La terre de chez nous, édition du 15 janvier 2014
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La terre de chez nous, édition du 15 janvier 2014
PAGE 12 LA TERRE DE CHEZ NOUS, 15 janvier 2014 ÉLEVAGE Un marché pour la fibre d’alpaga au Québec? Depuis quelques années, les alpagas se multiplient dans les pâturages de la province, au plus grand bonheur de leurs éleveurs qui veulent faire valoir leur fibre fine et chaude sur le marché du textile québécois. MÉLANIE BATHALON JULIE DESBIENS Depuis 2012, Alpaga Québec, une association constituée de 60 éleveurs d’alpagas, œuvre à promouvoir la fibre du camélidé pour favoriser sa mise en marché. Sur la photo : Trois alpagas appartenant à Mélanie Bathalon, propriétaire des Alpagas de la Petite Côte. Or, si le potentiel économique de la toison d’alpaga semble envisageable, il demeure aussi incertain pour l’avenir. C’est pourquoi les acteurs du milieu s’organisent. « On est tous des passionnés de nos animaux, mais il a fallu prendre le temps de voir ce qu’on voulait dans le futur », raconte Catherine Reid, l’une des cofondatrices d’Alpaga Québec et éleveuse d’alpagas depuis 2004, à Argenteuil. En 2012, six fermes d’élevage se sont regroupées dans le but de faire LA TERRE DE CHEZ NOUS, 15 janvier 2014 PAGE 13 ÉLEVAGE avancer l’industrie québécoise de ce ruminant au Québec. Elles ont ainsi fondé Alpaga Québec en collaboration avec neuf éleveurs cofondateurs. L’association compte aujourd’hui une soixantaine d’éleveurs, et ses membres visent à promouvoir la fibre du camélidé pour sa mise en marché. « C’est un produit hypoallergène, sept fois plus chaud que la laine de mouton », affirme Mme Reid. « La fibre peut servir à fabriquer des chaussettes, des bas, des manteaux, des tuques et plus. On peut la filer, la tricoter, la tisser, la feutrer […] », poursuit-elle. Cependant, la transformation de cette fibre demeure, pour l’instant, un défi. Si quelques éleveurs se procurent des équipements de filage, d’autres choisissent de vendre les toisons des bêtes à des coopératives, des filateurs ou des usines de traitement. Il existe notamment une coopérative de transformation en Alberta et une usine au Nouveau-Brunswick, mais ce processus s’avère long et coûteux. Une toison rapporte environ 50 $ par année, mais une fois traitée, sa fibre peut générer des revenus de 500 à 800 $ annuellement, ce qui couvre tout juste les frais d’entretien de l’animal. Un marché risqué? Pour Ronald Boucher, conseiller en économie et gestion au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), section Estrie, la fibre d’alpaga est vouée à une transformation plus artisanale. « Ça ne deviendra jamais une grande industrie, car la main-d’œuvre est trop chère ici. On ne concurrencera pas le Pérou », croit-il. « Pour mettre les chances de notre côté, il faut miser sur un élevage de très haute génétique », affirme Mélanie Bathalon, propriétaire de l’élevage de la Petite Côte à Vaudreuil-Dorion, dont Ariel, la Championne suprême alpaga qui a remporté le concours provincial de Montmagny. C’est pourquoi Alpaga Québec se consacre résolument à la mise en valeur de la reproduction de haute génétique de ces animaux. Au Québec, 450 alpagas sont enregistrés à l’Association canadienne des éleveurs de lamas et d’alpagas et à l’Alpaca Registry aux États-Unis, ce qui leur confère le titre de pur-sang, puisque l’on a procédé à des tests d’ADN à leur naissance. La connaissance de la généalogie permet ainsi de réduire les risques de consanguinité. Selon des caractéristiques bien spécifiques telles la qualité de la fibre et l’ossature évaluées lors de concours, un alpaga possède une valeur de revente s’échelonnant de 500 à 10 000 $. « Le premier jugement d’alpagas au Québec [seulement des alpagas] aura lieu en avril prochain à Drummondville », mentionne Mme Bathalon. Des animaux prestigieux et attachants Les premiers alpagas proviennent des Andes et ont été élevés il y 4 000 ou 5 000 ans par des nobles qui leur vouaient amour et considération. Ils ont franchi les frontières de l’Amérique de Sud vers l’Amérique du Nord dans les années 1980, mais celles-ci se sont refermées en 1998. Au Canada, on dénombre maintenant environ 27 000 alpagas enregistrés. « Le pool génétique est un peu restreint », dit Sylvain Nichols, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Toutefois, il semble que le bassin de ces animaux soit assez diversifié présentement afin de bien perpétuer la descendance. Mentionnons aussi que l’animal est doté d’une santé robuste; il s’adapte bien aux hivers canadiens et nécessite peu de soins. « L’alpaga est un pseudoruminant aux pathologies similaires à celles du mouton et du cheval, mais il possède trois estomacs », ajoute le vétérinaire. Et pour ceux qui se demandent si l’alpaga se mange, les Péruviens le dégustent, mais ici, « il ne faut jamais parler de manger un alpaga, il est presque considéré comme un animal domestique », souligne Sylvain Nichols en riant.