Complications de l`Arthroscopie du Mb Sup

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Complications de l`Arthroscopie du Mb Sup
Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279
http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/
Article original
Complication et prévention de l’arthroscopie du membre supérieur
Complication and prevention of upper limb joints arthroscopy
P. Roure, D. Fontes*
Espace médical Vauban, 2, avenue de Ségur, 75007 Paris, France
Résumé
L’arthroscopie pour les pathologies du membre supérieur s’est particulièrement développée depuis une vingtaine d’années, et est souvent
perçue dans la population comme un acte anodin. Il serait cependant faux d’occulter l’existence de complications potentielles, même si elles
sont plus limitées que pour les techniques conventionnelles correspondantes. Celles-ci varient selon l’articulation explorée, et malgré un recul
encore faible pour le poignet et les articulations périphériques, l’arthroscopie du coude semble être la technique dont le taux de complication est
le plus élevé. La plupart de ces complications restent cependant bénignes et curables. L’enseignement de l’anatomie et des techniques arthroscopiques, le respect des règles de prudence élémentaire doivent permettre de maîtriser au mieux le risque et la courbe d’apprentissage. Une information claire et honnête du patient des complications potentielles est certainement la meilleure solution pour en diminuer les conséquences.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Arthroscopy for upper limb joints disorders has been used increasingly over the past two decades, and is often considered by population as
minor surgery. It would be a mistake to mask potential complications, even if they are less important than equivalent conventional technique.
Complications depend on the joint, and despite the relative lack of experience for wrist and small joints, elbow arthroscopy seems to be the
arthroscopic technique with most important complication rate. However, most of these complications remain minor and curable. Teaching of
anatomy and arthroscopic techniques, respect of elementary prudence rules, should allow to control the risk and the learnig curve. Clear and
honest information about potential complications provided to patient is certainly the best way to reduce consequences of these complications.
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Mots clés : Arthroscopie, Complication ; Épaule ; Coude ; Poignet
Keywords: Arthroscopy; Complication; Shoulder; Wrist; Elbow
1. Introduction
L’arthroscopie est aujourd’hui l’intervention la plus pratiquée en France, et est souvent considérée comme un acte anodin du fait de la petite taille des incisions, d’une hospitalisation
réduite, et d’une médiatisation souvent trompeuse.
* Auteur correspondant. Clinique générale du sport, institut main et sport,
36, boulevard Saint-Marcel, 75005 Paris, France.
Adresse e-mail : [email protected] (D. Fontes).
Il serait cependant faux d’occulter l’existence de complications potentielles, même si elles sont bien plus limitées que
pour les techniques conventionnelles correspondantes.
Nous pouvons considérer comme complications les accidents liés directement ou indirectement à la technique, elles
ne comprennent pas les échecs secondaires à l’application de
cette technique [1].
Les techniques d’arthroscopie du membre supérieur en particulier se sont particulièrement développées depuis une vingtaine d’années, mais restent bien moins employées que pour le
genou, moins de 17 % des 24 919 arthroscopies de l’étude
rétrospective de la SFA réalisée en 2000 par 119 chirurgiens
[2].
1297-3203/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.main.2006.07.015
P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279
S’il existe des séries importantes et un recul suffisant pour
l’arthroscopie d’épaule, celles-ci restent encore limitées pour
l’arthroscopie du coude et a fortiori pour le poignet et les petites articulations.
La plupart de ces complications restent bénignes et curables,
et la maîtrise de la courbe d’apprentissage est certainement un
des éléments important de prévention.
Le chirurgien devra néanmoins faire preuve de transparence
dans l’information donnée préalablement au patient, et connaître les indications, les résultats et complications potentielles de
l’acte proposé.
2. Matériel et méthodes
2.1. Frequences des complications
L’enquête rétrospective de l’Association nord-américaine
d’arthroscopie de 1986 [3] montrait un taux moyen de complications sur l’ensemble des techniques arthroscopiques de
0,56 % sur 395 566 arthroscopies dont 375 069 arthroscopies
du genou et seulement 121 arthroscopies de poignet.
L’arthroscopie de l’épaule bénéficie des plus grosses séries
parmi les arthroscopies du membre supérieur, et a un taux de
complication compris entre 2 et 10 % [4–7].
Elle regroupe différents gestes chirurgicaux qui n’ont pas
tous la même morbidité [2], le risque le plus important existant
pour la réparation endoscopique de la coiffe des rotateurs, et en
particulier en cas de mini-open, et pour la chirurgie de l’instabilité [7], surtout si l’on comptabilise l’effet iatrogène ou la
faillite du matériel de fixation du bourrelet glénoïdien [8,9].
L’arthroscopie de coude est restée longtemps anecdotique et
ce sont O’Driscoll et Morrey qui en ont publié la première série
significative en 1992 sur 70 patients [10]. Très récemment,
Reddy [11] et Kelly [12] ont publié des séries rétrospectives
respectivement de 187 et 473 patients.
Kelly retrouve 0,8 % de complications graves et 11 % de
complications mineures, mais si l’on s’en tient à la définition
de la complication retenue par la SFA [2] (tout phénomène
survenant pendant ou dans les suites de l’arthroscopie considéré comme anormal autant par le patient que par le chirurgien
est une complication), il faut certainement retenir un taux supérieur à 15 % [13].
Beredjiklian [14] retrouve 0,9 % de complications graves et
4,3 % de complications mineures sur une série de 211 arthroscopies de poignet, Luchetti [15] respectivement 1,1 et 1,7 sur
une série de 350 arthroscopies.
Aucune statistique fiable n’existe encore pour l’arthroscopie
des articulations trapézométacarpienne, métacarpophalangienne
ou interphalangienne, techniques encore récentes au recul
insuffisant.
L’arthroscopie du coude reste ainsi la technique dont le taux
de complication est le plus élevé.
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3. Résultats
3.1. Complications peropératoires
3.1.1. Complications anesthésiques
Il n’y a pas de spécificité des complications anesthésiques
pour la chirurgie arthroscopique.
Les différentes techniques d’anesthésie, locorégionales ou
générales, gardent leurs indications avec leurs avantages et
inconvénients propres.
Nous savons maintenant qu’avec l’anesthésie générale
moderne, le risque est évalué à un mort pour 10 000 anésthésies. Dans l’étude de l’ANNA de 1985 [16], on trouvait 63
complications liées à l’anesthésie générale sur 395 566 arthroscopies, dont 18 arythmies cardiaques et 14 pneumopathies.
On retrouve dans cette même série 12 problèmes cutanés et
deux crises comitiales après anesthésie locale ou bloc périphérique.
L’hospitalisation ambulatoire, fréquemment choisie pour
l’arthroscopie, peut également être un facteur de risque, et le
patient sera hospitalisé au moindre doute.
3.1.2. Complications neurologiques
Les lésions potentielles dépendent de l’articulation explorée.
Leur taux atteint 2,5 à 14 % pour le coude [10,12,17–19],
où elles sont les plus fréquentes, 1,5 à 2 % pour le poignet [14,
15], et 0,1 à 10 % des cas pour l’épaule [3,4,6,7,20,21].
Il s’agit dans la plupart des cas de lésions mineures et réversibles, néanmoins des lésions plus sévères notamment à
l’épaule et au coude ont été rapportées.
3.1.2.1. Épaule. Les neurapraxies liées à la traction sont diversement appréciées par les auteurs [8,22]. Néanmoins elles restent rares et semblent toujours régresser dans un délai pouvant
aller jusqu’à 12 semaines.
Small [7] n’a rapporté aucune complication neurologique
après 1184 arthroscopies dans son étude multicentrique auprès
d’opérateurs expérimentés.
D’autres études ont rapporté jusqu’à 10 % de complications
neurologiques [3,20,21].
Il s’agissait dans la plupart des cas de dysesthésies transitoires en rapport avec une traction trop forte ou prolongée.
L’installation en beach chair éviterait ces complications [5,
20], ainsi que la mise en traction par l’intermédiaire d’un aide
[20].
Des lésions plus sévères, touchant en particulier les nerfs
musculocutané, sus-scapulaire, médian et circonflexe ont été
rapportées ; plaie du sus-scapulaire lors d’une intervention de
Bankart, plaie du médian après voie antérieure trop interne
[21], plaie du nerf circonflexe après voie externe pour acromioplastie [1,16,22].
3.1.2.2. Coude. Les complications neurologiques, touchant
principalement le nerf radial, varient de 0,1 à 14 % de complications selon les séries [1].
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Les blessures directes peropératoires restent rares, et les
troubles neurologiques sont le plus souvent transitoires.
Mais ces complications neurologiques restent le risque
majeur avec 12 paralysies transitoires dans la série de Kelly
[12] et une section du nerf ulnaire dans la série de Reddy [11].
Ces complications sont variables et leurs causes sont multiples : hyperpression du liquide de lavage, rôle des anesthésiques locaux, garrot prolongé, position de l’avant-bras sur la
table.
Les voies d’abord antérolatérales et antéromédiales sont
réputées pour être les plus risquées, ainsi l’arthrolyse arthroscopique sur un coude enraidi, dont le volume intra-articulaire
est diminué [12,13].
Des lésions du nerf médian ou du nerf muculocutané ont
également été rapportées.
La grande proximité des éléments vasculonerveux implique
de prendre des précautions strictes. Les reliefs osseux seront au
mieux dessinés, et les éléments anatomiques refoulés par la
distension préalable du coude fléchi à 90° par injection de
sérum physiologique. Seule la peau sera incisée, puis les éléments sous-cutanés disséqués à la pince.
3.1.2.3. Poignet. Les complications décrites restent réversibles
et considérées comme mineures.
Elles touchent principalement les branches de division du
nerf radial lors de l’utilisation d’une voie latérale 1–2, ou la
branche postérieure du nerf ulnaire, principalement en cas de
réalisation d’une voie dorso-ulnaire élargie, comme pour la
réinsertion d’une lésion périphérique du ligament triangulaire,
ou la synthèse ou résection d’une styloïde ulnaire pseudarthrosée.
Des lésions du nerf interosseux postérieur ont également été
rapportées [23].
Là aussi, une dissection soigneuse des tissus sous-cutanés
lors des différents abords, et le respect des repères anatomiques
permettent de limiter ces complications.
3.1.2.4. Articulation trapézométacarpienne. Le risque d’atteinte neurologique est le risque essentiel de cette technique,
compte tenu de la présence des branches de division du nerf
radial en regard des voies d’abord, et en particulier de la voie
1-U.
Le respect des repères anatomiques, la dissection des éléments sous-cutanés à la pince permet de limiter ces douleurs
névromateuses le plus souvent bénignes, mais souvent longues
et inconfortables pour le patient [24].
3.1.3. Complications vasculaires
Elles sont globalement exceptionnelles pour les arthroscopies du membre supérieur.
Un saignement inhabituel peropératoire doit cependant toujours faire craindre une lésion artérioveineuse, en particulier si
des instruments endo-articulaires agressifs n’ont pas été gardés
en permanence sous contrôle de la vue.
3.1.3.1. Épaule. On ne retrouve pas de lésions vasculaires rapportées dans la littérature française, même si quelques complications ont été rapportées dans la littérature américaine [25].
3.1.3.2. Coude. Une lésion de l’artère humérale est en théorie
toujours à craindre lors des gestes arthroscopiques sur la capsule antérieure, comme par exemple dans les arthrolyses antérieures.
Aucune lésion de l’artère brachiale n’est en pratique rapportée dans la littérature [26], probablement du fait de sa position
très antérieure et protégée par le muscle brachial.
3.1.3.3. Poignet. Les complications vasculaires restent exceptionnelles si les voies d’abord sont dorsales ou dorsolatérales.
Beredjiklian [14] n’en rapporte aucune sur 211 arthroscopies dont les voies d’abord étaient uniquement dorsales. Le
risque existe essentiellement en cas d’utilisation d’une voie
latérale 1–2, où la branche dorsale de l’artère radiale peut être
lésée, et surtout en cas d’usage de voies antérieures, où l’artère
radiale ou ulnaire peut être lésée.
La dissection soigneuse des éléments sous-cutanés jusqu’à
la capsule articulaire à l’aide d’une pince, et le respect des
repères anatomiques avant incision doit permettre de prévenir
ces lésions.
L’excision chirurgicale d’un kyste synovial de la gouttière
du pouls est une technique qui doit également être réalisée prudemment, en utilisant le shaver plutôt que le thermovaporisateur, afin de ne pas léser l’artère radiale, bien que Mathoulin
[27] ne rapporte aucun incident de ce type dans une série de 96
excisions de kyste synovial sous arthroscopie, dont 32 kystes
de la gouttière du pouls.
3.1.4. Complications tendineuses
Elles touchent essentiellement les arthroscopies du poignet,
où les tendons extenseurs sont situés en regard des voies
d’abord, et directement derrière la capsule articulaire dorsale.
Très peu de lésions sont cependant rapportées.
3.1.4.1. Épaule. Après acromioplastie, le détachement du deltoïde antérieur, la fracture de l’acromion ainsi que l’apparition
en postopératoire d’ossifications hétérotopiques ont été décrits
mais restent exceptionnels [28,29].
3.4.4.2. Poignet. Une lésion des tendons extenseurs lors d’un
brochage associé à l’arthroscopie a été rapportée [30], ainsi
qu’une dilacération partielle du tendon extensor digitorum
communis du 5e doigt lors de l’abord médiocarpien [31].
Beredjiklian [14] rapporte un cas de tendinite de l’extensor
carpi ulnaris ayant nécessité une infiltration de corticoïdes.
En pratique, outre les précautions habituelles lors de l’abord
articulaire, le travail endoscopique sur la capsule postérieure,
comme lors de l’excision endoscopique d’un kyste synovial
dorsal ou la réalisation d’une synovectomie, doit être prudent,
au risque de léser les tendons extenseurs [32,33], et l’utilisation
du thermovaporisateur doit être exclue au contact de la capsule
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postérieure au profit du shaver afin de ne pas induire de lésion
thermique des tendons extenseurs.
3.4.5. Complications mécaniques
3.4.5.1. Bris d’instrument. Les instruments utilisés pour la chirurgie arthroscopique sont fragiles et peuvent se briser, même
s’ils sont maniés avec la plus grande précaution et dans les
mains les plus entraînées.
Ces complications sont fréquentes, elles représenteraient
même pour certains auteurs 50 % des complications rencontrées dans l’arthroscopie du poignet [34].
Tous les instruments peuvent se briser à l’intérieur de l’articulation : lame de bistouri, pince basket, broche, aiguille, shaver, fraise, électrocoagulateur, tournevis, …
De même, une ancre peut s’arracher et se perdre dans la
cavité articulaire.
L’opérateur doit alors arrêter l’irrigation, limiter les mouvements pour ne pas chasser le corps étranger, une pince sera
alors progressivement introduite par une voie d’abord adaptée
pour s’en saisir.
La bonne connaissance de l’anatomie et des différentes
voies d’abord est alors indispensable.
La recherche peut être fastidieuse dans l’épaule et le coude,
et en général plus aisée dans le poignet où l’espace articulaire
est plus limité.
En cas de problème survenant avec un dispositif médical,
une déclaration de matériovigilance est en principe obligatoire.
Le bris d’instrument peut également être découvert secondairement [35], et il est préférable pour éviter cette situation
embarrassante pour le chirurgien de toujours vérifier en fin
d’intervention l’intégrité des instruments et faire une radiographie au moindre doute.
Le chirurgien devra également vérifier et tester le matériel
avant utilisation, disposer autant que possible d’un double jeu
d’optique, de lumière, de shaver, et surveiller lui-même l’installation.
3.4.5.2. Lésions chondrales. Elles sont fréquentes, allant de
l’éraillure superficielle à la lacération profonde produite par
l’introduction en force d’un trocard par un abord ou avec une
orientation inadaptée.
Leur fréquence est difficile à évaluer car ces lésions sont
souvent sous-évaluées ou oubliées lors de la rédaction du
compte rendu opératoire, mais elles peuvent être responsables
de suites plus difficiles avec épanchement articulaire et douleurs prolongées.
Elles n’entraînent cependant a priori pas de séquelles [33].
La prévention passe par une bonne connaissance des voies
d’abord, l’introduction douce des instruments, et un bon
apprentissage.
3.4.5.3. Brûlures cutanées. Des brûlures dues à une tour de
traction métallique sortant de l’autoclave pour arthroscopie du
poignet, ou par bistouri à radiofréquence ont été rapportées
(voir chapitre 4-5).
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3.5. Complications postopératoires
3.5.1. Complications thrombo-emboliques
Elles sont exceptionnelles dans le cadre de la chirurgie
arthroscopique du membre supérieur, même si l’arthroscopie
du coude, du poignet ou des articulations périphériques autorisent l’utilisation d’un garrot, et aucun traitement anticoagulant préventif systématique n’est recommandé.
Il existe cependant quelques observations anecdotiques
après arthroscopie de l’épaule [2].
3.5.2. Arthrites
L’arthrite septique, lorsqu’elle survient, se déclare le plus
souvent dans les deux semaines postopératoires.
Rare, elle reste la complication locale la plus redoutable,
d’une prévalence difficilement évaluable, mais qui peut être
estimée à moins de 1 % [1,12,13,36].
Les germes retrouvés sont le plus fréquemment les staphylocoques epidermitis et aureus.
L’augmentation du risque infectieux semble liée à l’apparition de l’arthroscopie interventionnelle.
Ces arthrites septiques sont à différencier des quelques cas
d’infections superficielles, au niveau des voies d’abord, qui ont
été décrites.
Il faut aussi évoquer le cas des arthrites ou synovites aseptiques, le rôle de la reprise prématurée du sport après l’arthroscopie ayant pu être avancé comme facteur déclenchant, comme
le rôle des produits décontaminants et désinfectants, avec un
rinçage probablement insuffisant. Le rôle du talc a aussi été
évoqué [2].
Les facteurs préventifs d’infection lors de la pratique d’une
arthroscopie sont bien connus : abords réduits, effet de lavage
permanent, interventions de courte durée.
Les facteurs aggravants sont plus discutables : l’injection
préalable de corticoïdes est souvent citée et doit faire respecter
un délai suffisant avant d’opérer. La chirurgie de reprise est
aussi plus exposée.
La qualité du geste réalisé, la pose ou non d’un garrot, sa
durée, l’expérience du chirurgien représentent aussi d’autres
facteurs de risque potentiels.
Pour prévenir ces infections, les règles restent celles de tout
geste de chirurgie orthopédique. Au niveau du patient, c’est la
recherche de foyers infectieux et une préparation cutanée
rigoureuse.
Au niveau du matériel, il faut insister sur la qualité de la
désinfection ou de la stérilisation des endoscopes suivant les
cas, en rappelant la durée minimale de temps de trempage
dans la solution désinfectante (une heure si l’on veut être sporicide) et l’impératif rinçage qui s’ensuit avec de l’eau stérile,
tout en insistant sur les règles de traçabilité.
Au niveau de l’environnement chirurgical, il n’y a rien qui
diffère avec le reste de la chirurgie orthopédique.
N’oublions pas cependant, afin de ne pas noircir ce tableau,
que la baisse du taux d’infections représente un des progrès
majeurs de l’arthroscopie par rapport à la chirurgie conventionnelle.
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3.5.3. Algodystrophie, raideur
Il est difficile d’apprécier le risque de raideur, de capsulite
ainsi que l’apparition de douleurs anormales postopératoires, et
de les différencier d’une algodystrophie.
L’arthroscopie est loin d’avoir fait disparaître ces suites difficiles.
Elles paraissent cependant moins fréquentes après arthroscopie du poignet que pour le coude et l’épaule.
Le traitement de l’algodystrophie est le même qu’après
algodystrophie survenant dans un autre contexte chirurgical.
L’évolution est habituellement favorable, après plusieurs
mois de troubles toujours mal vécus par le patient.
De multiples facteurs ont été incriminés : articulation explorée, durée de l’intervention, voies d’abord multiples, garrot,
mais le profil psychologique est certainement l’élément le
plus important.
Il faut alors savoir temporiser, communiquer avec le patient,
et résister à la tentation de réaliser une arthroscopie itérative
précoce, a fortiori si la première a été réalisée par un confrère.
Les antalgiques, anti-inflammatoires, rééducation douce et
le temps sont utiles.
Une infiltration, en particulier en cas d’épanchement, peut
être utile dans la mesure où une infection a été éliminée.
Il est probable qu’une certaine proportion de ces algodystrophies ou raideur-douleurs soit incompressible, une meilleure
information préopératoire peut sûrement en diminuer une partie, en évitant notamment de systématiquement présenter l’arthroscopie comme une intervention bénigne avec une récupération très rapide.
3.5.3.1. Épaule. Les résultats de l’étude prospective de la SFA
[2], en matière de « qualité de vie » montrent que la souffrance,
le caractère d’anxiété et de dépression sont beaucoup plus marqués chez les patients ayant bénéficié d’une arthroscopie
d’épaule que chez ceux ayant bénéficié d’une arthroscopie de
genou.
Il s’agit d’une des complications les plus fréquentes de l’arthroscopie d’épaule, et semble être rencontrée plus volontiers
après chirurgie de l’espace sous-acromial [24,37].
3.5.3.2. Coude. L’enraidissement transitoire est fréquent, probablement dans 25 % des cas [13], et le patient doit en être
prévenu lors de la consultation préopératoire.
La prévalence de l’algodystrophie reste sous-estimée, et est
probablement rencontrée dans 10 à 15 % des des suites d’arthroscopie du coude [13].
Les séquelles à distance sont fréquentes, dominées par le
déficit d’extension.
Le syndrome de loge reste anecdotique au niveau du membre supérieur.
3.5.3.4. Épaule. Les épaules pseudo-athlétiques sont classiques
après arthroscopie de la bourse sous-acromiale. Elles ont été
attribuées à l’utilisation de l’arthropompe, mais sont également
rencontrées sans l’utilisation de ce materiel.
Ces gonflements régressent en général spontanément et ne
sont pas accompagnés de parésie nerveuse locale [25].
Cette évolution favorable est, en revanche, moins évidente
en cas d’utilisation de liquide hypo-osmolaire (glycine, glycocolle) [38,39], qui peut entraîner des désordres hydroélectrolytiques, en particulier chez des patients à risque.
Un décès a été rapporté après utilisation de Glycocolle [38].
L’utilisation de sérum physiologique est donc à privilégier.
3.5.3.5. Coude. L’écoulement persistant au niveau des points
d’entrée est fréquent.
Un épanchement de l’articulation peut persister une dizaine
de jours, et cède en général au glaçage et aux AINS.
3.5.3.6. Poignet. Le gonflement est en général plus modéré,
mais des écoulements persistants sont là aussi possibles.
Des syndromes de loge ont été rapportés après traitement
arthroscopique de fracture articulaire de l’extrémité inférieure
du radius, et il est recommandé d’attendre quelques jours après
la fracture avant de réaliser l’arthroscopie, et de ne pas utiliser
d’arthropompe [33].
3.5.5. Complications cutanées
Différents troubles cicatriciels peuvent survenir : retard de
cicatrisation, tuméfactions inflammatoires prolongées, abcès
superficiels, fistules synoviales, qui régressent habituellement
en quelques semaines.
Ces fuites synoviales guérissent habituellement en quelques
jours par une simple immobilisation.
L’apparition de kystes synoviaux sur les voies d’abord ou
de nodules cicatriciels, très fréquents et bénins, équivalent
d’une cicatrice chéloïde est possible [15,32], et peut nécessiter
une reprise chirurgicale en cas de persistance.
Au niveau du poignet, quelques cas de brûlures par la tour
métallique de traction sortant de l’autoclave ont été rapportés
[14,32].
Le chirurgien devra y être particulièrement vigilant et refroidir si nécessaire la tour avec du sérum physiologique froid
avant utilisation.
Une brûlure cutanée par bistouri à radiofréquence est également possible [40].
3.5.3.3. Poignet. Peu de cas d’enraidissement et d’algodystrophie sont rapportés, aux alentours de 1 % [14,15,32].
4. Discussion
3.5.4. Gonflement, Œdeme
Il s’agit en général de complications fréquentes et bénignes,
surtout rencontrées pour l’épaule et le coude, et qui peuvent
s’associer à des écoulements persistants par les voies d’abord.
L’arthroscopie reste un outil technique majeur dans l’arsenal
du chirurgien du membre supérieur, dont les indications vont
probablement encore s’étendre, notamment pour les articulations les plus périphériques.
P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279
Contrairement à l’image qui en est souvent véhiculée dans
la population, il ne s’agit pas d’un geste anodin et dénué de
complications, mais celles-ci restent souvent bénignes et
moins importantes que pour les techniques conventionnelles
correspondantes.
L’arthroscopie du coude reste la technique dont le taux de
complication, en particulier neurologique, est le plus élevé.
L’enseignement de l’anatomie et des techniques arthroscopiques, le respect des règles de prudence élémentaire doit permettre de maîtriser au mieux le risque et la courbe d’apprentissage.
Une information claire et honnête du patient des complications potentielles est certainement la meilleure solution pour en
diminuer les conséquences.
Références
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