Complications de l`Arthroscopie du Mb Sup
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Complications de l`Arthroscopie du Mb Sup
Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 http://france.elsevier.com/direct/CHIMAI/ Article original Complication et prévention de l’arthroscopie du membre supérieur Complication and prevention of upper limb joints arthroscopy P. Roure, D. Fontes* Espace médical Vauban, 2, avenue de Ségur, 75007 Paris, France Résumé L’arthroscopie pour les pathologies du membre supérieur s’est particulièrement développée depuis une vingtaine d’années, et est souvent perçue dans la population comme un acte anodin. Il serait cependant faux d’occulter l’existence de complications potentielles, même si elles sont plus limitées que pour les techniques conventionnelles correspondantes. Celles-ci varient selon l’articulation explorée, et malgré un recul encore faible pour le poignet et les articulations périphériques, l’arthroscopie du coude semble être la technique dont le taux de complication est le plus élevé. La plupart de ces complications restent cependant bénignes et curables. L’enseignement de l’anatomie et des techniques arthroscopiques, le respect des règles de prudence élémentaire doivent permettre de maîtriser au mieux le risque et la courbe d’apprentissage. Une information claire et honnête du patient des complications potentielles est certainement la meilleure solution pour en diminuer les conséquences. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Arthroscopy for upper limb joints disorders has been used increasingly over the past two decades, and is often considered by population as minor surgery. It would be a mistake to mask potential complications, even if they are less important than equivalent conventional technique. Complications depend on the joint, and despite the relative lack of experience for wrist and small joints, elbow arthroscopy seems to be the arthroscopic technique with most important complication rate. However, most of these complications remain minor and curable. Teaching of anatomy and arthroscopic techniques, respect of elementary prudence rules, should allow to control the risk and the learnig curve. Clear and honest information about potential complications provided to patient is certainly the best way to reduce consequences of these complications. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Arthroscopie, Complication ; Épaule ; Coude ; Poignet Keywords: Arthroscopy; Complication; Shoulder; Wrist; Elbow 1. Introduction L’arthroscopie est aujourd’hui l’intervention la plus pratiquée en France, et est souvent considérée comme un acte anodin du fait de la petite taille des incisions, d’une hospitalisation réduite, et d’une médiatisation souvent trompeuse. * Auteur correspondant. Clinique générale du sport, institut main et sport, 36, boulevard Saint-Marcel, 75005 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] (D. Fontes). Il serait cependant faux d’occulter l’existence de complications potentielles, même si elles sont bien plus limitées que pour les techniques conventionnelles correspondantes. Nous pouvons considérer comme complications les accidents liés directement ou indirectement à la technique, elles ne comprennent pas les échecs secondaires à l’application de cette technique [1]. Les techniques d’arthroscopie du membre supérieur en particulier se sont particulièrement développées depuis une vingtaine d’années, mais restent bien moins employées que pour le genou, moins de 17 % des 24 919 arthroscopies de l’étude rétrospective de la SFA réalisée en 2000 par 119 chirurgiens [2]. 1297-3203/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.main.2006.07.015 P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 S’il existe des séries importantes et un recul suffisant pour l’arthroscopie d’épaule, celles-ci restent encore limitées pour l’arthroscopie du coude et a fortiori pour le poignet et les petites articulations. La plupart de ces complications restent bénignes et curables, et la maîtrise de la courbe d’apprentissage est certainement un des éléments important de prévention. Le chirurgien devra néanmoins faire preuve de transparence dans l’information donnée préalablement au patient, et connaître les indications, les résultats et complications potentielles de l’acte proposé. 2. Matériel et méthodes 2.1. Frequences des complications L’enquête rétrospective de l’Association nord-américaine d’arthroscopie de 1986 [3] montrait un taux moyen de complications sur l’ensemble des techniques arthroscopiques de 0,56 % sur 395 566 arthroscopies dont 375 069 arthroscopies du genou et seulement 121 arthroscopies de poignet. L’arthroscopie de l’épaule bénéficie des plus grosses séries parmi les arthroscopies du membre supérieur, et a un taux de complication compris entre 2 et 10 % [4–7]. Elle regroupe différents gestes chirurgicaux qui n’ont pas tous la même morbidité [2], le risque le plus important existant pour la réparation endoscopique de la coiffe des rotateurs, et en particulier en cas de mini-open, et pour la chirurgie de l’instabilité [7], surtout si l’on comptabilise l’effet iatrogène ou la faillite du matériel de fixation du bourrelet glénoïdien [8,9]. L’arthroscopie de coude est restée longtemps anecdotique et ce sont O’Driscoll et Morrey qui en ont publié la première série significative en 1992 sur 70 patients [10]. Très récemment, Reddy [11] et Kelly [12] ont publié des séries rétrospectives respectivement de 187 et 473 patients. Kelly retrouve 0,8 % de complications graves et 11 % de complications mineures, mais si l’on s’en tient à la définition de la complication retenue par la SFA [2] (tout phénomène survenant pendant ou dans les suites de l’arthroscopie considéré comme anormal autant par le patient que par le chirurgien est une complication), il faut certainement retenir un taux supérieur à 15 % [13]. Beredjiklian [14] retrouve 0,9 % de complications graves et 4,3 % de complications mineures sur une série de 211 arthroscopies de poignet, Luchetti [15] respectivement 1,1 et 1,7 sur une série de 350 arthroscopies. Aucune statistique fiable n’existe encore pour l’arthroscopie des articulations trapézométacarpienne, métacarpophalangienne ou interphalangienne, techniques encore récentes au recul insuffisant. L’arthroscopie du coude reste ainsi la technique dont le taux de complication est le plus élevé. S275 3. Résultats 3.1. Complications peropératoires 3.1.1. Complications anesthésiques Il n’y a pas de spécificité des complications anesthésiques pour la chirurgie arthroscopique. Les différentes techniques d’anesthésie, locorégionales ou générales, gardent leurs indications avec leurs avantages et inconvénients propres. Nous savons maintenant qu’avec l’anesthésie générale moderne, le risque est évalué à un mort pour 10 000 anésthésies. Dans l’étude de l’ANNA de 1985 [16], on trouvait 63 complications liées à l’anesthésie générale sur 395 566 arthroscopies, dont 18 arythmies cardiaques et 14 pneumopathies. On retrouve dans cette même série 12 problèmes cutanés et deux crises comitiales après anesthésie locale ou bloc périphérique. L’hospitalisation ambulatoire, fréquemment choisie pour l’arthroscopie, peut également être un facteur de risque, et le patient sera hospitalisé au moindre doute. 3.1.2. Complications neurologiques Les lésions potentielles dépendent de l’articulation explorée. Leur taux atteint 2,5 à 14 % pour le coude [10,12,17–19], où elles sont les plus fréquentes, 1,5 à 2 % pour le poignet [14, 15], et 0,1 à 10 % des cas pour l’épaule [3,4,6,7,20,21]. Il s’agit dans la plupart des cas de lésions mineures et réversibles, néanmoins des lésions plus sévères notamment à l’épaule et au coude ont été rapportées. 3.1.2.1. Épaule. Les neurapraxies liées à la traction sont diversement appréciées par les auteurs [8,22]. Néanmoins elles restent rares et semblent toujours régresser dans un délai pouvant aller jusqu’à 12 semaines. Small [7] n’a rapporté aucune complication neurologique après 1184 arthroscopies dans son étude multicentrique auprès d’opérateurs expérimentés. D’autres études ont rapporté jusqu’à 10 % de complications neurologiques [3,20,21]. Il s’agissait dans la plupart des cas de dysesthésies transitoires en rapport avec une traction trop forte ou prolongée. L’installation en beach chair éviterait ces complications [5, 20], ainsi que la mise en traction par l’intermédiaire d’un aide [20]. Des lésions plus sévères, touchant en particulier les nerfs musculocutané, sus-scapulaire, médian et circonflexe ont été rapportées ; plaie du sus-scapulaire lors d’une intervention de Bankart, plaie du médian après voie antérieure trop interne [21], plaie du nerf circonflexe après voie externe pour acromioplastie [1,16,22]. 3.1.2.2. Coude. Les complications neurologiques, touchant principalement le nerf radial, varient de 0,1 à 14 % de complications selon les séries [1]. S276 P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 Les blessures directes peropératoires restent rares, et les troubles neurologiques sont le plus souvent transitoires. Mais ces complications neurologiques restent le risque majeur avec 12 paralysies transitoires dans la série de Kelly [12] et une section du nerf ulnaire dans la série de Reddy [11]. Ces complications sont variables et leurs causes sont multiples : hyperpression du liquide de lavage, rôle des anesthésiques locaux, garrot prolongé, position de l’avant-bras sur la table. Les voies d’abord antérolatérales et antéromédiales sont réputées pour être les plus risquées, ainsi l’arthrolyse arthroscopique sur un coude enraidi, dont le volume intra-articulaire est diminué [12,13]. Des lésions du nerf médian ou du nerf muculocutané ont également été rapportées. La grande proximité des éléments vasculonerveux implique de prendre des précautions strictes. Les reliefs osseux seront au mieux dessinés, et les éléments anatomiques refoulés par la distension préalable du coude fléchi à 90° par injection de sérum physiologique. Seule la peau sera incisée, puis les éléments sous-cutanés disséqués à la pince. 3.1.2.3. Poignet. Les complications décrites restent réversibles et considérées comme mineures. Elles touchent principalement les branches de division du nerf radial lors de l’utilisation d’une voie latérale 1–2, ou la branche postérieure du nerf ulnaire, principalement en cas de réalisation d’une voie dorso-ulnaire élargie, comme pour la réinsertion d’une lésion périphérique du ligament triangulaire, ou la synthèse ou résection d’une styloïde ulnaire pseudarthrosée. Des lésions du nerf interosseux postérieur ont également été rapportées [23]. Là aussi, une dissection soigneuse des tissus sous-cutanés lors des différents abords, et le respect des repères anatomiques permettent de limiter ces complications. 3.1.2.4. Articulation trapézométacarpienne. Le risque d’atteinte neurologique est le risque essentiel de cette technique, compte tenu de la présence des branches de division du nerf radial en regard des voies d’abord, et en particulier de la voie 1-U. Le respect des repères anatomiques, la dissection des éléments sous-cutanés à la pince permet de limiter ces douleurs névromateuses le plus souvent bénignes, mais souvent longues et inconfortables pour le patient [24]. 3.1.3. Complications vasculaires Elles sont globalement exceptionnelles pour les arthroscopies du membre supérieur. Un saignement inhabituel peropératoire doit cependant toujours faire craindre une lésion artérioveineuse, en particulier si des instruments endo-articulaires agressifs n’ont pas été gardés en permanence sous contrôle de la vue. 3.1.3.1. Épaule. On ne retrouve pas de lésions vasculaires rapportées dans la littérature française, même si quelques complications ont été rapportées dans la littérature américaine [25]. 3.1.3.2. Coude. Une lésion de l’artère humérale est en théorie toujours à craindre lors des gestes arthroscopiques sur la capsule antérieure, comme par exemple dans les arthrolyses antérieures. Aucune lésion de l’artère brachiale n’est en pratique rapportée dans la littérature [26], probablement du fait de sa position très antérieure et protégée par le muscle brachial. 3.1.3.3. Poignet. Les complications vasculaires restent exceptionnelles si les voies d’abord sont dorsales ou dorsolatérales. Beredjiklian [14] n’en rapporte aucune sur 211 arthroscopies dont les voies d’abord étaient uniquement dorsales. Le risque existe essentiellement en cas d’utilisation d’une voie latérale 1–2, où la branche dorsale de l’artère radiale peut être lésée, et surtout en cas d’usage de voies antérieures, où l’artère radiale ou ulnaire peut être lésée. La dissection soigneuse des éléments sous-cutanés jusqu’à la capsule articulaire à l’aide d’une pince, et le respect des repères anatomiques avant incision doit permettre de prévenir ces lésions. L’excision chirurgicale d’un kyste synovial de la gouttière du pouls est une technique qui doit également être réalisée prudemment, en utilisant le shaver plutôt que le thermovaporisateur, afin de ne pas léser l’artère radiale, bien que Mathoulin [27] ne rapporte aucun incident de ce type dans une série de 96 excisions de kyste synovial sous arthroscopie, dont 32 kystes de la gouttière du pouls. 3.1.4. Complications tendineuses Elles touchent essentiellement les arthroscopies du poignet, où les tendons extenseurs sont situés en regard des voies d’abord, et directement derrière la capsule articulaire dorsale. Très peu de lésions sont cependant rapportées. 3.1.4.1. Épaule. Après acromioplastie, le détachement du deltoïde antérieur, la fracture de l’acromion ainsi que l’apparition en postopératoire d’ossifications hétérotopiques ont été décrits mais restent exceptionnels [28,29]. 3.4.4.2. Poignet. Une lésion des tendons extenseurs lors d’un brochage associé à l’arthroscopie a été rapportée [30], ainsi qu’une dilacération partielle du tendon extensor digitorum communis du 5e doigt lors de l’abord médiocarpien [31]. Beredjiklian [14] rapporte un cas de tendinite de l’extensor carpi ulnaris ayant nécessité une infiltration de corticoïdes. En pratique, outre les précautions habituelles lors de l’abord articulaire, le travail endoscopique sur la capsule postérieure, comme lors de l’excision endoscopique d’un kyste synovial dorsal ou la réalisation d’une synovectomie, doit être prudent, au risque de léser les tendons extenseurs [32,33], et l’utilisation du thermovaporisateur doit être exclue au contact de la capsule P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 postérieure au profit du shaver afin de ne pas induire de lésion thermique des tendons extenseurs. 3.4.5. Complications mécaniques 3.4.5.1. Bris d’instrument. Les instruments utilisés pour la chirurgie arthroscopique sont fragiles et peuvent se briser, même s’ils sont maniés avec la plus grande précaution et dans les mains les plus entraînées. Ces complications sont fréquentes, elles représenteraient même pour certains auteurs 50 % des complications rencontrées dans l’arthroscopie du poignet [34]. Tous les instruments peuvent se briser à l’intérieur de l’articulation : lame de bistouri, pince basket, broche, aiguille, shaver, fraise, électrocoagulateur, tournevis, … De même, une ancre peut s’arracher et se perdre dans la cavité articulaire. L’opérateur doit alors arrêter l’irrigation, limiter les mouvements pour ne pas chasser le corps étranger, une pince sera alors progressivement introduite par une voie d’abord adaptée pour s’en saisir. La bonne connaissance de l’anatomie et des différentes voies d’abord est alors indispensable. La recherche peut être fastidieuse dans l’épaule et le coude, et en général plus aisée dans le poignet où l’espace articulaire est plus limité. En cas de problème survenant avec un dispositif médical, une déclaration de matériovigilance est en principe obligatoire. Le bris d’instrument peut également être découvert secondairement [35], et il est préférable pour éviter cette situation embarrassante pour le chirurgien de toujours vérifier en fin d’intervention l’intégrité des instruments et faire une radiographie au moindre doute. Le chirurgien devra également vérifier et tester le matériel avant utilisation, disposer autant que possible d’un double jeu d’optique, de lumière, de shaver, et surveiller lui-même l’installation. 3.4.5.2. Lésions chondrales. Elles sont fréquentes, allant de l’éraillure superficielle à la lacération profonde produite par l’introduction en force d’un trocard par un abord ou avec une orientation inadaptée. Leur fréquence est difficile à évaluer car ces lésions sont souvent sous-évaluées ou oubliées lors de la rédaction du compte rendu opératoire, mais elles peuvent être responsables de suites plus difficiles avec épanchement articulaire et douleurs prolongées. Elles n’entraînent cependant a priori pas de séquelles [33]. La prévention passe par une bonne connaissance des voies d’abord, l’introduction douce des instruments, et un bon apprentissage. 3.4.5.3. Brûlures cutanées. Des brûlures dues à une tour de traction métallique sortant de l’autoclave pour arthroscopie du poignet, ou par bistouri à radiofréquence ont été rapportées (voir chapitre 4-5). S277 3.5. Complications postopératoires 3.5.1. Complications thrombo-emboliques Elles sont exceptionnelles dans le cadre de la chirurgie arthroscopique du membre supérieur, même si l’arthroscopie du coude, du poignet ou des articulations périphériques autorisent l’utilisation d’un garrot, et aucun traitement anticoagulant préventif systématique n’est recommandé. Il existe cependant quelques observations anecdotiques après arthroscopie de l’épaule [2]. 3.5.2. Arthrites L’arthrite septique, lorsqu’elle survient, se déclare le plus souvent dans les deux semaines postopératoires. Rare, elle reste la complication locale la plus redoutable, d’une prévalence difficilement évaluable, mais qui peut être estimée à moins de 1 % [1,12,13,36]. Les germes retrouvés sont le plus fréquemment les staphylocoques epidermitis et aureus. L’augmentation du risque infectieux semble liée à l’apparition de l’arthroscopie interventionnelle. Ces arthrites septiques sont à différencier des quelques cas d’infections superficielles, au niveau des voies d’abord, qui ont été décrites. Il faut aussi évoquer le cas des arthrites ou synovites aseptiques, le rôle de la reprise prématurée du sport après l’arthroscopie ayant pu être avancé comme facteur déclenchant, comme le rôle des produits décontaminants et désinfectants, avec un rinçage probablement insuffisant. Le rôle du talc a aussi été évoqué [2]. Les facteurs préventifs d’infection lors de la pratique d’une arthroscopie sont bien connus : abords réduits, effet de lavage permanent, interventions de courte durée. Les facteurs aggravants sont plus discutables : l’injection préalable de corticoïdes est souvent citée et doit faire respecter un délai suffisant avant d’opérer. La chirurgie de reprise est aussi plus exposée. La qualité du geste réalisé, la pose ou non d’un garrot, sa durée, l’expérience du chirurgien représentent aussi d’autres facteurs de risque potentiels. Pour prévenir ces infections, les règles restent celles de tout geste de chirurgie orthopédique. Au niveau du patient, c’est la recherche de foyers infectieux et une préparation cutanée rigoureuse. Au niveau du matériel, il faut insister sur la qualité de la désinfection ou de la stérilisation des endoscopes suivant les cas, en rappelant la durée minimale de temps de trempage dans la solution désinfectante (une heure si l’on veut être sporicide) et l’impératif rinçage qui s’ensuit avec de l’eau stérile, tout en insistant sur les règles de traçabilité. Au niveau de l’environnement chirurgical, il n’y a rien qui diffère avec le reste de la chirurgie orthopédique. N’oublions pas cependant, afin de ne pas noircir ce tableau, que la baisse du taux d’infections représente un des progrès majeurs de l’arthroscopie par rapport à la chirurgie conventionnelle. S278 P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 3.5.3. Algodystrophie, raideur Il est difficile d’apprécier le risque de raideur, de capsulite ainsi que l’apparition de douleurs anormales postopératoires, et de les différencier d’une algodystrophie. L’arthroscopie est loin d’avoir fait disparaître ces suites difficiles. Elles paraissent cependant moins fréquentes après arthroscopie du poignet que pour le coude et l’épaule. Le traitement de l’algodystrophie est le même qu’après algodystrophie survenant dans un autre contexte chirurgical. L’évolution est habituellement favorable, après plusieurs mois de troubles toujours mal vécus par le patient. De multiples facteurs ont été incriminés : articulation explorée, durée de l’intervention, voies d’abord multiples, garrot, mais le profil psychologique est certainement l’élément le plus important. Il faut alors savoir temporiser, communiquer avec le patient, et résister à la tentation de réaliser une arthroscopie itérative précoce, a fortiori si la première a été réalisée par un confrère. Les antalgiques, anti-inflammatoires, rééducation douce et le temps sont utiles. Une infiltration, en particulier en cas d’épanchement, peut être utile dans la mesure où une infection a été éliminée. Il est probable qu’une certaine proportion de ces algodystrophies ou raideur-douleurs soit incompressible, une meilleure information préopératoire peut sûrement en diminuer une partie, en évitant notamment de systématiquement présenter l’arthroscopie comme une intervention bénigne avec une récupération très rapide. 3.5.3.1. Épaule. Les résultats de l’étude prospective de la SFA [2], en matière de « qualité de vie » montrent que la souffrance, le caractère d’anxiété et de dépression sont beaucoup plus marqués chez les patients ayant bénéficié d’une arthroscopie d’épaule que chez ceux ayant bénéficié d’une arthroscopie de genou. Il s’agit d’une des complications les plus fréquentes de l’arthroscopie d’épaule, et semble être rencontrée plus volontiers après chirurgie de l’espace sous-acromial [24,37]. 3.5.3.2. Coude. L’enraidissement transitoire est fréquent, probablement dans 25 % des cas [13], et le patient doit en être prévenu lors de la consultation préopératoire. La prévalence de l’algodystrophie reste sous-estimée, et est probablement rencontrée dans 10 à 15 % des des suites d’arthroscopie du coude [13]. Les séquelles à distance sont fréquentes, dominées par le déficit d’extension. Le syndrome de loge reste anecdotique au niveau du membre supérieur. 3.5.3.4. Épaule. Les épaules pseudo-athlétiques sont classiques après arthroscopie de la bourse sous-acromiale. Elles ont été attribuées à l’utilisation de l’arthropompe, mais sont également rencontrées sans l’utilisation de ce materiel. Ces gonflements régressent en général spontanément et ne sont pas accompagnés de parésie nerveuse locale [25]. Cette évolution favorable est, en revanche, moins évidente en cas d’utilisation de liquide hypo-osmolaire (glycine, glycocolle) [38,39], qui peut entraîner des désordres hydroélectrolytiques, en particulier chez des patients à risque. Un décès a été rapporté après utilisation de Glycocolle [38]. L’utilisation de sérum physiologique est donc à privilégier. 3.5.3.5. Coude. L’écoulement persistant au niveau des points d’entrée est fréquent. Un épanchement de l’articulation peut persister une dizaine de jours, et cède en général au glaçage et aux AINS. 3.5.3.6. Poignet. Le gonflement est en général plus modéré, mais des écoulements persistants sont là aussi possibles. Des syndromes de loge ont été rapportés après traitement arthroscopique de fracture articulaire de l’extrémité inférieure du radius, et il est recommandé d’attendre quelques jours après la fracture avant de réaliser l’arthroscopie, et de ne pas utiliser d’arthropompe [33]. 3.5.5. Complications cutanées Différents troubles cicatriciels peuvent survenir : retard de cicatrisation, tuméfactions inflammatoires prolongées, abcès superficiels, fistules synoviales, qui régressent habituellement en quelques semaines. Ces fuites synoviales guérissent habituellement en quelques jours par une simple immobilisation. L’apparition de kystes synoviaux sur les voies d’abord ou de nodules cicatriciels, très fréquents et bénins, équivalent d’une cicatrice chéloïde est possible [15,32], et peut nécessiter une reprise chirurgicale en cas de persistance. Au niveau du poignet, quelques cas de brûlures par la tour métallique de traction sortant de l’autoclave ont été rapportés [14,32]. Le chirurgien devra y être particulièrement vigilant et refroidir si nécessaire la tour avec du sérum physiologique froid avant utilisation. Une brûlure cutanée par bistouri à radiofréquence est également possible [40]. 3.5.3.3. Poignet. Peu de cas d’enraidissement et d’algodystrophie sont rapportés, aux alentours de 1 % [14,15,32]. 4. Discussion 3.5.4. Gonflement, Œdeme Il s’agit en général de complications fréquentes et bénignes, surtout rencontrées pour l’épaule et le coude, et qui peuvent s’associer à des écoulements persistants par les voies d’abord. L’arthroscopie reste un outil technique majeur dans l’arsenal du chirurgien du membre supérieur, dont les indications vont probablement encore s’étendre, notamment pour les articulations les plus périphériques. P. Roure, D. Fontes / Chirurgie de la main 25 (2006) S274–S279 Contrairement à l’image qui en est souvent véhiculée dans la population, il ne s’agit pas d’un geste anodin et dénué de complications, mais celles-ci restent souvent bénignes et moins importantes que pour les techniques conventionnelles correspondantes. L’arthroscopie du coude reste la technique dont le taux de complication, en particulier neurologique, est le plus élevé. L’enseignement de l’anatomie et des techniques arthroscopiques, le respect des règles de prudence élémentaire doit permettre de maîtriser au mieux le risque et la courbe d’apprentissage. Une information claire et honnête du patient des complications potentielles est certainement la meilleure solution pour en diminuer les conséquences. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] Dubos JP, Franck A. Complications de l’arthroscopie. In: SFA. Arthroscopie. Paris: Elsevier SAS; 1999. p. 32–5. Coudane H, Buisson P. Symposium : complications de l’arthroscopie. Perspectives en arthroscopie 2003;2:119–37. Small NC. Complications in arthroscopy: the knee and other joints. Committee on Complications of the Arthroscopy Association of North America. Arthroscopy 1986;2:253–8. Bigliani LU, Flatow EL, Deliz ED. Complications of shoulder arthroscopy. Orthop Rev 1991;20:743–51. Kevin P, Shea MD. In: Complications of shoulder arthroscopy. 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