EMMANUEL CEYSSON

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EMMANUEL CEYSSON
EMMANUEL CEYSSON
Interview // Février 2012
Musicien classique au XXI siècle, quel est ton état d’esprit présent ?
- Enthousiaste de pouvoir vivre de ma passion et de la faire partager au plus grand monde.
- Ambitieux de faire connaitre la harpe et de la faire à nouveau passer au premier plan de la scène musicale classique
- Fier de défendre un répertoire méconnu mais extrêmement riche de couleurs et de sonorités extraordinaires
Qu’est-ce qui t’as motivé à choisir cet instrument ?
- Tout d’abord, le son, quand j’ai commencé l’éveil musical à 6 ans : je suis tombé amoureux du Concerto pour flûte et
harpe de W.A Mozart. C’était une forme d’évidence : ce timbre, cette résonnance, ces arpèges faisaient écho en moi
comme aucune musique auparavant.
- Plus tard, c’est la sensualité du rapport entre le musicien et la harpe qui m’a conforté. Plus que dans n’importe quel
instrument, le son de la harpe nait d’un rapport charnel : d’abord grâce au contact entre la corde et la pulpe du doigt,
ensuite dans le geste symbolique d’embrasser l’instrument, qui devient alors une confidente, une maîtresse…
Quel a été le souvenir le plus marquant depuis ton début de carrière de soliste ?
Beaucoup de souvenirs me viennent en tête, à chaque fois associés à des lieux ou à des personnes pour qui j’ai un
attachement particulier… Mais si je devais choisir le souvenir le plus marquant, j’en choisirais un assez récent : mes
débuts à la Philharmonie de Berlin dans le Concerto pour Harpe de Ginastera en Janvier 2012. Cette salle, conçue sous
l’impulsion d’Herbert Von Karajan possède une âme particulière : le musicien soliste s’y sent à la fois tout petit car au
centre de l’attention du public, comme dans un stade de football !... mais également très ‘grand’ du fait d’être porté par
l’histoire et la magie de ce lieu, dont l’acoustique est tout simplement extraordinaire.
Le plus grand risque que tu aies pris dans ta carrière ?
Pour un soliste, le plus grand risque c’est de ne pas en prendre. Pour se dépasser, pour aller plus loin dans une
interprétation, il faut savoir se remettre en question et prendre des risques. C’est ce que je dis souvent à mes élèves en
Master Class : « Ne restez pas dans votre zone de confort! Lâchez-vous, faites des propositions, osez des choses
nouvelles… » Sans prise de risque, je ne me serais sans doute jamais présenté au concours de l’ARD en 2009, je ne me
serais jamais lancé dans l’enregistrement d’un disque de Fantaisies d’Opéra, et je n’aurais certainement pas écrit ma
Paraphrase sur Carmen… A bien y réfléchir, quand je pense également à mes programmes de récital, la question à me
poser devrait plutôt être l’inverse ‘T’arrive-t-il de ne pas prendre de risques ?’ !!
Ton plus grand regret?
Beaucoup de remises en question mais jamais de regrets. Cela ne sert à rien.
Le don que tu aimerais avoir ?
L’ubiquité. Être sur scène en récital, tout en voyageant au bout du monde…
Ta vertu préférée?
L’honnêteté
La qualité que tu admire le plus chez un homme?
La sensibilité.
La qualité que tu admire le plus chez une femme?
Le courage.
Pour toi, Musique rime avec...
"Emotions" : en fermant les yeux et en écoutant de la musique on est immédiatement transporté : vers un souvenir, vers un
fantasme, vers un ressenti très personnel… La musique est un vecteur d’émotions tellement puissant qu’elle peut même
altérer notre perception de la réalité : avez-vous déjà fait le test d’un même trajet de métro avec ou sans musique dans les
oreilles ? Le souvenir qu’il en reste en est tout autre… Cette approche me fascine tout particulièrement dans le cinéma :
j’ai eu la chance et le plaisir de travailler sur des bandes originales de long-métrages aux côtés d’Eric Serra ou de
Nathaniel Mechaly et il est stupéfiant de voir à quel point la musique peut modifier la perception globale d’une scène.
Pour toi, la vraie virtuosité c'est...
Le mix parfait entre musicalité, technique et engagement
Tes compositeurs préférés sont...
En dehors de Bach que je vénère, Wagner et Strauss (Richard) dont j’admire le sens de l’orchestration et l’écriture
mélodique, mes compositeurs préférés appartiennent à la mouvance ‘impressionniste’ apparue à la fin du XIXe siècle :
Debussy, Ravel, Tournier… J’aime leurs recherches de couleurs, leur écriture imagée fourmillant de sensations. Je
trouve que leur style convient à merveille à la harpe : la palette des nuances et des sons de notre instrument parvient à
renforcer le potentiel poétique et sensoriel de cette musique.
Tes « modèles » harpistes ?
Lily Laskine pour la passion et l’énergie, Marcel Grandjany pour l’intelligence musicale et la sonorité, Carlos Salzedo
pour la vision et enfin Nicolas Bochsa pour la destinée romanesque…
Quelle place tient l’enseignement dans ta carrière ?
A l’instar de mes maitres Germaine Lorenzini, Isabelle Moretti et Christophe Truant, je ne me sentirais pas entier si je
n’enseignais pas. Enseigner, c’est d’abord se confronter à soi-même : ré envisager les principes que je m’applique à
travers la main et le corps de l’élève, son naturel étant forcément différent du mien. Le rôle du professeur est celui d’un
guide, d’un accompagnant. Le cours devient alors le lieu d’une réflexion sur la technique, la musique, un échange
bénéfique aux deux partis, dont la finalité est l’autonomie de l’élève face à la musique et à son instrument.
Tes héros dans la vraie vie?
Les précurseurs : inventeurs, artistes, créateurs qui ont su, en étant souvent en avance sur leur temps, faire évoluer le
monde ou leurs disciplines : Léonard de Vinci, Bach, Verlaine, Picasso, ou plus près de nous un chorégraphe comme
Mats Ek.
Ton film, chanson et livre préféré ?
- Film : je suis un grand amateur de cinéma asiatique : des films d’animation japonais de Miyazaki (mon préféré étant Le
Voyage de Chihiro) en passant par les films d’angoisse coréens (A tale of 2 sisters, Lady Vengeance…) ou les films
d’arts martiaux chinois (La cité interdite, Le secret des poignards volants). Par ailleurs, je l’avoue, j’ai aussi un faible
pour les séries tv américaines (Glee, Damages, Breaking Bad…)
- En matière de littérature, là encore le Japon m’attire inexorablement : notamment à travers les œuvres de Haruki
Murakami (Chronique de l’oiseau à ressort) ou de Yukio Mishima (La mer de la fertilité).
- Une chanson : Human Nature de Michaël Jackson, ou des grands classiques de Broadway (West side story, Billy Elliot)
Comment faut-il s’y prendre pour te séduire?
En me faisant voyager : au sens littéral comme au figuré. Je suis curieux de découvrir des cultures nouvelles, en me
rendant sur place quand c’est possible, mais aussi et surtout au détour d’œuvres d’art, de musiques traditionnelles, ou, et
c’est de loin ce que je préfère, en expérimentant les cuisines du monde.
Ton pire défaut ?
Euh…… Mieux vaut le demander à mon entourage… A ce qu’il parait, la gourmandise mise à part, j’aurais vaguement
entendu dire que je suis désordonné… Franchement, je ne sais pas d’où ça vient et je donnerais peu de crédit à une telle
rumeur !!! (rires)
Tes 3 œuvres pour harpe préférées :
C’est une question très difficile… il y a beaucoup plus de 3 œuvres qui me viennent en tête spontanément…
Je dirais :
- le Concerto de Glière, qui montre une harpe puissante, et qui fleure bon la musique romantique Russe, bien qu’il ait été
écrit en plein soviétisme !
- Introduction & Allegro de Ravel, la seule œuvre soliste qu’il ait écrite pour la harpe, un vrai trésor de la musique de
chambre.
- Images, de Marcel Tournier, petits bijoux impressionnistes qui exploitent au mieux les possibilités de l’instrument, tous
empreints d’une grande sensibilité.
Ton ambition pour les années à venir ?
- Réussir le lancement de mon prochain disque soliste et entamer la réflexion sur le contenu des prochains
- Essayer de faire résonner et respecter la harpe en dehors de son petit cercle d’amateurs initiés (notamment en France)
- Internationaliser ma carrière là où je ne me suis encore jamais produit : Asie, Australie, Afrique du Sud…
Que voudrais-tu que les gens disent de toi?
Que j’ai défendu et j’espère aidé à promouvoir la harpe, permis au grand public de s’y intéresser de plus près et que j’ai
été inspirant pour les générations de harpistes à venir.
Une chose que les gens ne peuvent pas savoir de toi…
J’aime beaucoup cuisiner. Il m’arrive de passer des après-midi entières en cuisine pour réaliser un plat à partager avec
ceux que j’aime ! Si la musique ne m’avait pas appelée, j’aurais certainement essayé d’être chef (et pas d’orchestre !). Je
suis aussi un grand amateur de jeux vidéo. Pour moi, c’est une forme d’art au même titre que le cinéma, et prendre part à
un scenario bien ficelé, dans un univers graphique original, accompagné de belles musiques est toujours un réel plaisir…
Ta devise ?
"Gnothi Seauton ", c’est-à-dire "Connais-toi, toi-même".
*******
Propos recueillis en Février 2012 par l’agence Colagene.

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