130924_Etude Abonnement électrique - UFC

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130924_Etude Abonnement électrique - UFC
ÉLECTRICITÉ
Les consommateurs abonnés
aux mauvais coûts !
Direction des études – Septembre 2013
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Résumé
Dans le cadre de la grande consultation menée par l’UFC-Que Choisir en 2011, le niveau des tarifs de
1
l’énergie était l’une des principales préoccupations des consommateurs (87% des sondés ). Ceci est d’autant
plus explicatif que les prévisions de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) avancent que les prix
de l’électricité vont augmenter de plus de 30% d’ici 2017 alors même que les tarifs de l’énergie ont déjà
explosé de plus de 30% depuis 2009 (22% sur l’électricité et 32% sur le gaz depuis 2009). La préoccupation
des consommateurs ainsi que les prévisions d’augmentation des tarifs expliquent l’intérêt de l’UFC-Que
Choisir pour les abonnements, composante essentielle de la facture d’électricité des foyers français.
L’abonnement, qui constitue une partie fixe dans la facture d’électricité quelle que soit sa consommation, n’est
pas sans faire débat. En effet, dans son rapport d’activité de 2013, le médiateur propose de supprimer
l’abonnement afin d’aider les ménages en difficulté qui ont une faible consommation. Dans une récente
2
analyse des contrats d’électricité , l’UFC-Que Choisir a également décelé plusieurs clauses litigieuses dont
certaines autorisant le professionnel à s’exonérer de son obligation de conseil tarifaire envers le client.
Notre étude inédite réalisée sur l’analyse des consommations électriques des ménages prolonge notre
analyse juridique en s’intéressant aux conséquences économiques des lacunes du conseil tarifaire sur le prix
payés par les consommateurs pour leurs abonnements. Cette étude dévoile que 55% des ménages, soit
15,1 millions de foyers français et 34 millions de personnes, ne disposent pas d’un abonnement adapté à leur
manière de consommer.
Cette situation a des conséquences tarifaires importantes pour 18% des consommateurs qui paient de
manière injustifiée une puissance d’abonnement trop élevée compte tenu de leur consommation d’électricité,
ce qui entraîne un surcoût inadmissible qui atteint actuellement 35 millions d’euros par an.
Si les surconsommateurs - ces 37% de ménages français qui consomment actuellement à un niveau
supérieur à leur puissance d’abonnement - sont aujourd’hui gagnants au niveau tarifaire, l’installation à venir
du nouveau compteur « intelligent » Linky, prévue à partir de 2016, devrait se traduire par une explosion de
leur facture de plus de 300 millions d’euros par an.
A ces coûts explosifs d’abonnement, s’ajoute également le coût méconnu, mais qui va s’avérer faramineux,
lié au changement du niveau de puissance suite à la mise en place de Linky. Si ERDF ne change pas ses
pratiques actuelles, ce coût devrait atteindre 545 millions d’euros : 179 millions pour les personnes
surconsommatrices, et 366 millions d’euros payés par les sous-consommateurs… pour qu’ils puissent se
faire facturer un abonnement plus cher !
Alors qu’ERDF prétend depuis des années que la mise en place du compteur Linky sera gratuite pour les
consommateurs, pour un coût de mise en place de 4,5 milliards d’euros, notre étude permet de se rendre
compte que c’est bien les consommateurs qui financeront cette mise en place. Au lieu d’être répercutées sur
l’abonnement, les économies permises par le compteur seront conservées par ERDF. Le compteur n’est
donc pas gratuit : les économies de consommation ne sont pas redistribuées au consommateur mais plutôt
« sans surcoût » pour celui-ci. Afin d’atténuer une source potentielle de conflit entre les consommateurs et les
fournisseurs d’électricité, qui aggrave les risques de mécontentement autour du Linky, l’UFC-Que Choisir
demande la création d’une grille tarifaire à la « carte » afin de mieux prendre en compte le comportement réel
des consommateurs, ainsi que la mise en place d’une période de gratuité limitée dans le temps sur la
prestation de changement de puissance lors du déploiement des compteurs Linky.
1
Sondage (2011) UFC-Que Choisir avec 56 437 répondants.
Cf. notre communiqué du 30 octobre 2012 : http://www.quechoisir.org/environnement-energie/energie/electricitegaz/communique-controle-technique-des-offres-energie-tarifs-et-clauses-abusives-en-surchauffe
2
Étude sur les abonnements d’électricité
3
Contenu
I.
L’abonnement d’électricité : un coût incompressible dans la facture des ménages......... 4
1.
Les tarifs de l’électricité : un mix entre abonnement et consommation réelle ............................. 4
2.
Abonnement : 45% de hausse tarifaire d’ici 2020… ................................................................... 4
3.
…Venant aggraver une hausse de 40% du prix de l’électricité entre 1983 et 2013 ................... 5
4.
Offres d’électricité : un choix compliqué pour le consommateur ................................................. 6
a.
Choix du type d’offre.................................................................................................................... 6
b.
Choix de la puissance ................................................................................................................. 7
5.
Une évolution contrastée selon le type d’abonnement ............................................................... 8
II.
L’organisation du réseau public français : comment l’abonnement est calculé,
déterminé, redistribué ?...................................................................................................................... 10
1.
Qui gère les réseaux publics de transport ? .............................................................................. 10
2.
Un calcul de l’abonnement relativement complexe pour les consommateurs .......................... 11
3.
Le rôle du régulateur : garantir un accès non discriminatoire au réseau et déterminer le TURPE
12
III.
Des abonnements inadaptés qui coûtent cher aux consommateurs … ............................ 14
1.
Abonnements : des consommateurs surfacturés injustement .................................................. 14
a.
18% de consommateurs avec des abonnements surfacturés .................................................. 14
b.
35 millions d’euros payés en trop par les sursouscripteurs ...................................................... 16
2.
37% de sous-abonnés profitent actuellement de la tolérance des compteurs .......................... 18
IV.
Avec Linky, le portefeuille de plus de 15 millions de consommateurs va disjoncter ...... 19
1.
Abonnement : un surcoût de 308 millions d’euros pour les sous-abonnés ............................... 19
2.
Un compteur « gratuit » aux 545 millions d’euros de frais cachés ............................................ 21
a.
Les sursouscripteurs : 179 millions d’euros pour enfin réduire le prix de l’abonnement .......... 21
b.
Sous-souscripteurs : 545 millions d’euros… pour un abonnement plus cher ! ......................... 22
V.
Des solutions existent pour limiter l’impact tarifaire de Linky ........................................... 24
1.
Mettre en place une progressivité des classes d’abonnement ................................................. 24
2.
Adapter la puissance aux besoins des consommateurs ........................................................... 25
3.
Une puissance à la carte pour inciter aux économies d’énergie ............................................... 26
VI.
Les propositions de l’UFC-Que Choisir sur les abonnements d’électricité ...................... 28
1.
Une grille tarifaire à la « carte » afin de mieux prendre en compte le comportement réel des
consommateurs ..................................................................................................................................... 28
2.
Une période de gratuité limitée dans le temps sur la prestation de changement de puissance
lors du déploiement des compteurs Linky. ............................................................................................ 28
Étude sur les abonnements d’électricité
4
I.
L’abonnement d’électricité : un coût incompressible dans la
facture des ménages
Sur un peu moins de 36 millions de sites connectés à l’électricité en France, presque 31
millions sont des sites résidentiels. L’ensemble de ces consommateurs résidentiels sont
soumis, via la facture d’électricité et quelle que soit la consommation, à un abonnement.
1. Les tarifs de l’électricité : un mix entre abonnement et consommation
réelle
La structure des prix de l’électricité est binomiale, c’est à dire qu’elle comprend :
•
Une « part fixe » (ou abonnement annuel en euros/an), fixée par la CRE selon le
niveau de puissance estimé. Cette part sert principalement à financer les réseaux
publics d’électricité et les coûts fixes commerciaux des fournisseurs.
•
Une « part variable » proportionnelle à la consommation d’électricité des ménages
(prix de l’énergie en €/kWh) qui sert à couvrir les coûts de production de l’énergie.
2. Abonnement : 45% de hausse tarifaire d’ici 2020…
Selon un rapport du Sénat de 2011, la part de la distribution et du transport payée par
l’ensemble des consommateurs via l’abonnement devrait augmenter en moyenne de
presque 45% d’ici 2020. Cette augmentation s’explique par une reprise du cycle
Étude sur les abonnements d’électricité
5
d’investissement sur les réseaux publics de distribution, qui ont connu dans les dernières
années un vieillissement accéléré source de nombreuses coupures3.
En effet, après avoir atteint un seuil plancher à 2 milliards d’euros par an dans le milieu des
années 1990, le niveau d’investissement est reparti à la hausse afin de financer le
renouvellement et l’amélioration des réseaux. Ce niveau d’investissement devra atteindre
environ 4 milliards d’euros par an d’ici la fin de la décennie uniquement pour parvenir à une
qualité correcte d’alimentation. Ce montant faramineux sera financé principalement par la
hausse du prix des abonnements d’électricité souscrits par les consommateurs.
3. …Venant aggraver une hausse de 40% du prix de l’électricité entre
1983 et 2013
Entre 1983 et 2013, le prix complet de l’électricité (c’est à dire abonnement + consommation
réelle) a augmenté de plus de 40% (inflation déduite).
Cependant, comme le montre le graphique suivant, le niveau de l’abonnement n’a que très
peu augmenté sur la même période et représente environ 27% du prix total de l’électricité.
L’évolution connue lors des 30 dernières années devrait se poursuivre dans les années à
venir, et toujours au détriment du consommateur : les deux composantes de la facture –
abonnement et prix de l’électricité consommée – augmentant de manière similaire, la part de
l’abonnement dans la facture devrait rester stable.
3
Sur ce sujet, voir notre étude d’avril 2013 « Haute tension sur la qualité d’alimentation des Français » :
http://image.quechoisir.org/var/ezflow_site/storage/original/application/bfc3a0852034da37d9ebdddbad66412b.pdf
Étude sur les abonnements d’électricité
6
4. Offres d’électricité : un choix compliqué pour le consommateur
Pour les consommateurs résidentiels quatre types d’offres existent. Le choix dépend
beaucoup du nombre et du type d’équipement dont dispose le ménage mais également de la
manière de consommer. Il n’existe pas vraiment de règles précises pour définir l’offre et la
puissance les plus adaptées. Le rôle du fournisseur d’électricité qui dispose d’outils
d’estimation et d’expérience dans le domaine est ici essentiel pour accompagner les
ménages dans ce choix.
Lors de la souscription le consommateur doit faire deux choix :
•
L’un sur le type d’offre qui dépend beaucoup de la manière de consommer du
ménage (régularité, consommation de jour, consommation de nuit) ;
•
L’autre de la puissance qui dépend beaucoup du nombre et du type d’équipements
dont dispose le foyer.
a. Choix du type d’offre
D’un point de vue technique, les offres d’électricité se composent d’une part fixe,
l’abonnement, et d’une part variable, la fourniture, qui est fonction de la consommation
d’électricité. La différenciation des offres repose principalement sur la manière de facturer le
kilowattheure consommé. Ainsi on distingue :
•
L’offre dite de « Base » où le prix du kilowattheure est constant. Ce type d’offre
correspond plutôt à des personnes qui disposent de peu d’appareils électriques avec
de faibles variations de consommation dans la journée.
•
L’offre dite « Heures Creuses/Heures Pleines » où le prix du kilowattheure est modulé
en fonction des périodes de la journée. Cette offre distingue ainsi les heures creuses
avec un prix du kilowattheure relativement faible et les heures pleines avec un prix du
kilowattheure plus élevé. Cette offre convient mieux à un usage dit « tout électrique »
avec de fortes variations de consommation dans la journée (chauffe-eau électrique et
chauffage électrique).
•
Les offres dites « Tempo » où le prix de l’électricité varie en fonction des jours et des
heures. Pour cela six graduations tarifaires existent : du plus cher au moins cher des
tarifs en heure « bleue », « blanche » ou « rouge », et, au sein de ces trois couleurs,
des heures creuses et des heures pleines. Cette offre correspond à des ménages
ayant une consommation électrique importante mais qui sont capables de facilement
reporter lors des périodes de forte congestion du système électrique français (tarifs
rouges).
•
Les offres dites « Effacement Jour de Pointe » (EJP) : le tarif avec option
« d’effacement des jours de pointe » est une offre où le prix de l’électricité est
relativement réduit pour l’essentiel de l’année et plus élevé pendant 22 jours (lors des
pics de consommation). A la différence des autres offres, les jours de pointe ne sont
pas prédéfinis à l’avance et correspondent aux périodes où la demande est
extrêmement forte (réseau saturé, ou sollicitation très forte des moyens de
Étude sur les abonnements d’électricité
7
production). Cette offre est en voie d’extinction : elle n’est plus disponible à la
souscription mais reste valide pour ceux qui ont un contrat en cours.
Comme le montrent les graphiques ci-après les tarifs dits de « base » et « heures
creuses/heures pleines » concentrent l’essentiel des consommateurs, tant en termes de
souscripteurs que de consommation d’électricité dans le marché résidentiel.
b. Choix de la puissance
En parallèle, à l’intérieur de chacune des offres le consommateur doit faire le choix de la
puissance électrique qui sera mise à sa disposition. Plusieurs niveaux de « kVA »
(kilovoltampère) existent – 3, 6, 9, 12 jusqu’à 36 kVA – qui dépendent pour l’essentiel du
nombre d’équipements électriques détenus par le foyer et de la manière de les utiliser. Plus
Étude sur les abonnements d’électricité
8
le foyer dispose d’équipements électriques, plus le niveau de puissance nécessaire sera
élevé.
On constate que plus des trois quarts des foyers ont une puissance d’abonnement entre 6 et
9 kVA. De manière générale, ces deux niveaux de puissance permettent de balayer un large
spectre de comportements et de situations. Par exemple, la puissance 6 kVA convient plutôt
à un logement de taille moyenne sans chauffage électrique avec un nombre restreint de gros
équipements électroménagers (lave-linge, lave-vaisselle, cuisinière électrique) alors que la
puissance de 9 kVA correspond plutôt à un logement autour de 100 m² avec plusieurs gros
équipements électroménagers, chauffage et chauffe-eau électrique.
Pour autant, la manière d’utiliser les équipements influence beaucoup la puissance
nécessaire. Par exemple, deux ménages ayant un nombre identique d’équipements peuvent
avoir des puissances appelées différentes selon qu’ils utilisent ou non leur équipement de
manière concomitante.
Toute la difficulté actuelle repose sur le fait que les compteurs encore en place ne
permettent pas de mesurer la puissance maximum appelée par un foyer : ils ne mesurent
que la consommation électrique. Les consommateurs ne peuvent donc pas vérifier si la
puissance souscrite dans leur offre correspond à leurs besoins réels.
5. Une évolution contrastée selon le type d’abonnement
Depuis les années 1980 et jusqu'au début des années 2000, les prix des différents
abonnements n’ont cessé de diminuer. Cette baisse s’explique par la réduction des
investissements sur le réseau public de distribution et de transport d’électricité français.
Comme le présentent les graphiques suivants, la baisse a été plus prononcée pour les
abonnements de forte puissance dépassant les 9 kVA. En effet, alors que les abonnements
avec une puissance de 3 et 6 kVA ont baissé de moins de 10% entre 1983 et 2008, ceux de
plus de 9 kVA ont baissé de plus de 40%. Le rebond tarifaire des abonnements les plus
Étude sur les abonnements d’électricité
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faibles en 2009 s’explique par une restructuration qui a été effectuée par la CRE sur les
tarifs.
Comme le montrent également les graphiques, on assiste depuis le début des années 1980
à une baisse plus prononcée des abonnements avec une puissance élevée (9 et 12 kVA).
Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle convergence des tarifs. En effet,
la réduction des écarts tarifaires entre les différentes puissances d’abonnement peut avoir
des effets pervers en particulier sur les ménages énergivores et très équipés qui sont de
moins en moins incités à faire attention à leur manière de consommer.
Depuis 2010, le niveau de l’ensemble des abonnements est reparti à la hausse du fait de la
reprise des investissements sur les réseaux publics de distribution et de transport. Cette
augmentation de l’abonnement devrait se poursuivre dans les années à venir.
Étude sur les abonnements d’électricité
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II.
L’organisation du réseau public français : comment
l’abonnement est calculé, déterminé, redistribué ?
L’abonnement sert en grande partie à financer l’entretien, le développement et l’amélioration
des réseaux publics d’électricité français mais également une partie des coûts commerciaux
des fournisseurs.
1. Qui gère les réseaux publics de transport ?
L’essentiel des sommes payées par les consommateurs au titre de l’abonnement est reversé
aux gestionnaires des réseaux publics français d’électricité via les fournisseurs4. Ces
gestionnaires, qui bénéficient chacun d’un monopole sur leur partie de réseau, sont régulés
par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).
Selon le Code de l’énergie (art. 2, loi du 10 février 2000) la gestion des réseaux publics est
confiée à deux types d’acteurs :
4
5
•
Le gestionnaire du « réseau de transport », c'est-à-dire la société RTE EDF
Transport (filiale à 100% d’EDF). Il exploite le réseau public de transport de
l’électricité qui permet de transporter d’importantes quantités d’énergie sur de
longues distances. Ce réseau est composé des lignes à 400 000, 225 000, 90 000 et
63 000 volts (ou réseaux HTB). Ces lignes relient les centres de production (centrales
nucléaires, production hydraulique et thermique) aux bassins de consommation
(consommateurs industriels et réseaux de distribution des zones urbaines), et
assurent les interconnexions avec les réseaux des pays étrangers.
•
Les gestionnaires « des réseaux de distribution » sont Électricité Réseau
Distribution de France (ERDF, filiale à 100% d’EDF) pour 95% du territoire ou des
entreprises locales de distribution (ELD) sur 5% du territoire. La gestion des réseaux
de distribution est déléguée par les communes grâce à des contrats de concession.
Les réseaux publics de distribution de l’électricité amènent l’électricité du réseau de
transport jusqu’aux compteurs des consommateurs finaux (particuliers, artisans,
PME/PMI…). Ils sont composés de réseaux exploités à 20 000 et 15 000 volts
(réseau HTA5), et de réseaux exploités à 400 volts et 230 volts (réseaux BT).
Les fournisseurs perçoivent l’abonnement qu’ils reversent ensuite aux gestionnaires des réseaux publics.
L’interface entre les réseaux HTA et BT est constituée de transformateurs.
Étude sur les abonnements d’électricité
11
Ces réseaux constituent une charge fixe pour les gestionnaires des réseaux et par
conséquent pour les consommateurs. En grande partie, l’abonnement inclus dans la facture
des ménages permet de financer ces coûts fixes.
2. Un calcul de l’abonnement relativement complexe pour les
consommateurs
Dans le détail, le calcul de l’abonnement repose sur quatre composantes :
•
•
•
La composante annuelle de gestion permet de financer les coûts de gestion
clientèle supportés par les gestionnaires de réseaux. C’est une part fixe de 8,76 €/an
HT prélevée sur tous les particuliers ayant une puissance d’abonnement inférieure à
36 kVA. Elle représente environ 12% à 13% de l’abonnement (voir graphique ciaprès).
La composante annuelle de comptage permet de couvrir les coûts de comptage,
de contrôle, de relève, et de transmission des données de comptage. Là encore cette
part est fixe dans l’abonnement pour l’ensemble des utilisateurs ayant un
abonnement de moins de 36 kVA. D’une valeur de 18,48 €/an HT, elle représente
environ 25% à 28% de l’abonnement des particuliers (voir graphique ci-après).
La composante annuelle de soutirage6 - qui représente environ un tiers de
l’abonnement - couvre principalement les charges du gestionnaire liées à
l’exploitation et à l’investissement dans les infrastructures de réseau ainsi que le coût
des pertes d’électricité liées aux réseaux. Elle dépend d’une part de la puissance
souscrite par le consommateur mais dépend aussi de son usage de l’électricité.
Quatre options tarifaires s’offrent aux consommateurs particuliers ayant une
puissance inférieure à 36 kVA : courte utilisation, moyenne utilisation, moyenne
utilisation avec différenciation temporelle et longue utilisation. Cette option est définie
par le fournisseur à partir du profil du consommateur. Par exemple, un fournisseur
optera plutôt pour une option « moyenne utilisation avec différenciation temporelle »
6
Dépend de la puissance souscrite et de la quantité d'énergie consommée. Ici nous nous intéressons uniquement à la part fixe
qui est intégrée dans l’abonnement.
Étude sur les abonnements d’électricité
12
pour un consommateur disposant d’un chauffage et d’un chauffe-eau électrique, dont
le fonctionnement peut être décalé dans le temps.
La dernière composante de l’abonnement – qui représente presqu’un quart de l’abonnement
– finance les coûts fixes de commercialisation des fournisseurs d’électricité. Ces coûts de
commercialisation financent à la fois les coûts de personnels mais intègrent aussi ceux liés
aux systèmes d’information (pour la gestion clientèle), les créances irrécouvrables des
clients…
3. Le rôle du régulateur : garantir un accès non discriminatoire au réseau
et déterminer le TURPE
L’accès non discriminatoire aux réseaux de transport est la condition préalable si l’on
souhaite que la concurrence se développe à la fois sur la production mais aussi sur la
commercialisation. Toute discrimination des gestionnaires en monopole sur les réseaux
(exemple : prix d’accès différents, délais d’interventions différents ou encore une
différenciation qualité de l’électricité) peut constituer une atteinte grave à la concurrence. En
effet, comme le montre le graphique ci-après, cette discrimination incite les consommateurs
à choisir les fournisseurs favorisés.
Étude sur les abonnements d’électricité
13
Depuis l’ouverture à la concurrence débutée le 1er juillet 2000, le contrôle du système
électrique français est assuré par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Cette
dernière doit garantir un accès équitable des opérateurs aux réseaux publics. L’objectif étant
de promouvoir la concurrence en amont des réseaux, c’est-à-dire sur les moyens de
production, et en aval des réseaux sur la fourniture d’électricité. Conformément aux
dispositions de l’article L. 341-3 du Code de l’énergie, les tarifs d’accès aux réseaux sont
élaborés par la CRE.
Comme nous le voyons, le système d’abonnement existant aujourd’hui en France est
extrêmement complexe pour les consommateurs : dans son fonctionnement tarifaire,
puisqu’il dépend à la fois du mode de consommation choisi (notamment en termes horaires)
et de la puissance installée ; mais également dans ses objectifs, puisque l’abonnement ne
finance pas moins de 4 grands postes de coûts pour les professionnels. De même, la
tarification des différents abonnements, qui répondait à une certaine logique il y a trente ans,
est désormais bien plus confuse. Dans cette optique, combien de consommateurs – souvent
non-conseillés par les professionnels – sont susceptibles d’avoir souscrit une offre inadaptée
à leurs besoins réels ? Et combien leur coûte cette inadaptation ?
Étude sur les abonnements d’électricité
14
III.
Des abonnements inadaptés qui coûtent cher aux
consommateurs …
Suite à notre analyse juridique des contrats d’électricité d’octobre 2012, qui montrait
l’existence de clauses dédouanant les professionnels de l’électricité en cas de manquement
à leurs obligations de conseil envers les clients, nous avons souhaité estimer le nombre de
consommateurs qui, suite à une absence de conseil, un conseil inadapté ou une évolution
dans le temps de leur consommation qui n’aurait pas été prise en compte, se retrouvent à
payer un abonnement inadapté à leurs besoins.
Ce travail a été mené avec l’aide d’un prestataire qui enregistre les données relatives à la
consommation résidentielle grâce à un capteur installé sur le compteur des foyers
volontaires. Cet enregistrement est complété par un questionnaire permettant de connaître
précisément l’équipement et les habitudes de ces ménages.
201 personnes ont été suivies sur une année entière. Des enregistrements ont été réalisés
afin d’apprécier le niveau de puissance réellement appelée et la manière de consommer des
ménages. Ces enregistrements ont ensuite été comparés aux réponses transmises par les
panelistes.
A ces outils permettant d’analyser en détail la consommation des ménages, a été associé un
panel de plus de 1 000 consommateurs, qui a permis à l’UFC-Que Choisir d’avoir des
données fiables sur les abonnements de ceux-ci.
Au global, les résultats de cette étude montrent qu’il existe un réel problème puisque moins
de la moitié des ménages (45%) disposent d’un abonnement qui correspond à leurs
besoins. Le reste des foyers dispose d’un abonnement soit trop élevé, soit trop faible, avec
des conséquences réelles, en particulier en terme tarifaire.
1. Abonnements : des consommateurs surfacturés injustement
a. 18% de consommateurs avec des abonnements surfacturés
Lors de la souscription du contrat d’électricité pour l’ouverture d’un compteur ou le
changement d’offre d’électricité, les fournisseurs sont les principaux interlocuteurs des
consommateurs. Leur rôle dans cette étape est de conseiller leurs clients pour leur permettre
de souscrire à la fois le type d’offre mais également la puissance la plus adaptée à leurs
besoins.
Or, les mesures réalisées par notre prestataire montrent que plus de 18% des
consommateurs du panel sont surtarifés, c'est-à-dire qu’ils paient un abonnement avec une
puissance trop élevée par rapport à leurs besoins réels (en vert dans le graphique ci-après).
Étude sur les abonnements d’électricité
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Dans le détail, la part des sursouscripteurs est, en toute logique, plus élevée dans les
abonnements de puissances plus élevées. Ainsi comme le montre le graphique ci-après la
part des sursouscripteurs atteint seulement 2% des abonnés pour une puissance de 6 kVA,
alors qu’ils sont 23% pour les abonnements à 9 kVA.
Par ailleurs, comme le présente le graphique ci-après, l’essentiel des consommateurs
subissant une sursouscription disposent d’une offre de base (13%).
Étude sur les abonnements d’électricité
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Cause de ces sursouscriptions :
Il n’existe pas d’outil facile pour estimer correctement la puissance appelée des ménages. La
démarche reste donc complexe, et nécessite un examen complet des équipements et
habitudes des clients. Le conseil réalisé par les fournisseurs d’électricité – quand il existe –
est aujourd’hui trop limité pour permettre d’éviter ces cas de sursouscriptions. De plus, ce
conseil ne devrait pas se cantonner au moment de la souscription : le comportement et les
usages des ménages peuvent se modifier dans le temps et pendant le contrat (exemple : un
remplacement d’un chauffage électrique, ou l’achat d’équipements moins énergivores
entraînent une diminution de la puissance nécessaire).
Ajoutons que toute demande de changement de puissance par les clients entraîne une
facturation par le gestionnaire de réseau (comme nous le verrons plus bas), ce qui peut avoir
un effet dissuasif sur les consommateurs.
b. 35 millions d’euros payés en trop par les sursouscripteurs
Le calcul suivant, basé sur les tarifs réglementés 2012/2013, permet de se rendre compte
qu’une erreur dans la puissance d’abonnement peut entraîner des surcoûts pour les
consommateurs allant de 14€/an à plus de 84€/an.
BASE (juin 2013)
EDF
Tarif Bleu (particuliers)
Ecart (€/an)
6 kVA
9 kVA
HT
TTC
HT
TTC
65,64
82,98
13,62
76,08
96,97
13,99*
12 kVA
HT
118,08
TTC
153,7
56,73
15 kVA
HT
TTC
135,72 177,66
23,96
(*Surcoût entre le 6 kVA et le 9 kVA de 13,99€/an)
HP/HC (juin 2013)
6 kVA
9 kVA
12 kVA
15 kVA
HT TTC HT
TTC
EDF
HT
TTC
HT
TTC
79,2
99,54
94,44
119,73
156,72
203,92
183,72
240,11
Tarif Bleu (particuliers) HP/HC
N/A
20,19
84,19
36,19
Ecart (€/an)
Étude sur les abonnements d’électricité
17
De manière plus générale, l’impact d’une sursouscription de la puissance d’abonnement sur
une facture peut alourdir les factures annuelles des consommateurs de 5 à 10%, comme le
montrent les exemples suivants :
Consommateur A
Puissance
6 kVA
9 kVA
Consommateur B
Puissance
9 kVA
12 kVA
Offre de base
Consommation
Facture (€
(kWh)
TTC)
3500
549
3500
576
Ecart
Offre de base
Consommation
Facture (€
(kWh)
TTC)
4500
709
4500
770
Ecart
4,9%
8,6%
Enfin, d’après l’extrapolation des données, l’impact financier pour les ménages
sursouscripteurs n’est pas négligeable puisqu’il entraîne pour ces 18% de consommateurs
un surcoût de plus de 35 millions d’euros par an. Comme le montre le graphique suivant, les
conséquences économiques sont plus importantes pour les ménages ayant une offre
« base » et une puissance élevée.
Par ailleurs, nos estimations reposent sur une fourchette basse puisque nous avons
volontairement limité le calcul aux puissances de 6 et 9 kVA : or, la puissance de 6 kVA,
relativement faible, entraîne moins de surfacturation que la moyenne (10% au lieu de 18%).
Les sommes totales sont donc sans doute bien plus élevées, la sursouscription étant
d’autant plus élevée que les puissances souscrites sont hautes.
Étude sur les abonnements d’électricité
18
2. 37% de sous-abonnés profitent actuellement de la tolérance des
compteurs
Notre étude montre également que l’essentiel du problème des abonnements ne se limite
pas aux sursouscripteurs. En effet, 37% des ménages sont en réalité des soussouscripteurs, c’est-à-dire que leur puissance souscrite est inférieure à la puissance
réellement appelée par leurs usages et leurs équipements. Les conséquences financières
pour les gestionnaires de reseaux sont nulles puisque les tarifs de l’électricité, selon la loi,
doivent couvrir les coûts (principe de couverture des coûts assurés par le TURPE). Par
conséquent, les pertes liées aux consommateurs en sous-abonnement sont compensées par
l’ensemble des consommateurs, via l’ensemble des abonnements.
En théorie, pour les consommateurs résidentiels, un dépassement de la puissance souscrite
doit faire disjoncter le système électrique du consommateur. Mais la tolérance des systèmes
électriques fait qu’il est actuellement possible de dépasser la puissance souscrite sans voir
son alimentation coupée. Les coupures peuvent donc exister, mais de manière plus limitée
qu’avec un système électrique moins souple.
Dans notre panel, les ménages sous-souscripteurs effectuent en moyenne un dépassement
de puissance par semaine. Pour nombre d’entre eux, un suivi et une information cohérente
permettraient de réduire ces dépassements.
Aujourd’hui donc, 18% des consommateurs paient au moins 35 millions de trop pour leur
abonnement, tandis que 37% des consommateurs sont sous-tarifés. L’arrivée du compteur
Linky, loin de diminuer les coûts pour les consommateurs, risque de faire exploser la facture
globale, sans épargner ceux qui, aujourd’hui, paient trop cher.
Étude sur les abonnements d’électricité
19
IV.
Avec Linky, le portefeuille de plus de 15 millions de
consommateurs va disjoncter
Le compteur « intelligent » Linky devrait progressivement – entre 2016 et 2020 – remplacer
les compteurs traditionnels dans les foyers français. Celui-ci devrait être beaucoup plus
précis que les compteurs actuels. Il va notamment permettre de mieux mesurer la puissance
maximum appelée par les ménages.
1. Abonnement : un surcoût de 308 millions d’euros pour les sousabonnés
L’impact est tout d’abord pratique. Le compteur Linky est beaucoup plus sensible que les
compteurs actuels. Ainsi, au moindre dépassement, le compteur disjoncte. Cette situation
s’est présentée pour certains consommateurs lors de la phase d’expérimentation du Linky,
obligeant ces derniers à augmenter leur puissance d’abonnement. Ainsi, alors que la plupart
des consommateurs de notre panel ne dépassent leur puissance de souscription qu’une fois
par semaine en moyenne, ce dépassement va entraîner systématiquement une coupure, ce
qui les forcera à passer à l’abonnement supérieur.
Dans le détail, on peut constater que les sous-souscriptions touchent principalement les
faibles puissances (voir graphique ci-après). Ainsi 45% des ménages avec une puissance de
6 kVA devront passer à une puissance supérieure et 32% des ménages à 9 kVA devront
passer à 12 kVA.
Les foyers avec une offre « base » seront les plus touchés puisqu’ils représentent quasiment
les deux tiers des sous-souscripteurs.
Étude sur les abonnements d’électricité
20
En extrapolant les chiffres obtenus dans le panel, nous avons calculé l’impact du
changement des abonnements suite à l’installation du compteur Linky. Ces chiffres sont
minimisés pour deux raisons :
•
•
D’une part, le calcul n’intègre que les ménages avec une puissance de 6 et 9 kVA ;
D’autre part, les calculs sont effectués sur les tarifs actuels : or, comme l’indique le
rapport du Sénat déjà cité, d’ici l’installation des compteurs Linky les écarts tarifaires
entre les abonnements devraient évoluer à la hausse.
D’après nos estimations, ce coût devrait être très conséquent puisque les consommateurs
concernés subiront, rien que sur le différentiel de prix des abonnements, un surcoût de plus
de 308 millions d’euros par an. Cette estimation est la somme totale que devront payer les
consommateurs après l’installation des 35 millions de compteurs Linky et la normalisation
des abonnements. Le niveau du surcoût devrait donc évoluer en fonction du déploiement du
compteur Linky. Cette évaluation met à mal l’argumentaire avancé par le groupe EDF qui
affirme que le déploiement du compteur Linky est « gratuit » pour les consommateurs.
Comme le montre le graphique ci-après ce surcoût touche plus les ménages ayant une offre
« base » (173 millions d’euros par an) et des puissances élevées (presque 134,9 millions
d’euros par an pour les 9 kVA). En effet, l’écart tarifaire entre les abonnements 9 et 12 kVA
reste plus important qu’entre les puissances inférieures, ce qui explique l’écart financier
entre les foyers à 6 et 9 kVA ci-après.
Étude sur les abonnements d’électricité
21
2. Un compteur « gratuit7 » aux 545 millions d’euros de frais cachés
La mise en place de Linky devrait limiter les erreurs de sursouscription, voire même les faire
totalement disparaître. Cependant, à l’heure actuelle, l’installation du compteur Linky
n’entraînera pas de changement du contrat : les consommateurs auront toujours leur
ancienne puissance d’abonnement mentionnée dans celui-ci. Par conséquent, les ménages
ne disposant pas d’un abonnement adapté devront faire une demande de changement de
puissance auprès d’ERDF.
a. Les sursouscripteurs : 179 millions d’euros pour enfin réduire le prix de
l’abonnement
Les ménages avec une puissance trop élevée qui souhaitent bénéficier d’une réduction de
leur prix d’abonnement devront faire une demande de changement de puissance.
Actuellement, la modification de la puissance nécessite le déplacement d’un agent d’ERDF
pour changer le réglage du disjoncteur et relever l’index. Cette prestation est facturée 36,21€
TTC par le gestionnaire de réseau ERDF.
Au total, d’après les résultats de notre panel et en conservant les tarifs actuels de
changement de puissance, les 18% de ménages sursouscripteurs devront s’acquitter d’un
montant de 179 millions d’euros pour bénéficier de l’abonnement qui correspond réellement
à leurs usages… et obtenir 35 millions d’euros de réduction sur leur facture annuelle ! Il
faudra donc plus de 5 ans pour que les consommateurs surtarifés puissent rentrer dans les
frais de leur changement de tarif d’abonnement.
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http://www.erdf-leblog.fr/linky-cest-parti
Étude sur les abonnements d’électricité
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Cette situation est inadmissible : l’inadéquation entre le niveau consommé et la puissance
souscrite provient pour l’essentiel d’un mauvais conseil - ou d’un conseil inexistant - du
professionnel au consommateur. Par conséquent, il semble essentiel qu’à la suite de
l’installation du compteur Linky les ménages soient autorisés - au moins pendant la première
année d’installation du nouveau compteur - à changer gratuitement de niveau d’abonnement.
b. Sous-souscripteurs : 366 millions d’euros… pour un abonnement plus
cher !
Comme pour les sursouscripteurs, les sous-souscripteurs devront faire une demande de
changement de puissance. Par conséquent, aux coûts d’augmentation de l’abonnement
s’ajoute le coût (théoriquement unique) que devront supporter les consommateurs
aujourd’hui sous-souscripteurs qui devront modifier leur contrat de distribution suite aux
nouvelles mesures de puissance par le compteur Linky. Ces coûts sont loin d’être
négligeables puisque – en se basant sur les tarifs actuels de modification – ces ménages
devront s’acquitter de la somme de 366 millions d’euros pour « bénéficier » d’un niveau
d’abonnement plus cher !
Étude sur les abonnements d’électricité
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Au total donc, les 37% de ménages français actuellement sous souscripteurs se verront
facturer 366 millions d’euros immédiatement après la mise en place du compteur Linky, puis
308 millions d’euros par an, soit un total faramineux de 674 millions d’euros sur la première
année d’installation du compteur !
Étude sur les abonnements d’électricité
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V.
Des solutions existent pour limiter l’impact tarifaire de
Linky
Avec l’installation des nouveaux compteurs électriques, une part importante des
consommateurs va devoir augmenter sa puissance d’abonnement. Or, dans le système
actuel, une augmentation de la puissance (à consommation identique) peut impacter la
facture des ménages avec des surcoûts pouvant dépasser les 5%. Ceci est inacceptable
dans un contexte d’augmentation des prix de l’électricité qui devrait dépasser les 30% d’ici
2017, et les 45% d’ici 2020. Par ailleurs, sans prise en compte de ce problème, la promesse
d’un déploiement du compteur Linky sans surcoût direct pour le consommateur va rester
lettre morte.
1. Mettre en place une progressivité des classes d’abonnement
Dans les grilles tarifaires actuelles, les classes de puissances sont incrémentées par palier
de 3 kVA (soit environ 3 000W). Autrement dit, l’abonnement augmente tous les 3 kVA.
Cette incrémentation imprécise et trop large ne permet pas de refléter correctement le profil
réel du consommateur.
Ainsi, comme l’expose le graphique ci-après, il existe un écart entre la puissance de
souscription (trait en escalier noir) et la puissance réellement appelée par certains
consommateurs (droite bleue). On s’aperçoit que seuls les consommateurs proches du palier
de puissance inférieure bénéficient d’un abonnement qui correspond à leur profil. Pour les
autres consommateurs la perte monétaire sur l’abonnement est d’autant plus grande qu’ils
s’éloignent de la puissance de souscription inférieure (zone rose).
L’impact est d’autant plus significatif que les ménages sous-souscripteurs ne dépassent que
légèrement la puissance souscrite et de manière exceptionnelle, comme l’a montré notre
étude.
Par exemple, un ménage (A) avec une puissance maximum appelée de 6 500W devra
souscrire à un abonnement de 9 kVA (9 000W) alors qu’il est plus proche des 6 kVA
(6 000W). Par ailleurs, il n’atteint que rarement cette puissance maximum : une meilleure
connaissance de l’usage de ses équipements ou une puissance plus adaptée pourrait lui
éviter une augmentation de son abonnement.
Étude sur les abonnements d’électricité
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2. Adapter la puissance aux besoins des consommateurs
Au-delà de la question de la transmission de l’information, le compteur Linky permet au
gestionnaire de réseau d’avoir une idée précise de la puissance maximum appelée par le
ménage, mais aussi de régler à distance la puissance maximum admise par le
consommateur avec une plus grande précision que les compteurs actuels. Grâce au
compteur Linky, il est donc possible pour le fournisseur et/ou le gestionnaire de réseau de
mieux apprécier la puissance qui correspond le mieux au profil du consommateur.
Cependant, les grilles tarifaires actuelles ne permettent pas de résoudre le problème
explicité précédemment c'est-à-dire la décorrélation entre le besoin du consommateur et la
puissance qu’il a souscrite.
Pour réduire ces écarts, il est nécessaire de réduire les paliers actuels dans les grilles
tarifaires. Ainsi, la mise en place d’une grille tarifaire reposant sur des paliers de puissance
de 1 000W, soit 1 kVA plutôt que les 3 kVA actuels, serait bien plus précise et représenterait
bien mieux l’usage réel du client.
Ainsi, si nous reprenons l’exemple précédent, le ménage A avec une puissance appelée de
6 500W, n’aura besoin de souscrire qu’un abonnement de 7 kVA, au lieu de 9 kVA dans le
système actuel, ce qui devrait réduire significativement l’augmentation de son abonnement,
et donc ses pertes (zone rose) par rapport à la situation actuelle.
Étude sur les abonnements d’électricité
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3. Une puissance à la carte pour inciter aux économies d’énergie
L’autre avantage induit par ce type de tarification est d’inciter les ménages à modifier leurs
comportements. En effet, un des moyens pour les ménages de réduire la puissance appelée
est d’étaler dans le temps l’usage des équipements (reporter l’usage du chauffe-eau, lavelinge ou lave-vaisselle par exemple) ce qui permet de réduire les pointes de puissance.
Avec les grilles tarifaires actuelles l’incitation porte essentiellement sur la réduction de la
consommation d’électricité. Pour le consommateur, il n’y a pas d’intérêt à réduire sa
puissance appelée. En effet, le gain économique d’un passage de 9 kVA à 6 kVA (gain de 13
euros par an) par rapport à la profonde évolution de comportement que cela implique n’incite
pas au changement.
Une grille tarifaire avec des écarts d’un seul kVA par classe de puissance peut avoir des
effets plus incitatifs sur les ménages qui modifient leur comportement : le premier kVA de
réduction de consommation leur permettra déjà de bénéficier d’économies.
Par exemple, dans le tableau ci-après, le ménage 1 est actuellement obligé de réduire de
plus de 2 000W son pic de puissance afin de pouvoir bénéficier d’un abonnement moins
cher. Cette évolution reste difficilement atteignable sans modifier brutalement ses habitudes.
Avec la nouvelle grille tarifaire que nous proposons, il n’a qu’à réduire sa puissance de
1 000W pour réduire son abonnement, et donc sa facture.
Étude sur les abonnements d’électricité
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Étude sur les abonnements d’électricité
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VI.
Les propositions de l’UFC-Que Choisir sur les
abonnements d’électricité
Notre étude montre que le cocktail entre inadéquation des abonnements d’électricité et
généralisation du nouveau compteur Linky risque d’être explosif pour les consommateurs.
Afin d’éviter que la mise en place de Linky ne se traduise par une hausse insupportable des
frais pour les consommateurs, l’UFC-Que Choisir demande qu’avant tout déploiement du
compteur soient instaurées :
1. Une grille tarifaire à la « carte » afin de mieux prendre en compte le
comportement réel des consommateurs
Le déploiement du compteur Linky va permettre d’avoir une idée plus précise de la manière
de consommer des ménages. Cependant, comme le montre notre étude, la plus grande
précision du compteur risque d’entraîner des surcoûts très importants, en particulier pour les
ménages qui disposent d’un abonnement actuellement sous-évalué.
Consciente que ces surcoûts risquent d’entraîner un rejet du projet par une partie des
consommateurs, l’UFC-Que Choisir demande que soit instaurée une nouvelle grille tarifaire
pour les bénéficiaires du nouveau compteur avec des paliers de puissance plus faibles qui
permettent un abonnement plus proche des usages réels des foyers. La modification des
classes d’abonnement a un double objectif :
•
Permettre une meilleure corrélation entre la puissance réelle appelée par le ménage
et la puissance souscrite par les foyers ;
•
Réduire l’augmentation de l’abonnement pour les ménages actuellement sousabonnés qui devront augmenter leur puissance au moment de l’installation du
compteur Linky.
2. Une période de gratuité limitée dans le temps sur la prestation de
changement de puissance lors du déploiement des compteurs Linky.
Selon nos observations, lors du déploiement des nouveaux compteurs, plus de 15 millions
de ménages devront modifier à leur frais la puissance de leur abonnement. Or, le plus
souvent, les erreurs ne proviennent pas des consommateurs mais d’un conseil tarifaire
défaillant. Il est par conséquent inacceptable que les consommateurs subissent les
conséquences financières liées à ce défaut. L’UFC-Que Choisir demande que la prestation
de changement de puissance soit temporairement gratuite (exemple : 2 ans avec une
possible limitation du nombre) après l’installation du compteur Linky. Par ailleurs, avec le
compteur Linky, le changement de puissance se fait à distance et ne nécessite pas le
déplacement d’un agent, il est par conséquent essentiel que le tarif de cette prestation soit
revu à sa juste valeur dès le déploiement des compteurs. Enfin, le compteur Linky
permettant d’augmenter les revenus tiré des abonnements – en particulier des soussouscripteurs actuels – il apparaît normal que le gestionnaire du réseau prenne en charge
l’acte de modification des abonnements.
Étude sur les abonnements d’électricité