Jack Shaheen, une voix au service des minorités
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Jack Shaheen, une voix au service des minorités
Les Libanais dans le monde lundi 17 septembre 2012 Jack Shaheen, une voix au service des minorités 5 Portrait Depuis 35 ans, Jack Shaheen mène une lutte sans merci visant à dénoncer les stéréotypes et les représentations diabolisant les Arabes dans les médias américains. Pauline M. KARROUM, ILLINOIS, ÉTATS-UNIS Dans le monde des médias et des critiques du cinéma, le nom de Jack Shaheen a fait le tour des États-Unis et du monde. Le parcours de ce Libanais d’origine qui a grandi à Pittsburgh est atypique, pour ne pas dire quasi unique, au sein de la communauté araboaméricaine. Actuellement professeur émérite de communication à la Southern Illinois University, l’intrépide Jack Shaheen a été consultant pour la chaîne CBS News pour les affaires du Moyen-Orient. Il a participé à plus d’une centaine de conférences et a été invité à intervenir dans des universités telles qu’Oxford, Harvard, University of Southern California, West Point. Il a également participé à des débats à Londres, Berlin, Paris, Prague, New Delhi. Il est consulté dans des émissions célèbres comme Good Morning America, 48 Hours et The Today Show. Shaheen a également collaboré à des séries télévisées telles que The Lucy Show. C’est dire s’il connaît bien le monde des médias ! Ce professeur a reçu par ailleurs plusieurs récompenses, dont le prix Janet Lee Stevens de l’Université de Pennsylvanie, pour sa contribution à une meilleure compréhension des communautés, et le prix du Comité américano-arabe pour son engagement continuel pour la paix. En bref, son parcours pourrait faire rêver plus d’un, et pourtant les choses n’ont pas du tout été faciles pour lui. Tout commence lorsqu’il publie, au début de sa carrière, des études portant sur l’image des Arabes telle qu’elle est véhiculée par les médias américains. Ses collègues ne comprennent pas, à cette époque, pour quelles raisons un chrétien orthodoxe tient à défendre autant les Arabes et les musulmans. À voir la réaction de nombreux de ses détracteurs, on se dirait que sa cause était presque perdue d’avance... Le premier article qu’il a écrit sur ce sujet n’a d’ailleurs pas été publié durant trois ans. Des dizaines de lettres de refus fusaient de partout lorsqu’il proposait aux maisons d’édition son livre sur La télévision arabe. ricain. Lui s’est battu pour que son livre La télévision arabe soit publié en 1984. Grâce à cette étude, où plus de 100 différents programmes de divertissement, de dessins animés et de documentaires ont été analysés, on découvre quels sont les clichés les plus répandus contre les individus moyen-orientaux. Image négative véhiculée par Hollywood Quelques années plus tard, dans un ouvrage intitulé Les stéréotypes arabes et musulmans dans la culture populaire américaine, Shaheen lève le voile sur la manière dont les médias américains décrivent les pays arabes et la religion musulmane. Les Arabes sont des « violeurs », des « fanatiques religieux riches en pétrole » et des « agresseurs ». Quant aux Mais loin d’être découragé, Jack Shaheen se rappelait cette citation de Martin Luther King Junior : « Le plus grand péché de tous, c’est le silence. » Avant lui, la plupart des membres de la communauté araboaméricaine se contentaient de déplorer l’image négative que renvoit d’eux le cinéma amé- Jack Shaheen lutte inlassablement pour améliorer l’image des Arabo-Américains dans les médias US. femmes, elles sont souvent des « danseuses du ventre ». Les études de ce critique de cinéma permettent par ailleurs de savoir quelles sont les sociétés de production américaines qui mènent campagne contre les Arabes. Dans ses divers films, Golan-Globus Productions semble s’accorder un malin plaisir à faire passer des blagues antiarabes, des références et des images contre eux. À titre d’exemple, le film Delta Force qui montre comment un 707 en route pour New York est piraté par des terroristes palestiniens et détourné vers Beyrouth. Shaheen a par ailleurs le mérite d’avoir étudié des centaines de films produits après le 11 septembre 2001. Dans le livre Coupable : le verdict d’Hollywood sur les Arabes après le 11-Septembre, il montre que les personnages arabes sont généralement les « méchants cheikhs », les « terroristes ». Selon lui, la guerre menée contre le terrorisme depuis que les attentats ont été perpétrés contre les États-Unis ne peut être gagnée si ces stéréotypes contre les Arabes ne sont pas combattus. Il invite aussi l’industrie du cinéma à accorder une plus grande place aux Arabo-Américains. Pour Shaheen, la priorité est aussi à l’amélioration de l’image de la femme arabe au sein du cinéma américain. Or, constate-t-il, « plus ces dernières sont en train d’évoluer, plus Hollywood s’efforce de les garder dans le passé ». Malheureusement, les propositions du critique de cinéma n’aboutissent à aucun résultat. C’est sans doute l’une des raisons qui l’ont poussé à réaliser,en 2006, son documentaire Ces vrais méchants arabes : comment Hollywood avilit un peuple. Tiré de l’un de ses livres, ce documentaire rassemble de nombreux clips qui décortiquent les représentations des Arabes à l’écran. L’un des exemples qu’il donne porte sur des « pirates », tués par dizaines dans le film et souvent décrits comme non seulement dangereux, mais incompétents. En gros, constate Shaheen, « on ne peut dénombrer que douze films qui reflètent une image positive de notre communauté ». Parmi ces films, les plus récents sont Three Kings, Paradise Now et Kingdom of Heaven. Malgré ce bilan, Shaheen se veut optimiste. La communauté arabo-américaine, dit-il, en particulier les jeunes et les universitaires sont conscients de ces problèmes et travaillent à briser les mythes de la culture pop. Ils veulent aussi stopper le barrage sans fin de cette haine. Pas de doute, leur combat s’annonce plus que rude... Correspondance d’Argentine : des lettres enthousiastes Lettre de Dimas « Chers amis, merci d’avoir reçu Juan et Diego, mais aussi les autres “jucales” qui ont voyagé au Liban. Frères, il y a des gestes qui n’ont pas de prix, ni d’autres formes de reconnaissance ! D’un autre côté, je vous écris pour vous exprimer la joie immense qui a envahi nos cœurs, suite à votre généreuse proposition d’accueillir l’année prochaine aussi au Liban plusieurs jeunes Libanais d’Argentine. Parce que vous savez bien (je l’ai vu dans les yeux de Juan et Diego) ce que signifie, pour un jeune Argentin, de retourner dans la terre de ses grands-parents. Rien que d’y penser me remplit les yeux de larmes. « Je ne peux vous raconter les millions d’histoires de jeunes Argentins, qui dépensent toutes leurs économies pour venir au congrès national afin d’embrasser d’autres Libanais. Nous avons des filiales qui, Roberto KHATLAB Dimas Chantiri, originaire de Kousba. par exemple, vendent des “sfihas” pour se procurer l’argent nécessaire pour les billets de transport, afin que nous soyons tous ensemble réunis à Buenos Aires en octobre. D’autres ont fondé une marque de parfum pour vêtements et avec l’argent recueilli envoient des jeunes à notre rencontre nationale. Telle est la Jucal, nous serons tellement émus de vivre ensemble le Liban en Argentine. Des centaines de jeunes (et leurs grands-parents) sont enchantés par ailleurs parce que vous allez réaliser leur rêve. » Lettre de Juan « Chers amis, de retour dans la morosité de la vie quotidienne, me viennent en tête toutes les images du charmant voyage que, grâce à vous, nous avons pu faire. Diego et moi-même avons pu connaître la terre de nos ancêtres et, en même temps, notre plus grand rêve est Juan José Azar, originaire de Aïn-Akrine (Amioun). devenu réalité. Sans aucun doute, ce fut le voyage le plus beau qu’il nous ait été donné de vivre. Durant les semaines passées au Liban, j’ai appris beaucoup de choses, j’ai connu quantité de gens et suis tombé profondément amoureux du pays de mes grands-parents. « J’ai espoir que de nombreux jeunes Argentins pourront accomplir leur rêve et, un jour, fouleront la terre libanaise avec la même émotion que nous l’avons fait, Diego et moi-même. Mais au-delà de tout ce qui est relatif au voyage, aux tours, aux repas et autres, quelque chose de plus important est à retenir : c’est l’amitié que vous nous avez offerte dès le premier jour. « Depuis que je suis arrivé en Argentine, je n’arrête pas de raconter toutes les histoires vécues. Je veux que vous sachiez qu’ici, en Argentine, il y a de nombreuses personnes qui Diego Fernandez Abuchacha, originaire de Hanine (Bint Jbeil). sont très heureuses de ce que vous avez fait pour nous, mais plus particulièrement je veux que vous sachiez que vous avez ici des amis qui vous attendent les bras ouverts. » Lettre de Diego « Salut mes frères ! Je n’arrête pas de penser au merveilleux voyage que nous avons fait dans la terre de nos anciens. Je suis très heureux d’avoir accompli mon rêve de connaître le Liban, guidé par vous. J’envoie aussi mes remerciements à toutes les personnes qui m’ont traité de façon exceptionnelle. Nous attendons, Juan et moi, un certificat pour le cours d’arabe dialectal libanais que nous avons réalisé avec RJLiban, en espérant vous voir en octobre en Argentine ! » Fête libano-argentine le 22 septembre à Tyr À l’occasion de la venue au Liban d’un groupe de 65 Libano-Argentins de la Ucal (Unión cultural argentino-libanesa) qui découvriront le pays du Cèdre, du 18 septembre au 1er octobre prochains, une grande fête ouverte à tous sera donnée le samedi 22 septembre à Tyr. Le Libano-Brésilien Franco à l’entrée de Faraya, son village d’origine. éviter certaines zones sensibles en raison de la répercussion de la crise régionale sur le Liban, mais aussi pour permettre à Franco de découvrir le village de son arrière-grand père, parti il y a un siècle de Faraya. Byblos, Harissa, Jeïta, Fa- « Ces vrais méchants arabes », un autre livre de Shaheen sur « comment Hollywood avilit un peuple ». Inauguration La ville de Byblos a gagné un nouveau jardin dédié aux émigrés libanais, témoin de la grande saga de son peuple. Au programme : départ de Beyrouth à 16h ; visite des fouilles archéologiques de la cité à Tyr à 18h ; dîner musical sur le bord de mer à 20h ; retour à Beyrouth à minuit. Pour les réservations, écrire à : [email protected], ou appeler le : 03-345528. Le retour du Libano-Brésilien Franco à Faraya Dix jours de vacances pour deux jeunes Brésiliens de São Paulo, passés au mois d’août entre le Liban et la Grèce en compagnie d’amis vivant sur place. Cela n’a rien d’étonnant, mis à part la distance à parcourir, sauf qu’il s’est trouvé que Franco Sapopo, 25 ans, qui accompagne son ami du même âge, l’avocat italo-brésilien Tauan Mendonça, a des origines libanaises. On pourrait dire que c’est normal, un habitant sur sept de São Paulo, la puissante métropole brésilienne de 21 millions d’habitants, est un descendant de Libanais. Toujours est-il que le programme de la visite au Liban a été légèrement modifié, non seulement pour Couverture de l’ouvrage de Shaheen consacré aux représentations des Arabes dans les films de Hollywood après le 11 septembre 2001. Une nouvelle place pour l’Émigré libanais à Byblos Naji FARAH Dans le cadre de la coopération entre l’association RJLiban et la Jucal (Juventud de la Unión cultural argentino-libanesa), qui organise son prochain congrès national du 6 au 8 octobre à Buenos Aires, et après avoir reçu plusieurs membres de cette puissante association de jeunes Argentins d’origine libanaise cet été, son président, Dimas Chantiri (originaire de Kousba), ainsi que deux des participants, Juan José Azar et Diego Fernandez Abuchacha, nous écrivent de Rosario et de Mar de Plata. Shaheen, au centre, lors d’une conférence, entouré de ses collègues. raya, nous voilà au cœur du Kesrouan, pour déguster les belles pommes et poires de la montagne libanaise attendant Byblos est l’un des principaux témoins de l’histoire du Liban, considérée comme la ville la plus ancienne du monde habitée de façon continue depuis sept mille ans. Pour les Phéniciens, elle a été fondée par le dieu El lui-même, et de là sont partis des navires pour pratiquer le commerce dans tout le bassin méditerranéen, ou pour fuir les conflits et problèmes de la région, bravant les océans. Les émigrés sont ainsi arrivés aux quatre coins du monde, parfois avec une petite valise, pleins de rêves et avec des objectifs précis pour réussir grâce à la culture acquise dans leur pays natal. Pour rendre hommage à ces émigrés libanais dans le monde, le Green Garden Group (GGG), présidé par Regina Fenianos, en collaboration avec la municipalité de JbeilByblos, présidée par Ziad Hawat, a inauguré le 10 juillet dernier la « place de l’Émigré libanais ». Durant la cérémonie, Regina Fenianos a déclaré que « la municipalité de JbeilByblos est fière des divers projets qui ont été réalisés », rappelant que le nom même de la ville a une envergure nationale et internationale. « Nous savons tous que la richesse du Liban est constituée essentiellement par les émigrés qui, fidèles à leur patrie, reviennent chaque année pour investir et agrandir leurs projets... », a-telle poursuivi. De Byblos ont émigré de nombreuses familles, comme celle de Regina Fenianos, née au Brésil. Celle-ci évoque le souvenir de son père, Karam Zogheib, parti au Brésil en 1917, et qui n’a jamais cessé de parler de cette ville face à la mer, qu’il considérait comme étant l’une des plus belles villes du Liban. D’ailleurs, pour lui, Jbeil était le Liban. Regina poursuit : « Voici aujourd’hui, après tant d’années, un jardin pour rendre hommage à l’émigré libanais, qui a emporté avec lui la culture libanaise, et a su transmettre à ses enfants l’amour et le patriotisme pour ce petit pays, le Liban des cèdres éternels. » Pour l’inauguration de cette place étaient présentes plusieurs personnalités, ainsi que les représentants des sponsors du projet, et un groupe de dabké formé d’émigrés argentins en visite au Liban. La chapelle Nossa Senhora da Penha Pour cette place de l’Émigré, le Green Garden Group a choisi une sculpture qui représente un Libanais portant des habits de la fin du XIXe siècle, au moment de la grande émigration, les bras tendus vers l’horizon qu’il regarde avec courage. Cette œuvre d’art a été conçue par l’artiste Bernard Ghoussoub, chef du département d’architecture d’inté- rieur à l’Université Libanaise. La sculpture est entourée par des fleurs et des plaques comportant des informations sur l’émigration libanaise dans les 5 continents, et mettant en valeur le courage du Libanais qui a traversé tous les océans et, partout où il est arrivé, sans famille, sans maison, sans argent, tout seul, muni de sa force et son obstination à réussir, a pu construire un empire. Les émigrés sont déjà présents à Jbeil. Pour la petite histoire, une famille de Byblos émigra au Brésil et, de retour au Liban, en ramena un tableau de Nossa Senhora da Penha, de Rio de Janeiro. Ce tableau fut placé dans une petite chapelle construite au XVIIIe siècle par la famille Kmeid, qui se trouve dans les murs de la vieille ville de Byblos. Cette chapelle eut plusieurs noms au cours de son histoire, tels que Saydet el-Mayssé (Notre-Dame de Mayssé), el-Oum el-Fakira (Mère des pauvres)... et dans les années 1940 est devenue la chapelle Nossa Senhora da Penha, avec une plaque à l’entrée de la chapelle écrite en langue portugaise, en référence à un grand sanctuaire se trouvant au sommet d’une colline de Rio de Janeiro. Une petite chapelle à côté des remparts anciens, qui attire les fidèles pour un moment de réflexion et de silence au cœur de Byblos. la neige de l’hiver, en discutant avec les vendeurs d’un certain âge de l’origine du nom de famille de Franco : « Milen » comme il nous l’a annoncé, ou plutôt « Miled » à plus forte consonance arabe. Sans chercher plus loin, Franco nous confie sur le chemin du retour sa fierté d’être le premier de sa famille à retourner au pays de ses ancêtres, promettant d’organiser bientôt un voyage au Liban en compagnie de son père d’origine sicilienne, de sa mère Mona Michel Milen, dont la maman est suisse, ainsi que de la cinquantaine d’oncles, tantes et cousins, vivant tous à São Paulo. Cette page est réalisée en collaboration avec l’Association RJLiban. E-mail : [email protected] – www.rjliban.com N.F. Ziad Hawat et Regina Fenianos entourés par les dames du Green Garden Group.