texte intégral - GÉraldine Demange

Transcription

texte intégral - GÉraldine Demange
MONOLOGUE POUR UN ARBRE
rend un bel et émouvant hommage à l’homme et au père, à travers la métaphore
de et avec G. Demange
Géraldine Demange
6, rue Dulac bât A
75018 PARIS
01 71 70 28 13
06 14 32 38 47
[email protected]
Ça m’a pris comme ça, une envie de vrai, une envie d’authentique.
Je me suis toujours demandée qui j’étais vraiment, d’où je venais …
où étaient mes racines.
Alors j’ai regardé les arbres, mes arbres, ma belle nature…eux sont
enracinés, eux sont forts, eux en voient de toutes les couleurs…
Alors je me suis dis qu’il devait être très facile de péter les
plombs quand on ne savait pas d’où l’on venait.
Puis je suis retournée sur les traces de mon enfance…après dix sept
ans d’absence.
Ça y était, je savais qui j’étais, j’avais ma réponse et j’étais
fière d’ETRE.
Quand je suis revenue dans le quotidien de la vie : métro infos
boulot dodo insomnies.
Comment pouvais-je être fière d’être face à toutes les conneries de
la vie ?
Avais-je déjà oublié ma mer, mes arbres…non, mes arbres, ma belle
nature, je vous remercie de m’avoir inspiré ce spectacle.
Et merci à Loft Story…
Géraldine
2
Je suis enracinée.
Je suis enracinée. Je suis comme un arbre dans le sol.
Je pousse mes racines dans la terre pour sortir ma tête. Je suis enracinée.
Je pose les pieds sur la terre de mon enfance, le sol de mon adolescence, de mes
premières amours; il me semble sentir mes racines ... est-ce que j´en ai vraiment?
Je suis toute puissante. Je suis toute puissante. Je possède un pouvoir. Je possède un
pouvoir. Le pouvoir de destruction. Le pouvoir de détruire mes angoisses de me vider la
tête quand je vois que LA ROCHELLE a sorti son grand ciel bleu, sa mer limpide juste
pour mon retour.
MERCI ma belle merci ma LA ROCHELLE.
Face à ta mer je me sens tout petite et pourtant si puissante.
Je marche sur la jetée, le vent emmêle mes cheveux. AAHAAAA! J´ éclate de rire.
Comme une môme. Je possède un pouvoir, je sais pas quel pouvoir si je sais. Le pouvoir
de laisser la mer me pénétrer le pouvoir de redevenir foetus quand je me glisse dans
cette mer Atlantique qui est mienne parce que dangereuse.
Ma mer
Ma mer je t’aime
Je te regarde sans lassitude
Je te regarde
Et c’est ma plénitude
Ma mer, ma mer chérie
Tu me fais grande et pourtant
si petite
Devant toi je m’incline
Car je te dois tout
Je te dois la vie
Avec un grand
MAJUSCULE
Ma mer ma mer il te faut protéger
Pour que tu puisses
encore
nous transporter
Reposer
tes voiliers
bercer
tes poissons, tes étoiles
filantes
Berce moi
ma mer, ma douce et belle Atlantique
Berce moi encore sous ce soleil
scintillant
de la fin de journée
Enveloppe moi de ton sable tiède
Que je devienne petit coquillage tout salé
Berce moi ma mer Berce moi encore de ton chant, de ton vent de ton soleil tendre
Berce moi ma mer... Berce moi je suis ta protégée ma mer, ma vénérée mer...
3
Ici ça ressemble à quand j’avais 6 ans. Il y a des maisons avec des volets verts
comme chez mamie.
Il y a des gens qui vendent des anguilles dehors et ils disent: “à c’tantôt”. Ici c’est Ste
Marie de Ré à l’île de Ré. Il y a plein d’algues au bord de l’eau. Berk berk j'aime pas les
algues...
Mais aujourd’hui elles ne me gênent pas trop ces algues là; elles me font pleuvoir la peau
et fendre la bouche en coquine. hum...
Ici c’est ma terre c’est ma simplicité, je suis une fille de la terre et ça me plait. Je suis
une fille de la nature et quelle nature celle qui a su aux fils des ans rester intègre, rester
ELLE. Cette pierre qu’il y a à LA ROCHELLE à l’ILE de RE cette pierre c’est ma
racine c’est de là que je viens.
Je laisse aller mes pas au gré de mon coeur... Je suis remplie et vide en même temps. Je
suis émue, émue à me faire venir les larmes du questionnement. D’où je viens vraiment?
La tour des quatre sergents me fait la révérence, la place de l’horloge m’invite à
déjeuner, les voiliers posent pour mes photos. Je ne retrouve plus les arcades sous
lesquelles je traînais mes guêtres pour aller au lycée mince alors c’était lesquelles? Pas
grave je les retrouverais demain pour l’instant la plage m’appelle mais c’est par où déjà
la plage? Je suis perdue ...je suis perdue dans ma ville mère. Ah oui ça y est je me
retrouve je passe par le vieux port... Je reconnais... mon cœur bat fort .Je me sens belle
.Je suis belle d’émotion qui vient abrupte sur mon âme. Je ris comme une enfant. Je suis
un rire d’enfant dans un corps de femme et ça me plait.
Ici j’ai tous les âges
J’ai 34 ans, j’ai 18 ans
J’ai 17 ans
J’ai l’âge de la rue St Côme
J’ai 15 ans
J’ai l’âge de mes nuits d’amour à l’hôtel de Bordeaux avec Frédo
J’ai 15 ans
J’ai l’âge des baisers dans la cage d’escalier
J’ai 11 ans
J’ai l’âge du HLM à Aytrée
J’ai 8 ans j’ai 5 ans
J’ai l’âge des bêtises dans la maison de mamie.
4
Je veux profiter je mange ma LA ROCHELLE. Miam; j’ai peur d’en
rater une miette; si par hasard j’oubliais une rue de mon enfance.
Ça y est, le soleil rouge s’est couché derrière les voiliers.
Ma boule rouge mon soleil d’amour ...Il me fait le dessin de mes cinq ans de mes huit
ans.
Mon coeur tambourine, mon âme reste en béatitude devant le spectacle de la nature.
Elle est pas belle ma LA ROCHELLE, elle est pas humaine! Il y a des handicapés
partout ici, tout est adapté pour les handicapés même la plage. Alors PARIS on en
prendrait un peu de la graine non!
Bon, c’est vrai qu’il y a un petit coté un peu bourge quand même. Pas une robe à moins
de 1500 francs c’est un peu raide .Ah les belles boutiques de LA ROCHELLE:
trop bourgeoises pour moi les vendeuses! Dommage que ça ne soit pas le moment des
soldes là ça doit valoir le coup. Quoique, chez les bourgeois on ne solde pas.
Cest pas grave; de toute façon moi, même avec un tablier je suis sexy,
alors...
5
Egoïstement,
J’ai dégusté
toutes les sensations que me provoquait LA ROCHELLE
Egoïstement,
j’ai gardé
ce que m’évoquait la nature.
J’ai pris tout pour moi
mes retrouvailles avec la mer, avec l’architecture.
Mes retrouvailles avec ma solitude, une solitude nourrie par le ciel la terre
On ne peut qu’être seul pour goûter
la tempête
pour que le rire jaillisse
à la vue des vagues hautes.
Egoïstement,
J’ai gardé pour moi
ces douceurs infinies qu’a fait sur mon âme
le retour sur ma terre.
La seule personne avec qui j’aurais pu partager ma joie c’est Julien
et encore…
juste les derniers jours
une fois que j’ai bien vécu mes sensations.
Ste mère de LA ROCHELLE je te fais un vœu…
Tu m’en as exaucé deux Ste Mère de LA ROHELLE et tu m’as dit jamais deux sans trois. Pas
vrai?
Je suis triste de quitter ma LA ROCHELLE mais tellement rassurée de t’avoir retrouvée après
toutes ces années. Quel voyage! Je te promets je reviens avec un amoureux et je te le
présente il t’aimera
j’en suis sûre…
6
Je suis enracinée.
Je suis enracinée. Je suis comme un arbre dans le sol. Je pousse mes racines dans la
terre pour sortir ma tête.
Ça a commencé comme ça : j’écoutais les informations il y avait le loft story les attentats
en Algérie et je me suis dis: je ne comprends pas ce qu’il se passe sur cette planète.
J’ai voulu essayer de comprendre alors je me suis levée
de mon fauteuil pour voir de plus près Loana, à quoi ça sert un lofteur, à quoi ça sert un
attentat et là: im-mo-bi-li-sée… Depuis ce jour du journal télévisé je suis
IMMOBILISEE. Depuis ce jour où je me suis mise dans la tête de comprendre la
planète
Je prends racine. Je pousse. Je grandis. Je prends racine au 20 rue Muller devant ma
télévision.
Et plus je me pose des questions plus mes racines s’allongent.
Le sol est troué. Heureusement, il n’y a personne qui habite en dessous et personne au
dessus.
Plus mes racines s’allongent plus ma tête se redresse bien sûr. Comme un arbre. Je me
transforme en arbre mais un arbre humain quoi. Un géant.
Il m’est déjà poussé un bras supplémentaire: c’est que . Je vois plein d’émissions. Depuis
que je suis plantée. Devant la télévision. Il y a des programmes qui me font pousser de
cris heu non. Non …non… Des racines. Parce que. Je reste sans voix. Devant la
télévision.
L’autre jour il y avait SAGA. Et je voyais une princesse qui expliquait qu’il fallait avoir
son style bien à soi pour s’habiller, qu’il fallait mélanger la mode et aussi qu’il ne fallait
pas avoir peur de prendre des risques avec l’argent.
Ah oui et aussi à SAGA, j’ai vu LOVA MOOR faire ses courses dans son nouveau
quartier.
Bien sûr d’apprendre de telles nouvelles m’a fait pousser trois racines. Je me suis
enfoncée.
J’ai touché le premier étage.
C’est dommage, comme je suis, au début de cette aventure, restée plantée sans la
télécommande dans les mains, je ne peux pas changer de chaîne. Je peux quand même
suivre l’avenir des lofteurs. De temps en temps. D’ailleurs quand j’ai su que Christophe
avait rencontré la mère de Julie, j’ai pris deux têtes et une racine: très longue celle là.
C’est sûrement la plus longue qui me soit poussée aussi rapidement. Cette racine est
descendue jusqu’à la porte de Clignancourt.
Je pourrais être inquiète de mon sort. Mais non. Je ne réalise pas vraiment. J’ai
l’impression que je vais englober le monde. Je me transforme en gigantesque baobab
pour observer la loft planète.
Je m’demande si c’est pas moi qui annonce la fin du monde. C’est sûrement DIEU. Qui
m’envoie. Inaperçue sous forme de tronc de baobab aux branches démesurées. DIEU
m’a plantée devant la télévision pour que je puisse manger à ma faim. IL est vraiment
sympa DIEU.
Je sens que mes racines se fortifient. Elles fabriquent une substance.
Juste après LOVA MOOR c’était un programme sur l’excédent de natalité féminine en
Chine. Des bébés filles dans le caniveau qu’ils nous ont montrés. Dommage qu’ils n’aient
pas passé ça avant avec tous les nounours qu’il y a elles auraient été drôlement contentes
les gamines!
7
Ça a été un vrai fortifiant pour mes racines ce flash. Elles ont épaissi. Je les sens comme
les mamelles d’une vache. Il faudrait qu’on me traie.
Mon feuillage est déséquilibré.
Heureusement, j’ai le fluidifiant qu’il me faut au bon moment: la baronne de
Bronsteterre qui avoue une petite faiblesse pour un collier de 3 millions de francs:
C’est pour mettre le jour du bal de la Croix rouge. (Elle m’a trait les racines dis donc la
baronne elle est arrivée à temps!)
Mes racines s’allongent elles deviennent des tentacules. Elles s’allongent s’allongent. Je
sens mon tronc qui s’imprime dans le sol et de mon tronc sortent des tentacules aux
piqûres anesthésiantes.
J’aurais pu m’endormir. Devant la télévision. Mais non. Je me DEVELOPPE.
Mon tronc est tellement puissant. AAAAHHH. J’ai une racine sur chaque pays. J’ai
envie d’injecter c’est plus fort que moi c’est jouissif faut qu’ j’éjacule. Un p’tit coup sur
la Russie. HOH. Anesthésiée la population. Un jet sur l’Angleterre. Dommage, j’ai pas
assez de finesse dans mes tentacules, j’aurais bien piqué la baronne en solo.
Tel un boa, j’enveloppe, je caresse l’Espagne, l’Italie, l’Europe du sud, l’Afrique. AAH
je serre, j’enserre, j’anesthésie les affamés. Il me pousse maintenant des ventouses je les
glue sur la Chine, j’absorbe la surcharge de natalité. Ils auront plus besoin de jeter les
filles dans le caniveau. J’éclabousse le Pakistan, le Moyen Orient c’est DIEU qui
commande mes ventouses. Il comprend pas c’que c’est religion DIEU.
Je suis enracinée. Je suis enracinée dans la loft planète et j’ai toujours pas compris à
quoi sert un attentat alors j’endors, je berce. D’un coup de tentacule j’anesthésie les cow
boys du rêve effondré. Je sauve le monde. J’annonce la fin du monde. Je suis un baobab
aux tentacules piétries de ventouses berceuses à la DHEA. J’euphorise la loft planète.
L’immortelle télé diffuse ses énièmes infos: en Irlande ils ne peuvent pas faire la rentrée
des classes catholiques et protestants ont l’air de mal s’entendre décidément je ne
comprendrai jamais cette planète: injection votre HONNEUR! N’ayez plus peur les
enfants nounours est passé tout le monde s’endort.
Sauf cette télé. Je ne peux pas stopper ces exhibitions. Mes racines sont plantées trop
profond. Je ne pourrai jamais atteindre l’écran.
Je n’en peux plus, je veux retrouver mes frères les arbres Je veux assister au plus vite à
l’incinération de mes frères cramoisis par les bombes.
Cette télé me fait trembler d’indigestion. Je claque des écorces. Je m’ébranle. La sève
me remonte jusque dans les branches mes artères s’embuent.
J’ai mal aux feuilles.
La sève remonte. Je vibre. Je tremble. Ma sève remonte. Ma sève dégouline...
8
Eh Oh, j’ai plus d’image;
Qu’est-ce qu’y se passe?
Ils font chier avec leurs grèves!... Mais qu’est-ce qu’elle a elle crépite.
Merde le loft la finale de Loana!
Mais c’est pas vrai. CHIOTTE!
... Elle marche plus cette télécommande. Y a rien qui marche dans cette baraque!
... ben elle se fissure mais qu’est-ce qu’elle a? ...
Elle va pas me lâcher maintenant! Qu’est ce que je vais faire avec les gosses?
Ah ben tiens ... Y’a Loana...
Mais, on dirait qu’elle est en vrai dis-donc.
Ben, j’suis en direct ou quoi?
9
Face à moi, il reste LOANA. La rescapée du loft. Je suis un arbre aux milles racines. J’ai
broyé la terre pour sauver la planète mais LOANA a résisté.
Elle est là face à moi elle me dit que Jean-Edouard lui manque et que si je suis l’envoyée
de DIEU je peux le ressusciter. Il m’en pousse un nouveau bras. Je l’attrape dans mes
tentacules mais elle est inécrasable LOANA. D’ailleurs, j’ai endormi 600 millions
d’humains avec mes racines berceuses mais elle. LOANA, est insomniaque. Elle grimpe
aux arbres!
Je ne suis pas un arbre meurtrier mais là elle m’énerve.
Je vais la tuer exprès. Pas pour sauver le monde pour me sauver moi. Je lui fourre des
feuilles dans la bouche elle a trop de rouge à lèvre la garce les feuilles m’en tombent!
C’est un combat dont je me serais passée: tant pis je l’étouffe de mes branches il faut
encore qu’elle ait des colliers Christian Dior autour du cou à quoi ça rime? Cette fois ça
me fait sortir trois racines je reprends des forces. Je lui fais quand même le baptême de
mes écorces pour qu’elle aille en paix! PETASSE!
( Silence).
Ça y est c’est l’apocalypse. Je suis un baobab survivant de la terre. J’ai résisté aux
médias. Ouf, je respire.
( Silence).
... Mais là... Qui me gratte les racines et me les rétracte?
NON!... La directrice de casting des lofteurs:
Sa grosse voix me demande de l’allumer de lui montrer comment la séduire.
“Fais moi un streap-tease Anna la Sainte, l’envoyée de DIEU! Allez vas-y fais comme si
j’étais ton mec!”
Les branches m’en tombent, mon feuillage s’asphyxie. Mes racines se rétractent.
J’ai l’impression que je me transforme en rosier mais j’ai plus mes épines. Je dégringole
devant la directrice de casting des lofteurs qui se masturbe devant ce streap-tease. Je
suis effeuillée, ébranchée. Je suis un arbre en hiver, grippé, sans force.
Je n’existe plus...
DIEU, qu’est-ce que tu fous bon-sang?
10
Je suis perdue.
Je suis déracinée - comme un arbre- je n’ai plus de repère.
Je suis un arbre égorgé dans une forêt sans enfants - impuissante - impuissante.
Je suis perdue.
Je suis déracinée.
Je suis un arbre sans écorces,
égratignée par les hommes qui font de moi du papier,
Du papier pour écrire,
Du papier pour pénaliser les déjà pénalisés de la vie,
Du papier d’identité,
Du papier d’invalidité,
Du papier pour reconnaître
ceux que l’on ne voit plus,
Du papier tamponné,
Du papier chiffré...
Je suis devenue un bout de papier
Numéroté - surtout numérotéJe suis un arbre transformé en bout de bois,
en bout de bois qui flambe dans les maisons refroidies par les hommes au coeur appauvri.
Je suis un arbre transformé en bout de bois pour réchauffer
l’âme des hommes endormie;
je flambe,
pour allumer les veines anesthésiées des rues de la vie.
Je suis un arbre coupé en bout de bois par des hommes qui me brûlent pour réchauffer leur
âme gelée;
leur âme gelée d’avoir éteint et fait griller leur semblable avec le bout de bois...
Que je suis devenue.
Ainsi,
Je suis consommée par la vie.
Je suis perdue.
Je suis déracinée.
Je suis un arbre transformé en chaise,
je suis écrasée par le poids d’une personne trop lourde
Les gens s’assoient sur moi à tour de rôle
les gens font des jeux de rôle avec la petite chaise que je suis devenue.
Je ne vois pas les gens qui m’écrasent
Je sens leurs fesses
je suis aveuglée.
J’étouffe je suis étranglée.
Laissez moi crier gens qui usez de mon état d’attente.
Il me reste un bout d’âme
pour être assez perdue
Je ne sais pas où je vais, je ne sais pas où je suis, je ne sais pas d’où je viens.
Ste mère de LA ROCHELLE, j’ai cru que j’avais retrouvé mes racines
oui elles sont chez toi ma LA ROCHELLE...
Mais ma racine d’amour elle est où?
J’étouffe,
les livres les tables les chaises les gens autour de moi m’empêchent de hurler
la vie m’empêche de vivre. AAAAAHHHH. ( Elle crie).
On m’a arrachée.
Comme on arrache un arbre à sa terre.
Je suis écartelée comme cette arbre immense que j’ai vu pleurer le jour de son abattage.
11
J’avais mal pour toi mon arbre,
mais dans mon âme enfantine je me résignais à l’idée qu’il me faudrait bien un jour
une table pour manger quand je serai grande.
Tu vois mon arbre,
je suis perdue comme toi aujourd’hui, triste comme ta forêt.
J’ai un membre arraché.
Mais ai-je seulement eu un membre enraciné
avant?
J’ai entendu ton petit couinement mon arbre,
et je l’entends encore...(elle couine ).
Tu essayais de ne pas faire de bruit parce que les bûcherons ils auraient cru qu’ils avaient trop
bu.
Ça n’existe pas un arbre qui crie.
Mais moi je t’entendais et je voulais qu’ils aillent plus vite pour que tu souffres moins et
c’était trop long trop long.
Tout comme ma douleur aujourd’hui,
et je suis comme ta forêt,
perdue sans mon arbre.
Mon arbre amour est devenu une petite chaise en attente.
Je suis comme une forêt qui a vécu le drame d’un arbre assassiné.
J’ai vu tes racines s’arracher de la terre mon arbre, aujourd’hui encore c’est un cauchemar
aujourd’hui encore je voudrais que tu revives
en grand homme,
Mon arbre.
Et puis tu es tombé. SCHLACK!
D’un coup sec.
Et j’ai pleuré,
pleuré,
et j’ai crié
comme si j’avais été impressionnée par ta grande amplitude parce que:
on crie pas pour un arbre qui tombe.
J’ai prié,
pour que tu repousses comme si de rien n’était.
J’ai prié, je t’ai fait la causette mon arbre,
je t’ai appelé papa, mon arbre:
“papa, papa, papa, papatooo, papa.”
Mais tu n’as pas repoussé comme si de rien n’était.
Et c’est moi qui suis esseulée sans tes branches.
Mais tu es là quand même,
en petits morceaux d’arbre.
Et je suis une forêt humide de la sale vie des hommes.
Je suis écorchée.
Je suis égorgée de ton assassinat.
Je suis une petite brindille perdue dans le bois des hommes.
J’ai la trouille mon arbre.
Ne m’laisse pas
M’abandonne pas je suis ta fille de forêt.
12
Mon arbre,
Que tu sois devenu chaise,
table,
ou bois pour la cheminée,
je t’aime.
Si petit tu sois,
tu restes mon souffle.
Je respire ton feuillage
et m’accroche
à tes branches.
Et je me cache encore derrière ton tronc,
pour faire des blagues
aux écureuils.
Mon arbre
Reste,
le plus longtemps possible
la petite chaise sur laquelle je viendrai m’asseoir
Quand je serai lasse
de courir après les êtres
Quand je serai lasse
de n’avoir pas d’amour.
Mon arbre
Reste,
encore la petite branche
dans laquelle je ferai mon nid
quand je n’aurai plus d’abri.
Mon arbre
Reste,
le plus longtemps possible
la petite chaise d’un détour vers la chaleur
humaine
de ma tendre famille,
la forêt.
13