Poly - Introduction aux Livres Prophétiques

Transcription

Poly - Introduction aux Livres Prophétiques
LES LIVRES PROPHETIQUES
1.
Introduction
1.1 Le phénomène prophétique dans la Bible et dans le proche Orient antique
Le phénomène prophétique est institutionnel en Israël et dans le Moyen Orient. Dire qu’il
est institutionnel signifie dire qu’il est reconnu par tous. Ce phénomène part d’une
acceptation du peuple de Dieu et est une institution dans l’institution du peuple de Dieu.
Il y a plusieurs catégories de prophètes :
Les prophètes de cour : le fonctionnaire auquel le roi s’adresse pour connaître la
volonté de Dieu. Nous avons l’exemple du prophète Nathan.
Les prophètes cultuels dans le Temple. Il y a parfois des contrastes, mais jamais les
prophètes ne s’opposent au culte. Ils parlent toujours du culte de l’intérieur.
Les autres prophètes.
Le prophétisme est donc une institution reconnue tout comme la monarchie, et tout comme
le sacerdoce.
La Bible interdit certaines formes d’idolâtrie, mais pas la divination en générale. Nous le
voyons dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament.
C’est différent de la magie bien qu’à un moment toute la divination s’y frotte. La magie est
une science technique humaine qui contraint la divinité.
L’homme ne peut pas décider quelque chose sans savoir si la divinité est favorable.
Il y a des formes de divination qui sont sous le contrôle de l’autorité. Par exemple en Grèce,
nous avons la divination officielle. L’empereur en était le détenteur.
Dans le monde méditerranéen, on en reconnaît des formes :
1
1.1.1 La divination par observation des réalités naturelles
L’astrologie qui est très utilisée à Babylone. La Bible ironise dessus.
(Is 47,13 : « Tu t'es épuisée à force de consultations, qu'ils se présentent donc et te sauvent ceux qui détaillent le
ciel, qui observent les étoiles, qui annoncent chaque mois ce qui va fondre sur toi. »)
L’observation des nuages et de leurs aspects ; des éclairs et de leur direction.
Il n’y en a pas de mention dans la Bible. Mais on trouve un phénomène qui se voit ailleurs en
méditerranée : l’écoute du vent dans les branches des arbres sacrés.
2Sam 5,24 : « Quand tu entendras un bruit de pas à la cime des micocouliers, alors dépêchetoi : c'est que Yahvé sort devant toi pour battre l'armée philistine. »
Zeus de Dodona répondait par le vent dans les feuilles.
Le comportement des animaux comme par exemple les poulets sacrés, ou le vol des oiseaux
qui donnait un bon augure. Le dieu Hadad était consulté par ce moyen.
1Sam 6 : « [7] Maintenant, prenez et préparez un chariot neuf et deux vaches qui allaitent et n'ont pas
porté le joug : vous attellerez les vaches au chariot et vous ramènerez leurs petits en arrière à l'étable.
[8] Vous prendrez l'arche de Yahvé et vous la placerez sur le chariot. Quant aux objets d'or que vous lui
payez comme réparation, vous les mettrez dans un coffre, à côté d'elle, et vous la laisserez partir.
[9] Puis regardez : s'il prend le chemin de son territoire, vers Bet-Shémesh, c'est lui qui nous a causé ce
grand mal, sinon nous saurons que ce n'est pas sa main qui nous a frappés et que cela nous est arrivé
par accident."
[10] Ainsi firent les gens : ils prirent deux vaches qui allaitaient et ils les attelèrent au chariot, mais il
retinrent les petits à l'étable.
[11] Ils placèrent l'arche de Yahvé sur le chariot, ainsi que le coffre avec les rats d'or et les images de
leurs tumeurs.
[12] Les vaches prirent tout droit la route de Bet-Shémesh et gardèrent le même chemin, elles
meuglaient en marchant, sans dévier ni à droite ni à gauche. Les princes des Philistins les suivirent
jusqu'aux confins de Bet-Shémesh. ».
1.1.2 La divination par des instruments
L’observation des viscères des animaux sacrés pour y trouver un augure. Souvent cela
appartient au chef suprême des forces armées qui détient la responsabilité de la réussite ou
de l’échec. Le foie était souvent l’organe privilégié. (Cf. Babylone et les étrusques).
Il n’y en a pas dans la Bible. On cite le mot de foie en Ez 21,26 : « Car le roi de Babylone s'est
arrêté au carrefour, au départ des deux chemins, pour interroger le sort. Il a secoué les
2
flèches, interrogé les téraphim, observé le foie. ». Le lévitique spécifie que le foie doit être
brûlé sur l’autel. Sans doute pour éviter les pratiques d’hépatoscopie.
En Gn 44 on voit une coupe oraculaire qui est volée. Ceci représente un véritable attentat à
la sécurité de la nation et de la maison du roi. Cet objet sert au 1er ministre du pharaon.
En Ez 21,26 on voit la divination par les flèches : « Car le roi de Babylone s'est arrêté au carrefour, au
départ des deux chemins, pour interroger le sort. Il a secoué les flèches, interrogé les téraphim, observé le
foie ».
2Roi 13,14-19 : « Quand Elisée fut frappé de la maladie dont il devait mourir, Joas, le roi d'Israël, descendit vers
lui, pleura sur son visage et dit : "Mon père ! Mon père ! Char d'Israël et son attelage !" [15] Elisée lui dit : "Va
chercher un arc et des flèches", et il alla chercher un arc et des flèches. [16] Elisée dit au roi : "Bande l'arc", et il
le banda. Elisée mit ses mains sur les mains du roi, [17] puis il dit : "Ouvre la fenêtre vers l'orient", et il l'ouvrit.
Alors Elisée dit : "Tire !" et il tira. Elisée dit : "Flèche de victoire pour Yahvé ! Flèche de victoire contre Aram ! Tu
battras Aram à Apheq, complètement." [18] Elisée dit : "Prends les flèches" ; et il les prit. Elisée dit au roi :
"Frappe contre terre", il frappa trois coups et il s'arrêta. [19] Alors l'homme de Dieu s'irrita contre lui : "Il fallait
frapper cinq ou six coups ! Alors tu aurais battu Aram complètement ; maintenant, tu ne le battras que trois fois
!" »
Le sort.
On le trouve en Jos 7,17.18. C’est accueilli par tout Israël :
« Il fit approcher les clans de Juda, et le clan de Zérah fut désigné par le sort. Il fit approcher le clan de Zérah par
familles, et Zabdi fut désigné par le sort. Josué fit avancer la famille de Zabdi homme par homme, et ce fut
Akân, fils de Karmi, fils de Zabdi, fils de Zérah, de la tribu de Juda, qui fut désigné par le sort. »
1Sam 10,19-21 : « Mais vous, aujourd'hui, vous avez rejeté votre Dieu, celui qui vous sauvait de tous vos maux
et de toutes vos angoisses, et vous avez dit : Non, mais établis sur nous un roi !" Maintenant, comparaissez
devant Yahvé par tribus et par clans." Samuel fit approcher toutes les tribus d'Israël et la tribu de Benjamin fut
désignée par le sort. Il fit approcher la tribu de Benjamin par clans, et le clan de Matri fut désigné. Il fit
approcher le clan de Matri homme par homme, et Saül, fils de Qish, fut désigné ; on le chercha, mais on ne le
trouva pas. »
Jos 14,2 : « C'est par le sort qu'ils reçurent leur héritage, comme Yahvé l'avait ordonné par l'intermédiaire de
Moïse pour les neuf tribus et demie. »
(Cf. Jos 18,1-21).
Il y avait deux instruments : les Urim et Tummim. (L’exode donne des détails du vêtement du
prêtre) ce que l’on sait c’est que c’était suffisamment petit pour être mis dans la poche
pectorale. Mais on ne sait rien de la taille, de la forme, du poids…
Il y avait l’Ephod oraculaire :
3
•
Ephod bad : de lin qui est un vêtement archaïque ;
•
Ephod sacerdotal : évolution du bad ;
•
Ephod oraculaire : nous avons plein de doutes sur celui-là qui semble être
solide, consistant. Peut-être est-ce un habit.
Nous le trouvons en Juge 8,24-27 ; 1S 2,28 ; 1S 14, 3.8 ; 1S 21,10 ; 1S 23,6.9 ; Osée 3,4.
1.1.3 Moyens de divination par les intuitions humaines
L’oniromancie qui est l’interprétation des rêves Gn 20,3 ; Gn 28,11-16 ; Gn 37-40-41, Juges 7,
Daniel, Siracide 34,1 dans le Nouveau Testament les songes divinatoires existent : Mt 1,20,
Mt 2, Ac 16, 9, 18,9. Il n’y a pas de provocation. Les rites d’incubation sont un moyen
oraculaire où l’on recherche un songe par pratique cultuelle, exemple en Grèce du dieu
guérisseur où l’on offrait un culte à la divinité et l’on s’endormait dans le temple et le rêve
était la réponse de la divinité. Dans la Bible il n’y a pas de rite d’incubation, mais des songes
divinatoires si. Samuel reçoit une communication divine pendant qu’il dort dans le temple de
Silo. Mais ce n’est pas évident qu’il s’agit d’un songe. De plus Samuel n’est pas allé au temple
pour cela, il sert au temple. Ce n’est donc pas évident en soi.
La nécromancie qui est l’invocation des esprits des morts. Voir en 1S 28 Saül et la sorcière
nécromancienne d’En-Dor qui s’applique le titre de prêtresse d’Apollos : Pythonisse. Piton
est des titres d’apollos. Elle donnait l’oracle dans le temple de Delphes. C’est une baalat- ov :
femme, dame spectre, esprit, mais en réalité l’ov serait selon une recherche archéologique
le puit divinatoire. Aux divinités célestes on fait des sacrifices sur l’autel et aux dieux
terrestres on fait des sacrifices dans un puit. (Cf. aussi l’Iliade et l’Odyssée). Ce sont des rites
normaux de l’antique grèce. Cette femme devait être une de ces femmes qui avait un puit
divinatoire et qui servait pour l’invocation des esprits des morts. L’esprit de Samuel monte
dans le texte de 1Sam 28,13 de la terre. La divination par nécromancie est très condamnée,
mais elle est très efficace. Un prophète est invoqué par cet acte. C’est condamné, mais ceci
ne signifie pas que cela ne fonctionne pas. C’est un clair exemple de divination. Le roi décide
d’utiliser ce moyen qu’il avait interdit d’utiliser parce que le Seigneur ne lui a pas répondu
par songe (implique qu’il devait exister un système de songe), ni par les Urim (sorts 28,6), ni
par le moyen des prophètes de sa cour qu’il avait comme roi. Le Seigneur ne répond pas,
donc il utilise ce moyen. Cela fonctionne.
4
La divination oraculaire qui est diffuse dans tout le bassin de la méditerranée. Surtout en
grèce. Par exemple la grande influence de l’oracle de Delphes. (Cf. Platon qui parle de
l’oracle de Delphes comme parole de dieu révélée). Elle intervenait par la prêtresse
Pythonisse qui recevait des réponses de dieu. Mais nous ne savons pas comment elle faisait
pour recevoir ces réponses de dieu. Des textes dise qu’elle agissait sous la transe et les
prêtres écrivaient les paroles qu’elle professait en transe et les réécrivait. Par contre, les
sources iconographiques montre plutôt une prêtresse très tranquille et maître d’elle-même.
Ainsi nous avons une contradiction. Les sources archéologiques de Delphes parlent d’une
faille sous le temple où sortait des gaz qui aurait pu la soûler.
A Rome il y avait les poulets sacrés, mais les oracles n’avaient pas beaucoup de succès parce
que ce n’est pas contrôlable à la différence des viscères…
La réponse du dieu est véhiculée par un signe ou un message verbale par un médiateur
qualifié. Le médiateur l’interprétait lui-même. Dans tout le Moyen Orient nous voyons des
voyants qui doivent interpréter le message de Dieu. Il y a les prophètes cultuels, chaque
temple à les siens. Surtout ils sont liés à la cour. Tout grand souverain à ses prophètes. Cela
ne manque jamais à la cour du souverain. Dans la cour de David : Nathan et Gad ; Achab à
400 prophètes avec un chef qui s’appelait Sédécias 1Roi 22. Il n’y a pas seulement les
prophètes du Seigneur (1Roi 18,20) : Elie est seul et il y a 400 prophètes de baal.
1.2
Origine de la prophétie biblique
Comment cela se manifeste dans les récits bibliques ?
Prophetes, prophémis = parler pour, à la place de quelqu’un. C’est faire le porte-voix. A ce
terme correspond dans l’Ancien Testament une terminologie variable.
Ro’eh de Raa veut dire voir. C’est le voyant. C’est un terme rare. En 1Sam 9,9 il faut une
explication de ce mot. Samuel.
Un autre personnage est défini par hozeh, celui qui regarde. C’est le même champ
sémantique de la vision. Ce dernier est moins clair que le rohé de Samuel. En tout cas ils
voyaient ce qui était caché aux autres.
Plus important est le ish elohim ou Homme de Dieu qui peut-être un sens honorifique. David
le reçoit par exemple. Mais c’est aussi une catégorie d’homme (Elie et Elisée) qui n’a pas de
choses particulières, mais plutôt comme une relation particulière avec Dieu et sa parole. Ils
ont par exemple une capacité de miracles qui transforme la vie de l’interlocuteur.
5
Par exemple 1Roi 17 avec Elie et la veuve de Sarepta. Particulièrement au v. 24 où la femme
dit que c’est un homme de Dieu et la parole de Dieu est sur sa bouche. C’est la
caractéristique de l’homme de Dieu.
Le terme le plus utilisé est celui de navii, on le trouve beaucoup et est plein d’équivoque. On
le traduit par prophète. Etymologiquement ce n’est pas clair. Peut-être y a-t-il des rapports
avec la parole akkadienne de Nabu qui signifie appeler. C’est attesté en quelques langues
sémitiques septentrionales. C’est pansémitique.
Bnei néviim : fils des prophètes soit ceux de la corporation prophétique et ils sont rattachés à
Elie et surtout à Elisée qui en apparaît comme le leader : 2Roi 2. Ces corporations sont
caractéristiques par les états extatiques :
1Sam 10,5ss : « Ensuite, tu arriveras à Gibéa de Dieu (où se trouve le préfet des Philistins) et,
à l'entrée de la ville, tu te heurteras à une troupe de prophètes descendant du haut lieu,
précédés de la harpe, du tambourin, de la flûte et de la cithare, et ils seront en délire. Alors
l'esprit de Yahvé fondra sur toi, tu entreras en délire avec eux et tu seras changé en un autre
homme ».
Il y a aussi les grands prophètes qui semblent s’abandonner en 2Roi 3,15 : Elisée à besoin
d’aide pour provoquer une extase prophétique. La musique et la danse ont une part
important dans leur activité. En Exode 15 Marie est appelée nevia lorsqu’elle sort avec des
flûtes et des cymbales et chante et danse après le passage de la mer rouge.
Souvent le prophètes sont présentés en mode peu favorable cf. ceux d’Achab. Parfois ils font
l’objet de critiques pesantes. Ils ont un manteau de peau : Za 13, 1-6 parle de tatouages et
2Roi 1,8. ; 1Roi 20,41 semblent faire allusion à ceci : un des membres met un bandage et
lorsqu’il l’enlève il est reconnu comme un des prophètes, il y avait peut-être un signe qui
permettait de le reconnaître.
Leurs corporations ont des rapports avec les sanctuaires et les classes sacerdotales :
Lamentation 2,20. Elles ont des rapports avec la cour. La figure de prophète comme
opposant est anachronique et ne naît qu’avec la renaissance des protestants. Le prêtre et le
prophète sont pour le peuple les médiateurs de la parole de Dieu.
Quelle est la différence entre la parole prophétique et celle sacerdotale ?
Celle du prêtre est intermédiaire entre Dieu et le peuple et entre Dieu et la loi : culte
et loi. Le prophète est intermédiaire de la parole comme lecture du moment et de
l’histoire. Il interprète non pas la loi, mais le chemin du peuple. C’est donc très lié
6
avec les prêtres. L’idée d’un prophète anti-cultuel est anti-historique. Le prophète
critiquera le culte comment il est actuellement célébré par le peuple en un moment
donné. Il ne critique pas le culte comme culte.
Il existe des prophètes avant David : Abraham est appelé en Gn 20,7 Névi. C’est un passage
élohiste et qui subit une influence prophétique. Ici c’est la référence à l’intercession. Il ne
faut pas oublier la grande figure de la prophétesse Débora Juges 4,4.
Les corporations se trouvent aussi avant la monarchie : 1Sam 10,13 ; 1Sam 19,18-24. Samuel
reçoit le titre de Navi même si on ne peut le limiter à cela. Il est chef du peuple, institue la
monarchie… c’est un de ses titres. Toutefois le titre de névvi va aussi aux grands écrivains qui
n’ont pas de manifestations particulières : Jérémie, Isaïe.
En Isaïe 8,3, la femme du prophète est appelée prophétesse, est-ce un abus ou une réalité ?
Amos affirme avec force de n’être pas un névi 7,14, mais apprécie leur ministère comme en
2,11-12 et 3,7. Osée affirme que Moïse est un névi en 12, 14 et il valorise le rôle des néviim
en 12, 11 toutefois il faut observer : le motif pour lequel Osée attribue à Moïse la prophétie
est parce qu’il a conduit le peuple dans le désert.
Pour l’école deutéronomique, Moïse est le modèle du prophète et est un vrai prophète qui
le suit comme exemple : Deut 18,15 ; 34,10.
Michée et Sophonie présentent le prophète en lumière négative.
Jérémie est appelé par Dieu ainsi en 1,5 ainsi que son adversaire Ananie.
En Jérémie, les neviim sont présentés en lumière négative
Ezéchiel est envoyé comme névi 2,5. Mais il se trouve en condition de devoir
s’opposer aux néviim : 13,1-16. Le mot de néviim est donc ambigu.
En Jer 28 on voit l’affrontement entre Jérémie et Ananie : consultation officielle. Jérémie a
un doute, mais n’a rien à dire en réponse. Le doute est que d’habitude la parole du prophète
annonce la désaventure. A la fin il en a une. Le problème de la légitimation est cuisant :
quelle est la parole du bon ou du mauvais prophète. Selon Jérémie, le mauvais prophète
annonce la consolation.
Deut 18, 18-22 : comment distinguer entre le bon et le mauvais prophète ? La solution ne
sert à rien, mais il n’y a pas d’autres solutions.
Deut 18, 18-22 : « Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai
mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. Si un homme n'écoute pas mes
paroles, que ce prophète aura prononcées en mon nom, alors c'est moi-même qui en demanderai
7
compte à cet homme. Mais si un prophète a l'audace de dire en mon nom une parole que je n'ai pas
ordonné de dire, et s'il parle au nom d'autres dieux, ce prophète mourra." Peut-être vas-tu dire en ton
cœur : "Comment saurons-nous que cette parole, Yahvé ne l'a pas dite ?" Si ce prophète a parlé au
nom de Yahvé, et que sa parole reste sans effet et ne s'accomplit pas, alors Yahvé n'a pas dit cette
parole-là. Le prophète a parlé avec présomption. Tu n'as pas à le craindre. »
En Jonas le problème revient. Jonas part et prêche. Mais il s’enfuit et donne ensuite la
raison. Dieu veut la conversion et Jonas ne veut pas passer pour un faux prophète parce que
le Seigneur change.
Mais quel est le but de la prophétie ? Celui de procurer le salut et non la destruction qui
serait une perte du but de la prophétie. Mais si la prophétie ne se réalise pas, le prophète est
un faux prophète et donc il ne faut pas le craindre (cf. Deut 18,18-22).
Un problème particulier est celui des rapports entre les prophéties et l’expérience extatique.
En général avoir des expériences extatiques n’est pas de règle. Jérémie n’en a pas du tout.
Isaïe non plus. Ezéchiel si. On croit être passé à un niveau archaïque de la prophétie à un
niveau plus tranquille. Le développement est beaucoup plus complexe.
Des témoignages extra bibliques nous présentent des extatiques et aussi des non-extatiques.
Dans la ville de Mari où l’on a retrouvé un corpus de tablettes qui remontent au 18ème siècle
avant J.C. on y retrouve des contenus proches de ceux bibliques : fidélité du roi à Dieu, la
proclamation de la souveraineté de dieu, le roi qui ne règne que pour la bon vouloir de dieu,
accusation contre le mal, ce n’est pas des consultations du roi, mais spontanément produite
par le prophète qui va trouver le roi pour lui dire ce que la divinité retient opportun de lui
communiquer. C’est ce que l’on a trouvé à Mari.
Le contenu de ce corpus est très différents de celui biblique : la conversion du cœur, la
sensibilité par rapport au pauvre. Dans la Bible, le Seigneur est universel. A Mari il n’y a pas
d’actions symboliques. Ce parallèle empêche de faire une ligne entre la prophétie non
statique et celle statique. Il n’y a pas d’évolution de l’une à l’autre.
Les deux éléments de prophètes coexistent. La nouveauté est dans l’approfondissement
théologique que le prophète montre. Un prophète comme Joël voit comme important pour
tout le peuple l’extension de ces phénomènes 3,1ss ; Nb 11,25-30.
En tout cas les phénomènes extatiques sont caractéristiques au début, se sont ensuite
amoindris avec les prophètes du 3ème et 2ème siècle et ont connue une nouvelle ferveur au
temps du 3ème Isaïe 61,1.
8
Il est important de souligner que le prophète vétérotestamentaire n’est pas avant tout
quelqu’un qui prévoit le futur, même si cette activité est copieusement exercée par lui. Il est
« le représentant de Dieu », celui que dans une certaine mesure Dieu charge de prononcer
une parole efficace sur l’histoire entre Dieu et son peuple. Ses actions symboliques (Cf. Is
8,1-4 ; 20,2 ; Os 2,2-9 ; Jr 13,1-11 ; 18,1ss ; Ez 4 ; 12 etc …) sont ensembles des prévisions
d’évènements futurs, mais aussi des révélations dans leur sens qu’ils ont une efficacité
déterminante pour l’histoire du peuple.
1.3
L’Esprit de YHWH et la vocation prophétique
L’Esprit de Jahvé apparaît connexe aux activités du prophète, surtout dans la période plus
antique (1Sm 10,10 ; 19,20-24), et particulièrement en connexion avec les phénomènes
extatiques. Pour Elie et Elisée, l’Esprit est une force qui transporte le prophète d’un lieu à un
autre (1Roi 18,12 ; Roi 2,16) ou le rend capable d’opérer des prodiges (2Roi 2,15). L’époque
classique de la prophétie, tout en connaissant un refroidissement des activités extatiques
connaît aussi un relatif silence sur l’œuvre de l’esprit. En époque exilique et post-exilique,
nous retrouvons au contraire l’esprit comme agent qui inspire (Ez 2,2 ; 3,24 ; 11,5 ; Za 7,12.
Ne 9,3). Le ressurgir de l’attention pour les activités de l’esprit va de pair avec le
renouvellement des expériences extatiques et visionnaires caractéristiques des prophètes
post-exiliques.
Dans le prophétisme d’époque archaïque (9ème siècle), la présence de l’Esprit de Jahvé est
donc un fait d’importance fondamentale : « les prophètes sont tels seulement quand l’esprit
est descendu sur eux » et ceux qui sont témoins en avertissent la présence, qui constitue
pour le prophète une sorte de légitimation (2Roi 2,9ss).
La diminution de cette réalité, perceptible aussi par les circonstances a fait que les
prophètes de la paroles furent encore plus abandonnés à eux même et au ministère de leur
appel (Von Rad) qui advenait selon ce que l’on peut savoir des textes, par un appel direct et
personnel de Dieu. Les textes importants pour la vocation prophétique sont en particulier
Am 7-9 ; Is 6 ; Jr 1 ; Ez 1-3 ; Is 40,3-8 ; Za 1,7-6,8. De tous ces textes, malgré la stérilisation
littéraire, soulignée par les exégètes par le genre littéraire du récit d’appel, il est possible de
retrouver les caractéristiques d’expériences ensembles personnelles dans leur singularité et
entre elles unies par des aspects communs.
9
L’appel se présente avec des caractéristiques d’impériosité inattendue et détermine pour la
personne une nouvelle condition de vie : le détachement de sa situation précédente, tant
temporairement (cf. Amos) que définitivement (Par exemple Jérémie), pour le mettre au
service direct et exclusif du message dont il est porteur. Un tel détachement représente une
solution de continuité par rapport à sa vie et à son expérience religieuse précédente, et une
nouvelle situation ne se présente pas comme avancement ou une sublimation de
caractéristiques déjà présentes, mais comme quelque chose de totalement nouveau. Une
telle nouvelle condition avait aussi comme conséquence un détachement social (cf. Am
7,14), tant de la propre situation que de la communauté. En tout le prophète se sent en
quelque manière écrasé dans sa propre liberté ; sa vocation se caractérise par le fait
d’engager intégralement sa personne, ainsi sa propre vie devient une part intégrante de son
message prophétique (Cf. Jérémie et son célibat, les affaires d’Osée, le veuvage d’Ezéchiel
24,16ss) ; tel engagement s’exprime dans la conscience d’une mission à accomplir.
La vocation du prophète est donc avant tout un appel personnel, qui se concrétise dans un
message dont le contenu consiste dans la connaissance des plans de Dieu dans l’histoire ;
connaissance communiquée au prophète, mais dirigée au peuple auquel est adressé un
appel. Cette connaissance est elle aussi motif de souffrance pour le prophète qui est
contraint souvent à désillusionner le peuple en lui indiquant l’échec de sa propre espérance
qui est contingente pour le diriger vers un autre niveau d’espérance (Cf. Jérémie et son
jugement sur la situation politique).
L’appel du prophète advient par une expérience personnelle exceptionnelle, caractérisée par
des facteurs visibles et audibles (on voit le Seigneur ou son messager, on entend le message
à transmettre). Indépendamment de la question si en ce cas il s’agit d’une expérience
extatique, il faut observer la différence entre ces expériences et les états mystiques.
En premier lieu le but et la conséquence de ses manifestations ne sont pas l’union de
la personne avec Dieu ni la spéculation sur son essence. Amos (7,7) vit le Seigneur avec en
main un fil à plomb et interrogé sur ce qu’il voyait il répondit « un fil à plomb ». La vision et
l’expérience de Dieu qui se manifeste n’est jamais une fin en soi, elle ne se concrétise pas en
une intuition ou en une spéculation de mondes supérieurs ou de réalités divines, mais est
une manière pour expérimenter la proximité de Dieu et pour être ainsi prédisposé au
ministère.
10
En second lieu le message du prophète transmet une vraie et propre révélation de
Dieu qui fait progresser la compréhension que le peuple a ou devrait avoir du propre rapport
avec le Seigneur. Nous savons au contraire que la compréhension que le peuple a ou devrait
avoir de ses propres rapports avec le Seigneur. Nous savons au contraire que la
caractéristique essentielle des ainsi dites « révélations mystiques » consiste dans le fait de
n’apporter aucune nouveauté au patrimoine révélé de la foi.
La caractéristique importante de la vocation prophétique est à dimension dialogique ; le
prophète est un homme en dialogue avec Dieu qui lui révèle son plan, discute avec lui ; le
prophète peut même en arriver à se rebeller avec sa propre vocation (Jonas), ou bien
discuter avec lui très sérieusement (Cf. par exemple les ainsi dites « confessions de Jérémie).
Le prophète devient quasi comme le confident de Dieu (Cf. Am 3,7 : « Mais le Seigneur Yahvé
ne fait rien qu'il n'en ait révélé le secret à ses serviteurs les prophètes ») une telle dimension
dialogique fait que le prophète, face au dialogue avec Dieu, prend sa décision face à lui et
découvre ainsi sa propre dimension de personnalité. D’autre part, le prophète expérimente
le caractère inéluctable de la parole de Dieu : il doit prophétiser ; (cf. Jr 20,9 : « Je me disais :
Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom ; mais c'était en mon cœur comme un feu
dévorant, enfermé dans mes os. Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu ».
La vocation prophétique semble enfin caractérisée par le présence d’éléments liturgiques
importants, particulièrement centrés sur le culte de l’arche et du Seigneur qui siège sur les
chérubins (cf. le temple et le trône de Dieu en Is 6. ainsi le prophète est consacré, purifié,
pour être préparé à sa mission (cf. Jr. 1,5 ; Is 6,7).
11
2.
Les prophètes non écrivains
2.1
Les prophètes de David : Gad (2Sam 24) et Nathan (2Sam 7)
Les premiers prophètes dont nous avons des nouvelles d’un certain relief sont les
personnages actifs à la cour de David. Nous connaissons les noms de deux d’entre eux : Gad
qui outre à intervenir une fois plutôt comme conseiller que comme prophète (1Sam 22,5),
est l’interprète de la volonté de Dieu dans l’affaire du recensement, et surtout Nathan.
Ce dernier est le prophète par excellence de la cour de David. C’est à lui qu’il revient de
prononcer la prophétie de 2Sam 7,5-16, qui a une importance fondamentale pour toute
l’histoire de la monarchie davidique. C’est toujours Nathan qui intervient pour condamner le
comportement de David par rapport à Bethsabée et de Urie le Hittite, c’est encore lui que
nous voyons à l’œuvre dans les derniers jours de la vie du roi, pour assurer la succession au
fils de Bethsabée, Salomon (1Roi 1,11-48).
Ces prophètes de cour sont décrit avec des traits bien différents par rapport aux
confraternités prophétiques que l’on a vu en d’autres occasions comme par exemple à
l’époque de Saül comme roi d’Israël 1Sam 10,5-6.10-12. Il ne s’agit pas de personnages
caractérisés par des phénomènes extatiques ; ils ne se déplacent pas en groupe, ils sont
plutôt des fonctionnaires de la cour, au point que quelques chercheurs, avec une opinion
extrême, les considère à peine plus que des précepteurs royaux. Il convient de noter que ces
prophètes, bien qu’étant personnel de cour, ne se présentent pas comme des adulateurs du
roi : Gad intervient en un moment grave de crise pour proposer un punition catastrophique,
alors que Nathan n’hésite pas à humilier David en l’invitant à prononcer lui-même sa propre
condamnation.
2.1.1 Lecture de 2Sam 7,1-17
[1]Quand le roi habita sa maison et que Yahvé l'eut débarrassé de tous les ennemis qui l'entouraient,
[2] le roi dit au prophète Nathan : "Vois donc ! J'habite une maison de cèdre et l'arche de Dieu habite
sous la tente !"
[3] Nathan répondit au roi : "Va et fais tout ce qui te tient à cœur, car Yahvé est avec toi."
12
[4] Mais, cette même nuit, la parole de Yahvé fut adressée à Nathan en ces termes :
[5] "Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé. Est-ce toi qui me construiras une maison pour
que j'y habite ?
[6] Je n'ai jamais habité de maison depuis le jour où j'ai fait monter d'Egypte les Israélites
jusqu'aujourd'hui, mais j'étais en camp volant sous une tente et un abri.
[7] Pendant tout le temps où j'ai voyagé avec tous les Israélites, ai-je dit à un seul des juges d'Israël,
que j'avais institués comme pasteurs de mon peuple Israël : Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une
maison de cèdre ?
[8] Voici maintenant ce que tu diras à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé Sabbaot. C'est moi qui
t'ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour être chef de mon peuple Israël.
[9] J'ai été avec toi partout où tu allais ; j'ai supprimé devant toi tous tes ennemis. Je te donnerai un
grand nom comme le nom des plus grands de la terre.
[10] Je fixerai un lieu à mon peuple Israël, je l'y planterai, il demeurera en cette place, il ne sera plus
ballotté et les méchants ne continueront pas à l'opprimer comme auparavant,
[11] depuis le temps où j'instituais des juges sur mon peuple Israël ; je te débarrasserai de tous tes
ennemis. Yahvé t'annonce qu'il te fera une maison.
[12] Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après
toi le lignage issu de tes entrailles (et j'affermirai sa royauté.
[13] C'est lui qui construira une maison pour mon Nom) et j'affermirai pour toujours son trône royal.
[14] Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils : s'il commet le mal, je le châtierai avec une
verge d'homme et par les coups que donnent les humains.
[15] Mais ma faveur ne lui sera pas retirée comme je l'ai retirée à Saül, que j'ai écarté de devant toi.
[16] Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais."
[17] Nathan communiqua à David toutes ces paroles et toute cette révélation.
Ce texte est fondamental pour avoir une idée de la monarchie et de conséquence pour le
messianisme biblique. On peut penser qu’au moins un noyau de la prophétie est antique (vv.
1-7.11b.16.18-21) en tout cas le texte actuel révèle une grande sagesse littéraire.
Du point de vue du genre littéraire on a souvent affirmé que ce texte a beaucoup de
similitudes avec les textes égyptiens d’intronisation. Selon la théologie royale égyptienne, le
roi au moment de son accession au trône reçoit une attestation de légitimité qui proclame
sa descendance divine, son droit au trône et la promesse d’éternité faite à son règne. La cour
juive utilisait ce cérémonial comme attestation (2Roi 11,12 : « Alors Yehoyada fit sortir le fils du
roi, il lui imposa le diadème et lui remit le document de l'alliance ; on le fit roi et on lui donna
l'onction. On battit des mains et on cria : "Vive le roi !" ») mais évidement le relisait sur la ligne de
la théologie yahviste, faisant une proclamation non pas de descendance divine du roi, ni de
13
sa divinité, mais de son adoption de la part de Jahvé. Ainsi le protocole royal devenait le
document de l’alliance entre Jahvé et le roi davidique. Dans la prophétie de Nathan nous
avons l’archétype de ces documents, dont la signification s’étend – peut-être dans la
relecture de l’historien deutéronomiste – bien au-delà de la personne de David et aussi de sa
dynastie.
Nous sommes face à un texte fondamental. On a retenu de pouvoir relever le noyau
antique : de 1-7. 11b.16.18-21. Il est difficile de le savoir. Mais ce texte nous révèle une
sagesse littéraire. Pour le genre littéraire qu’est ce que ce texte ? Il a beaucoup de
ressemblance avec le texte Egyptien d’intronisation. Le règne du pharaon est un règne
éternel. Lorsqu’il meurt un nouveau pharaon monte au trône, le soleil se relève.
A la cour de Judas on utilisait ce cérémonial car Israël est très influencé par l’Egypte : 2Roi
11,12. Le diadème était une chose végétale. Les égyptiens avaient un serpent. La ‘edût est le
témoignage, c'est-à-dire le protocole officiel et royal : le souverain a droit à la succession par
la voie de la descendance. Le protocole rend le roi comme fils adoptif de la divinité. Dans la
prophétie de Nathan nous aurions l’archétype de ces protocoles. Ce protocole royal devient
le document d’alliance entre le roi et le dieu davidique. En 2Roi 11,17 on en voit
l’application. Il y a la base de l’alliance entre Dieu et son peuple. Ce document devient la
base entre Dieu et le roi et donc entre Dieu et le peuple. En 2Sam 7 nous avons donc un
archétype qui s’étend au delà de David et même au-delà de la descendance davidique, audelà de sa dynastie. C’est fondateur du protocole royal.
La maison dans le texte est tant édifice que dynastie. Le Seigneur refuse la maison que David
veut lui construire, mais il l’utilise pour proclamer son dessein historique. C’est une relecture
complète. Le pieu désir du roi est semblable à ceux de ces collèges car c’est dans la nature
de chose que l’édification d’une monarchie centraliste corresponde l’édification du Dieu
national. Or c’est refusé par Dieu. Dieu utilise cela pour introduire le thème de son entrée
dans l’histoire. C’est Dieu qui construit la maison et sa présence sera l’histoire de la maison
de David. Le Seigneur devient le vrai protagoniste de l’histoire d’Israël. Le vrai roi est le
Seigneur. Il y a une conception du temple qui est le lieu où Dieu habite. Mais le temple est
relatif à la présence du Dieu de l’histoire qui se réalise dans l’alliance avec le peuple puis
avec le roi. C’est donc Dieu qui construit la maison pour le roi.
14
La finale est inadéquate. Ce n’est pas la glorification d’une dynastie. C’est une tentative de
montrer comment avec cette élection il est possible d’avoir un renversement national qui
conduit à la destruction de tout, du temple, de la capitale. C’est le deutéronomiste qui a
écrit cela. Suivre la loi de Dieu = prospérité ; ne pas la suivre = châtiment.
Pourquoi y a t-il un renversement national ?
Parce que le peuple est idolâtre et le roi ne veille pas assez. Ici l’écrivain se détache de cette
vision de rétribution pour entrer dans une dimension de grâce qui transcende le destin de la
maison de David. Il n’y a pas la répudiation de la dynastie. Il y a la gratuité au-delà d’une
rigidité. La relecture de cette prophétie est faite après la fin de cette dynastie (587). On a des
nouvelles de la part d’histoire païenne à l’époque de la deuxième guerre ou révolte juive. De
la chute de Zorobabel qui est le dernier moment, l’espérance sur la maison de David n’est
plus dynastique, mais messianique et arrivera jusqu’au Nouveau Testament. Jésus est appelé
Fils de David. Son messianisme est très différent d’une vision royale comme empereur.
Autre exemple d’un prophète plus en avant dans l’histoire d’Israël. La prophétesse Hulda en
2Roi 22 est intéressante car elle montre un acte de consultation officielle du roi auprès de la
prophétesse. Le livre serait le Deutéronome dans sa forme originale. Ceci donne lieu à une
consultation prophétique. Il y a le premier ministre qui forme une commission sur l’ordre du
roi. Hulda est fille de Shallum. Le gardien des vêtements est celui qui règle les cérémonies
royales. Il est important dans la cour, pour les protocoles.
2Roi 22,11-20 : « Le prêtre Hilqiyyahu, Ahiqam, Akbor, Shaphân et Asaya se rendirent auprès de la
prophétesse Hulda, femme de Shallum fils de Tiqva fils de Harhas, le gardien des vêtements ; elle
habitait à Jérusalem dans la ville neuve. Ils lui exposèrent la chose et elle leur répondit : "Ainsi parle
Yahvé, Dieu d'Israël. Dites à l'homme qui vous a envoyés vers moi : Ainsi parle Yahvé. Je vais amener le
malheur sur ce lieu et sur ses habitants, tout ce que dit le livre qu'a lu le roi de Juda, parce qu'ils m'ont
abandonné et qu'ils ont sacrifié à d'autres dieux, pour m'irriter par leurs actions. Ma colère s'est
enflammée contre ce lieu, elle ne s'éteindra pas. Et vous direz au roi de Juda qui vous a envoyés pour
consulter Yahvé : Ainsi parle Yahvé, Dieu d'Israël : Les paroles que tu as entendues... Mais parce que
ton cœur a été touché et que tu t'es humilié devant Yahvé en entendant ce que j'ai prononcé contre ce
lieu et ses habitants qui deviendront un objet d'épouvante et de malédiction, et parce que tu as déchiré
tes vêtements et pleuré devant moi, moi aussi, j'ai entendu, oracle de Yahvé. C'est pourquoi je te
réunirai à tes pères, tu seras recueilli en paix dans ton sépulcre, tes yeux ne verront pas tous les
malheurs que je fais venir sur ce lieu." Ils portèrent la réponse au roi. »
15
La prophétesse n’est pas impressionnée et parle comme il le faut en donnant la réponse. La
seule consolation de Josias est de savoir qu’il mourra avant ce malheur. C’est l’autre
exemple d’un prophète de cour.
1Roi 22 est un épisode très intéressant avec Michée ben Yimla qui n’est pas le Michée du
livre prophétique. Le roi de Juda est allié avec celui d’Israël. Il en a épousé la fille. Avec son
vassal Edom ils vont à Ramot de Galaad reprendre la ville. Avant de partir en guerre ils
consultent le prophète. Le prophète qui ne dit rien de bon selon la théorie de Jérémie est
plus sûr chez le deutéronomiste. C’est officiel. D’un côté, au temps d’Achab la prophétie de
cour est parfaitement intégrée, mais jette la suspicion : il y a 400 prophètes qui encouragent
le roi et un qui s’oppose et qui a raison. C’est un texte important qui montre que les
prophètes appréciés se trouvent être toujours plus écarté de la cour. Ceux qui continuent la
prophétie de cour commencent à se faire critiquer. On devient moins enthousiaste.
Au milieu de ces prophètes, il y a au nord la figure d’Elie qui émerge.
2.2
Elie
Le cycle d’Elie est contenu dans l’histoire deutéronomiste qui la respecte. C’est un grand
exemple de prose juive hébraïque et comprend les chap17-19 de 1Roi et le chapitre 21 ; et
2Roi 1 à 2,8. Le texte présente son activité sous le règne d’Achab (874-853) et Ochozias
(853-852) soit de 874 à 852 environ.
Qui était-il ?
Son nom lui-même d’Elie est un programme de vie parce que Elie vient de ‘Eliyahu. Yahu est
une abréviation du tétragramme sacré ; ce nom signifie : le Seigneur est mon Dieu.
On ne peut pas être plus yahviste que cela ; durant sa vie il se présente fidèle à ce
programme en revendiquant l’unicité du culte du Dieu d’Israël contre le syncrétisme d’Achab
et de sa femme Jézabel. Comme unicité de culte on n’entend pas tant des affirmations
théoriques sur l’unicité de Dieu. Pour cette époque il est pacifique que les autres dieux
existent.
16
L’unicité de Culte est plutôt une monolâtrie qui est fondée sur le rapport entre Dieu et son
peuple. Le Dieu est jaloux et n’admet pas d’autres à côté de lui. Ce n’est pas une élaboration,
une élucubration. C’est basé sur l’expérience d’Israël.
Il ne faut pas confondre avec l’hénothéisme. Ce dernier est une absorption des
caractéristiques des autres dieux dans le dieu national. Par exemple Aménophis IV décide de
s’opposer à l’orthodoxie de Thèbes, il réunit les concepts des dieux en un, le dieu solaire. On
tend donc à absorber en cette divinité solaire les attributs de toutes les divinités. Cette
opération est intellectuelle.
Dans le monde sémitique, c’est d’une expérience du dieu qui veut un rapport exclusif. Au
début on ne se pose pas le problème de l’existence des autres dieux. Seul le dieu d’Israël a
un rapport tel avec un peuple et fait une alliance. Donc on en arrive à ignorer les autres
dieux qui sont les moins forts, qui donc n’existent pas.
Monolâtrie : adorer un seul ; hénothéisme : concentration en un seul Dieu.
Elie revendique l’unique culte. Il est facilité par sa provenance de Galaad qui est en
Transjordanie (au nord, est du Jourdain). Cette zone est moins touchée par les influences
cananéennes que la plaine et le Jahvisme s’est mieux conservé que dans les grandes villes ;
la situation de syncrétisme religieux était catastrophique.
D’abord un syncrétisme latent : on adorait d’autre dieux à côté du dieu d’Israël mais surtout
une baalisation du dieu d’Israël. On finissait par les confondre ; on vénérait le dieu d’Israël
dans la forme du culte à Baal. Cette situation après la fondation de Samarie par Omri le père
de Achab. Elle est dotée de temples cananéens avec des temples à Baal. Mais étant la
capitale on y conserve le Jahvisme.
Elie revendique, il assume le rôle d’un second fondateur du Jahvisme. Le texte nous présente
Elie avec une grande ressemblance à Moïse :
•
Le ministère de Elie commence avec une plaie, la sécheresse.
•
Il fuit la persécution du roi dans le désert comme Moïse.
•
En 1Roi 17,6 Elie est nourri de pain le matin et de chair le soir (//Exode 16).
•
Le sacrifice du Carmel en 1Roi 18,20-41 ressemble au sacrifice de Exode 24 où
Moïse construit un autel à 12 stèles, il implique le peuple dans le sacrifice.
•
Elie verse l’eau comme Moïse sur l’autel.
•
En 1Roi 18,41 on parle du repas du roi sur le Carmel, comme en Ex 24,9 qui
est une sorte de banquet sacrificiel face à Dieu.
17
•
Le chemin de 40 jours est semblable à 40 ans d’Israël.
•
La théophanie à l’Horeb. (Or Dieu s’est transféré sur le tabernacle). C’est
l’unique cas. Allusion au voilage de la face en 1Roi 19,16 comme Ex 3,6.
•
La dernière étape de sa vie fait en inverse le chemin des hébreux : de Gilgal à
Béthel, à Jéricho et passe le jourdain.
•
Il disparaît près du Nébo (Deut 34 ,6) sans laisser de trace.
La différence substantielle est que la mort de Moïse est une punition, l’envol de Elie est une
grâce concédée par Dieu à son serviteur.
2.2.1 Lecture de 1Roi 19, 1-18
[1] Achab apprit à Jézabel tout ce qu'Elie avait fait et comment il avait massacré tous les prophètes par l'épée.
[2] Alors Jézabel envoya un messager à Elie avec ces paroles : "Que les dieux me fassent tel mal et y ajoutent tel
autre, si demain à cette heure je ne fais pas de ta vie comme de la vie de l'un d'entre eux !"
[3] Il eut peur ; il se leva et partit pour sauver sa vie. Il arriva à Bersabée qui est à Juda, et il laissa là son
serviteur.
[4] Pour lui, il marcha dans le désert un jour de chemin et il alla s'asseoir sous un genêt. Il souhaita de mourir et
dit : "C'en est assez maintenant, Yahvé ! Prends ma vie, car je suis pas meilleur que mes pères."
[5] Il se coucha et s'endormit. Mais voici qu'un ange le toucha et lui dit : "Lève-toi et mange."
[6] Il regarda et voici qu'il y avait à son chevet une galette cuite sur les pierres chauffées et une gourde d'eau. Il
mangea et but, puis il se recoucha.
[7] Mais l'ange de Yahvé revint une seconde fois, le toucha et dit : "Lève-toi et mange, autrement le chemin
sera trop long pour toi."
[8] Il se leva, mangea et but, puis soutenu par cette nourriture il marcha 40 jours et 40 nuits jusqu'à la
montagne de Dieu, l'Horeb.
[9] Là, il entra dans la grotte et il y resta pour la nuit. Voici que la parole de Yahvé lui fut adressée, lui disant :
"Que fais-tu ici, Elie ?"
[10] Il répondit : "Je suis rempli d'un zèle jaloux pour Yahvé Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton
alliance, qu'ils ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l'épée. Je suis resté moi seul et ils cherchent à
m'enlever la vie."
[11] Il lui fut dit : "Sors et tiens-toi dans la montagne devant Yahvé." Et voici que Yahvé passa. Il y eut un grand
ouragan, si fort qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n'était pas
dans l'ouragan ; et après l'ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n'était pas dans le tremblement de
terre ;
[12] et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n'était pas dans le feu ; et après le feu, le bruit d'une
brise légère.
18
[13] Dès qu'Elie l'entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la grotte. Alors
une voix lui parvint, qui dit : "Que fais-tu ici, Elie ?"
[14] Il répondit : "Je suis rempli d'un zèle jaloux pour Yahvé Sabaot, parce que les Israélites ont abandonné ton
alliance, qu'ils ont abattu tes autels et tué tes prophètes par l'épée. Je suis resté moi seul, et ils cherchent à
m'enlever la vie."
[15] Yahvé lui dit : "Va, retourne par le même chemin, vers le désert de Damas. Tu iras oindre Hazaël comme
roi d'Aram.
[16] Tu oindras Jéhu fils de Nimshi comme roi d'Israël, et tu oindras Elisée fils de Shaphat, d'Abel-Mehola,
comme prophète à ta place.
[17] Celui qui échappera à l'épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir, et celui qui échappera à l'épée de Jéhu, Elisée
le fera mourir.
[18] Mais j'épargnerai en Israël sept milliers, tous les genoux qui n'ont pas plié devant Baal et toutes les
bouches qui ne l'ont pas baisé."
On peut lire l’histoire d’Elie comme un itinéraire qui a son sommet dans cette scène ;
l’entreprise du Carmel rempli le prophète de doutes car il est recherché par la reine ; il veut
retourner aux sources de sa foi, le dernier lieu (Beér-Shèba) où Abraham s’est rendu ; il sort
de la terre promise et va à l’horeb. Il veut retourner aux sources historiques de son peuple. Il
va au désert et son découragement le pousse à demander la mort. Dieu intervient avec son
ange et lui fait revivre l’évènement fondateur.
On distingue entre un dieu baaliste (culte de la nature) et l’idée biblique. Dieu n’intervient
pas dans les cycles naturels qui sont sous son contrôle. Mais la manière dont Dieu se fait
présent est dans l’évènement historique. C’est la carte d’identité lié à la caractéristique
d’Israël : Dieu est présent dans l’histoire d’Israël par un évènement fondateur. Ici on revoit
l’évènement fondateur : la révélation à l’Horeb. Dans son découragement il est reconduit
dans cette expérience fondamentale.
La théophanie calque et dépasse celle de l’exode. Le Dieu d’Israël n’est pas un baal, il ne se
montre pas dans la tempête. (Hadad se montre dans la tempête) ; il n’est pas dans le feu. Il
est dans le murmure d’un vent léger. Il s’agit de la description d’un quasi perceptible
phénomène atmosphérique. Cette manifestation paradoxale allude à une conception
différente de la nature de Dieu et non à la douceur de Dieu. L’ordre de Dieu ne brille pas de
miséricorde et de douceur dans ce qui suit. Dieu, par cette manifestation ne peut pas être
réduit à l’intervention de la nature. Il se manifeste dans une intervention historique. Il y a
une répétition de Elie qui est typique de la prose hébraïque. Ce n’est pas le cas de couper le
19
texte qui a une structure en chiasme. Notre mode de composer est très différent de celui
sémite.
R. Meynet cherche à indiquer les sources, les méthodes d’une rhétorique sémitique : ne faut-il pas
penser à une tradition littéraire sémitique ?
Le problème est que nous n’avons aucun manuel de rhétorique sémitique, il faut donc travailler par
induction, chercher des constantes de composition.
La structure classique est : A A’ B ; La structure sémantique est : A B A’
Chez les sémites l’important est donc au milieu et non à la fin. Ce n’est donc pas désordonné.
Ici la théophanie est mise au centre. Dieu confirme que la situation d’Israël est dramatique
et donc il y aura des ennemis extérieurs et intérieurs le roi de Damas attaquera Israël, la
maison de Omri sera renversé par Jéhu ; Dieu intervient donc par un fait historique. Cette
thématique du reste fidèle se retrouve par exemple avec Noé, Joseph qui assure la survie à
sa famille. Nous le retrouverons dans la littérature prophétique ; elle dérive de l’image
miliaire et fini par montrer l’intervention de Dieu qui manifeste son action par des choses
paradoxale. Le reste peut aussi être objet d’une considération ambiguë. Le petit reste est
signe de la possibilité de renaissance que signe de grande punition. Les prophètes utiliseront
beaucoup cela : soit c’est une vision positive, soit c’est négative. Ici c’est en sens positif.
2.3
Elisée
Le cycle d’Elisée est lui aussi intégré dans l’histoire deutéronomiste : 2Roi 2,1-13,21 C’est en
continuité avec Elie mais avec des différences. Il est l’héritier d’Elie et reçoit le double de son
esprit : 2Roi 2,9. Toutefois les histoires d’Elisée montre beaucoup les aspects thaumaturges.
Ses rapports avec les Beni Neviim sont plus marqués qu’avec Elie. La partie principale
s’articule en 10 récits qui ont comme but de faire des récits agiographiques, des « faits et
gestes » d’Elisée. On est étonné par ses capacités :
1. Histoire de la veuve du prophète en 2Roi 4,7
2. Histoire de la Shunamite 2Roi 4,8-37
3. Histoire de la casserole empoisonnée en 2Roi 4,38-41
4. Multiplication des pains 2Roi 4,44
5. Naamân le syrien en 2Roi 5,
6. Hache retrouvée en 2Roi 6,
20
7. Le mode avec lequel Elisée capture tout un détachement araméen 2Roi 6,8-23
8. Libération de Samarie 2Roi 6,24-7,20
9. La Shunamite en 8,1-6
10. Récit des rapports en Elisée et Hazaël de Damas 2Roi 8,7-15
On voit souvent Elisée comme le chef des fils des prophètes (3 ;6 ;..). Ils n’étaient pas des
prophètes de la cour. Ils ne sont pas de haut niveau social, ils sont plutôt pauvres (ex. de la
veuve) ; ils vivent en communauté (3,4…) ; on ne sait pas si ils sont célibataires car on ne
parle pas de femme, mais il y a la veuve au début.
Ces cercles pourraient être le milieu où le Jahvisme avait le plus résisté à la tradition
cananéenne. Attachement à la tradition nomadique et au culte. Le groupe des Rékabites
peut être semblable.
On en parle en 2Roi 10,15-17 : « Parti de là, il trouva Yonadab fils de Rékab, qui venait à sa rencontre ;
il le salua et lui dit : "Ton cœur est-il loyalement avec le mien, comme mon cœur est avec le tien ?"
Yonadab répondit : "Oui" - "Si c'est oui, donne-moi la main." Yonadab lui donna la main et Jéhu le fit
monter près de lui sur le char. Il lui dit : "Viens avec moi, tu admireras mon zèle pour Yahvé", et il
l'emmena sur son char. Il entra dans Samarie et frappa tous les survivants de la famille d'Achab à
Samarie, il l'extermina, selon la parole que Yahvé avait dite à Elie. ».
Ils ne sont pas appelés fils de prophètes. Mais nous sommes dans ce domaine du Jahvisme
pur qui conserve les traditions. On y voit Jéhu oint roi par Elisée. De ces Rékabites on parle
en Jérémie 35comme d’un clan qui a conservé les traditions nomadiques et donc
l’orthodoxie yahviste. Ces cercles méfiant des innovations peuvent avoir eu les membres de
la communauté Qumrânienne ???? On ne sait pas. En tout cas il y a toujours ce courant de
Jahvisme souterrain. Elisée est un leader ou un représentant d’un de ces groupes.
Les Rékabites étaient donc les conservateurs de la tradition. Un texte présente l’activité
thaumaturge comme de premier plan, mais il y a aussi l’activité politique. Il y a beaucoup de
problème, de polémiques. Son intervention est présentée. En 2Roi 3 il y a la fameuse
expédition du Roi contre Moab. Le roi Joram d’Israël appelle son allié le roi de Juda pour aller
contre Moab. Le roi de Juda propose de passer par le sud, par Edom qui est vassal de Juda et
indépendant. Il y a un problème dans le désert avec l’armée et Josaphat de Juda propose de
consulter un prophète. Quelqu’un propose Elisée. Mais ensuite il répond en disant que sa
réponse est une offrande par rapport au roi de Judée que donc il reconnaît. En tout cas cette
21
position vient peut-être du rédacteur ? Il répond en se faisant amener un joueur de flûte et
pendant qu’il joue il est pris en extase. Il y a une faveur pour le roi d’Israël. Le roi de Moab
est enfermé dans sa ville et ne peut rompre le siège que lorsqu’il prend son fils et le sacrifie à
son propre dieu sur les murs de la citadelle.
2Roi 6,24-7,20 : Lors du siège, le cannibalisme est la pire des abominations. Elisée prophétise
la victoire et l’armée araméenne fuit le lendemain. Il sauve sa vie et celle de son peuple.
C’est l’intervention d’Elisée qui permet la victoire.
Nous trouvons Elisée en combat direct. 2Roi 6,8-23 montre le roi d’Aram qui suspecte le
mossad de l’époque, il craint que quelqu’un dise au roi d’Israël les plans de guerre ; or ce
n’est pas le problème des traîtres, mais des prophètes. Le roi d’Aram cherche le prophète en
encerclant la ville, mais le prophète les emmène à Samarie et ils sont arrêtés. Sur le conseil
de Elisée, ces soldats sont nourris puis ramenés chez eux.
Elisée est présenté comme la cause principale de l’abattement de la dynastie d’Omri.
(Cf. 2Roi 9 et 10).
Le nouveau roi Jéhu a été oint par Dieu à travers le prophète. Elisée est contre le culte à Baal
et les fait tuer. Jéhu est zélé contre Baal et il plait à Elisée.
De la dynastie de Jéhu, Elisée est le conseiller bien plus qu’il ne le fut avec le roi d’Omri.
2Roi 13,14-19 : « Quand Elisée fut frappé de la maladie dont il devait mourir, Joas, le roi
d'Israël, descendit vers lui, pleura sur son visage et dit : "Mon père ! Mon père ! Char d'Israël
et son attelage !" Elisée lui dit : "Va chercher un arc et des flèches", et il alla chercher un arc
et des flèches. Elisée dit au roi : "Bande l'arc", et il le banda. Elisée mit ses mains sur les mains
du roi, puis il dit : "Ouvre la fenêtre vers l'orient", et il l'ouvrit. Alors Elisée dit : "Tire !" et il
tira. Elisée dit : "Flèche de victoire pour Yahvé ! Flèche de victoire contre Aram ! Tu battras
Aram à Apheq, complètement." Elisée dit : "Prends les flèches" ; et il les prit. Elisée dit au roi :
"Frappe contre terre", il frappa trois coups et il s'arrêta. Alors l'homme de Dieu s'irrita contre
lui : "Il fallait frapper cinq ou six coups ! Alors tu aurais battu Aram complètement ;
maintenant, tu ne le battras que trois fois !" »
2Roi 13,1 : Joachaz fils de Jéhu
2Roi 13,10 : Joas fils de Joachaz
22
Il y a une activité à l’intérieur d’Israël.
On peut ajouter une attention aux étrangers.
Avec Elie aussi : 1Roi 17,7-16.
Mais c’est plus accentué en Elisée : 2Roi 5 avec Naamân le Syrien ; et 2Roi 8,7-15 rencontre
avec le roi
Naamân est le commandant. Il est donc l’ennemi numéro 1 d’Israël. Naamân, chef de
l'armée du roi d'Aram, était un homme en grande considération et faveur auprès de son
maître, car c'était par lui que Yahvé avait accordé la victoire aux Araméens, mais cet homme
était lépreux.
Suite à la guérison, Naamân devient un fidèle du prophète et Elisée l’accueille bien, alors que
la première fois il avait envoyé son serviteur pour lui dire ce qu’il doit faire.
Après la guérison, ce qu’affirme Naamân est important et fort. Elisée l’accueille et est prêt
au compromis. Naamân doit descendre comme nouveau croyant. Il prend de la terre pour
faire des sacrifices à Damas. Elisée permet cette chose et dit qu’il peut garder ses charges à
la cour. Sa conversion n’a pas d’influence sur ce qu’il doit faire.
La rencontre avec Hazaël de Damas en 2Roi 8,7-15 :
« Elisée vint à Damas. Le roi d'Aram, Ben-Hadad, était malade et on lui annonça : "L'homme de Dieu
est venu jusque chez nous." Alors le roi dit à Hazaël : "Prends avec toi un présent, va au-devant de
l'homme de Dieu et consulte par lui Yahvé pour savoir si je guérirai de ce mal que j'ai." Hazaël alla audevant d'Elisée et emporta en présent tout ce qu'il y avait de meilleur à Damas, la charge de 40
chameaux. Il vint et, se tenant devant lui : "Ton fils Ben-Hadad roi d'Aram, dit-il, m'a envoyé te
demander : Guérirai-je de mon mal présent ?" Elisée lui répondit : "Va lui dire : Tu peux guérir, mais
Yahvé m'a fait voir que sûrement il mourra." Puis ses traits se figèrent, son regard devint fixe à
l'extrême, et l'homme de Dieu pleura. Hazaël dit : "Pourquoi Monseigneur pleure-t-il ?" Elisée répondit :
"C'est que je sais le mal que tu feras aux Israélites : tu mettras le feu à leurs places fortes, tu tueras par
l'épée l'élite de leurs guerriers, tu écraseras leurs petits enfants, tu éventreras leurs femmes enceintes."
Hazaël dit : "Mais qu'est ton serviteur ? Comment ce chien pourrait-il accomplir cette grande chose ?"
Elisée répondit : "Dans une vision de Yahvé, je t'ai vu roi d'Aram." Hazaël quitta Elisée et alla chez son
maître, qui lui demanda : "Que t'a dit Elisée ?" Il répondit : "Il m'a dit que tu pourrais guérir." Le
lendemain, il prit une couverture, qu'il trempa dans l'eau et étendit sur sa figure. Ben-Hadad mourut et
Hazaël régna à sa place. »
23
Nous voyons une attitude d’Elisée étonnante. Il sanctionne cette chose. Cette rencontre est
positive pour Hazaël. Il y a une attention à l’étranger, pire à l’ennemi.
24
3.
Les prophètes écrivains
Jusqu’à maintenant nous n’en avons vu que des oraux.
Tout change lorsque certains se mettent à écrire ce qu’ils annoncent.
Il faut tenir compte que nous véhiculons tout par écrit. Mais pour les antiques, l’écriture
dans une société orale est une technologie raffinée. Il faut avoir un bon motif pour cela. Un
texte oral n’est pas libre, il y a des formules, des supports fixes pour tenir l’enseignement.
(Les versets formulaires qui se répètent). La transmission orale n’a pas besoin d’écrit pour se
garder. L’oral n’est pas quelque chose de nébuleux comme on pourrait l’imaginer chez nous.
Il doit donc y avoir une grande motivation pour écrire. Pourquoi certains se sentent à donner
une forme écrite pour leurs oracles ? Il y a plusieurs explications.
Les oracles de Mahi montre qu’il existait des prophéties écrites bien avant la tradition
biblique. La chose ne doit pas être attribuée à une seule chose.
Il y a des occasions où le prophète donne le motif :
Par exemple, Habaquq 2,1-4 doit écrire l’oracle pour une publicité plus grande et aussi pour
pouvoir contrôler.
« Alors Yahvé me répondit et dit : "Ecris la vision, grave-la sur les tablettes pour qu'on la lise
facilement. Car c'est une vision qui n'est que pour son temps : elle aspire à son terme, sans décevoir ;
si elle tarde, attends-la : elle viendra sûrement, sans faillir ! "Voici qu'il succombe, celui dont l'âme
n'est pas droite, mais le juste vivra par sa fidélité." »
Pour Isaïe, cette contrôlabilité acquiert quelque chose de plus. Il est mû par l’insuccès actuel
de sa prophétie. En l’écrivant elle sera contrôlable dans le futur.
Is 30,8s : « Maintenant va, écris-le sur une tablette, grave-le sur un document, que ce soit pour un
jour à venir, pour toujours et à jamais. Car c'est un peuple révolté, des fils menteurs, des fils qui
refusent d'écouter la Loi de Yahvé, qui ont dit aux voyants : "Vous ne verrez pas", et aux prophètes :
"Vous ne percevrez pour nous rien de clair. Dites-nous des choses flatteuses, ayez des visions
trompeuses. Eloignez-vous du chemin, écartez-vous du sentier, ôtez de devant nous le Saint d'Israël."
C'est pourquoi, ainsi parle le Saint d'Israël : Parce que vous avez rejeté cette parole et que vous vous
êtes fiés à la fraude et à la déloyauté pour vous y appuyer, à cause de cela, cette faute sera pour vous
comme une brèche qui se produit, une saillie en haut d'un rempart qui soudain, d'un seul coup, vient à
s'écrouler. »
Jérémie a une explication différente
25
Jr 36,2 : « La quatrième année de Joiaqim, fils de Josias, roi de Juda, la parole que voici fut adressée à
Jérémie de la part de Yahvé : Prends un rouleau et écris dessus toutes les paroles que je t'ai adressées
touchant Israël, Juda et toutes les nations, depuis le jour où je commençai à te parler - au temps de
Josias - jusqu'aujourd'hui. Peut-être qu'en entendant tout le mal que j'ai dessein de leur faire, ceux de
la maison de Juda reviendront chacun de sa voie mauvaise ; alors je pourrai pardonner leur iniquité et
leur péché. Jérémie appela Baruch, fils de Nériyya, qui sous sa dictée écrivit sur un rouleau toutes les
paroles que Yahvé avait adressées au prophète ».
Mais en v. 23 on voit que le roi refuse d’y prêter attention. En tout cas la chose est plus
officielle. Il y a une lecture publique de Baruch dans le temple du Seigneur. Il y a une assise
officielle avec une lecture, puis une réception en présence du roi qui doit décider.
Jérémie n’est pas un prophète de cour, mais il en avait un accès privilégié.
Nous le voyons en contact avec la famille de Shaphân (v.11) qui détient les clefs de la
chancellerie. Elle le défendra dans les moments de tension dans son ministère.
La parole écrite à donc une fonction très différente par rapport à la pure annonce. En
mettant par écrit sa parole qui est celle de Dieu, le prophète commence à avoir conscience
que cette parole qui est adressée à une personne en une situation ne peut pas être limitée à
son temps. Il peut y avoir des circonstances qui permettront d’y revenir. Pour y revenir, il
faut la lire. Pourquoi j’y retourne ? Parce que cette parole me parle aussi à moi qui la lit et
pas seulement à ceux de cette époque de production.
Paul Beauchamp, L’un et l’autre Testament de Paris 1976 : [Livre incompréhensible !]. Il dit
que le prophète ne prévoit pas seulement, mais il aura prévu. Il prévoit et dit qu’il prévoit.
Lorsque arrive ce qu’il a dit, l’évènement est visité par le dire antérieur.
Cela signifie donc que la prophétie est la clef de lecture lorsque la chose se réalise ou aussi
lorsque c’est déjà réalisé. Ceci revient à dire « il l’avait dit ». Mais cette constatation ne
revient pas au prophète, mais à celui qui lit, donc par le moyen de l’écriture.
C’est donc un changement herméneutique par rapport à la prophétie orale, la prophétie
s’étend dans le temps.
Von Rad souligne que le fait de mettre par écrit la prophétie advient après la défaite ou en
prévision de la défaite. Le fait que le peuple n’accueille pas la parole lui fait avoir un impact
26
majeur. C’est cela qui pousse le prophète à mettre son message par écrit. Cet écrit
outrepasse les circonstances. Il a une valeur pour les circonstances, mais aussi outre les
circonstances. Le message est détaché de l’évènement et parle avec un œil sur le présent et
un vers le futur. Ce n’est pas prévision du futur, mais le fruit de cette parole qui aura un fruit
dans le futur. Ce sont les relectures du texte qui font la vérification. Par exemple la vierge
devient la jeune femme dans la LXX et devient Marie en Matthieu. La valeur de la parole
dépasse les circonstances historiques.
La prophétie vétérotestamentaire n’est pas pareille que celle du Nouveau Testament ni celle
de l’Eglise.
C’est comme si en écrivant la parole, le prophète invitait à relire car la parole dépasse la
lettre.
Les cercles des disciples des prophètes ont donc une importance très grande.
Elisée tenait de vrais cour à sa communauté : 2Roi 4,38 ; 6,1.
Nous connaissons le nom de Baruch qui est le secrétaire de Jérémie.
Ces écoles sont les principales responsables de la récolte et de la conservation des oracles.
Le cas le plus fort est celui de Jérémie 36. Il faut tout de même attribuer au prophète la
chose.
Il y a un long processus rédactionnel où les disciples conservent les paroles du maître durant
longtemps. Par exemple avec Isaïe durant des siècles. Il y a une réactualisation en fonction
de ce qui est vécu ; la parole du prophète parle encore dans l’aujourd’hui du peuple de Dieu.
Dans les relectures, il y a une évolution qui se ferme avec la canonisation En affrontant les
corpus singuliers du corps prophétique, on voit les différentes couches critiques. Cette
pérenne puissance de la parole qui parle au peuple et révèle le mouvement de l’histoire de
Dieu avec son peuple.
Le fait que les prophètes aient décidé de mettre par écrit, montre que ce processus bien que
pas prévisible, ne va pas contre leur compréhension de la parole et de sa transcendance.
C’est donc un pas fondamental pour la compréhension.
27
3.1
Le prophète Amos
3.1.1 Sa personne
Amos est le premier prophète écrivain. Il est originaire de Teqoa de Judée. C’est à quelques
kilomètres de l’Erodion. C’est en pleine judée. Il y a un tell qui n’est pas encore fouillé.
Les titres sont rédactionnels, ils nous donnent des nouvelles : « Paroles d'Amos, qui fut l'un
des bergers de Teqoa. Ce qu'il vit sur Israël au temps d'Ozias, roi de Juda, et au temps de
Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël, deux ans avant le tremblement de terre. ». C’est au temps
du règne d’Ozias de Juda 783 à 742 et de Jéroboam II d’Israël 787/3-747/3. On affirme que
sa vocation advient 2 ans avant le tremblement de terre, peut-être qui eut lieu 760.
Amos affirme n’être pas un prophète (7,14-15 : « Amos répondit et dit à Amasias : "Je ne suis pas
prophète, je ne suis pas frère prophète ; je suis bouvier et pinceur de sycomores. Mais Yahvé m'a pris de derrière
le troupeau et Yahvé m'a dit : Va, prophétise à mon peuple Israël »)
ni d’appartenir à un cercle de
prophète. Il dit être un éleveur (bouvier) et non un berger. Il est pinceur de sycomores, ce
qui servait au bétail.
Normalement le sycomore pousse en plaine. Or il est de Teqoa, il doit donc se déplacer de sa
ville natale. Peut-être qu’il avait des élevages et aussi des plantations. Il n’est donc pas
pauvre. Une sorte de chef berger. Pour les sycomores, il doit se déplacer de sa ville natale, et
de même pour son ministère prophétique : il fait sa mission en Israël et particulièrement
dans le sanctuaire d’état de Béthel. Il entre donc en collision avec le clergé de Béthel.
3.1.2 L’époque
C’est l’époque de Jéroboam II, nous savons que Jéroboam II a eu une époque prospère et
une expansion économique. Dans les années 808-782, le roi d’Assyrie Adadnirari III donne
une première défaite au roi araméen de Damas. Une époque calme en laquelle monte une
grave crise sociale. Samarie est belle, baaliste, et riche par l’esclavage par débit qui est le
problème de toute l’antiquité. (L’usure en est la forme la plus actuelle). La tendance
syncrétiste, la beauté des sanctuaires magnifiques, dans lesquels il y avait des cultes
cananéens : cananéisation du culte, assimilation et ouverture aux autres.
3.1.3 L’oeuvre
28
Le texte fut mis par écrit en Judée après l’échec de sa mission par le prophète lui-même et
ses disciples. Il est prophète d’une mission, il dit ce qu’il a à dire et rentre. On ne croit pas
qu’il ait eu d’autres missions.
La substance du livre recevrait ensuite une première actualisation après la réforme de Josias
(détruisit les sanctuaires périphériques). Amos 4,6-12 appartient à cette période ultérieure
(c’est une hypothèse). 5,6 semble être une allusion à la destruction de Béthel : « Cherchez
Yahvé et vous vivrez, de peur qu'il ne fonde comme le feu sur la maison de Joseph, qu'il ne
dévore, et personne à Béthel pour éteindre ! ».
Ensuite il y aurait eu une rédaction deutéronomiste qui aurait actualisé la chose pour Juda.
Amos avait prophétisé à Béthel en Israël et on ne connaît rien sur lui en Juda. A ceci
appartient le titre. 3,1b : toute la race fait référence aussi à Juda.
La finale eschatologique et consolante à partir de 9,11 serait exilique ou postexilique. Or
Jérémie dit de se méfier des prophètes avec une parole de consolation. Cela change avec
l’exil.
Amos s’articule en 3 sections :
1. De 1-2 : les oracles contre 8 nations différentes
2. De 3-6 : la situation d’Israël
3. De 7-9 : la section des visions
3.1.4 Lecture de Amos 5,1-27 :
[1] Ecoutez cette parole que je profère contre vous, une lamentation, maison d'Israël :
[2] Elle est tombée, elle ne se relèvera plus, la vierge d'Israël ! Elle est étendue sur son sol, personne
pour la relever !
[3] Car ainsi parle le Seigneur Yahvé : la ville qui mettait en campagne mille hommes n'en aura plus
que cent, et celle qui en mettait cent n'en aura plus que dix, pour la maison d'Israël.
[4] Car ainsi parle Yahvé à la maison d'Israël : Cherchez-moi et vous vivrez !
[5] Mais ne cherchez pas Béthel, n'allez pas à Gilgal, ne passez pas à Bersabée ; car Gilgal ira en
déportation et Béthel deviendra néant.
[6] Cherchez Yahvé et vous vivrez, de peur qu'il ne fonde comme le feu sur la maison de Joseph, qu'il
ne dévore, et personne à Béthel pour éteindre !
[7] Ils changent le droit en absinthe et jettent à terre la justice.
29
[8] C'est lui qui fait les Pléiades et Orion, qui change en matin les ténèbres épaisses et obscurcit le jour
comme la nuit ; lui qui appelle les eaux de la mer et les répand sur la face de la terre ; Yahvé est son
nom.
[9] Il déchaîne la dévastation sur celui qui est fort, et la dévastation arrive sur la citadelle.
[10] Ils haïssent quiconque réprimande à la Porte, ils abhorrent celui qui parle avec intégrité.
[11] Eh bien ! puisque vous piétinez le faible et que vous prélevez sur lui un tribut de froment, ces
maisons en pierres de taille que vous avez bâties, vous n'y habiterez pas ; ces vignes délicieuses que
vous avez plantées, vous n'en boirez pas le vin.
[12] Car je sais combien nombreux sont vos crimes, énormes vos péchés, oppresseurs du juste,
extorqueurs de rançons, vous qui, à la Porte, déboutez les pauvres.
[13] Voilà pourquoi l'homme avisé se tait en ce temps-ci, car c'est un temps de malheur.
[14] Recherchez le bien et non le mal, afin que vous viviez, et qu'ainsi Yahvé, Dieu Sabaot, soit avec
vous, comme vous le dites.
[15] Haïssez le mal, aimez le bien, et faites régner le droit à la Porte ; peut-être Yahvé, Dieu Sabaot,
prendra-t-il en pitié le reste de Joseph !
[16] C'est pourquoi, ainsi parle Yahvé, le Dieu Sabaot, le Seigneur : Sur toutes les places il y aura des
lamentations, et dans toutes les rues, on dira "Hélas ! Hélas !" On convoquera le laboureur au deuil et
aux lamentations ceux qui savent gémir ;
[17] dans toutes les vignes il y aura des lamentations, car je vais passer au milieu de toi, dit Yahvé.
[18] Malheur à ceux qui soupirent après le jour de Yahvé ! Que sera-t-il pour vous, le jour de Yahvé ? Il
sera ténèbres, et non lumière.
[19] Tel l'homme qui fuit devant un lion et tombe sur un ours ! Il entre à la maison, appuie sa main au
mur, et un serpent le mord !
[20] N'est-il pas ténèbres, le jour de Yahvé, et non lumière ? Il est obscur et sans clarté !
[21] Je hais, je méprise vos fêtes et je ne puis sentir vos réunions solennelles.
[22] Quand vous m'offrez des holocaustes... vos oblations, je ne les agrée pas, le sacrifice de vos bêtes
grasses, je ne le regarde pas.
[23] Ecarte de moi le bruit de tes cantiques, que je n'entende pas la musique de tes harpes !
[24] Mais que le droit coule comme de l'eau, et la justice, comme un torrent qui ne tarit pas.
[25] Des sacrifices et des oblations, m'en avez-vous présentés au désert, pendant 40 ans, maison
d'Israël ?
[26] Vous emporterez Sakkut, votre roi, et l'étoile de votre dieu, Kevân, ces images que vous vous êtes
fabriquées ;
[27] et je vous déporterai par-delà Damas, dit Yahvé - Dieu Sabaot est son nom.
30
Dans un commentaire au livre d’Amos de R. Meynet et P. Bovati, Le livre du prophète Amos,
Paris, 1994, pp. 160-185, le texte que nous avons lu est divisé en 5 passages de façon
concentrique :
A. 5,1-3 : Lamentations funèbres du prophète sur la fille d’Israël.
B. 5,4-6 : Invitation à chercher le Seigneur et non le culte pour vivre.
C. 5,7-13 : Le châtiment (au centre de la structure) sur ceux qui pratiquent
l’injustice et sur ceux qui veulent faire taire les prophètes.
B’. 5,14-15 : chercher la justice pour vivre
A’. 5,16-17 : lamentation d’Israël sur les morts.
Chercher le Seigneur et vous vivrez etc….Il y a des reprises évidentes pour accentuer. Au
centre l’annonce des châtiments sur ceux qui pratiquent l’injustice.
La séquence présente de façon explicite l’articulation entre la justice et le culte. Le thème de
la justice est présent dans le passage central. Le thème du culte est présent dans les deux
passages qui l’encadrent : B et B’ dans un langage métaphorique de pèlerinage.
L’articulation montre donc la justice et le culte. Justice est en C et le culte dans les morceaux
autour de C.
Dans le quatrième passage, le désir du peuple est la recherche du Seigneur à part des
sanctuaires. (Cf. v5 en parallèle avec v.14.) Rechercher le Seigneur et s’opposer à rechercher
des sanctuaires. Il faut s’éloigner des sanctuaires qui sont des lieux de mort et non de vie.
Quel est le lieu de vie ? Les tribunaux. La porte de la ville est le lieu du tribunal, de
l’administration de la justice. A la porte de la ville on change de direction, d’échelle des
valeurs.
Il faut rechercher le bien et non le mal. Il est donc nécessaire une conversion dans
l’administration de la justice. Le culte en v.5 est vu comme une tentative de corrompre Dieu
pour qu’il tolère l’injustice. On recherche l’approbation de Dieu sur un système injuste ; ce
n’est donc pas une critique du culte en tant que tel, mais des implications de ce même culte.
La qinah est lamentation funèbre qui jouit d’une forme littéraire particulière. Le mètre est
formé d’un hémistiche de 3 accents et d’un hémistiche de 2. C’est donc claudicant.
31
Au verset 1 : ceci comparait. Et aussi à la fin. La mort encadre donc le passage. C’est une
situation de mort qui apparaît dans tout le texte. C’est un venin qui jette à terre la justice (7).
Quelle est la possibilité pour Israël de trouver la vie ? En cherchant le Seigneur de la bonne
façon : Comment ? Non pas avec les sacrifices, mais en cherchant le droit et la justice, et
aimant le jugement qui punit le péché. Il y a aussi l’acceptation de la souffrance (15). Joseph
est égal au deux semi tribu d’Ephraïm et Manassé.
Le v.8 avec ses allusions astrales fait réfléchir sur le concept de Dieu en Amos. Il s’agit de
constellations.
Ce concept se trouve aussi en 4,13 : « Car c'est lui qui forme les montagnes et qui crée le vent, qui
révèle à l'homme ses pensées, qui change l'aurore en ténèbres, et qui marche sur les hauteurs de la
terre : Yahvé, Dieu Sabaot, est son nom. »
9,5-6 : « Et le Seigneur Yahvé Sabaot... Il touche la terre et elle se dissout, et tous ses habitants sont en
deuil ; elle monte comme le Nil, tout entière, et puis retombe comme le Nil d'Egypte. Il bâtit dans le
ciel ses chambres hautes, il a fondé sa voûte sur la terre ; il appelle les eaux de la mer et les répand sur
la face de la terre ; Yahvé est son nom ».
Ceci ne doit pas être lu comme le début théorique d’un monothéisme. Mais il faut le cueillir
comme affirmation puissante de l’affirmation du Dieu d’Israël comme maître du monde et
de l’histoire. Il est le seul et il n’y a pas de place pour un autre. Il exerce un monopôle sur les
autres. Tous les autres peuples sont sous la domination du Dieu d’Israël.
Que le dieu créateur soit aussi le dieu national est un fait nouveau à l’époque. Normalement
le dieu créateur n’intervient pas dans l’histoire et vice versa. Ici nous avons le dieu créateur
qui est le dieu national et sous sa domination sont tous les autres dieux. Il existe Dieu et tout
le reste. Le monde ne s’identifie pas comme dieu. Dieu est passionné pour l’histoire de
l’homme. Nous ne sommes donc pas loin du monothéisme. Il est pratique mais pas encore
théorique. Ce n’est pas la monolâtrie qui adore qu’un seul dieu et souvent lui prête des
attributs d’autres dieux.
En 7,10s :
[10] Alors Amasias, le prêtre de Béthel, envoya dire à Jéroboam, roi d'Israël : "Amos conspire contre toi, au sein
de la maison d'Israël ; le pays ne peut tolérer ses discours.
[11] Car ainsi parle Amos : Jéroboam périra par l'épée et Israël sera déporté loin de sa terre."
32
[12] Et Amasias dit à Amos : "Voyant, va-t'en ; fuis au pays de Juda ; mange ton pain là-bas, et là-bas
prophétise.
[13] Mais à Béthel, cesse désormais de prophétiser, car c'est un sanctuaire royal, un temple du royaume."
[14] Amos répondit et dit à Amasias : "Je ne suis pas prophète, je ne suis pas frère prophète ; je suis bouvier et
pinceur de sycomores.
[15] Mais Yahvé m'a pris de derrière le troupeau et Yahvé m'a dit : Va, prophétise à mon peuple Israël.
[16] Et maintenant, écoute la parole de Yahvé : Tu dis : Tu ne prophétiseras pas contre Israël, tu ne vaticineras
pas contre la maison d'Isaac.
[17] C'est pourquoi, ainsi parle Yahvé : Ta femme se prostituera dans la ville, tes fils et tes filles tomberont sous
l'épée, ta terre sera partagée au cordeau, et toi, tu mourras sur une terre impure, et Israël sera déporté loin de
sa terre."
Après ce passage, nous n’avons plus de nouvelle d’Amos, ni de ce qu’il a fait ensuite.
C’est donc le premier prophète. Il est né au Nord et pas au Sud.
Le grand prophète du nord, fameux pour ses écrits est Osée. Il est plus ou moins
contemporain à Amos.
3.2
Le prophète Osée
3.2.1 L’histoire de son époque
Il est originaire du Règne du nord ; Il commence sa mission durant les dernières années du
règne de Jéroboam II (787/783-747/743), sans doute juste après qu’Amos soit chassé de
Béthel.
La période de Jéroboam II et peut-être de son second successeur l’usurpateur Menahem, est
une époque prospère de l’histoire d’Israël à cause de l’assujettissement de la Syrie par
l’Assyrie avec Adadnirari III (800) ; ensuite cependant s’inaugure une période de
renversement politique militaire et de guerre civiles qui porteront à la ruine du règne du
Nord.
En suite à cette période, nous avons l’ascension au trône de Téglath-Phalasar III en 745 et il
commence une politique expansionniste très pesante en soumettant au tribut Israël (Cf. 742
en 2Roi 15,19-201) puis ensuite Juda.
1
« Pul, roi d'Assyrie, envahit le pays. Menahem donna à Pul mille talents d'argent pour qu'il le soutînt et qu'il
affermît le pouvoir royal entre ses mains. [20] Menahem préleva cette somme sur Israël, sur tous les notables,
33
En 735 ou 733 monte en Israël Péqah sur le trône, usurpateur de Peqahya qui était le
successeur de Menahem.
Nous savons qu’à ce point Péqah commet l’erreur de sa vie : il se met en accord avec la Syrie
pour aller contre Téglath-phalasar III. Il appelle l’accord du roi Raçôn de Damas et d’Achaz de
Juda qui refuse. Donc nous avons la guerre Syro-éphraïmite en 433 : Péqah se lie avec le roi
de Damas se jette sur le roi de Juda qui n’a pas voulu l’aider. Mais ce dernier appelle à l’aide
Téglath-phalasar III qui arrive en force. Damas est rasée au sol, Israël perd la majeure partie
de son territoire. Juda doit remercier Téglath-phalasar III en payant. Péqah perd la couronne
et son successeur Ozias se soumet. Après la mort de Téglat-Phalassar III, Ozias se rebelle
contre les tributs qu’il doit payer et le successeur Salmanasar V intervient et ne laisse à Ozias
que la capitale, Samarie, qui sera rasée au sol par le successeur Sargon II 721.
C’est l’époque de la vie d’Osée. Il couvre ces années de lutte de la guerre Syro-éphraïmite.
Les derniers oracles seraient en 732, soit avant la chute de Samarie qu’il n’a pas dû voir.
3.2.2 Le message d’Osée
La période historique agitée dans laquelle vit le prophète est aussi l’objet de son message.
Il critique le règne de Jéroboam II et la responsabilité des personnages d’Israël qui mine la
stabilité du règne. Une forte condamnation de la guerre fratricide en 5,8-14.
La politique des alliances est très critiquée tant pour le danger religieux, mais aussi pour
l’incohérence politique. Le prophète est donc bien inséré dans la vie de la cour (cf. 7,10-12).
La critique aux usurpateurs qui mettent l’état dans la confusion (cf. 7,7 ; 8,4).
Forte critique au règne d’Israël dans son ensemble qui est objet de dispute entre les
modernes. Qu’il critique le règne d’Israël a été vu comme insertion deutéronomiste. Mais
bien que possible, rien dans le texte n’appuie cette interprétation. Il fait ces critiques comme
prophète du règne du Nord.
La motivation de fond de cette critique n’a pas besoin d’être deutéronomiste pour être
comprise. Israël a trahi son dieu :
-
Par un culte à Baal,
pour la donner au roi d'Assyrie, à raison de 50 sicles d'argent par tête. Alors le roi d'Assyrie s'en retourna et ne
resta pas là, dans le pays. »
34
-
Et par la baalisation du culte du Seigneur qui finissait par être représenté non
comme le Dieu de l’histoire, mais comme un des divers dieux nationaux ou
locaux, le dieu de la fécondité. C’est la corruption du cœur du Jahvisme.
De plus il y a le problème selon l’iconographie que le Dieu d’Israël partageait la symbolique
du dieu baal qui est la tête de taureau.
Le jeune taureau servait de représentation dans le nord. Il y avait l’animal sacré. La question
n’est pas tant de la présence de cet animal sacré, mais plus du mode de cet animal. Le jeune
taureau était aussi pour baal.
Le vieux taureau de ‘El est vieux, ancien, il a terminé son cycle de fécondation. Baal est un
jeune taureau en plein cycle de fécondation. Or c’est aussi l’image du Dieu d’Israël. Lorsque
la Bible parle de veau, c’est une critique sarcastique, car en fait c’est un taureau.
Dans les auteurs du nord, ceci ne se cueille pas. On cueille une dangereuse symbolique.
Lorsque nous voyons le jeune taureau nous somme en présence de l’auteur deutéronomiste.
3.2.3 L’œuvre d’Osée
Comme pour Amos, Osée est une collection d’Oracles : composés par le prophète ou ses
disciples. Après la chute, le matériel fut amené en Juda et réorganisé.
Structure :
-
V. 1-3 : plus autobiographique
-
V. 4-14 : plus anthologique qui eu plusieurs révisions pour actualiser les
paroles du prophètes.
En 1,1 : « Parole de Yahvé qui fut adressée à Osée, fils de Beéri, au temps d'Ozias, de Yotam,
d'Achaz et d'Ezéchias, rois de Juda, et au temps de Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël. »
Vu que la chronologie part des rois de Juda, nous sommes en présence d’un ajout.
Le verset final du livre avec son style sapiential 14,10 : « Qui est sage pour comprendre ces
choses, intelligent pour les connaître ? Droites sont les voies de Yahvé, les justes y
marcheront, mais les infidèles y trébucheront. »
Sans aucun doute il y a eu une systématisation, une révision, mais les efforts pour chercher
les traces sont frustrés parce que le courant deutéronomiste judéen est héritier de l’Israël du
nord qui est influencé par le prophétisme du Nord. Or Osée est du Nord et donc il fait partie
de la tradition du Nord qui est Deutéronomiste. Chercher à retailler le livre pour trouver le
35
deutéronomiste est donc impossible car le livre est déjà de cette tradition. Rappelons encore
que le prophétisme est essentiellement du Nord. Nous sommes dans la même tradition.
3.1.4 Lecture de Osée 2,4-25
[4] Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès ! Car elle n'est pas ma femme, et moi je ne suis pas son
mari. Qu'elle écarte de sa face ses prostitutions, et d'entre ses seins ses adultères.
[5] Sinon je la déshabillerai toute nue et la mettrai comme au jour de sa naissance ; je la rendrai pareille au
désert, je la réduirai en terre aride, je la ferai mourir de soif,
[6] et de ses enfants je n'aurai pas pitié, car ce sont des enfants de prostitution.
[7] Oui, leur mère s'est prostituée, celle qui les conçut s'est déshonorée ; car elle a dit : je veux courir après mes
amants, qui me donnent mon pain et mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson.
[8] C'est pourquoi je vais obstruer son chemin avec des ronces, je l'entourerai d'une barrière pour qu'elle ne
trouve plus ses sentiers ;
[9] elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas, elle les cherchera et ne les trouvera pas. Alors elle dira :
je veux retourner vers mon premier mari, car j'étais plus heureuse alors que maintenant.
[10] Elle n'a pas reconnu que c'est moi qui lui donnais le froment, le vin nouveau et l'huile fraîche, qui lui
prodiguais cet argent et cet or qu'ils ont employés pour Baal !
[11] C'est pourquoi je reprendrai mon froment en son temps et mon vin nouveau en sa saison ; je retirerai ma
laine et mon lin qui devaient couvrir sa nudité.
[12] Puis je dévoilerai son infamie aux yeux de ses amants et personne ne la délivrera de ma main.
[13] Je ferai cesser toutes ses réjouissances, ses fêtes, ses néoménies, ses sabbats et toutes ses solennités.
[14] Je dévasterai sa vigne et son figuier, dont il disait : " Ils sont le salaire que m'ont donné mes amants "; j'en
ferai un hallier et la bête sauvage les dévorera.
[15] Je la châtierai pour les jours des Baals auxquels elle brûlait de l'encens, quand elle se parait de son anneau
et de son collier et qu'elle courait après ses amants ; et moi, elle m'oubliait ! - Oracle de Yahvé.
[16] C'est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur.
[17] Là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du val d'Akor une porte d'espérance. Là, elle répondra comme
aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle montait du pays d'Egypte.
[18] Il adviendra en ce jour-là - oracle de Yahvé - que tu m'appelleras "Mon mari", et tu ne m'appelleras plus
"Mon Baal."
[19] J'écarterai de sa bouche les noms des Baals, et ils ne seront plus mentionnés par leur nom.
[20] Je conclurai pour eux une alliance, en ce jour-là, avec les bêtes des champs, avec les oiseaux du ciel et les
reptiles du sol ; l'arc, l'épée, la guerre, je les briserai et les bannirai du pays, et eux, je les ferai reposer en
sécurité.
[21] Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la
miséricorde ;
[22] je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras Yahvé.
36
[23] Il adviendra, en ce jour-là, que je répondrai - oracle de Yahvé - je répondrai aux cieux et eux répondront à
la terre ;
[24] la terre répondra au froment, au vin nouveau et à l'huile fraîche, et eux répondront à Yizréel.
[25] Je la sèmerai dans le pays, j'aurai pitié de Lo-Ruhamah, je dirai à Lo-Ammi : "Tu es mon peuple" et lui dira :
"Mon Dieu !"
Ce texte est le sommet de la première section. On ne sait pas si c’est de la prose ou de la
poésie. En elle est raconté l’autobiographie du prophète.
Les 3 premiers chapitres sont le spécifique d’Osée.
En Osée 1,2 : « Commencement de ce que Yahvé a dit par Osée. Yahvé dit à Osée : "Va,
prends une femme se livrant à la prostitution et des enfants de prostitution, car le pays ne
fait que se prostituer en se détournant de Yahvé." ».
Les enfants de prophètes portent des noms difficiles. Ce problème de prendre une
prostituée comme femme a fait couler beaucoup d’encre. A l’époque ce n’était pas trop
scandaleux. Qedesah de QDS est la prostituée sacrée, la prêtresse, celle qui accompli les rites
de la prostitution sacrée, typique de la religion cananéenne. Par une relation sexuelle avec la
prêtresse, une fécondation advenait pour celui qui en avait besoin. Cette fécondité qui ne
finissait pas de façon normale – parce qu’il fallait éviter cela – retombait sur le champs, la
personne …, c’est une magie de transfert. La zonah est la prostituée non sacrée, de rue.
Osée utilise un autre mot pour parler de la prostitution de sa femme. Il parle de ‘eset
zenunim qui est de même racine que zona ; ce serait ‘femme de prostitution’. Seul Osée
utilise cette expression et que pour sa femme. Peut-être est-ce dur dans le sens des
mauvaises actions de sa femme ; ou bien ce serait une prostituée de grande classe voire une
maîtresse.
(Parallèle en Jr 2,33 : Ah ! comme tu t'es tracé un bon chemin pour quêter l'amour ! Aussi,
même avec le crime tu as familiarisé tes voies.).
En tout cas, il s’agit certainement du problème que Gomer s’était dédiée à la pratique de la
prostitution sacrée et peut-être déjà avant le mariage avec Osée. Le prophète yahviste ne
veut pas distinguer. Il appelle courtisane ce que les autres appelle la sainte ; il est orthodoxe
37
et ne fais pas de distinction entre la prostitution normale et celle cultuelle !.... Le contexte
religieux est celui de la prostitution sacrée. Il utilise une expression dure pour enlever
l’auréole autour de la prophétesse. Gomer se prostituait-elle avant déjà où est-ce tardif et
donc adultère ? Peut-être est-ce un rite de fécondité pour être fécond. En tout cas on ne
peut pas avoir d’enfant avec la prostituée sacrée. Si celle-ci a des enfants, elle doit être
brûlée tout de suite. Sinon l’enfant aurait été divin. Ici il s’agit d’un transfert sacré. La
majorité des femmes avait une relation sexuelle sacrée pour se rendre plus féconde, et
parfois c’était fait avec un baal ou un Jahvé baalisé !... Cette pratique eut un succès
impressionnant dans la population. Le problème est de comprendre comment était Gomer.
Elle pouvait être une femme comme les autres qui eu beaucoup de zèle pour cela. Dans le
cas d’Osée on voit de façon très claire comment la vie du prophète fait partie de son
ministère ; le mariage fait partie de son ministère.
Ses enfants portent des noms symboliques :
Le premier s’appelle « Yizréel, car encore un peu de temps, et je châtierai la maison
de Jéhu pour le sang versé à Yizréel, et je mettrai fin à la royauté de la maison
d'Israël. »
Le deuxième s’appelle « Lo-Ruhamah, car désormais je n'aurai plus pitié de la maison
d'Israël pour lui pardonner encore. »
Gomer semble avoir quitté la maison pour son culte ; Osée se présente comme un mari
trahi. C’est un homme encore amoureux qui aime Gomer comme sa femme.
Schökel cherche à deviner la psychologie de Osée et dit qu’il est passionné. Lorsque se
femme le trahit, il tente de se libérer de l’amour mais n’y parvient pas. Il dit de sa femme
qu’elle est prostituée pour ne plus l’aimer, il l’enferme dans la maison, mais son amour
persiste. Finalement il décide de la faire tomber amoureuse de nouveau. Nous voyons
l’amour trahi, l’amour décrit non dans la phase amoureuse, mais dans le drame de la
trahison. Pour la première fois est décrite cette scène ;
Les exégètes avec trop peu de psychologie mettent une césure entre le verset 15 et 16 ; le
c’est pourquoi du verset 16 aurait été ajouté. C’est une exégèse très crétine ! (Dixit prof !). Le
passage est évident. C’est non concluant, mais c’est pour montrer. La description est exacte.
38
Le texte ne se réduit pas aux peines de l’amour trahi. Osée est un prophète. A un certain
point de son histoire, son charisme l’illumine sur un fait. Il n’est pas l’unique amant déçu qui
n’arrive pas à oublier son aimée : Dieu est amoureux passionné de son peuple et le cherche.
Osée est mis du côté de Dieu qui n’arrive pas à oublier son aimée. Le Seigneur avait fait des
dons à son aimée : la terre et la fécondité.
Mais Israël fait un mauvais usage et attribut l’origine de ses cadeaux à ses amants. Ses baals.
Le dernier mot est à Dieu. De façon inattendue les promesses renversent les menaces
précédentes. Dieu ne veut plus être appelé baal (mari en hébreu et aussi le dieu baal) mais
mari ; les enfants ont les noms inversés mon peuple et mon Dieu. L’instrument de cette
renaissance est le désert. Ici entre la grande thématique de l’amour entre Dieu et son
peuple.
Le charisme prophétique permet le passage de sa vie au regard de sa vie sous l’angle de
Dieu.
L’exemple d’Osée fera école. L’image des rapports entre Dieu et son peuple devient un
thème classique de la théologie de l’Ancien Testament. On le voit aussi dans le Nouveau
Testament : Ephésien avec l’image de l’Eglise.
Lui est particulière la façon dont est mise en parallèle sa vie et celle d’Israël. Ce sont deux
histoires semblables. Dieu a les mêmes problèmes que le prophète. Avec un seul récit nous
sont racontées deux histoires parallèles.
La conclusion théologique est très importante. Dieu ne peut pas quitter sa femme qui
pourtant est très reprochable. L’histoire d’Israël est histoire de grâce : la gratuité de la
volonté de Dieu. C’est une caractéristique essentielle. Osée est le prophète de la grâce ; les
deutéronomistes ne le comprendront pas jusqu’au bout.
39
4.
Le Premier Isaïe
4.1
La question littéraire
Les chercheurs sont divisés par rapport à l’actuelle structure du livre (66 chapitres !).
Le livre présente tout de même une organisation et il serait ridicule de lui donner une
conception minéralogique par la concrétion d’éléments séparés qui empêcherait de lui
donner une cohérence. On ne pourrait donc pas savoir qu’elle est l’unité du livre et il
faudrait le diviser pour voir les structures de départ…. L’organisation du livre s’oppose à une
telle conception.
On voit un lien entre le chapitre du début et les deux de la fin qui est la preuve d’une
intervention rédactionnelle bien consciente. Entre les deux il y a un abysse. En tout cas le
texte qui a une importance pour nous est le texte officiel, et les origines sont moins
importantes pour nous.
Le lecteur se rend compte que le domaine chronologique est dépassé par ce qui est dit dans
le titre où l’on parle du 4ème roi de Juda : « Is 1,1 : Vision d'Isaïe, fils d'Amoç, qu'il reçut au sujet de
Juda et de Jérusalem, au temps d'Ozias, de Yotam, d'Achaz et d'Ezéchias, rois de Juda ».
Le règne d’Ozias est limité à l’année de sa mort ; or le chapitre 6 dédié à la vocation d’Isaïe
parle de l’année de la mort du roi. Donc la chronologie s’étend environ de 740 à 698. En
effet dans les 30 premiers chapitres il y a une multiplicité d’allusions historiques à l’histoire
d’Israël. La guerre Syro-éphraïmite en 733 (Is 7,3) ; de Sargon II ; Péquar de Samarie qui
demande de l’aide de la Syrie, l’invasion de Sennachérib en 701 (36,1), …
A partir du chapitre 40, les allusions historiques ne cadrent plus. Il y a deux mentions de
Cyrrus (44,28 et 45,1) qui sont incompatibles avec la chronologie : on invite les peuples à
sortir de Babylone, or ce n’est pas possible dans la perspective du chapitre 1. On parle des
chaldéens (48,20), tout cela se situe à 200 ans d’Isaïe.
Le cadre historique change encore en 56 : le problème du post-exil avec les préoccupations
de cette époque.
Le style littéraire change aussi :
Les chapitres 1-39 : La grande poésie solennelle classique hébraïque.
40
Les chapitres 40-55 : autre grand poète d’une plume plus ornée, pathétique.
Les chapitres 56-66 : un ou plusieurs poètes, imitateur de celui de la seconde partie
dans un style moins soigné.
Donc l’impression est celle d’un brouillard. La tradition ne s’est jamais posée le problème de
l’auteur véritable. Un prophète peut changer de style selon ce dont il parle et connaître dans
le détails des situation historiques future. Aujourd’hui c’est pour nous impossible.
La connaissance de l’histoire antique du Proche-Orient est quelque chose de récent. Jamais
on avait eu une connaissance historique suffisante pour pouvoir évaluer ces textes. Ce que
nous savons, les anciens ne le savaient pas.
Il y a des motivations théologiques. Accepter un Isaïe du 8ème siècle qui prévoyait des
situations loin de lui n’est pas dans la théologie des prophètes. Le prophète est l’homme qui
porte la parole de Dieu dans un contexte historique déterminé. Le message doit porter à la
conversion les hommes. Ceci ne signifie pas que la parole agisse encore ensuite, mais la
parole du prophète est historique en soi.
Ibn Ezra, juif du 12ème siècle, affirme qu’une bonne partie du livre d’Isaïe est post-exilique. La
problématique moderne pense à plusieurs écrivains : Doderlein commence à parle du
Deutéro-Isaïe en lui attribuant en 1788 la rédaction des chapitres 40-66. 1892 : le Trito-Isaïe
est proposé par Duhm pour les chapitres de 56 à 66. L’idée d’un Deutéro-Isaïe est encore
convainquant, le problème aujourd’hui est le Trito-Isaïe. On préfère penser à une école
d’auteurs.
Avec le Deutéro-Isaïe nous avons a faire avec un des génie du prophétisme : c’est un
théologien de grande envergure. Il veut l’anonymat volontairement ; il n’écrit pas en son
nom propre. Il greffe son ministère au prophète du 8ème siècle. Il veut se présenter comme le
continuateur de prophète ancien. En tout cas nous regarderons le Proto-Isaïe, puis le
Deutéro-Isaïe
4.2
Données biographiques
Son nom Yecha‘yah signifie : « Yah est salut ».
41
Son père est Amos. C’est un homonyme d’Amos le prophète. Les deux biographies sont trop
différentes.
En 8,3 : sa femme porte le titre de nebiah, la prophétesse. Mais il n’est pas clair si cela se
réfère au fait qu’elle exerce elle aussi un ministère prophétique ou si elle est appelée comme
cela de par son mari qui est prophète.
Isaïe est un aristocrate : vie de la cour royale. Il a deux fils d’un nom particulier comme
souvent pour les enfants de prophètes (Cf. les enfants d’Osée) :
Chapitre 7,3 : « Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d'Achaz, toi et Shéar-Yashub ton fils, vers
l'extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon. » (Signification : un
reste reviendra)
Chapitre 8,3 : « Puis je m'approchai de la prophétesse, elle conçut et enfanta un fils. Et Yahvé me dit :
Donne-lui le nom de Maher-Shalal-Hash-Baz, (Signification : Prompt-Butin-Proche-Pillage). »
Il est juif de Jérusalem, très attaché aux traditions de la ville sainte. Il était aristocrate de
cour, de famille noble. Peut-être est-il cousin du roi Amasias, mais il n’y a pas de soutient de
cette tradition.
Il serait né vers 760 et il mourut peu après l’invasion de Sennachérib en 701 car il en parle.
Isaïe s’était opposé à l’entreprise du roi Ezéchias, mais sans résultat. Il a toujours eu une
attitude froide en ce qui concerne les guerres. Peut-être est-il mort martyr sous la
persécution de Manassé le fils d’Ezéchias (2Roi 21,16 et cf. He 11,37).
4.3
Le message d’Isaïe.
L’activité prophétique couvre plusieurs temps.
S’ouvre sous le règne de Joram soit environ : 740-734. Religiosité sans orthodoxie, voilà ce
que critique Isaïe : incongruité entre les holocauste et la politique de vol, dénoncé par Amos
et Osée pour le nord et Isaïe au Sud.
Les chapitres 1-6 : les rapports culte et justice ne sont pas bons. Ce n’est encore une fois pas
une critique du culte, mais une critique de manque de connexion entre le culte et la justice.
Sous Achaz de Judas, la politique est plus problématique. On entre dans une période de
désordre ; c’est l’époque de la guerre Syro-éphraïmite.
Isaïe s’oppose aux alliances. Seulement en Dieu on peut trouver de la stabilité. (8,6-10 : texte
relatif à ce problème).
42
En 714-698, sous le règne d’Ezéchias, Isaïe ne soutient pas le roi qui renoue avec l’Egypte en
fonction de son anti-assyrie. En accueillant un peuple on accueille aussi les divinités, ce qui
donne des problèmes cultiques. (Cf. les chapitres 28 et 30,1-5).
Après la catastrophe de 701, Isaïe annonce les problèmes futurs de l’Assyrie. Chapitre 36. Il
annonce aussi le salut de Jérusalem en 31,4-6. Jérusalem ne se mérite pas ce salut car ses
habitants se donne à la joie folle sans se rappeler de Dieu :
22,1-4 : [1] Oracle sur la vallée de la Vision. Qu'as-tu donc à monter tout entière aux terrasses, [2] pleine de
tumulte, ville bruyante, cité joyeuse ? Tes tués ne sont pas victimes de l'épée, ni morts à la guerre. [3] Tous tes
chefs ensemble ont pris la fuite, sans arc, ils ont été capturés, tous ceux qu'on a trouvés ont été capturés
ensemble, ils s'étaient enfuis au loin. [4] C'est pourquoi j'ai dit : "Détournez-vous de moi, que je pleure
amèrement ; n'essayez pas de me consoler de la ruine de la fille de mon peuple."
Isaïe est un homme particulièrement inséré dans la vie du peuple et les oracles nous
échappent en ce qui concerne la véritable circonstance historique.
4.4
Lecture de Isaïe 6,1-13, la vocation d’Isaïe
« [1] L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne
emplissait le sanctuaire.
[2] Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se
couvrir les pieds, deux pour voler.
[3] Ils se criaient l'un à l'autre ces paroles : "Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot, sa gloire emplit toute la terre."
[4] Les montants des portes vibrèrent au bruit de ces cris et le Temple était plein de fumée.
[5] Alors je dis : "Malheur à moi, je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres impures, j'habite au sein d'un
peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, Yahvé Sabaot."
[6] L'un des séraphins vola vers moi, tenant dans sa main une braise qu'il avait prise avec des pinces sur l'autel.
[7] Il m'en toucha la bouche et dit : "Voici, ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché est pardonné."
[8] Alors j'entendis la voix du Seigneur qui disait : "Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ?" Et je dis : "Me voici,
envoie-moi."
[9] Il me dit : "Va, et tu diras à ce peuple : Ecoutez, écoutez, et ne comprenez pas ; regardez, regardez, et ne
discernez pas.
[10] Appesantis le cœur de ce peuple, rends-le dur d'oreille, englue-lui les yeux, de peur que ses yeux ne voient,
que ses oreilles n'entendent, que son cœur ne comprenne, qu'il ne se convertisse et ne soit guéri."
[11] Et je dis : "Jusques à quand, Seigneur ?" Il me répondit : "Jusqu'à ce que les villes soient détruites et
dépeuplées, les maisons inhabitées ; que le sol soit dévasté, désolé ;
[12] que Yahve en chasse les gens, et qu'une grande détresse règne au milieu du pays.
43
[13] Et s'il en reste un dixième, de nouveau il sera dépouillé, comme le térébinthe et comme le chêne qui une fois
émondés n'ont plus qu'un tronc ; leur tronc est une semence sainte."
Isaïe est le revendicateur de la sainteté et royauté de Dieu ; il est faux de penser à un Isaïe
polémique dans les scènes de culte. Il est partisan de l’importance du temple de Jérusalem. Il
est croyant que Dieu habite dans le temple de son peuple. Le culte ne reflète pas la dignité
de Dieu. Il faut que le culte soit ce qu’il doit être.
Au chapitre 6 nous avons la vocation. Les chapitres 1-5 sont des oracles critiques qui
donnent le cadre. La vocation est une réponse de Dieu à l’attitude du peuple.
Le contexte est sacral et royal ; « mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur ». Le Seigneur est roi.
Isaïe est très légitimiste, très attaché aux traditions de Jérusalem ; le roi de Juda est roi
secundum quid, le vrai roi est dieu ;
D’un côté le plan du langage sur le culte de Jérusalem et de l’autre le langage de la cour de
Jérusalem ; ce sont deux plans proches l’un de l’autre, mais le vrai temple royal de Jérusalem
est le temple et le roi est Dieu.
A Jérusalem la tradition voulait qu’il y eu des chérubins appelés aussi Séraphins. Ici ce sont
les mêmes choses. En soi les séraphins sont les « brûlants », les « ardents ». Les pieds sont
un euphémisme pour le sexe. Soit 6 ailes : deux pour la face, deux pour le sexe et deux pour
voler. Nous sommes donc en contexte liturgique.
L’autel avec le séraphin qui prend le charbon pour purifier les lèvres du prophètes ; c’est
donc l’autel devant le saint des saints où l’encens est brûlé deux fois par jour.
Contrairement à ce qui advient dans les autres récits de vocation où Dieu appelle pour une
vocation : Dieu est assis sur le trône avec les franges du manteau qui remplissent le temple
tellement elles sont longues. L’image est donc celle d’un souverain assis sur le trône lors
d’un consistoire, c’est le conseil devant le souverain. Isaïe est debout devant le roi, il est son
conseiller. C’est comme une audience de cour. Ce n’est pas vraiment un appel parce que le
prophète se propose. Nous avons aussi le geste de purification par l’ange.
Selon le midrash, Dieu met les franges (tsitsits) comme rappelle de sa miséricorde.
Le problème est l’ordre donné au prophète : il s’agit d’une condamnation à mort d’Israël ;
mais Dieu ne dit pas d’aller le punir. Il dit d’aller le rendre insensible pour qu’il n’écoute pas.
Une possibilité est que Dieu fasse de l’ironie. Une hypothèse est que le peuple est dur
44
d’oreille. Mais il y a aussi une interprétation plus aiguë. Lorsque le prophète prononce son
oracle, il fait ce que Dieu l’envoie faire. Mais d’autre part c’est le signe que Dieu s’intéresse
de son peuple. C’est peut-être la réflexion que le prophète fait de sa mission : il a annoncé
au peuple les conséquences de son attitude ; en prophétisant, le prophète est la parole de
Dieu, il y a comme une coïncidence entre les deux. La parole se réalise lorsqu’elle ne se
réalise pas et ne se réalise pas lorsqu’elle se réalise. (Exemple de Jonas et Ninive). C’est
pareil pour Isaïe. Le fait que la parole aille à sa fin est l’échec de sa conversion.
C’est pour cela que l’on pense que Isaïe avait déjà averti le peuple et fait une relecture de
son message.
Pour comprendre la parole prophétique, il faut y croire. Il y a un rapport entre la
manifestation de Dieu et la foi.
Le peuple veut voir si la parole de Dieu se réalise pour savoir si c’est un vrai prophète ou
non. Mais lorsqu’elle se vérifie, il est trop tard. Sans la foi, le résultat est catastrophique. La
seule chose possible est la destruction.
V.13 : la dixième part regarde le nombre des tribus : 10 au nord et 2 au sud.
La dernière partie s’ouvre sur l’espérance par le dixième qui reste ; ce cep devient un arbre.
Quelqu’un pense que ce verset est un ajout postérieur, mais ce n’est pas certain. Au moins il
y a un reste/ il n’y a plus qu’un reste. C’est donc un signe d’espérance car un germe viendra,
mais c’est aussi le signe de la défaite. L’espérance repose sur la fidélité de Dieu. Ce n’est pas
par la capacité d’Israël que de ce reste négatif il en sort quelque chose.
4.5
Lecture de Isaïe 10,5-34, une théologie de l’histoire
[5] Malheur à Assur, férule de ma colère ; c'est un bâton dans leurs mains que ma fureur.
[6] Contre une nation impie je l'envoyais, contre le peuple objet de mon emportement je le mandais, pour se
livrer au pillage et rafler le butin, pour les piétiner comme la boue des rues.
[7] Mais lui ne jugeait pas ainsi, et son cœur n'avait pas cette pensée, car il rêvait d'exterminer, d'extirper des
nations sans nombre.
[8] Car il disait : "N'est-ce pas que tous mes chefs sont des rois ?
[9] N'est-ce pas que Kalno vaut bien Karkémish, que Hamat vaut bien Arpad, et Samarie Damas ?"
[10] Comme ma main a atteint les royaumes des faux dieux, où il y a plus d'idoles qu'à Jérusalem et à Samarie,
[11] comme j'ai agi envers Samarie et ses faux dieux, ne puis-je pas agir aussi envers Jérusalem et ses statues ?"
[12] Mais lorsque le Seigneur achèvera toute son œuvre sur la montagne de Sion et à Jérusalem, il châtiera le fruit
du cœur orgueilleux du roi d'Assur et la morgue de ses regards arrogants.
45
[13] Car il a dit : "C'est par ma main puissante que j'ai fait cela, par ma sagesse, car j'ai agi avec intelligence. Je
supprimais les frontières des peuples ; j'ai saccagé leurs trésors ; comme un puissant je soumettais les habitants.
[14] Ma main a cueilli, comme au nid, les richesses des peuples, et comme on ramasse des oeufs abandonnés, j'ai
ramassé toute la terre ; pas un n'a battu des ailes, ni ouvert le bec pour pépier."
[15] Fanfaronne-t-elle, la hache, contre celui qui la brandit ? Se glorifie-t-elle, la scie, aux dépens de celui qui la
manie ? Comme si le bâton faisait mouvoir ceux qui le lèvent, comme si le gourdin levait ce qui n'est pas de bois !
[16] C'est pourquoi le Seigneur Yahvé Sabaot enverra contre ses hommes gras la maigreur, et sous sa gloire un
brasier s'embrasera, comme s'embrase le feu.
[17] La lumière d'Israël deviendra un feu et son Saint une flamme, elle brûlera et consumera ses épines et ses
ronces en un jour.
[18] La luxuriance de sa forêt et de son verger, il l'anéantira corps et âme, et ce sera comme un malade qui
s'éteint.
[19] Le reste des arbres de sa forêt sera un petit nombre, un enfant l'écrirait.
[20] Ce jour-là, le reste d'Israël et les survivants de la maison de Jacob cesseront de s'appuyer sur qui les frappe ;
ils s'appuieront en vérité sur Yahvé, le Saint d'Israël.
[21] Un reste reviendra, le reste de Jacob, vers le Dieu fort.
[22] Mais ton peuple serait-il comme le sable de la mer, ô Israël, ce n'est qu'un reste qui en reviendra :
destruction décidée, débordement de justice !
[23] Car c'est une destruction bien décidée que le Seigneur Yahvé Sabaot exécute au milieu de tout le pays.
[24] C'est pourquoi, ainsi parle le Seigneur Yahvé Sabaot : O mon peuple qui habites en Sion, n'aie pas peur
d'Assur ! Il te frappe du bâton, il lève le gourdin contre toi (sur le chemin d'Egypte) ;
[25] mais encore quelques instants et la fureur prendra fin, et ma colère causera leur perte.
[26] Yahvé Sabaot va brandir contre lui un fouet, comme il frappa Madiân au Rocher d'Oreb ; il va brandir son
bâton contre la mer, comme il l'a levé sur le chemin d'Egypte.
[27] Ce jour-là, son fardeau glissera de ton épaule et son joug de ta nuque, et le joug sera détruit.
[28] Il est arrivé sur Ayyat, il a passé à Migrôn, à Mikmas il a laissé ses bagages.
[29] Ils ont passé par le défilé, Géba est pour nous une étape, Rama a frémi, Gibéa de Saül a fui.
[30] Fais retentir ta voix, Bat-Gallim, sois attentive, Laïsha ! Réponds-lui, Anatot !
[31] Madména s'est enfuie ; les habitants de Gébîm se sont mis à l'abri.
[32] Aujourd'hui même, à Nob, lors d'une halte, il agitera la main vers la montagne de la fille de Sion, la colline de
Jérusalem.
[33] Voici que le Seigneur Yahvé Sabaot émonde la frondaison avec violence, les plus hautes cimes sont coupées,
les plus fières sont abaissées.
[34] Ils seront coupés par le fer, les halliers de la forêt et sous les coups d'un Puissant, le Liban tombera.
La première unité :
Elle se réfère sans doute à l’invasion de Sennachérib. L’Assyrie est appelée à donner
achèvement aux jugements de Dieu.
La première unité va de 5-19.
46
On a pensé à une césure au v. 15 avec l’ajout des vv. 16-19 parce qu’il y a une allusion à la
peste et selon un certain type de théologie il n’y a pas de prévisions possible : donc toutes les
prévisions seraient des ajouts postérieurs. Ce serait ex-eventu ou post-eventu. C’est une
position intellectuelle particulière…à l’allemande… ! Or le texte en soi n’est pas une
exaltation de la défaite, mais plutôt une annonce, une menace contre l’Assyrie qui ne
reconnaît pas être un instrument. L’exégète rationaliste dira donc que c’est un ajout
postérieur car il ne croit pas possible des prévisions.
Pourquoi Dieu utilise t-il l’Assyrie ? Parce que c’est ce qu’il y a de plus scandaleux. Les
assyriens étaient les nazis ou stalinistes de l’époque ! Ils ne laissaient que terre brûlée après
leur passage.
Ce ton de sûreté du prophète.
Lakish est une ville qui a brûlé. Là on a trouvé tout le système de siège que Sennachérib avait
mis en œuvre pour battre l’ennemi. Il était très zélé à tout casser ! Isaïe intervient pour
donner force à son peuple.
Il y a comme une lamentation funèbre ante eventum. Sennachérib est comme déjà mort et il
fait une lamentation.
Si l’Assyrie est la verge de la colère de Dieu c’est parce qu’elle est envoyée contre une nation
impie. Israël utilise deux mot pour parler de peuple : la parole ‘am (peuple d’Israël) goy (les
autres peuples). Pour Isaïe, l’histoire se décide entre Dieu et son peuple. Tout est ordonné
entre Dieu et son peuple. L’Assyrie peut agir ainsi parce que Dieu est en colère contre son
peuple. Ce manque de compréhension porte à une conséquence pour l’Assyrie : la superbe.
Les vv.17-19 ne sont pas clairs.
Le traducteur de la BJ a retaillé le texte. Ce n’est pas juste. Traduction de la BJ :
[17] La lumière d'Israël deviendra un feu et son Saint une flamme, elle brûlera et consumera ses épines
et ses ronces en un jour.
[18] La luxuriance de sa forêt et de son verger, il l'anéantira corps et âme, et ce sera comme un malade
qui s'éteint.
[19] Le reste des arbres de sa forêt sera un petit nombre, un enfant l'écrirait.
La deuxième unité :
La deuxième section comprend les versets 19-34 :
47
Le texte commence avec une explication du nom du fils d’Isaïe : le reste qui apprend à se
confier qu’en Dieu.
L’idée du reste est une idée phare en Isaïe : signaler le primat du vouloir divin. Le reste est ce
qu’il y a et ce à partir de quoi on peut repartir.
Le bois, le feu, la présence de Dieu dans son temple qui punit aussi l’envahisseur.
28-34 : l’invasion est décrite par le fait d’être imprévisible et rapide. Les évènements sont
décris depuis Jérusalem avec les villes qui se rapprochent de plus en plus.
Rama est Ramallah proche de Jérusalem ; Nob est sur le sommet du mont Scopus qui est le
mont le plus haut. C’est de là que tous les commandements attaquent la ville. La ville a
toujours été prise de là.
4.6
Le messianisme d’Isaïe : 7,10-17 ; 8,23b-9,6 et 11,1-10.
Ces textes appartiennent à l’ensemble des chapitres 7-12 que l’on appelle le Livre de
l’Emmanuel (Dieu avec nous). Ils ont une cohérence. Peut-être qu’à la fin de sa vie le
prophète a réorganisé ses œuvres.
On peut diviser en deux groupes les oracles ;
1. 7,1-10,4 : de l’époque de la guerre Syro-éphraïmite, la naissance de
l’Emmanuel.
2. 10,5 à 11,6 : la naissance de la souche de Jessé.
Il faut lire ces textes sous le fond jérusalémite dans lequel Isaïe opère. Généralement on
considère qu’ils appartiennent effectivement à la prédication du prophète, sauf peut-être
quelques ajouts comme par exemple l’explicitation du verset 7,17b. L’espérance suscité par
la maison de David et fondée sur l’oracle de Nathan dont il reste trois rédactions en 2S 7, Ps
89 et 1Ch 17 était très inattendue des rois de la race de David, toutefois c’était resté une
caractéristique constante des traditions jérusalémite : le roi davidique était un sauveur de
son peuple, un oint de Jahvé, doté de pouvoirs charismatiques qui le rendait lieutenant de
Jahvé.
Au nord il n’y a pas de trace de cette sublimation du pouvoir royal qui de toute façon se tient
bien loin des tendances divinisantes typiques des peuples proches.
Dans le domaine de cette interprétation théologique de la personne du roi, Isaïe lit les
évènements de son époque et découvre le salut promis par Yahvé, et il attribue au roi les
48
caractéristiques propres de la tradition : alors que les textes traditionnels sur la monarchie
davidique étaient adressés au souverain régnant, Isaïe les attribue non pas au roi
effectivement sur le trône, mais à un descendant futur.
Lecture de Isaïe 7,10-17 :
[10] Yahvé parla encore à Achaz en disant :
[11] Demande un signe à Yahvé ton Dieu, au fond, dans le shéol, ou vers les hauteurs, au-dessus.
[12] Et Achaz dit : Je ne demanderai rien, je ne tenterai pas Yahvé.
[13] Il dit alors : Ecoutez donc, maison de David ! est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes, que vous lassiez
aussi mon Dieu ?
[14] C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va
enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.
[15] Il mangera du lait caillé et du miel jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien.
[16] Car avant que l'enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois
te jettent dans l'épouvante.
[17] Yahvé fera venir sur toi, sur ton peuple et sur la maison de ton père des jours tels qu'il n'en est pas venu
depuis la séparation d'Ephraïm et de Juda (le roi d'Assur).
C’est le Livre de l’Emmanuel parce qu’il est question de ce personnage prophétique. C’est un
recueil d’époques différentes. Les récite de cette section
7,1-10,4 : c’est à l’époque de la guerre Syro-éphraïmite et marqué par la naissance de
l’Emmanuel. (De 10,5 à 12,6 : le livre de l’Emmanuel où est annoncé la naissance de
rameau de Jessé. Il faut lire ces texte sur le fond jérusalémite et davidique dans une
ambiance de cour).
On considère que ce sont des récits ingénus : 7,17b j’enverrai le roi d’Assyrie comme glose
ajoutée.
Une glose est un commentaire ajouté par un scribe en marge du texte qui dans la tradition
manuscrite passe dans le texte.
L’espérance sur la maison de David est fondée sur la prophétie de Nathan en Ps 79 et 1Ch
19. Cette espérance messianique était restée une caractéristique jérusalémite. Même le roi
du nord est un oint du Seigneur. Cette sublimation du pouvoir royal est plus fort au sud.
Alors qu’il n’y a aucune trace de la divinisation royale en Juda, nous avons une trace forte en
Egypte. Dieu fait des promesses, ceci sublime sa personne et sa nature. Isaïe est lié à ces
interprétations et par rapport au roi il lit les évènements de son époque. Il attribue au roi les
traits de la tradition monarchique.
49
Caractéristique : en ces textes, Isaïe fait une tradition qui n’existait pas ailleurs :
Le Ps 109 est un psaume d’adoption adressé au roi régnant ; peut-être est-ce un texte écrit
pour le couronnement d’un roi.
Pareil en Ps 2. Les traits messianiques sont mis sur le roi ou le futur roi.
Isaïe n’attribue pas son chant au roi qui est sur le trône, mais l’attribue à un descendant
futur. Ainsi la déception du roi est encore plus aiguë.
Le Roi Achaz de Juda ne veut pas demander un signe. Ceci signifie une renonciation à exercer
ses attributs. C’est un signe d’arrogance.
Isaïe oppose un signe au refus du roi: la naissance d’un roi ; le prince. Cette naissance
constitue pour la maison de David un signe qui est ambiguë car il porte tant les signes du
salut que de la malédiction.
Le salut : c’est un enfant de la maison royale mâle, donc la descendance est assurée ; le nom
que la mère donne à l’enfant est un signe de protection. Cette garantie du salut est
accentuée par la mère qui est une (‘almah fanciulla). Vierge est en hébreu betulah, mais le
texte ne parle pas de cela. C’est le fait singulier de cette fille qui accouche. Isaïe est en train
de peindre une situation qui était claire à son époque et non atteignable. Le fait que la mère
donne le nom : le père s’est refusé de donner un nom en refusant le signe et Isaïe lui donne
le signe de ce prince. Peut-être s’agit-il d’Ezéchias, fils d’une des femmes du roi, peut-être la
dernière entrée, qui donne ce fils au roi.
L’ambiguïté du signe est explicite dans la nourriture de l’enfant : crème (en fait du lait acide)
et miel. Le lait acide s’utilise en temps de nécessitée et lorsqu’il n’y a rien ; et le miel en
temps d’abondance ; il y a donc des temps de diète puis de prospérité. Le pourquoi : au
verset 16 pour qu’il sache choisir le bien et rejeter le mal. Il apprendra quelle est la portée de
la malédiction et de la bénédiction.
A ces expériences de bien et mal le peuple participe avec l’histoire des deux rois (cf. guerre
Syro-éphraïmite). Ceci adviendra avant que l’enfant atteigne l’âge de raison.
La question de savoir qui est cet enfant est irrésolue, surtout avec l’interprétation de
Matthieu. En premier lieu ce dernier parle de conception virginale parthénos, ce qui n’est pas
dans le texte d’Isaïe qui parle plutôt de ‘almah ; il reste donc difficile de faire parler le texte
hébreu d’Isaïe d’une conception virginale avec des traits miraculeux.
50
En deuxième lieu si on admettait que cela était tout de même un regard du prophète au
travers des siècles qui verrait le couronnement dans la naissance de Jésus, ceci serait tout de
même complètement détaché du contexte et de ce qui est raconté dans le passage d’Isaïe 7.
En troisième lieu, l’histoire est proprement réalisée. Pour cela on pense à l’enfantement
d’une femme d’Achaz comme signe d’espérance. Ceci n’est bien sur pas sûr.
Le plan de la relecture est significatif.
Lecture de 8,23b-9,6
[23b] Comme le passé a humilié le pays de Zabulon et le pays de Nephtali, l'avenir glorifiera le chemin de la mer,
au-delà du Jourdain, le district des nations.
[1] Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, sur les habitants du sombre pays, une
lumière a resplendi.
[2] Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie ; ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la
moisson, comme on exulte au partage du butin.
[3] Car le joug qui pesait sur elle, la barre posée sur ses épaules, le bâton de son oppresseur, tu les as brisés
comme au jour de Madiân.
[4] Car toute chaussure qui résonne sur le sol, tout manteau roulé dans le sang, seront mis à brûler, dévorés par le
feu.
[5] Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce
nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix,
[6] pour que s'étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l'établir et
pour l'affermir dans le droit et la justice. Dès maintenant et à jamais, l'amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela.
Encore une fois nous sommes plongés dans un contexte historique. Le chemin de la mer est
la vallée de Sharon qu’il ne faut pas confondre avec la via maris médiévale qui est la route de
Damas. Il en est question parce que la zone est le théâtre de toutes les invasions. Ailleurs on
ne peut pas. Ici en l’occurrence de Téglath-phalasar III.
Ce théâtre devient le lieu d’espérance de paix dû au temps de la victoire de Gédéon sur les
madianites, celle qui restitue la liberté au territoire septentrionales en Jg 7,19-25. À un
moment les madianites finissent par arriver près d’Israël ce qui créé des problèmes.
L’enfant davidique est célébré avec ses titres d’intronisations. Ils faisaient sûrement partie
du cérémonial juif, différent de celui égyptien.
Le pharaon Egyptien assumait 5 titres :
1. Horus
2. Horus d’Or qui est une particulière incarnation de la divinité.
3. Les deux femmes en référence aux deux déesses nbty et ynsby’
51
4. Roi du haut et bas Egypte
5. Fils du soleil, nom du souverain.
Normalement nous connaissons le dernier nom : Ramsès, Aménophis…
Soit 5 titres qui étaient fixes ; cette structure titulaire permet de comprendre l’histoire, les
successions…
De là nous comprenons le type de structure que nous trouvons en Isaïe ; cependant il n’y a
pas de divinité en Isaïe si ce n’est le Dieu national. La titulature est semblable ; c’est la
titulature royal ou protocole royale, typique des rois de Juda. On peut alors en expliquer
l’emphase des expressions. Ce sont des titres divinisés.
Ces titres sont donc ressemblants à l’Egypte, mais ils permettent l’interprétation, la
relecture.
Ici on parle d’un descendant de David et la figure de Ezéchias approche. La figure du roi est
idéalisée jusqu’à intégrer les traits davidiques. On peut penser que l’oracle ne se réfère pas à
la naissance, mais à son couronnement.
Il y a un problème chronologique. Selon la chronologie du livre des Rois, Ezéchias serait
monté sur le trône de 25 ans et donc ce n’est pas un enfant. Toutefois il est possible que la
chronologie d’Ezéchias doive être très pré-datée et il serait peut-être monté au trône à 5
ans. On a pensé à revoir la chronologie d’Ezéchias et on pense à une emphase sur la mère
d’Ezéchias. En tout cas on voit une idéalisation du roi qui est toujours forte.
Lecture de Isaïe 11,1-10
[1] Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines.
[2] Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de
connaissance et de crainte de Yahvé :
[3] son inspiration est dans la crainte de Yahvé. Il jugera mais non sur l'apparence. Il se prononcera mais non sur le
ouï-dire.
[4] Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays. Il frappera le pays
de la férule de sa bouche, et du souffle de ses lèvres fera mourir le méchant.
[5] La justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité la ceinture de ses hanches.
[6] Le loup habitera avec l'agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse
iront ensemble, conduits par un petit garçon.
[7] La vache et l'ourse paîtront, ensemble se coucheront leurs petits. Le lion comme le boeuf mangera de la paille.
[8] Le nourrisson jouera sur le repaire de l'aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main.
[9] On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance
de Yahvé, comme les eaux couvrent le fond de la mer.
52
[10] Ce jour-là, la racine de Jessé, qui se dresse comme un signal pour les peuples, sera recherchée par les nations,
et sa demeure sera glorieuse.
[11] Ce jour-là, le Seigneur étendra la main une seconde fois, pour racheter le reste de son peuple, ce qui restera à
Assur et en Egypte, à Patros, à Kush et en Elam, à Shinéar, à Hamat et dans les îles de la mer.
Ce texte doit être lu avec ce qui précède : 10, 27c à 34.
L’envahisseur est Sennachérib qui vient jusqu’aux portes de Jérusalem. C’est un des derniers
textes d’Isaïe qui disparaît autour de 701. Il y a le problème du verset 10. On pense à une
actualisation exilique ou postexilique en cette suite. Le verset 10 appartient-il à ce qui suit ?
Dans ce cas c’est un universalisme du judaïsme postérieur, exilique. Ou bien appartient-il à
ce qui précède ? Dans ce cas l’universalisme est plus ancien et une racine messianique est
donc dans ce cas déjà présente dans les temps anciens.
Nous sommes à la fin de la mission d’Isaïe, les espérances qu’Ezéchias avait maintenu sont
décevantes, mais Isaïe continu d’indiquer la maison de David comme la réalité du salut pour
la maison d’israël. Pourtant jamais comme en 701 on n’a senti la fin si proche. On pensait
finir comme Samarie en 721. Isaïe spécifie que cette espérance n’est pas réalisée seulement
dans la maison de David actuelle, mais il pense qu’il faille la refonder. Jessé est le Père de
David, mais le nom de la dynastie a toujours été celui de David. Ainsi le successeur aurait dû
être David lui-même ; il faut un autre fils de Jessé qui est annoncé pour le futur. Ce n’est plus
un petit prince, c’est quelqu’un qui viendra et il ne devra pas être moins qu’un nouveau
David, c'est-à-dire un nouveau fondateur.
Donc une nouvelle fondation monarchique dans la promesse faite par le Seigneur à David.
Ce qui manque ici c’est le nom de roi, on ne lui attribue jamais ce titre. Ceci montre qu’Isaïe
s’inscrit dans la tradition yahviste parce que le monarque c’est Dieu.
Chez pharaon c’est différent parce que le pharaon est dieu et lors de son couronnement
c’est le monde qui est recréé.
Le programme de Isaïe est celui d’une refondation davidique et la liste des dons doit être
reprise pour le rameau de Jessé. Selon la tradition, les dons du roi ne sont pas des dons de
guerrier, mais de gouvernement et de jugement. Le rameau de Jessé rétabli la justice. Isaïe
utilise des éléments qui sont de la tradition judaïque.
La guerre, c’est Dieu qui la fait. Dans la monarchie juive, le roi s’occupe de la politique. Le
guerrier c’est Dieu. Ce n’est pas une dévaluation de la guerre, mais la guerre comme telle
53
contient en soi un pouvoir sacral qui donné au roi le rendrait divin. Or, le roi est comme un
officiel subalterne de Dieu. La guerre est une prérogative divine. La paix instaurée par le
rameau de Jessé est clairement eschatologique. Le monde est mis dans une situation
pacifique ou les opposés sont conciliants.
Ce dernier oracle nous enlève de l’actualité décevante et nous tourne vers une espérance
dont les limites sont moins fixes ; l’ouverture messianique qui est donné est universaliste.
Pour cela Paximadi pense que le verset 10 fasse partie du verset précédent.
De ces trois textes on peut suivre le développement du messianisme isaïen :
Fidélité totale de promesse fait à la maison de David.
Elévation à un plan plus transcendant.
Il y a donc une relecture qui advient durant la vie même du prophète. C’est très important,
ceci autorise les relectures postexiliques. Cette méthode est donc inscrite dans l’origine
même de la tradition. Toutes les réalisations se démontrent comme partielles, avec une
nécessité de discussion.
54
5.
Le prophète Michée, le « petit frère de Isaïe »
5.1
Données biographiques et formation du livre
1Roi 22,8 parle d’un Michée mais ce n’est pas lui. (1Roi 22,8-9 : Le roi d'Israël répondit à Josaphat : "Il
y a encore un homme par qui on peut consulter Yahvé, mais je le hais, car il ne prophétise jamais le bien à mon
sujet, rien que le mal, c'est Michée fils de Yimla." Josaphat dit : "Que le roi ne parle pas ainsi !"Le roi d'Israël
appela un eunuque et dit : "Fais vite venir Michée fils de Yimla.").
Il est vu comme le petit frère d’Isaïe qui en partage les préoccupations.
Le début parle de la prédication au temps de Yotam, Achaz et Ezéchias, donc entre 740 et
687. « Parole de Yahvé qui fut adressée à Michée de Moréshèt, au temps de Yotam, d'Achaz et d'Ezéchias, rois
de Juda. Ses visions sur Samarie et Jérusalem. »
Contrairement à Isaïe c’est un provincial, il vient de Moréshèt de la Sheffelah, zone de
collines entre Tel-Aviv et les montagnes de Juda (autour de Ramle).
Il est cité en Isaïe en Jr 26,18-19 comme prophète de mésaventures :
"Michée de Moréshèt, qui prophétisait aux jours d'Ezéchias, roi de Juda, a bien dit à tout le peuple de
Juda : Ainsi parle Yahvé Sabaot : Sion sera une terre de labour, Jérusalem un amoncellement de pierres
et la montagne du Temple une hauteur boisée ! [19] Est-ce que pour cela Ezéchias, roi de Juda, et tout
Juda l'ont fait mourir ? N'ont-ils pas plutôt ressenti la crainte de Yahvé et ne l'ont-ils pas imploré, de
telle sorte que Yahvé se repentit du malheur qu'il avait prononcé contre eux ? Et nous, nous nous
chargerions d'un si grand crime !"
Le contenu du livre confirme les dates : on parle de Samarie en menaçant sa destruction, les
invasion assyriennes et les catastrophes pour les villes de la sheffelah lors de la campagne de
Sennachérib.
Il a une parenté avec Isaïe pour le contexte historique, mais aussi pour le contexte littéraire.
Tous les critiques attribuent la substance des chapitres 1-3 à Michée. Par contre, en 4,1-4 il y
a un texte que l’on retrouve en Isaïe 2,2s. C’est exactement le même texte, mais qui a copié
de qui ? Beaucoup pensent qu’une autre personne a inséré ce texte en Michée et en Isaïe :
en effet c’est l’universalisme qui n’aurait pas eu de monnaie courante au temps d’Isaïe et
Michée. Il faut dire que l’idée d’absence d’universalisme n’est pas certaine, voire
idéologique. Mais le problème revient, qui a pris de qui ?
55
Le chapitre 5 est attribué à une époque exilique ou postexilique.
Chapitres 5-7 : il y aurait des indices d’une rédaction exilique ou postexilique, mais il y a des
doutes.
La chose sûre : il y a une différence entre les chapitres : les chapitres 1-5 montrent une
relation avec Isaïe ; alors que dans les chapitres 6-7 les données d’histoire et de géographie
se réfèrent plus au nord ; et le style ressemble plus à Osée qu’à la tradition du sud.
Cette hypothèse fait penser à 2 Michée : le Proto-Michée et le Deutéro-Michée ; le deuxième
serait un anonyme dont l’œuvre aurait été ajouté à celle du premier ; ce seraient donc 2
prophètes de la même époque, mais pas du même lieu. Le Proto-Michée est le vrai, celui du
Sud
5.2
Message
C’est un provincial très informé sur les questions du pays où il habite et très critique sur la
ville de Jérusalem. Les vices sont dénoncés sans pitié (1,5-6) et il en vient à annoncer la ruine
de Jérusalem en 3,12, ce qu’Isaïe n’aurait jamais fait. Sont aussi présentes les traditions
jérusalémites et davidique par exemple sur le mont du temple ; il y a le fameux texte de Mi
5,1-3 sur Bethléem :
[1] Et toi, (Bethléem) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c'est de toi que me naîtra celui qui doit
régner sur Israël ; ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. [2] C'est pourquoi il les
abandonnera jusqu'au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. Alors le reste de ses frères
reviendra aux enfants d'Israël. [3] Il se dressera, il fera paître son troupeau par la puissance de Yahvé,
par la majesté du nom de son Dieu. Ils s'établiront, car alors il sera grand jusqu'aux extrémités du pays.
[4] Celui-ci sera paix !
Messianisme semblable à celui de Isaïe, sauf que Isaïe parle de Jessé et Michée de David : il
faut refonder la dynastie car les rois n’ont pas réussi.
5.3
Lecture de Michée 6,1-8
[1] Ecoutez donc ce que dit Yahvé : "Debout ! Entre en procès devant les montagnes et que les collines
entendent ta voix !"
[2] Ecoutez, montagnes, le procès de Yahvé, prêtez l'oreille, fondements de la terre, car Yahvé est en
procès avec son peuple, il plaide contre Israël :
[3] "Mon peuple, que t'ai-je fait ? En quoi t'ai-je fatigué ? Réponds-moi.
56
[4] Car je t'ai fait monter du pays d'Egypte, je t'ai racheté de la maison de servitude ; j'ai envoyé
devant toi Moïse, Aaron et Miryam.
[5] Mon peuple, souviens-toi donc : quel était le projet de Balaq, roi de Moab ? Que lui répondit
Balaam, fils de Béor ? De Shittim à Gilgal, pour que tu connaisses les justes œuvres de Yahvé" [6] "Avec quoi me présenterai-je devant Yahvé, me prosternerai-je devant le Dieu de là-haut ? Me
présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d'un an ?
[7] Prendra-t-il plaisir à des milliers de béliers, à des libations d'huile par torrents ? Faudra-t-il que
j'offre mon aîné pour prix de mon crime, le fruit de mes entrailles pour mon propre péché" [8] "On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d'autre que
d'accomplir la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu."
Si la théorie précédente est vrai, ce texte serait donc d’un prophète anonyme du nord. Nous
avons à faire avec un exemple de diatribe judiciaire dit rib. C’est attenter un procès. Ce
genre est utilisé aussi dans le Nouveau Testament, surtout de la part de Dieu qui attente
judiciairement contre son peuple.
Récemment la procédure judiciaire a été étudiée, particulièrement le livre de Pietro Bovati
Ristabilire la giustizia, des années 90. Beaucoup de textes tirent de ce genre.
On peut diviser ce texte en trois parties :
1. Verset 1 et 2 : Dieu proclame la controverse. Tout le monde se déchaîne dans le
témoignage de Dieu contre son peuple.
Dans la procédure judiciaire il y a l’accusation qui s’exprime avec une question, ceci
est caractéristique, il est ensuite amené au juge qui lui demande « qu’as-tu fais ? »
pour provoquer la réponse de l’accusé. Deux réponses : négatif je ne l’ai pas fait ou
positif, je l’ai fait. Si il refuse il y a vengeance, si il accepte il y a un concordat ; le juge
intervient si l’accusé refuse l’accusation ; l’acteur s’adresse au juge avec les témoins
et dit si il a dit ou non la vérité. Il y a deux stades : d’abord entre l’acteur et le
convenu, sinon on va devant le juge.
Dans le cas de Dieu, il n’y a jamais la deuxième phase car Dieu est le juge et
l’accusateur. De fait le rib divin est unilatéral. L’acteur intente la cause et prononce la
sentence. On convoque les témoins que sont les collines.
2. Verset 3 à 5 : L’accusation, la partie judiciaire avec des questions : mon peuple, que
t’ais-je fais ?
57
Auto-accusation
Bien noter que dans la deuxième partie, Dieu se fonde sur une rétrospective
historique avec tout ce qu’il a fait au peuple (Exode, don de la terre : c’est typique de
la religion de l’Israël du Nord et moins entendu au Sud).
3. Verset 6 à 8 : le peuple accepte :
8 : la sentence de Dieu.
Nous voyons 7 fois l’occurrence du nom du Seigneur et de « en quoi t’ais-je…. » qui
est la technique du Rib.
Le schéma est très semblable à Isaïe 5,1-5 (en souligné les questions d’accusation et
la sentence ensuite) :
« [1] Que je chante à mon bien-aimé le chant de mon ami pour sa vigne. Mon bien-aimé avait
une vigne, sur un coteau fertile.
[2] Il la bêcha, il l'épierra, il y planta du raisin vermeil. Au milieu il bâtit une tour, il y creusa
même un pressoir. Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages.
[3] Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne.
[4] Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n'aie fait ? Pourquoi espérais-je avoir de
beaux raisins, et a-t-elle donné des raisins sauvages ?
[5] Et maintenant, que je vous apprenne ce que je vais faire à ma vigne ! »
On peut le voir en Ro 3 où Paul cite le psaume de la part de Dieu.
Une partie est innocente et une partie est coupable : tu es juste (saddiq) et moi non (rasah).
En disant tu es juste on veut dire que l’on est coupable, et à l’inverse, si on dit tu es coupable
on veut dire que l’on est juste. Ainsi lorsque Israël dit au seigneur qu’il est juste, c’est une
reconnaissance aussi de son péché. En Job on voit quelque chose de particulier parce que
Job se reconnaît juste et demande à Dieu de le déclarer juste lui-même.
Le lieu de déclaration de l’injustice est l’histoire du peuple. Dieu montre ce qu’il a fait dans
l’histoire et le peuple doit agir aussi dans l’histoire pour réparer : pratiquer la justice…
Ce rib est le langage prophétique que l’Ancien Testament utilise. Dieu manifeste son amour
pour son peuple et le peuple doit manifester son amour pour son Dieu.
58
6.
Les prophètes Sophonie, Nahum et Habaquq
6.1
La situation historique
Le siècle qui suivit la mort d’Ezéchias, probablement en 687, (après la catastrophe du siège
manqué de Jérusalem en 701 par Sennachérib,) fut pour Juda une période obscure et
mouvementée.
C’est l’époque de Sennachérib, une sorte de fou style Néron, convaincu d’être dieu : il renia
sa descendance de Sargon II et affirme d’être carrément le fils de Gilgamesh. L’entreprise la
plus grande qu’il fit fut la reconstruction de Ninive. A l’origine c’est une ville de petite
importance ; il en avait fait sa capitale en la fortifiant et l’embelli à un tel point qu’il y en eut
une légende autour d’elle. Sennachérib conduit une politique forte qui lui apporte la haine
de tous.
En 612 la ville de Ninive est détruite à un tel point que l’endroit lui-même fut oublié et l’on cru même
que son existence était une légende.
Sennachérib détruit Babylone après une révolte alors que c’est une ville sainte même pour
les assyriens. Il avait inondé le site. Il emporta la terre par bateau et inonda la ville pour
qu’elle ne soit pas reconstruite.
Par la suite de la nomination de son fils Assarhaddon comme prince héritier, Sennachérib eut
la haine de ses fils majeurs et il fut tué dans un complot lors d’une liturgie. Cet évènement
figure en 2Roi 19,37 : « Un jour qu'il était prosterné dans le temple de Nisrok, son dieu, ses
fils Adrammélek et Saréçer le frappèrent avec l'épée et se sauvèrent au pays d'Ararat.
Assarhaddon, son fils, devint roi à sa place ».
Assarhaddon ne suivit pas les voies de son père ; il était illuminé et se débarrassa de ses
frères. Il reconstruisit la ville de Babylone, continua de façon moins violente la politique de
son règne.
Son successeur fut l’humaniste Assourbanipal qui est un peu le sommet de cet empire, un
grand souverain. Nous lui devons la bibliothèque de Ninive. De là viennent quasiment toutes
nos connaissances sur la littérature sumérico-babylonienne de Ninive.
Sous ces deux rois, la situation de Juda fut celle d’une coûteuse soumission à l’Assyrie sous le
sceptre du fils d’Ezéchias, l’impie Manassé (647-642), grand roi lui aussi, mais dans une
situation de ténèbres et d’idolâtrie. Peut-être est-ce lui qui détruisit l’arche de l’alliance.
59
En 663, Assourbanipal conquit l’Egypte. C’est la fin de la 25ème dynastie, Assourbanipal
devient le souverain de toute la région. Manassé doit donc payer le tribut.
A un moment Assourbanipal meurt, peut-être autour de 630.
Après ce roi, la ruine de l’Assyrie est rapide. Son fils Achour-êtil-iliâni (626- …), comme tous
les fils de tous les grands successeurs a des chats à mâter car les loups surgissent. Il n’a peut
être pas eu le courage de réprimer dans le sang les nombreuses révoltes.
En 625 Babylone se rebella et il ne pu pas la mâter : c’est la fondation du règne néobabylonien avec Nabopolassar ; entre temps les mèdes se font entendre et descendent des
montagnes guidés par Cyaxare.
Les shiites se font entendre au nord et Juda peut souffler un peu. A cette époque c’est Josias
(640-609) qui trône depuis 640 lorsqu’il était enfant (« 2Chro 34,1 : « Josias avait huit ans à
son avènement et il régna 31 ans à Jérusalem »). Il vint après Amon qui fut tué. Lors de sa
majorité il fit une politique différente de celle de son grand-père : politique de force avec
des hégémonies régionales. Pour une certaine période il réussit presque à rapporter les
frontières comme aux temps de David. La découverte du livre de la Loi (2R 23,25),
l’élimination des cultes idolâtrique et la centralisation du culte à Jérusalem et donc la
destruction des autres sanctuaires Jahvistes.
En 612, l’empire assyrien arrive à un point de non retour : mèdes et babyloniens attaquent
et la destruction de Ninive est saluée avec une jubilation universelle car c’était la capitale
ennemie qui avait répandu la terreur durant des siècles, on en perd la trace jusqu’au 19ème
siècle et que l’on venait à en douter de son existence. L’empereur se réfugie au nord à
Carran.
L’Egypte se relève avec le Pharaon Nékao de la 27ème dynastie et la période sahidique car la
capitale n’est plus Thèbes mais Sais dans le delta. Il se rend compte du danger de ce
nouveau règne montant des babyloniens et monte à l’aide de l’empire assyrien pour éviter
que Nabopolassar et Nabuchodonosor ne prennent tout. Le pharaon passa par la côte, Josias
chercha à s’opposer car il avait peur d’une ombre à sa politique. Il attaqua le pharaon qui ne
lui voulait pas de mal, mais qui est obligé de répondre et Josias perd la bataille en 609 et
meurt à Megiddo en ce lieu qui deviendra le symbole du combat eschatologique entre le
bien et le mal (Cf. Ap 16,16). On le voit en 2Ch 35,26 ; ceci portera à la ruine du pays car Juda
ne se relèvera plus.
60
Nékao ne parvint pas à accomplir son plan, les babyloniens vainquirent les assyriens et la
première chose qu’ils firent est de s’attaquer aux Egyptiens présents en Palestine.
Nabuchodonosor vainc Nékao à Karkémish sur l’Euphrate en 606 et il institut sa domination
sur la Judée. Joaquin roi de Juda se rebelle. (Pour aller en Egypte il fallait passer par la Judée
ou par la mer, pour cela il y a toujours eu l’entretient d’une amitié entre Juda et Egypte).
Nabuchodonosor tombe sur Jérusalem en 597, déporte Joaquin, met son fils sur le trône en
l’appelant Sédécias ; 10 ans plus tard Sédécias refuse de payer le tribut et Nabuchodonosor
revient, détruit tout dont le temple fin juillet 687.
Tout cela est important pour comprendre ces prophètes.
6.2
Sophonie
Sophonie arrive après les problèmes de Manassé qui régna de 647-642.
2R 21,10 : L’oracle était présent à l’époque de Manassé, mais pas les prophètes écrivains.
Sophonie commence sa prédication après le règne de Manassé. Le livre canonique présente
une généalogie et un titre.
« Parole de Yahvé qui fut adressée à Sophonie, fils de Kushi, fils de Gedalya, fils
d'Amarya, fils de Hizqiyya, au temps de Josias, fils d'Amon, roi de Juda »
On voit qu’il y a 4 générations et qu’elle est purement yahviste. Le père est éthiopien, c’est
pourquoi l’écrivain remonte un peu pour montrer que tout est bon malgré cela. Il est
jérusalémite. Il parle de Ninive comme d’une ville encore prospère, peut-être est-ce lors des
dernières années de Assourbanipal, dernières années de Josias. Sophonie dénonce
l’idolâtrie, il correspond à la position religieuse de Josias. Objet de la dénonciation : les
prêtres de baal, les commerçants, les ministres, les princes, on le voit en So 1,2-18. Il attaque
les nobles dans le jour du Seigneur. Pour les humbles qui suivent la voie du Seigneur le
prophète a une parole de consolation.
3,11-13 :
[11] Ce jour-là tu n'auras plus honte de tous les méfaits que tu as commis contre moi, car j'écarterai de
ton sein tes orgueilleux triomphants ; et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte.
[12] Je ne laisserai subsister en ton sein qu'un peuple humble et modeste, et c'est dans le nom de
Yahvé que cherchera refuge
[13] le reste d'Israël. Ils ne commettront plus d'iniquité, ils ne diront plus de mensonge ; on ne
trouvera plus dans leur bouche de langue trompeuse. Mais ils pourront paître et se reposer sans que
personne les inquiète.
61
3,14-18 :
[14] Pousse des cris de joie, fille de Sion ! une clameur d'allégresse, Israël ! Réjouis-toi, triomphe de
tout ton cœur, fille de Jérusalem !
[15] Yahvé a levé la sentence qui pesait sur toi ; il a détourné ton ennemi. Yahvé est roi d'Israël au
milieu de toi. Tu n'as plus de malheur à craindre.
[16] Ce jour-là, on dira à Jérusalem : Sois sans crainte, Sion ! que tes mains ne défaillent pas !
[17] Yahvé ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! Il exultera pour toi de joie, il te renouvellera
par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie,
[18] comme aux jours de fête. J'ai écarté de toi le malheur, pour que tu ne portes plus l'opprobre.
Il puise aux traditions d’Isaïe et dont il est peut-être le disciple. Les oracles ont un peu une
saveur isaïenne.
Sans doute il était favorable à la réforme de Josias. Toutefois il faut observer que lorsuqe le
livre de la loi est retrouvé (cf. 2Roi 20,14), c’est la prophétesse Hulda qui est consultée.
Il est ouvert à un universalisme et que l’on voit aussi en Is 2,2-5 // Mi 4 : 3,9-10 :
[9] Oui, je ferai alors aux peuples des lèvres pures, pour qu'ils puissent tous invoquer le nom
de Yahvé et le servir sous un même joug.
[10] De l'autre rive des fleuves d'Ethiopie, mes suppliants m'apporteront mon offrande.
Cette ouverture montre que l’esprit de l’époque n’est pas simplement un instrumentum
regni mais une vraie réforme religieuse, ouverte à quelque chose de plus grand ; c’est le
prophète de la réforme religieuse de Josias.
6.3
Nahum
[1] Oracle sur Ninive. Livre de la vision de Nahum, d'Elqosh.
De ce verset on sait qu’il vient de Elqosh, mais cet endroit est non identifiable pour nous
aujourd’hui.
Son livre est sur Ninive et sa chute en 612. Il reste à savoir si le livre chante la chute de
Ninive de façon prophétisée ou racontée ? C’est le chant de sa destruction, du massacre de
ses habitants. Il y a un terminus post quem explicite en 3,8 :
« Valais-tu mieux que No-Amon assise sur les Fleuves ? (les eaux l'entouraient) Pour
avant-mur, elle avait la mer, pour rempart, les eaux ».
On parle de Thèbes qui est tombée sous l’armée d’Assourbanipal en 663. Donc on est après
663, qui est le terminus post quem du livre.
62
On pourrait dire : si le livre est écrit avant, il ne peut pas être écris avant la mort de
Assourbanipal car sinon on en aurait parlé étant donné que ce personnage est très
important, soit pas avant 630. Ainsi on serait aux moments des symptômes de la ruine de
l’empire assyrien qui sont notables. Toutefois Ninive n’est pas encore tombée et le joug
assyrien est décris comme bien encore présent et il reste un ennemi. Ceci semble être la
solution la plus recommandable ; c’est donc écris après 630 et avant 612.
En 1,12 : Ainsi parle Yahvé. Si intacts, si nombreux soient-ils, ils seront fauchés et ils
passeront. Si je t'ai humiliée, je ne t'humilierai plus désormais.
Il est moins probable d’interpréter le texte comme liturgie prophétique sur la chute de
Babylone.
Nahum semble aller contre Jérémie : lorsqu’un prophète prêche positif c’est douteux. Or
Nahum est consolateur avec Juda. Ceci a posé questions. Un autre motif est qu’il se déchaîne
contre Ninive sans retenue et sans compassion en décrivant avec complaisance ses maux. On
l’a accusé de n’être pas un prophète et il se serait inséré dans le canon de façon subreptice.
Nahum dit que la violence et l’oppression militaire érigée en système est mauvaise et digne
de punition face à Dieu. Dieu le punit comme un péché et déjà dans l’histoire. Vu ainsi, le
prophète Nahum est tout autre que ce que l’on peut penser. Or l’empire Assyrien a été le
premier empire autoritaire du temps. Nahum est celui qui porte le jugement.
Les anciens n’étaient pas insensibles au fait qu’il y ait un état pire qu’un autre. Il est clair que
ceci n’excuse pas le péché de Juda.
Ici Nahum est uniquement consolateur envers Juda. Il ne faut pas oublier que l’on trouve ce
message dans le Nouveau Testament : en Ap 17-18 on trouve un ton proche de celui de
Nahum.
6.4
Habaquq
Il y a eu diverses hypothèses par rapport à ce livre. L’introduction n’aide en rien !
Certains pensent que le texte ne se réfère qu’au règne de Juda et en particulier de Joaquim
(609 à 598). Mais quelques faits s’opposent.
1,12-17 : il semble que l’on parle d’une puissance étrangère.
2,5.8 : ce n’est pas Joaquim qui agit comme cela.
Donc le texte semble d’adresser à une puissance étrangère qui est sujette à diverses
opinions. L’identification de cette puissance est sujette à diverses opinions qui vont des
63
assyriens (environ 612) aux séleucides (175). On oscille donc. Mais la dernière affirmation est
difficile car le canon des 12 prophètes mineurs est fixé en 190.
Quelqu’un observe que 1,2-4 se réfère plutôt à une condition interne d’injustice qui reçoit
comme punition l’invasion babylonienne (les chaldéens) : nous serions donc dans les années
immédiatement précédentes à 587 (destruction du temple). Certains retiennent cependant
ces versets comme une glose ajoutée pour expliquer la phrase. Si ce n’est pas une glose il n’y
a pas de problèmes, si c’est une glose, elle interprète justement le texte et n’est pas stupide.
Elle explicite un élément du texte. Nous serions donc environ autours des années du règne
de Joachim (609-598).
Habaquq serait donc le prophète le plus récent parmi ceux considérés. L’auteur dans le texte
est appelé Habaquq ha navi. Son nom retourne qu’une seule fois dans la bible, en Daniel
14,33-39 :
[33] Or le prophète Habaquq était en Judée : il venait de faire une bouillie et de mettre du pain en petits
morceaux dans une corbeille, et il allait aux champs porter leur repas aux moissonneurs.
[34] L'ange du Seigneur lui dit : "Porte le repas que tu as là à Babylone, à Daniel, dans la fosse aux lions" [35] "Seigneur, répondit Habaquq, je n'ai jamais vu Babylone, et je ne connais pas cette fosse."
[36] L'ange du Seigneur lui saisit la tête et l'emporta par les cheveux jusqu'à Babylone où il le posa sur le bord de
la fosse, dans l'impétuosité de son souffle.
[37] Habaquq cria : "Daniel, Daniel, prends le repas que Dieu t'a envoyé."
[38] Et Daniel dit : "Tu t'es souvenu de moi, ô mon Dieu, et tu n'as pas abandonné ceux qui t'aiment."
[39] Il se leva et mangea, tandis que l'ange de Dieu remettait aussitôt Habaquq en son pays.
Cette utilisation n’offre rien d’historique en mérite. C’est une légende. Daniel en plus est
plutôt une apocalypse et il est donc difficile d’y voir un élément historique.
Le nom est assez étranger : une sorte de plante, un genre de courge ou citrouille.
Normalement ce sont les femmes qui ont des noms de ce genre. Peut-être est-ce un mot
assyrien ?
Ce personnage a suscité la curiosité des rabbins. 2Roi 4,16 sont les paroles que le prophète
Élisée dit à la Shunamite : "A cette saison, l'an prochain, dit-il, tu tiendras un fils dans tes
bras." C’est donc la même racine hbq et les rabbins ont donc conclu que Habaquq serait le
fils de la Shunamite. Plus tard le père d’Habaquq devint le prophète Abdia ; c’est le Zohar
(livre de la splendeur du 13ème siècle) qui le réfère.
64
Le livre semble divisé en trois grandes unités littéraires :
1. 1,1 à 2,4
2. 2,5-20
3. 3 : ce chapitre a une unité à lui. C’est un psaume doté d’une unité propre. On ne sait
pas si ce psaume est connexe avec l’oeuvre du prophète.
Première section, de 1,1 à 2,4 : dialogue entre le prophète et Dieu. On peut les diviser en 4
sections.
1. 1,1 à 1,4 : la situation négative du peuple, la justice est piétinée, le faible est écrasé...
soit des thèmes communs du prophétisme. Ce sont donc les thèmes du dialogue.
2. 1,4 à 1,11 : Dieu décrit la punition par les Chaldéens.
3. 1,12 à 1,17 : le prophète reprend la paroles qui objecte que la parole violente de
l’envahisseur contraste avec la parole de Dieu. C’est un problème de théodicée.
4. 2,1 à 2,4 : les textes les plus cités dans Le NT, surtout 4b. Dieu répond en énonçant
un principe général : le méchant faille et le juste réussit par sa foi.
Deuxième section, de 2,5 à 2,20 : La chanson de l’impie qui est reproché pour son
comportement. On parle de l’envahisseur. Ce peuple qui brutalise beaucoup de peuple ne
peut pas être Juda. En tout cas c’est une critique qui accomune Juda à l’envahisseur. Une
injustice de ville, ou nationale ou de gouvernement mondial.
Troisième section : le chapitre 3 comme psaume unitaire.
6.5
Lecture de Habaquq 2,5-20
[5] Assurément la richesse trahit ! Il perd le sens et ne subsiste pas, celui qui dilate sa gorge comme le shéol, celui qui comme la
mort est insatiable, qui rassemble pour lui toutes les nations et réunit pour lui tous les peuples !
[6] Tous alors n'entonneront-ils pas une satire contre lui ? Ne tourneront-ils pas d'épigrammes à son adresse ? Ils diront :
Malheur à qui amasse le bien d'autrui (jusques à quand ?) et qui se charge d'un fardeau de gages !
[7] Ne surgiront-ils pas soudain, tes créanciers, ne se réveilleront-ils pas, tes exacteurs ? Tu vas être leur proie !
[8] Parce que tu as pillé de nombreuses nations, tout ce qui reste de peuples te pillera, car tu as versé le sang humain, violenté
le pays, la cité et tous ceux qui l'habitent !
[9] Malheur à qui commet pour sa maison des rapines injustes, afin d'établir bien haut son repaire, afin d'esquiver l'étreinte du
malheur !
[10] C'est la honte de ta maison que tu as résolue : en abattant de nombreux peuples tu as travaillé contre toi.
[11] Car des murailles mêmes la pierre crie, de la charpente la poutre lui répond.
[12] Malheur à qui bâtit une ville dans le sang et fonde une cité sur l'injustice !
[13] N'est-ce point la volonté de Yahvé Sabaot que les peuples peinent pour le feu, que les nations s'épuisent pour le néant ?
65
[14] Car la terre sera remplie de la connaissance de la gloire de Yahvé comme les eaux couvrent le fond de la mer !
[15] Malheur à qui fait boire ses voisins, à qui verse son poison jusqu'à les enivrer, pour regarder leur nudité !
[16] Tu t'es saturé d'ignominie, non de gloire ! Bois à ton tour et montre ton prépuce ! Elle passe pour toi, la coupe de la droite
de Yahvé, et l'infamie va recouvrir ta gloire !
[17] Car la violence faite au Liban te submergera, ainsi que le massacre d'animaux frappés d'épouvante, car tu as versé le sang
humain, violenté le pays, la cité et tous ceux qui l'habitent !
[18] A quoi sert une sculpture pour que la sculpte son artiste ? Une image de métal, un oracle menteur, pour qu'en eux se confie
celui qui les façonne en vue de fabriquer des idoles muettes ?
[19] Malheur à qui dit au morceau de bois : "Réveille-toi !" à la pierre silencieuse : "Sors de ton sommeil !" (C'est cela l'oracle !)
Placage d'or et d'argent, certes, mais sans un souffle de vie qui l'anime !
[20] Mais Yahvé réside dans son temple saint : silence devant lui, terre entière !
Ce texte est en plusieurs sections :
-
5-6a : structure introductive. Le hoy est un cas de qinah, la lamentation funèbre. Elle
avait un mètre spécial ;
-
5 sections ou strophes commençant par malheur :
Les quatre premières (6b-17) sont structurés de la même façon et en
elles assume une certaine importance la conjonction c’est pourquoi
qui apparaît au début des versets 8,11,17,
La cinquième (18-20) se différencie des quatre autres par quelques
particularités. Le hoy (malheur) n’apparaît pas au début de la section
(v. 18) mais au début du v19, après que le v18 ait fait une
considération sur l’inutilité des idoles. Nous pouvons voir que la
conjonction c’est pourquoi n’apparaît plus. Enfin on note aux versets
8b et 17b le refrain « violenté le pays » qui assume une valeur
structurante en se plaçant après la première strophe et avant celle
conclusive.
La strophe introductive définit le texte qui la suit, elle commence par deux mots : mesîlah et
hidôt. Devinette, énigme. Le texte est un peu avec des mots à double sens, des devinettes.
Par exemple 16b qiqalôn signifie vomi de honte.
C’est un chant qui se présente de façon obscure. Il est adressé au conquérant par les conquis
qui le moquent. C’est un peu comme notre satyre politique. Si on ne connaît pas les faits
historiques on ne peut pas comprendre et c’est notre cas : on ne connaît pas les faits et les
situation.
66
Dans notre texte et celui d’Isaïe 5, ce texte funèbre devient une accusation ; durant le chant
funèbre on chante le nom du coupable et on en demande la vengeance. La lamentation peut
donc servir pour la dénonciation de l’injustice.
La première strophe de notre texte critique l’accumulation de terrains et de
gages. Ceci peut aussi indiquer se charger de masse de boue : en effet, les
chaldéens écrivaient sur les tablette de terre non cuite et si elles se mouillent
elle deviennent de la boue, du papelard. Au créditeur il ne restera donc que
de la boue.
Dans les textes juridiques, la conjonction c’est pourquoi introduit une
accusation. Nous retrouvons des éléments du rib.
La
deuxième
strophe
est
contre
l’expansionnisme
dynastique :
Nabuchodonosor avait la construction facile.
La troisième strophe s’explique dans l’accusation de l’activité de construction
fondée sur le sang et sur l’iniquité. L’envahisseur est critiqué parce qu’il
soumet les populations conquises à des travaux forcés en les réduisant en
esclavage.
La quatrième strophe : une risée encore plus honteuse car en faisant la fête
pour la victoire, Nabuchodonosor s’enivre et laisse découvrir sa nudité et il
n’est pas circoncit. On voit un rappel de Noé en Gn 9,20-28.
La cinquième strophe : changement de structure avec une considération
idolâtre. Pour l’exégèse la différence de langage indique une insertion
postérieure. Il est vrai que le verset 18 à une saveur plus sapientiale que
juridique. Le verset 20 contient cette affirmation de faire silence devant Dieu.
Le but de la procédure judiciaire est de mettre au silence l’adversaire. Le juge
impose le silence. Ici c’est dieu qui impose le silence. La théophanie montre
une attitude de jugement. L’idolâtrie apparaît comme la cause de tout ; Dieu
intervient personnellement. Ceci conclue la discussion et prépare le psaume
qui est inséré et qui est théophanique.
On voit donc une satire de l’envahisseur. Dans la violence, l’inutile magnificence dans les
constructions, la cruauté envers les vivants : tout cela c’est l’orgueil de l’impie qu’il faut
67
substituer avec Dieu. La peine du talion est la peine oeil pour oeil et dent pour dent : on te
fait ce que tu a fais.
C’est comme si le prophète disait qu’il n’y a pas besoin de théophanie. La manifestation de
Dieu dans l’histoire est théophanie, c’est une manifestation de sa présence ; et il punit
l’impie en se renversant sur lui.
68
7.
Le prophète Jérémie
7.1
Introduction
De lui nous savons beaucoup.
Des données autobiographiques. Il est originaire de Anatot qui est peu distant de Jérusalem.
Il est de la famille sacerdotale de Ebyatar qui est le rival de la famille de Sadoc.
1Roi 2,26-27 : [26] Quant au prêtre Ebyatar, le roi lui dit : "Va à Anatot dans ton domaine, car tu mérites la mort,
mais je ne te ferai pas mourir aujourd'hui, car tu as porté l'arche de Yahvé en présence de mon père David et
partagé toutes les épreuves de mon père."
[27] Et Salomon exclut Ebyatar du sacerdoce de Yahvé, accomplissant ainsi la parole que Yahvé avait prononcée
contre la maison d'Eli à Silo.
Sa famille n’exerce plus le ministère.
Jérémie se rappelle de Silo et il en parle ici et là :
7,12 : Allez donc au lieu qui fut le mien, à Silo : autrefois j'y fis habiter mon Nom ; regardez ce
que j'en ai fait, à cause de la perversité de mon peuple Israël.
26,6 : je traiterai ce Temple comme Silo et je ferai de cette ville une malédiction pour toutes
les nations de la terre.
La polémique qu’il fait dans l’excessive richesse du peuple que l’on voit en 7,4 montre qu’il
n’est pas du groupe dominant.
Anatot est uni politiquement à Juda mais fait partie du territoire de Benjamin. Or cette tribu
est liée aux tribus du Nord (Ephraïm, Benjamin et Manassé sont fils de Rachel). Ceci explique
la présence en Jérémie de thèmes d’Osée qui est lui aussi du Nord : l’épouse infidèle en 3,25.20. Allusion à la tradition de l’Exode sinaïtique en 2,1-7 ; 7,22-25. En 23,5-6 il y a des
traditions jérusalémites et davidique.
On a confiance en l’introduction de son livre.
1,2 : A lui fut adressée la parole de Yahvé, aux jours de Josias, fils d'Amon, roi de Juda,
la treizième année de son règne ;
La vocation de Jérémie serait en l’an 627, soit la 13ème année de Josias. (622 : la réforme).
La première partie du ministère de Jérémie se déroule donc durant la réforme de Josias.
69
Les premiers oracles de Jérémie réalisent l’intérêt pour la situation du Nord et la prédication
prophétique de Juda : centralité de Jérusalem.
On peut considérer en particulier les chapitres 1-2 et 30-31 qui sont des appels à l’Israël du
Nord afin qu’il retourne à Jérusalem et à la maison de David. C’est une vraie question de
Juda que le Nord retourne vers la maison de David. On dénonce aussi en même temps
l’idolâtrie et l’injustice.
La position de Jérémie n’est pas facile à cueillir durant la réforme. Le texte de 11,1-14
montre un appui inconditionné, exprimé en des termes qui manifestent une forte affinité
avec l’école deutéronomiste, toutefois certains doutent de l’originalité de ce discours de
façon injuste.
Parmi les rois sous le règne desquels il exerce l’activité du prophète (de Josias à Sédécias), il
apprécie seulement Josias (cf. 22,15) et les étroits rapports qu’il a avec la famille de Shaphân
qui exerçait la figure du scribe à la cour de Juda (= chef de la chancellerie pour nous) qui sont
parmi les fameux promoteurs de la réforme religieuse, 2Roi 22,8-14 :
[8] Le grand prêtre Hilqiyyahu dit au secrétaire Shaphân : "J'ai trouvé le livre de la Loi dans le Temple de Yahve." Et
Hilqiyyahu donna le livre à Shaphân, qui le lut.
[9] Le secrétaire Shaphân vint chez le roi et lui rapporta ceci : "Tes serviteurs, dit-il, ont fondu l'argent qui se
trouvait dans le Temple et l'ont remis aux maîtres d'œuvres attachés au Temple de Yahve."
[10] Puis le secrétaire Shaphân annonça au roi : "Le prêtre Hilqiyyahu m'a donné un livre" et Shaphân le lut devant
le roi.
[11] En entendant les paroles contenues dans le livre de la Loi, le roi déchira ses vêtements.
[12] Il donna cet ordre au prêtre Hilqiyyahu, à Ahiqam fils de Shaphân, à Akbor fils de Mikaya, au secrétaire
Shaphân, et à Asaya, ministre du roi :
[13] "Allez consulter Yahve pour moi et pour le peuple, à propos des paroles de ce livre qui vient d'être trouvé.
Grande doit être la colère de Yahve, qui s'est enflammée contre nous parce que nos pères n'ont pas obéi aux
paroles de ce livre, en pratiquant tout ce qui y est écrit."
[14] Le prêtre Hilqiyyahu, Ahiqam, Akbor, Shaphân et Asaya se rendirent auprès de la prophétesse Hulda, femme
de Shallum fils de Tiqva fils de Harhas, le gardien des vêtements ; elle habitait à Jérusalem dans la ville neuve.
Jérémie a donc d’étroits rapports. En 36,11-19 : Jérémie est sauvé par un membre de cette
famille qui le tire de la citerne. Donc on pense qu’il appuyait la réforme.
En particulier l’appel à l’Israël du nord correspond au désir de Josias qui cherche la centralité
de Jérusalem et la centralité du culte ; mais on ne parle pas de lui au moment de la
découverte du livre et de l’envoi de la réforme en 622. Apparaît par contre la prophétesse
Hulda. Peut-être que Jérémie n’a pas adhéré tout de suite au projet ; une deuxième
70
possibilité est que Jérémie serait un personnage de grande envergure. Ou encore, la
prophétesse était femme du garde robe (fonctionnaire royal = chef de cérémonie ou
surintendant du cérémonial de la cour). Pour cela elle sera la prophétesse officielle.
La mort du roi réformateur Josias en 609 durant la défaite de Megiddo et la montée au trône
de Joaquim (après Joachaz fils de Josias), fait assumer à Jérémie une autre attitude, plus
critique : ce sont les années de Jérémie contre la confiance superstitieuse des jérusalémites
(chap. 7 et 26) on le voit par un retour à l’idolâtrie et à l’injustice sociale.
Mais le roi méprise Jérémie et en vient à brûler publiquement le livre des oracles que rédige
Baruch le scribe de Jérémie et ceci malgré les consternations de ses ministres : 36,21-26,
c’est l’an 605 :
[21] Le roi envoya Yehudi chercher le rouleau ; celui-ci l'apporta de la salle du scribe Elishama et en fit lecture
devant le roi et devant tous les princes, debout autour du roi.
[22] Le roi était assis dans ses appartements d'hiver - on était au neuvième mois - et le feu d'un brasero brûlait
devant lui.
[23] Chaque fois que Yehudi avait lu trois ou quatre colonnes, le roi les lacérait avec le canif du scribe et les jetait
au feu sur le brasero, jusqu'à ce que le rouleau entier fût consumé dans le feu du brasero.
[24] Mais ni le roi ni aucun de ses serviteurs, à entendre toutes ces paroles, ne furent effrayés ni ne déchirèrent
leurs vêtements ;
[25] et pourtant Elnatân, Delayahu et Gemaryahu avaient insisté auprès du roi pour qu'il ne brûlât pas le rouleau ;
mais il ne les écouta pas.
[26] Et il ordonna à Yerahméel, fils du roi, à Serayahu, fils de Azriel, et à Shélémyahu, fils de Abdéel, de saisir
Baruch, le scribe, et Jérémie, le prophète. Mais Yahve les avait cachés.
Il en suit une persécution contre le prophète et son scribe. C’est l’origine des confessions de
Jérémie en 11,18-12,6 ; 15,10-21 ; 17,14-18 ; 18,19-23 ; 20,7-18. Il se lamente à Dieu de son
sort.
La défaite des Egyptiens à Karkémish montre combien Nabuchodonosor répond aux attentes
du Prophète. C’est le souverain qui est destiné par Dieu à régir le monde ; se rebeller à lui
s’est se rebeller à Dieu : 27,5-6 :
[5] C'est moi qui ai fait, par ma grande puissance et mon bras étendu, la terre, l'homme et les bêtes qui sont sur la
terre ; et je les donne à qui bon me semble.
[6] Or présentement, j'ai remis tous ces pays aux mains de Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur ; j'ai
mis à son service même les bêtes des champs.
La rébellion porte à la déportation de 597 et le parti de Jérémie est vainqueur ; c’est
Sédécias qui monte au trône imposé par les Babyloniens. Ceci redonne de l’autorité au parti
71
qui prêchait de ne pas s’opposer aux babyloniens. Le roi commence à écouter le prophète
Jérémie.
Mais quelques années plus tard les Egyptiens relèvent la tête ; Jérémie est accusé d’être un
faux prophète de façon publique et il n’a pas de paroles à répondre à Hananya, ce qui est
tragique. C’est seulement après il en aura une mais il aura subi la honte publique. Nous
sommes au chapitre 28.
A cette époque Jérémie s’adresse aux exilés de 597.
En 29,4-23 Jérémie écrit aux nobles et aux sages disant qu’ils ne reviendront pas vite, mais
qu’ils doivent s’installer à Babylone et se préoccuper du bien du pays.
Durant le siège Jérémie est accusé et suspecté d’être un collaborateur. Nous sommes au
chapitre 37. Il est arrêté lorsqu’il se rend dans sa ville natale : la ville est complètement
assiégée et lui il dit aller acheter un champ (signe d’espérance) à Anatot ! Les gardes pensent
qu’il veut changer de camp. Il est arrêté à un moment où le siège semble durer. La vie lui est
cependant sauvée par le roi qui le craint et en respecte la parole. Il est mis dans une citerne
pleine de boue 38,6.
A la fin du siège, il est protégé par les babyloniens qui connaissaient sa position et ils le
protègent car cela peut être intéressant.
Dans la confusion il est emmené à Rama qui est un point de récolte des déportés.
Nebuzaradan qui est le chef de la garde impériale, avec les dispositions de Nabuchodonosor,
le libère et Jérémie s’unit au gouverneur Godolias qui est de la famille de Shaphân. Cette
famille établi la capitale administrative à Mispah au Nord de Jérusalem, mais après quelques
mois Godolias est tué par un officiel de la maison de David : Ismaël. Les survivants décident
de fuir en Egypte pour éviter l’invasion babylonienne. Jérémie qui s’opposait à ce projet est
emporté de force avec eux et il accuse le peuple de retomber de nouveau dans l’idolâtrie, il
annonce la destruction des juifs réfugiés en Egypte et l’invasion de l’Egypte par les
Babyloniens (ceci adviendra en 568 avec Assourbanipal). L’unique ami qui reste est Baruch
qui reçoit en don un oracle 4, où lui est promis la vie en butin. C’est Baruch qui écrivit les
proses sur la vie de Jérémie, il est un témoin oculaire.
7.2
Composition du livre
Il faut admettre qu’il ne brille pas de clarté ni de cohérence de composition.
On peut individuer 4 blocs :
72
1. oracle contre le peuple
2. oracle contre les nations
3. oracle de salut
4. partie narrative en prose
Cette situation a donné une marée d’interprétation. Certains ont réduit les textes de Jérémie
à 1/5 du livre (par exemple pour Duhm 1901). C’est extrémiste.
1914 : Mowinkel distingue 4 sources dans le livre.
A. Chapitres 1-25 : oracles poétiques
B. Chapitres 19,1 à 20,6 ; 27 à 29 ; 34,1-7 ; 36 ; 37-45 ; 51,59-64 : narrations
biographiques, dispersées dans le livre.
C. Discours deutéronomistes : 7,1 à 8,3 ; 11,1-14 ; 16,1-13 ; 17,19-27 ; 18,1-12 ; 21,110 ; 22,1-5 ; 25,1-13b ; 32,1-2.6-16.24-44 ; 34,1-35,19.
D. Oracles de salut 30-31 et oracles contres les nations 46-51
Pour A, on affirme la paternité jérémienne. Le rouleau de 605 aurait été réécris après avoir
été brûlé et inséré. Le contenu de ce rouleau n’est plus reconstructible.
D est suspecté de façon générale par Mowinkel comme n’étant pas de Jérémie. Jérémie est
le prophète de mésaventure or il y a des oracles de salut. Mais en réalité cette position n’est
plus partagée et c’est léger comme position.
Pour 46-51, ce ne peut pas être de Jérémie les chapitres 50 et 51 qui sont une attaque
contre les babyloniens. Or Jérémie est pro-babylonien et il ne peut pas avoir écrit un tel
texte. Les autres peuvent lui être attribué.
B sont une œuvre de Baruch ce qui les rend une source historique de premier ordre. A
l’intérieur de ce matériel nous trouvons les confessions qui furent écrites par Baruch. Dans
les dernier temps on pense que les sources ne sont plus unitaires.
Le problème le plus important est pour les discours deutéronomistes qui sont mis en bouche
à Jérémie, introduit par une formule du type « telle est la parole qui fut adressée à Jérémie ».
Selon une position extrémiste, peu de ce matériel serait de Jérémie. Ce serait post exilique.
Mais ce raisonnement prend l’eau en de nombreuses parties. Ces discours puent le
deutéronomiste, mais d’un point de vue doctrinal ils sont en correspondance…..
73
Une hypothèse a été soulevée : il se peut que nous soyons en présence du style prosaïque
hébraïque de cette époque. En examinant les discours deutéronomiques on peut voir qu’ils
sont en pleine concordance de vocabulaire et de théologie avec les oracles poétiques. Le
style de la prose artistique de la fin du 7ème et début du 8ème siècle. Il serait donc possible
que ce soit un style littéraire. L’argument n’est pas toujours probant. Ceci n’exclu pas des
réélaborations successives, mais n’enlève pas l’hypothèse que le prophète s’exprime comme
tout le monde à l’époque en prose.
La LXX pour Jérémie présente un texte plus court : 2700 paroles en moins et dans un autre
ordre par rapport au texte massorétique. Il est difficile d’établir le motif de tel phénomène.
L’hypothèse la plus probable est que la LXX représente une Vorlage plus antique, mais il faut
relever qu’à Qumran le texte massorétique est déjà présent comme des fragments de ce qui
serait la Vorlage de la LXX. Il y a donc deux recensions du même texte biblique dont
probablement la LXX est plus antique. Ceci ne signifie pas que les textes qui manquent dans
la LXX soient illégitimes : nous ne connaissons pas l’histoire textuelle antique des deux
recensions.
7.3
Lecture de Jérémie 15,10-21 ; 16,1-13
Jérémie 15,10-21 :
[10] Malheur à moi, ma mère, car tu m'as enfanté homme de querelle et de discorde pour tout le pays ! Jamais je ne prête ni
n'emprunte, pourtant tout le monde me maudit.
[11] En vérité, Yahvé, ne t'ai-je pas servi de mon mieux ? Ne t'ai-je pas supplié au temps du malheur et de la détresse ?
[12] Le fer brisera-t-il le fer du Nord et le bronze ?
[13] Ta richesse et tes trésors, je vais les livrer au pillage, sans contrepartie, à cause de tous les péchés, sur tout ton territoire.
[14] Je te rendrai esclave de tes ennemis dans un pays que tu ne connais pas, car ma fureur a allumé un feu qui va brûler sur
vous.
[15] Toi, tu le sais, Yahvé ! Souviens-toi de moi, visite-moi et venge-moi de mes persécuteurs. Dans la lenteur de ta colère ne
m'entraîne pas. Reconnais que je subis l'opprobre pour ta cause.
[16] Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais : ta parole était mon ravissement et l'allégresse de mon cœur. Car c'est
ton Nom que je portais, Yahvé, Dieu Sabaot.
[17] Jamais je ne m'asseyais dans une réunion de railleurs pour m'y divertir. Sous l'emprise de ta main, je me suis tenu seul, car
tu m'avais empli de colère.
[18] Pourquoi ma souffrance est-elle continue, ma blessure incurable, rebelle aux soins ? Vraiment tu es pour moi comme un
ruisseau trompeur aux eaux décevantes !
[19] Alors Yahvé répondit : Si tu reviens, et que je te fais revenir, tu te tiendras devant moi. Si de ce qui est vil tu tires ce qui est
noble, tu seras comme ma bouche. Eux reviendront vers toi, mais toi, tu n'as pas à revenir vers eux !
[20] Je ferai de toi, pour ce peuple-là, un rempart de bronze fortifié. Ils lutteront contre toi mais ne pourront rien contre toi, car
je suis avec toi pour te sauver et te délivrer, oracle de Yahvé.
[21] Je veux te délivrer de la main des méchants et te racheter de la poigne des violents.
74
Une caractéristique de l’activité prophétique est l’identification entre la vie du prophète et
sa mission. Ce fait est particulièrement perceptible dans le cas de Jérémie : nous avons sur
lui des informations biographiques plus détaillées que pour les autres prophètes.
Le texte fait partie de ce que l’on appelle les Confessions et elles représentent une sorte de
renouveau de la vocation qui est déjà décrite au début du livre (1,4-10). Ce texte provient
sans doute des années sombres du règne de Joaquim ; il s’agit d’une révolte du prophète
contre Dieu, avec une dureté de langage surprenante semblable à Job.
La parole à transmettre est un poids : ses oracles sont des menaces répétées et la chose la
plus déroutante est qu’elles ne sont pas destinées à provoquer le salut, mais à aggraver la
faute. Les faux prophètes n’ont pas de choses du genre et ils obtiennent l’estime universelle
par leurs mensonges.
Ici, dans ses douleurs, Jérémie peut accuser Dieu d’être patient avec l’impie et de ne pas se
souvenir de la fidélité dans son service. Dieu ne répond pas avec des paroles de consolation
comme l’aurait prévu le schéma classique liturgique, mais répond par un reproche : Jérémie
doit se repentir. Il a voulu discuter avec YHWH, mais il a tort parce que YHWH a raison à
priori.
Ce rapport intime entre Dieu et le prophète est important, c’est un rapport qui va bien audelà de ce qui est témoigné par les prophètes précédents. Les prophètes précédents
n’étaient pas des prophètes passifs et insensibles à la communication divine, mais dans le
cas de Jérémie nous voyons un poids de perplexité et de profonde confusion. L’échec de la
mission ne s’est pas vérifié uniquement extérieurement à lui dans son rapport avec les
autres, mais aussi dans son intimité personnelle parce que le prophète ne s’identifie plus
avec sa propre fonction. On peut voir en lui comme une dichotomie entre l’homme et sa
mission prophétique. Entre ces deux pôles se trouve une tension qui menace toute sa
vocation prophétique.
En fait c’est une nuit en laquelle Dieu conduit son messager qui est devenu d’une obéissance
quasiment surhumaine malgré la problématique qui l’habite en ce moment. Cette nuit de la
foi devient exemplaire pour tout Israël ; la passion que Jérémie est en train de vivre est
semblable aux temps tragiques en lesquels les promesses de Dieu semblent s’écrouler : le
peuple est conduit dans une nuit de l’espérance dans laquelle il ne reste rien si ce n’est la vie
comme butin.
75
C’est pour cela que les Pères virent justement en Jérémie une des images les plus éloquentes
de la passion du Christ.
Jérémie 16,1-13 :
[1] La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes :
[2] Ne prends pas femme ; tu n'auras en ce lieu ni fils ni fille !
[3] Car ainsi parle Yahvé à propos des fils et des filles qui vont naître en ce lieu, des mères qui les enfanteront et des pères qui
les engendreront en ce pays :
[4] Ils mourront de maladies mortelles, sans être pleurés ni enterrés ; ils serviront de fumier sur le sol ; ils finiront par l'épée et la
famine, et leurs cadavres seront la pâture des oiseaux du ciel et des bêtes sauvages.
[5] Oui, ainsi parle Yahvé : N'entre pas dans une maison où l'on fait le deuil, ne vas pas pleurer ni plaindre les gens, car j'ai retiré
ma paix de ce peuple - oracle de Yahvé - ainsi que la pitié et la miséricorde.
[6] Grands et petits mourront en ce pays sans être enterrés ni pleurés ; pour eux, on ne se fera ni incisions ni tonsure.
[7] On ne rompra pas le pain pour qui est dans le deuil, pour le consoler au sujet d'un mort ; on ne lui offrira pas la coupe de
consolation pour son père ou sa mère.
[8] N'entre pas non plus dans une maison où l'on festoie, pour t'asseoir avec eux à manger et à boire.
[9] Car ainsi parle Yahvé Sabaot, le Dieu d'Israël : Voici, je vais faire taire ici, sous vos yeux et de vos jours, les cris de joie et
d'allégresse, les chants du fiancé et de la fiancée.
[10] Quand tu auras annoncé à ce peuple toutes ces paroles et qu'on te demandera : "Pourquoi Yahvé a-t-il proclamé contre
nous tout cet immense malheur ? Quelle est notre faute ? Quel péché avons-nous commis contre Yahvé notre Dieu ?"
[11] Alors tu leur répondras : "C'est que vos pères m'ont abandonné - oracle de Yahvé - ils ont suivi d'autres dieux, les servant et
se prosternant devant eux. Et moi, ils m'ont abandonné, ils n'ont pas gardé ma Loi !
[12] Et vous, vous avez agi plus mal que vos pères. Voici, chacun de vous se conduit selon l'obstination de son cœur mauvais,
sans m'écouter.
[13] Je vous jetterai donc hors de ce pays, dans un pays inconnu de vous et de vos pères ; là vous servirez d'autres dieux, jour et
nuit, car je ne vous ferai plus grâce."
Dans ce texte, la condition dramatique de Jérémie résulte encore plus claire. Si tous les
prophètes se sont identifiés à leur mission, le cas de Jérémie est encore plus extrême : il
devra renoncer à la famille et à la génération, il devra réprimer la compassion et la
solidarité : rester seulement sous la main de Dieu qui modèle avec la vie de son messager
une sorte d’oracle.
Le sens de ce message est tragique : Dieu se détache de son peuple qui est ainsi condamné à
la stérilité qui est signe de malédiction. Ainsi le prophète se détache de ses contemporains et
s’oblige à un célibat qui est une sorte de stérilité volontaire ; la conclusion de l’oracle au
verset 9 est claire et dure : chaque couple israélite représentait et réalisait l’amour et la
fécondité de Dieu avec son peuple ; l’absence de la voix de l’épouse et de l’époux est signe
de ce détachement que le prophète vit dans sa chair. Mais ce détachement est un
détachement d’amour et le paradoxe de la vie de Jérémie consiste dans le fait qu’il continu à
aimer passionnément son peuple.
76
7.4
Jérémie 30-31 : la nouvelle alliance
Jérémie 30 et 31 formait à l’origine une unité littéraire en elle-même, ce qui résulte
clairement du titre de 30,2 où l’on rapporte le commandement divin donné à Jérémie
d’annoter en un livre toutes les paroles de JHWH qu’il lui a dite : « Ainsi parle Yahvé, le Dieu
d'Israël. Ecris pour toi dans un livre toutes les paroles que je t'ai adressées ».
Etant donné que l’introduction (30,3) recueille sous un profil thématique le contenu des
chapitres 30-31, ne pouvaient donc être indiqués avec le terme livre que ces deux chapitres
qui pour la majorité des commentateurs apparaissent liés par le contexte.
Un message de punition est normal dans la tradition prophétique, mais ce qui est particulier
chez Jérémie n’est pas tant la menace d’une punition, mais plutôt l’annonce de la fin. Le livre
entier est dominé par l’annonce de la fin de Jérusalem, laquelle est un signe d’un évènement
qui regarde toute l’histoire de l’humanité.
En 1,10, lorsque l’on parle de détruire et d’abattre, le destinataire de ces actions n’est pas
Jérusalem, mais plutôt les peuples et les règnes : « Vois ! Aujourd'hui même je t'établis sur
les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour
bâtir et planter ».
De cette thématique la destruction du Temple est emblématique ; elle devient symbole de
jugement eschatologique. Cette parole est cependant en contradiction avec les promesses
d’éternelle fidélité faite au peuple et reconnue comme valide. Une telle tension est à
l’origine de la situation personnelle du prophète et de ses confessions. Le grand problème de
Jérémie est donc : comment concilier ces deux paroles de Dieu ? La conciliation advient par
la personne elle-même du prophète : la vérité de la prophétie se joue non pas en reculant
face à la fin, mais en l’assumant comme message essentiel de la révélation de Dieu. Pour qui
ne refuse pas l’annonce de la fin (dont la chute de Jérusalem est le symbole), s’ouvre une
perspective d’espérance : la vie sauve. La nouveauté positive annoncée est directement
proportionnée à la radicalité de l’annonce destructive.
Le message de tous les vrais prophètes est constamment négatif, Jérémie l’affirme (28), et
cette négativité est le signe de la vérité.
A partir du chapitre 26, on a un débat sur la vérité des prophètes de mésaventure et
particulièrement de Jérémie, opposés aux prophètes qui annonçaient la paix. Toutefois
l’annonce de paix, même pour Jérémie peut-être véridique et il est désirable qu’elle le soit
77
(28,6), mais elle doit se réaliser sans contredire l’annonce de mésaventure, même d’un
certain point de vue à l’intérieur d’elle-même.
Ceci nous fait comprendre pourquoi les chapitres 30-31 sont insérés à l’intérieur de la
narration qui répète constamment le message de destruction. Le signe qu’Hananya est un
faux prophète est sa mort (28,15-17), alors que le signe de la vérité du discours de Jérémie
sera sa fuite constante de la mort, toutes les fois où sa vie sera menacée.
La parole de consolation de Jérémie n’est donc pas comme celle des faux prophètes :
Jérémie parle d’un salut après ou à l’intérieur de la mésaventure, un salut de résurrection,
sens propre de la nouvelle alliance.
Jérémie 31,31-34 :
[31] Voici venir des jours - oracle de Yahvé - où je conclurai avec la maison d'Israël (et la maison de Juda) une
alliance nouvelle.
[32] Non pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les faire
sortir du pays d'Egypte - mon alliance qu'eux-mêmes ont rompue bien que je fusse leur Maître, oracle de Yahvé !
[33] Mais voici l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël après ces jours-là, oracle de Yahvé. Je mettrai ma
Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple.
[34] Ils n'auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : "Ayez la connaissance de Yahvé
!" Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu'aux plus grands - oracle de Yahvé - parce que je vais pardonner
leur crime et ne plus me souvenir de leur péché.
Sans doute que le terrain de ce texte est de type cultuel, avec des références aux liturgies de
rénovation de l’alliance, toutefois ceci ne signifie pas que Jérémie ait entendu la nouvelle
alliance simplement comme renouvellement et actualisation de l’alliance sinaïtique comme
le fit Josias (2Roi 23,3). Pour Jérémie de la part de Dieu, la volonté d’alliance ne change pas :
même en ce cas elle dépend d’une initiative de Dieu, et des éléments essentiels de l’alliance
sinaïtique comme l’engagement à l’obéissance envers la volonté divine manifestée dans la
loi et dans l’élection du peuple de Dieu ne sont pas abrogés par la nouvelle alliance.
La nouveauté du rapport avec Dieu consiste dans le fait que les exigences de Dieu
deviennent son don. La loi qui dans l’ancienne alliance était contenue en des tables, était
l’expression d’une volonté externe, et comme telle il fallait qu’elle soit expliquée et
enseignée ; maintenant la nouvelle alliance perd son caractère d’une imposition de
l’extérieur en tant que Dieu fait en mode que la loi soit une exigence intérieure de l’homme
et ainsi il transforme le devoir en un besoin de l’âme humaine. C’est donc une obéissance
spontanée qui se fonde sur un rapport personnel et immédiat avec Dieu et s’actualise dans
78
la donation intime à lui ; il est évident que l’histoire et le chemin personnel du prophète sont
à la base de ces figurations fortement individuelles du rapport d’alliance et de la
connaissance de Dieu. La grandeur de la nouvelle alliance consiste dans sa constitution
théocentrique : Dieu se trouve au début, au centre et à la fin de l’alliance, en l’instituant et
en créant les conditions pour que l’homme puisse la mettre en acte et connaître Dieu ; il y a
donc une convergence de deux traditions : une liée au culte de l’alliance et l’autre connexe
au message prophétique : la connaissance de Dieu qui comprend l’entier rapport vital de
l’homme avec Dieu et non seulement son aspect intellectuel.
Ce thème résulte évident en Osée (cf. Os 4,1 ; 5,4 ; 6,6) ; la perspective théocentrique fait
que l’horizon historique se dilate en celui eschatologique et la nouvelle alliance apparaît
comme l’achèvement idéal de l’ordonnance salvifique de Dieu. La volonté divine de
pardonner les péchés ne représente pas seulement la base pour la nouvelle alliance, mais en
est la force porteuse et la garantie de stabilité.
Le message théologique du texte est, comme on le voit, extrêmement hardi et prépare la
route à l’usage qu’en fera Jésus, en le rappelant au moment de l’institution de l’Eucharistie
(Lc 22,20 ; 1Co 11,25). L’auteur de la Lettre aux Hébreux (10,26) en donnera une lecture
définitive.
79
8.
Le prophète Ezéchiel
8.1
Introduction
Dans la dernière période de son activité, Jérémie avait adressé une lettre aux exilés de 597
en les exhortant à ne pas nourrir une espérance concernant un retour proche de l’exil, mais
plutôt à se préoccuper du bien-être de Babylone dont la prospérité était désormais liée à
leur sort (Jr 29). Il les avait aussi défendu en sa patrie de ceux qui les retenaient justement
punis pour les mauvaises actions et qui de conséquence s’auto-absolvaient de toute faute
par le fait de n’avoir pas été emporté en exil (Jr 24,1-10) ;
Parmi ces déportés il y avait selon toute vraisemblance un prêtre du nom d’Ezéchiel, fils de
Buzi, que JHWH choisit pour faire résonner sa parole au milieu de cette portion de peuple
d’Israël qui aurait été tellement importante pour l’histoire future.
[1] La trentième année, au quatrième mois, le cinq du mois, alors que je me trouvais parmi les
déportés au bord de fleuve Kebar, le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines.
[2] Le cinq du mois - c'était la cinquième année d'exil du roi Joiakîn -
Le verset 1 du premier chapitre date la vocation du prophète lors de la trentième année.
C’est assez énigmatique, mais le verset 2 indique la correspondance de cette date avec la
5ème année de la déportation de Joaquin qui correspond à 593.
Dans le cours du livre on peut repérer 15 dates qui présentent un ordre chronologique
progressif hormis deux exceptions (29,17 ; 33,22) : 1,1 ; 1,2 ; 3,16 ; 8,1 ; 20,1 ; 24,1 ; 26,1 ;
29,1 ; 29,17 ; 30,20 ; 31,1 ; 32, 1 ; 32, 17 ; 33,22 ; 40,1. Ceci nous permet de situer l’activité
du prophète entre juin-juillet de 593 et mars-avril et 573. Les oracles en questions peuvent
être étroitement liés avec des évènements historiques contemporains, documentés par de
nombreux témoignages extrabibliques dont les chroniques du règne de Nabuchodonosor.
Nous savons par l’exemple de Jérémie que les rapports entre les exilés de 597 et la mère
patrie étaient très étroits, donc une argumentation de ce type n’est pas vraiment cohérente.
Certains ont pensé individuer en Ezéchiel un prophète israélite du 8ème siècle dont l’œuvre
aurait été ajournée durant l’exil. D’autres pensent carrément à un Ezéchiel pseudépigraphe
du 3ème ou 7ème siècle comme Daniel, toutefois ces hypothèses ne peuvent pas être accueillie
sérieusement, étant donné la fondation du cadre historique que le livre manifeste.
80
Si donc le cadre chronologique du livre est digne de foi, le prophète se distingue par une
caractéristique absolument particulière : Ezéchiel est un prophète de JHWH, le Dieu d’Israël,
qui se trouve à exercer son ministère hors de la terre d’Israël. Compte tenu de la conception
générale antique selon laquelle un dieu est adoré dans le pays qui lui appartient et se
transférer d’un pays à un autre signifie immédiatement adorer d’autres dieux, ce fait revêt
une énorme importance théologique : le Dieu d’Israël n’est pas le Dieu d’une terre, mais
d’un peuple, où que se trouve ce peuple, là est son Dieu.
Ce principe est clairement énoncé par Ezéchiel en quelques célèbres disputes (11,14-21 ;
33,23-24), dans lesquelles le prophète s’approche beaucoup de la théologie de Jérémie de la
nouvelle alliance. Même le premier chapitre du livre, la célèbre vision du char, contribue à
répondre à ce problème : il ne faut pas penser Dieu comme trop lié à sa résidence dans le
temple ; il est déjà capable de bouger pour rencontrer son peuple exilé.
Dans le livre d’Ezéchiel on ne trouve pas beaucoup de données biographiques par rapport au
prophète : selon Joseph Flavius il était encore une enfant lorsqu’il fut déporté ; si il en est
ainsi, il serait né dans les dernières années du 7ème siècle. Quelqu’un croit que l’année 30 du
1,1 est l’âge du prophète, qui donc serait né en 622, mais ce sont des hypothèses. Le lieu de
la déportation est Tel-Aviv (3,15) proche de Kébar, peut-être proche de Nippour (rien à voir
avec la ville moderne actuelle).
Nous savons qu’il était prêtre et ceci est très important pour l’interprétation de son livre ; il
devint veuf peu avant la prise de Jérusalem. Il est en Babylone et sa femme meurt en
babylone. Il lui sera demander de ne pas faire le deuil, parce que la ville sera détruite et Dieu
ne fera pas de deuil. Malgré ce peu de donnée biographiques, Ézéchiel nous est décrit avec
une personnalité et un caractère très marqués : il a de fréquentes visions dans lesquelles il
est protagoniste en première personne ; ses actions mimiques (cf. Isaïe, Osée) sont plus
fréquentes et plus vivaces de celle de n’importe quel autre prophète. Il reprend donc des
façons de faire qui sont propres du prophétisme.
Il a une grande variabilité de caractère, tendant à la dépression, et il est aussi protagoniste
d’une longue période de mutisme (cf. 3,24-27 ; 33,22). Tout cela a fait penser à certains
chercheurs à une pathologie psychique du prophète qui aurait été schizophrénique. Mais
cette hypothèse de traiter Ezéchiel comme un cas clinique a très peu de fondements.
Le livre d’Ezéchiel se présente structuré exactement en deux parties :
81
1. Chapitres 1 à 24 caractérisés par des oracles de condamnation par rapport à Israël,
2. Chapitres 25 à 48 où un message d’espérance se laisse entendre en culminant dans la
vision du Temple renouvelé, rénové (40-48).
A cette division littéraire correspondent les deux phases de l’activité du prophète qui ont
leur sommet en 597 et après 587. Avant la chute de Jérusalem, le prophète se consacre à
l’annonce du malheur inévitable étant donné la facilité avec laquelle le peuple se dédie à ses
activités préférée : l’idolâtrie et l’injustice. Il s’aligne donc avec Isaïe. Par-dessus tout, la
profanation du temple avec toute sorte de pratique idolâtre répugnait le prêtre Ezéchiel qui
se révoltait violemment contre elle. Le terrible cadre du chapitre 8 montre à quel niveau
était parvenu la corruption religieuse d’Israël, justifiée par le manque de confiance dans la
présence de Dieu au milieu de son peuple (8,12). C’est assez impressionnant :
[5] Il me dit : "Fils d'homme, lève les yeux vers le nord." Je levai les yeux vers le nord, et voici qu'au
nord du porche de l'autel il y avait cette idole de la jalousie, à l'entrée.
[6] Il me dit : "Fils d'homme, vois-tu ce qu'ils font ? Toutes les abominations affreuses que la maison
d'Israël pratique ici pour m'éloigner de mon sanctuaire ? Et tu verras encore d'autres abominations
affreuses."
[7] Il me conduisit à l'entrée du parvis. Je regardai : il y avait un trou dans le mur.
[8] Il me dit : "Fils d'homme, fais un trou dans le mur." Je fis un trou dans le mur et il y eut une
ouverture.
[9] Il me dit : "Entre et regarde les misérables abominations qu'ils pratiquent ici."
[10] J'entrai et je regardai : c'étaient toutes sortes d'images de reptiles et de bêtes répugnantes, et
toutes les ordures de la maison d'Israël gravées sur le mur, tout autour.
[11] 70 hommes, des anciens de la maison d'Israël, étaient debout devant les idoles - et Yaazanyahu
fils de Shaphân était debout parmi eux - ayant chacun son encensoir à la main ; et le parfum du nuage
d'encens montait.
[12] Il me dit : "As-tu vu, fils d'homme, ce que font dans l'obscurité les anciens de la maison d'Israël,
chacun dans sa chambre ornée de peintures ? Ils disent : Yahvé ne nous voit pas, Yahvé a quitté le
pays."
[13] Et il me dit : "Tu verras encore d'autres abominations affreuses qu'ils pratiquent."
[14] Il m'emmena à l'entrée du porche du Temple de Yahvé qui regarde vers le nord, et voici que les
femmes y étaient assises, pleurant Tammuz.
[15] Il me dit : "As-tu vu, fils d'homme ? Tu verras encore d'autres abominations plus affreuses que
celles-ci."
82
[16] Il m'emmena vers le parvis intérieur du Temple de Yahvé. Et voici qu'à l'entrée du sanctuaire de
Yahvé, entre le vestibule et l'autel, il y avait environ 25 hommes, tournant le dos au sanctuaire de
Yahvé, regardant vers l'orient. Ils se prosternaient vers l'orient, devant le soleil.
On parle de la famille de Shaphân et pas dans une vision positive. On voit le niveau
d’idolâtrie avec toutes les idoles dans le temple. C’est presque déconcertant de voir que
c’en est allé jusque là.
Bien sûr ce fait ne peut que provoquer la pire des punitions : la gloire de JHWH, qui est
quasiment l’image tangible de la présence de Dieu, et qui est tellement chère à la tradition
sacerdotale, s’éloigne du sanctuaire et de la ville sainte en les abandonnant à leur destin
(11,22ss.) :
Alors les chérubins levèrent leurs ailes, et les roues allaient avec eux, tandis que la gloire du Dieu
d'Israël était sur eux, au-dessus.
[23] La gloire de Yahvé s'éleva du milieu de la ville et s'arrêta sur la montagne qui se trouve à l'orient
de la ville.
[24] L'esprit m'enleva et m'emmena chez les Chaldéens, vers les exilés, en vision, dans l'esprit de Dieu,
et la vision dont j'avais été le témoin s'éloigna de moi.
Dieu peut ainsi aller lui aussi en Exil avec son peuple. Sauf que c’est le peuple lui-même qui
exile son Dieu.
La morgue dans laquelle vivent les habitants de Jérusalem réchappés de la première
déportation ne peut pas être justifiée : les déportés sont préférables. L’action symbolique
plus tragique ferme cette phase de l’activité du prophète : il reste veuf mais ne fait pas de
deuil. Cette scène contraste avec tous les usages de l’époque.
Après la chute en 587 le ton de la prophétie change en mode substantiel : d’abord le
prophète attaque les nations qui ont tiré profit de la ruine comme Tyr, Amon, Edom, Moab,
les Philistins, ou qui en ont été responsables avec leur conduite politique, comme l’Egypte
(chapitres 25-32) et ensuite il console son peuple en prêchant une amélioration de leur issue
semblable à la résurrection (chap. 33ss). Il devient donc le prophète post-exilique. Le fameux
oracle des ossements desséchés (37) est la gemme de cette section. La Torah du nouveau
Temple, en lequel Dieu demeurera de nouveau fera contrepoint à l’abandon du premier
Temple de la part de la Gloire (40-48), en concluant le livre avec une vision de restauration
qui se colore de traits eschatologiques : la mer mort devient poissonneuse.
83
Particulièrement, la vision eschatologique, unie au légalisme cultuel très fort avec ce prêtre
qu’est Ezéchiel, antipathique par définition aux exégètes de certaines écoles, a fait que ces
derniers chapitres ont été considérés comme un ajout secondaire. Soit deux motifs :
l’eschatologie qui signifie de par soi que c’est un ajout postérieur ainsi que tout ce qui a trait
au culte.
Toutefois cette hypothèse, bien que majoritaire, n’est pas beaucoup plus fondée que les
autres : les chapitres 40-48 accomplissent les promesses de restauration contenues en
20,40-44 ; 37,23-28.
En 43,1-5 est décrit le retour de la Gloire en se refaisant aux chapitres 1 ; 8-11 en décrivent
le départ sur le char, sur la merkaba. Il y a une continuité évidente entre les chapitres 38-39
et les successifs. Même le langage apocalyptique de ces chapitres 38-39 a suscité des
suspections, toutefois la bataille cosmique fait recours à des images tirée de mythologies
très antiques. Ainsi, mettre une césure entre 39 et 40 n’a pas de sens.
Il ne faut pas oublier qu’Ezéchiel habite en Babylone et il connaît les mythes ou les histoires
locales. Donc ce ne sont que les préjugés illuministes qui font penser que les derniers
chapitres ne soient pas du prophète.
Ezéchiel est en exil. Il a été prophète en exil de ce que l’on sait. Si il a connu Jérémie, c’était
avant sa vocation de prophète. En tout cas aucun des deux ne parle de l’autre. Ils sont tous
les deux d’écoles différentes : Jérémie est deutéronomiste alors qu’Ezéchiel est sacerdotal.
84
8.2
Lecture d’Ezéchiel 20 : le jugement sur l’histoire
[1] La septième année, au cinquième mois, le dix du mois, quelques-uns des anciens d'Israël vinrent consulter Yahvé et
s'assirent devant moi.
[2] La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes :
[3] Fils d'homme, parle aux anciens d'Israël. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Est-ce pour me consulter que vous
venez ? Par ma vie ! Je ne me laisserai pas consulter par vous, oracle du Seigneur Yahvé.
[4] Vas-tu les juger ? Vas-tu juger, fils d'homme ? Fais-leur connaître les abominations de leurs pères.
[5] Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Le jour où j'ai choisi Israël, où j'ai levé la main vers la race de la maison de Jacob,
je me suis fait connaître à eux au pays d'Egypte, et j'ai levé la main vers eux en disant : "Je suis Yahvé votre Dieu."
[6] Ce jour-là, j'ai levé la main vers eux en jurant de les faire sortir du pays d'Egypte vers un pays que j'avais exploré pour eux et
qui ruisselle de lait et de miel : c'est le plus beau de tous les pays.
[7] Et je leur ai dit : Rejetez chacun les horreurs qui attirent vos yeux, ne vous souillez pas avec les ordures de l'Egypte, je suis
Yahvé votre Dieu.
[8] Mais ils se rebellèrent contre moi et ne voulurent pas m'écouter. Aucun ne rejeta les horreurs qui attiraient ses yeux ; ils
n'abandonnèrent pas les ordures de l'Egypte. J'eus la pensée de déverser ma fureur sur eux et d'assouvir sur eux ma colère, au
milieu du pays d'Egypte.
[9] Mais j'eus égard à mon nom, et je fis en sorte qu'il ne fût pas profané devant les nations au milieu desquelles ils étaient, et
aux yeux desquelles je me suis fait connaître à eux pour les faire sortir du pays d'Egypte.
[10] Aussi je les fis sortir du pays d'Egypte et je les menai au désert.
[11] Je leur donnai mes lois et je leur fis connaître mes coutumes, que l'homme doit pratiquer pour en vivre.
[12] Et j'allai jusqu'à leur donner mes sabbats comme signe entre moi et eux, afin qu'ils sachent que c'est moi, Yahvé, qui les
sanctifie.
[13] Mais la maison d'Israël se rebella contre moi au désert ; ils ne se conduisirent pas selon mes lois, ils rejetèrent mes
coutumes, que l'homme doit pratiquer pour en vivre, et ils ne firent que profaner mes sabbats. Alors j'eus la pensée de déverses
ma fureur sur eux au désert, pour les exterminer.
[14] Mais j'eus égard à mon nom et je fis en sorte qu'il ne fût pas profané devant les nations, aux yeux desquelles je les avais fait
sortir.
[15] Encore une fois je levai la main vers eux, au désert, pour jurer que je ne les mènerais pas au pays que je leur avais donné,
qui ruisselle de lait et de miel : c'est le plus beau de tous les pays.
[16] Car ils avaient rejeté mes coutumes, ne s'étaient pas conduits selon mes lois et avaient profané mes sabbats, car leur cœur
suivait les ordures.
[17] Mais j'eus pour eux un regard de pitié, pour ne pas les exterminer, et je ne les anéantis pas.
[18] Et je dis à leurs enfants au désert : Ne vous conduisez pas selon les lois de vos pères, n'observez pas leurs coutumes, ne
vous souillez pas avec leurs ordures.
[19] Je suis Yahvé, votre Dieu. Conduisez-vous selon mes lois, observez mes coutumes et pratiquez-les.
[20] Sanctifiez mes sabbats ; qu'ils soient un signe entre moi et vous pour qu'on sache que je suis Yahvé votre Dieu.
[21] Mais les fils se rebellèrent contre moi, ne se conduisirent pas selon mes lois, n'observèrent pas et ne pratiquèrent pas mes
coutumes, que l'homme doit pratiquer pour en vivre, et ils profanèrent mes sabbats. Alors j'eus la pensée de déverser ma fureur
sur eux et d'assouvir contre eux ma colère, au désert.
[22] Mais je retirai ma main et j'eus égard à mon nom, et je fis en sorte qu'il ne fût pas profané devant les nations aux yeux
desquelles je les avais fait sortir.
[23] Mais encore une fois, je levai la main vers eux, au désert, pour jurer de les disséminer parmi les nations et de les disperser
dans les pays étrangers.
[24] Car ils n'avaient pas pratiqué mes coutumes, ils avaient rejeté mes lois, profané mes sabbats, et leurs regards s'étaient
attachés aux ordures de leurs pères.
85
[25] Et j'allai jusqu'à leur donner des lois qui n'étaient pas bonnes et des coutumes dont ils ne pouvaient pas vivre,
[26] et je les souillai par leurs offrandes, en leur faisant sacrifier tout premier-né, pour les frapper d'horreur, afin qu'ils sachent
que je suis Yahvé.
[27] C'est pourquoi, parle à la maison d'Israël, fils d'homme. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. En cela encore vos
pères m'ont outragé en m'étant infidèles.
[28] Et pourtant je les ai menés au pays que j'avais juré solennellement de leur donner. Ils y ont vu toutes sortes de collines
élevées, toutes sortes d'arbres touffus, et ils y ont offert leurs sacrifices et présenté leurs offrandes provocantes ; ils ont déposé
leurs parfums d'apaisement et versé leurs libations.
[29] Et je leur ai dit : Qu'est-ce que le haut lieu où vous allez ? Et ils l'ont appelé du nom de Bama jusqu'à ce jour.
[30] Eh bien ! dis à la maison d'Israël : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Est-il vrai que vous vous souillez en vous conduisant comme
vos pères, en vous prostituant en suivant leurs horreurs,
[31] en présentant vos offrandes et en faisant passer vos enfants par le feu ? Que vous vous souillez avec toutes vos ordures
jusqu'à ce jour ? Et moi, je me laisserais consulter par vous, maison d'Israël ? Par ma vie ! oracle du Seigneur Yahvé, je ne me
laisserai pas consulter par vous.
[32] Quant au rêve qui hante votre esprit, il ne se réalisera jamais ; quand vous dites : "Nous serons comme les nations, comme
les tribus des pays étrangers, en servant le bois et la pierre."
[33] Par ma vie ! oracle du Seigneur Yahvé, je le jure : c'est moi qui régnerai sur vous, à main forte et à bras étendu, en
déversant ma fureur.
[34] Je vous ferai sortir du milieu des peuples et je vous rassemblerai des pays étrangers où vous avez été dispersés, à main forte
et à bras étendu, en déversant ma fureur ;
[35] je vous mènerai au désert des peuples et je vous y jugerai face à face.
[36] Comme j'ai jugé vos pères au désert du pays d'Egypte, ainsi je vous jugerai, oracle du Seigneur Yahvé.
[37] Je vous ferai passer sous la houlette et je vous amènerai à respecter l'alliance ;
[38] je séparerai de vous les rebelles, ceux qui se sont révoltés contre moi, je les ferai sortir du pays où ils séjournent, mais ils
n'entreront pas au pays d'Israël, et vous saurez que je suis Yahvé.
[39] Et vous, maison d'Israël, ainsi parle le Seigneur Yahvé : Que chacun aille servir ses ordures, mais ensuite, on verra si vous ne
m'écoutez pas ! Et vous ne profanerez plus mon saint nom par vos offrandes et vos ordures.
[40] Car c'est sur ma montagne sainte, sur la haute montagne d'Israël - oracle du Seigneur Yahvé - que me servira toute la
maison d'Israël, toute entière dans le pays. C'est là que j'accueillerai et que je rechercherai vos offrandes, le meilleur de vos
dons et toutes vos choses saintes.
[41] Comme un parfum d'apaisement, je vous accueillerai, quand je vous ferai sortir du milieu des peuples ; je vous rassemblerai
des pays où vous êtes dispersés, je serai sanctifié par vous aux yeux des nations,
[42] et vous saurez que je suis Yahvé, lorsque je vous ramènerai sur le sol d'Israël, au pays que j'ai juré solennellement de
donner à vos pères.
[43] C'est là que vous vous souviendrez de votre conduite et de toutes les actions par lesquelles vous vous êtes souillés, et vous
éprouverez du dégoût pour vous-mêmes, à cause de tous les méfaits que vous avez commis.
[44] Et vous saurez que je suis Yahvé, quand j'agirai envers vous par égard pour mon nom, et non pas d'après votre mauvaise
conduite et vos actions corrompues, maison d'Israël, oracle du Seigneur Yahvé.
La septième année est celle du règne : 591.
Ezéchiel vit en première personne les évènements d’Israël. Mais il est privilégié par rapport à
Jérémie : Jérémie est là lorsque la ville tombe, lorsque le temple est détruit… Ezéchiel est
déjà en exil et il peu s’élever à une réflexion de caractère général en délaissant le contingent
de la situation tragique. C’est le climat de l’exil. Il réfléchira en paix et dans la tranquillité. Le
86
fruit de cela sera la systématisation de la tradition. Ezéchiel est fondateur de cette réflexion
qui concerne tout le patrimoine historique d’Israël.
Il s’agit d’exilés dans un état de grande confusion. Ils vont chez le prophète pour avoir des
réponses et des certitudes sur le fait qu’ils vont retourner chez eux parce que le Seigneur les
a sauvé d’Egypte. Sur quelles bases peuvent-ils confesser cela ? Le prophète constate que
l’histoire du salut peut être lu comme l’histoire de la désobéissance. Souvent l’histoire est le
lieu de la communion de Dieu avec son peuple. Ici le prophète change cela en une antiprofession de foi, comme l’histoire de la continue rébellion. La profession de foi est
renversée et devient non plus la victoire du Seigneur, mais le fait que le peuple est
désobéissant. Le prêtre normalement est le gardien, celui qui devrait rappeler que le
Seigneur a fait sortir d’Egypte. La violation advient avant l’Exode. Dans le Lévitique, Moïse
répond à Dieu qui veut détruire son peuple ; ici Ezéchiel reprend ce thème : Dieu les a fait
sortir par amour de son nom. (On le revoit en 15,16 et 23).
Les v 42-44 ont été considérés comme secondaires parce qu’ils sont un oracle de salut dans
un oracle de condamnation. Pourtant ce n’est pas nécessaire de penser ainsi. Par et oracle le
Seigneur donne encore un possibilité de se sauver ou de se condamner. Si le peuple est
fidèle il y aura un nouvel Exode, mais toute l’histoire semble montrer le contraire. L’action
de Dieu n’est pas semblable à celle de l’homme. L’homme, en corrigeant ses erreurs cherche
à nier le passé. Dieu n’a pas a changé le message de salut, mais c’est la situation qui change.
Pour cela il y a la sollicitation de la liberté humaine. Dieu reste de toute manière fidèle à ses
promesses. Mais il faut que l’homme adhère avec sa liberté.
Cette théologie est donc très innovatrice. Ezéchiel réduit l’histoire à une suite de chute et
d’obstination. La question : qu’y a-t-il à s’attendre d’un peuple avec une histoire telle.
Cette fois le désert est l’exil. Tous les peuples sont aussi cet exil où Dieu peut purifier Israël,
non pour l’anéantir, mais pour le purifier. L’histoire d’Israël est vue comme une histoire de la
condamnation. L’Exode de Dieu est pure gratuité, pour l’amour de son nom. C’est comme
une justification par la foi. (Paul aurait dû lire davantage les prophètes).
8.3
Chapitre 40-48 : vision de restauration
Les motivations pour ne pas attribuer le texte à Ezéchiel sont faibles.
87
Zimmerli (suisse) est le commentateur principal d’Ezéchiel. Selon lui, le noyau originaire
d’Ezéchiel, de la première rédaction est 40,1-37.47-49 et 41, 1-4. Le sommet est l’affirmation
du Saint des Saints.
Selon cet auteur, Ezéchiel aurait retouché le texte et fait des ajout : 41, 5-15a ; 42, 15-20 ;
43, 1-11 ou 12. Ce texte aurait été modifié et ajouté par le prophète lui-même.
On peut ajouter aussi 44,1-2 et 47, 1-12. C’est donc d’Ezéchiel, mais dans un second temps.
Le reste serait des ajouts pour préciser des détails rituels, soit par Ezéchiel ou par ses
disciples : 40,38-46.
L’histoire de la vision de la division de la terre serait de ce troisième niveau.
Un ultérieur grand niveau d’ajout serait connexe avec le prince (nasî) : 44,2 (porte fermée) et
47,1. Il y aurait ensuite d’autre règlement sacerdotaux (44,17-27. 30b-31)
47,13 – 48,29 : la description de la terre en bande de terrain de même taille ; or les tribus
n’existent plus depuis 200 ans. On voit le fleuve du Cédron qui irrigue. Peut-être que l’on est
en 571 et en 538, soit avant la fin de l’exil : on sentait l’air de la maison et on voulait des
détails pratiques avec une possible restructuration de la terre, ce qu’aurait fait une école du
prophète. Ainsi le texte du prophète serait aussi constitutionnel.
A la fin de la période on peut aussi mettre les textes de luttes entre lévites et sadoquites.
Ezéchiel ne cite pas le grand prêtre : certains ont pensé qu’avant l’exil il n’y avait pas de
grand prêtre et qu’après l’exil ce personnage aurait assumé des traits du roi. (Paxi s’oppose).
La dédicace de l’autel avec son rituel et celle de l’expiation semblent être post-exilique.
Le gros problème est de comprendre si le Temple de Zorobabel a eu une influence sur les
chapitres 40-44. Le problème est non résoluble. Il n’y a aucun détails sur comment fut le
temple de Zorobabel. Nous n’avons aucune description du temple de Zorobabel. Cette
systématisation est possible. Les limites du texte sont toujours plus fluctuantes. En tout cas il
nous faut une vision globale.
Il faut les lire en lien avec 8 - 11 // 44 - 48. Le début (8-11) montre la gloire qui s’éloigne du
Temple, la fin (44-48) montre le retour de la gloire dans le temple purifié.
Ezéchiel ne propose pas seulement une correction des mœurs : il faut un nouveau
commencement. L’espérance n’est pas morte. Elle se lie à l’annonce de l’indéfectible fidélité
de Dieu. Il faut un autre Temple qui est un don basé sur la fidélité de Dieu. La vision finale
décrit ces temps futur. Il faut éviter les erreurs du temps passé. Il est au centre du pays :
carré parfait avec des portes qui filtrent l’entrée. C’est une géographie idéale. Le pays est
88
rectangulaire avec au centre le temple et la ville. A l’est et à l’ouest du temple les lévites. Du
nord au sud des tranches horizontales de territoire pour les tribus. Le fleuve coule du temple
et rejoint le Jourdain vers la mer morte. C’est le maximum du rêve : est compris la
Cisjordanie et tout le Liban, répartis en 13 secteurs transversaux. Le but du prophète n’est
pas tant l’aspect historique, mais le message théologique : garder la transcendance de
Dieu et c’est parfaitement sacerdotal. La sacralité de la présence de Dieu ne peut pas être
touché. C’est purement sacerdotal.
89
8.3.1 Lecture de Ezéchiel 47, 1-12
[1] Il me ramena à l'entrée du Temple, et voici que de l'eau sortait de dessous le seuil du Temple, vers
l'orient, car le Temple était tourné vers l'orient. L'eau descendait de dessous le côté droit du Temple,
au sud de l'autel.
[2] Il me fit sortir par le porche septentrional et me fit faire le tour extérieur, jusqu'au porche extérieur
qui regarde l'orient, et voici que l'eau coulait du côté droit.
[3] L'homme s'éloigna vers l'orient, avec le cordeau qu'il avait en main, et mesura mille coudées ; alors
il me fit traverser le cours d'eau : j'avais de l'eau jusqu'aux chevilles.
[4] Il en mesura encore mille et me fit traverser le cours d'eau : j'avais de l'eau jusqu'aux genoux. Il en
mesura encore mille et me fit traverser le cours d'eau : j'avais de l'eau jusqu'aux reins.
[5] Il en mesura encore mille, et c'était un torrent que je ne pus traverser, car l'eau avait grossi pour
devenir une eau profonde, un fleuve infranchissable.
[6] Alors il me dit : "As-tu vu, fils d'homme ?" Il me conduisit puis me ramena au bord du torrent.
[7] Et lorsque je revins, voici qu'au bord du torrent il y avait une quantité d'arbres de chaque côté.
[8] Il me dit : "Cette eau s'en va vers le district oriental, elle descend dans la Araba et se dirige vers la
mer ; elle se déverse dans la mer en sorte que ses eaux deviennent saines.
[9] Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra. Le poisson sera très abondant,
car là où cette eau pénètre, elle assainit, et la vie se développe partout où va le torrent.
[10] Sur le rivage, il y aura des pêcheurs. Depuis En-Gaddi jusqu'à En-Eglayim des filets seront tendus.
Les poissons seront de même espèce que les poissons de la Grande mer, et très nombreux.
[11] Mais ses marais et ses lagunes ne seront pas assainis, ils seront abandonnés au sel.
[12] Au bord du torrent, sur chacune de ses rives, croîtront toutes sortes d'arbres fruitiers dont le
feuillage ne se flétrira pas et dont les fruits ne cesseront pas : ils produiront chaque mois des fruits
nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture et les feuilles un remède."
Le texte part d’une description des lieux. La source qui sort du temple est idéale car il n’y en
a pas au sommet du temple. La seule source est celle de Siloé qui coule dans la vallée du
Cédron, soit aux pieds de la montagne et de la ville. Le psaume 46,5 parle de fleuves
paradisiaques // Gn 4,10. La différence est qu’il s’agit d’un seul fleuve qui les dépasse.
Ezéchiel nous présente le fleuve comme un fleuve navigable, or de Jérusalem à Jéricho il y a
1500 mètres de dénivelé sur 30 Kms, ce qui n’est absolument pas navigable. C’est une
transfiguration utopiste.
Ce fleuve veut changer le désert en région paradisiaque et assainir la mer morte. Il y a une
salinité de 25% à certain endroit. C’est donc un vrai paradoxe : il indique la transformation
de toute la réalité. C’est une caractéristique propre d’Ezéchiel d’augmenter les eaux. Ce
90
n’est pas la présence d’eau qui est important, mais leur origine du temple de Dieu. Elles
s’accroissent alors qu’elles n’ont pas d’affluents. Ce thème des eaux eschatologiques
exprime la théologie du sanctuaire. Il y a le sanctuaire qui conserve sa pureté de façon très
forte, soit purement sacerdotal ; mais il déborde de vie sacrale et transfigure toute la terre.
C’est donc une transfiguration eschatologique. Ceci sera poursuivit dans d’autre textes de la
Bible : Joël 4,18 ; Za 13,1 et Za 14,8-10 et Ap 22,1s. Ezéchiel rapporte la centralité du
sanctuaire qui est diffusive de soi et peut être contemplé de façon eschatologique.
Le sacerdotal structure le monde et le peuple a partir de la présence de Dieu dans le
sanctuaire.
91
9.
Le Deutéro-Isaïe
9.1
Introduction
A Babylone il n’y avait pas seulement le grand Ezéchiel mais aussi un autre, mais qui est
anonyme par choix de ce personnage qui se cache derrière les pages de l’Isaïe. Nous avons
déjà parlé de ces problèmes.
Les chapitres de 40 à 45 laissent-ils transparaître quelque chose de ce personnage. Il est de
la cour de Cyrus le grand : après la mort de Nabuchodonosor de en 562 la décadence de
l’empire babylonien du sommet de son règne à sa ruine totale (539/8) sera rapide. 539,
Cyrus entre dans Babylone en triomphe. Dans le proche haut plateau iranien, le Règne des
Mèdes qui avait contribué de façon déterminante à la chute des l’empire assyrien, fut abattu
vers la moitié du 6ème siècle par les Perses dont les souverains, appartenant à la dynastie des
Achéménides, avaient d’abord été vassaux des Mèdes. Avec l’appui du dernier roi néobabylonien Nabonide, le prince achéménide Cyrus abat le roi mède Astyage, en se
proclamant roi des Mèdes et des Perses et commençant une politique d’expansion vers
l’ouest. l’Asie mineure conquise et le roi Crese de Lydie abattu (qui l’avait attaqué en 546) et
s’étendant aussi à l’est, l’empire perse guidé par Cyrus apparaît aux yeux terrorisés des néobabyloniens comme un ennemi bien plus terrible que les Mèdes qu’il avait abattu avec leur
aide. En effet, ce que craignait Nabonide se vérifia très vite : en 539 Cyrus attaqua Babylone
et vainquit facilement en une bataille où Nabonide trouva la mort. Il entra dans la ville
comme libérateur des babyloniens qui ne supportaient plus le gouvernement despote de
Nabonide, accueilli aussi par le clergé du dieu Mardouk le dieu national que Nabonide avait
de façon impardonnable remplacé par le culte de Sin le dieu de la lune.
Les perses sont une population indo-européenne aux coutumes très différentes des sémites
et ils suivaient religieusement une tradition qui n’avait rien à voir avec la mythologie sémite
mais sur un fond basé sur la classique tripartition indo-européenne les dieux du ciel, de la
guerre et de la terre (sacerdoce – guerre – agriculture), ils suivaient l’enseignement du
prophète Zarathoustra (certainement avec Darius I mais aussi probablement déjà à l’époque
de Cyrus le grand), fondé sur une doctrine de type dualiste. Cette diversité de culture est
certainement à la base du renversement de la politique religieuse qu’opéra Cyrus déjà au
moment de sa succession au trône comme roi de Babylone et qui porta au retour de l’exil.
92
Les panthéons sémites sont préoccupés par la fécondité, les indoeuropéens s’occupe de la
distinction des classes sociales. Zarathoustra, Zoroastre, est le fondateur et devient religion
d’état. C’est une doctrine dualiste qui voyait la coprésence du principe du bien et du mal.
Cette diversité de culture est à la base du renversement de la politique qui porta au retour
du peuple en Israël. Cyrus est le premier inventeur de l’état moderne. L’Egypte n’a jamais
été un vrai état moderne : elle s’identifie a son souverain. Cyrus le grand est le premier qui
se rend compte que pour avoir une structure d’état il faut laisse et rétablir les religions. Il
actualise sa politique de restitution des cultes à leurs légitimes pratiquants. Il permet le
retour les différents exils et se propose comme le financier des restructurations des lieux de
cultes. Il protège les cultes et sort du contrôle religieux l’administration de l’état. C’est un
premier état à bureaucratie laïque. Nous en sommes encore là. Alexandre le grand eu le
mérite d’unifier tout le monde sous l’hellénisme, il utilisa la structure de Cyrus le grand.
Rome assume aussi cet héritage. La révolution de ce personnage ne peut pas être sousévaluée. On entre dans une nouvelle période.
Deutéro-Isaïe prêcha en 550 lorsque Cyrus était déjà en marche. (Voir 41,1 ; 45) C’est
l’unique biographie de Deutéro-Isaïe. Il a réussit à sceller son identité. Il est d’une école de
pensée et développe sa pensée sur le dos de son maître. C’est un cas de disciple qui dépasse
ou est au même niveau que son maître.
Les chapitres 40-55 sont les grands classiques de la poésie sémitique. Il est lié à son
prédécesseur (signe 53,13 ; le titre Saint d’Israël). Mais le domaine de l’exil lui fait connaître
les traditions du nord. Il ne peut pas imaginer l’évènement futur sinon comme un nouvel
Exode.
D’un disciple d’Isaïe on attend la présence de Sion : (49,14-26 ; 51,1-52,12 ; il connaît aussi la
tradition de David (55,3-4) : les faveurs assurées à David sont référées à tout Israël. Une
autre tradition à laquelle il est lié et c’est la seule tradition : la théologie de la création. On
ne le voit pas dans la tradition prophétique avant lui. Dieu secours son peuple lui qui crée du
chaos (51,9s). Il se meut dans un rapport créatif avec la tradition, éclectique, libre d’établir
avec les anciennes traditions des liens nouveaux. Il fait aussi une nouveauté littéraire. De
Jérémie nous savons que le prophète est prophète de mésaventure. Le Deutéro-Isaïe est
prophète de consolation, et il doit trouver une nouvelle forme littéraire : une ancienne qu’il
enrichit, l’oracle sacerdotal et cultuel.
93
9.1.1 Lecture de Isaïe 49,14-26
[14] Sion avait dit : "Yahvé m'a abandonnée ; le Seigneur m'a oubliée."
[15] Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient,
moi, je ne t'oublierai pas.
[16] Vois, je t'ai gravée sur les paumes de mes mains, tes remparts sont devant moi sans cesse.
[17] Tes bâtisseurs se hâtent, ceux qui te détruisent et te ravagent vont s'en aller.
[18] Lève les yeux aux alentours et regarde : tous sont rassemblés, ils viennent à toi. Par ma vie, oracle de Yahvé, ils sont tous
comme une parure dont tu te couvriras, comme fait une fiancée, tu te les attacheras.
[19] Car tes ruines, tes décombres, ton pays désolé sont désormais trop étroits pour tes habitants, et ceux qui te dévoraient
s'éloigneront.
[20] Ils diront de nouveau à tes oreilles, les fils dont tu étais privée : "L'endroit est trop étroit pour moi, fais-moi une place pour
que je m'installe."
[21] Et tu diras dans ton cœur : "Qui m'a enfanté ceux-ci ? J'étais privée d'enfants et stérile, exilée et rejetée, et ceux-ci, qui les a
élevés ? Pendant que moi j'étais laissée seule, ceux-ci, où étaient-ils ?"
[22] Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Voici que je lève la main vers les nations, que je dresse un signal pour les peuples : ils
t'amèneront tes fils dans leurs bras, et tes filles seront portées sur l'épaule.
[23] Des rois seront tes pères adoptifs, et leurs princesses, tes nourrices. Face contre terre, ils se prosterneront devant toi, ils
lécheront la poussière de tes pieds. Et tu sauras que je suis Yahvé, ceux qui espèrent en moi ne seront pas déçus.
[24] Au guerrier arrache-t-on sa prise ? Le prisonnier d'un tyran sera-t-il libéré ?
[25] Mais ainsi parle Yahvé : Eh bien, le prisonnier du guerrier lui sera arraché, et la prise du tyran sera libérée. Je vais moimême chercher querelle à qui te cherche querelle, tes enfants, c'est moi qui les sauverai.
[26] A tes oppresseurs je ferai manger leur propre chair, comme de vin nouveau ils s'enivreront de leur sang. Et toute chair
saura que moi, Yahvé, je suis ton sauveur, que ton rédempteur, c'est le Puissant de Jacob.
Le texte s’adresse à la matrone abandonnée par le mari et non défendu elle n’a pas pu
défendre ses enfants. Elle est restée seule et médite reprochant le mari absent. En
entendant le prophète elle a des doutes : Israël qui n’est pas prêt à accueillir une prophétie
de consolation.
-
lamentation par rapport au mari
-
lamentation pour les enfants
-
lamentation par rapport à l’ennemi.
A ces lamentations le Seigneur répond avec des accents maternels. L’amour pour Sion n’est
pas conditionné. Nous sommes aux antipodes de la théologie deutéronomiste. Cet amour du
Seigneur fait que la fécondité de Jérusalem devient paradoxale : elle est veuve, stérile. Son
improvise fécondité justifie Dieu qui s’oppose à la fermeture d’Israël. La fécondité va au-delà
de ce qui pourrait être prévisible de la part de l’homme. Israël est incrédule, mais malgré
cela, la fécondité est nouvelle.
94
9.2
Les chants du serviteur : Is 42,1-4 ; 49,1-6 ; 50,4-9 ; 52,13-53,12…
Voici les quatre chants du serviteur en Isaïe :
1. 42,1-4
2. 49,1-6
3. 50,4-9
4. 52,13-53,12
En 1899, Duhm se rendit compte des particularités de ces textes : les chants du serviteur
sont une unité en soi et ne sont pas du trito-Isaïe.
On peut dire que peu de passages de l’Ancien Testament ont été autant discutés que ceuxlà.
La position de Duhm sur l’auteur n’est pas accepté par tous, mais il y a un nombre
d’exégètes dont von Rad qui retiennent que les traits communs entre les chants du serviteur
et le reste d’Isaïe empêche de penser à un autre auteur. Mais on ne peut pas nier leur
diversité par rapport au contexte.
On peut individuer une progression entre les chants.
Le terme Serviteur du Seigneur, même si utilisée de façon paupériste n’est pas signe d’une
humilité du personnage dont il est question. L’expression du Serviteur du Seigneur dérive de
l’usage de cour où cela revient aux ministres. Le serviteur du roi ‘ebed hammelek est le titre
du grand ministre, du premier ministre de la cour. C’est un personnage de premier plan.
Le premier chant (42,1-4) du serviteur est comme le discours d’investiture où le Seigneur ou
roi fixe la charge de ses ministres. Dans la lecture, la volonté de Dieu qui s’identifie avec le
mispat (jugement) signifie en réalité ordre de la vie, du culte. Le Seigneur est responsable du
mispat de toutes les nations et pas seulement d’Israël.
Isaïe 42,1-4
[1] Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme se complaît. J'ai mis sur lui mon esprit, il
présentera aux nations le droit.
[2] Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue ;
[3] il ne brise pas le roseau froissé, il n'éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement, il présente le droit ;
[4] il ne faiblira ni ne cédera jusqu'à ce qu'il établisse le droit sur la terre, et les îles attendent son
enseignement.
95
Le deuxième chant (49,1-6) donne la parole au serviteur lui-même. Il fait un discours
programmatique sur comment il fera son ministère. C’est une sorte de vocation
prophétique. Comme Jérémie, le prophète narre sa vocation depuis le sein maternel. Il y a
un problème en 49,3 : le serviteur serait identifié avec Israël. Au verset 5 et 6 Israël est
pourtant distinguée. Le serviteur a donc une fonction. Au verset 3, l’insertion d’Israël est une
glose tardive.
Rappeler les nations et Israël au Seigneur et illuminer les nations est la double mission du
serviteur.
Isaïe 49,1-6 :
[1] Iles, écoutez-moi, soyez attentifs, peuples lointains ! Yahve m'a appelé dès le sein maternel, dès les
entrailles de ma mère il a prononcé mon nom.
[2] Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m'a abrité à l'ombre de sa main ; il a fait de moi une flèche
acérée, il m'a caché dans son carquois.
[3] Il m'a dit : "Tu es mon serviteur, Israël, toi en qui je me glorifierai."
[4] Et moi, j'ai dit : "C'est en vain que j'ai peiné, pour rien, pour du vent j'ai usé mes forces." Et pourtant mon
droit était avec Yahve et mon salaire avec mon Dieu.
[5] Et maintenant Yahve a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour
ramener vers lui Jacob, et qu'Israël lui soit réuni ; - je serai glorifié aux yeux de Yahve, et mon Dieu a été ma
force ; [6] il a dit : C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les
survivants d'Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre.
Le troisième chant (50,4-9) présente le serviteur dans les difficultés de sa mission mais
confiant dans le Seigneur.
Isaïe 50,4-9 :
[4] Le Seigneur Yahve m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de
réconfort. Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple.
[5] Le Seigneur Yahve m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé.
[6] J'ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, et les joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je n'ai pas
soustrait ma face aux outrages et aux crachats.
[7] Le Seigneur Yahve va me venir en aide, c'est pourquoi je ne me suis pas laissé abattre, c'est pourquoi j'ai
rendu mon visage dur comme la pierre, et je sais que je ne serai pas confondu.
[8] Il est proche, celui qui me justifie. Qui va plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Qui est mon
adversaire ? Qu'il s'approche de moi !
[9] Voici que le Seigneur Yahve va me venir en aide, quel est celui qui me condamnerait ? Les voici tous qui
s'effritent comme un vêtement, rongés par la teigne.
96
Le quatrième chant (52,13-53,12) est le plus complexe. Il se présente comme une liturgie
prophétique où il y a un dialogue entre Dieu et le peuple. Il y a un discours de Dieu (53,1315). Dieu et le peuple discourent sur l’issue du serviteur.
On dit que le serviteur subit un destin de mort qui a valeur de libération, d’expiation. Celle-ci
‘asam est un terme technique qui indique les sacrifice de réparation. C’est le verset le plus
tourmenté. (Ce refrain revient souvent dans notre liturgie) Il faut comprendre que c’est
après la mort que le serviteur est récompensé… c’est un peu paradoxal.
La satisfaction vicaire opérée par le serviteur dans sa souffrance est l’objet de ce chant. Le
serviteur recueille en soi la tradition prophétique dans laquelle le prophète est présenté
comme le plénipotentiaire de Dieu et le médiateur souffrant. Cette tradition a déjà été
rencontrée et particulièrement avec Jérémie. La vie physique n’est pas laissée au serviteur,
mais il verra la lumière après sa mort : soit la valeur salvifique de la mort. C’est un nouveau
concept à l’époque.
Is 52,13-53,12
[13] Voici que mon serviteur prospérera, il grandira, s'élèvera, sera placé très haut.
[14] De même que des multitudes avaient été saisies d'épouvante à sa vue, - car il n'avait plus figure humaine,
et son apparence n'était plus celle d'un homme [15] de même des multitudes de nations seront dans la stupéfaction, devant lui des rois resteront bouche
close, pour avoir vu ce qui ne leur avait pas été raconté, pour avoir appris ce qu'ils n'avaient pas entendu dire.
[53,1] Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de Yahve, à qui s'est-il révélé ?
[2] Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride ; sans beauté ni éclat pour attirer
nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits ;
[3] objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un
devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas.
[4] Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions
comme puni, frappé par Dieu et humilié.
[5] Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend
la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison.
[6] Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahve a fait
retomber sur lui nos fautes à tous.
[7] Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme
devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche.
[8] Par contrainte et jugement il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s'est inquiété qu'il ait été retranché
de la terre des vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple ?
97
[9] On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu'il n'ait pas commis de
violence et qu'il n'y ait pas eu de tromperie dans sa bouche.
[10] Yahve a voulu l'écraser par la souffrance ; s'il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il
prolongera ses jours, et par lui la volonté de Yahve s'accomplira.
[11] A la suite de l'épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le
juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes.
[12] C'est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il
s'est livré lui-même à la mort et qu'il a été compté parmi les criminels, alors qu'il portait le péché des
multitudes et qu'il intercédait pour les criminels.
L’identification du serviteur doit-elle se faire en une personne singulière ou dans un
ensemble de personnes ? On oscille entre ces deux pôles.
L’idée que le serviteur représente Israël est ancienne. Si le verset 3 du chapitre 49 où figure
Israël est une glose, nous avons alors la plus ancienne tradition où serviteur = personne
collective de tout Israël. 41,8 ; 42,19 ; 44,1.2.21 ; 45,4 ; 48,20. Ce titre adressé à Israël ferait
penser que le serviteur soit Israël. Mais on fait noter que dans le 2ème chant, le serviteur agit
pour Israël, donc le serviteur est distinct d’Israël.
Le serviteur est plein de courage et de détermination en 50,6-7 mais dans le Deutéro-Isaïe
on voit un Israël lourding, récalcitrant, qui a de la difficulté à se fier à la promesse du salut,
qui est mou.
Le 3ème chant présente le serviteur comme prophète et comme enseignant. Il souffre et sa
souffrance est source de salut, mais il est innocent. Par contre le Deutéro-Isaïe ne console
pas Israël car il est coupable.
Donc il est difficile de penser à un serviteur comme représentant Israël. Ce n’est donc pas un
personnage collectif. Mais qui est-ce ? On pense au Deutéro-Isaïe. On voit que dans les actes
le problème n’est pas résolu avec l’eunuque qui demande de qui parle le prophète. Ceci
comporterait que le premier Isaïe serait mort de mort violente et que le deuxième Isaïe
aurait été écrit par l’école du prophète qui exalte son maître ; mais il y a aussi des
problèmes.
Si c’est du Deutéro-Isaïe: il a enlevé tous les traits autobiographiques pour se cacher derrière
le vrai Isaïe. Il ne veut pas mettre au centre sa vie. Il efface les traits autobiographiques
propres. Alors comment expliquer les traits du serviteur si le Deutéro-Isaïe cherche à se
98
cacher. De plus la consolation est adressée à Israël. On a pensé à Cyrus, Zorobabel, Joaquin…
certains chercheurs disent que l’on ne peut pas savoir. On peut aussi penser que l’auteur ne
pensait pas à un personnage particulier, mais futur.
Il y a trois possibilités :
1. Le messie, mais c’est peu probable parce que Isaïe réserve l’expression à Cyrus le
grand. La thématique de la maison de David n’a pas de grand poids.
2. Le serviteur serait une personnalité collective : un personnage qui étant un
personnage collectif, incarne et récapitule en soi la plénitude d’Israël et le témoigne
selon la vérité des plans de Dieu. Dans une communauté on s’identifie au fondateur.
Israël consiste dans la royauté de Dieu. Par exemple en Gn 28,10, le patriarche Jacob
vainc le combat pour lui et son peuple. C’est donc un personnage concret dans lequel
consiste une communauté. D’habitude, dans les autres cas, la personne collective
n’est pas purement idéale. Ici nous avons une personne totalement idéale.
3. Certains ont vu dans ce personnage Moïse. Le titre de Serviteur du Seigneur est
typique de moise. Il est le médiateur entre le Seigneur et Israël ; il pâtît pour son
peuple. La mort de Moïse avec la prohibition est pour un péché douteux. C’est une
expiation pour son peuple qui s’est entaché. Le Serviteur du Seigneur a lui aussi cette
fonction. Le serviteur a la fonction de ramener en patrie le peuple dispersé. Dans le
Deutéro-Isaïe nous voyons que le thème du nouvel Exode a une importance pour
être une réalité salvifique plus importante que l’évènement fondateur. Ce serait donc
un médiateur prophétique supérieur à Moïse. C’est le nouveau Moise. Peut-être que
la figure du serviteur du seigneur doit être inséré dans la ligne du Deutéronome
(18,18) qui attend le nouveau Moïse. Le nouveau Moïse donnera un nouvel Exode qui
résume les traits de l’ancien et le dépasse car sa portée dépassera le temps.
Cette dernière position semble la meilleure. En tout cas il ne s’agit pas de Jésus Christ.
L’oracle est adressé à un peuple concret. Toutefois ce texte est celui qui contribue le mieux à
décrire les traits contenus dans le Nouveau Testament. Mais nous retombons dans le même
discours. La prophétie n’est pas la prédiction d’évènements qui viendront plusieurs siècles
ensuite ; toute l’histoire est prophétique.
Les prophéties se disposent autour de Jésus, mais il ne se promenait pas avec un secrétaire
pour accomplir les prophéties. (Voir les dernières pages du dernier volume de Gloire de
Balthasar).
99
Nous avons dit que le Deutéro-Isaïe est le prophète de la compassion.
Cette thématique de l’ancienne alliance (de Jérémie à Ezéchiel) et de la nouvelle alliance
arrive à achèvement. Le peuple marche dans un désert transfiguré, une marche triomphale.
Le Seigneur triomphe de ces ennemis (47 : les dieux de 40,19-20 ; 44…… ; triomphe aussi de
l’obstination d’Israël 48,1-8. Israël ne comprend pas l’élection d’un étranger (9,11) comme
Cyrus le grand. Instrument salvifique du nouvel exode et de la nouvelle alliance.
100
101
10.
Les prophètes de la reconstruction : Aggée et Zacharie
10.1 Introduction
Edit de Cyrus en 538 ; Esdras 6,3-5. Le retour, la restitution des biens sacrés.
Face à ce changement complet du cadre du moyen Orient, nous n’avons aucune description
biblique de ce nouvel Exode. Le Deutéro-Isaïe en parle pour le futur, mais personne ne le
décrit. Le manque de gloire caractérise ces années de pacification et non parcourue par de
grands évènements.
La reconstruction du temple s’est ensablée et nous voyons que les prophètes de cette
époque prônent à la reconstruction du temple. Le peuple ne met pas assez de zèle à
reconstruire le temple qui est signe de la présence de Dieu. C’est un problème non pas
politique, mais économique ou mondain au lieu des préoccupations de Dieu et de sa
présence. Ce manque de gloire dans le présent pousse les prophètes à confesser
l’eschatologie.
Aggée traite le plus à fond ce problème : 2,3 : « Quel est parmi vous le survivant qui a vu ce
Temple dans sa gloire passée ? Et comment le voyez-vous maintenant ? A vos yeux, n'est-il
pas pareil à un rien ? »
Il prophétise que l’afflux de toutes les richesses des peuples l’enrichira plus que celui de
Salomon : 2,9 : « La gloire à venir de ce Temple dépassera l'ancienne, dit Yahvé Sabaot, et
dans ce lieu je donnerai la paix, oracle de Yahvé Sabaot. »
C’est un présent bourgeois occupé de question économique. Le prophète est appelé à
souligner la gloire eschatologique. La gloire est future, c’est l’irruption de l’eschatologie en
Israël.
Zacharie note dans ses visions nocturnes que tout est prédisposé dans le règne de Dieu.
Mais il y a une bataille au ciel. Donc l’eschatologie. Le prophète a donc une nouvelle
fonction : poser un pont entre cette histoire qui se déroule au niveau céleste et celle qui est
sous nos yeux. C’est le thème du règne de Dieu. C’est un donné de fait. Nous sommes à la
frontière entre l’apocalypse et le prophétisme. Le prophétisme laisse la place.
102
10.2 Aggée
Il est daté entre fin août et décembre 520.
« [1] La deuxième année du roi Darius, le sixième mois, le premier jour du mois, la parole de
Yahvé fut adressée par le ministère du prophète Aggée à Zorobabel, fils de Shéaltiel,
gouverneur de Juda, et à Josué, fils de Yehoçadaq, le grand prêtre, en ces termes »
L’origine de son nom serait hag soit fête.
En s’appuyant sur 2,3, la tradition en a fait un vieillard. Il n’est pas prêtre car il les consulte
(2,1) et il prêchait à Jérusalem. Sa mission s’est limitée à une période brève comme le
prophète Amos.
10.3 Zacharie 1-8
Il est acquis que ce livre n’est pas unitaire et il faut distinguer les 8 premiers chapitres et
ceux du 9ème au 14ème : le proto et le deutéro.
Chap. 1-8, Josué et Zorobabel ont une grande place. Aspect biographique et visions
abondantes
Chap. 9-14 se concentre sur l’action de Dieu. Oracles abondants. C’est une
apocalypse, nous sommes hors de la littérature prophétique.
En Zach 9,1 ; 12 et en Malachie 1,1 se trouve un sous-titre identique qui est massa’ qui est
une parole technique du langage judiciaire qui signifie témoignage à charge de quelqu’un.
Ce fait, uni au fait que le nom de l’auteur est évidement un pseudonyme qui signifie mon
messager fait penser que la division entre Zacharie 14 et Malachie soit artificielle. On aurait
donc crée Malachie avec la dernière partie du Deutéro-Zacharie pour avoir 14 prophètes.
Le Proto-Zacharie est divisé en deux :
1-6 : série de huit visions du prophètes dont celle des deux oliviers en 4,1-14 ;
7-8 : faut-il faire encore le jeûne de tish a béav étant donné que le temple est
reconstruit ? Le prophète profite de cette question pour retourner sur le thème de l’exil et
annoncer un salut pour Israël.
De la biographie nous savons peu. Son nom est le Seigneur se souvient et est commun à une
vingtaine, dont un en Is 8,2. Il serait de famille sacerdotale.
103
Le premier et dernier oracle sont entre Octobre 520 et novembre 518. Mais peut-être qu’il
aurait eu un ministère plus long. A Zorobabel est destiné l’oracle de 6,9-15 puis pour le
grand-prêtre Josué.
Stylistiquement il s’insère dans la ligne des grands prophètes. Il développe la vision.
10.4 Lecture de Zacharie 4,1-14
[1] L'ange qui me parlait revint et me réveilla comme un homme qui est tiré de son sommeil.
[2] Et il me dit : "Que vois-tu ?" Je répondis : "Je regarde, et voici : il y a un lampadaire tout en or, avec un réservoir à son
sommet ; sept lampes sont sur le lampadaire ainsi que sept becs pour les lampes qui sont dessus.
[3] Près de lui sont deux oliviers, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche."
[4] Prenant la parole, je dis à l'ange qui me parlait : "Que signifient ces choses, mon Seigneur ?"
[5] L'ange qui me parlait me répondit : "Ne sais-tu pas ce que signifient ces choses ?" Je dis : "Non, mon Seigneur."
[6] Alors il me répondit en ces termes : Voici la parole de Yahvé touchant Zorobabel : Ce n'est pas par la puissance, ni par la
force, mais par mon Esprit - dit Yahvé Sabaot.
[7] Qu'es-tu, grande montagne ? Devant Zorobabel, deviens une plaine ! Il arrachera la pierre de faîte, tandis qu'on criera :
"Bravo, bravo pour elle !"
[8] La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes :
[9] Les mains de Zorobabel ont fondé ce Temple : ses mains l'achèveront. (Et vous saurez que Yahvé Sabaot m'a envoyé vers
vous.)
[10] Car qui donc méprisait ce jour d'événements minimes ? On se réjouira en voyant la pierre choisie en la main de Zorobabel.
"Ces sept-là sont les yeux de Yahvé, ils vont par toute la terre."
[11] Je pris alors la parole et lui dis : "Que signifient ces deux oliviers, à droite du chandelier et à sa gauche ?"
[12] (Je repris la parole et lui dis : "Que signifient les deux branches d'olivier qui, par les deux tuyaux d'or, dispensent l'huile" ?)
[13] Il me répondit : "Ne sais-tu pas ce que signifient ces choses ?" Je dis : "Non, mon Seigneur."
[14] Il dit : "Ce sont les deux Oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre."
Il faut situer ce texte dans son contexte. En 522, Cambyse successeur de Cyrus meurt sans
successeur et Darius prend le trône. Ceci donne une guerre civile. Darius I gagne, mais ce
problème dynastique causa une secousse dans l’empire. S’accomplissaient alors les 70 ans
dont parle Jérémie en 25,11 et 29,10, ce qui réveille les espérances eschatologiques
accentuée par le fait que le gouverneur de Jérusalem est le davidique Zorobabel qui est le
neveu de Joiakîn, l’avant dernier roi. Donc il pouvait prétendre au trône. Toutes ces
composantes donnaient espérance de reconstruction avec des traits eschatologiques.
En ce texte nous sommes immergé dans le contexte. Le voyant exprime symboliquement le
nouveau pouvoir théocratique et eschatologique qui se présente : le candélabre qui est
antique et rappelle la présence vigilante du Seigneur qui est entouré des oliviers, oint par le
candélabre. Ce candélabre s’autoalimente. C’est l’arbre cosmique qui rappelle la présence
du Seigneur.
104
Le titre de roi est absent mais l’état eschatologique se voit dans l’équilibre entre les deux
oints : davidique (Zorobabel) et sacerdotal (Josué). Ceci peut accomplir l’œuvre définitive au
service de la présence de Dieu sur la terre : la reconstruction du Temple.
105
11.
Le Trito-Isaïe, chapitres 56-66
Dans le passé, à la suite de Duhm, on le reconnaît comme un prophète en soi.
On l’identifie comme l’Isaïe retourné d’Exil, un disciple post exilique ou un prophète tardif du
5ème siècle. Maintenant on nie l’unité de ces chapitres : collection ou anthologie d’école :
production des disciples du Deutéro-Isaïe qui se seraient réunit autour d’un centre les
chapitres 60-62. Il reste donc un doute car personne n’est d’accord. En tout cas cela n’a rien
à voir avec le Deutéro-Isaïe. C’est une époque suivante.
Thème du nouveau temple qui semble déjà en fonction : nous sommes après 515 qui est la
date d’entrée en fonction du temple de Zorobabel. Ce sont les années de la grande
désillusion. Aggée et Zacharie avaient prêché la nécessité de terminer la reconstruction du
Temple pour être prêt au prochain changement. Mais Darius a le contrôle de la situation :
Darius oblige la loi du Seigneur comme constitution : Esdras 7,12-26. C’est un document
signé. Pour le courant eschatologique tendant à l’apocalyptique c’est bien différent de ce
que l’on espérait.
Dans cette situation de paix retournaient tous les vieux vices : incapacité et corruption des
chefs (56,9-12) ; idolâtrie très forte (57,1-13). Mais la nouveauté : l’invitation à la pénitence
(58,1-12) ; et aussi parole de consolation (57,14-21) qui est la nouveauté postexilique. Le
jugement de ces prophètes est clair. La promesse du Seigneur tarde à cause du péché du
peuple. Le résultat : Jérusalem sera purifiée et deviendra pôle d’attraction des nations.
60-62 : sont les chapitres qui réactualisent le message du Deutéro-Isaïe. Malgré toutes les
désillusions historiques, l’espérance d’Israël qu’il avait trouvé dans le Deutéro-Isaïe ne peut
pas être chassée. C’est du particulier à l’universel qui englobe toute la réalité terrestre et
devient moins inhérent à l’histoire particulière pour un universalisme : la vocation d’Israël
est pour le monde entier et non seulement pour soi. (Chapitre 61).
La fonction centrale du médiateur prophétique. Centrale est aussi la fonction prophétique :
65 et 66 ; le Nouveau Testament en fera un usage.
106
12.
La fin de la Prophétie
L’eschatologie devient ligne dominante. Accentuation de la propre vocation universelle qui
s’accentue sur un plan eschatologique.
En tout cas le Proto-Zacharie se met à écrire des apocalypses car rien de ce qu’il dit ne
s’avère : deux ans après Zorobabel n’est plus là….
L’important n’est plus tant la réalisation historique de la prophétie. Israël comprend que la
prophétie est expression de la liberté de Dieu. La position rationaliste deutéronomiste qui
veut tout expliquer ne marche pas. Dieu est libre d’adapter la prophétie.
D’un côté Israël se rend compte de cela, mais de l’autre, le noyau de la prophétie qui semble
fuyant cause une crise de l’institution prophétique et après l’exil cela commence à devenir
quelque chose de différent. Esdras, Néhémie et Malachie ont des préoccupations postexiliques. Le prophétisme évolue.
Le Proto-Zacharie 1,11 voit que la pax Persica est seulement apparente : « Or ils
s'adressèrent à l'ange de Yahvé qui se tenait parmi les myrtes, et ils dirent : "Nous venons de
parcourir la terre, et voici que toute la terre est en repos et tranquillité." ».
Mais ce n’est qu’apparent car de grandes batailles se déroulent, mais au niveau divin de la
réalité : entre le bien et le mal. Le salut du peuple est en jeu.
Les chapitres 24-27 de Isaïe sont une apocalypse et insérés après l’ajout du Trito-Isaïe et
donc d’une époque successive au Trito-Isaïe du 8ème.
Joël du 5ème siècle annonce le jour du Seigneur. Tout est sur un plan eschatologique. Il doit
annoncer la fin du prophétisme : 3,1-5. Tout le peuple est prophète.
Daniel ne fait pas partie du canon, mais c’est la fin du prophétisme. Il construit sa narration
avec un système clair. Il se refait au temps passé d’une façon étrange, sans constitution
historique : c’est une rétrospection fabulistique. Antioche IV est le grand qui cherchait à
opprimer les juifs par l’imposition de l’adoration du roi et l’hellénisation.
Par rapport à la tradition prophétique : pseudépigraphie pour parler au présent et de l’ex
eventu. Ces textes ne sont pas des prophéties en tant que telles, mais des prophétie passées
qui s’éclairent dans l’aujourd’hui. La vaticination ex eventu.
107
A cause de ces caractéristiques, cette forme rompt avec le langage prophétique, la parole
n’est plus une vaticination élaborée, mais une tradition sapientiale. Les prophètes classiques
recueillaient des choses de leurs prédécesseurs. On voit une influence sapientiale.
Par rapport à la tradition prophétique on passe à l’histoire universelle. La perspective est
seulement le monothéisme. Il n’y a plus d’espace pour les repentirs de Dieu seul ou du
peuple seul ou des deux…. mais l’horizon est déplacé dans un optique universelle.
Ceci va vers une résolution : l’eschatologie qui est la clef dominante de tout. Elle a une
valeur totalisante. C’est un drame vers l’acte final. La thématique du règne de Dieu.
Il y a une tension. L’Ancien Testament arrive à une conclusion qui n’est pas une conclusion,
une aporie.
108
LES LIVRES PROPHETIQUES ........................................................................................................ 1
1.
Introduction.................................................................................................................... 1
1.1 Le phénomène prophétique dans la Bible et dans le proche Orient antique.............. 1
2.
1.1.1
La divination par observation des réalités naturelles ................................ 2
1.1.2
La divination par des instruments.............................................................. 2
1.1.3
Moyens de divination par les intuitions humaines .................................... 4
1.2
Origine de la prophétie biblique ............................................................................ 5
1.3
L’Esprit de YHWH et la vocation prophétique........................................................ 9
Les prophètes non écrivains......................................................................................... 12
2.1
Les prophètes de David : Gad (2Sam 24) et Nathan (2Sam 7)............................. 12
2.1.1
2.2
Lecture de 2Sam 7,1-17............................................................................ 12
Elie ........................................................................................................................ 16
2.2.1 Lecture de 1Roi 19, 1-18 ................................................................................. 18
2.3
3.
Elisée..................................................................................................................... 20
Les prophètes écrivains................................................................................................ 25
3.1
Le prophète Amos ................................................................................................ 28
3.1.1
Sa personne.............................................................................................. 28
3.1.2
L’époque................................................................................................... 28
3.1.3
L’oeuvre.................................................................................................... 28
3.1.4 Lecture de Amos 5,1-27 : ................................................................................ 29
3.2
4.
Le prophète Osée ................................................................................................. 33
3.2.1
L’histoire de son époque.......................................................................... 33
3.2.2
Le message d’Osée ................................................................................... 34
3.2.3
L’œuvre d’Osée ........................................................................................ 35
3.1.4
Lecture de Osée 2,4-25 ............................................................................ 36
Le Premier Isaïe ............................................................................................................ 40
4.1
La question littéraire ............................................................................................ 40
4.2
Données biographiques ....................................................................................... 41
4.3
Le message d’Isaïe................................................................................................ 42
4.4
Lecture de Isaïe 6,1-13, la vocation d’Isaïe .......................................................... 43
4.5
Lecture de Isaïe 10,5-34, une théologie de l’histoire........................................... 45
109
4.6
5.
Le messianisme d’Isaïe : 7,10-17 ; 8,23b-9,6 et 11,1-10...................................... 48
Le prophète Michée, le « petit frère de Isaïe »............................................................ 55
5.1
Données biographiques et formation du livre ..................................................... 55
5.2
Message................................................................................................................ 56
5.3
Lecture de Michée 6,1-8....................................................................................... 56
6.
Les prophètes Sophonie, Nahum et Habaquq ............................................................. 59
6.1
La situation historique.......................................................................................... 59
6.2
Sophonie............................................................................................................... 61
6.3
Nahum .................................................................................................................. 62
6.4
Habaquq ............................................................................................................... 63
6.5
Lecture de Habaquq 2,5-20.................................................................................. 65
7.
Le prophète Jérémie..................................................................................................... 69
7.1
Introduction.......................................................................................................... 69
7.2
Composition du livre ............................................................................................ 72
7.3
Lecture de Jérémie 15,10-21 ; 16,1-13................................................................. 74
7.4
Jérémie 30-31 : la nouvelle alliance ..................................................................... 77
8.
Le prophète Ezéchiel .................................................................................................... 80
8.1
Introduction.......................................................................................................... 80
8.2
Lecture d’Ezéchiel 20 : le jugement sur l’histoire ................................................ 85
8.3
Chapitre 40-48 : vision de restauration ............................................................... 87
8.3.1
9.
Lecture de Ezéchiel 47, 1-12..................................................................... 90
Le Deutéro-Isaïe ........................................................................................................... 92
9.1
Introduction.......................................................................................................... 92
9.1.1
9.2
10.
Lecture de Isaïe 49,14-26 ......................................................................... 94
Les chants du serviteur : Is 42,1-4 ; 49,1-6 ; 50,4-9 ; 52,13-53,12… .................... 95
Les prophètes de la reconstruction : Aggée et Zacharie........................................ 102
10.1
Introduction........................................................................................................ 102
10.2
Aggée.................................................................................................................. 103
10.3
Zacharie 1-8........................................................................................................ 103
10.4
Lecture de Zacharie 4,1-14................................................................................. 104
11.
Le Trito-Isaïe, chapitres 56-66................................................................................ 106
12.
La fin de la Prophétie.............................................................................................. 107
110
111