Le colloque dans la presse : le Républicain Lorrain (8 décembre
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Le colloque dans la presse : le Républicain Lorrain (8 décembre
Lundi Investigation Lundi 8 Décembre 2014 LES MOTS DU DROIT Scellés 1 6 TTE L’ENQUÊTE Au civil, il s’agit d’un ruban de tissu fixé au moyen de cachets de cire apposés par le greffier en chef du tribunal d’instance sur les portes d’un immeuble ou d’une pièce pour en empêcher l’ouverture. Au pénal, il s’agit d’une mesure pour conserver les pièces à conviction à la disposition de la justice. Désigne aussi le fait d’apposer un cachet de cire sur une pièce à conviction. C’est enfin la partie du greffe où sont conservées les pièces à conviction. (Source : ministère de la Justice) LA JUSTICE ORDINAIRE « Porter une jupe est-il un délit ? » Sécurité renforcée au palais de reil photo dans un sac plastique. justice de Nancy. Cinq jours après - Catherine Hologne : « Vous le braquage de la salle des scellés, avez déjà eu des pulsions de ce l’ambiance reste un peu particu- type, non ? lière alors que les limiers de la - Oui. J’ai un fantasme à ce Chancellerie enquêtent. Au sous- niveau-là, bredouille le prévenu, sol, les audiences suivent néan- marié depuis 44 ans. moins leurs cours. Les avocats, - Vous avez dit au psychiatre eux, sont en assemblée générale que vous avez une vie sexuelle dans le cadre de leur grève contre très pauvre avec votre femme. les projets de libéralisation des - Oui, c’est vrai qu’à ce professions réglementées du niveau-là, il ne se passe pas ministre Emmanuel Macron. grand-chose. D’autant que je suis À la barre du tribunal correc- très fidèle. tionnel, un quadra entêté. Il a - La présidente : Oui, le psyinstallé plusieurs containers sur chiatre explique que votre frustrades terrains appartenant à son tion devient une sor te de père pour y stocker des voitures névrose. Vous avez vu un médede collection. « Au début, le cin ? Il faut éviter que ça recommaire m’a donné un accord ver- mence. bal », prétend-il. Dans la salle, le - Le prévenu : Je crois que j’ai premier magistrat, qui a porté compris la leçon. Je m’excuse plainte, fait ostensiblement auprès des victimes. Je ne voulais « non » de la tête. La présidente pas leur faire de mal. Catherine Hologne, agacée : - Une victime : Je faisais mes « Vo u s c o n commissions naissez la loi. Un avocat : « Elle était q u a n d d e s Pourquoi en agents de sécuarriver jusqu’au tranquillement en train rité sont venus de choisir ses yaourts. m e t r o u v e r tribunal ? - Le prévenu : pour m’avertir. Pour le prévenu, la D e 2 0 0 8 à femme est une chose. » J’ai eu un dou2010, le maire ble malaise. Ce n’a rien dit pour jour-là, des les containers. Je ne comprends gens ont pu croire que j’avais volé pas. quelque chose quand j’ai accom- La présidente : Mais, mon- pagné les agents. J’ai du mal à me sieur, quand bien même votre remettre en jupe. grand-mère ou la grand-mère de - Me Guillaume Royer, défenvotre grand-mère ait jamais eu seur de la seconde victime : Il y a l’autorisation, aujourd’hui ce bien préméditation, il a préparé n’est plus le cas, voilà tout. En son stratagème […] Quelle vioplus, c’était près de l’église. Fau- lence ! Est-ce que porter une jupe drait faire avancer le schmilblick, est un délit ? Non. Elle était tranmaintenant ! » La procureure et quillement en train de choisir ses l’avocat de la commune deman- yaourts. Pour le prévenu, la dent l’enlèvement des construc- femme est une chose et je m’en tions non-autor isées sous désole. » La procureure requiert astreinte. deux mois avec sursis et mise à - La présidente : « Voilà, je vous l’épreuve et une obligation de condamne à la remise en l’état soins. des lieux dans un délai de trois - Me Hélène Strohmann défend mois. Et n’y revenez plus, hein ! » le papi voyeur : « Pour moi, les Le prévenu s’en va sans que per- chocs émotifs des victimes ne sonne ne sache vraiment s’il pas- sont pas établis, donc la relaxe sera ou non cette fois des paro- s’impose. C’est l’agent de sécurité les… aux actes. qui les avertit des faits, elles Dossier suivant. Un sexagé- n’avaient rien vu. » Délibéré au naire de Vaucouleurs a filmé sous 11 décembre. les jupes des femmes dans la galerie de Cora, à Houdemont, le Une chronique 30 avril dernier. Il avait un appad’Alain MORVAN. AUX LECTEURS Donnez votre avis A Metz, les traditionnelles sont confrontées à la concurrence de filles étrangères. Photo archives RL-Karim SIARI Les réseaux de proxénétisme ont investi le net. Des rendez-vous sont organisés pour les filles dans une ville. Avant d’aller ailleurs. Photo RL La légalisation de la prostitution en Allemagne et les maisons closes n’ont pas amélioré les conditions de vie des « filles ». Photo RL. « La rue appartient aux réseaux de proxénétisme » La voix des autres Un jour, elle a dit stop. Laurence Noëlle a su tourner le dos à la prostitution découverte à l’âge de dixsept ans. « J’étais une ombre parmi les ombres », dit-elle. Elle en a quarante-sept et agit maintenant à visage découvert. Pour elle, mais surtout pour les autres. Proche du mouvement du Nid, très investie dans le combat contre les trafics sexuels, la Bretonne multiplie les conférences. Elle était à Metz pour celle organisée par la préfecture. « Mon message, ce n’est pas seulement le mien.» Elle parle pour celles qui n’osent pas raconter la réalité de la rue, où « le corps n’est qu’un morceau de viande ». Auteur de Renaître de ses cendres (édition Le Passeur), Laurence Noëlle est une intervenante de choix dans le débat parlementaire qui a lieu en ce moment. Pénalisation des clients, abolition de la prostitution : elle a des idées bien arrêtées. « D’après les députés qui m’ont demandé d’intervenir sur le sujet, la loi devrait passer durant le premier trimestre 2015. Ce que je peux dire, c’est que la prostitution est un système global avec énormément d’argent en jeu. La pénalisation peut faire évoluer les choses mais s’attaquer aux seuls clients ne suffit pas. Le combat à gagner, c’est celui contre la traite des êtres humains, contre les réseaux. Dans 80 % des cas, la prostitution est subie. » Le milieu change. Moins visible, la prostitution est plus dure. En Moselle, comme dans les pays limitrophes, elle est aux mains de bandes organisées. Une Messine raconte ce monde « où les filles ne sont rien ». 1 7h30. Ce n’est pas encore l’heure d’aller au boulot. Angèle a quand même passé sa tenue. Bottes hautes, le reste est ultra-moulant. « Il faut que les gens sachent ce qui se passe dans notre milieu. » Elle s’installe sur un trottoir de la place du Roi-Georges, au centre de Metz. « Vous voulez qu’un client s’arrête ? » Elle ouvre son manteau, met en avant sa poitrine siliconée, se dresse sur ses jambes fines. Habituellement, elle tapine un peu plus loin. Elle a pris la place d’une copine. « On se connaît bien. » Elles sont trois à se partager l’endroit. Angèle travaille au corps les hommes depuis douze ans. Un choix dicté par une forme de désœuvrement.. « Personne ne m’a forcée. Mais je suis issue d’une famille sans moyens. J’ai vu dans la prostitution une possibilité de vivre. » Elle avait 17 ans la première fois. Elle a de vagues souvenirs, pense que c’était un « gros monsieur. » Elle ne lui a parlé. Ça n’a pas duré longtemps. « C’est toujours comme ça. Dix minutes. Et je compte le voyage jusqu’au parking. » C’est 50 € la passe en moyenne. « Oui, c’est de l’argent facile. » Une question de point de vue. Dans la rue, Angèle a perdu toute estime de soi. « Aux yeux d’un client, on n’est rien. » Elle a souffert de la violence de ceux qui pensent « pouvoir faire tout ce qu’ils veulent avec nous. Une fois, l’un m’a mis un coupde-poing et balancée au sol. J’ai hurlé et des filles sont venues à ma rescousse. Je ne sais pas ce qu’il voulait faire… Ma plainte n’a rien donné. » « Un "proxo" lui a éclaté les doigts » Son regard craintif ne s’arrête plus seulement sur ses occasionnels. « Le vrai risque maintenant, ce sont les proxénètes qu’on voit régulièrement débouler en ville avec les filles. Pour se payer une formation, Angèle n’a pas d’autre choix que d’arpenter les trottoirs messins. Photo Pascal BROCARD. K. G. Elles viennent souvent de l’Est. Mais, en ce moment, ce sont plutôt des Africaines. Je n’avais jamais vu autant de réseaux. Je les vois venir chercher les filles en grosses berlines... La rue est à eux. » Les places valent de plus en plus cher. « On ne se laisse pas faire. Mais ces filles-là te répondent qu’elles ne peuvent pas partir. Elles sont mortes de peur. Et je ne fais pas le poids face à leurs "macs". Ça a énormément changé et très rapidement. Même les "proxos" sont très jeunes. Et ils ne rigolent pas. » Elle voudrait arrêter « L’autre nuit, j’ai remarqué une fille, une Russe je pense, refuser des passes. Une fois, deux fois. A la troisième, un gars est sorti de nulle part en voiture. Il lui a écrasé les doigts dans la portière, elle a hurlé, la pauvre. Mais elle a enchaîné les clients ensuite… Je regarde un peu le débat sur la prochaine loi et la possible pénalisation du client : j’espère que ça va apporter une forme de sécurité aux filles. C’est un monde ultra-violent. » Angèle essaye de le quitter. Parce qu’elle a peur, parce qu’il y a « trop de concurrence. J’ai fait aussi des petites annonces sur internet. Mais là aussi, ça explose. Quand j’ai commencé, il y avait dix pages, maintenant il y en a quatre cents. » Une école du Technopôle l’accueille et l’aide à préparer un CAP de coiffure. « Ils connaissent ma vie, j’ai de la chance d’être acceptée… » Mais son passé la rattrape, toujours. « Je sais à peine lire et écrire. Je n’avais plus aucune vie sociale. Avant, je bossais la nuit et je me levais vers 18h. On n’a plus de repère, on ne sait plus vivre en société. Dire bonjour est quelque chose que tu oublies sur le trottoir. C’est difficile de me réinsérer. » Elle aimerait couper complètement. « Si je tapine toujours, c’est pour me payer l’école… » Laurence Noëlle. Photo Gilles WIRTZ. Textes : Kevin GRETHEN. Les dessous de la prostitution Les policiers spécialisés évoquent « un fléau dur à enrayer ». Où les filles sont toujours plus jeunes. « Ça correspond à la demande d’une clientèle en quête de chair fraîche », selon le directeur de la police criminelle de Bavière. L Une idée ? Un reportage que vous souhaitez que nous réalisions ? Vous pouvez contacter la rubrique Lundi Investigation à l’adresse mail : [email protected] HISTOIRES JUDICIAIRES Une cour d’appel new-yorkaise vient d’estimer que les chimpanzés ne pouvaient pas bénéficier des mêmes droits que les humains, déboutant ainsi des défenseurs des primates qui plaidaient pour leur droit fondamental à vivre en liberté. L’association Nonhuman Rights Project demandait que quatre chimpanzés, actuellement en captivité dans l’Etat de New York, puissent rejoindre un sanctuaire pour y vivre librement jusqu’à la fin de leurs jours. e nouveau visage de la prostitution est « étranger. Et de plus en plus jeune, parfois mineur. Ça répond à la demande d’une clientèle en quête de chair fraîche. » Helmut Sporer dresse un état des lieux à la serpette. Brutal, « à l’image de ce milieu où il ne s’agit plus d’usage de son corps mais de traite des êtres humains ». Le directeur de la police criminelle de Bavière n’évoque pas seulement la situation en Allemagne. Expert auprès du Parlement européen, il obser ve « les mêmes maux ailleurs », est-il venu raconter au cours d’un colloque transfrontalier organisé par la préfecture de la Moselle et la délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité. A ses côtés, le commandant Pascal Thirion, patron du groupe de la Sûreté départementale de Moselle en charge des affaires de mœurs, entre autres choses. Régulièrement au contact « des filles », il en voit moins dans la rue. Elles sont « vraiment le dernier maillon de la chaîne. C’est la misère totale », souffle Jean Corso, membre du Nid, la seule association en Moselle qui tend la main aux prostituées et va à leur rencontre. Ces filles-là sont « une espèce en voie de disparition. Elles sont huit, dix, quinze maximum à faire le tapin au centre-ville de Metz. Il arrive parfois une bande de l’Est, comme on a connu avec des Hongroises et leurs souteneurs, mais ça ne dure pas longtemps. » La prostitution est moins visible. « Mais elle est pourtant très présente. C’est un fléau en constante progression », assure le commissaire divisionnaire de la PJ luxembourgeoise, Steve Schmitz. « A Luxembourg-ville, le tapin se fait à des horaires précis et dans certains lieux. Ça, on peut le mesurer et le contrôler, en quelque sorte le maîtriser. C’est le reste qui nous pose vraiment problème. » Les petites annonces et internet par exemple. « Derrière, il y a tout un système. Avec des filles encore une fois très jeunes et qui se vendent à des prix très bas. Elles ne s’adonnent pas à ce commerce volontairement. Mais c’est compliqué de contrôler, de remonter les filières. » Sarrebruck, le client français se voit dérouler le tapis rouge. « Avec 200 ou 300 € elles étaient contentes » « Dans les bordels, ils font ce qu’ils veulent des filles » En 2012, l’Allemagne pensait avoir trouvé le remède. En donnant aux prostituées les mêmes droits qu’un autre salarié, une couverture sociale notamment, l’administration voulait briser la loi du silence. « Mais ça s’est aggravé en réalité. Avant cette légalisation, les prostituées chez nous étaient plutôt libres de leur corps. Aujourd’hui, les gérants de bordels peuvent faire ce qu’ils veulent des filles, décider des salaires, des caden- En 2012, l’Allemagne pensait avoir trouvé le remède mais aujourd’hui, 40 prostituées disposent d’un contrat sur 400 000 dénombrées. Photo Archives Philippe RIEDINGER ces de travail. Pour elles, les conditions de travail ont empiré. 40 femmes seulement disposent d’un contrat de travail et d’une couverture sociale. » Sur 400 000 prostituées dénombrées. « 80 % sont étrangères, Roumaines, Hongroises, Bulgares… » Pour le plaisir des clients des maisons closes. A A Metz en ce moment, les policiers ont repéré « des jeunes femmes originaires d’Amérique du Sud et d’Afrique. Elles viennent à 3-4, s’installent à l’hôtel, prennent des rendez-vous par téléphone. Les proxénètes ne sont pas loin. Mais on manque souvent d’éléments, de témoignages », regrette le commandant Thirion. La Police judiciaire de Metz a réussi, il y a quelques mois, à déboulonner un réseau chinois qui fonctionnait à peu près de la même façon. A Paris, d’où étaient gérés les rendez-vous des filles, les policiers ont interpellé un homme en possession d’une mallette remplie de billets, 400 000 € en tout. La prostitution, ce sont d’autres histoires aussi. Celle d’une sexagénaire de Verdun qui prend deux rendezvous par semaine à Metz pour payer son gaz et l’électricité. Ou celle de deux gamines thionvilloises de 14 et 15 ans. Deux copines qui se sont prostituées pour s’acheter des fringues et du parfum. « Une fois qu’elles avaient 200 ou 300 € en poche, elles étaient contentes », dépeint le commandant Thirion. « Elles trouvaient ça fun… » K. G.