Droit au logement
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Droit au logement Guélat Koller Le journal de l’ASLOCA No 195 / juin 2010 www.asloca.ch Le dossier Gestion dES DéCHETS Toujours plus d’ordures! L’arrivée des Molok JAB 1006 LAUSANNE POSTCODE 1 DROIT AU LOGEMENT JOURNAL DE L’ASLOCA No 195 / juin 2010 Tiré à 92 600 exemplaires Dix locataires congédiés VAUD POLITIQUE DU LOGEMENT LE CANTON DOIT PRENDRE LE TAUREAU PAR LES CORNES ASLOCA FéDéRATION ROMANDE Rue jean-jacques-cart 8 1006 Lausanne TRANSJURA RéSILIATIONs SANS MOTIF Droit au logement Le journal de l’ASLOCA Sommaire o l’éDito n 195 / Juin 2010 le meSSage De l’aSloca p.03 l’inVité Le droit au logement p.04 VoS DroitS Héberger n’est pas sous-louer p.05 tranSJura Résiliations sans motif: Dix locataires congédiés! DoSSier Gestion des déchets: Toujours plus d’ordures p.06 p.07-10 VauD Politique du logement: Le canton doit prendre le taureau par les cornes ValaiS Valais mythique, Valais mité neucHÂtel Privés de chauffage en plein hiver p.11 p.12 p. 13 genèVe Pour une gestion efficace des logements sociaux p.14 PermanenceS aSloca p.15 international La terre des paysans colombiens p.16 Dépôts sauvages, bennes ouvertes à l’air libre pas très salubres, la gestion des déchets (lire le dossier pages 7-11) est loin d’être une sinécure. Contraints par la loi fédérale, les cantons comme les communes s’y attèlent pourtant au mieux et nul ne peut s’en plaindre tant la problématique du ramassage et de l’élimination de nos ordures demeure complexe. D’autant que malgré toutes les campagnes de sensibilisation, nous ne cessons d’en augmenter la production. Et ni les taxes au sac, ni les factures annuelles ne semblent avoir le pouvoir de contrer cette course folle. Et puis un jour, il n’y a pas si longtemps, apparaissent dans le paysage les Molok. Sans résoudre la gestion de nos déchets, ces gros containers semi-enterrés ont l’immense avantage de nous les rendre moins visibles. Et ça fait du bien. Plus discrets qu’un alignement de containers à roulettes, ils conservent nos ordures au frais, évitent les mauvaises odeurs, ne suscitent plus aucun intérêt de la part des renards et autres bestioles et réduisent considérablement les transports des voiries. Le revers de la médaille? On peut y mettre n’importe quoi et quand on y verse par exemple des cendres brûlantes, ça fait fondre le sac intérieur. Et ce sac-là, il coûte cher! Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef (photo de couverture) Les locataires de cet immeuble à Delémont ont reçu leur résiliation de bail sans motif. L’ASLOCA a pu intervenir. DROIT AU LOGEMENT Journal de l’ASLOCA Rédactrice en chef: Claire-Lise Genoud Case postale 17 3963 Crans-Montana 1 [email protected] Paraît cinq fois par année Abonnement 13 francs/an 2 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 Editeur: ASLOCA rue Jean-Jacques-Cart 8 1006 Lausanne Diffusion: Membres des sections de l’ASLOCA Romande et abonnés Graphisme: Madame Paris/Alexandra Ruiz Correction: Seda Enhas Impression: Imprimerie St Paul, Fribourg Ont contibué à ce numéro: Anne Baehler Bech, Caro, Christian Dandrès, Christophe Golay, Christelle Guélat Koller, MarieClaire Jeanprêtre Pittet, Pellet, Pascal Perraudin, Pierre Reymond, Carlo Sommaruga, François Zutter le meSSage De l’aSloca par Carlo Sommaruga Secrétaire général, ASLOCA Romande IRRESPONSABLE! Lors de la révision de la Constitution fédérale, le Parlement suisse a refusé d’y faire figurer le droit au logement, un droit social pourtant reconnu au niveau international. En contrepartie, il y inscrivait l’encouragement fédéral à la construction de logements. Dix ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution, les locataires ne peuvent que se sentir trahis par la majorité politique de ce pays. La politique de promotion de la construction de logements a été progressivement sabordée et le sera encore avec le programme de consolidation budgétaire 2011-2013 actuellement en consultation. Que s’est-il donc passé? En 2003, tirant leçon des difficultés surgies de l’explosion de la bulle spéculative immobilière, le Parlement réforme le dispositif légal fédéral d’encouragement à la construction de logements. Mais tout en adoptant la loi fédérale encourageant le logement à loyer ou à prix modéré, il bloque toute aide directe à la construction de logement par le truchement du programme d’allègement budgétaire 2003. Lorsque la loi entre en vigueur, le 1er janvier 2004, le principal instrument d’action – les prêts directs à la construction de logements locatifs et ceux destinés à la construction de logement en propriété – est gelé. La ligne de crédit devait être réactivée ultérieurement. Elle ne l’a jamais été. L’aide directe n’est aujourd’hui plus qu’un concept légal sans aucun contenu financier. Pire, l’aide indirecte au logement, à savoir le soutien financier à l’activité des organisations oeuvrant à la construction de logements d’utilité publique entre à son tour dans la moulinette à économies du Conseil fédéral. En 2009, dans le cadre du programme conjoncturel de soutien à l’économie, 45 millions de francs supplémentaires avaient été mis à disposition de ces organisations. Destinés à des prêts à taux préférentiel, ces 45 millions de francs devaient permettre de réduire les coûts des rénovations visant l’amélioration énergétique des logements d’utilité publique. Mais pour le Conseil fédéral ce «cadeau» est inadmissible. Il veut le récupérer au plus vite. C’est ce qu’il fait dans le programme de consolidation budgétaire en compensant les sommes promises pour ces prochaines années avec ces 45 millions de francs. Durant ce temps la crise du logement sévit. L’accès à un nouveau logement en dehors de logement d’utilité publique devient impossible pour les jeunes ménages, les personnes divorcées, voire les personnes âgées qui souhaiteraient un chez-soi plus petit et moins cher. Hans-Rudolf Merz, le ministre des finances et Doris Leuthard en charge de la politique du logement n’en ont cure! Les dégâts sociaux et le coût de l’aide sociale liée à la pénurie du logement et à l’explosion des loyers vont être supportés par les communes et les cantons! Quelle irresponsabilité! Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 3 l’INVITé LE DROIT AU LOGEMENT Un droit universel et fondamental Chargé de recherche à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève et chargé d’enseignement invité à l’IHEID, Christophe Golay rappelle les origines du droit au logement. Un droit qui a été prononcé pour la première fois en 1948 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Christophe Golay Docteur en droit international été défini et des experts ont été nommés pour contrôler son respect, sa protection et sa réalisation. Dans le monde entier, des victimes de violations du droit au logement – expulsées de façon arbitraire ou vivant dans la misère, sans aide de l’Etat pour se loger – sont défendues quotidiennement au nom de la dignité humaine. Toujours les exclus Les victimes de violations des droits fondamentaux sont quasiment toujours des personnes socialement, politiquement, économiquement et culturellement exclues, et très souvent discriminées. Ce sont les victimes de tortures et les personnes tuées arbitrairement par l’Etat, mais aussi les victimes d’expulsions forcées et ceux et celles qui meurent de faim parce que l’Etat n’a pas créé de programmes d’assistance alimentaire. Ces personnes ont leur dignité qui est bafouée et elles ont le droit ONU/Jean-M arc Ferré Au moment où les prises de position sur le droit au logement vont dans tous les sens, il semble opportun de donner quelques informations sur son origine et son développement. Le droit au logement a été pro- clamé pour la première fois, avec le droit à la vie, le droit de ne pas être victime de torture, le droit à l’alimentation ou le droit aux soins médicaux, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Il a été proposé pendant la Seconde guerre mondiale par le président des Etats-Unis F.D. Roosevelt, dans son discours sur l’état de l’Union du 11 janvier 1944, avec d’autres droits économiques et sociaux, pour protéger la dignité humaine, la paix, la sécurité et la prospérité. Depuis 1948, la Déclaration universelle a inspiré de nombreux traités internationaux et régionaux et les droits qui y sont proclamés ont été consacrés dans de très nombreuses Constitutions, à travers des catalogues de droits fondamentaux. Dans les trois dernières décennies, le droit au logement a fait l’objet d’un développement considérable aux Nations Unies. Il a été consacré dans des traités, son contenu a Le droit au logement a fait l’objet d’un développement considérable aux Nations Unies. 4 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 d’être protégées. Ce principe de l’universalité et de l’indivisibilité des droits consacrés dans la Déclaration universelle de 1948 a été accepté depuis des décennies aux Nations Unies… dans les salles du Palais des Nations à Genève. Au cours des dernières décennies, le droit au logement a été consacré dans un nombre croissant de Constitutions. En A f rique du sud, pa r exemple, son insertion dans la Constitution de 1996, avec plusieurs autres droits consacrés dans un catalogue de droits fondamentaux, a été souhaitée pour exprimer la volonté de la nation sud-africaine d’en finir avec les inégalités et la discrimination qui ont prévalu pendant le régime de l’apartheid. Dans ce pays comme dans plusieurs autres, l’inscription du droit au logement dans la Constitution a été souhaitée pour protéger les membres les plus vulnérables de la société. Aussi à Genève La consécration du droit au logement dans la Constitution genevoise, grâce à un vote du peuple en 1992, a donc été une avancée qui allait dans le sens de l’histoire de la protection des droits fondamentaux. Et si elle n’a pas été suivie de suffisamment d’effets, c’est peut-être à cause du conservatisme des juges, peu enclins à le protéger judiciairement. Ce n’est en tout cas pas à cause d’une inutilité de principe. L’élimination du droit au logement dans la future Constitution constituerait une régression certaine. Pour en savoir plus (même auteur): «Le droit au logement» www.cetim.ch «Le droit à la propriété sous l’angle des droits humains» www.dd-rd.ca VoS DroitS Pour la Famille et leS ProcHeS HéBerger ne SigniFie PaS SouS-louer Le Tribunal fédéral vient d’annuler un arrêt de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers du canton de Genève qui avait validé un congé notifié à un locataire et l’avait condamné à évacuer immédiatement les locaux de tous ses biens et tous tiers dont il serait responsable. François Zutter Avocat répondant ASLOCA Genève Tout com mence en 1997 lorsqu’un locataire prend possession d’un appartement de 3 pièces à Versoix (GE). Pour des raisons professionnelles, il loue et s’installe en 2003 dans un deuxième appartement à Cheseaux-sur-Lausanne (VD) et annonce son changement de domicile auprès des autorités compétentes. Dans le courant de l’année qui suit, il met gratuitement son appartement de raPPel JuriDiQue En vertu de la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du 6 avril 2010), un locataire a droit de sous-louer son appartement tant et aussi longtemps qu’il n’a pas perdu toute idée d’y revenir, son absence devant être provisoire mais pas forcément d’une durée déterminée. Sauf dans le canton de Vaud, où les RULV (Dispositions paritaires romandes et règles et usages locatifs du canton de Vaud) prévoient qu’un locataire ne peut pas sous-louer l’entier de la chose pour une durée indéterminée, sauf accord écrit du bailleur. Versoix à disposition de son frère qui était alors en instance de divorce et confronté à une situation financière difficile et d’un ami qui est sans emploi depuis de nombreuses années. Dès lors que son frère rejoint tous les week-ends sa fille et ses parents en France, le locataire retourne en fin de semaine dans son appartement de Versoix. Congé inefficace En date du 13 juillet 2006, le bailleur écrit au locataire pour le mettre en demeure de mettre immédiatement fin à cette prétendue sous-location non autorisée et d’occuper à nouveau son appartement personnellement dans les 10 jours, faute de quoi le bail serait résilié pour juste motif. Le locataire n’ayant pas répondu à ce courrier, le propriétaire résilie le contrat par courrier du 24 juillet 2006. Dans un premier temps, le Tribu n a l des bau x et loyers constate l’inefficacité du congé, mais la Chambre d’appel annule ce jugement et déclare valable le congé litigieux. Le locataire recourt alors au Tribunal fédéral qui annule l’arrêt de la Chambre d’appel et prononce à nouveau l’inefficacité du congé. Le Tribunal fédéral a en effet retenu qu’un locataire de locaux d’habitation n’est pas tenu d’occuper lui-même la chose louée, sauf stipulation contraire, et que l’usage normal des locaux autorise l’hébergement de membres de sa famille et de proches. Il est intéressant aussi de savoir que lorsque la loi stipule que les locaux doivent servir «à l’habitation exclusivement» cela signifie que l’appartement doit servir uniquement de logement pour y vivre et non pas de local commercial pour y développer des affaires. Mais cela ne signifie pas que le lo- cataire doit y habiter personnellement en tout temps. Par ailleurs, dans la mesure où l’hébergement était opéré à titre gratuit, il s’agit d’un contrat de prêt à usage (art. 305 du Code des obligations) et non pas une sous-location (art. 262 du CO). Cependant, comme le locataire occupe l’appartement de Versoix en fin de semaine, il est clair qu’il n’a pas perdu l’usage de son logement, qu’il ne se prévaut pas de son droit de sous-louer d’une manière contraire à la bonne foi et n’a pas procédé à un transfert de bail. Cette décision est réjou iss a nte d a ns l a mesure où les bailleurs sont prompts à dénoncer toute occupation d’appartement qui sort de l’ordinaire et à assimiler toutes sortes de situations à des sous-locations non autorisées ou non autorisables. Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 5 tranSJura réSiliationS SanS motiF Dix locataireS congéDiéS Après avoir reçu une résiliation de bail non motivée, dix locataires d’un immeuble de Delémont vont devoir faire leurs valises. Sept ont retrouvé un appartement, les trois autres bénéficieront d’une prolongation de bail. Christelle Guélat Koller Co-présidente Asloca TransJura Augmenter les loyers Pour les locataires, pas de mystère... Tout laisse à penser que les congés ont été donnés uniquement dans l’intention d’augmenter les loyers avec de nouveaux occupants. Sur les conseils de l’Asloca, les dix locataires concernés sont bien décidés à entreprendre des démarches pour que chacun puisse retrouver un logement adapté à son budget et à sa situation. Une dame âgée et handicapée fait notamment partie des délogés. Solidaire, le groupe de locataires réclame une annulation de congé ou une prolongation de bail. La requête est examinée à la mi-mai par la commission de conciliation en matière de bail à loyer. Si les séances pour résiliation de bail sont monnaie courante, le cas de la Golatte est un peu particulier pour la commission qui a rac Hristelle Guélat Koller « On ne s’attendait pas à grand-chose d’autre». Le ton de Roland Folly est résigné. Le 9 mars, cet habitant de la rue de la Golatte à Delémont reçoit comme neuf autres locataires un avis de résilia- tion de bail. Aucun motif, ni lettre d’accompagnement... Les habitants sont sous le choc d’autant que certains occupent les lieux depuis plusieurs dizaines d’années. Immosuisse, la gérance immobilière qui s’occupe du bâtiment, propriété de B. Wolodarsky, F. Schmerler et J. Breisch, trois hommes domiciliés à l’étranger, leur signifie qu’ils doivent quitter les lieux au 30 juin. L’immeuble construit au milieu des années 60 fait partie d’un groupe de trois. Il compte une vingtaine d’appartements dont la plupart ont été rénovés ces dernières années. Rénovation qui s’est accompagnée d’une hausse significative des loyers. Les locataires de cet immeuble à Delémont ont reçu la résiliation de leur bail sans aucun motif! 6 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 rement à traiter d’une requête groupée de dix locataires. Entretemps, sept des dix requérants ont retrouvé un appartement. Logiquement, ils retirent donc leur demande. Reste à trouver une solution pour les trois autres. La gérance se déclare prête à entrer en matière sur un arrangement. Après discussion de chaque cas, une convention est signée. Pour deux locataires, elle prévoit une prolongation de bail avec possibilité de partir pour la fin d’un mois. Le troisième locataire, lui, devait dans un premier temps rester dans l’appartement qu’il occupe actuellement. Après discussion, sa résiliation de bail avait en effet été annulée car son appartement avait été rénové il y a quatre ans. Mais aux dernières nouvelles, tout laisse à penser que les propriétaires ne veulent plus non plus de ce locataire-là. Contre ce genre de procédés Globalement l’arrangement trouvé s’avère donc satisfaisant pour les locataires. Leur porte-parole Roland Folly ne cache toutefois pas son amertume. « Même si le propriétaire est dans son droit, c’est la manière qui est déplorable ». Il s’attend d’ailleurs à ce que d’autres en fasse la douloureuse expérience. Dans le groupe des trois immeubles de la Golatte, de nouveaux appartements pourraient être rénovés prochainement. D’autres locataires pourraient de la même manière se voir signifier de façon aussi brutale leur résiliation de bail. La seule réponse est de faire valoir leurs droits en contestant ces congés. L’ASLOCA y veillera. LE DOSSIER gestion des déchets TOUJOURS PLUS D’ORDURES! En 2008 plus de 3 millions de tonnes d’ordures ménagères ont été incinérées en Suisse. Et ce chiffre ne tient pas compte des déchets acheminés vers les déchetteries pour être recyclés. Pour répondre à la loi fédérale sur la protection de l’environnement entrée en vigueur en 1983, les cantons et les communes cherchent toutes sortes de solutions. Tour d’horizon des cantons romands. Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef Droit au logement Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Malgré des campagnes intensives de sensibilisation au tri des déchets, nous remplissons toujours plus nos poubelles. Selon les dernières statistiques publiées par l’Office fédéral de l’environnement, en quatre ans, soit de 2004 à 2008, le poids des ordures ménagères en Suisse a augmenté de 18 kilos par habitant. Ce qui signifie que durant l’année 20 08 nous avons produit 3 millions de tonnes d’ordures ménagères! Et dans ces 3 millions de tonnes, on ne compte pas les déchets spéciaux, ni les déchets provenant des industries. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas en reste puisqu’ils ont augmenté de 140 000 tonnes en comparant les chiffres de 2007 à ceux de 2008 ! Aucun bon élève dans cette course folle. Les déchets chimiques sont ceux qui augmentent le plus, mais derrière eux suivent les déchets médicaux, les déchets métalliques et même les déchets minéraux. Seuls les déchets provenant des machines, des véhicules et autres accessoires sont restés stables durant cette année-là. Face à ces montagnes de rebuts que nous laissons derrière nous, les autorités tentent de régulariser au mieux. La loi fédérale sur la Protection de l’environnement de 1983 charge les cantons d’établir un plan de gestion des déchets. Entre la théorie légale et l’application effective, la réalité varie considérablement. Système fédéral oblige, chaque canton, comme chaque commune, met en place le système qui lui convient le mieux. Contrairement aux déchetteries et au ramassa- ge des encombrants gérés au niveau communal, les usines d’incinération sont à la charge des cantons. Certains n’en possèdent qu’une seule, alors que d’autres en gèrent plusieurs. Etant donné que plus une usine est petite, plus elle revient cher à la collectivité, la tendance consiste à les regrouper sur un lieu toujours plus centralisé. GENèVE Population. 457 000 habitants, soit 1620 habitants/km2 Usine d’incinération. Une seule. Les Cheneviers sur la commune d’Aire-la-ville. Taxe poubelle. La loi genevoise, explique Sophie Meisser, cheffe du secteur déchets du canton, prévoit que la collecte, le transport et l’élimination des déchets se fasse sans taxe pour les ménages. Aucune taxe poubelle, ni facture de la voirie n’est envoyée aux ménages. En revanche, le principe du pollueur payeur s’applique pleinement pour les entreprises. Container. Aucune réglementation. Chaque commune reste libre d’acheter les containers qu’elle souhaite mais étant donné les performances de tri très élevées observées dans les containers enterrés, un grand nombre d’entre-elles ont choisi de les installer sur leur territoire. «Les performances de tri sont très élevées particulièrement lorsque plusieurs containers sont présents au même endroit, souligne Sophie Meisser. Il faut donc pouvoir prévoir de la place et cela fonctionne très bien dans des zones rurales, voire semiurbaines. En ville de Genève, il n’y a tout simplement pas de place pour généraliser ce Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 7 Le dossier (suite) gestion des déchets genre de containers à tous les types de déchets. Dans certains immeubles anciens, il n’y a même pas de place pour entreposer de simples containers à roulettes et le concierge doit encore déposer les sacs à ordures directement sur le trottoir. Encombrants. Depuis une dizaine d’années, la ville de Genève a opté pour des ramassages gratuits sur appel. D’autres communes font du porte-à-porte une fois par mois ou tous les 15 jours ou proposent encore des bennes à date fixe. La commune d’Onex par exemple organise tous les samedis matin une déchetterie mobile dans l’un de ses différents quartiers avec un ramassage sur appel pour les personnes à mobilité réduite. VAUD Population. 700 000 habitants, soit 217 habitants/km2 A lexandra Ruiz Usine d’incinération. Une seule, TRIDEL à Lausanne. Mais selon Marc Andlauer, responsable du service du secteur gestion des déchets au niveau cantonal, «certaines régions comme La Broye, le Chablais, La Côte vaudoise ou le Nord vaudois ont des accords avec les usines des cantons voisins». Depuis une vingtaine d’années, les communes ont par ailleurs constitué des sociétés anonymes chargées de gérer leurs déchets.» Taxe poubelle. Véritable serpent de mer, le débat sur la taxe poubelle dans le canton n’est pas au bout de ses peines. Un texte avait été adopté par le Grand Conseil en 2002, mais il a fait l’objet d’un référendum que le peuple a refusé. La loi cantonale actuelle ne contient pas de disposition d’application particulière du droit fédéral en la matière. Plusieurs interventions ont été déposées mais à chaque fois rejetées par le Grand Conseil. Cet hiver une motion parlementaire a demandé aux autorités de plancher sur une proposition pour faire payer au moins une partie des frais de gestion des déchets par une taxe poubelle (au volume ou au poids). La commune d’Avenches par exemple a déjà introduit une taxe au poids. Avant de jeter son sac de poubelle dans le container, chaque citoyen doit introduire sa carte de paiement. Le sac est ensuite pesé et la carte débitée du prix calculé en fonction du poids des ordures. Container. Entre une grande ville comme Lausanne et des toutes petites communes, il est difficile d’appliquer un même système. Chaque commune adopte Chaque commune choisit son mode de ramassage des ordures. 8 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 les containers qui lui conviennent et qui correspondent à ses moyens financiers. Les containers semi-enterrés sont à la mode, mais ils coûtent beaucoup plus chers qu’un container à roulettes. Une commune très touristique fera plus facilement l’effort de s’en munir. E n c o mb r a nt s . Por te - àporte ou ramassage sur appel, tout existe dans le canton de Vaud. A Lausanne cependant, depuis le 1er janvier 2010, la ville a pris une option originale. «La notion d’encombrants n’existe plus chez nous», explique Fadi Kadri, chef du service d’assainissement. Dorénavant, le citoyen s’interroge pour savoir si son objet peut être recyclé ou pas. S’il peut l’être, il doit l’amener à une déchetterie où ses composants pourront être valorisés, sinon il peut le déposer à côté de ses sacs poubelles. Les tournées de ramassage ne collectent désormais plus que le verre, le papier, les végétaux et les incinérables (ordures ménagères). «Le ramassage différencié des encombrants nécessiterait une infrastructure trop lourde et l’augmentation des ordures ménagères induite par le nouveau mode de faire s’avère tout à fait supportable dans la gestion des camions de la voirie, poursuit le responsable. Si nous avons pris cette décision, c’est parce que nous avons constaté que seule une très petite partie des encombrants était incinérable, tout le reste était constitué d’objets hétéroclites tout à fait recyclables et qui malheureusement n’étaient pas valorisés.» Un film d’animation sur www.lausanne.ch explique ce nouveau fonctionnement. Au niveau des déchetteries, il en existe des fixes avec des horaires confortables et des mobiles à des emplacements prédéfinis. Fadi Kadri insiste sur le fait que les électroménagers, les luminaires, les bouteilles en PET, les piles, l’aluminium ou encore les médicaments peuvent être rapportés dans le magasin où on les a achetés. NEUCHÂTEL Population. 170 300 habitants, soit 212 habitants/km2 Usine d’incinération. Une seule, Vadec SA sur deux sites à Colombier et à La Chauxde-Fonds Taxe poubelle. Une modification de la loi cantonale est en cours. Selon Yves Lehmann, chef du service de l’énergie et de l’environnement, «il est prévu d’introduire une taxe au sac dans l’ensemble du territoire tout en conservant une taxe de base modeste et le financement par les impôts de 25% des coûts globaux. Un même modèle de sac sera mis à disposition de la population par le biais des grands distributeurs à 2 francs le sac de 35 litres. La gestion de cette taxe au sac sera confiée à une seule entreprise qui assurera la production et la distribution des sacs, l’encaissement de la taxe, le paiement des coûts d’incinération et en cas de recettes plus importantes que ces derniers, la rétrocession des recettes aux communes en proportion aux quantités de déchets qu’elles auront livrées aux usines d’incinération». La commune de Travers fera exception avec un projet pilote de taxe au poids. La mise en application de ce nouveau système dépend de la décision du Grand Conseil mais elle est envisagée pour 2012. Container. De plus en plus de communes s’équipent de conteneurs semi-enterrés ou enterrés (en milieu urbain). A moyen terme, toutes les communes seront vraisemblablement dotées de conteneurs semi-enterrés. Encombrants. La mise en place de déchetteries communales ou régionales entraîne souvent la suppression de la collecte en porte-à-porte des encombrants dans les communes concernées. FRIBOURG Population. 263 300 habitants, soit 157 habitants/km2 Usine d’incinération. Une seule à Fribourg, l’Usine d’in- cinération des déchets de Fribourg. Taxe poubelle. La population du canton de Fribourg est déjà assujettie à la taxe poubelle (poids ou volume) dont le principe a été fixé dans la loi cantonale en 1996. Selon Marc Chardonnens, chef du service de l’environnement du canton «70% du prix de l’élimination des déchets doit être couvert par des taxes dont en tous cas la moitié, soit 35%, doit être prélevée sur la quantité de déchets produits». De plus, pour que les communes puissent percevoir des taxes, être financées et prendre des sanctions s’il y a des contrevenants, le canton doit adopter formellement le règlement pour la gestion des déchets. Le financement qui n’est pas assuré par le biais de la taxe, se fait par le ménage communal, donc l’impôt. Container. Le choix des containers est laissé aux communes. «Il existe aussi bien des containers enterrés que des bennes compacteuses, des systèmes de pesée des ordures ou du ramassage porte-à-porte, explique Loïc Constantin, chef de la section déchets et sites pollués. Mais plusieurs communes se sont depuis longtemps regroupées pour diminuer et rentabiliser au maximum la gestion de leurs déchets.» Encombrants. Pas de tendance particulière. JURA Population. 69 600 habitants, soit 83 habitants/km2 Usine d’incinération. Aucu ne. M a is selon A nd ré Gaudreau, responsable cantonal de la gestion des déchets «toutes les communes jurassiennes sont actionnaires de la société Vadec SA à la Chauxde-Fonds et sont dans l’obligation d’acheminer leurs déchets par voie ferrée, sauf Les Franches-Montagnes qui peuvent le faire par camion car elles sont tout proches». Taxe poubelle. La taxe au sac (environ 2 francs le sac de 35 litres) sera généralisée au 1er Ville de Lausanne LE DOSSIER (SUITE) gestion des déchets En ville de Lausanne, comme ici à la rue Jurigoz, les containers à roulettes sont de mise. janvier 2011 pour l’ensemble du district de Porrentruy (Ajoie) . Depuis plusieurs années, elle existe déjà dans la vallée de Delémont. Container. La plupart des communes préfèrent le porteà-porte, mais Les FranchesMontagnes ont décidé récemment d’installer dans toutes leurs communes des containers semi-enterrés. Faciles à vider, ces derniers réduisent les frais de transports, permettent de se défaire en tout temps de ses ordures et d’éviter les mauvaises odeurs ainsi que les visites des renards et autres animaux intéressés. Encombrants. Il existe une synergie cantonale pour gérer de futures déchetteries au niveau régional. D’ici deux ans, une uniformisation du système de collecte devrait avoir lieu sur tout le canton. Il pourrait ne plus y avoir de ramassage porte-à-porte systématique. Les encombrants pourraient être acheminés personnellement jusqu’à la déchetterie régionale qui remplacera les différentes déchetteries communales et répondra à des critères précis. Il y aurait aussi une prestation personnalisée pour un ramassage gratuit sur appel dont les modalités financières seraient encore à définir. VALAIS Population. 300 000 habitants, soit 57 habitants/km2 Usine d’incinération. «Actuellement il existe trois usi nes d’i nci nération en Valais», explique Isabelle de Riedmatten, responsable de la gestion des déchets pour le canton. L’usine de traitement des ordures du Valais central (UTO) à Uvrier, la société anonyme pour le traitement des ordures ménagères (SATOM) à Monthey et KVA (Kehrichtverbrennunsanlage) à Gamsen. Elles ont toutes été construites dans les années septante, suite à la loi obligeant les cantons à renoncer aux décharges, du genre «tout dans le talus». Ces usines ont été régulièrement adaptées pour satisfaire les conditions légales qui deviennent toujours plus sévères. Taxe poubelle. Aucune réglementation n’existe au niveau cantonal. La ville de Sion a, par exemple, opté pour une facture annuelle. Comme la taxe au sac n’est pas généralisée, ce système décourage l’exportation des poubelles vers une autre commune. Container. Chaque commune est libre d’utiliser les containers de son choix. Pour installer un container semi-enterré, elle a cependant l’obligation d’obtenir de la part du canton un permis de construire. Encombrants. Les déchetteries ont fait leur apparition il y a 10-15 ans avec pour but d’optimaliser le tri des déchets. Dans certaines communes, il existe des Ecopoints, ce sont des centre de collecte à proximité des citoyens qui leur permettent de prendre conscience de l’importance du tri des déchets et de leur possibilité de recyclage. A Sion, bien que les citoyens ont à leur disposition deux déchetteries, la ville organise au printemps et en automne dans les quartiers, des collectes itinérantes sous forme de bennes ouvertes. «Cela fonctionne extrêmement bien, explique Raphaël Berthod, inspecteur de l’assainissement urbain, le tonnage ne cesse d’augmenter d’année en année mais ce système est particulière onéreux en raison des frais de transport et de manoeuvre pour trier les bennes.» Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 9 le DoSSier geStion DeS DécHetS Plus hygiéniques parce que les sacs d’ordures sont détenus à une température régulée par le sol et plus esthétiques parce qu’un Molok de 5000 litres représente le volume de sept containers à roulettes, ces enterrés ou semi enterrés ont révolutionné la gestion des déchets. Récit. Un jour, il était là. Au coin de la rue. Immobile, silencieux et sans plus aucune odeur. Le Molok. Dans certaines régions, ces containers à poubelle ronds et profonds ont carrément chassé leurs semblables à roulettes. À l’origine de leur apparition chez nous, un président, celui de la commune de Venthône. LouisFred Tonossi. Aujourd’hui à la retraite, il raconte que tout a commencé par une lignée de containers à roulettes qu’il fallait attacher les uns aux autres au milieu du village parce que la route était en pente. Bien sûr, il aurait été possible de construire des petits murets pour caler les roulettes, mais le Valaisan qui possédait à l’époque une quincaillerie à Sierre était persuadé qu’un système plus performant devait exister sur le marché. Fini les sacs éventrés Il était d’autant plus motivé à trouver une autre solution qu’à l’époque, au milieu des années nonante, le camion de ramassage des ordures ne passait qu’une fois par semaine et les containers avaient tendance à déborder. «Je me souviens, raconte Louis-Fred MoloK comment leS moloK Sont arriVéS en SuiSSe Aujourd’hui, plus de 40 000 Molok sont exploités dans le monde, dont 6000 rien qu’en Suisse. Tonossi, de jours fériés comme celui de la Fête-Dieu. Nous ne devions pas oublier de les évacuer pour le passage du cortège et les remettre à leur place en fin de journée.» Sans parler des sacs régulièrement éventrés par les chats ou les renards et les odeurs qui s’en dégageaient sous le soleil de plomb que l’on peut connaître en Valais. Un ingénieur finlandais C’est alors qu’il entend parler d’un Finlandais établi à Savièse qui détenait la licence d’exploitation des Molok pour la Suisse et en avait déjà vendu quelques-uns à la ville de Sion. «J’ai tout de suite sauté sur l’occasion. Ces containers avaient déjà leur place au village.» Par la suite il apprend que celui qui a eu l’idée de ces espaces enterrés voire semi enterrés s’occupait de la gestion d’un 10 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 hôtel en Finlande. Soucieux d’accueillir ses clients dans un lieu soigné, Veikko Salli avait vite été dérangé par l’aspect peu reluisant de l’amoncellement des poubelles à l’arrière de l’hôtel et par le bruit lors du ramassage. Ingénieur de formation, il se met à imaginer le produit idéal avec pour but d’entreposer les déchets en profondeur plutôt qu’à l’horizontale. Après trois ans de travaux, il dépose en 1988 le brevet de son invention puis cherche à l’exporter. Il s’adresse alors à un compatriote pour s’occuper du marché suisse. «Comme ce dernier ne parlait pas très bien le français, poursuit LouisFred Tonossi, il m’a cédé sans hésitation la licence d’exploitation pour le district de Sierre, puis le Valais central jusqu’au jour où j’ai carrément racheté l’entreprise suisse.» La suite, on la connaît. Le succès aussi. Et lorsqu’on lui demande de poursuivre l’implantation en dehors de son canton, le Valaisan préfère céder sa place pour ne pas devoir ne faire plus que ça. «Le Valais c’était bien assez!». Toutes sortes de revêtements Aujourd’hui, selon Nicole Zenhäusern, directrice de la société qui a repris en 2007 l’exploitation des Molok en Valais, plus de 40 000 Molok sont exploités dans une vingtaine de pays dans le monde, dont 6000 en Suisse et 2600 rien qu’en Valais. Ils ont inspiré la concurrence, ont fait des petits et se déclinent dorénavant dans différentes tailles avec toutes sortes de revêtements qui les font passer de plus en plus inaperçus, même en milieu très urbain. VauD PolitiQue Du logement le canton Doit PrenDre le taureau Par leS corneS Lors des deuxièmes Assises du logement du canton de Vaud, vendredi 21 mai 2010, il a été constaté que l’évolution du taux de logement vacant est des plus inquiétantes. La pénurie augmente et rien n’indique une inversion de la tendance, avec pour résultat: presque pas d’appartements à louer, des loyers qui flambent et des logements peu ou mal entretenus. Anne Baehler Bech Secrétaire générale Asloca Vaud Une bonne nouvelle a émergé de ces deuxièmes Assises du logement: L’Etat de Vaud est conscient de la gravité de la situation du logement dans le canton et souhaite que des mesures soient prises. Pour ses membres, «la pénurie aiguë de logements constitue un enjeu d’intérêt général qui appelle des interventions renforcées de la part des pouvoirs publics. Cette pénurie aPPel D’aSSeSSeurS L’ASLOCA Vaud cherche des assesseurs représentant les locataires pour les commissions de conciliation. Elle cherche également des juges assesseurs pour le Tribunal des baux. Dans les deux cas, il s’agit d’une activité accessoire indemnisée. Mais une certaine connaissance du droit du bail est nécessaire. Si vous êtes intéressé(e), n’hésitez pas à contacter votre section ASLOCA! peut devenir un frein majeur au développement durable et harmonieux du canton.» On peut cependant déplorer que cette prise de conscience soit si tardive. Quant à la mauvaise nouvelle, elle provient du fait que le Conseil d’Etat n’a pas varié d’un iota dans sa position et entend poursuivre la même – ou presque – politique du logement qui a donné les résultats que l’on sait. Le canton veut juste «inciter les communes à développer des politiques du logement plus actives et les soutenir en mettant à leur disposition des moyens adaptés». En un mot comme en cent, le canton édite une belle brochure pour les communes, les incite, les conseille, voire leur prête de l’argent à un taux préférentiel, mais il s’en tient là. Notre Constitution prévoit pourtant que canton et communes, en complément de l’ini- tiative privée, doivent veiller aux besoins en la matière des habitants. La loi sur le logement de 1975 donne aux communes un rôle central, notamment en assurant sur leur territoire un marché du logement équilibré. Le problème? La majorité des communes n’a pas de politique du logement, la loi de 1975 sur le logement n’est pas appliquée et le canton laisse faire. Le rôle des communes Les Assises nous ont donné un message clair. Les communes ne se sentent pas encore concernées au premier chef par cette problématique. Peu de municipaux y ont participé. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que toutes les communes prennent conscience des enjeux et se dotent d’une politique active dans ce domaine? Combien de temps faudra-t- il attendre pour que le Conseil d’Etat, pourtant garant de l’application des lois, réagisse en rappelant les communes à leurs devoirs, au besoin en prenant des sanctions si elles ne passent pas à l’action? On dit toujours que l’exemple devrait venir d’en haut. Alors, que penser de cet Etat qui se contente d’un rôle de spectateur? Les mesures cadres qu’il propose sont à l’évidence insuffisantes. La pénurie de logements pourra être résorbée à la condition expresse que canton et communes entrent dans la danse et ne laissent pas la production de logements à la seule initiative privée. C’est seulement à ce prix que le canton de Vaud pourra lutter contre la pénurie et tendre vers un marché du logement – enfin – équilibré. Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 11 ValaiS ProliFération DeS ZoneS à BÂtir ValaiS mytHiQue, ValaiS mité! C’est sous ce titre volontairement provocateur que l’association «Altitude 1400» présente actuellement une exposition itinérante destinée à sensibiliser le grand public aux conséquences du mitage du sol. Pascal Perraudin Avocat Asloca Valais Fondée en 2007 par des professionnels de l’aménagement du territoire et du tourisme, des politiciens et des citoyens soucieux de leur cadre de vie, «Altitude 1400» milite pour une urbanisation des Alpes valorisant des espaces naturels et construits au service d’un développement économique et touristique de qualité et durable. Le mitage, un mot peu courant, signifie la construction désordonnée générée par la multiplication des zones à bâtir surdimensionnées. Pour Philippe Venetz et Lucien Barras, deux architectes sédunois, chevilles ouvrières de ce collectif engagé, «les conséquences de cette politique du mitage deviennent de plus en plus préoccupantes» mais il existe quelques pistes pour tenter de rectifier le tir: • Les zones à bâtir devraient être mieux réparties sur le territoire cantonal. En effet, les régions périphériques et montagneuses en possèdent trop alors que les zones urbai12 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 nes en manquent. • L es petits i m meubles coûtent moins cher à la collectivité. Favorisé par la politique de l’aménagement du territoire actuelle, l’habitat individuel génère des frais importants pour la collectivité publique. Les infrastructures à développer (routes-aménagements des terrains, etc.) coûtent très cher pour desservir un nombre d’usagers relativement limité. Lucien Barras et Philippe Venetz révèlent un chiffre choc: «Les maisons individuelles représentent 40% des logements en Valais mais elles mangent 80% de la surface dévouée à l’habitat. De plus, une maison individuelle coûterait deux fois plus à la collectivité en termes d’infrastructures qu’un petit immeuble de 4 étages.» De là à affirmer que les habitants “ Détail de l’exposition «Altitude 1400» souvent inférieures à celles d’il y a quelques dizaines d’années. L’avenir est donc certainement à l’habitat groupé, Les maisons individuelles mangent 80% de la surface habitable en Valais d’immeubles subventionnent les propriétaires de logements individuels, il n’y a qu’un pas, relativement facile à franchir. • L’habitat «groupé» favorise les liens sociaux. Une autre conséquence, assurément négative, du mitage consiste en la perte du lien social, entraînée par l’individualisme et l’isolement du logement individuel et extra-urbain. On constate également que le coût de l’habitat individuel ne cesse d’augmenter, pour des prestations ” nettement moins gourmand en surface constructible. Surdimentionnement Les stations de moyenne altitude (du type CransMontana ou Verbier) sont les premières victimes du surdimentionnement des zones à bâtir. Dans ces stations, la prolifération de résidences secondaires, génératrices le plus souvent de lits froids, tout en utilisant le sol à bâtir, ne permet pas à tout un chacun (principalement les locataires) d’en bénéficier. Le coût très élevé des loyers, induit notamment par le prix soutenu des terrains, achève souvent de dissuader l’éventuel candidat locataire d’un logement situé en station. Il en résulte dès lors un exode vers les zones de plaine, où la pénurie de logements locatifs est déjà sévère (lire à ce propos l’article paru dans le DAL 193, février 2010). Tout espoir n’est cependant pas vain. Les collectivités publiques écoutent de plus en plus les membres d’«Altitude 1400» et certaines commencent même à faire appel à leurs services pour des conseils et des projets d’aménagement du territoire. L’ASLOCA, quant à elle, suit attentivement cette problématique afin de soutenir toute initiative visant à améliorer la situation des locataires valaisans. neucHÂtel locataireS PriS en otage PriVéS De cHauFFage en Plein HiVer... Les locataires de plusieurs immeubles situés au Locle et à La Chaux-de-Fonds risquent à tout moment de se retrouver sans chauffage. Comme leurs propriétaires ne paient pas les factures au fournisseur Viteos, ce dernier a pris des mesures… surprenantes. M.-C. Jeanprêtre Pittet Cheffe service juridique Asloca Neuchâtel Les locataires de plusieurs immeubles situés au Locle et à La Chaux-de-Fonds risquent à tout moment de se retrouver sans chauffage. En effet, les différents propriétaires ne paient pas les factures au fournisseur Viteos. L’entreprise a ainsi décidé de réagir après avoir accumulé des arriérés considérables. Mais plutôt que de s’en prendre aux mauvais payeurs (il paraît que ce n’est pas dans l’esprit de la maison), les responsables ont eu une «meilleure» idée: couper l’arrivée du gaz dans les immeubles concernés, si possible en plein hiver, afin de marquer un grand coup. Les hostilités ont déjà commencé Évidemment, les malheureux locataires concernés n’en peuvent rien, car ils paient régulièrement leurs loyers et leurs acomptes de charges à leurs propriétaires. Pourtant les hostilités ont déjà commencé dans un immeuble situé à la rue des Jeannerets au Locle. Après avoir pris contact avec l’ASLOCA, qui leur a conseillé d’attaquer directement leurs débiteurs, les responsables de Viteos ont entamé des poursuites. Ces dernières ayant été frappées d’opposition, le fournisseur de gaz en est alors revenu à sa première idée: couper le gaz aux locataires. Une missive leur a été adressée selon laquelle l’énergie serait coupée le 15 mars tout en leur conseillant de s’adresser à l’ASLOCA. Ce qu’ils ont fait. Notre service juridique a ainsi réussi à faire repousser le délai à la fin du mois de mars, de manière à donner le temps aux locataires d’aller consigner leur loyer et d’entamer une procédure devant l’autorité de conciliation. L’idée était de trouver un arrangement selon lequel les acomptes des charges seraient direc- tement versés à Viteos par les locataires. Cependant, pour y parvenir, il fallait que les conditions suivantes soient remplies: 1. Que tous les locataires s’engagent dans la procédure, sans quoi les sommes versées par une partie seulement des locataires ne permettaient pas de couvrir les coûts de l’énergie 2. Que Viteos s’engage à établir des décomptes 3. Que le propriétaire accepte cette solution Or, les locataires ne se sont pas tous mobilisés, malgré la gravité de la menace, et seule une partie des loyers a été consignée. Cela a suffi néanmoins pour faire réagir le propriétaire qui a promis de faire un versement à Viteos. Sur la base de cette promesse, le fournisseur de gaz, qui avait effectivement coupé le gaz la veille du week-end de Pâques, l’a rétabli en fin de journée. Aujou rd’hui, des conventions ont été signées entre parties sur le règlement du courant et des arriérés. Les locataires ont été invités à déconsigner leurs loyers, afin que le propriétaire ait de quoi acquitter son dû. Le risque persiste que ce genre de situation se reproduise. Auquel cas, il ne sera pas admissible de s’en prendre aux locataires comme instrument de pression, et à l’ASLOCA comme intermédiaire bénévole. Et si, comme il est probable, les arriérés ne sont pas payés, qui sinon le consommateur paiera les factures? Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 13 genèVe FonDationS immoBilièreS De Droit PuBlic (FiDP) A Genève, le Conseil d’Etat cherche à imposer une réforme des fondations immobilières de droit public (FIDP) chargées de la gestion du parc locatif subventionné. Ce projet mettrait un terme à une gestion de proximité qui a fait ses preuves. a lexaNdra ruiz Pour une geStion eFFicace DeS logementS Sociaux! Christian Dandrès Avocat Asloca Genève L’Etat genevoi s possède env i ron 650 0 logements sociaux destinés aux locataires que les prix pratiqués par les bailleurs privés empêchent de se loger. Quatre fondations immobilières de droit public (FIDP) sont chargées de la gestion et de l’attribution de ces logements. C h aque fond ation est dirigée par un conseil dont les membres sont répartis dans deux commissions: l’une chargée de la construction et de l’entretien des bâtiments, l’autre de l’attribution des logements et de la gestion des locataires. Les membres remerciementS L’ASLOCA Genève remercie chaleureusement tous ses membres qui lui ont versé un don à l’occasion du paiement de la cotisation annuelle. Ces dons permettront à l’ASLOCA de continuer à défendre les intérêts individuels et collectifs des locataires genevois. Arlette Ducimetière Présidente ASLOCA Genève 14 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 Ce projet de réforme consacrerait le règne de la technocratie des régisseurs privés. des conseils sont choisis par le Grand Conseil et le Conseil d’Etat, en fonction de leurs compétences (architectes, assistants sociaux, etc.), en garantissant une représentation des forces politiques du canton ainsi que des milieux concernés. Le Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL), dont l’ASLOCA est membre, dispose de représentants au sein des conseils. Une gestion optimale Cette organisation milicienne assure une grande proximité avec les locataires et les communes sur lesquelles se situent les logements. La composition des conseils favorise ce contact puisque ces miliciens, en prise direct avec le terrain, mettent leurs compétences et leurs réseaux à disposition des fondations. Ce système permet ainsi de régler de nombreux problèmes, en étroite collaboration avec les services sociaux municipaux et les écoles (médiation entre les locataires, soutien aux concierges, travail d’intégration, etc). Il offre aussi l’avantage de limiter les coûts de fonctionnement des fondations qui peuvent bénéficier de certaines compétences de leurs membres, notamment des architectes ou des assistants sociaux. Fini le contact avec les locataires Le projet de réforme, sous couvert de «rationaliser la gestion», consacrerait au contraire le règne de la technocratie en confiant à un conseil centralisé d’administrateurs professionnels, la gestion des 6500 appartements. Fini le contact avec les locataires. En effet, on peut aisément deviner le sort du modèle d’organisation actuel des fondations, ce d’autant que le projet de loi prévoit que les futurs administrateurs ne seraient désormais nommés que par le seul gouvernement. Par ailleurs, une armée de régisseurs privés investiraient les lieux et imposeraient leurs méthodes expéditives à grands renforts d’honoraires de gérance. L’ASLOCA s’oppose à ce projet de loi qui entraverait la défense individuelle des locataires de logements subventionnés en mettant fin à la bonne collaboration qui existe avec les miliciens actifs au sein des conseils. Cette collaboration efficace privilégie la conciliation qui permet de trouver des solutions plus favorables aux locataires que ne le serait une décision de justice. Bon nombre de ceux-ci ont ainsi pu conserver leur logement dans des situations où un accord avec une régie aurait été impossible. PermanenceS aSloca — HoraireS & lieux FriBourg neucHÂtel VauD Permanence téléphonique lundi, mardi et jeudi: 8h30 – 11h15 lundi et jeudi: 13h15 – 16h15 Consultation sur rendez-vous Consultations Neuchâtel sur rendez-vous ou par téléphone Permanence téléphonique lundi, mercredi: 8h – 11h Consultations sur rendez-vous Permanence sans rendez-vous Fribourg Hôpital des Bourgeois rue de l’Hôpital 2 (côté rue du Criblet) mercredi: 19h – 20h Bulle Réseau Santé et Social de la Gruyère rue de la Lécheretta 24/ au rez 1er et 3e lundi du mois: dès 20h Romont Café-Restaurant de l’Ange, Chavannes-sous-Romont 1er et 3e jeudi du mois: 19h – 20h Permanence en allemand sans rendez-vous Fribourg avenue Beauregard 13 3e étage 1er et 3e jeudi du mois: 18h – 19h genèVe ASLOCA GENÈVE RUE DU LAC 12 1207 GENÈVE T: 022 716 18 00 / F: 022 716 18 05 [email protected] Permanence sans rendez-vous lundi-jeudi: 17h – 18h vendredi: 12h30 – 13h30 Consultations Les avocats reçoivent également sur rendez-vous en dehors de ces heures Jura & Jura BernoiS ASLOCA TRANSJURA CASE POSTALE 46 2800 DELÉMONT 1 T: 032 422 74 58 Permanence téléphonique jeudi: 17h – 19h vendredi: 13h30 – 15h Consultations Les avocats reçoivent également sur rendez-vous en dehors de ces heures Bienne & SeelanD ASLOCA BIENNE c/o ASLOCA CANTON DE BERNE CASE POSTALE 3000 Berne 23 Consultations sur rendez-vous T: 0848 844 844 ASLOCA NEUCHÂTEL RUE DES TERREAUX 1 2000 NEUCHÂTEL T: 032 724 54 24 / F: 032 724 37 26 [email protected] La Chaux-de-Fonds sur rendez-vous Rue Jardinière 71, Case postale 35 2301 La Chaux-de-Fonds T: 032 913 46 86 / F: 032 914 16 26 ValaiS ASLOCA VALAIS RUE DE L’INDUSTRIE 10 CASE POSTALE 15 1951 SION Permanence téléphonique lundi: 9h – 11h jeudi: 9h – 11h et 14h – 17h T: 027 322 92 49 mardi: 9h-11h (T: 079 782 88 51) Consultations sur rendez-vous Sion Rue de l’Industrie 10 (pavillon parking Swisscom) lundi:14h – 18h mercredi:18h – 20h Martigny Rue des Finettes 22 (bâtiment SCIV) mercredi: 18h – 19h30 T: 027 322 92 49 Monthey Café du Valais Avenue de la Gare 63 mardi: dès 18h T: 024 471 17 01 / 024 471 37 48 VauD (Suite) ASLOCA BROYE VAUDOISE AVENUE DE LA GARE 9 CASE POSTALE 16 1522 LUCENS T: 021 906 60 45 / F: 021 906 60 45 ASLOCA LA CÔTE LES PLANTAZ 13A 1260 NYON T: 022 361 32 42 Permanence téléphonique lundi, mardi et jeudi: 8h15 – 10h15 mardi et jeudi:15h – 17h Consultations sur rendez-vous Nyon Les Plantaz 13a (Gais-Logis) ASLOCA INTERSECTIONS LAUSANNE MORGES RENENS RUE JEAN-JACQUES CART 8 CASE POSTALE 56 1001 LAUSANNE T: 021 617 10 07 / F: 021 617 11 48 Rolle Avenue du Général Guisan 32 lundi après-midi ASLOCA MONTREUX EST VAUDOIS CASE POSTALE 1024 1820 MONTREUX T: 021 963 34 87 / F: 021 963 34 88 Permanence téléphonique lundi à jeudi: 9h – 12h / 13h30 – 16h30 vendredi: 9h – 12h et 15h – 16h30 Consultations sur rendez-vous Aigle, Hôtel de Ville jeudi: 8h30 – 11h Consultations sur rendez-vous Lausanne Rue Jean-Jacques Cart 8 lundi à vendredi mercredi soir Montreux Avenue des Alpes 5 lundi, mardi, mercredi et vendredi: 8h30 – 12h ainsi que le 1er mardi de chaque mois: 18h30 – 19h30 Morges Rue de la Gare 3 mardi matin et mardi soir jeudi matin ASLOCA NORD VAUDOIS RUE DES PÊCHEURS 8 CASE POSTALE 92 1401 YVERDON-LES-BAINS T: 024 426 10 66 / F: 024 423 69 03 Renens Rue de Lausanne 31B lundi soir mardi après-midi jeudi après-midi Permanence téléphonique jeudi et vendredi: 14h-17h Consultations sur rendez-vous (entrée: Centre social St-Roch) lundi: 8h – 12h / 14h – 18h / 19h30 – 21h Viège Me David Gruber Überbielstrasse 10 2e et 4e mercredi du mois: dès18h T: 027 946 25 16 ASLOCA VEVEY LA TOUR-DE-PEILZ CASE POSTALE 38 1800 VEVEY T: 021 922 79 62 / F: 021 922 53 62 «le Bail à loyer» de DaViD lacHat nouvelle version du livre Consultations sans rendez-vous Vevey, rue du Simplon 40 lundi: 18h – 20h jeudi: 17h – 19h Les avocats reçoivent également sur rendez-vous Je commande ___ exemplaire(s) de l’ouvrage «LE BAIL À LOYER», réédition complète 2008 au prix de 75 francs l’exemplaire (frais de port en sus) ASLOCA VAUD RUE JEAN-JACQUES CART 8 1006 LAUSANNE T: 021 617 50 36 / F: 021 617 11 48 Nom / Prénom............................................................................. Adresse postale............................................................................. aSloca romanDe Secrétariat général NPA / Lieu.................................................................................. N.B.: Le secrétariat romand ne donne pas de renseignements juridiques Date & Signature À renvoyer à: ASLOCA Romande / case postale 2104 / 1211 Genève 1 ou par fax au 022 732 50 22 ✂ ASLOCA FRIBOURG CASE POSTALE 18 1774 COUSSET T: 0848 818 800 RUE DES PÂQUIS 35 CASE POSTALE 2104 1211 GENÈVE 1 T: 022 732 50 20 / F: 022 732 50 22 [email protected] Droit au logement • Juin 2010 - n° 195 — 15 INTERNATIONAL colombie: accès à la terre et au logement le combat des paysans pour la dignité Carlo Sommaruga Secrétaire général Asloca Romande El Garzal. Province de Bolivar, Nord de la Colombie. Un point invisible sur une carte mondiale. Un point minuscule sur la carte de la Colombie. Et pourtant. Il s’agit d’une communauté confrontée à sa survie, comme des milliers d’autres communautés en Colombie. Ce sont 250 paysans qui luttent pour le droit à la terre et des conditions de vie dignes. Ce droit à la terre qui leur donnera finalement la possibilité d’accéder à un logement décent pour y loger leur famille. Car jusqu’à la régularisation définitive du statut de la terre, il n’est pas envisageable de procéder aux importants investissements pour la construction d’habitations en dur. La régularisation pourrait cependant s’avérer impossible. Le cas des familles paysannes du Garzal est exemplaire. Ces familles sont arrivées sur place il y a 20, 30 ou 40 ans. Elles y ont été poussées par le gouvernement dans le cadre de la politique de colonisation de nouvelles terres. Nombre de personnes ont ainsi quitté les quartiers pauvres des villes et les régions du pays où les terres étaient devenues insuf- fisantes notamment en raison de l’extension des latifundios. Dans certaines régions les monocultures comme la canne à sucre ou la palme africaine destinés à la production des agrocarburants ont fait leur apparition. Cette tendance déloge les petits paysans au profit de nouveaux titulaires de la terre. Le règne des narcotrafiquants L’accès à la terre est aussi indispensable aux narcotrafiquant pour la production de la feuille de coca, mais aussi pour y cacher les laboratoires clandestins de transformation et les pistes d’aviation. C’est donc une guerre sans merci qu’ont livrée ces narcotrafiquant aux communautés paysannes qu’ils accusaient d’être liés aux groupes de résistance armée comme les FARC ou l’ELN. Derrière l’apparence de légitimité et de légalité d’accession à la terre, la titularisation de la propriété était – elle l’est encore – quasi systématiquement précédée de menaces et d’assassinats perpétrés par les para- militaires. C’est d’ailleurs en Colombie que l’on compte le plus grand nombre d’assassinats de syndicalistes, lesquels incluent dans ce pays aussi les dirigeants paysans. Pour ces paysans souhaitant vivre, se loger et cultiver leurs cultures vivrières en paix, le plus grave c’est l’absence de protection de l’Etat. En effet, les paramilitaires sont structurellement liés à l’Etat, comme le procès de Jorge Noguera, ancien directeur du DAS, le service de renseignements colombien, actuellement pendant devant la Cour suprême colombienne, le fait apparaître au grand jour. Menaces et stratégies d’assassinats politiques étaient préparées dans les officines du DAS, communiquées aux paramilitaires, eux-mêmes en contact avec les narcotrafiquants et de très nombreux politiques de tout niveau du fonctionnement de l’Etat, parmi lesquels les parlementaires, dont plus d’une centaine sont sous enquête pénale. De manière non-violente, ces paysans du Garzal, appuyés par diverses ONG, comme les Brigades interna- Swissaid Malgré le fait qu’en Colombie la majorité de la population vit en zone urbaine, l’enjeu de la maîtrise du sol est au cœur de la violence qui ravage ce pays. Le cas des familles paysannes du Garzal est exemplaire. 16 — Droit au logement • Juin 2010 n° 195 Une poignée de paysans colombiens se battent pour leur terre. tionales de la paix (PBI) et Swissaid, ont développé deux voies pour résister aux pressions du grand propriétaire terrien voisin narcotrafiquant notoire. D’une part, ils se sont mis à planter des cacaotiers pour améliorer leurs ressources, mais surtout pour montrer que la volonté de s’enraciner sur les terres qu’ils travaillent depuis des décennies n’est pas un simple slogan. D’autre part, ils s’engagent dans la bataille juridique avec le soutien d’avocats courageux, notamment ceux du Collectivo de abogados Javier Alvear Restrepo (CAJAR) qui affrontent devant les tribunaux les barons locaux, l’administration, souvent corrompue, et dans la rue les menaces de mort. Faux espoirs Ce combat juridique pour la terre avait abouti à la distribution des titres de propriété par l’Institut national colombien de développement rural (INCODER). Finalement, les paysans pensaient avoir gagné la bataille et avoir acquis le droit de construire un logement digne et vivre en paix. C’était trop beau pour être vrai. Deux jours plus tard, une fonctionnaire de l’INCODER revenait sur place reprendre les documents ! Corruption, menaces, influences politiques de haut niveau. Personne ne sait ce qui a motivé le revirement de l’administration. Une seule chose est sûre: dans la violence politique, chevillée au corps des plus hautes sphères de l’Etat colombien, une communauté de 250 paysans, au fin fond du Magadalena Medio, se bat toujours pour son droit à la terre et son droit au logement!