Algérie, années 60

Transcription

Algérie, années 60
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
1
Algérie années 60
Générations de la coopération à l’université : un
engagement diversifié et multiforme, une suridéologisation de l’université
L’indépendance de l’Algérie en juillet 1962, ne
marque pas, en dépit de la radicalisation des violences
sur les derniers mois, de l’incendie de la bibliothèque
universitaire par l’OAS et de l’assassinat
d’enseignants, notamment les six administrateurs des
centres sociaux, de rupture dans les engagements de
certains universitaires français d’Algérie ou
métropolitains dans la naissance et l’accompagnement
de la construction d’une université nationale
algérienne.
Dans cet ordre d’idées et contrairement à ce qui va
être souvent affirmé par le discours politique algérien
— plus particulièrement par les réformateurs de 1971
— l’Université algérienne de 1962 à 1971 n’est pas
complètement dans la continuité de ce qui prévalait
dans la situation coloniale. Globalement, il est vrai,
elle reproduit les structures, le contenu, les méthodes
du système universitaire français en colonie;
cependant il y a déjà en creux des caractéristiques et
des processus qui ne sont pas tout à fait étrangers aux
orientations qu’elle va prendre ; le contexte politicoidéologique, les engagements, positionnements et
orientations des enseignants
vont tendre à des
infléchissements qui pour ne pas être tout à fait
1
En 1971 au moment où est crée le ministère de l’enseignement supérieur est
lancée par le Ministre Mohamed Seddick Benyahia une réforme globale de
l’enseignement supérieur qui se veut rupture avec l’enseignement supérieur
colonial
1
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
2
marquants ne sont pas sans effet sur le sens général de
son évolution et ceci au moins jusqu’aux années 80. Le
basculement vers une université qualitativement
différente, se fait, au milieu des années 80, sous le
double effet d’une massification débridée et d’une
arabisation plus alibi politique que programme
pédagogique rationnel et organisé.
On peut donc sans trop forcer l’histoire, caractériser
la période qui va des années 60 aux années 80 comme
celle d’une génération entendue au sens de Karl
Mannheim en tant que catégorie socio-historique - audelà des effets d'âge - permettant de délimiter l'espace
temps des expériences et des références communes
mais aussi, afin d'expliquer et d'éclairer celle-ci par
celles-là, d’une prise en compte des manifestations
collectives ou individuelles, des pratiques sociales,
politiques et intellectuelles, en tant qu'affirmations
d'engagements donnant sens aux modalités de
rencontre entre des groupes sociaux particuliers et
l'environnement historique qui les configure,
exprimant ou révélant un "air du temps", un "esprit
d'époque"...
Si l’on peut sans doute privilégier les évènements
historiques qu’ont constitué les luttes de libération
nationale et préciser la césure des indépendances
nationales comme le moment fondateur au sens de
Mannheim de cet espace-temps générationnel, comme
lieu nodal d'expression de l'ensemble des autres
phénomènes ; il n'en reste pas moins cependant que la
totalité d'une mouvance générationnelle n'a
généralement pas toujours la même "respiration"
idéologique selon le terme de F. Sirinelli, et qu'on peut
2
Karl Mannheim (présentation de G. Mauger) , Le problème des générations,
Armand Colin, coll. « Hors Collection », 2ième réed, 2011.
2
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
3
distinguer dans cet espace -temps des sous-groupes
ayant une relative autonomie. Une génération
intellectuelle ne se laisse appréhender qu'en
perspective, mais dans le moment, la variété de ces
manifestations, de ces espaces d'expression induit la
question de la représentativité des groupes étudiés, des
discours tenus, des engagements pris ; Se pose ainsi le
problème de "la légitimité paradigmatique", selon les
termes d'Annie Kriegel, d'un groupe, d'une avantgarde comme représentative d'une génération
intellectuelle; il s'agit au-delà du tronc commun de
rendre compte également des "branches", des
"rameaux" des arborescences ou inversement de
caractériser le tronc commun à partir des rameaux
pris in vivo.
Ainsi dans le cas algérien, ces catégories sociales
sommées sous un peu rapidement sous le vocable de
« pieds rouges », sont-elles différenciées entre
communistes, anciens porteurs de valise, trotskistes de
différentes
tendances,
humanistes
chrétiens,
indépendantistes, tiers-mondistes ou simplement
« amis, sympathisants d’un pays sorti d’une guerre
atroce ». De plus, si l'on peut admettre que
l'événement idéologique – ici la décolonisation - est
celui-là même qui définit cette génération
intellectuelle, il reste à préciser ses dimensions dans le
temps et à localiser les générations dans le tissu
historique en en repérant les "générations courtes"
par référence aux « générations longues » selon les
termes de Marc Bloch. A cet égard certains
engagements post-indépendance dans le cas algérien,
n’apparaissent pas être nés comme par « magie » aux
lendemains de l’indépendance mais remontent à la
guerre elle-même, voire au processus induits par la
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
4
libération à la fin de la seconde guerre mondiale.
Si l'approche historique en terme d’espace temps, de
période marquée par un moment fondateur et une
même « respiration idéologique », a le mérite de
rendre compte de cette génération intellectuelle et
politique d'un point de vue de son homogénéité, une
approche plus finement périodisée et synchronique,
par les coups de sonde qu'elle permet
éclaire
davantage la sédimentation de ces milieux
intellectuels, les modes d'articulation entre les
différentes
strates
intellectuelles
dans
des
conjonctures précises la période qui coure entre 62 et
les années 80 qui marquent une rupture qualitative.
2. l’immédiate post-indépendance : 62-65, militants
indépendantistes, révolutionnaires et bâtisseurs. Entre
université et société.
Ce sont quelques douze mille enseignants français qui
vont faire les rentrées scolaires et universitaires de
l’indépendance. Les instituteurs sont les plus
nombreux (plus de 8000) ; Ils ouvrent les écoles, dans
le bled ou les villes, pour beaucoup là où ils étaient
déjà en poste avant l’indépendance. A côté
d’instituteurs diplômés algériens peu nombreux, la
plus grande partie de l’encadrement était constituée
de moniteurs recrutés à titre précaire et révocable,
âgés d’au moins 16 ans, sans obligation d’avoir le
certificat d’études primaires et d’instructeurs de
niveau BEPC. Si l’on n’inclut pas ces catégories
proprement nationales, fraîchement recrutées sur
le tas, dans l’ensemble des enseignants du
3
3
Selon les archives de l’OUCFA, archives Fontainebleau.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
5
primaire, la part des instituteurs français était plus
que majoritaire dans les cycles primaire (plus de
60%) et du secondaire (plus de 70%), dans le même
temps, elle représentait la quasi-majorité dans le
supérieur, plus de 97%. Les institutions
d’enseignement plus que d’autres continuaient à
fonctionner avec un encadrement largement français.
Et l’université plus que d’autres institutions
démarrait avec tout à la fois une direction et des
enseignants français dont certains étaient déjà là et
avaient subi les violences de l’OAS alors que d’autres
venaient de métropole sur une base de soutien de la
révolution algérienne.
L’Université algérienne a eu dans ce contexte comme
gestionnaires et enseignants, en lettres et sciences
humaines, droit et sciences économiques d’immenses
personnalités comme les professeurs Mandouze,
Peyregua, Roussier ( premier doyen), Borella, Tiano,
Février, en médecine, comme les professeurs Joseph
Serror, Pierre Roche, Yves Phèline, Jacques Brehan ,
Pierre Guedj, Michel Martini, Annette Roger, en
psychiatrie comme Alice Cherki, Meyer Timsit, en
mathématiques comme Godement et Bardos. Certains
très vite furent contestés comme le professeur Emile
Sicard « gurvitchien », qui rejoignit Bordeaux. La
recherche aussi avait maintenu des liens très soutenus
avec le CNRS à travers l’organisme de coopération
scientifique, l’OCS (un peu plus tard en 1967 fut créée
le CERDESS) . l’ARDESS (Association Algérienne de
Recherches en Démographie et Sciences Sociales,
association loi 1901 créée par Jacques Breille en 1958
4
5
Et tant d’autres qu’on ne peut tous citer ici et à qui il faut rendre hommage
Centre d’Etudes, de Recherches et de Documentation en Sciences Sociales au
sein de l’IEP d’Alger voir supra.
4
5
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
6
en liaison avec le service statistiques de l’Algérie avec
notamment Alain Darbel, Jean Claude Rivet, Claude
Seibel et Pierre Bourdieu et devenue en 1963
Algérienne), ou le CRAPE (Centre de Recherches en
Anthropologie et Préhistoire) constituèrent des
espaces, où les travaux pionniers comme ceux de
Bourdieu et Sayad ( Le déracinement, Travail et
travailleurs en Algérie ) conjuguant méthodologies
d’enquête quantitatives et qualitatives, approches
ethnographiques de terrain et appareillages
conceptuels, apportèrent beaucoup tant à la formation
de jeunes chercheurs, comme par exemple le regretté
Boukhobza ( qui prit la direction de l’ARDESS
quelque temps après) et à la connaissance des réalités
sociales algériennes.
Certains départements démarrèrent quasiment exnihilo avec la seule bonne volonté d’enseignants, tout à
la fois enseignants, fonctionnaires, experts engagés
pour la construction du nouvel Etat. En droit certains
parmi les magistrats en exercice (173 magistrats
français sont recensés en 64), et les avocats (une
centaine exerçait en 64)
contribuèrent à
l’encadrement de l’institution. En médecine certains
médecins comme les docteurs Michel Martini, Annette
Roger et Serge Fabre, travaillaient aussi bien au
ministère, dans les centres hospitaliers de l’intérieur,
qu’à l’université. En Economie également fut crée
l’Institut de gestion et de planification dirigé par
Peyrega, institut qui a vu la collaboration de jeunes
militants indépendantistes comme Grumbach Tienot
et Michel Ribes . En mathématiques à la rentrée de
6
7
8
Mort assassiné dans la décennie 90
Cf. Etienne LAPASSAT, La justice en Algérie (1962-1968), Paris : Presses de
la F.N.S.P., Coll. « études maghrébines », 1970.
8 Voir annexes biographiques in C. Simon, op cit, p 239-267.
6
7
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
7
1964 dans un département où n’officiait aucun
enseignant local au lendemain de l’indépendance,
arrivent les premiers universitaires engagés « Claude
Bardos, qui vient de sortir de l’École Normale
Supérieure de la rue d’Ulm (ENS), Daniel Lehmann,
qui est passé par celle de Saint Cloud, Henri
Buchwalter, un jeune chercheur de Lyon, et Marc
Roux, assistant à la Faculté des Sciences de Marseille
[puis est mis en place un cycle de conférences]….. Six
mathématiciens au moins répondent à cette invitation
et, parmi eux, Jean-Pierre Serre et Alexandre
Grothendieck, deux titulaires de la médaille Field,
ainsi que Godement lui-même. Parmi les personnalités
et non des moindres, figure Martin Zerner, à
l’époque jeune maître de conférences à la Faculté des
Sciences de Marseille » Et c’est ce dernier « se situant
à l’extrême gauche, sans affiliation organisationnelle,
(…) il avait cru, comme d’autres, que l’indépendance
de l’Algérie s’accompagnerait d’un passage au
socialisme » qui va mettre en place le troisième cycle.
9
10
La rentrée universitaire de 1962 configure ainsi un
champ universitaire et de recherches quelque peu
« hybride » d’une université de la formation continue
ou des étudiants seniors vont coexister à côte d’un
encadrement d’enseignants à peu près de leur âge et
qui s’étaient engagés pour l’indépendance. Cette
caractéristique de « melting-pot » définissait dans le
moment un espace universitaire fait de proximités et
de connivences politiques.
9
Cf. A. El Kolli et M. Zerner, art cit p 94
Ibidem.
10
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
8
En effet, les rentrées universitaires de 1962-63 et 196364 ont vu affluer à l’université, à côté d’un petit
nombre d’étudiants déjà inscrits là, des étudiants
longtemps exilés venant des pays dit « amis et frères »
(pays de l’Est, pays Arabes), de quelque pays
Occidentaux, mais également des lycéens dont la
scolarité secondaire fut largement tronquée, des
militants du parti, des moudjahidines et des cadres
supérieurs du jeune Etat souvent venus compléter ou
continuer des formations arrêtées pour fait de guerre.
Dès les lendemains de l’indépendance, furent mis en
place des examens spéciaux et des sessions de
rattrapage du baccalauréat ; une ouverture plus large
engagée vers différentes catégories sociales exclues
jusque là de l’enseignement supérieur, les critères de
sélection de l’université classique érodés11. Sans doute
y-a-t-il eu là une volonté de rattrapage politique d’un
Etat naissant en manque de cadres nécessaires à son
décollage, mais la transformation des conditions de
recrutement de l’université traditionnelle, sans qu’ait
été pensée la définition des modalités de repêchage,
ouvrait une brèche durable par laquelle allaient se
développer des processus au fondement de sa
désinstitutionnalisation.
A partir de là, et jusqu’aux années 90, le fait d’être ancien Moudjahid (ancien
combattant), donnait comme naturellement droit à l’accès à l’université, avec
une bonification des points et quel qu’ait pu être le niveau scolaire initial.
11
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
9
T.1 — Effectifs des étudiants inscrits dans
l’Université algérienne durant les 4 premières années
qui ont suivi l’indépendance
Nationa Algériens
Non Algériens
Tota
lité
l
Année G
F
T
G
F
T
1962-63 1838 338 2176 392 241 633 2809
1963-64 2425 427 2892 604 387 991 3883
1964-65 3758 721 4479 1006 488 1494 5973
Source : Annuaire statistique, Alger : Ministère de
l’Éducation Nationale, n°1, oct. 1967.
L’Université algérienne 12 va compter en 1962-63
presque trois mille étudiants dont plus des deux tiers
viennent de l’étranger. Il y a là une hétérogénéité des
recrutements — niveaux d’études et langues différents
— qui, même si elle est pensée dans l’immédiat comme
richesse, va se révéler source de contradictions et, à
terme, lourde de conséquences. Ces étudiants ne sont
pas non plus tout à fait jeunes. L’âge moyen en 196465 est de 25,7 chez les étudiants et de 24,6 pour les
filles. Un étudiant sur cinq est âgé de plus de trente
ans13. Cette part relative des étudiants âgés va tendre
à augmenter d’année en année jusque dans les années
soixante-dix et conduire ainsi l’institution à répondre
à une demande spécifique : celle d’une montée des
étudiants salariés, pour laquelle elle n’était pas outre
mesure armée. Les étudiants âgés qui sont le plus
souvent déjà intégrés dans les appareils d’état —
hauts et moyens fonctionnaires de l’administration,
En 1962-63 elle est constituée de l’Université d’Alger, des centres d’Oran et de
Constantine.
13 Voir notre analyse des statistiques universitaires, Physionomie globale de
l’enseignement supérieur algérien de 1962-63 à 1965-66, Alger : CERDES,
1969, p. 24.
12
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
10
des entreprises nationales, du parti, de l’armée et de la
police — vont constituer de plus en plus une
population privilégiée dans l’université naissante.
Dans cette université en gestation, le modèle des
années 80 est déjà à l’œuvre. Certes, par exemple,
l’hégémonie du français ne pose pas encore de
problèmes, cependant la langue arabe pour n’y pas
être totalement affirmée n’y est pas tout à fait absente.
Le nombre d’étudiants venant des pays arabes
apparaît relativement élevé. L’institut d’études
islamiques déjà existant, ainsi que la licence de lettres
arabes au sein de la Faculté des Lettres et Sciences
humaines, recrutent de plus en plus d’étudiants parmi
les enseignants du primaire fraîchement promus
(moniteurs, instituteurs le plus souvent sans diplôme
et issus pour une large part des écoles
traditionnelles14). Les principes d’une différenciation
linguistique sont jetés par la création de sections
arabophones tout d’abord au sein de l’École de
Journalisme (1965) et de la Faculté de Droit et des
Sciences économiques (1967) 15; il n’y a là pour le
moment que des tentatives qui paraissent isolées, ou
du moins prises sur le coup de pressions politiques
conjoncturelles et qui en tous les cas ne remettent pas
fondamentalement en cause le caractère largement
francophone de l’institution. Si l’essentiel apparaissait
dans l’heure ailleurs, dans l’arabisation du primaire,
le débat sur l’arabisation de l’enseignement supérieur
n’en était pas encore à l’affrontement qu’il va
connaitre à la fin des années 70 ; Sont posés de
manière théorique encore tout au long des années
C’est parmi ces derniers que vont être recrutés plus tard certains cadres du
mouvement islamiste.
15
Voir Christiane SOURIAU, « La politique algérienne de l’arabisation »,
Annuaire de l’Afrique du Nord, C.R.E.S.M./C.N.R.S. 1978, pp. 363 et s.
14
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
11
soixante les termes essentiels de la contradiction qui
va s’exprimer sur le terrain dans les années soixantedix.
Une idéologisation excessive
On ne peut s’empêcher aussi de relever le caractère
fortement idéologique des enseignements délivrés dans
une université largement encadrée par des enseignants
français de différents statuts dont les approches
baignent dans un environnement marxiste, tiersmondiste et ne sont nullement tempérées, bien au
contraire, par un militantisme anti-colonial, qui pour
ne pas être récent pour certains n’en est pas moins
fortement engagé.
C’est l’époque de grands débats sur l’autogestion, sur
l’impérialisme16, sur les voies du socialisme, sur les
stratégies de développement et sur la libération
nationale. Les enseignants 17 comme une bonne part
des étudiants se retrouvent tout à la fois dans les
instances de décision politico-économique, et dans
l’université. Cette dernière n’apparaissant souvent
que comme légitimation a posteriori d’exercices de
pouvoirs et de compétences acquises sur le terrain. De
plus le seul fait d’être étudiant, dans le contexte de
pénurie de cadres, se révélait être gratifiant, a priori
— avant toute certification —, pour exercer dans les
secteurs socio-économiques.
Le processus engagé sous l’université coloniale,
instrumentalisation de l’Institution, perméabilité de
celle-ci à l’idéologie dominante, va se trouver ici,
Cf. L’impérialisme, Actes du Colloque tenu à Alger, du 21 au 24 mars 1969,
Alger : SNED, 1970.
17
Nombre d’enseignants étaient conseillers de ministères techniques. Ainsi pour
la faculté de droit et de sciences économiques A. Tiano, Peyregua et G. de
Bermis auquel on doit la théorisation du modèle de développement algérien. Il en
est également pour la médecine, les Ecoles d’ingénieurs.
16
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
12
justement par réaction si l’on peut dire, ou par rejet,
approfondi. Sans triompher, l’idéologie gagnait très
vite du terrain d’autant que toute la société sortie de
la guerre était encore sensible à la mobilisation
politique.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
Un consensus instable
13
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
14
Tout cela n’était pas sans écho sur le mouvement
syndicaliste estudiantin partagé entre une
inféodation politique produite par les
contraintes de l’histoire et une volonté
autonomiste18. L’université connaissait à partir
du coup d’état de juin 1965 et jusqu’à la
réforme de 197119, une série de grèves et de
manifestations dures 20 dont le caractère patent
s’avérait en dépit des déclarations de ses
leaders21, plus politique que strictement
corporatiste ; jusque là — en 1965 —
l’université est l’objet d’un consensus de la
part de l’ensemble des acteurs sociaux. Certes
les étudiants ont-ils eu maille à partir de 1963,
avec le pouvoir Ben Belliste 22 mais
globalement aussi bien le syndicat estudiantin
(UNEA) 23 en « accord critique » avec la voie
choisie, que les populations estudiantines ou le
Voir à ce propos G. PERVILLE, « Les étudiants algériens en guerre (19551962) » in : Armées, guerre et politiques en A.F.N., XIX-XXe siècle, Paris :
Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 1977, pp. 53-79 ; et aussi Les étudiants
algériens de l’université française, thèse d’état histoire, Paris : EHESS, 1980,
publiée sous le même titre, Paris : CNRS, 1984, pp. 28-30.
19 Les revendications étudiantes ne vont pas cesser avec la dissolution de
l’UNEA en janvier 1971 mais elles vont connaître un changement qualitatif à
partir de la promulgation de la Révolution agraire et de la création de l’UNJA en
1975.
20 Grèves et manifestations en février 1968, décembre 1970 ; au début de janvier
1971 la police investit les universités et procède à l’arrestation de nombreux
étudiants. Voir El Moudjahid, 3, 4, 16 janv. 1971. Pour une chronologie plus
détaillée voir G. GRANDGUILLAUME, Relations entre mutations linguistiques
et dynamique sociale dans le Maghreb contemporain, thèse Paris III, 1981, pp.
464-470.Certains enseignants français sont également inquiétés, emprisonnés,
expulsés. Voir C. Simon, Les années pieds- rouges, Paris La Découverte 2009.
21
L’UNEA va surtout mobiliser sur les conditions de vie et d’études.
22 Arrestation par le pouvoir Ben Belliste en août 1964 du président du 6 ème
congrès de l’UNEA en pleine séance de débat.
23 Cf. les déclarations de soutien critique de H. MOUFFOK président de
l’UNEA, in : « Bulletin mensuel de la section d’Oran », l’Étudiant algérien, n°
4, mai 1964, pp. 5 et s.
18
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
15
pouvoir politique et la société civile
s’accordaient sur un modus vivendi à propos
de l’université. Pour la petite bourgeoisie issue
de la colonisation l’institution apparaît comme
le moyen par excellence d’asseoir et d’élargir
sa domination ; pour les catégories sociales de
la paysannerie pauvre et du prolétariat ,
légitimées par la lutte armée, qui investissaient
l’Etat, elle est la clé de délivrance du label de
compétence qui leur manquait et auquel leur
passé devait donner comme naturellement
droit 24, Pour l’Etat naissant, elle devait
produire des cadres dont la société avait
grandement besoin ; Pour les classes
populaires elle apparaît de manière générale,
même si elle est encore lointaine, plus
accessible, puisqu’elle n’était plus la propriété
des colons et était investie par « les algériens »
dont certains étaient de la même extraction
qu’eux.
La mise au pas politique
Ce consensus, cependant, ne tardait pas à s’effriter
sous l’effet d’un double mouvement. Celui d’abord
d’étudiants de plus en plus radicalisés par une
Institution fortement politisée et qui s’opposaient
parfois violemment à un pouvoir entaché d’illégitimité
puisque issu d’un coup d’état militaire ; ensuite celui
né de la volonté d’un pouvoir politique de contrôler,
idéologiquement et politiquement, une institution qui
lui échappait et qui représentait une force de
contestation d’autant plus inadmissible qu’elle lui
paraissait toujours définie de manière exogène. A
partir du coup d’Etat de 65, les enseignants français
24
In : Révolution Africaine n° 308, 17-23 déc. 1970.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
16
dont certains vont pâtir de la répression qui va suivre,
vont être pour une grande majorité progressivement
écartés des décisions et des ministères auxquels ils
collaboraient et limités aux seules activités
pédagogiques..
2. Du coup d’Etat de 65 à l’après mai 68 : de nouvelles
catégories, jeunesse, militantisme et novations
pédagogiques.
Les années qui suivent le coup d’Etat de 65 vont voir
refluer
les vieux militants
indépendantistes
coopérants, engagés tout à la fois dans l’université et
la société pour participer à la concrétisation de ce qui
les avait mobilisés pour la libération nationale ; Par
opposition ceux, venant de France, qui vont rejoindre
l’institution universitaire entre 1965 et 1975,
appartiennent à une autre classe d’âge. Jeunes
normaliens, énarques, universitaires ou sortis des
grandes écoles, ils ont été pour beaucoup, étudiants à
la fin de la guerre d’Algérie. D’autres ont terminé
leurs études, juste après l’indépendance de l’Algérie.
Si les premiers militants indépendantistes à l’image
de Mandouze, de Peyregua en sciences humaines et
sociales, de Godement en mathématiques, de Alice
25
« Les mathématiciens connus qui ont incité leurs jeunes collègues à enseigner
au Département de Mathématiques d’Alger et qui l’ont visité avaient participé au
moins à la campagne contre la torture, en particulier dans ou autour du Comité
Audin. Ils avaient protesté contre le limogeage de Laurent Schwartz de son poste
de professeur à Polytechnique après qu’il ait signé l’appel des 121. Les prises de
position de Godement lui avaient valu d’être plastiqué par l’OAS. Il faut
souligner ici un résultat de leur influence : jusqu’en 1971, il y a toujours eu au
moins un ancien élève de l’ENS au Département de maths d’Alger. Seuls Bardos
et Boutet de Monvel ont enseigné dans le DEA » Cf Amar El Kolli et Martin
Zerner, Une tentative de coopération indépendante : la formation d’une équipe
de recherche en mathématique Alger (1966-1976), Cahiers de la Recherche sur
l’Education et les Savoirs (coordination T. Schinn, D. Veillard, R. Waast) Revue
25
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
17
Cherki, Meyer Timsit en psychiatrie, avaient été
directement engagés dans les luttes anti-coloniales , les
seconds en avaient subi les influences et ont été
surtout marqués par les mobilisations syndicales et les
manifestations contre la guerre, pour la paix ou pour
l’indépendance.
La courte période qui va du coup d’Etat de 65 à
l’après 68 va voir un redéploiement des enseignants de
première génération de la coopération. Les
instituteurs, même ceux qui avaient envisagé de
prendre la nationalité algérienne , quelque peu
désenchantés, vont à partir de 1967, sous le triple effet
de l’avancée de l’arabisation, de leur alignement sur
le statut métropolitain, des difficultés quotidiennes
d’exercice de leur métier, commencer à se replier ou à
prendre leur retraite . Les enseignants du supérieur,
pour ceux qui n’avaient pas été touchés par le contrecoup de l’après 65, se tournent vers les seules activités
pédagogiques ou se replient sur les formations à la
recherche de troisième cycle. A la fin des années 60
furent crées de nouveaux centres de recherche et
dynamisés les anciens qui vont être à partir de 1967
régis par l’OCS (organisme de Coopération
Scientifique) qui avait succédé au CRS (mis en place
par le protocole du 11 juin 1963). Celui-ci s'est vu
confié dès 1963 la gestion de quatre instituts de
recherche
encore
administrés
par
l'Office
26
27
Internationale des Sciences Sociales, n¨9 sept 2010 ;. Cf. également Laurent
Schwartz, Un Mathématicien aux Prises avec le Siècle, Paris, Odile Jacob, 1997.
26
Cf Le témoignage de Charles Koenig, in A. Kadri Instituteurs et enseignants
en Algérie 1945- 1962, Paris, UNSA 2004
27
Cf Louis Rigaud (ancien secrétaire général de l’APIFA) in, Kadri A., Pufin G.
et Roux J.-P., L’Ecole dans l’Algérie coloniale. Conformer ou émanciper ?, Les
Cahiers du centre Henri Aigueperse, Sudel/UNSA, Paris 2004 et A. Kadri, (coll
A. Ghouati) Enseignants et instituteurs en Algérie (1945-1965), rapport de
recherches UNSA/IRES, 2007.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
18
Universitaire et Culturel en Algérie (OUCFA) :
Institut
d'Études
Nucléaires,
Institut
Océanographique, Centre Anti-cancéreux Pierre et
Marie. Curie, le C.R.A.P.E. (Centre de Recherche
Anthropologique et de Préhistoire). En 1967 au sein
de l’Institut d’études politiques dont le premier
directeur Algérien fut Hamid Aberkane fut crée le
premier Centre algérien de recherches et de
documentation en sciences sociales ( CERDESS) dirigé
par Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron pour le
département de sociologie et Jean Leca , Jean Louis
Quermonne secondés par Jean Claude Vatin pour
celui de Sciences politiques Des enseignements
remarquables y furent délivrés entre 1967 et 1971, par
des jeunes professeurs missionnaires - Pierre
Bourdieu, Jean Claude Passeron, Robert Castel,
Abdelmalek Sayad, Jean Pierre Briand, Jean Louis
Saglio, Remi Lenoir auxquels seront associés le
sociolinguiste Luis Priéto, l’ethnologue Cusenier, Des
chercheurs de renom y transitèrent comme Yvonne
Turin.
Le contexte favorisa le développement d’une
coopération de haut niveau de type missionnaires
pour la recherche et l’organisation des troisièmes
cycles. Pierre Bourdieu reviendra donner après 1971
des conférences à l’université d’Alger et au CRAPE. A
la faculté de droit et de sciences économiques, des
coopérations furent développées avec certaines
universités françaises comme Grenoble ou Paris. En
mathématiques un troisième cycle fut crée en relation
avec l’université de Nice où une faculté des sciences
venait d’ouvrir. Un DEA démarra à l’initiative des
professeurs Zerner, Karoubi et Bardos avec la
participation des normaliens Jouanolou et Louis
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
19
Boutet de Montel (67-69) Bernard Filippi (de 1968 à
70), Yves Lombardi et Michel Wirth (en 1970-71)28.
A partir de 1968 et à peu près jusqu’en 1975,
l’université va connaitre l’arrivée des VSNA 29, jeunes
diplômés nourris aux influences du mouvement social
et à celles des luttes anticolonialistes et antiimpérialistes qui culminent avec les manifestattions
contre la guerre du Vietnam. Alors que dans le
contexte
le recrutement des algériens dans
l’université connait une sensible augmentation et que
la
gestion
administrative
des
départements
s’algérianise, ces nouveaux enseignants plus jeunes
que leurs prédécesseurs (à ce moment, la moyenne
d’âge des coopérants est de 35 ans)30 vont être moins
impliqués dans la gestion des institutions et dans la
participation à la vie sociale et politique de la société
locale. Réunis sur la base de sociabilités communes,
d’affinités de formation universitaire ou de luttes en
métropole, ces enseignants vont fonctionner dans
l’entre soi, domiciliés dans des espaces définis, en
cercles quelque peu isolés des populations locales. Les
plus engagés, observateurs des transformations
sociales, produisent analyses et travaux sur celles-ci et
participent aux débats intellectuels dans des espaces et
revues qui reflètent les thèmes et problèmes du
développement et de la construction du socialisme. Le
repli de la coopération des indépendantistes et la
montée des jeunes post-soixante huitards est
Cf Amar El Kolli et Martin Zerner, « une tentative de coopération
indépendante : la formation d’une équipe de recherche en mathématique » Alger
(1966-1976) art cit.
29 Volontaires du Service National Actif (ce terme désignait les appelés du
contingent français qui accomplissaient leur service militaire comme coopérants
à l’étranger).
30
CF Michel Grossetti, « enseignants en coopération » Revue Française de
Sociologie 1986, 27/1, pp 133-148
28
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
20
concomitant du moment où la volonté politique de
réappropriation
nationale
des
institutions
d’enseignement et de recherche connait une inflexion
forte. Dans le contexte, est mise en place une
commission nationale de réforme de l’université qui
ne tranche pas encore clairement sur la question de
l’orientation linguistique, les fins et les fonctions de
l’université nationale.
-Un projet local de réforme avorté
La commission nationale de la réforme mise en place à
la fin de l’année 1969 31 va exprimer un consensus
dans un équilibre instable entre les différentes
orientations socioculturelles et linguistiques que
confirment à la fois sa composition et l’orientation de
ses débats. Si la composition de la commission
apparaît savamment dosée, il faut remarquer que les
enseignants sont sous-représentés, 10 membres sur 52,
ils sont tous de rang magistral ou occupent des
fonctions de direction, la base, personnel enseignant et
étudiants n’est pas du tout représentée 32. A une
critique idéologique du système hérité, vont répondre
au sein de la commission, des propositions
idéologiques nulle part articulées sur des chiffres, sur
une analyse concrète du système d’enseignement 33.
Ainsi les orientations débattues, algérianisation,
arabisation, démocratisation, orientation scientifique
Décret du 31 octobre 1969 ; installée officiellement le 5 décembre 1969. Cf. El
Moujahid, 6 déc. 1969.
32
Composition de la commission nationale de réforme de l’enseignement, liste
des membres, secrétariat général, déc. 1969.
33
Les rapports des commissions spécialisées traitent tous de manière très
générale, souvent comparative avec les pays développés, de la seule dimension
« culturelle » du système d’enseignement. Cf. Rapport de la commission
nationale de réforme de l’enseignement, 1ère session, 3-6 févr. 1970, Alger, doc.
Ronéoté ; et rapport de la même commission, 2ème session 27-30 avril 1970, doc.
ronéoté.
31
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
21
et technique vont se développer sur un socle
philosophique non dénué d’arrières pensées
politiques. Très vite, le débat se focalise sur la
question de l’arabisation — la première session qui
devait traiter des programmes de travail des quatre
sous-commissions ne débat en fait que des conditions
de l’arabisation du système d’enseignement 34. L’écho
public orchestré autour des travaux de la Commission
nationale, par la publication d’opinions dans les
journaux El Moudjahid et Révolution Africaine va lui
aussi tourner autour du problème de la langue
d’enseignement et du bilinguisme 35. C’est que le lobby
arabisant qui contrôle la commission 36 tente la
rupture par une volonté de radicalisation du
processus : aussi est présenté à la troisième session,
(15 juillet 1970 ) de la Commission nationale, un
projet de résolution à propos de l’arabisation du
système d’enseignement où la sous-commission décide
dans un article 1 « l’institution de la langue arabe
comme langue d’enseignement pour toutes les
disciplines, à tous les niveaux et dans tous les ordres
d’enseignements et ce à partir de l’année 1970-71 », et
précise les mesures adéquates — article 4 — qui
« devront être prises pour que l’arabisation dans les
institutions soit réalisée dans un délai n’excédant pas
cinq années » 37. Le consensus de départ semblait être
Sur 36 pages de compte-rendu de débats, 24 traitent de l’arabisation. Cf.
Document compte-rendu analytique des six séances de la 1ère session de la
Commission de la réforme de l’enseignement, doc. ronéoté, 3-6 févr. 1970.
35
El Moudjahid va ouvrir ses colonnes à des opinions très tranchées ; en réalité
c’est pour mieux défendre une position médiane dans les enjeux politiques du
moment. Cf. « Arabisation opinion des lecteurs El Moudjahid, 27 avril 1970, p.
11 ; et « Débats autour de l’arabisation », El Moudjahid, 14 avril 1970, p. 5.
36
Notamment le Ministre de l’éducation nationale, Taleb El Ibrahim, et AbdelHamid Mehri Secrétaire général.
37
Cf. Projet de résolution présenté par la sous-commission de l’arabisation à la
3ème session de la Commission nationale de réforme de l’enseignement, 15 juillet
34
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
22
remis en cause sous la pression des partisans de
l’arabisation rapide et volontariste, n’eût été
l’intervention du président Boumedienne pour qui
l’arabisation « est un objectif stratégique »38. C’est
une évidence, il n’y a pas de doute sur la volonté
d’arabisation du président Boumedienne ; celui-ci
arabophone de formation 39, n’envisageait pas l’avenir
du pays sans une arabisation « profonde, générale et
absolue » 40. Mais pragmatique, lucide et peut-être
prisonnier à la fois des enjeux et des influences de la
technocratie ascendante, il jouait de fait un rôle
modérateur dans le conflit linguistique comme va
l’illustrer plus tard sa positon lors des affrontements
entre étudiants à l’Institut de Droit en 1975 41. Dès
lors, empêtrée dans ses propres contradictions,
secondarisée par la montée de l’idéologie
développementaliste, la Commission de la réforme va
elle-même se trouver devant le fait accompli par la
création d’un Ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche scientifique 42 et la promulgation de
la loi portant réforme des études universitaires43.
3. 1971-1979 Apogée et déclin de la coopération
La réforme de 1971 apparaît avant tout comme un
processus d’intégration à la nation : les présupposés
1970, traduit de l’original en arabe Alger, doc. ronéoté.
38
Discours du président Boumediene lors de la 4ème session de la Commission
nationale de réforme de l’enseignement, 29 janvier 1970, doc. ronéoté de la
Commission.
39 Voir G. GRANDGUILLAUME, op. cit.
40
Ibid
41 Boumediene reçut les étudiants qui s’affrontaient, se contenta de les calmer en
réaffirmant ses positions de principe sans que les arabisants aient été suivis dans
leurs revendications.
42
Ordonnance du 21 juillet 1970.
43 Décrets et arrêtés du 25 avril 1971.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
23
politiques qui sont au fondement de la définition de
l’institution sont ceux de l’intégration de celle-ci au
projet politique mis en œuvre. « L’Algérie n’a que
faire de diplômés formés dans leur pays mais qui ne
portent pas les marques des préoccupations des
problèmes, des options de leur propre pays. » Le ton
est donné dans la conférence de presse du Ministre de
l’enseignement supérieur présentant « sa » réforme44.
L’exigence de l’heure est que l’étudiant « porte les
marques de sa nation » 45. L’élite que l’Etat veut
produire, n’est pas celle qui serait compétente
techniquement, mais bien celle qui ayant intériorisé
les principes politiques, pourrait « gérer », pour
l’Etat, la société civile. Le volontariat étudiant de la
révolution agraire 46 par exemple, a pu constituer à cet
égard un moment fort de la jonction entre le discours
politique, le discours pédagogique 47 et les attentes
d’une large partie des populations estudiantines. La
réforme va donc traduire cette
vision d’un
enseignement à la fois engagé et pratique : « notre
volonté de transformer radicalement les structures
sociales, énonce le ministre, ne peut s’accommoder de
pures abstractions »48. Défini idéologiquement
l’enseignement se doit d’être « adapté » — maître mot
— à la réalité. « On abolira dans toutes les sections,
prévoient les mesures pour la première rentrée de
in : La réforme de l’enseignement supérieur, op. cit., p. 12.
Ibid.
46 Voir J. KREMER, Le volontariat étudiant de la révolution agraire, thèse de
troisième cycle, université de Paris8.
47 Discours « préscientifique » « qui n’a pas produit encore ses repères
théoriques et institutionnels au sens de : qui est qui ? Qui dit quoi ? « Voir A.
ALI-BOUACHA, « Analyse du discours en sciences sociales en Algérie », in :
Colloque sur les sciences sociales aujourd’hui, Université d’Oran, Alger : OPU,
1986, p. 267.
48
M. S. Benyahia, « Discours au XXIV ème Congrès international de sociologie »,
op.cit., p. 9.
44
45
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
24
réforme, l’ensemble des matières qui surchargent
dangereusement les programmes (langues mortes et
formes archaïques des langues vivantes) et tous les
archaïsmes (histoire de la philosophie notamment) au
profit des problèmes et des questions d’actualité »49.
L’adaptation passe ainsi d’abord, selon les
réformateurs, par une rupture pédagogique. « On
veillera à n’accorder aucune place au vieil
académisme, Il ne fait pas de doute que la science qui
aura cours doit être « engagée [...] et [être] une arme
privilégiée de la libération des peuples du Tiersmonde » 50. Il y a dans les présupposés politicoidéologiques de la réforme, une définition fanonienne,
mythique, des principes à la base de la reformulation
des contenus de l’enseignement. Le monde rural doit
être privilégié dans le traitement scientifique :
« l’étude sociologique dans une perspective
dynamique du rôle que les masses rurales peuvent
jouer dans le démarrage est essentiel [...] négliger la
paysannerie pour ne s’occuper que du développement
des secteurs socio-économiques les plus avancés,
constitue, selon le ministre, le refus du progrès pour
l’ensemble du peuple »51.
Ces présupposés sont tout à fait en phase avec le
personnel enseignant coopérant largement issu du
mouvement social de 68. Dans les Facultés de Sciences
humaines, la domination du marxisme mais aussi la
volonté des réformateurs de le tempérer, de
l’accommoder aux valeurs locales, tendent à fortifier
C’est nous qui soulignons. In : La refonte de l’enseignement supérieur, op. cit.,
p. 36.
50 M. S. Benyahia, « Discours au XXIV ème Congrès international de sociologie »,
op.cit., p. 9.
51 Ibid., pp. 9-10.
49
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
25
l’engagement des étudiants et à les instrumentaliser.
On peut sans forcer l’histoire conclure que
l’université d’Alger fut dans le contexte un vrai
laboratoire, centre d’expérimentation, de novations
pédagogiques, de formation , de débats intellectuels ,
de ce qui va constituer l’encadrement de nombre
d’universités françaises dans les années 80. En 71-72
les effectifs d’enseignants étrangers représentent
encore 86, 6% de l’ensemble, c’est dire leur poids
dans l’institution ; la part des français, même
concurrencée par les arrivées d’enseignants du
Moyen-Orient et des pays de l’Est reste majoritaire.
Beaucoup parmi ceux qui enseignaient en Algérie vont
s’affirmer quelques années plus tard dans le champ
intellectuel et de la recherche en France. Balibar,
Labica, Bidet, Lecourt, Galichet Gadant en
philosophie, Briand, Lenoir, Penneff, Glassman,
Cuche en sociologie, Imberty, Zoulim en Psychologie,
Gallissot, Lacoste, Cabot, en histoire et géographie,
Palloix en économie, Collot, Soulier, Timsit, Vatin,
Gourdon, Henry, Miaille, Bontemps, Lafargue, David,
Etienne, Bontemps, Journès en droit et sciences
politiques. Les jeunes normaliens, politologues,
juristes,
économistes
historiens
géographes,
philosophes, sociologues, anthropologues, littéraires ,
proches de leurs étudiants, tentent des novations
pédagogiques, lancent des enquêtes, produisent des
travaux de terrain, s’engagent dans des débats
intellectuels vifs dans un contexte de radicalisation des
luttes entre les deux blocs et d’émergence du « Tiersmonde ». Des missionnaires, M. Rodinson, J. Berque,
52
On ne peut tous les citer (à l’Institut de droit d’Alger et pour la seule
conférence de méthode ils étaient une vingtaine) et il y a sans doute à faire une
histoire sociale pour chaque discipline et voir ce que sont devenus en France tous
ces jeunes coopérants.
52
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
26
P. Bourdieu, Y. Turin, venant de l’Ecole pratique des
hautes études, du CNRS, des universités contribuaient
à nourrir les débats et à poser de nouvelles
problématiques de l’Islam dans ses rapports au
capitalisme et au socialisme, des processus
d’acculturation, de l’éducation, des transitions.
Les départements de sciences sociales et humaines
connaissent les mêmes débats que ceux qui ont cours
dans les universités françaises aussi bien les
universités expérimentales, nées de l’après 68, comme
Vincennes, Dauphine ou même celles plus anciennes
comme Nanterre, La Sorbonne, Grenoble et d’autres.
Dans le contexte les sciences sociales se doivent de
participer, selon le pouvoir politique à « l’élaboration
d’une
culture
nationale
progressiste
et
révolutionnaire ». L’université doit amener l’étudiant
à « imprégner ses diplômes de la réalité vécue, en leur
faisant porter la double estampille de l’action
révolutionnaire et du travail intellectuel » 53 réaffirme
le ministre de l’enseignement supérieur. Ce
volontarisme politique apparaît tout à la fois comme
une volonté de récupérer l’activisme étudiant à son
sommet, autour des années 70, et d’instrumentaliser
l’Institution. Cette affirmation du politique ne pouvait
se faire que par une dénonciation des vecteurs
scientifiques de la domination culturelle coloniale et
subséquemment par la production d’une définition de
contenus d’enseignement symétriquement opposables
à ceux qui perduraient de cette période. La réforme
se propose de « décoloniser les sciences de
l’homme »54. Celles-ci ont été longtemps solidaires de
M. S. Benyahia,op. cit., p. 11.
M. S. Benyahia, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique, « Discours au XXIVème Congrès international de sociologie, 25-30
53
54
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
27
l’entreprise de colonisation et par là même elles sont
entachées d’illégitimité ; « L’ethnologie qui a participé
totalement du système colonial dont elle est la création
et dont elle a accepté les présupposés » 55 est visée en
premier. « La décolonisation a [aussi] des aspects
scientifiques. Le rejet de l’ethnologie comme discipline
d’étude propre aux pays en voie de développement en
est un »56. Le certificat d’ethnologie qui avait cours
dans l’ancienne Faculté de Lettres et Sciences
humaines va être en conséquence supprimé, la
discipline étant considérée comme « désuète dans ses
méthodes et ses conclusions scientifiquement peu
valables parce que généralement fondées sur des
postulats contestables »57. Les autres disciplines —
« philosophie, histoire, langue et culture arabe » 58 —
doivent être « décontaminées »59. L’enseignement est
aussi appelé a lutter en premier lieu contre « toutes les
formes d’aliénations dans la formation de l’esprit »60.
Dans l’éclectisme ambiant ce qui va prédominer chez
les étudiants, conjugué à son avatar idéologique
d’Etat : c’est
un certain marxisme « délavé »,
stéréotypé. L’Institution apparaît ainsi comme le lieu
par excellence d’assujettissement du discours
pédagogique au discours politique61.
mars 1974 », Alger : Revue l’université, mars-avril 1975, p. 9.
55 Ibid. p. 4.
56
Ibid. p. 9.
57 Ibid. p. 9.
58
In : La refonte de l’enseignement supérieur, op. cit., p. 36.
59 Selon le mot employé, op. cit., p. 36. Les termes employés comme la
procédure en qualifiant de « suspectes » certaines sciences (op. cit., p. 36) va
entacher de manière indélébile celles-ci et par extension ceux qui vont s’y frotter.
Cette manière de voir a pu faire le lit de la dénonciation intégriste actuelle des
« sciences occidentales » et de ceux qui en seraient les vecteurs de diffusion, les
intellectuels francophones.
60 Ibid., p. 35.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
28
L’euphorie de la construction d’un « avenir radieux »,
assurée par la rapidité d’accroissement des effectifs
étudiants, n’a eu d’égales dans le contexte que les
mésinterprétations développées par des travaux
universitaires qui étaient plus exutoires d’un
militantisme bridé par un Etat « despotique » que de
réelles analyses de déterminations complexes ; Le
moment était à la mise en place du modèle algérien de
développement, au lancement de l’industrialisation, à
la réforme agraire , à celle du statut du travailleur ;
les approches se faisaient globales, elles portaient sur
les modalités de l’accumulation primitive, sur le
transfert de technologies, sur la nature de la « voie
algérienne » ; la perspective était essentiellement
économiste 62, les démonstrations toutes orientées à
fonder la conformité du modèle à la nature
sociopolitique de l’Etat dont les caractéristiques —
définies comme capitaliste ou national-démocratique
— sont saisies dans le contexte, toujours dans l’a
priori, au prisme d’une relecture mécaniste et
fonctionnaliste de l’œuvre de Marx. Les disciplines
sont appelées à être opérationnelles et participant au
processus de désaliénation. L’économie devient la
discipline centrale, concomitamment à la montée des
économistes coopérants dans les institutions d’Etat,
notamment l’équipe De Bernis au ministère de
l’industrie. Le droit, articulé sur des catégories des
droits économiques et sociaux qui définissaient un
« producteur gestionnaire », un « citoyen travailleur »
fonctionnant sur des présupposés socialistes de « la
Cf. Michel Foucault, L’ordre du discours, leçon inaugurale au Collège de
France, Paris : Gallimard, 1989.
62 De nombreux ouvrages ou thèses traitant de l’économie algérienne, du modèle
de développement algérien, de la stratégie d’industrialisation industrialisante, ont
été produits dans le moment.
61
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
29
nature » socio-politique de l’Etat et du projet
politique, se caractérise essentiellement comme un
droit économique 63. Le droit « forme par laquelle la
parole révolutionnaire devient acte » 64 se voit assigner
dans la période, la tâche fondamentale de l’impulsion
de la transformation socio-économique ; chaque
secteur de la réalité sociale va connaître un texte
juridique qui va le régir et qui devient ainsi le moyen
et la fin de sa transformation. Ce volontarisme
juridique, cet envahissement de l’ensemble des
sphères de la vie économique et sociale par le droit,
trouvent dans les années 70 une expression
correspondante dans l’enseignement à travers le
rapide développement et l’importance accrue des
matières portant sur les textes fondamentaux de la
révolution algérienne (révolution agraire, gestion
socialiste des entreprises, statut des travailleurs).
Chargé, au nom d’un enseignement plus adapté aux
réalités nationales, de puiser son objet de manière
prioritaire dans les domaines d’intervention du
pouvoir politique, l’enseignement du droit qui va se
développer dans la période, ne va faire que traduire à
son niveau l’ordre d’importance des questions
politiques. C’est très précisément l’institution
d’enseignement du droit, institution qui réunit dans le
moment plus des trois quarts d’enseignants
coopérants, qui traduit à travers son évolution aussi
bien la prégnance de l’héritage juridique français plus
spécifiquement colonial que les inflexions et ruptures
en œuvre, qui nous paraît à même de révéler à travers
Cf., J.-L. AUTIN, Le droit économique Algérien, l’examen des institutions
juridiques au service de l’analyse juridique, thèse d’état en droit, Université de
Montpellier, 1976, p. 18.
64
Cf. H. GOURDON, « Le régime de l’ordonnance en Algérie, 1965/1975 »,
R.A.S.J.E.P. (1), 1977.
63
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
30
les enjeux institutionnels et politiques « l’air du
temps » du moment générationnel.
4. L’Institut de droit d’Alger, une institution
emblématique
La conception dominante du droit qui a cours dans
l’heure est celle d’un droit qui est indissolublement lié
au politique ; les enseignants vont se faire, au nom du
marxisme triomphant, les critiques des conceptions
positivistes et formalistes du droit.
-Une approche critique du droit
Des novations pédagogiques sont mises en œuvre à
partir de 1971, par les jeunes enseignants marqués
par l’esprit 68. Est mis en place un séminaire central
(conférence de méthode) où se retrouvent une
vingtaine d’enseignants issus de différentes disciplines,
dans une approche critique du droit. Contre le
positivisme juridique, il se propose le projet de la
construction d’une science juridique en rupture avec
les aprioris de la connaissance juridique et les
idéologies théoriques juridiques ; nourri aux avancées
théoriques althussériennes, il aborde le droit dans les
catégories
du
marxisme.
Le
droit
n’est
compréhensible dans cet ordre d’idées qu’à partir
d’une « théorie de la production de la vie sociale » 65 ;
à cet égard il n’est pas simplement un produit de la
société, il est un produit historique d’une société
historique, il est « une instance au sein d’un tout
complexe à dominante »66. Dès lors, sur ce socle
65
M. MIAILLE, Une introduction critique au droit, Paris : Maspéro, 1978, p. 75.
66
Ibid.
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
31
pouvaient dialoguer, la science juridique, la sociologie
et l’économie, appelée chacune à saisir non seulement
les interactions entre niveaux ou instances mais
surtout la logique structurale profonde de
fonctionnement du droit.
Si la démonstration pédagogique a pu se développer
c’est que ces dernières disciplines, la sociologie et
l’économie, appelées à comprendre le droit, étaient,
elles aussi, marquées par le point de vue marxiste ; on
l’a vu, la sociologie et l’économie sont anciennes dans
l’institution ; ce qui change là aussi c’est la manière de
définir l’objet, la manière de l’aborder. A une
sociologie du droit « compréhensive » à une science
économique plutôt néo-classique va succéder dans ces
disciplines une approche critique.
-Une approche surpolitisée du droit : un forum
marxiste
Le contexte sociopolitique aussi y prédisposait ; dans
la phase de l’après décolonisation et celle du marxisme
dominant des années 70, les questions juridiques
étaient posées directement de manière politique. Le
glissement, les dérives vers une approche strictement
politique du droit, essentiellement volontariste 67, ne
pouvaient être dans le moment contestés et
Dans le sens d’une conception instrumentaliste du droit , telle qu’elle a pu être
théorisée par un certain marxisme, notamment à travers la conception
« vichynskienne ». Ce glissement est aussi perceptible, dans le même moment
chez certains jeunes enseignants des facultés de droit en France qui, à partir du
marxisme, vont développer une approche critique du droit. Cf. Les enseignants
chercheurs regroupés autour de la revue Procès de l’Université de Lyon II ; cf.
aussi M. BOURJOL, P. DUJARDIN, J.-J. GLEIZAL, et alii., Pour une critique
du droit, du juridique au politique, Paris/Grenoble : Maspéro/Presses
universitaires de Grenoble, 1978 ; et aussi J.-J. GLEIZAL, Le droit politique de
l’état, Paris : PUF, 1980
67
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
32
durablement combattus. La surpolitisation de la
société algérienne, toute organisée par un Etat
omniprésent et omnipotent, un Etat de plus en plus
« juridique », ne tardait guère en dissolvant l’objet
juridique dans le politique à affecter l’enseignement
du droit ; vont en témoigner les débats de plus en plus
vifs au sein de la conférence de méthode et plus
largement au sein de l’institution, à propos des chartes
et ordonnances portant révolution agraire, gestion
socialiste des entreprises, statut des travailleurs, qui
vont opposer des enseignants sur la nature de la voie
algérienne — socialisme, voie nationale démocratique,
capitalisme d’état — sur la fonction du droit dans ses
différentes phases — droit capitaliste inégal, droit
égal, communiste ou socialiste — et plus loin encore
sur l’opposition droit bourgeois/droit prolétarien et
même sur l’extinction, la fin du droit 68.
Partie sur un projet d’approche critique
pluridisciplinaire du droit, la conférence de méthode
se transformait en cours de route en « forum
marxiste », certes traversé par ses propres
contradictions mais cependant fondamentalement
unilatéral ; c’est du moins l’image qu’elle va renvoyer
de plus en plus aux enseignants privatistes et
arabophones69. Le projet épistémologique et
pédagogique de développer une science juridique
La Revue algérienne des sciences juridiques va notamment répercuter ce débat
à travers une polémique, à propos de la nature socio-politique de l’Etat algérien
et du droit en Algérie, entre le Professeur M. Miaille et le Professeur M. Barak.
Cf. M. MIAILLE, « Contribution à une étude théorique de l’entreprise socialiste
algérienne », R.A.S.J.E.P. (2), 1972 ; M. BARAK, « Quelques remarques à
propos d’une « Contribution à une étude théorique de l’entreprise socialiste
algérienne »« , R.A.S.J.E.P. (2), 1974 ; M. MIAILLE, « Réflexion sur une
contribution théorique concernant l’entreprise socialiste algérienne, réponses à
quelques remarques », R.A.S.J.E.P. (2), 1974. L’un, Miaille, caractérisant la voie
algérienne comme capitalisme d’état, l’autre, Barak, qualifiant celle-ci de voie
nationale et démocratique.
68
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
33
fondée sur la distinction objet de science/objet réel,
d’appréhender le droit non à partir du système visible
des règles mais de leurs déterminations à partir d’une
théorie de leurs formations et de leurs
transformations sociales dans l’histoire, débouchait
compte tenu de la surpolitisation qui caractérisait
l’étape historique, sur la confusion objet de
connaissance / objet réel. Les enseignements
apparaissaient avoir complètement perdu leur
caractère juridique au profit de leur définition
politique.
Articulée sur les critiques politiques et idéologiques
dominantes, l’approche qui se voulait critique du droit
a vite fait de n’être elle-même qu’une idéologie :
confondant objet de connaissance et objet réel la
science juridique qui va être développée au sein des
instituts de droit va s’approprier la production
juridique en la questionnant par la confrontation de
l’idéologie qui la supporte — dans le cas d’espèce le
socialisme — aux pratiques qu’elle est censée induire.
Ce questionnement va être en même temps
enfermement du droit : cherchant dans les pratiques
sociales et dans celles-ci seulement la non effectivité
des règles édictées, l’enseignement du droit qui va
avoir cours ne prend pas en compte les contradictions
qui traversent le droit lui-même. De fait ce n’est plus
une analyse critique du droit qui va être menée mais
c’est l’applicabilité et la déformation de celui-ci qui
sont dans chaque cas mesurées à un droit — au moins
dans sa version étatique — présupposé homogène,
radical et en avance sur l’infrastructure qu’il était
chargé de transformer.
Dans la section arabophone certains enseignants, notamment libanais,
minoritaires, intègrent dans leur démarche le point de vue marxiste.
69
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
34
La « science juridique » développée va tendre
ainsi à devenir de plus en plus la science des décalages,
des non-correspondances entre le nouveau droit et la
réalité, entre celui-ci et les faits ; s’attachant à saisir
les processus par lesquels le droit réduirait tout ce qui
lui est extérieur elle aboutit à hypostasier le droit.
L’analyse qui va avoir cours dans les instituts de droit,
toujours sous-tendue par une vision de l’Etat fondée
sur un a priori sociologique — la nature sociopolitique
de l’état est toujours posée, rarement démontrée — va
occulter ce que la formation du droit doit aux
contradictions de la sphère politique et ce qui est
dissimulé dans les pratiques sociales. Ces occultations
sont d’autant mieux réalisées que la production
juridique va fonctionner dans la logique de cette
approche positive de l’Etat, « lieu de fabrication » de
la société, « créateur des rapports sociaux » 70 et
qu’elle n’est envisagée que comme instrument de
transformation et de progrès, rarement comme
processus de légitimation ou prémices de nouveaux
rapports de domination.
-Le reflux de l’enseignement critique
Le reflux de ces enseignements est concomitant du
reflux de la coopération : les enseignants soixantehuitards, et notamment le professeur Miaille, vont se
redéployer sur les facultés françaises ; les Algériens
qui les remplaçaient étaient fragilisés sous le double
plan du statut — ils étaient plus généralement de
grade subalterne — et de la langue d’exercice,
Selon les qualifications de J. LECA et J.-C. VATIN, « Le système politique
algérien (1976-78) » in : Le développement politique au Maghreb, CRESMCNRS, 1979.
70
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
35
stigmatisés en tant que francophones dans un contexte
de radicalisation du processus d’arabisation. Il y a
ensuite le remplacement de l’équipe dirigeante
d’agrégés de droit public de l’Institut —
principalement les Doyens Mahiou et Bencheikh, qui
avaient permis et conforté le travail engagé avec la
réforme — par une équipe de privatistes de surcroît
exerçant en qualité d’avocats (A. Berchiche, M.
Mentalechta) ; Plus encore, c’est bien le statut de la
sociologie et de l’économie à l’Institut de Droit qui
continuait à poser problème pour les « positivistes » ;
sitôt les juristes conscients de la nécessité d’une
pluridisciplinarité dans l’approche des phénomènes
juridiques partis ou marginalisés, ces deux disciplines
apparaissaient complètement étrangères, exogènes, en
porte à faux par rapport aux enseignements en cours,
d’autant plus que les enseignants qui en étaient en
charge ne relevaient pas eux-mêmes statutairement de
l’Institut de Droit. Le solidarisme juridique reprenait
très vite le pas pour confiner ces enseignements. A
partir de l’année 1976, la conférence de méthode va
peu à peu éclater : l’enseignant chargé des cours
d’introduction au droit et de méthode de la science
juridique, avocat et professeur (Le professeur Salah
Bey), tentait de secondariser la sociologie et
l’économie dans la problématique juridique, puis se
dissociait complètement. Les enseignants d’économie
et de sociologie tentaient alors une marche en duo qui
n’eut guère de suite. Ces derniers, remplacés par la
nouvelle direction et renvoyés dans leurs instituts
d’origine, la conférence de méthode disparaissait à
partir de la fin des années 70. Un réaménagement des
programmes en 1985 y mit fin, ainsi qu’au séminaire
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
36
de troisième année 71 et de fait l’ère politique
s’engageait déjà dans une phase de restructuration
hybride qui annonçait le libéralisme flou des années
90.
-Le retour du refoulé
La
fin
de
cette
expérience
pédagogique
pluridisciplinaire apparaissait comme un « retour du
refoulé »72. Celui-ci, pourtant, n’avait guère cessé
d’être explicite, notamment dans la section
arabophone. De fait l’échec d’un enseignement
réellement pluridisciplinaire en section francophone
venait simplement remettre en quelque sorte les
choses en l’état. Il faisait rentrer dans les rangs une
formation qui avait pu apparaître en rupture.
L’arabisation totale de l’institution après 1983 venait
achever le processus. Sans doute avait-on pu croire
que face à un enseignement qui devenait, sous l’effet
de l’approche critique, plus politisé, moins juridique,
se développait un enseignement plus centré sur le
droit, sur les règles et les procédures. En effet la
connaissance du droit qui s’est développée dans la
décennie 70, si elle s’est exprimée principalement dans
une modalité politique, n’a de fait pas remis en cause
complètement la conception positiviste du droit.
Mais là aussi la dérive avait été forte. Plus que
l’envahissement du droit par le politique et ses
Celui-ci pour la raison que les thèmes — la révolution agraire, la gestion
socialiste des entreprises, le statut des travailleurs — qu’il abordait n’étaient plus
d’actualité
72
Selon l’expression de R.-N. SAADI, « Quelques réflexions sur l’état de la
science juridique en Algérie », art. cit., p. 317.
71
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
37
catégories, plus que l’instrumentalisation du droit et
des pratiques juridiques, ce sont les conditions
concrètes de déroulement de l’action pédagogique qui
sont ici les plus explicatives de l’érosion des catégories
du droit positif. Celles-ci pâtissent, dans leur
transmission pédagogique et leur pérennisation,
d’absences, de manquements, d’insuffisances :
insuffisances, on l’a vu, dans la formation des
enseignants et de leur disponibilité, mais surtout de
plus en plus absence d’un socle jurisprudentiel
réellement informatif 73 sur le droit qui se fait, et,
enfin,
manquements
dans
les
supports
74
pédagogiques ;
de
plus
le
caractère
75
« polysystémique » du droit algérien multiplie les
référentialités et accroît les interférences entre
catégories de droit différentes accentuant par là les
indécisions et les confusions théoriques et pratiques.
-Une altération du droit positif
Au bout de la décennie, l’enseignement du droit
s’homogénéise en se politisant d’avantage et
s’appauvrit dans le même temps dans sa référentialité
aux catégories du droit positif. Ce mouvement se fait
parallèlement à un processus qui enregistre un
Sur le caractère informatif de la jurisprudence cf. E. SERVEIN, « Les recueils
d’arrêts et la jurisprudence, pour une approche informationnelle du système
juridique », Procès (3), 1979, pp. 24 et s.
74
Les collections Dalloz, relèvent les auteurs du bilan de la réforme à la faculté
de droit, sont « soit insuffisantes, soit détériorées et ne sont pas remplacées [...]
les ouvrages et la documentation en langue nationale sont insignifiants ». Cf.
Bilan de l’application de la réforme de l’enseignement supérieur, rapport de
l’Institut de Droit d’Alger, Polycop; cit., pp. 11 et s.
75 Selon la notion définie par A. ARNAUD, « Rossinante et le cheval de Troie,
juridicité et raison juridique au crible de la grande dichotomie », Procès (1),
1982, p. 23.
73
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
38
décalage qui va en s’approfondissant entre la norme
juridique étatique et les pratiques populaires76.
La transformation pédagogique inaugurée par la
réforme, en altérant profondément le fonds du droit
positif dans sa logique, sa forme, son langage —
altération redoublée par l’irruption de la langue
arabe, obligée, faute d’objet propre et de matière
première, de se cantonner si ce n’est dans la
traduction du droit et de la jurisprudence héritée,
dans la revendication de la Charia — secondarise
l’apprentissage des mécanismes juridiques et
institutionnels au profit de l’inculcation idéologique.
- Conclusion : la montée de l’arabisation, l’extinction
de la coopération.
Quand le premier « doyen » arabophone, monolingue,
— Monsieur Aouabdi — formé en Egypte, prend
l’institution en charge au début de la décennie 8077,
celle-ci est loin de ressembler à celle qu’augurait la
réforme de 1971. En l’espace de 10 ans, le public de
l’Institut de droit s’est considérablement transformé
Cf. J.-R. HENRY, « La redécouverte du droit comme enjeu politique et culturel
et comme objet sociologique », pp. 171-181 in : Droit et environnement social
au Maghreb, colloque du 10-11-12 décembre 1987, Paris/ Casablanca : Ed. du
C.N.R.S./ Fondation du Roi Abdul-Aziz Al Saoud pour les Études Islamiques et
les Sciences Humaines, 1989.
77
Liste des différents doyens de l’Institut de Droit depuis la réforme de 1971 :
1970-1972, M. Mahiou, agrégé de droit public de Paris (francophone).
1973-1976, M. Bencheikh, agrégé de droit public d’Alger
(francophone).
1976-1978, M. Berchiche, avocat agrégé de droit privé d’Alger
(francophone).
1978-1981, M. Terki, avocat agrégé de droit privé d’Alger
(francophone).
1981-1988, M. Aouabdi, maître assistant, docteur d’université
égyptienne (arabophone).
1988-1989, M. Tounsi, maître assistant intérimaire (arabophone).
1989-1991, M. Fekhar, maître assistant inscrit en doctorat (bilingue
imparfait, plutôt arabophone).
1991, M. Zouina, maître assistant (arabophone).
76
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
39
sociologiquement 78 ; l’institut à la fin des années 70 a
tendance à recruter parmi les enfants des « upper
lower » classes 79, des catégories supérieures des
classes populaires ; le corps enseignant s’est aussi
transformé : les enseignants francophones, dans leurs
deux niveaux, gradés et subalternes, sont marginalisés
pour ne pas dire exclus de fait du procès pédagogique,
les premiers se sont repliés sur le magister, les seconds
continuent à justifier leur rôle en enseignant des cours
de terminologie juridique en langue française dans le
tronc commun, cours qui ne sont pas d’ailleurs pris en
charge dans l’examen final ; les enseignants désormais
majoritaires sont les jeunes arabophones monolingues
généralement encore étudiants au niveau des premiers
semestres de magister, nouveau diplôme de troisième
cycle.
Cette transformation sociologique des composantes
sociales de l’institution va s’approfondir dans la
décennie qui va suivre sous l’effet de la massification
et la montée des classes populaires, en se doublant par
une transformation progressive des contenus de
formation réellement délivrés et des modalités de
transmission pédagogique.
Ces processus, dont les fondements historiques ont été
posés par la prise en charge des dimensions culturelle
et éducative par les représentants des oulémas qui dès
1962 ont occupé les ministères et institutions clés, se
sont accélérés sous l’effet du mouvement de
l’arabisation à partir du milieu des années 70.
Cf. supra.
Le recrutement de la faculté de droit dans les années 60 est globalement le fait
des classes moyennes, la catégorie la plus représentée à la faculté de droit est, en
1965, selon un sondage de R. Laffargue, celle ses cadres moyens et employés.
Cf. R. LAFFARGUE, « Les étudiants de la faculté de droit et des sciences
économique d’Alger, quelques chiffres et commentaires », R.A.S.J..E.P., [1967].
78
79
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
40
La période qui court de 1976 à 1983 va marquer le
reflux et la quasi-disparition des coopérants français
dans l’université algérienne. Dans le même moment
une politique de recrutement et de titularisation de
statuts précaires dans l’enseignement supérieur
français agissait comme appel d’air pour des jeunes
enseignants de plus en plus désenchantés et
stigmatisés sous l’effet du mouvement d’une
arabisation à la hussarde.
Par rapport à l’année 1973-74, les effectifs des
arabophones à l’université se sont trouvés multipliés
par quatre en 1977-78. De manière générale, le rythme
de progression des arabophones apparaît comme
nettement plus rapide que celui des francophones et
l’on tendait à une quasi-complète arabisation des
filières sciences sociales sans les mesures ponctuelles
de 1977-78 prises par deux ministres (M. Lacheraf et
A. Rahal) qui voulaient marquer un arrêt. Cependant
cette montée des effectifs confortait un mouvement
jusque là bien timide. La radicalisation cantonnée à la
fin des années 60 au niveau des discours et des
intentions 80 s’affirmait de manière plus ouverte sur le
terrain à l’occasion de l’élection des délégués de
Cf. discours du ministre de l’éducation Taleb El-Ibrahimi dénonçant ceux qui
ne croient pas à l’arabisation et les sommant d’abandonner leurs responsabilités ;
et aussi le débat ouvert, à la limite de la violence, opposant les tenant d’un
bilinguisme de transition, d’une arabisation réfléchie à ceux plus radicalisés qui
ne voyaient dans ces attitudes que résistances néo-coloniales. Cf. à propos de
cette opposition les articles : M. AMGHAR, « L’arabisation, oui mais
comment ? », El Moudjahid Culturel n° 104, 21 déc. 1973 ; M.
FASLA, »L’Union des Écrivains et l’enseignement de la langue arabe », El
Moudjahid Culturel n° 111, 8 févr. 1974 ; et la réponse de A. CHERIET,
« Pourquoi le français », El Moudjahid Culturel n° 113, 22 févr. 1974. Pour une
analyse plus approfondie du débat entre intellectuels à propos de l’arabisation, cf.
G. GRANDGUILLAUME, Les relations entre mutations linguistiques et
dynamique sociale au Maghreb, thèse d’état, Université de Paris V, 1981, pp.
472 et s.
80
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
41
l’Institut de Droit à la Conférence Nationale de la
Jeunesse en mai 1975. Le conflit opposa les étudiants
volontaires de la révolution agraire inscrits dans la
mouvance communiste, contrôlés par le Parti de
l’Avant Garde Socialiste (PAGS), nouvelle mouture
du Parti Communiste Algérien (PCA), aux étudiants
arabophones, sans doute poussés par un lobby installé
dans l’appareil du parti, encore minoritaire, qui
voulait amener Boumédienne à accélérer le
mouvement de l’arabisation et à trancher en leur
faveur81.
Rentré dans les rangs politiquement, temporairement,
le mouvement d’arabisation s’affirmait sur le terrain..
Une « guerre de tranchées » s’installait où la
quotidienneté de l’institution était émaillée de coups
de force pour « bouter » hors de celle-ci tout ce qui
était francophone. Comme si l’intermède de 77-78
faisait redouter une inversion, l’année 1979 voyait un
redoublement de la pression du mouvement de
l’arabisation sur les autorités politiques pour les
amener à aller plus au fond. Une grève dure
revendiquant des débouchés pour les étudiants
arabophones,
l’arabisation
imminente
de
l’administration, l’élargissement de la post-graduation
aux étudiants arabisés, se développa au sein de
l’Université d’Alger de novembre 1979 à janvier 1980.
Elle ne prit fin qu’après une réunion du comité
central du F.L.N. (décembre 1979) ait pris
Ces journées d’affrontements très violents (il y eut deux morts et de nombreux
blessés) nous les vécûmes au sein de l’institution où nous étions chargés
d’assurer le cours de sociologie des premières années francophones. Il n’y a pas
de doute que les incidents furent provoqués par des groupuscules se réclamant de
l’arabisation et de l’anticommunisme « manipulés » par le groupe arabisant au
sein du parti et, disait-on, notamment par M. Chérif-Messaadia qui sous le
président Chadli sera le tout-puissant responsable de l’appareil du parti jusqu’en
décembre 1988.
81
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER A L’UNIVERSITÉ ALGERIENNE
42
formellement des décisions de relance de l’arabisation.
De fait le pouvoir cédait au mouvement par la mise en
œuvre de mesures aucunement préparées : dans
l’enseignement primaire l’enseignement du français
reculait, l’arabisation des filières du moyen et du
secondaire progressait, la dualité des filières du
supérieur allait être supprimée (1983).
Aissa Kadri
Université de Paris8
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER À L’UNIVERSITÉ ALGÉRIENNE
43
DE L’UNIVERSITÉ D’ALGER À L’UNIVERSITÉ ALGÉRIENNE
44

Documents pareils