LES PRESTATIONS DU VÉTÉRINAIRE DANS UN REFUGE

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LES PRESTATIONS DU VÉTÉRINAIRE DANS UN REFUGE
DÉCRYPTAGE
LES PRESTATIONS DU VÉTÉRINAIRE
DANS UN REFUGE ANIMALIER
Hormis les établissements de soins vétérinaires réglementés, quel type de structure peut faire intervenir
un vétérinaire et tarifer ses prestations ? Le refuge animalier, sous certaines conditions.
Le point avec Emmanuel Duvilla, avocat au barreau de Lyon, accompagnant les professionnels libéraux de santé.
Dans quels lieux un vétérinaire
peut-il exercer régulièrement
sa profession ?
Selon les articles R.242-51 à -55 du Code
rural, un vétérinaire peut exercer son art
soit au domicile du détenteur d’un animal, soit dans un établissement de soins
vétérinaires situé au domicile professionnel d’exercice (DPE) autorisé par l’Ordre
des vétérinaires, soit sur les lieux d’élevage ou encore sur tout autre lieu dévolu
à l’hébergement des animaux dans le
cadre d’une activité liée à l’animal.
d’établissement de soins vétérinaires. Il
ne pourrait lui être raisonnablement reproché de le faire pour satisfaire ses intérêts personnels, compte tenu du caractère non lucratif de cette activité et
de sa gestion désintéressée. En effet, les
éventuels bénéfices de telles structures,
qui fonctionnent comme des associa-
tions loi 1901, ne peuvent pas être partagés entre leurs membres.
Le praticien pourra-t-il être
rémunéré pour ses prestations
vétérinaires ?
Non, dans la mesure où seul un praticien salarié du refuge peut y prodiguer
des soins vétérinaires. Celui-ci doit alors
être sous l’autorité de la structure qui
l’emploie, ce qui est évidemment incompatible avec la qualité de créateur et dirigeant de l’association.
Un contrat de travail entre le refuge et
le vétérinaire y assurant les prestations
de soins aux animaux devra au préalable être conclu. Ce dernier ne pourra,
dans ce cas, être rémunéré que par le
refuge (et non par les détenteurs d’animaux bénéficiaires des soins), et ce en
tant que salarié, et non comme prestataire libéral.
Les prestations dans un refuge
doivent-elles être gratuites pour
les propriétaires de ces animaux ?
Avant l’instauration du décret n° 2015289 du 13 mars 2015, ayant notamment
modifié les dispositions de l’article
R.242-50 précité concernant les refuges,
les actes de soins fournis aux animaux,
dans de tels établissements, devaient
être gratuits. L’interprétation du texte,
tel qu’il est aujourd’hui rédigé, au regard de son ancienne version, permet
de considérer que ces actes ne doivent
plus être nécessairement gratuits. Un
prix pourrait donc être raisonnablement demandé en contrepartie des
soins fournis au profit des détenteurs
d’animaux venant dans ces établissements.
Comment les prix doivent-ils être
fixés ?
Dans la profession, le prix est, en principe, librement fixé par le vétérinaire,
sans plancher ni plafond, sous réserve
que la tarification des honoraires ne
conduise pas à créer une concurrence
déloyale vis-à-vis de ses confrères. Outre
le respect de cette limitation de droit
commun, le Code de déontologie dispose
que toutes les pratiques tendant à
abaisser le montant des honoraires dans
un objectif de concurrence sont interdites dès lors qu’elles compromettent
la qualité des soins.
Quand la concurrence
st-elle considérée comme
abusive ?
L’abus ne peut être caractérisé que s’il
est observé une manœuvre déloyale tendant à concurrencer ses confrères, soit
par le moyen d’un parasitisme commercial, soit par le dénigrement de
confrères. Hormis ces cas, et sous réserve du maintien de la qualité des
soins, la concurrence entre vétérinaires
est libre. Ce principe, prescrit par la directive “services” de 2006, est voué à se
pérenniser, au regard de la volonté exprimée encore récemment par le législateur de libéraliser les professions réglementées (loi Macron).
Quelle est la typologie
des établissements de soins
vétérinaires ?
Les prix bas pratiqués dans
un refuge s’inscrivent-ils dans
ce cadre ?
Les différentes catégories d’établissements de soins vétérinaires où le praticien peut valablement exercer sa profession, à titre libéral ou en qualité de
salarié, sont : le cabinet vétérinaire, la
clinique vétérinaire, le centre de vétérinaires spécialistes et le centre hospitalier vétérinaire, selon les appellations
du Code rural.
Non, compte tenu de la forme juridique
de ce type de structure, de sa vocation
purement sociale et non lucrative. Un
refuge ne peut créer une concurrence
déloyale car il ne fournit des soins qu’à
destination de gens démunis, en mesure de justifier de leurs faibles ressources.
Sous quel statut juridique
les structures non vétérinaires
telles que le refuge animalier
doivent-elles être gérées ?
Le refuge animalier constitue en effet
une exception, étant donné qu’il est en
principe interdit, selon l’alinéa 1er de
l’article R.242-50 du Code rural, à des
structures dites non vétérinaires, c’està-dire non habilitées à l’exercice de la
médecine vétérinaire, d’employer des
vétérinaires (salariés) pour délivrer des
soins aux animaux. Ces établissements,
visés par l’article L.214-6 du Code rural,
souvent appelés à tort “dispensaires”,
ont vocation à dispenser des actes vétérinaires aux personnes dépourvues de
ressources suffisantes. Ils ne peuvent
être gérés que par des associations de
protection animale ou des fondations
reconnues d’utilité publique.
Est-il possible pour un vétérinaire
de créer un refuge ?
Aujourd’hui, aucun texte ne l’interdit.
Un praticien est en droit de créer ce type
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Serait-ce également le cas
d’un cabinet vétérinaire qui
proposerait de tels tarifs
à ces mêmes personnes ?
Baisser ses honoraires uniquement au
profit de personnes ne disposant que de
faibles revenus et pouvant en attester
n’est normalement pas condamnable,
sous réserve que la qualité des soins
prodigués n’en pâtisse pas.
Quand cette pratique de baisse de tarifs
n’est effectivement pas instaurée à
seule fin de concurrencer ses confrères,
mais incontestablement dans le but
principalement social d’offrir l’accès aux
soins à tous, dont les personnes les plus
démunies, elle ne peut raisonnablement
pas être remise en cause.
Cette motivation est facilement démontrable dès lors qu’il existe une double
tarification : l’une, basse, pour les personnes justifiant de faibles revenus ;
l’autre, proche de celle pratiquée par les
confrères voisins, pour le reste de la
clientèle disposant, quant à elle, de ressources suffisantes. •
SERGE TROUILLET
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