Pathologies et accidents liés à la plongée sous-marine

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Pathologies et accidents liés à la plongée sous-marine
Pathologies et accidents liés à la plongée sous-marine
Dr Pierre Burton Instructeur 2* CMAS - Charleroi Sport Santé – CHU Charleroi
1. Historique
Si les incursions dans le milieu sous-marin à l’aide de cloches à plongeurs sont connues de longue
date (Alexandre Legrand en 325 après J-C, Halley en 1717) les véritables débuts de l’incursion
humaine dans le milieu sous-marin remontent à l’invention par Siebe du scaphandre dit « pieds
lourds » en 1819.
En 1860 les français Rouquayrol et Denayrouse mettent au point un régulateur à gaz, ancêtre des
détendeurs actuels.
En 1914, le capitaine de Corlieu invente les palmes de plongée.
En 1926, le commandant Leprieur met au point la bouteille d’air comprimé à emporter sur le dos et
le masque de plongée.
En 1937, Commeihnes met au point le premier détendeur « à la demande » qui sera ensuite
perfectionné en 1945 par Cousteau et Gagnan.
2. Modifications physiologiques induites par la plongée.
Les modifications exercées par la plongée sous-marine sur le corps humain résultent des effets
physiques et chimiques de l’augmentation de la pression. Celles-ci entraînent des effets mécaniques
et modifient le taux de dissolution des gaz dans l’organisme.
Une profondeur de 10 m d’eau correspond à une augmentation de la pression d’une atmosphère ou
d’un bar. Les accidents de plongée peuvent être divisés en accidents physiques dus aux effets
mécaniques directs de la pression, en accidents biochimiques dus à la toxicité des gaz, en accident
biophysique résultant des deux effets précédents et correspondant à l’accident de décompression,
en noyades et en agression liée au milieu (faune et flore). Seuls les accidents physiques,
biochimiques et biophysiques sont détaillés dans l’exposé.
3. Accidents physiques
Ceux-ci sont également appelés barotraumatismes et résultent de la loi de Boyle-Mariotte qui
exprime qu’à température constante, le volume d’un gaz est inversémment proportionnel à sa
pression. Il en résulte que lors de la descente en profondeur, les volumes gazeux vont diminuer
tandis qu’ils vont augmenter à la remontée.
Les accidents physiques peuvent donc toucher tous les organes qui contiennent des gaz et seront
plus fréquents dans les faibles profondeurs car les variations de pression y sont les plus importantes.
Les accidents physiques les plus fréquemment rencontrés sont le barotraumatisme de l’oreille
moyenne et de l’oreille interne, les barotraumatismes des sinus, les barotraumatismes dentaires et la
surpression pulmonaire.
Les barotraumatismes d’oreille résultent d’une mauvaise compensation de la différence de pression
entre l’oreille moyenne et l’oreille externe, ce qui se fait normalement via la trompe d’Eustache. Ils
peuvent aller jusqu’à la rupture du tympan voire dans le formes graves jusqu’à la rupture de la
fenêtre ovale ou de la fenêtre ronde et il s’agit d’une urgence ORL.
Les barotraumatismes des sinus sont dus également à un défaut d’équilibrage de la pression entre la
cavité nasale et les sinus le plus souvent par l’obturation des ostia ; il s’ensuit des phénomènes de
décollement au niveau de la muqueuse, source de douleur et d’épistaxis. Ils n’ont toutefois pas de
conséquence grave si ce n’est qu’un barotraumatisme de l’oreille peut y être associé.
Les barotraumatismes dentaires peuvent survenir lorsqu’une bulle d’air est coincée dans une carie
mal obturée et se dilate lors de la remontée ce qui peut provoquer l’explosion de la dent.
La surpression pulmonaire constitue sans nul doute le plus grave des barotraumatismes. Elle
survient lorsqu’il existe un blocage à l’expiration soit parce que le plongeur omet d’expirer à la
remontée soit parce qu’il existe des obstacles anatomiques ou physiologiques (spasme bronchique
de l’asthme, tumeur ou obturation d’une bronche par un bouchon de mucus). La dilatation de l’air
piégé dans les poumons lors de la remontée à la surface va entraîner une rupture plus ou moins
étendue du parenchyme pulmonaire et de l’arbre bronchique avec pneumothorax, emphysème
médiastinal, emphysème cutané et aéroembolie cérébrale par passage de bulles d’air dans les veines
pulmonaires. Sa conséquence est celle d’un pneumothorax aigu, d’une embolie cérébrale et de l’état
de choc qui en découle. Le pronostic vital peut être engagé. Le traitement se fait nécessairement
dans un service de Réanimation de préférence équipé d’un caisson hyperbare.
4. Accidents biochimiques
Les accidents biochimiques sont dus à la toxicité des gaz, dans le cadre de la plongée essentiellement
l’oxygène, le dioxide de carbone et l’azote.
La loi de Dalton énonce qu’à température constante, la pression absolue d’un mélange gazeux est
égale à la somme des pressions partielles qu’auraient ces gaz si ils occupaient seuls le volume total.
Il en découle qu’avec l’augmentation de la pression due à la descente en profondeur, la pression
partielle des différents gaz intervenant dans les échanges gazeux du corps humain va augmenter. Or,
la tolérance du corps humain à ces différents gaz est restreinte à des limites de pression relativement
étroites : en ce qui concerne l’oxygène entre 0,17 bar et 1,6 bar, en ce qui concerne le CO² à partir
de 0,04 bar et quant à l’azote à partir de 6,4 bar.
Toxicité de l’oxygène
Si ce gaz est indispensable à la vie, l’hyperoxie entraîne rapidement des effets secondaires sérieux. La
pression partielle d’oxygène normale est de 0,21 bar ; au-delà de 0,5 bar, on sera confrontés à l’effet
Lorrain-Smith mais ceci ne se manifeste que pour de très longues durées d’exposition par une
bronchopneumonie chronique résultant d’une irritation de la membrane alvéolaire et d’une
destruction de surfactant. L’effet Paul Bert qui lui se manifeste au-delà d’une pression partielle de
1,6 bar est beaucoup plus délétère puisqu’il se traduit par une crise d’intoxication hyperoxique aiguë
menant après un laps de temps variable selon les individus à une syncope brutale accompagnée de
convulsions avec évidemment des conséquences lourdes chez le sujet immergé.
Toxicité de l’azote
Communément appelée ivresse des profondeurs, elle se manifeste à des profondeurs supérieures à
40 mètres par un comportement incohérent pouvant amener à la noyade.
Toxicité de CO²
Une pression pertielle trop élevée en CO² entraîne un essoufflement aux conséquences +/- lourdes ;
sa cause peut être endogène (effort, froid ou matériel mal réglé) mais peut également résulter d’une
bouteille gonflée avec un air pollué.
5. Accident biophysique : accident et maladie de décompression.
La loi de Henry énonce qu’à température constante, la quantité d’un gaz dissoute dans un liquide est
proportionnelle à la pression exercée par le gaz sur ce liquide. Il en résulte, lors de la descente en
profondeur, que l’augmentation de la pression des gaz respirés va entraîner une augmentation de la
saturation de l’organisme en gaz. Ceci n’a pas d’influence sur l’oxygène et le CO² qui sont
métabolisés, mais l’azote, gaz purement diluant ne l’est pas, et il va donc s’accumuler dans les tissus.
Lors de la remontée, le phénomène inverse va se produire et l’organisme va être sursaturé en azote
par rapport à la pression partielle d’azote dans les gaz respirés ; cet azote va donc être relibéré. Il est
logiquement éliminé par voie pulmonaire mais en cas de variations de pressions trop importantes
(remontée trop rapide, non réalisation des paliers de décompression …) ce relargage d’azote va
s’effectuer de manière anormale et libérer des bulles d’azote dans la circulation. Une fois formées,
ces bulles vont se rassembler pour en former de plus grosses ; de plus, en vertu de la loi de BoyleMariotte, avec la diminution de pression qui accompagne la remontée, le volume des bulles va
encore augmenter. Elles vont soit se bloquer dans les tissus et provoquer des lésions locales par
déchirure et écrasement, soit se bloquer dans un vaisseau : lorsque les bulles sont trop nombreuses,
le filtre pulmonaire est « dépassé » et il se produit des embolies paradoxales : une fois passées dans
la circulation artérielle, les bulles vont se retrouver dans des vaisseaux de calibre de plus en plus
étroit et finir par s’y coincer. Dans un premier stade (encore réversible), une bulle bloquée dans un
capillaire va provoquer des réactions locales de spasme et d’œdème avec hypoxie en aval de
l’obstacle. Dans un deuxième stade, les plaquettes sanguines vont s’agglomérer autour de la bulle
pour former un caillot avec thrombose et l’hypoxie va se transformer en anoxie avec acidose .
Symptômes de l’accident de décompression
Les accidents de décompression (ADD) sont classés d’une part en cutanés et ostéo-articulaires (20 %
des cas) et en neurologiques (80 % des cas).
ADD cutanés : on distingue classiquement, les puces, démangeaisons locales accompagnées de
plaques rouges résultant de bulles coincées dans les capillaires cutanés et les moutons,
boursouflures sous-cutanées moins douloureuses dues à une accumulation sous-cutanée de bulles
d’azote.
Les accidents ostéo-articulaires (encore nommés bends) sont dus à des phénomènes de
compression par des bulles bloquées en intra-articulaire et se manifestant par une douleur
d’apparition progressive devenant intolérable et ne répondant pas aux antidouleurs classiques ; seul
le traitement par recompression fait disparaître les douleurs (sans séquelle).
Les accidents neurologiques, les plus fréquents, se manifestent par un état de malaise général et de
fatigue intense. Il en existe trois formes : cérébral, médullaire et vestibulaire (l’oreille interne ayant
une vascularisation de type terminal).
La forme cérébrale qui représente 20 % des ADD peut revêtir des formes multiples en fonction du
territoire embolisé (hémiplégie, cessité, aphasie, épilepsie, troubles visuels ….). Son pronostic est
toutefois meilleur que celui de la forme médullaire.
La forme médullaire, malheureusement la plus fréquente, se manifeste habituellement par une
douleur en coup de poignard dans la région lombaire rapidement accompagnée de paresthésies des
membres inférieurs puis d’une paraplégie progressive avec blocage urinaire. Il s’agit d’un accident
grave entraînant des séquelles définitives dans un tiers des cas.
La forme vestibulaire, qui est indolore, associe des phénomènes de vertiges à des symptômes de
type cochléaire (hypoacousie, surdité).
Il existe très clairement des facteurs aggravants et favorisant de l’ADD et le comportement du
plongeur est souvent en cause. Les plongées profondes ou les plongées successives sont souvent
incriminées. L’état de santé du plongeur joue également un rôle (âge, tabagisme, obésité, manque
d’entraînement, problèmes circulatoires et respiratoires sont autant de facteurs favorisants).
La présence d’un foramen ovale perméable est un facteur bien reconnu favorisant les accidents de
décompression cérébraux. A noter toutefois que statistiquement, un tiers de la population présente
un foramen ovale perméable.
Un des facteurs favorisants le plus souvent incriminé reste toutefois la déshydratation et il est clair
qu’un énorme travail de prévention doit être effectué à ce sujet. En effet, la déshydratation
entraînée par l’immersion est de type iso-osmotique et n’entraîne pas de sensation de soif d’où
l’absence de compensation spontanée des pertes hydriques.
Traitement de l’ADD.
Du point de vue de la prise en charge, on distingue deux types d’accident :
1° les accidents bénins se manifestant par des démangeaisons isolées sans marque cutanée et une
fatigue anormale.
2° les accidents graves qui regroupent toute autre situation. Il est à noter que l’accident de
décompression est quasiment toujours minimisé voire nié par la victime.
L’accident bénin sera pris en charge par l’administration d’oxygène normobar à 100 % au débit de 15
litres par minute et par l’absorption de grandes quantités d’eau. Le sujet doit bénéficier d’une
surveillance de 24 h (pas nécessairement en milieu médical). Si les symptômes n’ont pas disparu
après 30 minutes, l’accident cesse d’être considéré comme bénin et doit être traité comme un
accident grave.
Le traitement de l’accident grave repose essentiellement sur l’oxygénothérapie hyperbare
administrée en caisson hyperbare multiplace. En attendant l’admission au caisson, la prise en charge
initiale consistera en l’administration d’oxygène normobar à 100 % à 15 l/min en maintenant le sujet
à plat sur le dos ou en position latérale stable en lui faisant boire un minimum de 2 l d’eau en 1 h. En
cas de transfert médicalisé, on aura recours à une perfusion de type cristalloïde (sérum
physilogoique).
Le traitement par caisson hyperbare consistera à essayer de diminuer le volume des bulles en les
recomprimant (loi de Boyle et Mariotte) tout en accélérant l’élimination de l’azote en instaurant une
pression partielle d’azote alvéolaire de 0 bar par respiration d’oxygène pur.
Dr Pierre Burton