Drogues - Pharmacie du marché
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Drogues - Pharmacie du marché
MCF_140.qxd 12/04/07 12:14 Page 1 Revue de la Mutuelle Centrale des Finances o n 140 ISSN 1141-4685 Prix 1,14 € Avril 2007 DossIER : Prévention Drogue, alcool, tabac... comment protéger les ados ? MCF_140.qxd page 4 12/04/07 12:14 Page 4 PréventION Drogues et addictions : les produits “tendance” P our les jeunes, le week-end et les vacances sont des périodes propices à faire la fête. Mais aux yeux des adolescents, une fête réussie passe bien souvent par la consommation de substances psychoactives. Alcool, tabac, cannabis, ecstasy, médicaments psychotropes sont les drogues actuellement les plus prisées des jeunes. L’alcool rime avec fête C’est en famille que les adolescents font le plus souvent la découverte de l’alcool. Chez les jeunes de 17-18 ans, 21 % des garçons et 8 % des filles ont consommé de l’alcool au moins dix fois au cours des trente derniers jours. Pour Caroline, élève en classe préparatoire de mathématiques, “il n’y a pas de fête sans alcool. Le samedi soir, on se déchire la tête ! C’est notre façon de décompresser des études”. La consommation excessive d’alcool expose immédiatement jeunes et moins jeunes à des risques majeurs : addiction, diminution de la vigilance à l’origine d’accidents de la circulation, comportements violents… Les filles fument davantage que les garçons Aujourd’hui, l’âge moyen de la première cigarette est 13,5 ans. “J’ai allumé ma première cigarette en 4e pour faire comme les copains, se rappelle Raphaëlle, âgée de 17 ans. Aujourd’hui, je fume un demi-paquet par jour. Je sais que le tabac, c’est mauvais pour la santé mais ça me permet de moins manger et de ne pas grossir.”Les jeunes filles de 17-18 ans sont aujourd’hui plus nombreuses à fumer que les garçons. Dans cette tranche d’âge, elles sont en effet 48 % à fumer, contre 47 % des garçons. La dépendance au tabac est rapide et forte. Le tabac est responsable, à lui seul, de 60 000 morts chaque année ! L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) estime qu’un cancer sur quatre est aujourd’hui associé au tabac. Le cannabis est le produit illicite le plus consommé Le cannabis est, de loin, le produit illicite le plus consommé par la population. À 17 ans, un jeune sur deux déclare avoir fumé du cannabis au moins une fois dans sa vie. “L’essai se fait en moyenne vers 15 ans. Les garçons sont davantage concernés et commencent plus jeunes”, signale le guide Drogues et dépendances, édité par l’Inpes. “Sur le plan social, il est courant de constater une démotivation scolaire, due notamment aux difficultés de concentration au collège et à la maison… On observe également de fréquents replis sur soi”, attestent les auteurs du guide Les drogues, édité par la Mutualité française. “Au début, raconte Maxime, c’était pour rigoler avec les copains. Mais petit à petit, j’ai commencé à fumer seul, le soir, dans ma chambre. Ça m’aidait à m’endormir. Progressivement, j’ai allumé mon premier joint avant d’aller en cours. Je ne fichais plus rien, tout m’était égal. J’étais devenu indifférent aux autres et à moi-même.” Âgé de 17 ans à cette époque, Maxime s’est retrouvé en échec scolaire. Ce n’est qu’avec le soutien de ses parents et une prise en charge dans un service de psychiatrie adolescente qu’il a réussi à se sortir de ce mauvais pas. L’ecstasy fait des morts et des victimes d’abus sexuels En 2003, 5,2 % des garçons et 3 % des filles de 17-18 ans déclaraient avoir pris Interview En dix ans, la consommation de cannabis a fortement augmenté en France, notamment chez les jeunes. Cet usage s’ajoute souvent à une consommation festive d’autres substances psychoactives, comme l’alcool ou l’ecstasy. Le point sur les tendances actuelles de consommation et leurs différents risques. MCF_140.qxd 12/04/07 12:14 Page 5 Interview de l’ecstasy au moins une fois dans leur vie. En 2004, la police a constaté quatre décès liés à l’ecstasy. “Mais il est possible que certains décès provoqués par ces drogues de synthèse (ecstasy, amphétamines) échappent aux services de police”, souligne le guide de l’Inpes. L’ecstasy provoque, dans un premier temps, une certaine euphorie, une sensation de bien-être et de plaisir. En général, les effets durent entre deux et quatre heures, avant la “descente” qui s’apparente à une forme de dépression plus ou moins intense. La consommation d’ecstasy peut provoquer une grave déshydratation de l’organisme et une élévation de sa température, à l’origine de décès, des troubles neuropsychiatriques (angoisses et hallucinations), des troubles digestifs, des pertes de connaissance, des arythmies cardiaques. L’ecstasy peut aussi être responsable de dépressions graves et de lésions irréversibles des cellules nerveuses. “Des affaires de soumission chimique de victimes droguées à leur insu à des fins sexuelles ou criminelles ont fait aussi la une de l’actualité”, précisent les auteurs du guide Les drogues. Les médicaments psychotropes sont détournés de leur usage Tranquillisants, anxiolytiques, somnifères, hypnotiques, neuroleptiques, antidépresseurs : 31 % des filles de 17-18 ans et 11 % des garçons du même âge ont consommé un médicament psychotrope. Le produit n’a été prescrit que dans la moitié des cas. Ce sont principalement les jeunes filles qui “piochent” dans la pharmacie familiale. Le guide Les drogues affirme enfin : “On réalise aujourd’hui que les psychotropes sont à l’origine de nombreux accidents de la route, d’accidents domestiques de toutes sortes et de passages à l’acte violents. On constate par ailleurs les effets d’une accoutumance développée dès l’adolescence chez ceux qui ont dû consommer régulièrement des tranquillisants et des hypnotiques.” Ghislaine Trabacchi Pour en savoir plus : Le guide Drogues et dépendance. Tout savoir sur les drogues, l’alcool et le tabac est téléchargeable sur le site de l’Inpes : www.inpes.sante.fr Vous pouvez aussi le commander en appelant Drogues info service au 0 800 23 13 13 Les drogues, par le Dr William Lowenstein, le Dr Jean-Pierre Tarot, le Dr Olivier Phan et Pierre Simon, édité par la Mutualité française et Librio, est vendu dans les librairies. Il peut aussi être commandé sur le site : www.mutualite.fr Cannabis : “La consommation d’un adolescent est préoccupante dès qu’elle devient régulière” Entretien avec le Dr Olivier Phan, psychiatre et responsable médical du centre Émergence de l’Institut mutualiste Montsouris à Paris (IMM), géré par la Mutualité fonction publique (MFP) et spécialisé dans la prise en charge des toxicomanies. Chez un adolescent, faut-il faire une différence entre une consommation occasionnelle, régulière, et abusive du cannabis ? Dr Olivier Phan – Chez l’adolescent, la consommation de cannabis peut être considérée comme préoccupante dès qu’elle devient régulière. Un usage occasionnel est, dans la plupart des cas, festif. Il ne faut pas le banaliser, en raison notamment des effets immédiats sur la conduite d’engin à moteur. Mais il ne doit pas faire l’objet d’une surdramatisation, dont les effets sur les liens familiaux seraient bien plus délétères que la prise du produit en elle-même. MCF_140.qxd page 6 12/04/07 12:14 Page 6 PréventION st Interview lescengtuelière” o d : a s n i ’u b Can“nLaaconsomnmteadtèiosnqud’elle devient ré al ble médic sponsa Paris a tre et re préoccup Dr Olivier Phan, pmsyutuchaialiste MontsoPu)riest àspécialisé F avec le lique (M l’Institut Entretiene Émergence de té Fonction pub li du centr ré par la Mutua es toxicomanies. (IMM), gé rise en charge d dans la p Cependant, lorsqu’un adolescent entre dans le circuit des drogues illicites, les parents doivent être vigilants et surtout à l’écoute de leur enfant. Ils doivent chercher à comprendre les raisons de cette consommation. Parler d’escalade serait abusif, mais il faut garder à l’esprit que si les consommateurs de cannabis en viennent rarement à l’héroïne, tous les usagers d’héroïne ont débuté par le cannabis. Il faut également essayer de discerner certaines formes d’usage. Par exemple, un adolescent peut commencer à fumer des joints pour lutter contre des difficultés d’endormissement. C’est une façon de gérer le problème en prenant un produit psychoactif sans s’attaquer au véritable trouble. Cet usage peut entraîner des adolescents à fumer de plus en plus régulièrement et les faire basculer vers la dépendance. Quels sont les signes qui doivent alerter les parents ? Dr O. P. – La chute du niveau scolaire est le signe le plus marquant. Le problème de la consommation de cannabis, c’est qu’elle arrive souvent au plus mauvais moment. Cette drogue, dont les effets durent environ huit heures, altère les capacités d’apprentissage et fait ainsi beaucoup plus de dégâts chez un adolescent pendant ses études que chez un adulte qui a une situation professionnelle établie. Un autre signe caractéristique est l’isolement d’un jeune vis-à-vis de sa famille et de ses amis. Devant un adolescent renfermé, qui ne sort pas et qui a de moins en moins de contacts avec l’extérieur, la question de la consommation de cannabis doit être évoquée. D’autres manifestations doivent également alerter les parents : des relations familiales qui deviennent subitement extrêmement conflictuelles, une absence de motivation, y compris pour des activités qu’il aimait pratiquer, la disparition de ses affaires personnelles ou le vol d’argent à la maison. Que doivent faire les parents qui sont confrontés à une telle situation ? Dr O. P. – Pour les parents, la première étape est d’avoir une discussion ouverte avec leur enfant, quelle que soit sa consommation. Ils doivent lui montrer qu’ils sont attentifs et prêts à l’aider. Bien souvent, la consommation de cannabis est une revendication de l’adolescent, alimentée par la musique, la mode, etc. Il ne faut pas dramatiser cette situation et agir, bien au contraire, avec discernement. Il existe toute une culture autour du cannabis. La remettre en cause trop violemment reviendrait à s’attaquer à l’identité de l’adolescent. Il faut surtout discuter des conséquences avec lui. L’arrêt du cannabis n’est pas un objectif en soi, mais il est souvent un des préalables essentiels pour préserver sa santé mentale et physique. Et même s’il se rebiffe en apparence, au fond de lui-même, il n’est pas du tout sûr qu’il le prenne si mal que cela. Il faut savoir que tout rapprochement des parents est souvent considéré comme une intrusion par un jeune, mais tout éloignement peut aussi être vécu comme un véritable abandon ! Si sa consommation de cannabis est ingérable, voire régulière, les parents devront l’amener à consulter. À qui s’adresser pour trouver de l’aide ? Dr O. P. – Depuis 2005, 240 consultations spécialisées dans le cannabis ont été ouvertes dans les centres de lutte contre le tabac, l’alcool et les drogues. Pour des raisons pratiques, il est conseillé de se rendre dans le centre le plus proche de son domicile, en appelant Drogue info service au 0 800 23 13 13. La première étape vise à faire un bilan de la consommation du jeune. Il va contribuer à déterminer la démarche thérapeutique à suivre. Parfois, le simple fait de réaliser ce bilan aide l’adolescent à prendre conscience de son problème et à le régler. Propos recueillis par Philippe Rémond Centre Émergence Espace Tolbiac 6, rue Richemont 75013 Paris [email protected] Tél. : 01 53 82 81 70 Les jeux vidéo peuvent entraîner une dépendance Spécialisé dans la prise en charge des addictions au cannabis, à l’alcool et au tabac, le centre Émergence, à Paris, commence à recevoir des adolescents dépendants des jeux vidéo. “Certains comportements agressifs peuvent être provoqués par des jeux extrêmement violents, explique le Dr Phan, psychiatre et responsable médical du centre. Ces manifestations surviennent chez des enfants déjà fragilisés. Dans ce cas, les jeux vidéo agissent comme catalyseur d’un trouble qui ne demandait qu’à se révéler.” De plus en plus perfectionnés, les jeux vidéo sont conçus de manière à “accrocher” le plus longtemps possible l’attention du joueur, souvent pendant des heures. Le stress lié à la pratique intensive du jeu vidéo libère alors chez le joueur des neuromédiateurs, substances chimiques euphorisantes sécrétées par le cerveau. “Cette caractéristique du jeu vidéo entraîne une addiction au sens propre du terme, poursuit le Dr Phan. Lorsqu’il ne joue pas, l’adolescent peut ressentir une forte frustration et se retrouver en situation de manque.” Ph. R. MCF_140.qxd 12/04/07 12:14 Page 7 Tabac et alcool : jeunes, on vous manipule ! Les cigarettes au chocolat et à la vanille ou les mélanges soda et alcool, vendus sous des packagings très tendance, sont en fait le résultat d’études de marché poussées. Les fabricants de tabac et d’alcool profitent de l’attirance des adolescents pour le sucre pour les rendre dépendants à leurs produits. Ainsi, ils s’assurent de nouveaux clients dans le futur. T out récemment, de nouvelles cigarettes aromatisées ont fait leur apparition dans les bureaux de tabac français. Les noms de ces cigarettes, Black Devil ou Pink Elephant, n’ont pas été choisis au hasard. En réponse au mouvement gothique chez les adolescents, les Black Devil sont présentées dans un paquet noir illustré d’un diablotin ricanant. Le papier même de ces cigarettes est noir, le filtre est sucré, et le tabac qu’elles contiennent est aromatisé au chocolat ou au caramel. Pour leur part, les Pink Elephant sont vendues dans un paquet bleu et rose sur lequel est dessiné un éléphant rose. Les fabricants ont, là aussi, misé sur un message décalé, entre humour et transgression, pour séduire les jeunes. Ces cigarettes sont rose fluorescent, serties d’un anneau doré, et aromatisées à la vanille. Avec leur côté glamour, elles semblent avoir la préférence des jeunes filles. “Les stratégies des fabricants de tabac ciblent les jeunes avec des messages, des thèmes, des couleurs qui les attirent. L’objectif est de les fidéliser dès le plus jeune âge pour qu’ils développent un sentiment d’appartenance et s’identifient à la marque”, met en garde le Comité national contre le tabagisme (CNCT). Autant de goudrons et de nicotine Vendues un peu moins cher qu’un paquet de Marlboro classiques, ces cigarettes sont tout aussi toxiques. Les arômes atténuent certes l’aigreur du tabac, mais elles contiennent les mêmes taux de goudrons et de nicotine que les cigarettes les plus fortes du marché. De fait, la dépendance à la nicotine qu’elles entraînent chez les jeunes consommateurs est tout aussi importante. Actuellement, 38 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans sont fumeurs. Plus de la moitié d’entre eux souhaitent déjà s’arrêter. La stratégie de l’industrie du tabac est proche de celle des producteurs d’alcool avec leurs premix. Ces mélanges de soda et d’alcool fort, notamment de vodka, ont désormais envahi les rayons des supermarchés. Ce sont des boissons d’appel pour les jeunes de 12-14 ans, le plus souvent présentées dans des canettes qui rappellent celles des sodas. Passé cet âge, les jeunes se font eux-mêmes leurs mélanges, encore plus corsés en alcool. “Ces produits sont de plus en plus populaires chez les jeunes adolescents”, note Franck Moulins, animateur de prévention pour l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie). Une image de modernité Habitué à intervenir dans les collèges et les lycées franciliens, l’animateur déplore les idées reçues des jeunes et parfois de leurs parents sur ces boissons. “Ils ne pensent pas qu’elles sont dangereuses, puisqu’elles n’ont pas le goût de l’alcool”, explique-t-il. Boire une canette de premix revient pourtant à boire un ballon de vin rouge ou une canette de bière. Mais cette boisson a pour elle une image de modernité, de nouveauté qui séduit les plus jeunes. “La consommation d’alcool est de plus en plus précoce chez les jeunes, les stratégies marketing des fabricants sont très efficaces”, remarque de son côté Michel Crapelet, alcoologue et médecin délégué à l’Anpaa. Et contrairement au tabac, les risques d’une consommation excessive d’alcool sont immédiats : coma éthylique, comportements à risque tels que rapports sexuels non protégés, conduite en état d’ivresse. Chaque année, des accidents mortels aux sorties de boîtes ou de soirées soulignent le lourd tribut que paie la jeunesse à l’alcool. Joëlle Maraschin Les ados s’expriment sur le Net Sur les forums du Net, les ados échangent librement leurs impressions sur ces nouvelles cigarettes. Morceaux choisis. Kchoue : “Les Pink Elephant sont trop trop bonnes ! Le parfum barbapapa, c’est tout simplement délicieux et il paraît qu’elles sont moins fortes que les autres.” Marc064 : “Ca fait fureur au bahut. C’est agréable d’avoir un goût sucré dans la bouche et non une haleine de chacal après une cigarette.” Seikah : “Je n’aime pas trop le goût de ces cigarettes, mais je les trouve super stylées !” Pierrot69 : “Vous n’êtes que des losers ! Vous n’avez pas encore compris la manipulation des cigarettiers pour vous faire fumer ! Ce n’est pas un bonbon mais une cigarette qui est aussi dangereuse que les autres !” J. M.