi-intégration des fournisseurs (Colla 2003).
La gestion de marques distributeurs « premium » à marge plus élevée et d’importance
stratégique majeure implique le plus souvent une forte collaboration entre fabricants et
distributeurs et une certaine stabilité de leurs relations. Le développement des produits et les
innovations sont un travail conjoint, comportant davantage d’interaction ainsi que la
recherche d’intérêts communs , moins de menaces de substitution et plus d’échanges
d’informations (Burt 2000). L’importance relative des différentes bases de pouvoir se
modifie, la taille cédant le pas à l’expertise (Burt 2003). Les distributeurs peuvent compenser
les investissements spécifiques, qui constituent un risque pour les fabricants (Williamson
1975 et 1985), par des garanties sur les prix, les volumes minimums d’achat et la durée des
contrats. La gestion totale du canal par le distributeur peut assurer aux fournisseurs un niveau
de profit satisfaisant, et même supérieur à celui de ses concurrents.
5.4. L’évolution de la coopération
Les experts de marketing ont aussi mis en évidence que la concurrence verticale sur les
marques et les éventuels conflits - portant essentiellement sur les conditions économiques n’excluent pas une volonté de coopération dans la gestion d’autres variables du marketing
mix ( logistique, nouveaux produits, assortiment et communication) à la recherche d’une
création de la valeur supplémentaire (Dawson & Shaw 1989)
La collaboration reflète initialement, dans le cadre d’initiatives de trade marketing, la prise de
conscience de la part des fabricants du fait que les distributeurs constituent un marché à
conquérir et que la condition pour atteindre leurs objectifs est de créer de la valeur pour ces
derniers (Davies 1990, Corstjens et Corstjens 1995).
Mais successivement , les fabricants et les distributeurs, notamment les leaders, ont de plus
en plus visé, à travers une coopération à court et long terme, la réalisation d’avantages
communs en réduisant le coût total du canal où en différenciant l’offre. Des initiatives se sont
ainsi multipliées dans le cadre de l’ ECR –Efficiency Consumer Response , ou réponse
optimale au consommateur - au niveau de la logistique , de l’assortiment et des nouveaux
produits, à travers notamment la gestion par catégories .
La collaboration verticale fabricants/distributeurs vise toujours à assurer, par l’augmentation
du profit total du canal vertical, des avantages compétitifs pour les deux partenaires, chacun
sur son propre marché Ainsi, les distributeurs de moyenne taille peuvent chercher des
alliances avec des producteurs de marques pour attaquer les leaders du marché. Ces derniers
peuvent chercher des alliances avec des fournisseurs de marques challengers pour attaquer les
producteurs leaders ( Ogbonna et Wilkinson 1996).
Il a été démontré que l’adoption de l’ECR assure aux fournisseurs l’amélioration de leurs
résultats économiques et de leurs compétences, cependant ces derniers continuent de se
considérer comme défavorisés dans la répartition des gains communs (Corsten et Kumar
2005).
Au niveau collectif, cette collaboration apparaît aussi, surtout aux leaders des deux camps,
comme un moyen d’accroître leurs performances et leur positionnement face à d’autres
canaux, comme le hard discount en Europe, le wholesale membership club aux Etats-Unis
(Colla et Dupuis 1997) et la restauration aux particuliers et aux collectivités (« food service »,
(Messinger et Narasimhan 1995, Fernie et Jordan 2003 ).
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5.5. Etudes empiriques sectorielles sur l’évolution des
distributeurs
profits
des fabricants et des
Surtout à partir du début des années 1990, de nombreux chercheurs – essentiellement aux
Etats-Unis - ont essayé de comprendre si le pouvoir croissant des distributeurs avait entraîné
une hausse de leurs profits, par rapport à ceux des fabricants.
Ces recherche se basaient sur l’observation suivante : si le pouvoir des distributeurs en
l’amont avait augmenté, cela aurait dû se traduire par une hausse de leurs profits supérieure à
celle des fabricants (Grant 1987, Farris et Ailawadi 1992, Ailawadi Borin & Farris 1995,
Ailawadi 2001).
Selon une étude conduite en U.K., les profits des fabricants auraient diminué, en termes
absolus et par rapport aux distributeurs, entre 1975 et 1983 (Grant 1987). Ceci confirmerait le
renforcement, au cours de cette même période, du pouvoir des distributeurs. Selon l’auteur, ce
pouvoir est la capacité des grands distributeurs à obtenir des producteurs oligopolistiques des
réductions de prix supérieures à celles qui sont accordées aux petits distributeurs. Il peut donc
être mesuré par le niveau de ces remises, qui est plus élevé dans les secteurs où les chaînes
disposent de parts de marchés plus importantes et moins élevé là où les fabricants sont plus
concentrés.
D’autres recherches conduites aux Etats-Unis donnent de résultats plus contrastés.
Selon les auteurs d’une étude conduite sur le marché américain, les profits des distributeurs
alimentaires n’auraient pas augmenté davantage que ceux des fabricants de produits
alimentaires dans la période entre 1972 et 1990 (Farris et Ailawadi 1992). Mais cette étude
suscite des perplexités : les indicateurs les plus favorables aux fabricants sont les indices de
profit sur le chiffre d’affaires, qui donnent des indications plus sur la valeur ajoutée et la
marge commerciale que sur la rentabilité. La diminution progressive de la marge commerciale
chez les distributeurs est, en outre, un indicateur d’amélioration de leur productivité et de
réalisation d’économies d’échelle. Par ailleurs, l’étude met en évidence une très nette
diminution historique des indicateurs de profitabilité (retour sur investissements) des
fabricants tout au long de cette même période - que les auteurs n’expliquent pas - et qui
confirmerait plutôt l’accroissement du contre-pouvoir des distributeurs.
Une autre étude conduite aux Etats-Unis sur la période 1982-1992 dans 13 secteurs
alimentaires et non alimentaires et qui utilise des indicateurs de rentabilité plus raffinés que la
précédente, arrive toutefois à des conclusions analogues (Ailawadi, Borin, Farris, 1995) . Les
distributeurs n’ont pas obtenu de meilleurs résultats que les fabricants pour aucune des
mesures de performance utilisées (Economic Value Added –EVA- et Market Value Adde MVA). Cette étude révèle quelques exceptions, dont la plus impressionnante est le groupe
Wal-Mart, qui obtient de meilleurs résultats que les concurrents et les fabricants. Les
« category killers », obtiennent aussi de résultats supérieurs aux concurrents et aux fabricants,
quoique en mesure moins consistante. Ce qui induit les auteurs à conclure qu’il y a, certes,
quelques distributeurs qui ont amélioré leur position compétitive horizontale et leur pouvoir
de négociation en amont, mais que les producteurs n’ont pas perdu de leur pouvoir face à la
distribution en géneral. En conclusion, les auteurs n’excluent pas l’hypothèse suivante : le
pouvoir des distributeurs a pu effectivement augmenter, sans que ces derniers aient eu
toutefois la possibilité, à cause de l’intense compétition en aval, de transformer en profits les
avantages acquis dans la négociation verticale.
Une autre recherche encore étudie l’évolution de la rentabilité des producteurs et des
distributeurs alimentaires aux Etats-Unis entre 1961 et 1991 et montre qu’aucun transfert de
rentabilité des producteurs vers les distributeurs ne s’est opéré au cours de cette même
période. La rentabilité des distributeurs dépasse largement celle des producteurs entre 1974 et
1984, mais cette augmentation ne se fait pas au détriment de celle des fabricants qui, au
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contraire, obtiennent aussi leurs meilleurs résultats au cours de cette même décennie
(Messinger et Narashiman 1995).
D’autres résultats de l’étude sont encore plus pertinents en matière de contre-pouvoir. Après
une analyse des relations entre certains éléments de la structure et les performances, les
auteurs confirment que la concentration des distributeurs est corrélée négativement aux profits
de la production et positivement aux profits de la distribution. Ainsi la concentration des
fabricants est corrélée positivement aux profits de la production et négativement aux profits
de la distribution. L’adoption des scanners a aussi un effet positif sur les profits des
distributeurs (et négatif sur les profits des fabricants), tout comme le nombre des nouveaux
produits, alors que le nombre des références par magasins est directement lié à la hausse des
profits des fabricants. L’analyse des auteurs semble donc confirmer le rôle de la
concentration, de la disponibilité d’information et de la rareté du linéaire dans le renforcement
du pouvoir des distributeurs face aux fabricants.
Vu que la rentabilité des fabricants et des distributeurs au cours de ces dernières années a
diminué, les vrais gagnants ont été les consommateurs.
Toutes ces approches soulignent la non correspondance entre l’accroissement éventuel du
pouvoir des distributeurs et le transfert des profits des fabricants aux distributeurs.
Cette non correspondance n’est pourtant pas en contradiction, comme nous l’avons vu, avec
les théories de Porter ni même avec celles des économistes industriels selon lesquels le
pouvoir des distributeurs peut contribuer à une baisse des profits des fabricants sans que les
profits en aval soient nécessairement plus élevés. Ces derniers dépendent de l’intensité
compétitive en aval et le pouvoir de négociation n’est pas le seul facteur à avoir un impact
sur eux.
A propos de la différence relevée par les études entre l’évolution des profits au Royaume-Uni
et aux Etats-Unis, on peut observer, par exemple, que la distribution britannique s’est
caractérisée par une concentration plus précoce et plus élevée qu’aux USA, et par un
développement bien plus important, et même tout à fait exceptionnel, des marques de
distribution. Ces phénomènes, entre autres comme la législation anti-monopolistique, plus
sévère aux Etats-Unis qu’aux Royaume-Uni, auraient pu entraîner une évolution différente du
pouvoir des fabricants et des distributeurs ainsi que de leurs profits respectifs.
Conclusion
En conclusion, selon les théories économiques, il existe bel et bien un contre-pouvoir de la
grande distribution. Il relève essentiellement de la structure d’un marché, de la concentration
et de la taille des entreprises, ainsi que de leur différenciation (à travers la création d’une
image d’enseigne, la fidélisation des consommateurs et les MDD).
Ce contre-pouvoir est positif pour le consommateur et passe par la négociation directe entre
fabricants et distributeurs. La négociation des conditions de vente par les distributeurs vise à
améliorer les résultats possibles face à la concurrence, et amène les fabricants à
discriminer/différencier ces conditions selon les pouvoirs respectifs. Cette discrimination
n’est pas systématique : son importance subit des variations temporelles et les distributeurs
qui en bénéficient varient dans le temps. Il s’agit donc d’une forme de concurrence par le prix
sur le marché intermédiaire, et pas d’une pratique monopolistique. Mais les meilleures
conditions obtenues par les distributeurs finissent par être connues des autres distributeurs (et
fabricants) qui observent les prix pratiqués dans les magasins et l’équilibre est toujours
instable. La pression compétitive exercée par les distributeurs sur les fabricants contribue à
intensifier la concurrence par le prix, à accroître la productivité et à limiter les profits des
producteurs.
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Néanmoins, l’effet positif du contrepouvoir pour les consommateurs ne peut se manifester
que si l’intensité de la concurrence entre les distributeurs permet de transférer en aval les
avantages acquis en amont. Cette intensité pourrait diminuer et, dans ce cas, le contre-pouvoir
profiterait plus aux distributeurs qu’aux consommateurs.
L’intuition de Galbraith est confirmée par les économistes surtout pour l’effet en amont et
moins pour l’effet en aval, et l’accroissement de la concentration, associée à la différenciation
des distributeurs, présentent un risque d’atténuation de la concurrence.
Malgré son importance, ce sujet n’a pas fait l’objet de beaucoup d’études et de recherches et
le débat n’est certes pas clos. En outre, beaucoup de contributions utilisent des modèles
théoriques très lointains de la complexité du secteur et la distinction entre pouvoir de
négociation et pouvoir de marché mérite d’être plus approfondie qu’elle ne l’a été jusqu’à
présent.
Les experts de stratégie et de marketing partagent très souvent les mêmes conclusions que les
économistes, et leurs modèles de comportement stratégique restent souvent dépendants des
modèles économiques. Néanmoins, leurs contributions ont été particulièrement riches en ce
qui concerne les facteurs qui sous-tendent le contre-pouvoir : le rôle de l’intégration de la
logistique, le contrôle du linéaire, la concurrence par les prix, l’essor des marques de
distribution. Ainsi, ils ont montré que la collaboration verticale fabricants/distributeurs vise à
assurer, à travers l’augmentation du profit total du canal vertical, des avantages compétitifs
aux deux partenaires sur leurs marchés respectifs. Leurs analyses sont aussi plus précises
concernant les modalités de la concurrence horizontale, lesquelles conditionnent le transfert
aux consommateurs des avantages acquis en amont.
Les études continuent de foisonner même si, malgré les progrès, les tentatives de vérification
empirique de la théorie du contre-pouvoir n’ont pas encore donné des résultats complètement
satisfaisants. Les tentatives de mesurer le pouvoir sur la base de l’évolution des profits
respectifs n’ont pas donné de résultats concluants, à cause surtout de leur généralisation
sectorielle, alors que les analyses au niveau de certains distributeurs - ou groupe de
distributeurs – en ont donné des plus intéressants.
En intégrant des modèles plus modernes du comportement stratégique des acteurs – ce qui est
en cours avec notamment l’apport de la théorie des jeux – les économistes pourraient nous
aider à mieux comprendre le phénomène du pouvoir et du contre-pouvoir. Grâce aux données
toujours plus riches dont ils disposent, les experts de stratégie et de marketing peuvent
maintenant aborder des modélisations et des vérifications empiriques de plus en plus
ambitieuses.
Notes :
1) Selon une autre approche théorique (voir notamment Chamberlin 1933, 1962 , Shumpeter
1934 et Nelson & Winter 1982), les marchés oligopolistiques n’excluent pas la concurrence
et ils sont même plus compatibles avec la croissance et l’innovation.
2) Stigler cite les résultats d’un rapport de la Federal Trade Commission qui avait pourtant
conclu que « pas plus d’un cinquième des prix (plus) bas des chaînes alimentaires et un
dixième dans les pharmacies étaient dus à des prix plus bas à l’achat ». Pour Stigler ceci est
insuffisant pour confirmer la thèse de Galbraith. On peut néanmoins souligner qu’un
cinquième de la différence de prix peut avoir un impact très important sur les profits des
distributeurs, dont les niveau des marges nettes (en pourcentage des ventes) est très faible.
3) L’économiste Nash avait élaboré cette solution pour des négociations à deux personnes,
mais elle peut être étendue à des situations de négociation entre une entreprise qui négocie
simultanément avec plusieurs autres (von Ungern-Sternberg 1996).
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