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Cent vingt-quatrième année
Numéro 888
Juillet-Septembre 2014
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Retour sur une question
occultée:
la nationalité
en droit OHADA
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l'indépendance
de la Cour Commune
de Justice et d'Arbitrage:
Un nécessaire affermissement
la durée des sociétés
commerciales
en droit OHADA
Société créée de fait
et société de fait en droit OHADA :
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ISSN 0336-1551
Prix: 60 €
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DOCTRINE
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LA NOUVELLE DEFINITION DU COMMERÇANT
DE L'ACTE UNIFORME OHADA
AU REGARD DE LA THEORIE JURIDIQUE
DE L'ACTE DE COMMERCE
par A. Desmonds EYANGO DJOMBI,
Enseignant à la Faculté des sciences juridiques
et politiques de l'Université de Douala (Cameroun)
Résumé:
La dernière révision de l'Acte uniforme portant droit commercial général a
apporté une modification à la définition du commerçant. ll faut se garder d'y voir une
simple opération de reformulation de la définition. Cette réforme a provoqué un réel
impact sur la théorie des actes de commerce qu'il faut rechercher et analyser. L'enjeu
principal est de savoir comment ladite révision doit être appréhendée, au regard de
toute la théorie des actes de commerce constrnite jusqu'ici ? Le législateur OHADA
a-t-il procédé à une modification purement formelle des concepts ou peut-on déceler
dans son intervention des marques papables d'un progrès du droit commercial?
Avant cette réforme, il n'existait pas en droit commercial un critère de commercialité à partir duquel la qualité de commerçant pouvait être reconnue à une persolllle.
La nouvelle législation innove sur ce point, en consacrant l'acte de commerce par
nature comme critère de définition de la notion de commerçant. En outre, le contenu
de 1' acte de commerce par nature a été enrichi à travers la requalification des actes des
sociétés commerciales traditionnellement formels, en actes de commerce par nature.
Dès lors, seuls sont exclus de la commercialité les actes de commerce purement formels. Cela marque une évolution dans la compréhension du statut du commerçant et
de la théorie des actes de commerce. ll reste cependant que des réponses apportées
par la doctrine à certains grands débats qui ont eu cours au sujet du commerçant n'ont
pas été intégrées dans le nouveau texte.
DOCTRINE
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Sa définition a connu, au cours des transformations qui ont ponctué les
textes régissant la matière commerciale, des changements parfois profonds.
La conception actuelle de la notion de commerçant est le résultat d'un processus dont le parcours doit être retracé pour une meilleure compréhension.
L'histoire de la définition du commerçant dans les Etats membres de
l'OHADA (2) commence véritablement avec le Code de commerce de 1807
(3). De fait, avant l'indépendance de ces Etats, la législation qui y était
applicable en matière commerciale était le Code de commerce français de
1807 et les textes subséquents, dont 1' application avait été étendue aux colonies (4). Et, après l'accession de ces Etats à l'indépendance, tous ont consacré dans leurs législations le principe de reconduction des textes en vigueur,
en attendant que les parlements respectifs édictent leurs propres normes (5).
Le droit commercial des Etats concernés était donc constitué du Code commerce français et des lois modificatives intervenues en métropole jusqu'en
1960, ajouté à cela de nouvelles lois prises par certains Etats indépendants
(6). Le Code de commerce avait alors réservé l'article 1" à la notion de commerçant. Selon cette disposition, le commerçant est celui qui fait sa profession habituelle d'accomplir des actes de commerce.
En confrontant cette définition à celle retenue par l'article L121.1 du
nouveau Code français du 18 septembre 2000 pour lequel« sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession
habituelle », il apparaît que les deux définitions sont identiques quant au
fond. Quelques différences doivent néanmoins être relevées quant à la
forme. sur· ce point, on note que l'ancienne formulation a été à la fois renversée et mise au pluriel. En outre, le verbe « accomplir » a été remplacé
par le verbe« exercer», ce qui n'entraîne fondamentalement aucune inci-
(1) n pénètre tous les secteurs de la vie économique et des affaires, en général.
Lire à ce sujet Kassa Bi Oula, << Peut-on renouveler la théorie des actes de commerce? », http://biblio.ohada.org/greenstonelcollect/ohada/index/assoc/HASH5de8.
dir/peut-on-renouveler-theorie-actes-commerce.pdf
Le commerçant est la cheville ouvrière de tout ce qui a trait à la matière commerciale. Dès lors, le moindre réajustement du contenu qu'on lui accorde produit des
effets qu'il faut mesurer.
(2) Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. L' institution est née du Traité du même nom signé à Port-Louis en ne-Maurice, le 17 octobre 1993. Elle compte actuellement dix-sept Etats membres.
(3) La naissance de ce Code de commerce aurait été encouragée par l'irritation
de l'Empereur, du fait des spéculations et des trop nombreuses faillites qui ont fait
craindre une crise aux effets néfastes pour la Banque de France. La commission de
rédaction composée de sept membres avait été nommée par 1' arrêté consulaire du 13
Germinal an IX (3 avril 1801). Sa rédaction et la procédure d'adoption furent rapides. Le code fut voté en cinq lois séparées qui furent par la suite rassemblées en un
seul document par la loi du 15 septembre 1807. Mais c'est en 1808, précisément le
l" janvier, qu'il fut déclaré exécutoire. C'est ce qui justifie qu'on le désigne soit par
l'appellation Code de commerce de 1807, soit par la terminologie de Code de commerce de 1808. Pour des informations complémentaires, lire : Riper! (0.) et Roblot
(R.), Traité de droit des affaires, T. 1 V.l, Du droit commercial au droit économique,
parVogel, LGDJ, 19' éd., p. 13.
(4) Lohoues-Oble (J.), «Innovations dans le droit commercial général», Petites
affiches, 13 octobre 2004, n• 205, p. 8.
(5) Idem. L'auteur cite comme exemples de dispositions consacrant cette continuité au sein de certains de ces Etats, l'article 76 de la Constitution ivoirienne du 3
novembre 19(10; l'article 91 de la Constitution sénégalaise du 7 mars 1963.
(6) Lo~oues-Oble (J.), op.cit., p. 8. M- Lohoues-Oble précise ici que seuls le
Sénégal et la Guinée avaient jusque-là élaboré de véritables codes.
Panant 888
Panant 888
INTRODUCTION
Acteur principal de la vie des affaires (1), le commerçant est une personne dont la définition est, au fil de l'évolution de la législation commerciale, très souvent repensée en vue de l'adapter au temps qui impose la
prise en compte d'aspects nouveaux susceptibles de l'affecter.
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denee. M. Dubaele semble ne pas approuver la quasi-similitude établie
entre ces différentes définitions. Pour cet auteur, il existe entre ces deux
conceptions de la notion de commerçant un changement important. ll soutient par exemple que dans la définition retenue par le Code français de
2000, la notion de commerçant est secondaire, puisqu'elle suppose connue
la notion d'acte de commerce, notion de base. En cela, dit-il, cette disposition consacre la primauté de la notion d'acte de commerce (7), contrairement à l'article 1~ du Code de commerce dans sa rédaction de 1807. Quoi
qu'il en soit, les deux approches renvoient aux actes de commerce et à leur
identification. La définition consacrée à l'article Ll21.1 du Code de commerce français de 2000 a survécu à la toute récente modification intervenue en France le 27 juillet 2012 (8).
L'avènement d'une réglementation uniformisée à travers l'OHADA
était attendu. Ce droit sous-régional devait, dès son arrivée, faire face à la
nécessité de définir la notion de commerçant. A ce sujet, l'article 2 de
l'Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général (9) n'a apporté
aucune innovation à la définition jusque-là donnée au commerçant (10). Le
concept en vigueur dans les droits nationaux a ainsi été reconduit. Mais la
révision de l'Acte uniforme de 1997 intervenue en décembre 2010 apporte
un changement à la définition du commerçant, sans doute une réponse aux
multiples insuffisances notées dans l'ancienne définition du commerçant,
et par extension dans la théorie des actes de commerce.
L' article..2 issu de la révision de l'Acte uniforme énonce que le commerçaHt est celui qui fait de l'accomplissement d'actes de commerce par
nature sa profession. On constate que ce texte apporte une importante innovation du point de vue théorique. La qualité de commerçant ne résulte plus
de l'accomplissement pur et simple des actes de commerce, quel qu'en soit
le genre. Pour que cette qualité soit reconnue à une personne, celle-ci doit
accomplir des actes de commerce par nature. Cela révèle l'importance de
la notion d' « acte de commerce » dans la définition du commerçant. ll est
donc judicieux que « l'acte de commerce » soit au préalable défini, avant
toute tentative de compréhension de la notion de commerçant.
La question de la définition de « l'acte de commerce » est embarrassante (11). Cela explique sans doute en partie le fait qu'aucun des législateurs, dont nous avons évoqué les lois, n'ai été préoccupé par l'idée de
donner une définition à cette expression (12). Ce handicap peut cependant
être surmonté par le fait que toutes les catégories d'actes de commerce ont
heureusement été définies par les textes ou par la doctrine (13). Tirant satisfaction de cet apport, l'écueil de la définition peut être considéré comme
surmonté. Dès lors, l'étude de la définition du commerçant retenue par
l'Acte uniforme, au regard de la théorie des actes de commerce, peut être
amorcée.
Celle-ci est construite sur le point suivant : quel jugement peut-on porter sur la définition du commerçant retenue par l'Acte uniforme révisé, au
regard des évolutions antérieures et de la théorie de l'acte de commerce ?
Autrement dit, l'Acte uniforme marque-t-il une évolution dans la théorie du
statut du commerçant ?
Certes, les différents apports réalisés par la nouvelle définition traduisent une évolution certaine dans le statut du commerçant (I). Mais, si cette
évolution peut être, à bien d'égards, saluée, elle demeure insuffisante (II).
(7) Dubaele (Thierry), << Commerçant>>, Rép. com. Dalloz. 2004, p. 3.
(8) http:/lwww.legifrance.gouv.fr/affichCode (19 aot1t 2012).
(9) L'Acte uniforme du 17 avril1997, entré en vigueur le 1~ janvier 1998.
(10) ll constitue une reproduction complète de la formulation contenue à l'article L.121-1 du Code de commerce de 2000.
(11) Houtcief (D.), «Actes de commerce», Rép. com. Dalloz, mai 2008, p. 3.
(12) Ni le Code de commerce de 1807, ni celui issu de la révision et qui a donné
lieu à la redéfinition de la notion de commerçant, ni l'Acte uniforme, et ce malgré la
révision intervenue en 2010 et qui a apporté plusieurs innovations au sein du droit
commercial, n'ont esquissé la moindre définition de l'acte de commerce.
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1- UNE EVOLUTION CERTAINE DANS LA DEFINITION
DU COMMERÇANT
Le droit commercial OHADA a connu des innovations dans certaines
de ses dispositions relatives au statut du commerçant. Ces innovations, qui
traduisent l'évolution du droit commercial, se manifestent à travers la définition des critères de l'acte de commerce par nature (A) et par la requalifi- .
cation des actes des sociétés commerciales (B).
A- La définition des critères de l'acte de commerce par nature
Les articles 3 et 4 de l'ancienne version de l'Acte uniforme portant droit
commercial général n'avaient pas permis de dégager un véritable critère de
l'acte de commerce (14). L'insuffisance est désormais comblée par l'article 3 du nouvel Acte uniforme (15). Selon cette disposition, l'acte de commerce par nature est celui par lequel une personne s'entremet dans la
circulation des biens qu'elle produit ou achète ou par lequel elle fournit des
prestations de service avec l'intention d'en tirer un profit pécuniaire. Mais
cette innovation n'est en réalité que l'intégration dans le texte d'une définition suggérée par la doctrine. Le critère d'entreprise n'a pas été retenu,
ce à juste titre, puisque des commerçants comme les agents d'affaires, les
spéculateurs en bourse n'exercent pas toujours leur activité dans le cadre
(13) Houtcief (D.), op. cit., p. 5 ; Kassia Bi Oula. Ces auteurs ne donnent certes
pas une définition élaborée, mais ils en donnent les grandes lignes, ce qui peut être
considéré comme les fondamentaux de la notion.
(14) Bia Buetusiwa, << La qualité de commerçant en droit congolais et en droit
issu de l'OHADA », Ohadata D-11-70 p. 8; Modi Koko Bebey (H.D.), Droit communautaire des affaires (OHADA CEMAC), T. 1, Droit commercial général et droit
de la concurrence, Ed. Dianoia, Chennevières-sur-Marne, 2008, pp. 23-24.
(15) Modi Koko Bebey, op. cit., pp. 25-26.
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1
i:
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d'une véritable entreprise (16). En revanche, deux critères autrefois proposés par la doctrine, en l'occurrence les critères de circulation ( 1) et de spéculation (2), ont été reconduits.
ture des prestations de service dont il est question dans l' AUDCG peut
désigner des services matériels à l'instar de ceux que fournissent les hôtels,
les restaurants, les pompes funèbres, les agents de publicité (25), les services financiers, ceux de loisirs ou l'activité des intermédiaires (26). Les services peuvent également être d'ordre intellectuel, comme ceux des bureaux
de conseil en organisation par exemple (27).
Toutefois, le critère de circulation des biens présente certaines insuffisances. On lui reproche par exemple d'entretenir une conception trop
étroite et archaïque du droit commercial, perçu comme un droit de petits
boutiquiers (28). En outre, le secteur de l'industrie, qui relève tout aussi du
droit commercial, ne s'intègre pas dans la notion de circulation, puisque
cette dernière opération y est secondaire, par rapport à la transformation
des richesses, fonction principale des entreprises de ce secteur d'activité
(29). Le critère de circulation de biens dans sa définition originelle exclut
du droit commercial l'acte de production (30). Mais le législateur OHADA,
en retenant à coté de la circulation des biens achetés par le commerçant
celle des biens produits, a permis d'intégrer désormais le secteur de l'industrie dans le critère de circulation (31). Cette évolution rend à la fois
cohérente et convaincante la justification du statut de commerçant accordé
à l'industriel, bien que cet acteur économique n'achète pas pour revendre.
La production, en tant qu'activité de l'industriel, fait donc désormais partie de l'acte de commerce (32) par nature, au même titre que le critère de
spéculation.
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1- Le critère de circulation des biens
Le critère de circulation des biens apparaît clairement dans la définition
de l'acte de commerce par nature que contient l'article 3 de l' AUDCG (17).
Le texte considère en effet 1' acte de commerce par nature comme l'acte par
lequel une personne s'entremet dans la circulation des biens qu'elle produit
ou achète ou par lequel elle fournit des prestations de service. Le critère de
circulation des biens permet de comprendre que le commerce consiste dans
la transmission et la distribution des richesses (18). Dès lors, tout acte
concourant à la réalisation de cette fonction sera dit acte de commerce (19).
Peut ainsi rentrer dans cette définition 1' opération qui consiste à acheter des
biens pour les revendre, ou à vendre des biens fabriqués par le fournisseur
lui-même (20).
S'agissant des biens concernés par ces différentes opérations d'actes de
commerce, il faut rappeler que l'article 632 du Code de commerce de 1807
ne visait que les« denrées et marchandises». Jusqu'en 1967 en effet, l'alinéa 2 dans sa formulation originelle mentionnait des « denrées et marchandises ».Mais, sous l'impulsion de la doctrine qui s'est écartée de la
lettre de l'article 632, il y a eu par la suite une extension du contenu de ce
qu'il a été convenu d'appeler« biens» (21). Le texte s'applique à présent
à tous les biens meubles, corporels ou incorporels, quelle qu'en soit la
nature, que ledit bien ait été brut, transformé ou mis en œuvre après achat
(22). L'article 632 du Code commerce étant considéré comme la source
d'inspiration de la quasi-totalité des textes applicables au commerçant et à
son activité au sein des Etats membres de l'OHADA, la transposition de
cette interprétation peut être faite sans contestation sérieuse.
Le critère de circulation présenté par l'Acte uniforme intègre aussi la
fourniture des prestations de service. Le texte permet ainsi de considérer
comme commerçant ceux qui fournissent des biens et services pendant un
certains temps, pour un prix déterminé (23). Font partie du secteur des services « toutes les activités qui contribuent à procurer aux individus ou à la
collectivité une valeur d'usage sans passer par la vente» (24). La fourni-
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(16) Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 26.
(17) Acte uniforme portant Droit commercial général.
(18) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.), op. cit., p. 59.
(19) Kassia Bi Ou1a, op. cit., p. 321.
(20) Mercadal (B.), op. cit., pp. 126-127.
(21) Juris-Classeurs, Ed. Technique,1991, p. 13 ; Pierre-Maurice (S.), op. cit.,
pp. 2-3.
(22) Juris-Classeurs, Ed. Technique, 1991, p. 13 ; Pierre-Maurice (S.), op. cit., p. 3.
(23) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.), op. cit., pp. 38-39.
(24) Bremond (J.) et Geledan (A.), Dictionnaire économique et social, Hatier, in
Juris-Classeurs, Ed. Technique, 1991, p. 20.
(25) Mercadal (B.), op. cit., pp. 126-127. Au sujet des pompes funèbres et leur
considération comme entreprises de fourniture, voir, Paris, 3 mai 1881, DP. 1881.
2.193 ; Corn., 27 mars 2001, Juris-Data n• 008914.
(26) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.), op. cit., pp. 43-44. Les services financiers sont traditionnellement l'apanage des banques dont l'activité est
reconnue commerciale. En ce qui concerne les loisirs, rentrent par exemple dans
cette rubrique et bénéficient d'un caractère commercial les structures de spectacle
public. Les intermédiaires sont par exemple les agents d'affaires, les courtiers, les
commissionnaires, les agents commerciaux. lls sont régis par l'article 169 de
l'AUDCG et sont considérés comme commerçants d'après l'article 170 du même
texte. Toutes ces personnes ne font pas personnellement circuler les richesses, mais
aident les autres à le faire. Elles gèrent de manière générale les affaires des autres.
(27) Mercadal (B.), op. cit., pp. 126-127.
(28) Guyon (Y.), op. cit., p. 50 ; Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.),
op. cit., p. 59.
(29) Guyon (Y.), op. cit., p. 50 ; Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.),
op. cit., p. 59.
(30) Guyon (Y.), op. cit., p. 49. Par exemple les industries extractives, la production agricole, etc.
(31) Cf. article 3 de l' AUDCG. Ce texte définit l'acte de commerce par nature.
(32) Ce critère est, selon l'article 3 de l' AUDCG, l'acte de commerce par nature.
Ce dernier renferme bien dans la définition, outre l'élément« biens achetés», celui
de « biens produits >> qui renvoie à l'industriel.
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2- Le critère de spéculation
i!
L'Acte uniforme précise au sujet du critère de spéculation que celui qui
s'entremet, c'est à-dire qui se retrouve en position d'intermédiaire dans une
opération commerciale, doit le faire en vue d'en « tirer un profit pécuniaire» (33). L'acte gratuit n'est donc pas un acte de commerce. Même
dans l'hypothèse particulière de vente à perte que la loi n'admet que dans
certains cas (34), l'intérêt demeure (35). Mais en réalité, conformément à
l'idée de spéculation, le commerçant doit avoir l'intention de revendre le
bien plus cher qu'il ne l'a acquis (36). ll a ainsi été jugé qu'un marché n'est
commercial que s'il est fait en vue de la réalisation d'un bénéfice. C'est le
caractère commun à tous les actes de commerce (37). Cette condition est
de plus en plus exigée. Toutefois, le critère de spéculation ne parvient pas
à justifier l'exclusion de l'agriculture et de certaines professions libérales
pourtant tournées vers la recherche du gain (38).
En définitive, aucun des critères n'est satisfaisant en lui seul (39). Chacun d'eux n'explique qu'un aspect sans véritablement le caractériser (40).
La définition retenue par l'Acte uniforme s'inscrit en droite ligne de la
position de la jurisprudence française, notamment celle du Conseil d'Etat
(41), mais aussi de la doctrine (42). Les actes de commerce par nature sont
considérés comme tels, quelles que soient les personnes qui les accomplissent (43). Cette position se justifie par leur objet, indépendamment de la
forme qu'ils peuvent prendre (44). Dans la version révisée de l'Acte uniforme, l'on a procédé à une énumération des actes relevant de cette catégorie. Aussi se situe-t-elle à la suite de la définition de l'acte de commerce
par nature. A l'issue de la révision, les actes des sociétés commerciales, tra(33) C'est l'expression employée par le législateur OHADA pour la définition de
l'acte de commerce par nature dans son article 3. C'était déjà le sens que donnait la
jurisprudence à la spéculation: T. corn. Seine, 12 mars 1912, DP. 1912.2. p. 207.
(34) La revente à perte n'est autorisée que dans certains cas : elle est par exemple admise s'agissant des produits alimentaires commercialisés dans un magasin
d'une surface de vente de moins de 300 m', lorsque le prix de revente est aligné sur
le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans
la même zone d'activité. La revente à perte est également autorisée en cas de ventes
volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité
commerciale. La revente à perte est enfin admise si elle n'est que la conséquence de
l'évolution des prix sur le marché, sans qu'il y ait été procédé sciemment au détriment des concurrents. Lire à ce sujet: Houtcief (D.), op. cit., p. 9.
(35) Guyon (Y.), op. cit., p. 49. ll vend soit pour éliminer un concurrent, soit en
escomptant un bénéfice à venir après ce sacrifice.
(36) Houtcieff (D.), op. cit., p. 8.
(37) C.A d'Alger, 19 novembre 1952, Dalloz 1954, p. 541, note P. Chauveau.
(38) Kassia Bi Oula, op. cit., p. 321.
(39) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.), op. cit., p. 61.
(40) Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 27.
(41) CE, 18juin 2007. www.facdedroit-lyon3.com
(42) Dubaele (Th.),« Commerçant», Rép. com. Dalloz, octobre 2004, p. 5.
(43) Juris-Classeur commercial, éd. 1996, p. 5.
(44) Houtcief (D.), «Actes de commerce», Rép. com. Dalloz, mai 2008, p. 7.
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ditionnellement considérés comme des actes de commerce par la forme,
ont été requalifiés en actes de commerce par nature.
B- La requalificaüon des actes des sociétés commerciales
Le critère ayant rendu possible cette requalification est l'exigence d'une
activité effective (1). La conséquence de l'adoption de ce critère est l'exclusion des actes purement formels de toute attribution du statut de commerçant (2).
1- L'exigence d'une activité effective
L'article 3 de l' AUDCG consacré à la définition et à l'énumération des
actes de commerce par nature mentionne « les actes effectués par les sociétés commerciales». Or, traditionnellement, ce type d'actes relève des actes
de commerce par la forme ; comme il résulte de la conjonction des articles
4 de l' AUDCG et de l'article 6 de l'Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et GlE. ll ressort de ces dispositions que la composition
des actes de commerce par la forme comprend outre la lettre de change, le
billet à ordre et le warrant (45), considérés comme commerciaux par la
forme, les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés anonymes
(SA) (46), les sociétés en nom collectif (SNC) et les sociétés en commandite simple (SCS) (47). Ces sociétés sont dites commerciales par la forme,
mais elles accomplissent des actes de commerce par nature énumérés à
l'article 3, à titre de profession. Leur objet est alors commercial. Ainsi,
c'est à juste titre que l' AUDCG a requalifié leurs actes en faisant d'eux
désormais des actes de commerce par nature. Cette requalification s'explique par le critère d'existence d'une activité effective menée par ces
sociétés (48). C'est cet élément qui justifie également l'exclusion des actes
de commerce purement formels.
2- L'exclusion des actes purement formels
L'expression « acte de commerce par la forme » renvoie, comme son
nom l'indique, aux actes de commerce qui ont une nature commerciale en
raison de leur forme (49). Ces actes sont énumérés à l'article 4 de l'Acte
uniforme OHADA portant droit commercial général. Mais cette liste communiquée par l'Acte uniforme est simplement indicative (50).
(45) V. article 4 de l' AUDCG.
(46) Article 6 de l' AUSC/GIE.
(47) Lire à ce sujet Lohoues-Oble (J.), op. cit., p. 9.
(48) Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 30.
(49) Houtcief (D.), Rép. com. Dalloz, mai 2008, p. 5.
(50) La liste des actes de commerce par la forme est précédée de l'adverbe
« notamment», ce qui dénote du caractère non exhaustif des composantes de la
classe des actes de commerce par la forme.
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Les actes ainsi énumérés sont considérés comme relevant d'une catégorie à part, sans doute à cause du fait qu'ils ne correspondent à aucune
activité définie, ce qui les rend réfractaires à toute catégorisation (51). En
outre, il est vertement reproché à la commercialité par la forme d'avoir
compliqué la théorie des actes de commerce, entraînant en même temps
une extension anormale du domaine du droit commercial (52). Pourtant, a
priori, on pourrait penser que la commercialité formelle, en raison de sa
simplicité, représente le type le plus achevé dans la théorie des actes de
commerce (53). Mais la réalité est toute autre, puisque les actes de commerce par la forme sont parfois qualifiés d'imparfaits et d'ambigus (54).
L'élément le plus notable de l'imperfection et de l'ambiguïté concerne
la lettre de change, dont la signature devrait pouvoir conférer la qualité de
commerçant, quel que soit le signataire (55). Mais il n'en est rien. Les tribunaux considèrent, en effet, que le signataire habituel d'une lettre de
change n'acquiert pas le statut de commerçant par ce fait (56). Cette position est somme toute logique, du moment où elle permet de démontrer le
double caractère imparfait et ambigu de la lettre de change et, par extension, des actes de commerce par la forme.
paradoxe. Cette disposition peut permettre de soutenir que l'acte de commerce par la forme peut encore, malgré la révision de l' AUDCG et la relecture de la théorie des actes de commerce, faire conférer la qualité de
commerçant à celui qui l'accomplit. Ce texte consacré par le législateur
OHADA au conjoint du commerçant confère à ce dernier la qualité de
commerçant à certaines conditions : « Le conjoint du commerçant n'a la
qualité de commerçant que s'il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4
ci-dessus, à titre de profession et séparément de ceux de l'autre conjoint. »
Cette règle renvoie à la consultation des articles 3 et 4, dont la satisfaction
des exigences par le conjoint du commerçant pourrait lui permettre d'être
considéré comme commerçant à son tour.
S'agissant de la lettre de change, on admet qu'il est difficile d'envisager qu'une personne acquiert le statut de commerçant à la simple signature
des lettres de change (57). L'ambiguïté ne tient pas tant en ce que l'acte de
commerce par la forme n'est pas un acte de commerce, mais en ce que, face
à la lettre de change, on est en présence ni d'une profession, ni d'une activité (58). C'est certainement pour ces raisons que le législateur OHADA
n'a pas intégré les actes de commerce par la forme dans la définition du
commerçant qu'il retient après la dernière révision de l' AUDCG. Ainsi, en
application du nouvel article 2, celui qui fait un acte de commerce par la
forme, même à titre professionnel, n'est pas un commerçant.
Toutefois, un paradoxe doit être relevé par rapport à l'exclusion des
actes purement formels. C'est la lecture de l'article 7 al. 2 qui dévoile ce
381
Si l'article 3 ne pose aucun problème parce qu'il traite des actes de
commerce par nature qui, conformément à la définition du commerçant,
permettent normalement d'acquérir la qualité de commerçant, l'article 4,
en revanche, renvoie aux actes par la forme dont 1' énumération y a été
amorcée. C'est justement de la juxtaposition de cet article avec l'article 7
al. 2 qu'appara.J."t l'équivoque. Selon l'Acte uniforme, si le conjoint du commerçant exerce même de manière indépendante et à titre professionnelles
actes de commerce par la forme, il ne peut acquérir le statut de commerçant (59). Mais l'article 7 al. 2 qui renvoie aussi à cet article 4 fait appel à
la fois aux actes par nature et par la forme pour conférer le statut de commerçant au conjoint. Ce faisant, il introduit dans la catégorie des opérations
commerciales qui peuven~ faire accorder la qualité de commerçapt à celui
qui les accomplit, les actes de commerce par la forme. sans aucune distinction, remettant ainsi en cause l'article 2. ·
Même en s'interrogeant sur le sens à accorder à la conjonction de coordination« et» qui relie les articles 3 et 4 pour conclure par exemple, qu'il
s'agit pour le conjoint d'accomplir cumulativement ces différents types
d'actes consacrés par les deux textes (ce qui serait incongru), il reste que la
commercialité par la forme y est toujours présente. Sur l'incongruité que
nous relevons, il est curieux qu'il soit exigé au conjoint du commerçant un
accomplissement cumulatif des actes par nature et des actes par la forme
pour que la qualité de commerçant lui soit accordée. Pourquoi faire peser
sur le conjoint cette double exigence, alors que, comparé aux autres prétendants au statut de commerçant, il n'a rien de particulier?
(51) Houtcief (D.), Rép. com. Dalloz, mai 2008, p. 5.
(52) Kassia Bi Oula, op. cit., p. 315.
(53) du Pontavice (E.) et Pichot (J.), Droit commercial, 1" vol. 3' éd., Montchrestien, Paris, 1979, p. 197. Ces auteurs affirment que le critère forme de l'acte de
commerce a l'avantage de la simplicité en ce sens que l'acte de commerce par la
forme interdit à l'interprète de mener toute recherche sur le fond du caractère civil
ou commercial des opérations accomplies ; voir également sur la question, Kassia Bi
Oula, op. cit., p. 322.
(54) Pirovano (A.), « L'ambiguïté des actes de commerce par la forme », D.
1976, chron. p. 249 ; Jeandidier (W.), « L'imparfaite commercialité des sociétés à
objet civil et forme commerciale», D. 1979, chron. p. 7.
(55) Kassia Bi Oula, op. cit., p. 322.
(56) Lire à ce sujet: Paris, 31 mai 1965, Rev. trim. dr. com., 1965, p. 888, obs.
Houin; Aix, 2 février 1973, p. 878, obs. Houin, 1974, p. 63, obs. Jauffret.
(57) Alfandari (E.) et Jeantin (M.), obs. sous Paris, 13 juin 1990, Rev. trim. dr.
cam., 1990, p. 606; Houin (R.), obs. Rev. trim. dr. com., 1963, p. 632, et 1964, p. 145.
(58) Dubaele (Th.), op. cit., p. 5.
L'Acte uniforme peut laisser croire sur ce point qu'il existe une distinction entre commerçants personnes physiques au sens de la définition, de
sorte que certaines personnes, en plus de l'exercice personnel et indépendant de la profession, devraient, en ce qui concerne l'accomplissement des
actes de commerce, établir qu'elles accomplissent à la fois les actes par
nature et les actes par la forme. Une telle discrimination ne s'expliquerait
pas. Si le conjoint du commerçant peut bénéficier du même statut au regard
de la loi, il doit être soumis aux mêmes conditions que tous les autres prétendants à cette qualité. Procéder comme semble le faire l'Acte uniforme,
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(59) La conclusion découle de l'interprétation de l'article 2 de l' AUDCG.
DOCTRINE
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c'est non seulement rompre l'égalité entre les différents postulants à l' exercice de la profession commerciale, alors que ceux-ci sont placés sur le
même palier, mais aussi compliquer davantage l'appréhension du statut
juridique de commençant. Cette incongruité laisserait croire qu'il n'est pas
bon d'être marié avant de s'engager dans une activité commerciale, parce
que, le faisant, on réduirait sensiblement les chances de son conjoint à
accéder au même statut. Et si le conjoint du commerçant visé par le texte
se trouve être une femme (la conjointe), l'exigence de ces conditions spéciales constituerait une violation flagrante des droits de la femme ; notamment ceux reconnus par la convention sur l'élimination de toutes formes de
discriminations à l'égard de la femme (60).
La précision supplémentaire faite par l'article 7 al. 2 qui introduit l'article 4 est source de difficultés. Le législateur OHADA aurait dû s'inspirer
de l'article L-121-3 du Code de commerce français dans la version
actuelle, dont la formulation assez simple met à l'abri de toute équivoque.
Selon cette disposition, « le conjoint d'un commerçant n'est réputé luimême commerçant que s'il exerce une activité commerciale séparée de
celle de son époux ». En marge de la simplicité de ce texte, il convient toutefois de relever que le législateur français n'apporte aucune précision sur
le type d'acte à accomplir par ledit conjoint pour espérer bénéficier de la
qualité de commerçant. La formulation imprécise de l'article 7 al. 2 dénote
bien du caractère insuffisant de l'évolution apportée par la nouvelle défiuition du commerçant à la théorie des actes de commerce.
1- Le maintien du mutisme législatif
Le législateur OHADA comme son homologue français n'a pas défini
le mot profession sur lequel repose le statut de commerçant (61). La
réforme était pourtant l'occasion d'intégrer toutes les propositions doctrinales tendant à corriger les insuffisances que comportait l'ancien texte par
rapport à la théorie du commerçant. L'ancien article 2 de l' AUDCG définissait le commerçant comme celui qui a pour profession habituelle l'accomplissement des actes de commerce. Sans toutefois définir la notion de
profession, le législateur OHADA a néanmoins insisté sur le caractère de
la profession qui doit être habituelle ; traduisant ici l'idée de permanence.
Certainement voulait-il dire que l'accomplissement des actes de commerce
doit être permanent et constant pour qu'une personne soit dite commerçante. Le nouvel article 2 n'a fait aucune indication sur la profession. Or,
le commerçant étant un professionnel de son activité, il aurait été utile
d'avoir la définition que le législateur accorde à cette notion. Ce regrettable manquement confirme le caractère inachevé de la reforme.
Le texte issu de la réforme a cependant corrigé certaines erreurs de
rédaction que comportait son prédécesseur. La correction a consisté en la
suppression de l'adjectif« habituel» qui venait à la suite du mot« profession». L'explication de cette suppression réside dans les commodités linguistiques. De fait, la juxtaposition des mots « profession >> et « habituel >>
constituait un pléonasme.
382
ll- UNE EVOLUTION INSUFFISANTE
L'évolution du droit commercial entreprise par le législateur OHADA à
travers la réforme du statut du commerçant laisse un goût d'inachevé. De
fait, le législateur n'a pas exploité toutes les évolutions que connru"t la doctrine sur certains points relatifs à la personne du commerçant, pour combler
les insuffisances héritées de l'ancien Acte uniforme. On peut ainsi regretter l'absence de définition de la notion de profession (A) et la non consécration du critère d'indépendance dans la défiuition du commerçant (B).
1
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383
2- Les critères de définition de la profession proposés par la doctrine
La doctrine a défiui la notion de profession. La définition proposée par
le Doyen Cornu par exemple rassemble tous les éléments de base que renferme cette notion. Cet auteur défiuit la profession comme étant l'activité
habituellement exercée par une personne pour se procurer des ressources
nécessaires à son existence (62) et qui suppose une certaine habitude. Deux
critères se dégagent ainsi de la notion de profession que le législateur aurait
dû consacrer. n s'agit des critères de répétition (a) et de revenus (b).
A- L'absence de définition de la notion de profession
Le nouvel Acte uniforme n'a pas proposé une défiuition à la notion de
profession. Cette insuffisance transmise par 1' ancien texte consiste à maintenir un mutisme législatif sur la question (1). Mais, comme par le passé,
ce vide est comblé par la doctrine qui a élaboré les critères servant à élaborer une définition de la profession (2).
(60) Résolution 34/180 du 18 décembre 1979 de l'Assemblée plénière de l'ONU,
entrée en vigueur le 3 septembre 1981. Lire les textes pertinents sur la question dans
l'ouvrage de Mbpille Pierre Essaie, Les droits de la femme et de l'enfant, entre universalisme et africanisme, Paris, L'Harmattan, 2012, p. 232. Art. 15 : «Les Etats parties reconnaissent à la femme l'égalité avec l'homme devant la loi», p. 43.
(61) Le nouvel article 2 ne définit la profession dans aucune de ses dispositions.
En France, la même critique est adressée au législateur. V. Ripert (G.) et Roblot (R.),
Traité de droit des affaires, du droit commercial au droit économique, T. 1, par Vogel,
LGDJ, 19' éd., 2001, p. 121.
(62) Cornu (G.), Vocabulaire juridique, 6' éd., 2004, Quadrige, PUF, p. 680 ;
Dubaele (Th.),« Commerçant», Rép. com. Dalloz, octobre 2004, p. 9. Cet auteur
explique que dans son acception primitive, le comportement habituel s'oppose à
1' occasionnel et que 1' habitude est constituée par un élément matériel, qui consiste
dans la répétition constante d'actes de commerce normaux. Endreo (G.), L'habitude,
Dalloz, 1981, chron. 313 ; Guyon (Y), Droit des affaires, T. 1, Paris, Economica, 12'
éd., n• 74 ; Lire également, Commerçant, Juris-Classeur, com. 1995, pp. 5-6.
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DOCTRINE
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a- Le critère de répétition
Le critère de répétition ou de régularité découle de la profession. n comporte un élément matériel et un élément volontaire (63). Concrètement, il a
à sa base l'habitude, qui suppose le renouvellement d'actes de même genre,
et l'état, q.ui renvoie également à l'exercice habituel d'actes de même genre
(64). C'est de là que découle la tautologie (65), qui a sans doute poussé le
législateur OHADA à revoir la formulation de la définition du commerçant
contenue dans le premier livre, en son article 2 de l'Acte uniforme portant
droit commercial général. Signalons à titre de droit comparé que ce même
problème de formulation s'est posé au législateur du Congo démocratique.
Cet Etat avait en effet, du fait de la colonisation, hérité de la définition du
commerçant consacrée par l'article 1" du Code de commerce belge. Au
moment de la rédaction des textes congolais, les rédacteurs ont également
supprimé le mot« habituel» de la définition du commerçant (66).
En marge de cette correction, il faut préciser que l'activité commerciale,
pour être prise en compte comme condition d'attribution de la qualité de
commerçant, doit être réelle et non simplement formelle. ll ne suffit pas de
se déclarer commerçant ou d'accomplir certaines obligations statutaires des
commerçants, comme le paiement de la patente, ou l'immatriculation au
registre de commerce et du crédit mobilier, pour être traité comme tel (67).
Parallèlement, l'activité réelle ne consiste pas en un acte isolé (68). En
effet, celui qui effectue un acte de commerce isolé ne doit pas être considéré comme commerçant (69). La Cour de cassation française est assez
rigoureuse sur ce point. Elle censure les arrêts qui considèrent comme commerçant une personne ayant accompli un seul acte de commerce (70). Mais
la garantie de bénéficier du statut de commerçant ne réside pas non plus
dans la simple addition des actes semblables ; il faut en outre que l'activité
professionnelle procure des revenus.
385
b- Le critère de revenus
Pour être considérée d'après la doctrine comme une profession, l'activité commerciale doit constituer, pour celui qui l'exerce, une source de
revenus nécessaire à son existence (71). L'accomplissement d'actes de
commerce à titre habituel doit être, pour celui qui l'exerce, un « gagnepain » (72). Le Doyen Cornu définit le revenu comme la« ressource périodique d'une personne, issue de son travail (gain, salaire, traitements,
rémunérations) ou de son capital» (73). L'exercice de l'activité commerciale doit conférer un gain à celui qui en est l'auteur et son existence doit
reposer sur ce gain. ll apparru"t ainsi que la personne physique, candidate à
la profession de commerçant, doit poser avec une certaine régularité des
actes de commerce et en faire une source de revenus (74).
A coté de l'absence de définition de la profession, la non consécration
du critère d'indépendance apparaît comme une autre insuffisance de la
récente réforme.
B- La non-consécration du critère d'indépendance
(63) Guyon (Y.), Droit des affaires, T. 1, Droit commercial général et sociétés,
11' éd., p. 64 ; Heudebert-Bouvier (N.), Droit civil et commercial, PUF, 5' éd,. Paris,
2002, pp. 228-229; Didier (P.) et Didier (Ph.), Droit commercial, T. 1, Economica,
Paris, 2005, pp. 658-659.
(64) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blary-Clément (E.), Droit commercial, Montchrestien, !()'éd., p. 50 ; de Juglart (M.) et Ippolito (B.), Cours de droit commercial,
J« vol., 7• éd., Montchrestien, 1981, pp. 143-144. C'est également la position soutenue par la Cour de cassation qui, dans les arrêts suivants, déclare que « l'habitude est
le fait de celui qui se livre à une activité commerciale, donnant lieu à des achats relativement importants de marchandises qui ont été pour la plupart revendues » : Cass.
crim., 13 mai 1882, D. 1882.1.467; Corn., 10 février 1981 :Bull. civ. IV, p. 59, Bull.
civ. IV, p. 191.
(65) Ripert (G.) et Roblot (R.), Traité de droit des affaires, du droit commercial
au droit économique, T. 1, par Vogel, LGDJ, 19' éd., 2001, p. 121 ; Akuété Pedro
(S.), Yado Toé (J.), op. cit., p. 80.
(66) Bia Buetusiwa, op. cit., p. 4.
(67) Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 29. L'auteur donne pour argument que
l'article 38 al. 1« de l'Acte uniforme fait découler une présomption de la qualité de
commerçant de l'immatriculation au registre, or, précise-t-il par la suite, que cette
présomption peut être écartée par la preuve contraire.
(68) Akuété Pedro (S.), op. cit., p .61.
(69) T. corn. Seine, 20 juillet 1934, Gaz. Pal. 1934.2.563 ; Orléans, 17 décembre
1964, D. 1965.330, Rev. trim. dr. com., 1965.575 et obs. Jauffret, Rev. trim. dr. com.,
1963.543, obs. Jauffret ; Aix, 28 février 1973, D. 1974, somm. 111, Rev. trim. dr.
com., 1974.62, obs. Jauffret; Houtcieff (D.), <<Actes de commerce», Rép. com. Dalloz, mai 2008, p. 6.
(70) Corn. 2 octobre. 1985, Bull. civ. no 227 ; Cass, civ., 14 mai 1912, DP.
1912.1.303, S. 1912.1.328 ; CA, 13 octobre 1954.
(71) Ripert et Roblot, Traité de droit des affaires, par Louis Vogel, 19' éd. LGDJ,
p. 122 ; Cornu (G.), Vocabulaire juridique, 6' éd., 2004, Quadrige, PUF, p. 680 ;
Dubaele (Th.), « Commerçant», Rép. com. Dalloz, octobre 2004, p. 9.
(72) Ripert et Roblot, Traité de droit des affaires, Traité de droit commercial par
Emmanuel du Pontavie et Jacques Dupichot, T. 1, /4' éd. Montchrestien, Paris, 1998,
p. 232.
(73) Cornu (G.), op. cit., p. 782.
(74) Pedamon (M.), Droit commercial, Dalloz 1994, pp. 68-69 ; Bia Buetusiwa,
« La qualité de commerçant en droit congolais et en droit issu de l'OAHADA »,
Ohadata D-11-70, p. 4 ; Mercadal (B.), Mémento pratique, droit des affaires contrats et droits de l'entreprise, 1()' éd., 2002, p. 133 ; CA de Paris, 13 janvier 1976,
JCP 1977.ll.l8576, obs. Boitard.
(75) Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 31.
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Les actes de commerce exercés à titre de profession ne suffisent pas à
attribuer la qualité de commerçant. En plus de cette exigence, celui qui veut
bénéficier de la qualité de commerçant doit exercer une activité commerciale de façon personnelle et indépendante. Cette condition d'origine doctrinale n'est évoquée que de façon implicite par législateur (75) (1). Ainsi,
le critère d'indépendance conserve son fondement doctrinal (2).
386
DOCTRINE
1- L'évocation implicite du critère d'indépendance
Parler du critère d'indépendance en droit commercial, et en particulier
par rapport à l'acquisition du statut de commerçant, signifie que pour être
considéré comme commerçant, il faut agir dans le cadre de son activité, en
son nom et pour son compte. Celui qui réclame la qualité de commerçant
doit travailler à ses risques et périls, en toute indépendance.
C'est ce qui justifie le refus de reconnaître la qualité de commerçant à
certaines catégories de personnes notamment les salariés, les gérants, les
dirigeants des sociétés (même lorsque la société est commerciale) (76), les
administrateurs, les voyageurs, les représentants, les placiers, les mandataires (77), à tous ceux qui accomplissent des actes de commerce pour le
compte de l'Etat, que ces personnes soient rémunérées ou non, puisque
elles collaborent tout simplement à l'activité des autres (78). Mais il est
important de préciser que l'indépendance dont il est question dans la définition du commerçant est d'ordre essentiellement juridique, et non économique (79). C'est pour cette raison que la jurisprudence considère comme
commerçants les membres des réseaux de distribution, franchisés ou
concessionnaires, qui exercent le commerce en leur propre compte, malgré
le fait qu'ils se trouvent sous la dépendance économique du fabricant ou du
franchiseur (80).
~..
Ce critère, de création doctrinale n'a été évoqué que de manière incidente par le législateur OHADA. ll faut, en effet, recourir à l'analyse de
l'article 7 al. 2 de l' AUDCG, qw pose pour le conjoint l'exigence d'un
commerce séparé comme condition d'acquisition du statut de commerçant,
pour trouver dans l'Acte uniforme la trace d'une référence au critère d'indépendance. Selon cet article, «le conjoint du commerçant n'a la qualité
de commerçant que s'il accomplit les actes visés aux articles 3 et 4 ci-dessus, à titre de profession et séparément de ceux de l'autre conjoint». Le
conjoint du commerçant n'acquiert la qualité de commerçant que s'il
exerce un commerce séparé. C'est l'adverbe« séparément» contenu dans
cette disposition qui constitue l'unique renvoi à la condition d'indépendance.
DOCfRINE
387
2- Le critère d'indépendance, un fondement toujours doctrinal
Le législateur OHADA n'a pas saisi l'occasion que lui offrait la révision de certaines dispositions pour intégrer dans ses règles la condition
d'indépendance, comme ill' a fait pour les actes de commerce par accessoire (81), notion qui était jusque-là doctrinale et jurisprudentielle (82).
Cette codification aurait dû assurer une consécration formelle du critère
d'indépendance. Tel n'a cependant pas été le cas. C'est l'une des raisons
pour lesquelles nous estimons que la réforme du droit commercial
OHADA n'a pas été menée jusqu'au bout. Ainsi, comme sous l'ère de l'ancien Acte uniforme, 1'étude des conditions légales requises pour bénéficier
de la qualité de commerçant ne comporte, à proprement parler, que deux
éléments : l'accomplissement d'actes de commerce et l'exercice du commerce à titre de profession. Mais comme ces èonditions sont au regard du
droit insuffisantes pour conférer véritablement la qualité de commerçant à
celui qui les accomplit, il faudra toujours emprunter à la doctrine la condition d'indépendance. Le législateur aurait bien pu désormais se passer d'un
tel emprunt en intégrant l'exigence d'indépendance dans ses dispositions.
CONCLUSION
La réforme du statut de commerçant entreprise par le législateur OHADA
s'inscrit dans le mouvement d'évolution des institutions pour une meilleure
appréhension juridique de celles-ci. Le mérite revient au droit OHADA d'avoir osé proposer enfin un critère de commercialité, à la suite d'une réorganisation des composantes des principaux types traditionnels d'actes de
commerce. Cette restructuration a consisté en l'élargissement de l'éventail
des actes de commerce par nature, ce qui permet d'accueillir un grand nombre de personnes au sein de la profession commerciale. En effet, seuls les
actes de commerce parement formels ne conferent pas en principe la qualité
de commerçant à celui qui les accomplit. Avec cette révision du statut de
commerçant, c'est toute la théorie des actes de commerce qui a été revisitée.
Ainsi, le droit OHADA, sous quelques réserves, se positionne comme un
droit déterminé à être à la pointe des innovations et de l'évolution.
(76) Corn., 26 novembre 1990: Bull. civ. IV, p. 207. V. également pour un associé, Corn., 2 mai 1989: Bull. civ., p. 94. Ce sont pourtant les dirigeants qui accomplissent matériellement les actes de commerce. Mais les effets juridiques de ces actes
se produisent directement sur le patrimoine de la société. Lire sur ce point, Guyon
(Y.), op. cit., p. 60.
(77) Guyon (Y.), op. cit., p. 60; de Juglart (M.) et Ippolito (B.), Cours de droit
commercial, 1« vol., 7' éd., Montchrestien, 1981, pp. 147 à 152; Pierre-Maurice (S.),
op. cit., p. 13.
(78) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blacy-Clément (E.), op. cit., p. 48.
(79) Dekeuwer-Defossez (F.) et Blacy-Clément (E.), op. cit., p. 47.
(80) Corn., 21 juin 1983, JCP 1983.IV. p. 275. Lire à ce sujet, pour plus de
détails, Dekeuwer-Defossez (F.) et Blacy-Clément (E.), op. cit., pp. 47-48.
(81) « Les actes de commerce par accessoire ou en vertu de la théorie de l'accessoire sont des actes juridiques dont l'objet n'est pas commercial, mais qui sont
accomplis par un commerçant à l'occasion, ou pour le besoin de son commerce. »
Cf. Modi Koko Bebey (H.D.), op. cit., p. 27.
(82) Lohoues-Oble (J.), op. cit., p. 9.
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